les mangroves du vietnam du sud : histoire récente ...bft.cirad.fr/cd/bft_273_31-42.pdf ·...

12
BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2002, N° 273 (3) 31 VIETNAM DU SUD / MANGROVES DOSSIER Les mangroves du Vietnam du Sud : histoire récente, dynamique actuelle et perspectives Sonneratia alba en front de mer, péninsule de Ca Mau. Sonneratia alba on the seafront, Ca Mau peninsula. Photo F. Fromard, 1997. Dans l’écosystème mangrove du Vietnam du Sud fortement perturbé, des faits permettent cependant d’envisager une reconquête ponctuelle et progressive de la mangrove : faciès de régénaration en marge des reboisements de Rhizophora apiculata, mise en place de réserves naturelles et de plans de gestion raisonnés, développement de systèmes intégrés sylviculture- aquaculture. François Fromard CNRS-université Paul-Sabatier Laboratoire d’écologie terrestre 13, avenue du Colonel-Roche BP 4072 31029 Toulouse Cedex 4 France Lê Công Kiêt Université des sciences naturelles Département de botanique et écologie 227, rue Nguyen Van Cu 5 e arrondissement Hô Chi Minh-Ville Vietnam

Upload: others

Post on 04-Mar-2020

1 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: Les mangroves du Vietnam du Sud : histoire récente ...bft.cirad.fr/cd/BFT_273_31-42.pdf · farming. The destruction of mangrove swamps has been especially notice-able in the Ca Mau

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 2 , N ° 2 7 3 ( 3 ) 31VIETNAM DU SUD / MANGROVES

DOSSIER

Les mangroves du Vietnamdu Sud : histoire récente,

dynamique actuelle et perspectives

Sonneratia alba en front de mer, péninsule de Ca Mau. Sonneratia alba on the seafront, Ca Mau peninsula. Photo F. Fromard, 1997.

Dans l’écosystème mangrove duVietnam du Sud fortement perturbé, des faitspermettent cependant d’envisager une reconquête ponctuelleet progressive de la mangrove : faciès de régénaration en marge des reboisements de Rhizophora apiculata,mise en place de réserves naturelles et de plans de gestionraisonnés, développement de systèmes intégrés sylviculture-aquaculture.

François Fromard

CNRS-université Paul-SabatierLaboratoire d’écologie terrestre13, avenue du Colonel-RocheBP 407231029 Toulouse Cedex 4France

Lê Công Kiêt

Université des sciences naturellesDépartement de botanique et écologie 227, rue Nguyen Van Cu5e arrondissement Hô Chi Minh-VilleVietnam

Page 2: Les mangroves du Vietnam du Sud : histoire récente ...bft.cirad.fr/cd/BFT_273_31-42.pdf · farming. The destruction of mangrove swamps has been especially notice-able in the Ca Mau

RÉSUMÉ

LES MANGROVES DU VIETNAM DUSUD : HISTOIRE RÉCENTE, DYNA-MIQUE ACTUELLE ET PERSPECTIVESAu Vietnam du Sud, l’écosystèmemangrove est actuellement fortementperturbé. Depuis une cinquantained’années, il a subi successivement :des pratiques sylvicoles inadaptéesqui ont favorisé la monoculture deRhizophora apiculata, aux dépens dela biodiversité originelle ; une des-truction chimique de la végétation etdes sols par épandage de défoliantsau cours de la guerre du Vietnam ; ledéveloppement incontrôlé de la cre-vetticulture. La destruction de la man-grove a été particulièrement impor-tante dans la péninsule de Ca Mau,où les faciès de végétation primaireont maintenant quasiment disparu.S’appuyant sur des informationsbibliographiques et sur des donnéesrécentes de terrain, les auteurs analy-sent l’évolution de la mangrove sud-vietnamienne au cours des cinquantedernières années. Ils décrivent et éva-luent la situation actuelle de l’écosys-tème en termes de perte de surface,de biodiversité et de modificationdes conditions environnementales.Cependant, la présence, bien queencore ponctuelle, de faciès de régé-nération en marge des reboisementsde R. apiculata, la mise en place deréserves naturelles et de plans degestion raisonnés, le développementde systèmes intégrés sylviculture-aquaculture permettent d’envisagerune reconquête partielle et progres-sive de la mangrove dans certainssecteurs de la péninsule de Ca Mau etdu delta du Mékong.

Mots-clés : mangrove, perturbation,défoliant, restauration, biodiversité,Vietnam du Sud.

ABSTRACT

MANGROVE SWAMPS IN SOUTHVIETNAM: RECENT HISTORY,CURRENT DYNAMICS, ANDPROSPECTSIn South Vietnam, the mangroveecosystem is currently conspicuouslydisturbed. For the past fifty years orso, it has been successively subjectto: unsuitable silvicultural practiceswhich have encouraged the monocul-ture of Rhizophora apiculata, to thedetriment of the original biodiversity;chemical destruction of vegetationand soil by the spraying of defoliantsduring the Vietnam war; and theuncontrolled development of shrimpfarming. The destruction of mangroveswamps has been especially notice-able in the Ca Mau peninsula, wherethe features of primary vegetationhave now more or less vanished.Based on bibliographical informationand recent field data, the authorsanalyse the evolution of SouthVietnamese mangrove swamps overthe past fifty years. They describe andassess the present-day situation ofthe ecosystem in terms of area loss,biodiversity and altered environmen-tal conditions. However, the albeitspecific presence of regeneration fea-tures on the edge of replanted areasof R. apiculata, the establishment ofnature reserves and rational manage-ment plans, and the development ofintegrated silvicultural and fish-farm-ing systems mean that we can envis-age a particular and progressivereconquest of mangrove swamps incertain parts of the Ca Mau peninsulaand the Mekong delta.

Keywords: mangrove swamp, distur-bance, defoliants, restoration, biodi-versity, South Vietnam.

RESUMEN

LOS MANGLARES DE VIETNAMDEL SUR: HISTORIA RECIENTE,DINÁMICA ACTUAL Y PERSPECTIVAS En Vietnam del Sur, el ecosistema demanglar está actualmente muy per-turbado. Desde hace aproximada-mente cincuenta años, ha sufridosucesivamente unas prácticas silvíco-las inadecuadas que favorecieron elmonocultivo de Rhizophora apiculataa costa de la biodiversidad original;una destrucción química de la vegeta-ción y los suelos por esparcimientode defoliantes durante la guerra deVietnam; el desarrollo incontroladode la cría de gambas. La destruccióndel manglar fue especialmente impor-tante en la península de Ca Mau, endonde las facies de vegetación prima-ria prácticamente ya han desapare-cido. Basándose en informacionesbibliográficas y en recientes datos deterreno, los autores analizan la evolu-ción del manglar survietnamitadurante los cincuenta últimos años.Describen y evalúan la situaciónactual del ecosistema en términos depérdida de superficie, biodiversidad ymodificación de las condicionesmedioambientales. Sin embargo, lapresencia, aunque aún aislada, defacies de regeneración al margen delas repoblaciones de R. apiculata, elestablecimiento de reservas natura-les y planes de manejo razonados y eldesarrollo de sistemas integrados sil-vicultura-acuicultura permiten preveruna reconquista parcial y progresivadel manglar en algunos sectores de lapenínsula de Ca Mau y del Delta delMekong.

Palabras clave: manglar, perturba-ción, defoliante, restauración, biodi-versidad, Vietnam del Sur.

32 B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 2 , N ° 2 7 3 ( 3 )

MANGROVES / SOUTH VIETNAMDOSSIER

François Fromard

Lê Công Kiêt

Page 3: Les mangroves du Vietnam du Sud : histoire récente ...bft.cirad.fr/cd/BFT_273_31-42.pdf · farming. The destruction of mangrove swamps has been especially notice-able in the Ca Mau

Le Vietnam, marqué par une his-toire récente douloureuse, est sou-mis aujourd’hui aux effets d’une pres-sion démographique forte et à deschangements économiques rapideset profonds. Son environnement aainsi été très perturbé au cours descinquante dernières années et la cou-verture forestière, qui représentait50 % du territoire en 1950, a forte-ment régressé, pour ne concerneraujourd’hui qu’environ 10 % du pays.Les trois grands biomes forestierscaractéristiques du Vietnam ont étéaffectés :

▪ dans les zones de plaine et decolline, la forêt primitive climacique àdiptérocarpacées est maintenant rareet ne subsiste que dans quelquessecteurs protégés (parc de Nam CâTien) ;

▪ les forêts primaires d’altitudereculent et se fragmentent devantl’avancée des cultures (thé, café) etdes reboisements en pins (massifs duBi Doup, du Lang Bian) ;

▪ enfin, l’écosystème mangrovea été sans doute le plus fortementperturbé, à tel point qu’il est difficileaujourd’hui d’y retrouver des facièsde végétation primaire.

Cette transformation des pay-sages vietnamiens signifie aussi unedégradation importante des sols, uneaugmentation des phénomènes deruissellement et d’inondation, deschangements climatiques régionauxencore difficilement appréciables,enfin une atteinte souvent irréver-sible à la diversité végétale et ani-male. Une politique de préservationet de restauration des milieux natu-rels se met en place peu à peu dans lepays, et c’est dans cette perspectiveque s’est située notre démarched’évaluation de la biodiversité desécosystèmes forestiers du Vietnam,appliquée plus particulièrement auxforêts de montagne et aux man-groves.

Nous traiterons, dans cet article,de l’histoire récente des mangrovesdu sud du Vietnam, de leur dyna-mique actuelle et des perspectives derecherche dans ce domaine.

Des chiffrescontradictoiresmais un recul

indéniable

Si les mangroves sont présentesdu nord au sud du pays le long de ses3 200 km de côtes, elles y sont répar-ties très inégalement, et c’est dans larégion du delta du Mékong et de lapresqu’île de Ca Mau au sud qu’ellesse développent préférentiellement.C’est dans cette région aussi que lesconditions écologiques sont les plusfavorables : une température moyen-ne annuelle de 27 °C, avec 2 500 mmde hauteur de pluie annuelle, unesédimentation très active sous l’in-fluence des apports du Mékong, unecirculation des eaux douces et saléesfavorisée par un réseau dense derivières et de canaux. De plus, situéeà proximité du centre de spéciationsupposé des palétuviers (péninsuleindo-malaise) qui ont pu parvenir jus-qu’au sud du Vietnam grâce aux cou-rants marins favorables, cette régionbénéficie d’une biodiversité particu-lièrement riche. Sur les 34 espèces

strictement inféodées à la mangrovedans ce pays, 33 sont présentes dansla zone sud, alors que 15 seulementcaractérisent les mangroves de larégion nord. Ainsi, des espècesimportantes pour les mangroves dusud comme Avicennia alba, A. offici-nalis, Rhizophora apiculata, R. mucro-nata, Ceriops tagal, C. decandra sonttotalement absentes des mangrovesdu nord. Les températures hivernalesbasses et les eaux froides du golfe duTonkin limitent la survie des propa-gules1 qui auraient pu atteindre cesrégions (Hong, San, 1993 ; Spalding

et al., 1997). Au Vietnam, les surfaces recou-

vertes par cet écosystème sont diffi-ciles à établir, tant celles-ci ontrégressé au cours du temps, et du faitégalement des conceptions diversesqu’ont pu avoir de la mangrove lesauteurs qui s’y sont intéressés : priseen compte ou non des formations

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 2 , N ° 2 7 3 ( 3 ) 33VIETNAM DU SUD / MANGROVES

DOSSIER

Introduction

1 Les palétuviers ont pour la plupart unereproduction de type vivipare. La plantule sedéveloppe dans le fruit alors que celui-ci estencore attaché à l’arbre. Le fruit germé libéré, oupropagule, caractérisé par un hypocotyleproéminent chez les rhizophoracées, constituel’organe de dissémination.

Jeune plantation de Rhizophora apiculata. Presqu’île de Can Gio. Young Rhizophora apiculata plantation. Can Gio peninsula. Photo F. Fromard, 1997.

Page 4: Les mangroves du Vietnam du Sud : histoire récente ...bft.cirad.fr/cd/BFT_273_31-42.pdf · farming. The destruction of mangrove swamps has been especially notice-able in the Ca Mau

marécageuses à Melaleuca, des peu-plements à palmier Nypa, des vasièresnues non encore végétalisées, etc. Lesméthodes d’évaluation et les outils demesure ont aussi évolué, depuis lespremiers recensements effectués surla base de plans d’aménagementsforestiers jusqu’à l’utilisation de pho-tographies aériennes puis à celle desdonnées de la télédétection satelli-taire.

Au Vietnam du Sud, ce sont lesforestiers français, établissant desplans de gestion pour les mangrovesde la péninsule de Ca Mau, qui en ontdonné les premiers chiffres. Ainsi,Maurand (1943) a établi que, sur les450 000 ha que comptaient les man-groves dans les années 1940 en ex-Indochine (Vietnam, Cambodge),celles du bassin du Mékong représen-taient près de 330 000 ha, dont200 000 ha pour la seule péninsulede Ca Mau. Dans ces surfaces étaientincluses les mangroves proprementdites (« formations de palétuvierssoumises à l’action des marées »)mais aussi les forêts marécageusesd’eau douce à Melaleuca, situées au-delà de la limite d’influence desmarées. En 1950, Moquillon évalue à150 000 ha la mangrove « d’un seultenant » de la péninsule de Ca Mau.Rollet (1962), à partir de l’étude dephotographies aériennes prises en1952 et 1953, estimait à 290 000 hales mangroves de cette région, et à190 000 ha les formations inondées àMelaleuca. Vu Van Cuong (1964),dans sa thèse sur les mangroves de larégion de Saigon, considère de lafaçon suivante la distribution desmangroves pour le sud du Vietnam :

▪ 150 000 ha dans la péninsulede Ca Mau, dont 120 000 ha sont clas-sés en réserve forestière ;

▪ 40 000 ha au sud-est de Hô ChiMinh-Ville (Rung Sat, Can Gio), consti-tués de réserves considérablementdégradées ;

▪ 20 000 ha dans différenteslocalités du sud, sans valeur fores-tière reconnue.

En 1983, le Fipi (Forest Inventory& Planning Institute) établit que lesmangroves résiduelles du Vietnam du

Sud représentent 191 800 ha(252 500 ha pour l’ensemble dupays), constituées de formationssecondaires (135 900 ha), de planta-tions (42 000 ha) et de formationsarbustives (13 900 ha), les formationsnaturelles non perturbées n’occupantque des surfaces négligeables.

Enfin, plus récemment, Spal-

ding et al. (1997), cartographiantl’ensemble des mangroves du mondedans le World Mangrove Atlas, don-nent le chiffre de 272 300 ha pourtoute la mangrove vietnamienne. Cesauteurs précisent aussi que celle-ciconsiste essentiellement en des for-mations secondaires arbustives etdes replantations et que plus de100 000 ha de cet écosystème ont étédétruits dans le sud au cours de laguerre récente.

Au-delà de ces chiffres et de leurapparente contradiction, le recul de lamangrove au Vietnam du Sud ainsique sa transformation profonde sontune réalité indéniable, qui s’estaggravée au cours d’épisodes suc-cessifs que nous décrirons ci-des-sous. L’organisation actuelle du pay-sage, la structure et le fonctionne-ment des écosystèmes, leur composi-tion spécifique ne peuvent être analy-sés qu’au travers de ces change-ments ayant affecté et affectantencore cette région.

Des programmesd’aménagement

anciens

Jusqu’en 1928, la mangrove sud-vietnamienne n’est exploitée quelocalement, et différentes espècestiennent une place importante dansl’économie régionale. La mangrovefournit ainsi du bois de feu avecBruguiera gymnorhiza, Avicenniaspp., Ceriops spp., du charbon debois pour des usages domestiquesavec Rhizophora apiculata etBruguiera parviflora, du bois d’œuvreavec plusieurs espèces (Rhizophoraapiculata, Lumnitzera, Bruguieragymnorhiza et parviflora, Avicennia,Excoecaria agallocha). Les écorces deCeriops et de Rhizophora apiculatasont aussi utilisées pour en extraireles tannins (Maurand, 1943). Lesforestiers français, qui avaient mis enplace les premières réserves de man-grove à proximité de Saigon dès 1911,dans un but de protection et de régu-lation des régimes hydriques, ontensuite « découvert » les riches peu-plements de la péninsule de Ca Mau.Un vaste programme d’aménagementy est mis en place en 1934 : de nom-breux canaux y sont creusés (plus de2 200 km jusque dans les années1940), des coupes et des reboise-ments sont planifiés, avec commeobjectif le développement de l’indus-trie du charbon de bois et du tannin

34 B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 2 , N ° 2 7 3 ( 3 )

MANGROVES / SOUTH VIETNAMDOSSIER

Plantation adulte de Rhizophora apiculata. Péninsule de Ca Mau. Adult Rhizophora apiculata plantation. Ca Mau peninsula. Photo F. Fromard, 1997.

Page 5: Les mangroves du Vietnam du Sud : histoire récente ...bft.cirad.fr/cd/BFT_273_31-42.pdf · farming. The destruction of mangrove swamps has been especially notice-able in the Ca Mau

(Moquillon, 1950). En 1943, douzeréserves couvrant près de 210 000 haau total sont établies dans la pénin-sule de Ca Mau et deux espèces ysont particulièrement privilégiées :Rhizophora apiculata (« duoc »),traité en régime de futaies pleinesdans lesquelles toutes les essencesannexes sont éliminées, et Ceriopsspp. (« dà »), établi en peuplementsjardinés. Près de 40 000 ha de man-grove sont ainsi reboisés jusque dansles années 1950 avec ces deux palé-tuviers.

Les forestiers s’attachent égale-ment à reconstituer les formationsmarécageuses d’arrière-mangrove àMelaleuca leucodendron (« tràm ») etAlstonia spatulata (« môp »), tradi-tionnellement utilisées dans la pénin-sule de Ca Mau (constructions, pieuxde fondation pour le tràm ; flotteursde filets de pêche et diverses utilisa-tions en tant que substitut du liègepour les racines poreuses du môp) eten voie de régression rapide (Mau-

rand, 1943).Ainsi, au début des années 1960,

les mangroves de la péninsule de CaMau étaient constituées majoritaire-ment de plantations monospécifiqueset équiennes de Rhizophora apicu-lata, avec des individus atteignantjusqu’à 30 m de hauteur et 1 m de dia-mètre. La dynamique naturelle de lamangrove se manifestait dans leszones côtières soumises aux proces-sus de sédimentation, en particuliersur la côte est de la péninsule.Avicennia alba, Sonneratia alba etExcoecaria agallocha sont les palétu-viers pionniers de ces formations,dans lesquelles se développentsecondairement Rhizophora apicu-lata, Bruguiera parviflora, Ceriopstagal qui deviendront peu à peu domi-nants. Sonneratia caseolaris et le pal-mier Nypa fruticans colonisent préfé-rentiellement les berges des voiesd’eau, les formations à Phoenix palu-dosa et Acrostichum aureum (fougèrepantropicale des arrière-mangroves)marquant la limite vers l’intérieur desterres de la zone d’influence desmarées. Au-delà se développent lesforêts inondées à Melaleuca.

Dans le delta du Mékong et lapéninsule de Can Gio, forêts deMelaleuca et mangroves à Rhizo-phora constituaient aussi le paysagedominant, selon l’importance respec-tive des apports en eau douce et decelle des marées. Une végétationsecondarisée se développait cepen-dant déjà dans cette région proche deHô Chi Minh-Ville, soumise à unepression anthropique forte et à desprélèvements importants, en particu-lier pour la fourniture de charbon debois (Vu Van Cuong, 1964).

Un paysagebouleversé par lesannées de guerre

Les épandages massifs (cf. enca-dré) d’herbicides et de défoliants pen-dant la dernière guerre du Vietnamont causé des dommages considé-rables dans le sud du pays. Des inven-taires réalisés par photographiesaériennes en 1973 montraient queplus de 100 000 ha de mangrovesavaient été atteints, ainsi que 23 000ha de forêts marécageuses àMelaleuca. Rhizophora et Bruguieraont été les plus sensibles à ces épan-dages et les plus massivementdétruits, alors que Ceriops, Excoecaria

ou le palmier Phoenix paludosa ontmieux résisté. Les Avicennia ont géné-ralement survécu, se redéveloppantpar réitération à partir des troncsdéfoliés, même après les épandagesles plus importants.

Les caractéristiques des sols ontaussi été considérablement modi-fiées, en particulier dans les zonescôtières où les concentrations enpyrites (FeS2) sont naturellement éle-vées. Exposés à l’action directe dusoleil après la destruction de la végé-tation, ils se dessèchent rapidement,

Maison de pêcheur au bord d’une mangrove à Rhizophora apiculata. Ca Mau. Fisherman’s house on the edge of a Rhizophora apiculata mangrove swamp. Ca Mau. Photo F. Fromard, 1997.

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 2 , N ° 2 7 3 ( 3 ) 35VIETNAM DU SUD / MANGROVES

DOSSIER

Épandages massifsOn estime à près de 72 millions delitres la quantité totale d’agents chi-miques déversée par voie aériennesur les forêts du Sud-Vietnam de1962 à 1972, avec une intensité par-ticulière en 1967. Ces produitsétaient constitués d’« agent orange »(mélange à part égale de 2,4-D et2,4,5-T), d’« agent blanc » (acidedéméthylarsénique – cacodylate desodium), particulièrement actifs surles plantes dicotylédones, etd’« agent bleu » (2,4-D Piclorame),plus efficace sur les monocotylé-dones. Ces composés organochloréscontiennent, sous forme d’impureté,de la dioxine, qui apparaît égalementlors de leur combustion, et dont l’ac-tivité mutagène et cancérigène estreconnue (Ross, 1975).

Page 6: Les mangroves du Vietnam du Sud : histoire récente ...bft.cirad.fr/cd/BFT_273_31-42.pdf · farming. The destruction of mangrove swamps has been especially notice-able in the Ca Mau

les composés soufrés oxydés libèrentde l’acide sulfurique, interdisanttoute possibilité de régénération surces sols devenus sulfatés acides.

Le système aquatique a égale-ment été perturbé par le dépérisse-ment de la végétation. Les canaux etles rivières ont vu leur charge orga-nique et leur turbidité augmenter,affectant le développement des phyto-et zooplanctons et des poissons. Lespopulations de crabes sésarmides(Scylla serrata) dont le rôle dans lafragmentation des litières de man-grove est reconnu, et dont l’impor-tance économique est réelle pour leshabitants de la péninsule de Ca Mau,se sont aussi raréfiées. L’ensembledes chaînes trophiques côtières aainsi été durablement modifié.

De nombreux travaux expéri-mentaux ont depuis été réalisés surles possibilités de réhabilitation deces milieux bouleversés et les conclu-sions obtenues sont souvent diver-gentes (Ross, 1975 ; Ramade, 1990).Il est certain, cependant, que la régé-nération sur les surfaces chimique-ment attaquées est encore perturbéeaujourd’hui et que seules des actionsvolontaires de reboisement peuventpermettre la reconquête rapide dumilieu par la mangrove. En lisière desreboisements les plus anciens, onpeut observer, localement, la reprised’un processus de régénération natu-relle, avec le retour de quelquesespèces des mangroves primitives.

Outre les sols, les eaux et lavégétation, il est évident que lespopulations vietnamiennes elles-mêmes ont été fortement contami-nées par ces produits toxiques, dontles effets sont encore très présents,trente années après la fin du conflit.On estime que l’agent orange et ladioxine, concentrés notamment dansles poissons et les crevettes, empoi-sonnent encore aujourd’hui plusieursmillions de Vietnamiens du Sud(Schecter et al., 2000 ; Young, 2001).

La reconquêteforestière du milieu

Dès la fin de la guerre, desactions intensives de reboisementont été entreprises dans l’ensembledu delta du Mékong. Il est difficile detrouver des évaluations précises dessurfaces reforestées, mais on esti-mait à environ 104 000 ha les sur-faces concernées par ces replanta-tions en 1979.

L’espèce majeure des reboise-ments est Rhizophora apiculata, choi-sie pour sa croissance rapide (près de1 m par an en hauteur et 1 cm en dia-mètre pour des individus de 10 à15 ans) et ses utilisations multiples.Les plantations sont réalisées à partirdes propagules vivipares récoltéesdans des peuplements résiduels de larégion. Les plantations de Nypa, oupalmier d’eau, représentent aussi dessurfaces considérables. En arrièredes mangroves, dans les secteurshors d’atteinte des marées mais régu-lièrement inondés par des eauxdouces issues du bassin du Mékong,les reboisements en Melaleuca (myr-tacées) sont très développés, en par-ticulier au nord de la ville de Ca Mau.

Malgré ces efforts de reboise-ment, l’espace forestier ne représen-tait dans les années 1990 qu’unepetite partie du territoire des pro-vinces du sud : une analyse par photo-graphies aériennes dans la provincede Duyen Hai, à l’extrémité de lapéninsule de Can Gio, a montré que

70 % de l’espace était encore nonreforesté en 1988 et constitué deterres cultivées (22 %), de milieuxdégradés (13 %), et de surfaces en eau(31 %). Les plantations de palétuviersreprésentaient 24 % (R. apiculata) etles mangroves naturelles moins de10 %. Dans ces dernières, les forma-tions dégradées à Acrostichumaureum et Phoenix paludosa domi-naient largement, alors que les véri-tables faciès de mangrove à palé-tuviers (Avicennia, Sonneratia)constituaient moins de 3 % de l’en-semble. Parmi les essais de planta-tion, il faut noter le souci de réintro-duction de R. mucronata, espèce quiavait disparu de la région de Can Giodepuis les épandages de défoliantspendant la guerre (FAO, 1993).

De 1979 à 1983, un plan de déve-loppement de la culture du riz et dusoja a été mis en place par le gouver-nement vietnamien, entraînant denouveau le recul des surfaces refores-tées. Ces cultures ont été abandon-nées dans les régions à saison despluies trop brève (nord du delta duMékong) où les productions se sontavérées faibles, entravées par lesremontées salines dans les sédimentsde surface durant les périodes sèches.Plus au sud, dans la péninsule de CaMau où les pluies provoquent un les-sivage important des sols et leur des-salinisation au moins saisonnière, rizet soja se sont bien développés et26 000 ha de mangrove ont ainsi étéconcédés à l’agriculture. L’oxydationprogressive des substrats et leur évo-lution en sols sulfatés acides ontcependant conduit aussi à l’abandond’une partie de ces cultures et à unretour graduel à la mangrove (Hong,San, 1993). On estime, aujourd’hui,que plus de 40 % des sols de la plainedeltaïque du Mékong sont de typesulfatés acides, caractérisés par uneforte acidité et des concentrationsélevées en aluminium, fer et sulfates.Le drainage de ces sols réalisé pourleur mise en culture a conduit à trans-férer cette acidité et ces éléments enconcentrations toxiques à l’ensembledu système aquatique (Minh et al.,1997).

Station forestière de Can Gio. Études expérimentalesde la croissance des Rhizophoracées (Ceriops,Bruguiera).Can Gio forest station. Experimental studies of growthof Rhizophoraceae (Ceriops, Bruguiera). Photo F. Fromard, 1997.

36 B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 2 , N ° 2 7 3 ( 3 )

MANGROVES / SOUTH VIETNAMDOSSIER

Page 7: Les mangroves du Vietnam du Sud : histoire récente ...bft.cirad.fr/cd/BFT_273_31-42.pdf · farming. The destruction of mangrove swamps has been especially notice-able in the Ca Mau

La forte pression démogra-phique, les déplacements de popula-tions venues du nord du pays et lesnécessités économiques ont accéléréensuite l’exploitation intensive desmangroves, en dépit des dispositifsde protection mis en place. C’est avecle développement de la crevetticul-ture que la transformation du milieus’est poursuivie, d’une façon encoreplus radicale.

Le développementde la

crevetticulture

Le développement de la crevetti-culture au Vietnam s’est réalisé plustardivement que dans les pays voi-sins (Thaïlande en particulier) et c’estseulement dans les années 1980,après les périodes de guerre, que sesont établies en zone de mangroveles premières fermes aquacoles(Guiral, 1997). L’expansion a alorsété très rapide, les surfaces aména-gées pour l’élevage de la crevettepénéide (Penaeus merguiensis) pas-sant de 3 000 ha en 1980 à 40 000 haen 1987 et 170 000 ha en 1992 (De

Graaf, Xuan, 1998). Le succès de l’ac-tivité crevetticole a entraîné encoredans la péninsule un afflux de popu-lations, conduisant à un doublementdu nombre d’habitants sur la période1983-1992. L’élevage des crevettess’est développé d’une façon incontrô-lée, sans considération relative aurecul de la mangrove, à l’évolutiondes substrats ou à la qualité des eauxdans les bassins. Grâce à la richesseinitiale en nutriments de l’écosys-tème mangrove, les premières pro-ductions ont été importantes. Lesrendements ont cependant chutérapidement sous les effets conjuguésde l’acidification des eaux, de la des-truction des mangroves dans les-quelles les jeunes larves ne pou-vaient plus se reproduire, dudéveloppement d’algues toxiques, del’apparition d’infections virales attei-gnant les crevettes.

La production ne s’est artificiel-lement maintenue que par le défriche-ment de nouvelles mangroves situéesplus à l’intérieur de la péninsule, dansles secteurs les moins favorables à lacrevetticulture (faibles amplitudesdes marées, échanges limités avec lamer). Parallèlement, l’abandon desbassins devenus improductifs estdevenu significatif, passant de3 000 ha en 1988 à 8 000 ha en 1992.Si le gouvernement vietnamien atenté de réguler ce développementanarchique de l’aquaculture, notam-ment par l’incitation à la reforestationdes bassins abandonnés, les perspec-tives de profit à court terme ontcontrecarré ces projets et le recul dela mangrove s’est poursuivi.

En 1997, les bassins crevetticolesoccupaient 186 700 ha, se partageantentre modes de production extensif(100-400 kg/ha/an) et intensif (1 000-2 000 kg/ha/an) et mise en place desystèmes intégrés mangrove-crevetti-culture et riziculture-crevetticulture.On dénombre actuellement 134 nurse-ries de crevettes dans le delta duMékong, produisant annuellementplus de 200 millions d’individus (John-

ston et al., 2000).Pour enrayer le déclin de l’acti-

vité crevetticole et tenter de rétablir

un équilibre écologique dans larégion, des essais de sylviculture etaquaculture intégrées se dévelop-pent localement ; 22 entreprises d’É-tat (« State Forestry-Fisheries Enter-prises ») ont été mises en place pourla seule province de Ca Mau, dontl’objectif est à la fois de produire descrevettes et du bois de Rhizophoraapiculata. La dégradation des écosys-tèmes côtiers semble ainsi se ralentir,alors que la productivité des bassinsaquacoles ne s’améliore pas. Desrecherches sont en cours, soutenuespar de nombreux programmes decoopération internationaux (Banquemondiale, Union européenne, coopé-ration australienne, japonaise…)visant à étudier la dynamique despopulations de crevettes, l’évolutiondes caractéristiques physico-chi-miques du milieu, et à améliorer lagestion des bassins aquacoles(Alongi et al., 2000 a et b ; Leung,Tran, 2000 ; Johnston et al., 2000).

Il est certain aussi que, pouraméliorer le système actuel, unediversification des espèces de palétu-viers utilisées pour les reboisementsserait indispensable afin de diversi-fier les apports en litières à la basedes chaînes trophiques alimentantles bassins d’élevage.

Plantation de palmiers d’eau Nypa fruticans. Ca Mau. Plantation of Nypa fruticans water palms. Ca Mau. Photo F. Fromard, 1997.

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 2 , N ° 2 7 3 ( 3 ) 37VIETNAM DU SUD / MANGROVES

DOSSIER

Page 8: Les mangroves du Vietnam du Sud : histoire récente ...bft.cirad.fr/cd/BFT_273_31-42.pdf · farming. The destruction of mangrove swamps has been especially notice-able in the Ca Mau

La situationactuelle de la

mangrove

La péninsule de Ca Mau

La densité des canaux et rivièresquadrillant le secteur est le premierélément de paysage qui frappe lors-qu’on y circule, voies d’accès obli-gées pour se déplacer dans la pénin-sule mais aussi réseau permettantaux marées d’y pénétrer profondé-ment. L’eau de mer alimente réguliè-rement les bassins d’aquaculture, lesreboisements en Rhizophora, ainsique les faciès de mangrove primairequi subsistent ponctuellement. Lasalinité des eaux mesurée en diffé-rents points montre une certainehomogénéité, avec des valeurs com-prises entre 20 et 25 ‰. Celles-cibaissent sensiblement en saison despluies, mais avec des variations etdes maxima moindres que dans lesmangroves du nord du Vietnam (deltadu fleuve Rouge).

Le long des voies d’eau, despalétuviers isolés ou en rideauxétroits (Sonneratia caseolaris,Avicennia sp.), en général de grosdiamètre (> 40 cm), rappellent lavégétation primitive. Ces arbres sontsouvent déchaussés sous l’effet del’érosion entretenue par le traficintense des bateaux à moteur. Despalmiers d’eau Nypa fruticans sontplantés pour tenter de limiter de telsphénomènes sur ces berges dévégé-talisées et fragiles, en particulierdans les secteurs où dominent lesbassins d’aquaculture.

Dans les zones de reboisementconstituées presque exclusivement deRhizophora apiculata, les peuplementssont denses et composés d’individusjeunes (15-20 ans, hauteur 8-15 m, dia-mètre 8-12 cm). Les conditions decroissance varient selon la salinité et latexture du substrat, mais sont liéesaussi à la rémanence des herbicidesayant imprégné le milieu.

Régulièrement éclaircis et cou-pés à blanc à l’âge de 20 ans, cesreboisements laissent peu de place au

développement d’autres espèces.Acanthus ebracteus, sous-arbrisseaucaractéristique des mangroves asia-tiques, est la seule plante abondanteen sous-bois, avec la fougère Acrosti-chum aureum et le palmier Phoenixpaludosa. Quelques herbacées etarbrisseaux colonisent les digues etberges des canaux secondaires(Fimbristylis ferruginea, Derris trifo-liata, Pluchea pteropoda, Stoenochla-nea palustris, Clerodendron inerme...).

Sur les levées de terre en bor-dure des peuplements, soumisesaussi au jeu des marées, divers palé-tuviers se régénèrent : Lumnitzeraracemosa et Exoecharia agallochasont les moins rares, avec Bruguierasexangula, Ceriops sp., Xylocarpusgranatum, Avicennia alba. Toutes cesespèces sont ici représentées par desindividus arbustifs, rarement par desarbres adultes. Parmi eux, dessouches de gros diamètre (70-80 cm)de Sonneratia sp. et Avicennia sp.sont encore visibles, témoignant dela vitalité et de la structure des peu-plements climaciques.

Dans les plantations plus âgées(30 ans environ), souvent perturbéespar des coupes de bois incontrôléeset des chablis, une plus grande diver-sité d’espèces a été observée avec,aux côtés de Rhizophora apiculatadominant les peuplements, les rhizo-phoracées Bruguiera sexangula, B.parviflora, Kandelia candel, Ceriopsdecandra, C. tagal, ainsi queAvicennia alba, Xylocarpus granatum,Excoecaria agalocha.

Sur la côte ouest de la pénin-sule, sous l’action des courantsmarins favorables, des sédiments sedéposent et de nouveaux espacessont gagnés sur la mer, à un rythmemoyen estimé à 60 m par an (Le Xuan

Thien, 1996). À l’embouchure de larivière Cua Lon, une île a commencé àse former au début du siècle et sedéveloppe selon des phases de sédi-mentation successives (Marius,Tran, 1993). La mangrove qui la colo-nise aujourd’hui est la plus richeparmi celles que nous avons obser-vées au Vietnam et sans doute la plusproche structurellement de la forma-

38 B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 2 , N ° 2 7 3 ( 3 )

MANGROVES / SOUTH VIETNAMDOSSIER

Le palmier d’eau est encore largement utilisé pour la construction des habitations, la fabrication de nasses… The water palm is still widely used for house-building and trap-making. Photo F. Fromard, 1997.

Page 9: Les mangroves du Vietnam du Sud : histoire récente ...bft.cirad.fr/cd/BFT_273_31-42.pdf · farming. The destruction of mangrove swamps has been especially notice-able in the Ca Mau

tion climacique de la région. Cettemangrove est aujourd’hui protégée(réserve forestière) mais des basesde troncs coupés indiquent uneexploitation ancienne, ayant conduità la disparition des plus gros arbres.Toutes les espèces de palétuviersdéjà citées sont présentes, notam-ment Bruguiera parviflora, B. sexan-gula, B. cylindrica, Ceriops tagal,Avicennia officinalis...). C’est à partirde tels peuplements que la mangrovede la région doit être analysée afind’en comprendre la dynamique écolo-gique et de mettre en place, dans lessecteurs les plus dégradés, des pro-cédures de réhabilitation raisonnée.

À côté de plantations qui peu-vent être considérées comme un éco-système mangrove simplifié maisfonctionnel (biodiversité réduite maismouvement des marées maintenu parle réseau hydrique, populations decrabes abondantes, régénérations dedivers palétuviers), des dysfonction-nements importants apparaissentdans les secteurs où dominent lesbassins d’aquaculture et dans les-quels toute végétation a disparu. Uncas extrême est celui d’une jeuneplantation visitée à l’extrême sud de lapéninsule (Ray Cay Phuoc). Des bas-sins de crevetticulture, ayant eux-mêmes succédé à des parcelles agri-coles, ont été abandonnés. Uneplantation de Rhizophora apiculata y aété réalisée, dont près de 80 % desjeunes plants (40-60 cm) sont actuel-lement (1998) dépérissants ou morts.

Des caractéristiques physico-chi-miques défavorables (acidité et toxi-cité de l’eau et des sédiments) peu-vent être mises en cause ainsi que desattaques de phytophages. L’analysed’une carte au 1/50 000 (Service géo-graphique du Vietnam, feuille 5926 II,1965) montre cependant que ce sec-teur est légèrement surélevé par rap-port à la mangrove environnante etclassé en marécage (« Dông lây »).Celui-ci correspondait vraisemblable-ment à un « marais sommital » à faiblesalinité générale, non favorable audéveloppement des palétuviers etcolonisé par une formation primitive àNypa et/ou Phoenix paludosa (Le

Xuan Thien, 1996). Des conditionsnaturelles défavorables à la mangroveet accentuées par les pratiques cultu-rales et aquacoles passées peuventainsi expliquer l’échec actuel des plan-tations de palétuviers dans ce secteur.Cet exemple, qui mériterait d’être ana-lysé plus précisément, montre en toutcas qu’une analyse écologique rigou-reuse des paysages est nécessaire,avant d’entreprendre l’aménagementet le reboisement du milieu.

Au nord-est de la péninsule de CaMau, en bordure du golfe de Thaïlande,les bassins crevetticoles se sont éten-dus aux dépens d’une mangrove parti-culièrement diversifiée et originale,établie sur substrat karstique (site deHong Chong). Outre l’aquaculture, ledéveloppement de gigantesques sitesindustriels d’exploitation du calcaire(cimenteries) met en péril l’existencemême de la mangrove. Dans ce sec-teur, elle ne subsiste qu’à l’état debandes étroites (quelques mètres delargeur) en front de mer, où se main-tient encore une grande richesse floris-tique, avec Avicennia alba, A. officina-lis, Sonneratia caseolaris, Rhizophoraapiculata, Ceriops tagal, Excoecariaagalocha, Brugueria sp., Lumnitzeraracemosa... C’est ici que semblent sub-sister les seules populations deLumnitzera littorea pour l’ensemble dela péninsule, alors que cette espèce yétait autrefois répandue. On peutconsidérer que la disparition totale dela mangrove est inéluctable pour cetterégion.

Si le milieu est partout forte-ment transformé et appauvri, entermes de diversité végétale, dans lapéninsule de Ca Mau, une observa-tion attentive indique donc que lespalétuviers constituant la mangroveprimitive sont pour la plupart encoreprésents localement, et pourraientvraisemblablement se redévelopper àla faveur d’une modification desmodes de gestion du milieu. Certainsd’entre eux se sont cependant raréfiés(Rhizophora mucronata, Bruguieraparviflora, B. gymnorryza), d’autresne sont connus que de quelques rares(Aegiceras corniculatum) ou très raresstations (Lumnitzera littorea). Desréintroductions seraient nécessairespour ces dernières, à partir de popula-tions encore présentes dans lesrégions voisines. Les projets deréserve menés par le Minh HaiWetland Forest Research Center de CaMau sont, à cet égard, importantspour la restauration de la biodiversité.En ce qui concerne la mangrove réelle-ment primaire, on estime qu’ellerecouvre aujourd’hui moins de 5 % del’espace initialement boisé dans l’en-semble de la péninsule de Ca Mau.

La mangrove recule devant ledéveloppement des bassinsd’aquaculture, région de Ha Tien. Seule une bande étroite de mangrovepersiste en front de mer. The mangrove swamp is beingencroached upon by the development offish-farming ponds, Ha Tien region. Just a narrow strip of mangrove swampclings on along the seafront. Photo F. Fromard, 1997.

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 2 , N ° 2 7 3 ( 3 ) 39VIETNAM DU SUD / MANGROVES

DOSSIER

Dans la péninsule de Ca Mau, des bassinsabandonnés d’élevage de crevettes (chute de laproductivité) sont replantés en Rhizophoraapiculata, qui eux-mêmes dépérissent… On Ca Mau peninsula, abandoned shrimp-breeding ponds (decline in productivity) arereplanted with Rhizophora apiculata, which isalso dying back. Photo F. Fromard, 1998.

Page 10: Les mangroves du Vietnam du Sud : histoire récente ...bft.cirad.fr/cd/BFT_273_31-42.pdf · farming. The destruction of mangrove swamps has been especially notice-able in the Ca Mau

La péninsule de Can Gio

De jeunes plantations d’Eu-calyptus, de Melaleuca et de Nypaainsi que des rizières occupentaujourd’hui le nord de la péninsule deCan Gio, auxquelles succèdent vers lesud les reboisements à R. apiculatapuis les bassins d’aquaculture. Nousn’avons pas de données actualiséessur l’emprise des reboisements dansla région, mais on estimait en 1993(FAO) qu’environ 20 000 ha de man-grove avait été plantés dans le districtde Can Gio depuis les années 1980.

En 1995, une réserve naturellede 2 214 ha a été créée dans un sec-teur où la végétation avait été totale-ment détruite par des épandagesd’herbicides, puis en partie reconsti-tuée par des reboisements deRhizophora apiculata. Aujourd’hui,environ 1 200 ha sont reboisés en R.apiculata et 200 ha en Avicennia alba.D’anciens bassins d’aquacultureabandonnés sont aussi convertis peuà peu en boisements à R. apiculata.

Le long des cours d’eau, unevégétation naturelle de mangrove sedéveloppe, constituée d’un mélanged’individus de fort diamètre (Son-neratia, Avicennia, Rhizophora) et defaciès de régénération. De même, lelong des digues de terre quadrillantles plantations de R. apiculata, unecertaine diversité se reconstitue avecle développement de jeunes Ceriopstagal, Lumnitzera racemosa,Excoecaria agalocha, Acanthus ebrac-teus, Phoenix paludosa… Ailleurs, surdes marais salants abandonnés, lareconquête du milieu par la mangroveest encore plus manifeste : des tapisde Sesuvium portulacastrum (herba-cée halophile) indiquent une fortesalinité résiduelle du substrat, surlequel se développent de jeunes peu-plements de Avicennia alba, A. offici-nalis, Ceriops tagal, Lumnitzera race-mosa... À noter que Sonneratia albasemble avoir disparu de la région,alors qu’elle était une des espècesdominantes de la mangrove avant laperturbation du milieu. Des essais dereboisement en S. caseolaris ontéchoué.

À côté des reboisements deRhizophora apiculata destinés à laproduction de bois, des plantationsexpérimentales de divers palétuvierssont réalisées par le Centre forestierde Dong Thanh. Les dynamiques decroissance de Ceriops tagal, C. decan-dra, Kandelia candel, Lumnitzera lit-torea sont suivies. Ces espècesdevraient être ensuite utilisées pourla réalisation de reboisements plusdiversifiés.

Ainsi, comme dans la péninsulede Ca Mau, le paysage actuel du dis-trict de Duyen Hai résulte d’une suc-cession d’événements ayant forte-ment dégradé (épandages chimiques)et transformé (reboisements mono-spécifiques) le milieu. Une dyna-mique naturelle semble cependant sedévelopper avec une reconquête –encore très ponctuelle – de la végéta-tion primitive.

La dégradation extrême desmangroves du delta du Mékongrésulte d’une histoire mouvementéeayant affecté profondément les condi-tions environnementales de la région,sa biodiversité, et bien sûr la popula-tion vietnamienne, avec successive-ment, à partir d’un milieu à la foisriche et fragile, une exploitation abu-sive des ressources forestières, unedestruction chimique de la végétationet des sols, des pratiques sylvicolesinadaptées, enfin le développementincontrôlé de la crevetticulture.

Ainsi, si l’essentiel des espècesappartenant à la mangrove primitive aété retrouvé, il s’agit d’individus iso-lés le long des voies d’eau, degroupes d’arbres chétifs en lisière desreboisements, ou de peuplements derégénération dans les secteurs récem-ment gagnés sur la mer à la faveur dela dynamique sédimentologique.Nous n’avons pas identifié de réelsfaciès de mangrove primaire, adulte etfonctionnelle, dans la région.

40 B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 2 , N ° 2 7 3 ( 3 )

MANGROVES / SOUTH VIETNAMDOSSIER

Mangrove de Can Gio, détruite par les pulvérisations d’herbicides. Avicennia sp. est un des rares palétuviers à s’être maintenu. Can Gio mangrove swamp, destroyed by herbicide spraying. Avicennia sp. is one of the rare species of mangrove to have held its own. Photo Lê Công Kiêt, 1973.

Conclusion et perspectives

Page 11: Les mangroves du Vietnam du Sud : histoire récente ...bft.cirad.fr/cd/BFT_273_31-42.pdf · farming. The destruction of mangrove swamps has been especially notice-able in the Ca Mau

La situation semble cependants’améliorer avec la prise deconscience des acteurs des deuxdomaines directement concernés,foresterie et crevetticulture. Les misesen réserve existantes ou projetées,les changements de perspectivesdans le secteur de la crevetticulturequi, face aux échecs récents, s’orien-tent vers un nécessaire rééquilibrageentre mangroves et bassins d’élevage,sont les deux volets de cette évolu-tion. Des publications ont paru récem-ment dans ce dernier domaine,concernant les processus de minérali-sation dans les systèmes mixtes man-grove-bassins d’aquaculture ou lesproblèmes de baisse de production(Johnston et al., 2000 ; De Graaf,

Xuan, 1998). La « littérature grise »sur le sujet est également abondante(rapports d’expertise, résultats d’ex-périmentation…), mais difficilementconsultable. Il est évident que lesrecherches dans ce domaine doiventse développer, prenant mieux encompte, notamment, les questionsrelatives à l’évolution de la qualitédes substrats et des eaux et au rôlede la mangrove dans cette évolution.

Si l’on veut progresser dans laconnaissance de l’écologie des man-groves du Vietnam, et être en mesurede proposer une gestion raisonnée decet écosystème, il est nécessaireaussi de conduire, à côté des pro-grammes sur l’aquaculture intégrée,des recherches spécifiques sur lamangrove et ses composantes biolo-giques, pour compléter les rares don-nées existant dans ce domaine(Alongi et al., 2000 b ; Tri et al.,1998 ; Clough et al., 2000). Des tra-vaux sur les processus de régénéra-tion naturelle des peuplements, sur ladynamique de leur biodiversité, deséléments sur la productivité primairedes mangroves et sur leur place dansles chaînes trophiques côtières, desrecherches sur la génétique des popu-lations de palétuviers sont quelques-uns des aspects qu’il serait importantde prendre en compte pour unemeilleure compréhension du fonction-nement de la mangrove vietnamienne.

ALONGI D. M., JOHNSTON D. J., TRANTHANH XUAN T. T., 2000 a. Carbon andnitrogen budgets in shrimp ponds ofextensive mixed shrimp-mangrove forestryfarms in the Mekong delta, Vietnam.Aquaculture Research, 31 (4) : 387-399.

ALONGI D. M., TIRENDI F., TROTT L. A.,XUAN T. T., 2000 b. Benthic decompositionrates and pathways in plantations of themangrove Rhizophora apiculata in theMekong delta, Vietnam. Marine EcologyProgress Series, 194 : 87-101.

CLOUGH B., TAN D. T., PHUONG D. X., BUUD. C., 2000. Canopy leaf area index and lit-ter fall in stands of the mangroveRhizophora apiculata of different age inthe Mekong Delta, Vietnam. AquaticBotany, 66 : 311-320.

DE GRAAF G. J., XUAN T. T., 1998. Extensiveshrimp farming, mangrove clearance andmarine fisheries in the southern provincesof Vietnam. Mangroves and Salt Marshes,2 : 159-166.

FAO, 1993. Mangrove for production andprotection. A changing resource system :case study in Can Gio District, SouthernVietnam. Bangkok, Thaïlande, FAO, Fielddocument n° 43, GCP/RAS/131/NET, 44 p.

GUIRAL D., 1997. La crevetticulture exten-sive au Vietnam : de l’espoir à l’utopie.Orstom Actualités, 54 : 23-25.

HONG P. N., SAN H. T., 1993. Mangroves ofVietnam. Bangkok, Thaïlande, IUCN, 173 p.

JOHNSTON D., NGUYEN VAN TRONG,DOAN VAN TIEN, TRAN THANH XUAN,2000. Shrimp yields and harvest charac-teristics of mixed shrimp-mangroveforestry farms in southern Vietnam : fac-tors affecting production. Aquaculture,188 : 263-284.

LEUNG P., TRAN L. P., 2000. Predictingshrimp disease occurrence : artificial neu-ral networks vs. logistic regression.Aquaculture, 187 : 35-49.

LE XUAN THIEN, 1996. La zone sud dudelta du Mékong. Sédimentation actuelleet évolution récente. Thèse de doctorat,Université de Bordeaux-I, France, 224 p.

MARIUS C., TRAN N. N. (dir.), 1993. Actesde l’atelier sur la mangrove de Ngoc Hien,province de Minh Hai. Orstom-IRRDM,187 p.

MAURAND P., 1943, L’Indochine forestière.Hanoi, Institut de recherches agrono-miques et forestières de l’Indochine,254 p.

MINH L. Q., TUONG T. P., VAN MENSVOORTM. E. F., BOUMA J., 1997. Contamination ofsurface water as affected by land use inacid sulfate soils in the Mekong riverdelta, Vietnam. Agriculture, Ecosystemsand Environment, 61 : 19-27.

MOQUILLON C., 1950. La forêt de palétu-viers de la pointe de Camau. Hanoi, HautCommissariat de France en Indochine,tome I, 179 p.

RAMADE F., 1990. Des pesticides aux armeschimiques. La Recherche, 219 : 382-390.

ROLLET B. , 1962. Inventaire forestier del’Est Mékong. Rome, Italie, FAO.

ROSS P., 1975. The mangrove of southVietnam : the impact of military use of her-bicides. In Proceedings of the InternationalSymposium on Biology and managementof mangroves. Walsh G. E., Snedaker S. C.,Teas H. J. (éd.). University of Florida,Gainesville, États-Unis, II : 695-709

SCHECTER A. J., LE CAO DAI, PÄPKE O.,CONSTABLE J., PISKAC A., 2000. TheVietnam war is not over : Continuing dioxincontamination of vietnamese from agentorange. In The 128th annual meeting ofAmerican Public Health Association(APHA), Boston, MA, Nov. 12-16, 2000.

SPALDING M., BLASCO F., FIELD C. (éd.),1997. World Mangrove Atlas. Okinawa,Japon, The International Society forMangrove Ecosystems, 178 p.

TRI N. H., ADGER W. N., KELLY P. M., 1998.Natural resource management in mitigat-ing climate impacts : the example of man-grove restoration in Vietnam. GlobalEnvironmental Change, 8 (1) : 49-61.

VU VAN CUONG H., 1964. Flore et végéta-tion de la mangrove de la région de Saigon-Cap Saint-Jacques, Sud-Vietnam. Thèsetroisième cycle, Paris, France, 202 p.

YOUNG E., 2001. Agent Orange still poison-ning the Vietnameses, but now it’s in thefood. New Scientist, 26 mai 2001, p. 13.

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 2 , N ° 2 7 3 ( 3 ) 41VIETNAM DU SUD / MANGROVES

DOSSIER

Référencesbibliographiques

Page 12: Les mangroves du Vietnam du Sud : histoire récente ...bft.cirad.fr/cd/BFT_273_31-42.pdf · farming. The destruction of mangrove swamps has been especially notice-able in the Ca Mau

42 B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 2 , N ° 2 7 3 ( 3 )

MANGROVES / SOUTH VIETNAMDOSSIER

Synopsis

MANGROVE SWAMPS INSOUTH VIETNAM: RECENTHISTORY, CURRENTDYNAMICS, ANDPROSPECTS

François FROMARDLÊ CÔNG KIÊT

Having been recentlyaffected by lengthy peri-ods of war, and subject as it is tomarked population pressures and far-reaching economic changes, Vietnamis being affected by a major distur-bance of its environment and a con-siderable regression of its forestcover, which these days only accountsfor 10% of the national territory.Mangrove swamps are among themost degraded ecosystems, to suchan extent that it is difficult to find inthem any features of primary vegeta-tion, even in the south of the country(Mekong delta, Ca Mau peninsula),where this ecosystem used to be themost diversified of all with more than30 species of mangroves.

The development of shrimp-farmingThe development of shrimp-farmingin Vietnam occurred at a later datethan in neighbouring countries(Thailand in particular). It was notuntil the 1980s, after the periods ofwar, that the first fish farms wereestablished in mangrove-rich zones.These farms expanded fast, withareas put to farming in the form ofbreeding ponds increasing from3 000 ha in 1980 to more than170 000 ha in 1992. Because of theinitial wealth of nutrients in the man-grove ecosystem, initial productionquantities were large. Yields thendropped sharply, under the combinedeffects of water acidification, thedestruction of mangrove swapswhere young larvae were no longerable to reproduce, and the appear-ance of viral infections in shrimp.

The present-day situation of mangrove swampsReforested areas of Rhizophora apic-ulata today form the bulk of man-grove swamps in South Vietnam.They are regularly thinned and cutback when about 20 years old, butthey still leave little room for thedevelopment of other species.Mangrove trees in original swampshave trouble regenerating on theedges of these formations, in sectorsthat are nowadays protected(reserves) as well as in zones recentlywon back from the sea by sedimenta-tion, with, essentially, Avicennia alba,Avicennia officinalis, Sonneratia alba,Bruguiera sexangula, Xylocarpusgranatum, Ceriops tagal...

Some species, however, have becomerarefied in the region (Rhizophoramucronata, Bruguiera parviflora,Bruguiera gymnorhiza), while othersare now only recorded in one or tworare (Aegicera corniculatum) and veryrare stations (Lumnitzera littorea). Asfar as primary mangrove swamp isconcerned, it is estimated that thisnowadays covers less than 5% of thearea initially covered with mangrovesin the Ca Mau peninsula as a whole.

Many programmes and research proj-ects are being worked on today inSouth Vietnam, aimed at the neces-sary rebalancing act between fish-farming activities and mangroveswamp rehabilitation. If we want tomove forward in our knowledge of theecology of mangrove swamps inVietnam, and if want to be in a posi-tion to propose a rational manage-ment system for this ecosystem, wemust also—alongside integrated fish-farming programmes—carry out spe-cific research projects on the man-grove swamp and its biologicalcomponents (how the ecosystemworks, productivity, biodiversity, pop-ulation genetics) in order to comple-ment the rare data currently existingin this field.

Péninsule de Ca Mau, en 1970. La mangrove à rhizophoracées (Rhizophora, Ceriops) après les pulvérisations de défoliants. Ca Mau peninsula, in 1970. The mangrove swamp of Rhizophoraceae (Rhizophora, Ceriops)after defoliant spraying. Photo d’archives de F. Blasco. F. Blasco archival photo.