les histoires de la coupe du monde

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LES HISTOIRES DE LA COUPE DU MONDE 1930 RONALDO JULES RIMET DOMENECH BOYCOTT VIDELA HECTOR CASTRO 1950 1978 1982 1994 1998 www.lesremplacants.com vous présentent Juin 2014

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Les anecdotes et histoires marquantes de la Coupe du Monde. www.lesremplacants.com

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Page 1: Les Histoires de la Coupe du Monde

LES HISTOIRES DE LA

COUPE DU MONDE

1930

RONALDOJULES RIMET

DOMENECHBOYCOTT VIDELA

HECTOR CASTRO

1950

1978

1982

1994

1998

www.lesremplacants.com vous présentent

Juin 2014

Page 2: Les Histoires de la Coupe du Monde

Edito

Imprévisible Coupe du Monde

José Mourinho, Pep Guardiola, ou plus anciennement Arrigo Sacchi et Johan Cruijff: les grands entraîneurs de l’histoire du football

ont développé une culture du jeu en vue d’un seul et unique objectif : la victoire.

Toujours plus théorisé, le football est à l’image d’un monde en quête de rationalité: il faut optimiser tous les détails pour parvenir au but ultime qu’est la gagne. Pourtant, au milieu de toute cette science, il demeure une variable qui rendra à jamais ce sport

incertain : l’imprévu. L’imprévu de la glissade de Steven Gerrard cette saison sur la pelouse d’Anfield, qui donna la victoire à Chelsea et engendra la perte du titre pour Liverpool…

L’imprévu du coup de tête majestueux de Sergio Ramos qui, dans les arrêts de jeu de la finale de la Ligue des Champions, offrit au Real Madrid l’occasion de participer à des prolongations

inespérées. Ce sont ces petits détails qui créent les belles histoires. La Coupe du Monde, compétition la

plus honorifique, n’échappe pas à cette règle. Si elle est tant attendue, c’est aussi parce qu’elle est le théâtre de récits incroyables. Qui aurait pu croire que l’un des premiers buteurs de

l’histoire de la compétition allait être un manchot ? Qui aurait pu prédire que Michel Hidalgo, sélectionneur de l’équipe de France, allait échapper à une tentative d’enlèvement la veille

de partir au Mondial argentin en 1978 ? Qui aurait pu dire que l’Algérie serait victime d’un complot entre l’Allemagne et l’Autriche en 1982 en Espagne ? Parce que le passé

explique le présent, Les Remplaçants vous proposent, à quelques jours du début de la Coupe du Monde au Brésil, de replonger dans les moments insolites de la

compétition.Histoire de savourer encore plus le mois qui arrive, et de vous rappeler

qu’en football, rien n’est joué d’avance.

Nicolas DURDILLY

Page 3: Les Histoires de la Coupe du Monde

Sommaire

Le trophée maudit 3

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Hector Castro, le manchot divinQuand les Indiens voulaient jouer pieds nusL'appel au boycottLe match de la honteDomenech vendeur à la sauvetteLe mystérieux malaise de Ronaldo

Pour le webzine www.lesremplacants.com

Rédaction et recherche de Nicolas Durdilly

Mise en page et graphisme d’Elias Toumi

Page 4: Les Histoires de la Coupe du Monde

Histoires de la Coupe du Monde

Le trophée mauditDécouvrez les étranges péripéties du trophée Jules Rimet, remis au pays vainqueur de la compétition entre 1930 et 1970. Caché pendant la Seconde Guerre Mondiale, il a été ensuite volé en 1966 à Londres, avant d’être retrouvé par un chien au bord de la Tamise.

Ottorino Barassi : le nom de cet homme vous est sûrement inconnu, et pourtant, ce dirigeant du football italien a sans doute sauvé la Coupe du Monde. Lors de la Seconde Guerre Mondiale, il a caché chez lui le trophée Jules Rimet pour empêcher les Nazis de s’en emparer. Lorsque la guerre éclate en 1939, l’Italie a remporté un an plus tôt sa deuxième Coupe du Monde en France. Le trophée Jules Rimet se trouve dans le coffre d’une banque à Rome où il doit rester jusqu’à la prochaine édition du tournoi. Créé par le sculpteur français Abel Lafleur, la Coupe du Monde représente Niké, la déesse grecque ailée de la victoire. Elle mesure 35 centimètres de hauteur et est confectionnée en argent massif plaqué or.

Lorsque les troupes allemandes entrent en Italie, Adolf Hitler souhaite s’en emparer. La possession du trophée Jules Rimet, au même titre que le Saint-Graal, est le symbole d’une domination que le Führer tente de donner à son peuple. De plus, Hilter n’a toujours pas digéré l’élimination prématurée de la sélection germanique contre la Suisse lors du dernier Mondial en 1938. Il charge alors la Gestapo et la SS de mettre la main sur le trophée. Mais c’est sans compter sur le malicieux Ottorino Barassi, qui, sentant le vent venir, décide de mettre la Coupe à l’abri. Après avoir retiré l’objet de la banque, il

le ramène à son domicile et le cache des regards indiscrets. Lorsque les Allemands débarquent chez lui, il fait mine de ne pas comprendre la raison de leur venue, et affirme que le trophée Jules Rimet a été déplacé ailleurs dans le pays. La maison est fouillée de fond en comble mais la coupe reste introuvable. Les hommes d’Hitler rentrent bredouille, Ottorino Barassi peut souffler un bon coup: le trophée était caché sous son lit dans une boîte à chaussures.

En 1966, la Coupe du Monde doit avoir lieu en Angleterre. A quelques mois du début de la compétition, le trophée Jules Rimet est exposé lors d’une grande manifestation de philatélistes à Londres, au Westminster Central Hall. Mais au cours d’une matinée, peu avant midi, la Coupe est dérobée. L’auteur du vol a forcé la vitrine dans laquelle se tenait l’objet et s’est échappé par une porte à l’arrière du bâtiment. Scotland Yard se charge alors de l’enquête. Alors que la Fédération anglaise commande une réplique du Trophée chez un orfèvre, son président reçoit un coup de fil d’un certain « Jackson ».

Ce dernier déclare avoir la Coupe en sa possession, et ne la rendra qu’en l’échange d’une rançon de 15 000 livres sterling. Un rendez-vous pour l’échange est organisé et l’inspecteur Buggy, qui dirige les opérations, se rend sur place. Sa valise est remplie de fausses coupures recouvertes sur le dessus par une mince couche de billets authentiques. Jackson s’empare de la valise sans remarquer le leurre, mais il confie ne pas avoir le trophée sur lui. « Il faut prendre la voiture » explique-t-il. Alors que les deux hommes se suivent, Jackson tente de semer le policier dans les rues de la capitale anglaise. En vain. Il est rattrapé, menotté, et embarqué au commissariat de Kennington. Sur place, l’individu révèle sa véritable identité : il se nomme Edward Betchley, et est connu des services de police pour des faits de délinquance.

Durant son interrogatoire, il nie posséder le trophée Jules Rimet, et affirme avoir agi pour le compte d’un commanditaire. Le trophée, lui, est retrouvé une semaine après le vol près de la Tamise, grâce à Pickles, un jeune chien âgé de 4 ans.

Pendant que son maître, David Corbett, passait un coup de fil dans une cabine téléphonique, le toutou a flairé près d’un buisson un paquet emballé dans du papier journal. A l’intérieur, le trophée Jules Rimet était intact. Pickles est devenu un héros national et son maître touchera une récompense de 6 000 livres. Ils assisteront tous les deux à la finale entre l’Angleterre et l’Allemagne de l’Ouest dans un stade de Wembley en pleine ébullition.

Avec la troisième victoire en 1970 du Brésil en Coupe du Monde, le trophée Jules Rimet devient la propriété permanente du pays. La nouvelle Coupe, dessinée par l’italien Silvio Gazzaniga, fait son apparition lors du Mondial en Allemagne, en 1974. Alors que le trophée Jules Rimet est exposé au siège de la fédération brésilienne de football à Rio, ce dernier est une nouvelle fois dérobé en 1983. Quatre hommes issus des favellas de la ville sont arrêtés par la police, mais il est déjà trop tard: le trophée a disparu l’éternité, sans doute fondu peu de temps après son vol. Aujourd’hui, il ne reste que la réplique confectionnée par l’orfèvre anglais en 1966.

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Uruguay 1930

Hector Castro le manchot divin

Saviez-vous qu’en 1930, l’un des premiers buts de l’histoire du tournoi a été inscrit par un joueur manchot ? Son nom: Héctor Castro, buteur providentiel de l’équipe d’Uruguay, cham-pionne du monde cette année-là.

Dans l’histoire de la Coupe du Monde, la main, geste honnis des règles du football, a parfois fait basculer le destin de certaines rencontres. Il y a eu la « main de dieu » de Diego Maradona en 1986 contre l’Angleterre. Celle de Thierry Henry contre l’Irlande en 2009 lors des barrages pour la qualification au Mondial 2010. Ou bien encore, celle de Luis Suarez en Afrique du Sud, qui sauva son équipe d’une élimination certaine contre le Ghana… Héctor Castro, lui, n’aurait jamais pu connaitre pareille situation. Et pour cause, l’attaquant uruguayen était privé de sa main droite depuis l’âge de 13 ans. Un handicap qui ne l’a pas empêché d’inscrire son nom au palmarès de la Coupe du Monde.

Né en 1904, Héctor Castro a été amputé suite à un accident avec une scie électrique. Alors qu’il travaillait avec son père, le jeune adolescent s’est tranché la main avec l’appareil. Beaucoup auraient sombré après ce coup du sort tragique, mais c’était mal connaître le jeune homme, Sud Américain dans l’âme, fier et guerrier de caractère. Doué balle au pied, Héctor Castro va se consacrer au football et devenir l’un des chouchous du public uruguayen à la fin des années 1920. C’est au Club Nacional de Football, club légendaire du pays, que l’attaquant se fait connaître. Sur le flanc droit de l’attaque des Bolsos, il affole les défenseurs et brille par son talent. Doté d’un jeu de tête hors norme, Héctor Castro utilise son handicap pour prendre le dessus sur ses adversaires. En neuf saisons à l’Estadio Gran Parque Central, il inscrit 145 buts avec son équipe. Il devient la coqueluche des supporters qui le surnomment El Divino Manco, le manchot divin.

Lors de la première édition de la Coupe du Monde en Uruguay en 1930, il est retenu logiquement par le sélectionneur de la Celeste, Alberto Suppici. C’est lui qui inscrit le premier but de l’Uruguay dans le tournoi lors de la 65ème minute du match contre le Pérou (1-0) à Montevideo le 18 juillet 1930 dans le Centenario de Montevideo. Quelques semaines plus tard, il récidive en finale contre l’Argentine (4-2), en marquant le quatrième et dernier but de son équipe, synonyme de titre.Au total, El Divino Manco sera sélectionné à 25 reprises au cours de sa carrière. Son palmarès a de quoi faire pâlir plus d’un joueur: en plus de son titre de champion du monde, l’Uruguayen est également champion olympique (1928) et champion d’Amérique du Sud. En club, il a remporté à trois reprises le titre de champion d’Uruguay avec le Nacional. Il en gagnera 5 autres en tant qu’entraîneur.Décédé en 1960, Héctor Castro demeure une légende dans son pays. Ou quand manchot rime avec brio !

Le premier but de l’Uruguay en Coupe du Monde

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Uruguay 19306

Page 8: Les Histoires de la Coupe du Monde

Il y a des histoires auxquelles on voudrait croire. Celle du Loch Ness par exemple, ou du Roi Arthur. Mélanges de faits réels et d’inventions de l’esprit, elles nourrissent nos envies de fantaisie dans ce monde si rationnel. L’histoire du forfait de l’Inde à la Coupe du Monde 1950 en fait partie. Partout sur Internet, on peut lire que le pays a refusé de participer au Mondial parce que la Fifa avait interdit aux joueurs d’évoluer pieds-nus sur le terrain. Si l’anecdote a une part de vérité, elle n’est pas la raison principale de ce retournement de situation.

Tout commence lors des Jeux Olympiques de Londres en 1948. L’Inde participe à son premier tournoi de football en tant que nation indépendante. Lors du premier tour, l’équipe est éliminée de justesse par la sélection française (2-1). Mais plus que leur performance du jour, c’est bien la tenue des joueurs asiatiques qui a retenu l’attention du public ce jour-là. Certains ne portaient pas de chaussures de foot et jouaient pieds-nus !

En 1950, la Coupe du Monde doit se tenir au Brésil. Après deux éditions annulées à cause de la Seconde Guerre Mondiale, la compétition souhaite se relancer au plus vite. Sur les seize places disponibles, une seule est réservée aux pays asiatiques. Dans son groupe de qualifications, l’Inde

doit affronter l’Indonésie, les Philippines et la Birmanie pour décrocher son ticket. Mais contre toute attente, ces trois pays déclarent forfait avant même le début des éliminatoires, et l’Inde se qualifie donc automatiquement pour sa première Coupe du Monde. Peu de temps après la nouvelle, la Fifa prévient la fédération indienne : à la différence des Jeux Olympiques, l’équipe ne pourra pas évoluer pieds-nus lors de la compétition.

Le 22 mai 1950, l’Inde découvre les adversaires de son groupe. Elle affrontera le tenant du titre, l’Italie, ainsi que la Suède et le Paraguay. Mais le lendemain du tirage, un communiqué de presse diffusé par la fédération indienne ébranle le monde du foot: le président Moin-Ul-Hacq annonce que la sélection indienne ne participera pas aux phases finales du Mondial. Il évoque des désaccords sur le choix de l’équipe et un manque de temps en vue de la préparation du tournoi… Derrière ces fausses excuses auxquelles personne ne croit, la Fifa s’interroge. Et si la fédération indienne n’avait pas digéré

qu’on lui impose de jouer avec des chaussures ?

Dans une enquête parue dans Sports Illustrated Magazine, le journaliste Arindam Basu a remis en cause cette version de l’Histoire. Pour lui, elle

n’est la principale raison de ce forfait soudain. La vérité

serait-elle alors de l’ordre économique ? La fédération était-elle trop pauvre payer

un aller retour au Brésil à sa sélection ? Non, répond également le journaliste. S’il est vrai que des équipes comme la

Turquie ont déclaré forfait par manque de moyens, l’Inde n’a pas connu un tel problème. La Fifa était prête à lui fournir une aide financière pour payer le voyage. L’explication du forfait indien est bien plus étrange !

Il s’explique par le manque de notoriété de la Coupe du Monde en Asie à cette époque. En effet, la fédération indienne a estimé que le Mondial n’était pas une assez grande compétition pour envoyer sa sélection de l’autre côté du globe. Les propos de Sailen Manna, capitaine de l’équipe à l’époque, confirme cette hypothèse : « On n’avait aucune idée de ce que représentait alors la Coupe du Monde. Si nous avions été mieux informés, on aurait pris l’initiative d’y aller. Mais pour nous, les JO étaient bien plus importants. Il n’y avait rien de plus grand! »

L’Inde n’a donc pas participé à la Coupe du Monde 1950 parce qu’elle a sous-estimé la grandeur de l’événement. Un choix que la fédération regrette aujourd’hui : deuxième pays le plus peuplé du Monde, l’Inde n’a jamais eu la chance de participer de nouveau au Mondial.

Brésil 1950

Quand les indiens voulaient jouer pieds nus

Des JO au plus pres de la pelouse

La Coupe du Monde ? J’connais pas !

En 1950, l’Inde à l’occasion de participer pour la première fois au Mondial organisé au Brésil. Mais l’équipe déclare forfait car la Fifa a interdit aux joueurs d’évoluer pieds nus sur le terrain. Récit d’une légende devenue réalité !

Jouer pieds nus avec ça, sérieux ?

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Brésil 19508

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Ce 25 juin 1978, dans un stade Monumental en fusion, Daniel Passarella, capitaine de la sélection argentine, soulève la Coupe du Monde dans une joie démesurée. L’Albiceleste vient de remporter chez elle son premier Mondial, en battant les Pays-Bas, 3 buts à 1, après prolongations. Devant plus de 71 000 spectateurs en pleine communion, le général Videla se frotte les mains. Lui, le chef de la junte militaire au pouvoir, a réussi son pari : celui de voir son pays triompher et ainsi montrer au monde entier que son peuple est uni. Mais en coulisses, les opposants au régime continuent d’être torturés et les exécutions sommaires se multiplient. Cette année-là, la Coupe du Monde a servi la dictature.

Tout commence en 1966, lorsque la Fifa attribue le Mondial 1978 à l’Argentine. Le pays est alors en proie à une grande instabilité politique. En 1976, le général Videla s’empare du pouvoir, et avec l’appui des organisations patronales, promet « l’éradication du cancer marxiste ». Comme un peu partout en Amérique du Sud, la dictature s’organise et les libertés sont restreintes. La torture contre les opposants s’installe, et les disparitions forcées se généralisent. A quelques mois du Mondial, des voix appellent au boycott de la compétition en Europe.

Face à la violence du régime argentin, le Parlement suédois demande aux joueurs de choisir entre la participation à la compétition ou le forfait général. Après de nombreuses tractations, l’équipe nordique décide de faire le déplacement. Les joueurs allemands Sepp Maier et Paul Breitner prennent publiquement position contre la dictature de Videla. De son côté, le triple Ballon d’Or Johan Cruijff, annonce qu’il renonce à participer au Mondial en soutien aux victimes du régime (il avouera finalement en 2008 que son forfait résultait d’un stress généré par une tentative d’enlèvement subie par sa famille quelques temps avant le tournoi.)

En France, les manifestations pour le boycott de la Coupe du Monde rencontrent plus de succès qu’ailleurs. Elles sont l’œuvre d’organisations d’extrême gauche dont les idées sont combattues en Amérique du Sud. Des personnalités de gauche comme Jean-Paul Sartre, Louis Aragon ou encore Yves Montand soutiennent leurs actions. Le COBA (Comité pour le boycott de la Coupe du Monde en Argentine) est un des fers de lance de la rébellion. Mais malgré la publication d’un journal et la diffusion de tracts, le mouvement peine à convaincre la population.

C’est alors que se produit un événement rare. Le 23 mai 1978, la veille du départ de l’Equipe de France en Argentine, le sélectionneur Michel Hidalgo est victime d’une tentative d’enlèvement. Alors qu’il se rend avec sa femme en gare de Bordeaux, il est forcé par une voiture de s’arrêter sur le bas côté de la route, près de Saint-Savin. Un homme sort alors du véhicule, arme à la main, et demande au sélectionneur de le suivre dans le bois situé à côté. Dans un réflexe de survie, Michel Hidalgo

attrape le canon du fusil et s’empare de l’arme. Les deux individus, surpris par le retournement de situation, s’enfuient à bord de leur voiture. Quelques jours plus tard, les médias annoncent que cette tentative d’enlèvement était l’œuvre du COBA. Les auteurs voulaient attirer l’attention « sur la complicité de la France qui

fournit du matériel militaire au régime argentin ». Sonné par ce qu’il vient de vivre, Michel Hidalgo hésite à se rendre au Mondial avant de se raviser. La

France n’a plus connu la Coupe du Monde depuis celle de 1966 en Angleterre.Finalement, le tournoi se déroule sans accrochage. L’Argentine remporte la compétition malgré les doutes de corruption qui circulent autour d’elle. Seuls les joueurs des Pays-Bas refusent de participer à la cérémonie après la finale, en désapprobation du régime militaire. Alors que dans le stade Monumental, les supporters crient leur joie, deux kilomètres plus loin, les prisonniers politiques continuent de mourir sous la torture du pouvoir, dans les locaux de la Escuela Mecanica de la Armada. Non, décidément, cette Coupe du Monde n’avait rien de grandiose.

Argentine 1978

L’appel au boycott

En 1978, la Coupe du Monde se déroule en Argentine, pays en proie à la dictature du général Videla. En opposition à la junte militaire, des voix appellent au boycott du tournoi en Europe. Retour sur une triste Coupe du Monde au cours de laquelle le sélectionneur français Michel Hidalgo a failli être kidnappé.

L’enlèvement avorté de Michel Hidalgo était l’œuvre d’une organisation luttant contre la dictature argentine

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Argentine 197810

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Espagne 1982

Le match de la honteLe 25 juin 1982, l’Allemagne de l’Ouest défie l’Autriche dans une rencontre qualifiée encore aujourd’hui de «match de la honte». Les deux équipes passent un accord pour se qualifier toutes les deux au second tour, au détriment de l’Algérie, contrainte de rentrer chez elle.

Une arnaque. Un scandale. Une honte. Aujourd’hui encore, le match opposant la RFA et l’Autriche en 1982 lors de la Coupe du Monde en Espagne ressasse des souvenirs bien amers. Ce jour-là, devant plus 41 000 spectateurs médusés à Gijón, les deux équipes passent un accord pour se qualifier toutes les deux pour la suite de la compétition. Dans un match sans saveur, les joueurs des deux camps se satisfont d’une victoire 1-0 de l’Allemagne de l’Ouest et passent la grande majorité de la rencontre à jouer à la « baballe », sans aucune intensité physique. L’Algérie, en course pour la qualification, paye les frais de ce pacte et est éliminée du Mondial, injustement.

Pourtant, tout avait bien commencé pour les Fennecs. Pour leur première participation à la Coupe du Monde, les coéquipiers de Rabah Madjer avaient créé la surprise, en s’imposant 2-1 contre la Mannschaft pour leur entrée dans la compétition. Battus ensuite 2-0 contre l’Autriche, les Algériens avaient réussi à l’emporter 3-2 face au Chili et conservaient ainsi leurs chances de poursuivre l’aventure. Seule une défaite de l’Autriche le lendemain contre les Allemands, par un ou deux buts d’écart, les empêcherait d’entrevoir le second tour. Malheureusement pour eux, c’est bien ce scénario que les deux équipes germaniques ont choisi d’orchestrer…

Au coup d’envoi de la rencontre, l’Allemagne de Schumacher n’a pas le choix : elle doit l’emporter impérativement face aux Autrichiens si elle souhaite poursuivre le tournoi. Le début de match est entièrement en faveur des Allemands de l’Ouest. A la onzième minute, sur un centre de Littbarski, Hrubesh dévie le ballon de la cuisse et ouvre le score pour la sélection germanique (1-0, 11e). Et puis, plus rien ! Les deux équipes, qui savent que ce résultat les qualifie, cessent de jouer. La rencontre se résume alors à de longues séquences de passes inoffensives. Certains joueurs marchent, d’autres discutent entre eux… Dans les tribunes, le public comprend l’arnaque qui se déroule sous ses yeux. Des milliers de spectateurs agitent des mouchoirs blancs, symboles de la désapprobation en Espagne, tandis que des supporters algériens brûlent des pesetas, dénonçant un match acheté par les Allemands. Des chants crient à l’injustice : « Dégagez ! Dégagez ! », « Embrassez-vous ! ». Certains spectateurs espagnols entonnent même le nom de l’équipe lésée ce jour-là : « Algéria ! Algéria ! » En tribune de presse, les journalistes sont stupéfaits. Le commentateur allemand, Eberhard Stanjek, reste muet pendant plusieurs minutes pour montrer son mécontentement. Son homologue autrichien, Robert Seeger invite lui les téléspectateurs à éteindre leur téléviseur.

Lorsque l’arbitre de la rencontre donne le coup de sifflet final, les huées s’emparent des tribunes. A la sortie des vestiaires, les Allemands nient un quelconque complot. « Nous poursuivons l’aventure, c’est tout ce qui compte » déclare Lothar Matthäus. « Nous voulions juste nous qualifier, pas jouer au foot » continue le sélectionneur de la Mannschaft, Jupp Derwall. Autour de l’hôtel de la sélection allemande, environ mille supporters viennent crier leur colère. Certains d’entre eux jettent des oeufs sur le bus de l’équipe. En représailles, deux joueurs allemands balancent des sacs poubelles et des bouteilles d’eau du haut la fenêtre de leur chambre. La manifestation cessera au bout d’une heure.

Le lendemain, la presse fustige les acteurs du match. Un quotidien espagnol titre sa Une « El Anschluss » en souvenir de l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne sous le IIIème Reich. Le bi-hebdomadaire allemand Kicker Sportmagazin refuse d’attribuer des notes aux joueurs, car selon lui, « il n’y a pas eu de participants à cette rencontre. » La Fifa ne donnera aucune suite à l’affaire pour éviter de chambouler le calendrier de la Coupe du Monde.

Aujourd’hui encore, le « match de la honte », également appelé « le pacte de non agression», continue de faire polémique. En 2008, Harald Schumacher a reconnu devant les anciens de la sélection algérienne que la rencontre avait été truquée. Il a présenté ses excuses à tout le peuple algérien. De son côté, Lothar Matthäus continue de nier tout complot entre les deux équipes.

Suite à ce match, l’Autriche a été éliminé lors du second tour de la compétition. L’Allemagne, elle, s’est hissée jusqu’en finale de la Coupe du Monde au cours de laquelle elle s’est inclinée face à l’Italie. Sa demi-finale contre la France reste tristement célèbre pour l’agression d’Harald Schumacher sur Patrick Battiston. Véritable équipe de bourreaux, les Allemands ont longtemps trainé cette réputation de joueurs véreux après le Mondial. Depuis cette rencontre, la Fifa a décidé que les derniers matchs de poule se disputeraient le même jour et à la même heure pour éviter toute entente entre deux équipes. Mais pas sûr que la mesure ait atténuée la colère des Algériens…

Degagez ! degagez !

El anchluss

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Page 13: Les Histoires de la Coupe du Monde

Espagne 198212

Page 14: Les Histoires de la Coupe du Monde

USA 1994

Domenech vendeur a la sauvette

En 1994, Raymond Domenech, consultant télé pour la Coupe du Monde aux Etats-Unis, est arrêté par la police américaine pour marché noir. Le sélectionneur des Espoirs tentait de revendre à la sauvette trois places pour le match Bolivie-Corée du Sud… Retour sur les faits.

Ce 23 juin 1994, la carrière de Raymond Domenech aurait pu prendre un tout autre virage. Cinq jours après le début de la Coupe du Monde aux Etats-Unis, la Bolivie doit rencontrer la Corée du Sud pour son second match de poule. Tombées dans le groupe C avec l’Allemagne et l’Espagne, les deux équipes sont déjà dans l’obligation de l’emporter pour espérer atteindre les huitièmes de finales de la compétition. Le matin du match, un drôle d’événement va se dérouler aux abords du stade de Foxborough (61 000 places), une ville de la banlieue de Boston dans le Massachusetts qui doit accueillir la rencontre. Alors qu’ils patrouillent autour de l’enceinte, des policiers interpellent un individu en train de vendre trois places au marché noir. Cet homme n’est autre que Raymond Domenech, sélectionneur des Espoirs français depuis un an. Consultant pour une chaîne de télévision à l’occasion du Mondial, il est aussi en charge de superviser les équipes pour la sélection tricolore. Menotté dans le dos, il est embarqué et rejoint les locaux de la police pour être interrogé. Il sortira quelques heures plus tard, après avoir payé une caution.Raymond Domenech est inquiet. Il sait que si l’affaire s’ébruite, il peut y laisser sa place. En tant que représentant de la

Fédération Française de Football, il a été pris en flagrant délit de marché noir pour des places qu’il n’avait sans doute pas payées.

Le problème, c’est qu’en temps de Coupe du Monde, les secrets sont difficiles à conserver. Avec les nombreux journalistes sur place, le séjour au commissariat du sélectionneur circule vite et menace de sortir dans la presse. Raymond Domenech, sentant le vent tourner, passe un coup de fil à la FFF.

Il explique sa situation et établit un plan de communication avec ses supérieurs. Le discours officiel est diffusé aux médias : « La Fédération avait acheté des places qui n’avaient pas trouvé preneur. Elle les a données à ses salariés présents aux Etats-Unis pour qu’ils les revendent. » Les journalistes relayent l’information et l’affaire s’arrête là…Dans son livre Domenech, histoires secrètes d’une imposture, le journaliste Bruno Godard est revenu sur cette étrange arrestation : « Qui peut croire que la FFF a besoin du fruit de la vente de 3 billets pour

le match Bolivie-Corée du Sud ? Qui peut imaginer qu’une telle organisation utilise des méthodes aussi basiques et pathétiques pour grappiller quelques centaines de francs ? Mais surtout, pourquoi acheter des billets Bolivie-Corée du Sud ? […] Franchement, j’ai du mal à comprendre, mais je dois être le seul, car cette version officielle est passée comme une lettre à la poste. Aujourd’hui encore, personne n’ose dire que Raymond Domenech le filou a peut-être essayé de vendre à la sauvette des billets d’un match afin de se faire une petite cagnotte pour acheter des casquettes avec des oreilles de

Mickey. »

Si ces propos sont toujours restés des soupçons, ils posent toutefois les bonnes questions.

On n’ose imaginer ce qui se serait passé s’ils avaient été avérés. Raymond Domenech aurait-il conservé sa place? Serait-il devenu sélectionneur de l’équipe de France? On ne le saura jamais. Pour la petite histoire, le match entre la Bolivie et la Corée du Sud a accouché d’un triste 0-0 et aucune de deux équipes ne s’est qualifiée pour les huitièmes de finale.

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« Qui peut croire que la FFF a besoin du fruit de la vente de trois billets ? »

Page 15: Les Histoires de la Coupe du Monde

USA 199414

Page 16: Les Histoires de la Coupe du Monde

FRANCE 1998

Le mysterieux malaise de

ronaldoQu’est-il arrivé à Ronaldo la nuit précédant la finale de la Coupe du Monde 1998 entre la France et le Brésil ? A un peu plus d’une heure du coup d’envoi au Stade de France, la feuille de match circule en tribune de presse. Dans l’équipe brésilienne, une absence de poids soulève l’interrogation des journalistes : Ronaldo, l’attaquant vedette de la Seleçao, auteur de quatre buts depuis le début de la compétition, est annoncé remplaçant. C’est son coéquipier Edmundo, joueur de la Fiorentina, qui occupera la pointe de l’attaque auriverde au côté de Bebeto. Face à cette surprise, les rumeurs fusent: s’agirait-il d’un coup de bluff des Brésiliens pour fausser les repères français ? Une demi-heure plus tard, la situation se renverse : Ronaldo sera bien sur le terrain au coup d’envoi. Mais à l’image de ses partenaires, Il Fenomeno passe complètement à côté de la rencontre…

A la sortie des vestiaires, le médecin du groupe brésilien, Lidio Toledo, fait une annonce fracassante: la nuit précédente, Ronaldo a été transporté à la clinique parisienne des Lilas pour des examens cardiaques et neurologiques. Vers quatre heures du matin, le buteur auriverde a perdu connaissance et a été victime de convulsions. C’est son partenaire de chambre, Roberto Carlos, qui a prévenu le staff médical. L’hypothèse d’une crise d’épilepsie est alors envisagée.

Alors que Ronaldo est transporté aux urgences, le sélectionneur brésilien Zagalo, lui, s’interroge. Doit-il se passer de son meilleur joueur pour la finale ? La décision est lourde à prendre, mais dans le doute, Zagalo préfère privilégier la santé de son protégé. Dans son discours d’avant match, il rappelle à ses joueurs le souvenir de la finale de 1962. Ce jour-là, le Brésil s’était imposé contre la Tchécoslovaquie sans son joyau Pelé, blessé depuis le début de la compétition.

Un peu moins d’une heure avant le coup d’envoi du match, Ronaldo arrive au Stade de France dans la précipitation. Les tests qu’il a subis n’ont révélé aucune lésion. Devant l’envie de jouer de son poulain, Zagalo cède et le met titulaire. Après le match, il dira : « Je n’ai pas arrêté de penser à le remplacer. Mais il m’a dit qu’il se sentait bien. Si je ne l’avais pas fait jouer, on me l’aurait reproché pendant longtemps. »

Aujourd’hui encore, le mystère reste entier autour de cet incident. En 2000, à l’occasion d’une grande expertise des finances du football brésilien, deux enquêtes parlementaires sont ouvertes pour savoir si Ronaldo devait être titularisé ce jour-là. Les élus évoquent notamment la pression de Nike, sponsor principal

Ronaldo, qui aurait insisté pour que ce dernier participe à la rencontre. Le joueur, lui, réfute cette version et affirme avoir persévéré pour être présent sur le terrain.

En 2012, Bruno Caru, président de la société italienne de cardiologie du sport, qui collaborait à l’époque avec le médecin de l’Inter de Milan, affirme que Ronaldo a été victime d’une crise cardiaque : « L’électrocardiogramme (réalisé à la clinique des Lilas) n’a pas été analysé comme il se doit. En vérifiant le dossier

avec attention, une fois à l’hôpital, Ronaldo avait 18 pulsations par minute. Cela signifie qu’au moment de la crise, le cœur s’était arrêté de battre. Les médecins français se sont entêtés et se sont fiés au diagnostic de la crise d’épilepsie émise par Roberto Carlos et non par un médecin. Ils ont donné un médicament très puissant, bon pour l’épilepsie mais pas recommandé pour les problèmes cardiaques […] C’est ce qui explique aussi la prestation plus que décevante de Ronaldo en finale.»Cette version des faits sera démentie par le joueur le lendemain.

Dans son livre, Dopage dans le Football, le docteur Jean-Pierre de Mondenard va plus loin, et affirme que Ronaldo, bourré d’amphétamines, aurait fait une réaction à un anti-inflammatoire : « Il souffrait des genoux depuis le début du Mondial et le staff médical lui faisait des infiltrations pour qu’il puisse jouer malgré son handicap. De plus, ce genre de produit contient un anesthésique qui peut, s’il est injecté en partie dans un vaisseau sanguin, provoquer un choc avec perte de connaissance pouvant passer pour une crise d’épilepsie. »

Dopé ou pas, Ronaldo est passé à côté de sa finale ce soir-là. Quatre ans plus tard, il prenait sa revanche et inscrivait les deux buts en finale de Coupe du Monde contre l’Allemagne. Aujourd’hui à la retraite, Il Fenomeno est toujours le recordman des buts en phase finale de la compétition, avec 15 réalisations. Mais l’allemand Miroslav Klose (14 buts) pourrait bien lui ravir son record au mois de juin.

Retour sur le mystérieux malaise de Ronaldo, la veille de la finale au Stade de France en 1998. Ce soir-là, le buteur est transporté en urgence dans une clinique parisienne …

Des convulsions et une perte de connaissance

Dopage, crise cardiaque et pression de Nike

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Page 17: Les Histoires de la Coupe du Monde

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