les enfants et les jeux vidéo
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les enfants et les jeux vidéo
Patrick Longuet
Les enfants pratiquent massivement les jeux vidéo. Sur les 74 % de joueurs, plus de la moitié utilisentune console qui se branche sur le récepteur TV. Une différence assez nette entre les filles et les garçonsest observable. Elle touche aussi bien l'accès aux jeux: les filles commencent plus tard; le temps dejeu: les garçons jouent plus longtemps; le choix des titres: les filles favorisent en seconde position lesjeux de réflexe comme Tetris. Les joueurs appartiennent à tous les milieux, à tous les profils d'élèves:PCS des parents et réussite scolaire ne les discriminent pas. Seuls les élèves en échec scolaire sont unpeu moins nombreux à jouer. En revanche leur temps de jeu est légèrement supérieur à celui de lamoyenne. Ce temps de jeu est le véritable discriminant: les enfants de milieux favorisés sont, en proportion, aussi nombreux à jouer mais jouent moins longtemps; il en va de même pour les enfants ensituation de réussite scolaire (assez souvent les mêmes). Les genres plébiscités sont les jeux de « plateforme" qui mobilisent la majorité des suffrages: 3 % des titres disponibles obtiennent 34 % des citations. Deux titres dominent, Mario et Sanie, jeux phares des deux fabriquants de consoles qui dominentle marché. Au niveau des enfants, ces jeux induisent une forte sociabilité: les modalités de pratique sontvariables, seul ET à deux ET en famille. Les échanges sont nombreux avec les condisciples. Les parentsjouent peu: il s'agit véritablement d'une culture de génération comme le furent naguère les 45 tours. Lamoitié d'entre eux ont néanmoins des échanges réguliers avec leurs enfants à propos des jeux. Deuxdirections de recherche se dessinent: la pratique des jeux induit-elle une construction de soi sexuée?(socialisation) ; les jeux exercent-ils des facuités requises par ailleurs? Peut-on observer des formes detransfert de capacités développées par les jeux?
INTRODUCTION
Les jeux vidéo partagent avec les «envahisseurs" du feuilleton téièvlsè plusieurs qualitès:ils sont partout, leurs vitrines dans chaque grandesurface prouvent un succès populaire et commercial; la télévision leur consacre plusieurs émis-
sions aux heures des programmes pour la jeunesse ; les titres de presse se multiplient, certainsne se consacrant qU'à tel ou tel support techniquevoire à telle ou telle marque. Comme jadis Tintinou plus rècemment Astèrix, des personnages dejeux adressent aux jeunes consommateurs un clind'œil entendu sur les vêtements ou les paquets de
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biscuits. Ainsi les jeux vidéo sont déjà une évidence économique, peut-être culturelle, un traitd'identité de génération, en bref un marché. Leterme est commode pour désigner à la fois degrandes manœuvres commerciales ou promotionnelles, des salons pluriannuels tout comme unenjeu tinancier proche de surpasser le cinéma (1).Les jeux vidéo sont d'abord l'exemple parfait d'unmariage entre l'industrie et les loisirs, signé sousle régime de la communauté autant dire de l'amalgame. Si quelques livres ont pu défricher ledomaine des jeux avec plus ou moins de talent(2), aucune étude du comportement de la clientèle, les enfants ou les adolescents, n'a encoretenté d'en mesurer l'impact.
Ceux que leurs parents ont traité de blousonsnoirs, de « yé yé 1) ou de « hippies », ceux qui ontentendu que la télévision les abrutissait peuventtémoigner: toute apparition d'une « culture» quisépare deux générations est d'abord condamnéepar les aînés. Cette étude est dédiée à ces blousons noirs ou chevelus d'hier qui vivent en familleet qui savent bien qu'ils ne lisaient pas tant qu'onle dit (3) pour eux; ils voudraient bien, probablement, ne pas se sentir exclus de centres d'intérêtqu'ils n'ont pas connus; ils souhaitent simplementune meilleure information maintenant qu'il s'agitde leurs enfants. Plus généralement, les engouements de la jeunesse mobilisent autant le sentiment de vieillir que la peur de l'avenir. Rienn'arme davantage contre l'un ou l'autre qu'uneinformation raisonnée. Tandis que l'État lui-mêmedonne le mauvais exemple en obligeant à la hâteles éditeurs à avertir les consommateurs contreles « risques d'épilepsie », une convivialité ignorante s'installe, chacun énonçant ses impressionssans le moindre contrôle de leurs sources. Cettefragilité sociale dépasse le cadre des jeux vidéo.Mais c'est d'abord contre elle que l'idée de dialoguer avec des entants a peu à peu pris forme. Lapratique des jeux vidéo fait en elfet l'objet derumeurs variées. Quiconque en parle sous-entendqu'il fait autorité pour tout ce qui s'y rapporte.Aussi lira-t-on qu'ils sont éducatifs dans un articlepromotionnel tandis qu'un « psychologue»déclare sur les ondes qu'ils n'intéressent que lesjeunes en échec. Peu à peu, des esprits auxintentions confuses investissent le domaine, plussoucieux d'exercer une censure ou de s'yconstruire un semblant de notoriété que de leconnaître. Trop de discours divergents invoquentla légitimité d'un bon sens qu'on sait particulièrement peu fiable. Plutôt qu'hériter d'une approche
superstitieuse ou irraisonnée des jeux, plutôt quede commencer par l'émotion liée â tout ce quitouche les entants, autant considérer que le degréde développement du marché des jeux est sulfisamment élevé pour entreprendre de les mesurer.Les envahisseurs sont là, des centaines de milliers d'enfants les voient, les fréquentent assidûment. Écoutons-les.
LA DÉMARCHE
La pratique des jeux vidéo est d'abord l'exerciced'un goût. Rien ne paraît plus personnel mais lasociologie a amplement montré qu'en matière degoût les choses étaient plus compliquées. Deplus, les rumeurs dominantes fournissaient d'excellents repères pour savoir quoi mesurer: lesfilles ne joueraient pas, les jeux isoleraientdu monde, seuls les jeunes les plus exclus dusystème scolaire trouveraient une compensationdans cette « drogue». Enfin, on pouvait suppo~
ser ['existence d'une curiosité très motivée par undouble désir: les jeux vidéo altèrent-ils la santédes enfants et nuisent-ils à leur réussite scolaire?Trois domaines se dessinaient qui ont architecturél'étude. Le souci de quantifier les joueurs, celui dedéfinir leurs pratiques et enfin la tentative de corréler leurs déclarations entre elles. À cela s'ajouteune appréciation de la relation aux autres induitepar les jeux.
Plusieurs sources d'information étaient requisespour répondre à ces questions.
- Tout d'abord les enfants: eux seuls pouvaient dire s'ils jouaient, à quoi, combien detemps et ce qu'ils préféraient.
- Ensuite leurs enseignants: leur appréciationde la réussite scolaire des enfants reste la plussûre. Même si, de l'un à l'autre, les critères peuvent varier, au moment d'un avis synthétique lesdilférences sont minces. De plus, le nombre d'enseignants sollicités assure d'un résultat fiable,chacun ne répondant que pour sa classe. Il estrégulièrement arrivé qu'un maître scrupuleuxinterroge ses collègues pour confronter leurs avisau sien. Tous les enfants ne connaissent pas nonplus la profession de leurs parents. Là encore,l'enseignant est un auxiliaire précieux.
- Enfin, l'enquêteur. Très vite en effet, unesolide connaissance des jeux s'est révélée indispensable: un enfant de six ans décrit plus facilement ce qu'il voit sur l'écran qu'il ne se rappelle le
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titre d'un jeu. Dans ce cas, seul un adulte quiconnaît cet écran peut déduire ce titre.
L'ensemble des informations recueillies estresté anonyme. Jamais l'enquêteur n'a quittéune école avec un formulaire nominal.
Sur l'ensemble de l'échantillon, on pourraitcroire que les filles jouent beaucoup moins. Ceteffet de moyenne ne rend pas compte d'un comportement très évolutif. En confrontant lestranches d'âge, la différence entre les sexes estd'un autre ordre.
PRINCIPALES CONCLUSIONS2) Mais les filles se rattrapent.
La population des joueurs
La pari des jeunes joueurs sur l'ensemble del'échantillon atteste l'emprise du phénomène:
74 % des enfants interrogésdéclarent jouer régulièrement
Variation de la pratiqueen fonction de l'âge et du sexe
100,-----------------c
80
118 9 10
âge de t'enfant
-- Garçons ----- FjJJes
60
40
20
06 7
108 9âge de t'enfant
Taux de pratique en fonction de l'âge90+%'-----------------80
70
60
50
4030
20
10
o6+7
----_.-------------------
1) Les garçons commencent plus tôt.
À partir de 9 ans, filles et garçons se distinguentdonc de moins en moins: ils sont tous très majoritaires à jouer. En revanche, les jeux sont plusvolontiers offerts à des garçonnets qu'à desfillettes. Doit-on en déduire l'existence d'un imaginaire social où les jeux seraient sexués et a prioriplus masculins? L'accès plus tardif des filles estil le fruit de leurs premières luttes féministes?Aujourd'hui, on peut seulement constater une discrimination décroissante: un joueur de six ans atoute chance d'être un garçon; à onze ans, la probabilité qu'il s'agisse d'une fille ou d'un garçon estégale. Toutefois cet intérét partagé semble remisen question au moment de la puberté (4).
Le milieu des parents et (a pratique des jeux
Un rapide coup d'oeil sur les catalogues de jeuxsurprend J'adulte dont l'enfance est parsemée demorceaux de bois que son imagination changeaiten sabre ou en mitraillette. Les jeux coûtent enmoyenne 450 francs avec des pointes à 600 voire700 francs. Qui s'offre un loisir indiscutablementcher?
Taux de pratiquepour les filles
• Ne joue pas
82%
D Joue
Taux de pratiquepour les garçons
Majoritaire, elle a cependant une manière de seconstituer bien à elle. D'abord parce qu'entre sixet douze ans, les enfants évoluent énormément.En matière de jeux, cette évolution a deux caractéristiques :
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-- Garçons ~ - - - Filles
Taux de pratique en fonction du niveau scolaire
90 f%'----:::::::::===::::=======:.=~~~V:~ 1.·/'40
30
20
10
OJ-.---~--~--~c-c--:,....-jÉchec En difficulté Moyen Satisfaisant Excellent
AutresOuvriers Employés Cadres sup. PatronsAgriculteurs Prof.lnterm. Commerçants
Artisans
-- 79%74 % 75 % 72 %
-57%
o
30
40
60
50
70
20
10
Taux de pratique en fonction de la catégorie sociale
%80
Les revenuS du ménage où grandit l'enfant interfèrent assez peu avec le fait qu'il joue. La pratiquetraverse les PCS, touchant indistinctement lesmilieux quels que soient le capital économiqueet le capital culturel. On pourrait, sur ce point,rapprocher ie phénomène de l'équipement desménages en magnétoscopes. À cela près queplus nombreux encore sont les possesseurs deconsoles ou de micro-ordinateurs. La catégorie« autres» comprend essentiellement par ordredécroissant: des chômeurs d'assez longue duréepour que les enseignants ne puissent indiquer laprofession qu'ils auraient exercée, les enfants placés dans des foyers comme ceux de la DDASS,ainsi que queiques prolessions rares (physionomiste dans un casino par exemple). En termed'exclusion, force est de constater qu'on est plutôtexclu du monde des jeux quand le foyer vit dansune certaine précarité.
La répartition seion ies résuitats scoiaires
Toujours en suivant la piste de la rumeur, il fallait rechercher si le fait de jouer pouva"t interféreravec les résultats scolaires.
À l'évidence, on se côtoie sans distinction sco~
laire quand il faut se mettre devant la console dejeu. Seuls, les élèves en situation d'échec manifeste (déclarés redoublants à coup sûr, parfoispour la seconde fois) sont, en proportion, moinsnombreux il jouer. Rappelons qu'il s'agit souventde ceux dont les parents vivent le plus durement
la crise de l'emploi. Mais sans oublier que s'ilsjouent moins, ils sont encore 67 % chez les garçons et 43 % chez les filles. Et ces enfants-là,comme les autres, sont plus nombreux à jouer àl'approche de leurs dix ans.
Les jeux vidéo offrent toutes les caractéristiquesd'un loisir de masse qui ne concernerait qu'unetranche d'âge spécifique: les jeunes, dès l'enfance. Comme la télévision, ils n'ont pas de prédilection pour un sexe particulier, pour un groupesocioprofessionnel déterminé ou pour un profilscoiaire délini. La première approche débouchesur un constat banal: entre 6 et 12 ans « on »
joue.
Ceux qui s'abstiennent
- Ils déclarent ne pas jouer aux jeux vidéo.- Une population plutôt féminine.- D'un niveau scolaire légèrement inférieur à la
moyenne.- Sans biais sociologique, si ce n'est une sur
représentation des enfants dont le père est absentou décédé (9 % de cette population).
L'usage des jeux
L'information concernant l'usage des jeux estmultiple: le temps consacré au jeu, le choixdes genres et celui des titres sont autant de pratiques des jeux toutes regroupées par le terme« usage ». Il faudra distinguer entre les moyenneset les tendances, entre les dominantes, stablesd'un groupe à l'autre, et les seconds choix parfois
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divergents. Dans l'ordre, on abordera le typed'équipement avant de considérer le temps consacré au jeu, temps croisé avec l'âge des joueurs, laPCS de leurs parents et leur réussite scolaire.Ensuite, le choix des genres puis celui des titrespermettront d'apprécier la manière dont se déterminent les enfants par rapport à l'offre.
L'équipement des joueurs
Trois types d'équipement sont pris en compte:les consoles qui se branchent sur un récepteur detélévision, les consoles portables et les microordinateurs.
Le succès des consoles TV s'explique aisémentpar le plus grand confort de jeu, un catalogue plusimportant et un investissement publicitaire plusappuyé de la part des grandes marques. La partdes micro-ordinateurs risque de devenir la variable sujette aux plus grandes variations dans lesannées à venir. Déjà chez les lycéens, il semblequ'elle soit nettement plus Importante.
- ce temps est distribué le plus souvent à l'intérieur de la semaine les mercredi et les weekends. Aussi peut-on considérer à la fois que lesenfants (ou leurs parents pour eux) limitent leuraccès à la console mais, une fois devant, y restentdeux ou trois heures.
Par ailleurs cette moyenne masque des clivagesplus classiques.
âge < 1 heure entre 1 et 2 h > 2 heures
617 ans .. 66 % 27% 6%8 ans ... 65% 31 % 4%9 ans ... 67% 31 % 2%10anset+ 69% 29% 1%
Total .... 67% 30% 3%
Exemple de lecture: 66 % des enfants de 6 et 7 ans jouentmoins d'une heure par jour.
Il Console IV • Console portable 0 Micro-ordinateur
Nette suprématie des consoles TVJoueurs = 100 %
29 % 58%
Répartition des joueursselon la durée quotidienne de jeu
> 2 heures3%
< 1 heure67%
~ .• .....J
Le temps de jeu
Les joueurs consacrent, en moyenne, 50 minutespar jour à leur loisir. Ce temps est une moyenneconstatée pour l'échantillon. Cela appelle deuxremarques:
- la majorité des joueurs a une pratique maîtrisée;
La majorité des enfants, quel que soit leur âge,consacrent en moyenne moins d'une heure quotidienne â jouer. La minorité qui dépasse les deuxheures quotidiennes de jeu évolue avec l'âge.Forte de 6 % des joueurs de six ans, elle diminuerégulièrement au fur et à mesure de la croissancepour se réduire à 1 % des joueurs de dix à douzeans à l'école élémentaire. Sans doute les jeux
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vidéo subissent-ils la concurrence d'autres formesde loisirs qui amène les enfants à réduire ieurtemps de jeu.
Estimation de la durée de jeuselon le niveau scolaire
Minutes par jour70
Durée quotidienne pOur deux p.e.s.
Un discrimÎnant social
Le temps de jeu est cependant un indicateur dumilieu des enfants. Plus ou moins libres de leurschoix selon la PCS des parents, les enfants decadres jouent moins longtemps que ceux desouvriers. Si tous jouent dans les mémes proportions, ils se distinguent donc par le temps qu'ilsconsacrent à ce loisir.
L'échantillon montre, en tendance, un écartsociai en matière de durée de jeu. Celte différence, déjà observée en matière d'usage de iatélévision, s'explique bien sûr par l'écart enmatière de capital culturel entre les PCS : j'éducation des enfants est davantage réfléchie dansles foyers favorisés. Les jeux vidéo sont doncintégrés au foyer comme la télévision, avec uneloi de réguiation dont la rigueur dépend directement de la PCS des parents.
o Ouvriers - Agriculteurs• Cadres sup.
Satisfaisant ExcellentMoyenEn difficulté
60J-===::=....~=----------i50"----------=~~_------I
40 "------------------j
30 1-----------------_______1
20l-----------------j
101-----------------------1
01--- -_---~--~--_______1Échec
confondre la cause et les effets. Rien n'indiqueque les enfants sont en échec parce qu'ilsjouent. Par exemple on n'observe aucune augmentation du nombre d'enfants en échec qui iraitde concert avec le développement des jeux. À titred'hypothèse, l'interprétation inverse serait piusséduisante: quand les enfants sont en échec, lapratique des jeux est un exutoire, peut-être unfacteur d'intégration, au moins une manière d'appartenir quand même à la collectivité des autresenfants. Affectivement, il est également probableque les jeux sont le miroir d'une construction positive de soi.
Un discriminant entre les sexes
Ce point n'est pas propre aux jeux vidèo.Toutefois, l'imprégnation moindre de la clientèleféminine n'était pas a priori prèvisible. C'est maintenant un fait établi, surtout si l'on tient compte dela désaffection des adolescentes, collégiennes etlycéennes, dont plusieurs études commandées parles diffuseurs font ètat.
> 2 heuresentre 1 et 2 h
90
80
70
60
50
40
30
20
10·
0< 1 heure
Un discriminant scolaire
Nombre d'études ont mis en évidence j'affinitéentre la réussite scolaire et le milieu d'origine.Croisé avec la réussite seo lai re, le temps consa~
cré à jouer vérifie celte sympathie.
Les enfants en échec jouent plus longtemps queceux qui réussissent. Il ne faudrait cependant pas
L'écart entre les filles et les garçons se vérifieégalement dans la durée de jeu:
• La durée de jeu quotidienne estimée pour lesgarçons est de 57 minutes ...
• ",. contre 45 minutes pour les filles.
• L'écart est donc significatif quoique moinsgrand qu'on le pense souvent.
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Les choix
À travers le choix des jeux, plusieurs informations sont fournies. Au-delà de celles, quantitatives, qui permettent de se représenter l'investissement des foyers, la répartition des enfantsdans l'offre ébauche une approche culturelle.L'échantillon renseigne celui qui, par exemple,voudrait savoir si tel profil d'enfant implique unusage plus assidu des jeux de violence ou decombat tandis qu'un autre profil favoriserait lesjeux de réflexion. Les jeux sont donc considéréscomme une offre culturelle suffisamment diversifiée pour permettre à chacun d'y dessiner le territoire de son goût. C'est ce paysage que cherchentà saisir les mesures qui suivent.
Taille de la ludothéque
Le nombre de jeux possédés donne à l'arpenteur du domaine une idée de ses dimensions.Cette variable risque d'évoluer fortement comptetenu de la multiplication des soldeurs, des vendeurs de jeux d'occasion et des promotions ponctuelles désormais plus fréquentes du fait de l'ampleur du marché. Tous ces facteurs induirontvraisemblablement une discrimination entre lesgrandes agglomérations et le reste du territoire oùla concurrence est moins possible. L'histoire destechnologies de communication évolue cependantassez vite: les possesseurs de micro-ordinateurs,oû qu'ils habitent, peuvent déjà «télé-charger"des jeux.
Dans l'immédiat, une mesure quantitative a sonsens: comme pour les débuts de la musique rock,les jeux actuels, quoique touchant un public plusjeune, occupent la place des futures nostalgiesadultes comme l'ont fait nombre d'émissions detélévision sans cesse rééditées en casse'ttes vidéoces dernières années (( Bonne nuit les petits»par exemple). L'enfant d'aujourd'hui consacre untemps comparable à maîtriser Mario ou Sanie etse constitue par là une mémoire d'enfance durablement prégnante.
Un enfant possède en moyenne six jeux
Ce nombre moyen correspond au foyer démographique moyen où vivent deux ou trois enfants.Le nombre des jeux varie avec la taille du foyer.
La baisse à partir de 5 enfants s'explique sansdoute par un effet-revenu
Répartition des élèvesselon le nombre de jeux possédés
> 1019 %
<555%
Cette valeur ne varie pas en fonction du nÎveau scolaire.
Plus de jeux dans les familles nombreuses,sauf à partir de 5 enfants
Estimation du nombre de jeux possédés en fonctionde la taille de la famille
Nombre de jeux6.05.85,6
5,45,25.0r~~--=:::==~'--~~~-~
4.84.64.44,24.0L-__~ ~__~__----:~
1 2 3 4 Set+
Nombre d'enfants dans un foyer
Temps de jeu et nombre de jeux possédés
Une évidence maintenant vérifiée. Il importeraitd'effectuer cette mesure auprès d'un échantillonde la population des douze/dix-huit ans. Soit unseuil apparaît: un nombre de jeux à partir duquelle temps est stabilisé, soit, comme il est plus probable, le temps se stabilise plus bas compte tenudes charges scolaires et de la concurrence descentres d'intérêt (puberté oblige).
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Taille de la ludothèque en fonctiondu temps consacré au jeu
Forte corrélation entre le nombre de titrespossédés et le temps de jeu
9,6
6,7
5,8
Nombrede jeux possédés10
9
8
7
6
5
4
3
2
1
o< 1 heure entre 1 et 2 h
Durée quotidienne du jeu
> 2 heures
Remarques: élaborées par l'usage, ces catégories n'obéissent pas à des principes rigoureux declassement. Tel jeu d'« avions» sera aussi un jeude combat tandis que tel autre dit de « réflexion ,.fait largement appel aux réflexes. Aussi ne convient-il pas de faire correspondre ces jeux à desfacultés qu'iis exerceraient plus spécifiquementmais, plus simplement, aux rayons des magasinsqui les proposent au consommateur.
Les jeux de plate-forme sont les plus spécifiques des jeux vidéo, leur identité la plus affirmée. Le choix des enfants en leur faveur montrel'élection d'un loisir spécifique qu'on ne trouve pasailleurs sous une autre forme. Il faut ajouter quele jeu de plate-forme a d'emblée des affinités avecl'enfance: un dosage d'action, de renouvellementdes décors, de variété des situations et d'astucesà découvrir, qui ne peut qu'attirer un enfant. Cettemultiplicité de caractères confirme l'imprécision duclassement. En fait, ies jeux de plate-forme rassemblent tous les autres.
Les jeux de combat ne constituent que 15 % du tota!.
Un jeu sur deux cité par les enfantsest un jeu de « plate-forme »
Le croisement entre ies choix par genres et lesrésultats scolaires met en évidence l'absence devéritables « pratiques culturelles» qui correspondraient à des profils sociologiquement déterminés.
La moindre proportion d'élèves excellents àchoisir des jeux de réflexion inspire un sourire auregard d'un point de vue de bon sens qui laissait
Tous100 %
Aventure1%
Avions1%
Plate-forme50 %
------------
Réflexion7%
Voitures5%
Les choix par genre
Les rayons des ludothèques enfantines sontplus ou moins nombreux et plus ou moins garnis.Pour en décrire le contenu ces deux critères sontessentiels. À quels genres de jeux s'intéressentles enfants 7 Pour un genre donné, quels titresont leurs préférences 7 Ces deux questions amènent donc à distinguer J'empan culturel de chacun(combien de genres fréquente-t-ii 7) de son érudition (combien de titres connaît-il 7).
Huit catégories ont été définies qui recoupentcelles en vigueur dans le domaine.
1. Voitures: tout jeu fondé sur la simulationd'une course automobile.
2. Action: les jeux qui proposent des affrontements scénarisés et successifs.
3. Combat: toute mise en scène de face à facedérivé d'un sport de combat.
4. Aventure: les jeux fondés sur un itinéraireréversible et initiatique.
5. Avions: toute simulation qui implique le piiotage d'un avion.
6. Plate-forme: le parcours linéaire d'un univers aux ressources cumulées.
7. Réllexion: tout jeu qui fait prioritairementappel à l'observation et à la logique.
8. Sport: toute simulation sportive.
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Pas de différence selon le niveau scolairedans les jeux préférés
Les filles préfèrent les jeux de réflexionet de plate-forme
227
150 ~ 1ii0 0 "~
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"0
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Indices de préférence relatived'une catégorie de jeu par les filles
2501,----- _
Les préférences par type de jeuxsont indépendantes du niveau scolaire
Choix des genres et réussite scolaire
La réussite scolaire des joueurs est-elle traduitepar des préférences en matière de jeu?
En moyenne les filles citent 2,27 fois plus souvent que les garçons (indice 227) les jeux de réflexion (surtout Tetris) parmileurs préférés,
Exemple de lecture: 6 % des Jeux de plate-forme cités l'ont étépar des élèves en échec scolaire.
Ce tableau indique peut-étre plus ies limitesde l'échantillon, qu'une véritable description deschoix. Ainsi le désintérêt des élèves jugés satisfaisants pour les jeux d'avion ne paraît pas autre-
En échec Faibles Moyens Satisfaisants Excellents Total
Action .. 4% 29 % 18 % 25 % 25 % 100%Combat .. 6% 12 % 27 % 33 % 22 % 100 %Aventure 0% 33% 0% 33 % 33 % 100 %Avions. 17 % 17% 17% 0% 50% 100 %Plate·forme
I/~%14 % 29 % 29% 23 % 100%
Réflexion. 0% 8% 29 % 42 % 21 % 100%
Sport ,;; 3% 22 % 25 % 22 % 28 % 100 %Voitures .. 0% 20% 40% 10 % 30 % 100 %
TotaY· 5% 15 % 27% 29 % 24 % 100 %
1
Voitures Action Voitures ActionSport 5% 10% 4% 11 %11%
Aventure1% Aventure
AVions 2%1% Avions
2%
Plate-forme Plate·forme50% 49 %
Tous Excellents
supposer le contraire. Plus sérieusement, il estprobable que les élèves excellents séparent mieuxleur temps de loisir de leur temps de travail etapprécient particulièrement une rupture plus marquée entre les deux. Plusieurs hypothèses devraient être vérifiées: existe-t-il des traits communs à tous les enfants excellents dans leurmanière de percevoir et d'utiliser les jeux vidéo?La représentation du « loisir» et du «sérieux"est-elle mieux dessinée dans leur esprit? Saventils tirer parti de ce loisir en développant des facultés utiles par ailleurs? La recherche dans cedomaine est encore balbutiante. Les pistes sontdonc nombreuses qui dessinent aux scienceshumaines et sociales un espace d'investigationparticulièrement riche.
Et toujours une différence entre filles et garçons:
Ce tableau développe une manière d'aborder lesjeux qui diffèrent selon les sexes. Une fois encore,les filles dont les résultats scolaires sont enmoyenne supérieurs à ceux des garçons (en faitelles sont moins nombreuses à se trouver enéchec mais à égalité avec les garçons dans lacatégorie des excellents), paraissent traduire uncomportement moins fantaisiste dans leur secondchoix. Faut-il voir une infiuence des parents qui,autorisant plus tard leurs filles à jouer, ne céderaient que pour certains titres? Une mesure affinée des pratiques féminines risquerait de mettreen évidence un modèle social du féminin enmatière de loisir dont la description pourrait approcher une question fondamentale: les filles ou lesgarçons se construisent-ils comme fille ou commegarçon en pratiquant les jeux? En d'autrestermes, les jeux produisent-ils une structurationsociale du sexe de chaque joueur?
Les enfants et les jeux vidéo 75
ZEP
Réflexion
--------
ment justifié. En revanche, une tendance estobservable qui devrait être confirmée par desmesures ultérieures: plus le niveau scolaire estélevé, plus la culture générale des jeux estouverte. Les élèves qui réussissent à l'écoleconnaissent plus de genres et plus de titres queles autres.
Choix des genres ef site scolaire
Une dernière hypothèse culturelle à propos desjeux supposait une corrélation entre le choix destitres et le site scolaire. Les écoles ont été classées en quatre catégories: centre-ville, ZEP(zone d'éducation prioritaire), ruraie et petiteagglomération.
Les goûts varient en fonction de l'habitat
Indice de préférence de certains types de jeuen fonction de l'habitat
1ao~---------
160140120100
aD604020Oj- ~----~---_j
Centre Petite Ruralville agglomération
-- Combat - -., - - Plate-forme
On a rapporté le taux de citation de chaque jeu à la valeurobservée au centre ville
Exemple de lecture: les jeux de combat sont 1,6 fois plus souvent cités dans les ZEP qu'au centre-ville, les jeux de réflexion5 fois moins.
Cette mesure est la plus délicate à manipuler.Elle fait apparaître, au niveau de l'échantillon, etpour certains types de jeux, une tendance fondéesur le quartier. Ainsi les élèves excellents oufaibles d'un même quartier (d'une même écoie) nese distinguent pas tant entre eux qu'entre eux etles autres élèves excellents ou faibles d'un autrequartier. Comme s'il existait une culture de quartier déterminante au niveau du choix des genres.On notera en tout cas à la fois une étonnantefaculté d'adaptation des jeux de plate-forme, unefois encore également choisis par tous. En l'attente de mesures de confirmation, l'interprétationla plus plausible est que des zones de bouche à
oreille de l'échelle d'une école expliquent lafaveur dont tel ou tel titre semble jouir dans telleou telle collectivité. Cela rapproche en tout cas lapratique des jeux de celie du cinéma où le boucheà oreille est à l'origine de surprises pour les producteurs eux-mêmes. Mais une différence sépareles jeux des films: la taille de la zone d'influenceest plus limitée.
Les choix par titres
L'échantillon étudié révèle un hit-parade contrasté.
Les 20 jeux les plus souvent cités
1 Mario 138 11 Alex Kid 122 Sanie 74 12 Robocop 113 Street Fighter 39 13 Batman 104 Tetrîs 35 14 Donald 8-- Tortues Ninja 35 -- Mortal Kombat 86 Mickey 24 -- Terminator 87 Aladdin 21 17 Prince of Persia 7-- Mario Land 21 -- Street of Rage 79 Double Dragon 20 -- Zelda 710 Astérix 13 20 Jurassic Park 6
Classement par nombre de citations. Les deux premiers jeuxcités remportent presque autant de suffrages que tous les autresréunis.
3 % des titres cités représentent 34 %des citations
Répartition des titresen fonction du nombre de citations
Nombre de titres200,--- _
180
~~~~---- ._~-~~-
~_l ~_.l__J __.I __
3 4 5 6 7 8 10 20~ Nombre de citations
Exemple de lecture: 20 titres sont cités 3 fois par les enfants
76 Revue Française de Pédagogie, n° 114, janvier-février-mars 1996
Corrélation entre le choix d'un titreet la réussite scolaire
li est toujours difficiie d'évaluer l'effet d'un jeusur la personnalité. Le joueur se coupe-t-il dumonde comme l'affirme la rumeur? La relationaux autres enfants, aux parents est-elle nourriepar ies jeux? Approchés en tant que matièrepotentielle d'un échange, les jeux peuvent inspirerdes discours, des pratiques dont il importait
Ce critère est vérifié par les choix des élèves endifficulté: Mario 1et Tortue Ninja 1 faisaient l'objetde fortes promotions dues à l'arrivée des produitsde seconde ou de troisième génération.
Mickey Mouse est peu plébiscité par tous: àchaque génération ses héros.
rance soit possible entre les revendeurs. Dans cecas, les jeunes consommateurs pourraient se risquer à découvrir des nouveautés dès leur parution.
Ce tableau, un peu difficile à lire, exprime unedonnée qualitative. Si chaque type d'élève effectuait le même choix que les autres, on retrouveraitle même pourcentage entre la répartition desélèves et ceiie des titres. Ainsi sur cent citationsen faveur d'un jeu, on devrait observer une répartition conforme à ceiie des éièves dans l'échantillon. Or un écart est observable qui indique despréférences légères. Par exemple, dans j'échantillon étudié, 22,54 % des élèves sont déclarésexceiients par leurs enseignants. Par ailleurs,27 % des citations d'Aladdin sont le fait desélèves excellents. On peut donc remarquer unepréférence de ces derniers pour ce jeu, préférence que mesure l'écart entre la représentationet la teneur des suffrages (ici 4,46). En classantces écarts on obtient les tendances les plus marquées pour chaque profil.
Quatre informations sont fournies par la lecturecomparée de ces deux tableaux:
Tous les élèves joueurs se divisent entre lesjeux phares des deux marques dominant le marché, Nintendo et Sega, c'est-à-dire respectivement Mario et Sanic.
Aladdin (plate-forme) et Street lighter 1/ (combat) ont la préférence des élèves exceiients. Celaexprime à la fois un goût, notamment pour les jeuxde combat et une aisance du milieu: ces jeux,récents au moment du sondage, étaient encorecoûteux.
La place des jeux dans la vie sociale des enfants
TortueNinja
c.SOIlic Street Tetns Tortue
fightef2 Ninjal
1
- Pop, de faibles_Faibles
_ Excellents - Pop, d'excellents
Aladdn Mano 1 Mario 2 Mario 3 MickeyMouse
%'D r --·18161412
] JI.111Amddn Mariol Mario2 Mario 3 Mickey Sonicl Street TeIns
Mouse fighter2
Proportions d'enfants faibles et excellents par titresrapportées à leur représentation dans l'échantillon
35 %
3D j
Deux qualités distinguent ce classement d'un hitparade musical ou éditorial. Comme dans le casdes entrées cinématographiques, les têtes desérie trustent la majorité des suffrages. Ensuiteun retard assez marqué entre les achats du consommateur et la parution des nouveautés semble témoigner autant de l'influence du prix que d'une stratégie promotionnelle des éditeurs concentrée sur lemoment de l'édition plus que sur la période quisuit. Peut-être que plus encore que pour le cinéma,le bouche à oreille a une fonction déterminante, lejeune consommateur ne pouvant trop se tromper.Toutefois, peut-être une mesure effectuée exclusivement sur des échantillons parisiens ou de trèsgrandes agglomérations fournirait-elle une indication différente. Le jeu des promotions et des soidesagit davantage dans ces villes où la clientèle estassez nombreuse pour qu'une véritable concur-
._-_.--,- -_..__._~~---~--------Les enfants et les jeux video 77
d'abord de vérifier l'existence. Une premièreremarque s'impose: entre six et onze ans, lesenfants ne lisent pas de revues spécialisées etn'utilisent pas le Minitel pour progresser dansleur loisir. Mais tant au niveau du choix que de lapratique, la fréquentation des jeux resteraitméconnue sans les données suivantes.
Plusieurs manières de choisir un titre
Compte tenu du prix moyen d'un jeu (entre 250et 650 francs, autour de 400 francs en moyenne)ies enfants choisissent-ils tout seuls leurs jeux?
le choix des jeux: Jes parents une fois sur deux
copains8%
Parents48%
Réponse à la question: « Qui d'habitude choisit les jeux que tupossèdes? "
Il faut nuancer ces moyennes qui ne tiennentpas compte de l'influence d'éventuels aînés euxmêmes joueurs. De plus les enfants n'aimentguère avouer qU'on choisit pour eux. Mais en dépitde tels facteurs qui peuvent fausser la validité desréponses, on peut noter que 56 % des enfantsdéclarent une influence ou une autorité en matièrede choix.
Plusieurs manières de jouer
La sociabilité des pratiques de jeu est régulièrement niée. On observe pourtant que les joueursvarient les modalités de pratique. Tantôt seuldevant sa console, tantôt avec des copains, tantôt
-----_...-----
les parents et les jeux vidéo
• 58 ''Jo des enfants disent que leurs parents nejouent jamais sans eux.
• Le fait que les parents jouent n'a pratiquementpas d'incidence sur le nombre de jeux possédéspar l'enfant.
• La proportion de parents joueurs réguliers estélevée chez les patrons ~ commerçants (16 %) etfaible chez les cadres supérieurs (8 %).
en famille, le joueur moyen n'a pas d'exclusive.On constate la multiplication des périphériques quipermettent à trois ou quatre joueurs (aussi bienchez Nintendo que Segal et même l'apparitiond'une tendance à développer les jeux qui proposent un accès mu/tip/ayers, c'est-à-dire avec lapossibilité de diriger indépendamment trois ouquatre personnages distincts.
Les jeux induisent une sociabilité forte
On en parle, on joue à plusieurs dont sesparents:
- un enfant sur deux ne joue jamais avec sesparents,
- seuls 6 % des enfants déclarent jouer souvent de cette façon,
- ces pourcentages varient très peu en fonction du niveau scolaire,
- ce sont les cadres supérieurs qui jouent lemoins (60 % jamais) avec leurs enfants,
- ce sont les ouvriers qui jouent le plus avecleurs enfants.
Le jeu avec les parents
Il est à double effet. Généralement cumulé avecun temps de jeu entre copains ou solitaire, ilconduit à multiplier l'usage de la console.
Une relative interférence entre enfants et parentsest toutefois observable. Si les parents joueursrestent une minorité, ils témoignent aussi d'uneparfaite intégration des jeux à tous les milieux. Enmoyenne, 58,4 % des parents s'abstiennent. Maisle plus intéressant est que 41,6 % consacrent unepart de leurs loisirs à la pratique des jeux. Cechiffre est à rapprocher de la montée en nombredes jeux destinés à un public plus âgé.
78 Revue Française de Pédagogie, n° 114, janvier-février-mars 1996
Forte corrélation entredurée de jeu et jeu avec les parents
Une très fOfte sociabilité induite par les jeux
Pourcentage d'enfants dont les parents jouentsouvent avec eux selon leur durée de jeu quotidienne
%16-,- ~
Proportion d'enfants parlant régulièrementdes jeux vidéo avec leurs copains selon l'âge
80t%'--------========~:~ ~40~30
20
10
~+l-::-7----"'8-----9--------,,~Oet +
Ce Qu'on peut retenir en dix points
âge
15%
>2hentre 1 et 2 heures
4 5 %
8
6
2
0+- ~------___1
< 1 h
10
14
12
la question était: " Arrive-t-il à les parents de jouer sans loi auxjeux vidéo? "
Pratique des jeux vidéo par les parentsselon les PCS
Si le jeu mobilise la moitié des foyers desjoueurs, il inspire à ces derniers nombre de cam·mentaires qui font le lit d'échanges fréquents.
La rUmeur est battue en brèche qui voulait queles jeux enferment les enfants dans on ne saitquelle forteresse intérieure. Il est clair qu'ils enparlent pour les vanter, pour se vanter et pouréchanger trucs et cartouches. Dès sept ans, unusage intensif du troc remet à la mode enfantineune forme archaïque d'économie.
1. Les jeux vidéo ont la place d'un loisir demasse. À ce titre ils sont indifférents aux lignes departage socio-économique qui divisent ia population en PCS par exemple.
2. Les enfants leur consacrent un temps mesurédans l'ensemble_ C'est l'écart entre les diverstemps de jeu d'un enfant à l'autre qui renseignesur le milieu de ses parents ou sur sa réussitescolaire. Jouer n'est pas discriminant, jouer plusde deux heures par jour l'est fortement. En tendance, les enfants qui jouent le plus sont les plusjeunes. En grandissant, tous convergent vers untemps avoisinant l'heure quotidienne. Cette heuremoyenne est en fait concentrée les mercredis etles week-ends.
3. Une nette différence d'approche entre lesfilles et les garçons. Ce point est le plus importantà comprendre. Les filles commencent plus tard,jouent moins longtemps et choisissent endeuxième position d'autres titres que les garçons.
4. Les enfants en échec scolaire, souvent issusde milieux défavorisés, jouent moins que lesautres.
5. Les élèves excellents jouent comme lesautres et citent davantage de titres. Leur milieud'origine est plus souvent à même de leur permettre un accès à des jeux récents, toujours coûteux.
6. Le site scolaire semble induire des choixpropres à toute la population de l'école, quels que
---Parents jouent
- ---amais Parfois Souvent Total
- ---
61 % 33% 6% 100%
57'% 36 % 8% 100 %
56'% 32% 12% 100%
59% 29°/(1 12% 100 %
59% 26 a/(l 16 % 100%- ----
58 % 30 o/(l 12% 100 %
JPCS foyer---
Talai
Autres.
Cadres sup.Employés-Prof. interm.
Ouvriers-Agriculteurs ..Patrons-Comm.-Artisans .
Les enfants et les jeux vidéo 79
soient le milieu Ou les résultats. Bouche à oreilileou culture de quartier se manifestent une foisencore dans le choix des titres retenus enseconde position.
7. Les jeux de plate-forme couvrent l'essentieldu marché. 3 % des titres suscitent 34 % des citafions. Les enfants ne s'écartent de ce style de jeuqu'une fois qu'ils l'ont abordé, et encore pour yrevenir dès la parution d'un épisode deux ou trois.
a. Les jeux inspirent un dialogue aussi bienadressé aux parents dans 50 % des cas qu'auxcopains dans la majorité.
9. Il n'existe pas une manière de les pratiquer.Les enfants jouent tout seuls et avec des copainset en famille.
10. Les jeux favorisent une forte sociabilité desenfants.
Méthodologie
Près d'un millier ont été interrogés entre lesmois de décembre 1993 et juin 1994 dans ledépartement de la Savoie. Âgés de six à douzeans, ils appartenaient à diverses écoles répartiesen quatre types de site: centre-ville, ZEP, petiteagglomération et classes rurales. De la sorte,l'échantillon obtenu correspond, en miniature, à lapopulation scolaire française. Ils ont parfoisdonné à cette étude une fantaisie ou un grain quiauront disparu dans la sécheresse des résultats.Toutefois, bien des données sociales qui formentl'ordinaire de l'information quotidienne, chômage,augmentation des divorces, retrouvent dans leurbouche la justesse de l'expérience vécue. Aumoins, aura-t-on essayé de les écouter au mieuxquand ils parlaient d'un de leurs loisirs favoris.
Frédéric et Alain Le Diberder, co-auteurs dulivre Qui a peur des jeux vidéo? aux éditions LaDécouverte ont éclairé de leurs compétences respectives la conception du questionnaire et le traitement des données. Leur maîtrise des démarchesen sociologie et des outils statistiques s'est avérée essentielle pour mener ce travail à bien.
L'intérèt de cette étude a été reconnu parl'Institut Universitaire de Formation des Maîtres(IUFM) de Grenoble. Cela a grandement facilitél'accès aux écoles élémentaires. Par ailleurs, uncompte-rendu dans le cadre du Groupe deRecherche Enfants Média (GREMM), a permis de
corriger quelques approximations dans la terminologie des termes utilisés. Il n'est pas question deconclure cette réflexion sans remercier chaleureusement ies maîtres des écoles savoyardes qui onttoujours accueilli l'enquêteur avec curiosité et disponibilité dans leur classe.
Élaboration du questionnaire
Le questionnaire ci-joint a servi de support pourinterroger les enfants. Il comprend trois parties:
1) Les questions liées au milieu de l'enfant etaux résultats de l'élève. Ces derniers étaient indiqués dans un second temps par l'enseignant endehors de la présence des élèves.
2) Les questions liées à l'usage des jeux,temps, choix, titres.
3) Les questions liées à la relation aux autres àtravers les jeux.
On notera une double interrogation à propos dutemps. Il est difficile d'obtenir une réponse fiabled'un enfant (ou d'un adulte) en matière de temps.Interrogé avant d'avoir cité des titres et aprèsl'avoir fait, l'enfant était amené à préciser davantage sa durée de jeu.
Questionnaire préalable à une recherche sur laplace des jeux vidéo dans le premier degré.
Mode de passage
Deux phases ont été nécessaires pour collecterune information fiable.
La première phase:
Conduite par un groupe d'étudiants bénévolesentre novembre et dêcembre 1993, elle a dû êtreinterrompue faute d'une connaissance suffisantedes jeux. Mis dans l'impossibilité de répondre à latotalité des questions, les étudiants n'ont pu réunirassez de questionnaires complets.
La deuxième phase:
Intégralement menée par l'auteur de cette étude, ellea eu lieu entre mars et juin 1994. L'ensemble des informations collectées est devenu suffisamment importantpour entreprendre un dépouillement qui soit pertinent.Chaque enfant a été interrogé individuellement.L'évaluation du temps de jeu a fait l'objet d'un questionnement développé (en demandant par exemple auxenfants de six ans s'ils goûtaient, ce qu'ils faisaientaprès s'être arrêtés pour déduire une durée de jeu).
80 Revue Française de Pédagogie, n° 114. janvier-février-mars 1996
Ce questionnaire est anonyme. Les réponses collectées sont destinées à établir une statistique.
A Situation de famille:
Profession du père: . . . . . . . . . . de la mère: .Votre enfant: fille 0 garçon 0 Age: '" ansAge des frères et soeurs: .. ans, ..... ans, .... ans, ..... ans
A remplir par l'enseignant:
Situation scolaire: classe: CP 0 CEl 0 CE2D CMl 0 CM2Dréussite scolaire: excellente 0 satisfaisante 0 moyenne 0 faible 0 échec D
Ecole: centre-ville Cl ZEP 0 rurale [J petite agglomération 0
B Ton équipement:
NON 0de temps en temps 0
ooo
à toipour la famillechez des amis
riCJ
o
Joues-tu à des jeux vidéo? : OUI 0
Tu y joues: tous les jours 0 presque tous les jours 0
Tu possèdes déjà:
une console TVune console portable
un micro-ordinateur
ooD
souvent 0souvent 0
parfois 0
parfois 0
C Choix et usage des jeuxNombre de jeux: Entre 0 et 5 0 Choisis par toi
- Entre 5 et 10 0 Choisis par ou avec tes parents- plus de 10 U Conseillés par tes camarades
Mode de pratique: seul Cl à deux 0 avec des amis 0 en famille DLe titre de tes jeux préférés (3 titres possibles): 1 /5
Préciser par une note entre 0 et 5 votre niveau 2. . . . . . . /5
(0 = débutant, 5 = maîtrise totale du jeu) 3 /5
Tu y joues: moins d'l heure/jour 0 entre 1 et 2 heures/jour D plus de 2 heures/jour D
Tu échanges tes impressions, tes trucs, tes difficultés (plusieurs réponses possibles) :
avec tes camarades souvent r] régulièrement 0 parfois 0 jamais Davec tes parents souvent 0 régulièrement 0 parfois 0 jamais Davec le Minitel souvent U régulièrement 0 parfois 0 jamais 0
Tu lis une revue spécialisée: souvent ri régulièrement 0 parfois 0 jamais 0
Titre: . . .
Tes parents jouent avec toi: jamais Cl
Tes parents jouent seuls: jamais 0
Les enfants et les jeux vidéo 81
À la fin de l'ensemble des entretiens conduits avec lesélèves d'une même classe, l'enseignant a été sollicitépour indiquer le niveau scolaire et partais la professiondes parents.
Méthode de traitement
Le dépouillement des questionnaires impliquait desprécautions méthodologiques pour l'essentiel fourniespar A.M. Dussaix et J.M. Grosbas dans le livre de lacollection Que sais-je? intitulé Sondages: principes etméthodes. Sur les 1 100 questionnaires disponibles,569 ont été exploités qui correspondent à la géographiesociale de la France.
Saisis un par un, ils ont ensuite fait l'objet dediverses interrogations croisées dont les plussignificatives sont à l'origine des graphiques présentés dans le dossier.
Répartition des enfants interrogésselon la PCS du chef de famille
Autres4%
OuvriersAgriculteurs
37 %
Cadres sup.13%
Employés ~ Prof. Interm.32%
Fiche technique du sondage
entre décembre 93 et juin 94 ;26 classes dans 7 écoles de Savoie;1 100 questionnaires administrés;568 exploités;questionnaire anonyme;rempli par un enquêteur qui interroge un parun les enfants.
Site école
PetitePCS foyer Centre 'gglo- Rural ZEP Tot,l
ville mération
Autres. 30% 7% 0% 63% 100%Cadres sup. 87% 4% 7% 3% 100%Employés-Prol. Interm. 53% 15% 13% 20% 100%Ouvriers-Agriculteurs . 39% 11% 18% 32% 100%Patrons-Comm, -Artisans 63% 13% 11% 13% 100%
Total 52% 11% 13% 23% 100%_.. _.
Exemples de lecture:52 % des élèves interrogés étaient scolarisés en centre-ville.87 % des enfants de cadres supérieurs sont au centre-ville.
Quelques données concernant j'échantillon
La répartition des 568 questionnaires exploitéscorrespond à la distribution des PCS en Franceainsi qu'à la répartition des élèves en matière deréussite scolaire.
Patrick LonguetIUFM de Grenoble
NOTES
(1) Qui a peur des jeux vidéo? A. et F. Le Diberder, éditions LaDécouverte, 1993, chapitre 3: « Des taux qui font rêver laBourse », p. 69.
(2) Ibid. pour le plus de talent.
(3) Consulter à cel égard: Les pratiques culturelles desFrançais, La Documentation française.
(4) Plusieurs fabricants font état d'études internes qui soulignent au contraire un écart assez net entre les filles et lesgarçons au moment de l'adolescence.
82 Revue Française de Pédagogie, n° 114, janvier-février~mars 1996
REPÈRES BIBLIOGRAPHIQUES
Le sujet est encore trop neuf, en France, pour véritablement avoir inspiré une bibliographie. Cette étude estun commencement d'approche. On peut toutefoisretenir sur le sujet:
GREEN FIELD P. - Mind and Media, Harvard UniversityPress, 1984.
PROVENZO E. - Video Kids: Making Sense ofNintendo, Harvard University Press, 1991.
LORIMIER J. - Ils jouent au Nintendo, Les Éditionslogiques, Montréal, 1991.
LE DIBERDER A. et F. - Qui a peur des jeux vidéo?La Découverte, 1993.
Le numéro 1, vol. 15 de janvier-mars 1994 du Journal ofApplied Devefopmental Psych%gy fait le point. surdix ans de recherche en matière d'effets des Jeuxsur les personnes (de ['enfance à l'âge adulte).Sous le titre Effects of interactive entertainmenttechnologies on development, la revue rassembledes articles de P. Greenfield (<< guest editor "), encollaboration avec divers chercheurs, et de S.L.Calvert et Siu-Lan Tan. Il s'agit, à ce jour, du pluscomplet résumé de ce qui touche aux effets des jeuxvidéo sur les personnes qui res utilisent.
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