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ECOLE NATIONALE DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE
UFR SCIENCES DE L'EDUCATION - UNIVERSITE LILLE 3
L’ENTRETIEN D’ACCUEIL EN MILIEU
OUVERT à la PROTECTION
JUDICIAIRE de la JEUNESSE :
Les prémices de la relation éducative ?
Mémoire de validation professionnelle de la formation d’éducateur de la Protection Judiciaire
de la Jeunesse
Et
De validation du Master I – Sciences et Métiers de l’Enseignement, de l’Education et de la
Formation, parcours « Travail Educatif et Social ».
Sous la direction de Monsieur Pierre DELCAMBRE, professeur émérite de sciences de
l'information et de la communication
DE DEUS Nadine
Formation Statutaire des Educateurs
Promotion 2012-2014
REMERCIEMENTS
Je tenais à exprimer ma gratitude à toutes les personnes qui ont permis que ce
mémoire soit finalisé. Merci à ma famille et mes amis d’avoir eu la patience de me soutenir
pendant ce travail.
Je remercie mon directeur de mémoire, Monsieur Pierre DELCAMBRE, pour sa
disponibilité, ses conseils et pour les discussions que nous avons pu avoir. Tous ces échanges
ont permis de nourrir mon étude, ainsi que d’approfondir mes connaissances.
Je remercie également toute l’équipe de l’UEMO des Mureaux. Tous ont toujours
accepté de me répondre et de dégager du temps, malgré leurs emplois du temps chargés. Et
tous se sont toujours portés volontaires pour m’aider si j’en ressentais le besoin.
Je tenais à remercier spécialement ma tutrice de stage, Myriam DARGENT, qui a su
me remobiliser à chaque fois que je pensais ne pas réussir. Par son humour, ses conseils, ses
anecdotes, ses savoirs (savoirs faire et savoirs être) elle a su guider mon stage tout en portant
un réel intérêt à mon travail de mémoire.
Je remercie également les familles qui ont accepté de répondre à mes questions.
« Je suis fortement convaincu que l’une des raisons importantes de la professionnalisation
dans tous les domaines est qu’elle aide à maintenir une distance. »
Carl ROGERS,
Le développement de la personne, 1966
Sommaire
INTRODUCTION .............................................................................................................................1
I) LES CADRES DES PREMIERS CONTACTS ENTRE LES SERVICES PJJ ET LES « USAGERS » .............7
1. Convoquer/accueillir : le cadre réglementaire et l’organisation locale répondant à la
prescription et aux référentiels ....................................................................................................7
1.1. Les exigences institutionnelles de l’accueil des mineurs et de leurs représentants
légaux sous mesure de justice et la loi de 2002 ........................................................................... 7
1.2. La mise en place et l’organisation locale de l’accueil des mineurs et de leurs parents :
l’accueil ou « premier entretien » ...............................................................................................14
2. Le premier entretien : caractéristiques des entretiens, particularités du « premier entretien »
en Milieu Ouvert ...................................................................................................................... 19
2.1. Qu’est-ce qu’un « entretien » comme situation ? Une approche généraliste ....................19
2.2. En UEMO le « premier entretien » : schéma type pour les professionnels PJJ .................24
2.3. La mesure éducative (investiguer, accompagner, contrôler) : une aide contrainte à
mettre en route ? ........................................................................................................................28
3. Le « Premier entretien » comme première rencontre enclenchant la relation éducative
propre à la mesure ? ................................................................................................................. 29
3.1. Le travail d’un éducateur selon les mesures ....................................................................29
3.2. Une première approche de la visée éducative .................................................................33
3.3. La spécificité de « l’éducatif » et sa place dans les entretiens d’accueil ...........................35
II) OBSERVATION ET ANALYSE .................................................................................................. 37
1. Méthodologie : choix des situations .................................................................................. 37
2. Analyse des entretiens d’accueil ....................................................................................... 38
3. Quelques difficultés observées et rencontrées dans la conduite des entretiens d’accueil ..... 49
III) PHASE D’EXPERIMENTATION : QUAND LES MODES DE FONCTIONNEMENT DOIVENT ETRE
AJUSTES A UN NOUVEAU SYSTEME D’ORGANISATION ................................................................. 52
1. La prise en charge à cinq jours : pourquoi, et quelle organisation du tribunal aux services . 52
2. Comment est-elle pensée à l’UEMO des Mureaux ?............................................................53
3. Réflexions sur la prise en charge à cinq jours .................................................................... 55
CONCLUSION : ............................................................................................................................. 59
BIBLIOGRAPHIE : .......................................................................................................................... 61
ANNEXES ..................................................................................................................................... 63
1
INTRODUCTION
Lors de ma première année de formation, différents stages m’ont permis de faire la
découverte d’un territoire, celui du Poitou Charentes. Ils avaient pour but de nous
sensibiliser sur l’organisation d’un territoire ainsi que de nous permettre d’appréhender le
travail d’un éducateur de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) à travers différentes
unités. J’ai donc effectué des stages courts en Unité Educative de Milieu Ouvert (UEMO),
en Unité Educative d’Hébergement Diversifié Renforcé (UEHDR), en Quartier Mineur
(QM) et en Unité Educative d’Activités de Jour (UEAJ). Cette année je suis pré affectée à
l’UEMO des Mureaux qui, avec l’UEMO de Mantes la Jolie, forment le Service Territorial
Educatif de Milieu Ouvert (STEMO) Val de Seine. Mon sujet de mémoire a pour thème
l’entretien d’accueil. Mon intérêt pour celui-ci est né de plusieurs situations que je vais
tenter d’expliciter.
Alors que je me trouvais en stage à l’UEMO de Poitiers (stage court de première
année), j’ai été interpellée par une Visite à Domicile (VAD), pour laquelle l’éducatrice a
dû « enquêter » pour trouver l’adresse. Il s’agissait d’une Mesure Judiciaire d’Investigation
Educative (MJIE), qui, au vu de la suractivité du service et de plusieurs circonstances allait
être le seul entretien possible. Le dossier concernait un jeune père de 23ans, célibataire, qui
avait la garde de son petit garçon de deux ans et demi. Le magistrat demandait de vérifier
les conditions de vie de l’enfant. Devant le silence de monsieur, et au vu d’un temps plus
que restreint, la VAD paraissait être le seul entretien possible. Lorsque le temps de
réalisation d’une mesure est très restreint, l’éducateur peut prioriser la visite à domicile qui
permet d’avoir un maximum d’informations sur le jeune et son environnement (famille,
habitat...). Cela permet d’obtenir plus d’éléments qu’un entretien au service. Nous nous
sommes donc rendues à l’adresse de Monsieur, située à environ une heure de l’UEMO.
Une fois sur place, personne n’ouvrira la porte. L’éducatrice décida donc d’interroger les
voisins. Elle contacta la Responsable d’Unité Educative (RUE) par téléphone qui lui
conseilla aussi de se rendre à la mairie. Je me suis dès lors interrogée sur le respect du droit
des usagers. La circulaire d’orientation relative à la MJIE stipule que « la conduite de la
MJIE répond aux différentes exigences liées au secret professionnel, à l’information
partagée et au droit des usagers ». Le droit des usagers (loi du 2 janvier 2002) reprend les
droits individuels fondamentaux : droit au respect de la dignité, au respect de la vie privée,
2
à la confidentialité des informations le concernant et à la non-discrimination. Je me pose la
question : ce droit n’est-il pas touché lorsque nous énonçons notre profession : éducateur à
la protection judiciaire de la jeunesse ? Il s’agit là pour moi d’un vaste sujet au centre du
travail d’un éducateur. Par la suite je me suis donc penchée sur la loi du 2 janvier 2002, en
portant un intérêt particulier aux différents respects que cette dernière met en avant. Tout
en lisant cette loi, et en m’accordant une réflexion sur celle-ci, j’ai élargi mes
interrogations. Au vu des différents outils inhérents à cette loi, je me suis interrogée sur
l’entretien d’accueil. D’après la définition du Larousse, l’accueil est l’action et la manière
d'accueillir, de recevoir en bien ou en mal quelqu'un ou quelque chose.
Dans la vie de tous les jours, et sans forcément s’en rendre compte, cette notion
d’accueil est présente tout autour de nous. Dans notre vie personnelle, nous attachons une
importance à cette notion. Lorsque nous recevons des invités, nous soignons l’accueil que
nous leur ferons. Nous soignons notre présentation physique, ainsi que le lieu où nous les
recevons. Au-delà de la sphère privée à chaque entrée d’une administration nous
retrouvons un lieu dédié à l’accueil, où nous pouvons nous adresser pour nous faciliter les
tâches ou les déplacements, un lieu où nous pouvons ainsi nous renseigner pour éviter de
nous sentir perdus. Lors de déplacements à l’étranger, chacun s’efforce de s’adapter aux
rites de la culture du nouveau pays, et un travail de recherches peut alors s’effectuer sur les
us et coutumes, en commençant par l’accueil : comment dire bonjour ? Doit-on saluer ou
serrer la main ? Devons-nous embrasser la personne qui nous accueillera ? Autant de
questions qui se posent implicitement, et auxquelles nous cherchons une réponse pour
permettre une première rencontre satisfaisante mais surtout respectueuse.
Cette notion m’avait déjà fait écho dans ma vie professionnelle. Parallèlement à
mes études, j’ai été hôtesse de caisse dans un supermarché. Une des premières choses
évoquées lors de l’entretien d’embauche était qu’il fallait soigner l’accueil du client :
sourire, politesse, réponse adaptée, tenue correcte, pour permettre aux clients de passer un
moment dit « sympathique », et ainsi avoir l’envie de revenir.
Lorsque quelques années plus tard j’ai exercé en tant qu’assistante d’éducation puis
faisant fonction de Conseillère Principale d’Education (CPE) au sein d’un collège, la
question se posait à chaque début d’année, aussi bien pour les professionnels que pour les
collégiens et leurs familles.
3
Lors de la réunion de pré rentrée, chaque nouveau membre de l’équipe éducative
recevait un dossier de bienvenue. Les présentations se faisaient officiellement lors d’un
discours animé par la chef d’établissement, puis un verre de l’amitié clôturait celles-ci.
Cela avait pour but d’instaurer un climat de bienveillance et de confiance entre chaque
membre de l’établissement, tous corps de métiers confondus.
Lors de la rentrée scolaire, nous avions pour mission d’accueillir les élèves et leurs
familles dès leur arrivée sur le parking, de façon à pouvoir les renseigner au besoin. Une
réunion était alors prévue en vue d’expliquer le déroulement de la journée, et faire les
présentations générales de la direction, du professeur principal et de l’équipe vie scolaire.
J’appréciais tout particulièrement ces jours de rentrée, car nous découvrions de nouvelles
personnes, de nouveaux visages. D’une année sur l’autre, nous faisions table rase de
l’année écoulée et nous écrivions une nouvelle page de la vie de l’établissement.
Lors de mon stage de première année au Tribunal Pour Enfants de Poitiers je me
souviens d’une conversation que j’avais notée sur mon cahier de bord. Cette conversation
avec une magistrate m’avait fait écho avec les souvenirs évoqués précédemment, et j’avais
grâce à elle, pris conscience que cette notion d’accueil est omni présente. La magistrate
m’avait fait part d’une difficulté qui était, pour elle, de rencontrer des familles pour la
première fois, de pénétrer dans leurs sphères privées, pour statuer sur une aide. Pourtant
ces derniers ne le souhaitaient pas forcément. Elle avait utilisé une métaphore qui m’avait
alors marquée : « Imaginez si des gens s’invitaient à diner chez vous et vous donnaient la
recette sans savoir ce que vous projetiez de cuisiner, et sans que vous n’ayez demandé quoi
que ce soit. Ces familles on les rencontre à un moment donné de leur vie, sans qu’elles ne
nous aient choisis, et mon travail est de faire en sorte de les aider au mieux, sans les
connaître personnellement, et sans forcément qu’elles ne le veuillent. C’est tout de même
violent. » La magistrate m’a alors indiqué que lors de la première rencontre, de la première
audience dans son cabinet, elle tentait de mettre les familles à l’aise tout en assurant son
rôle de magistrat. Elle faisait toujours attention à sa façon d’accueillir les personnes dans
son bureau. Tandis que la greffière faisait entrer les personnes dans son bureau, elle restait
debout, ce qui pour elle était une marque de respect à laquelle les personnes en face d’elle
avaient le droit. De plus, malgré le bureau qui la séparait des usagers, elle tendait toujours
le bras pour leur serrer la main. Pour elle, et malgré son statut et la situation qui amenait la
famille dans son bureau, elle ne pouvait faire autrement. Car il s’agissait d’une rencontre
4
humaine avant tout, et qu’elle tenait à la soigner. J’avais été étonnée de ce discours car
j’avais une représentation du magistrat dur, fermé, caricaturant un peu son personnage pour
marquer l’aspect décisionnaire de la fonction.
A travers ces différents exemples, je peux donc dire que l’accueil est un moment
durant lequel nous recherchons une certaine forme d’adhésion, tout en donnant un cadre
sécurisant à la personne que nous avons face à nous, et quel que soit le contexte qui a
engendré cet instant d’accueil.
Mais comment accueillir lorsque la rencontre n’est pas désirée ? Lorsqu’elle est
contrainte ? Ces questions me sont apparues lors de mes différents stages au sein de la PJJ.
En effet, les services de la PJJ, prennent en charge des usagers sous main de justice. Ici,
l’accueil se fait donc de façon forcée. Pourtant, ces personnes, mineurs sous main de
justice, familles soumises à investigations sont, surtout avant jugement, mais encore après,
des citoyens pour lesquels des droits existent, droits consacrés par la loi du 2 janvier 2002.
Celle-ci a amené à repenser l’accueil des personnes lors de la prise en charge par un
service PJJ. Ce moment est à la fois un moment institutionnel et le premier contact avec
l’éducateur chargé de l’exécution de la mesure, un moment de démarrage de la mesure.
Si nous revenons aux outils mis en place par la loi du 2 janvier 2002, la clarté et la
transparence dues à la famille et au jeune sont notamment mises en exergue par la création
du Document Individuel de Prise en Charge (DIPC). La loi prévoit la remise du livret
d’accueil, de la charte des droits et libertés, et le remplissage du DIPC qui s’apparenterait à
un contrat, ce qui pose un problème sous-jacent : par définition, un contrat est signé
volontairement par deux parties, ici, la contrainte m’apparaît comme problématique.
L’entretien d’accueil est un temps institutionnalisé qui permet le rappel du cadre de
l’intervention judiciaire, la présentation de la PJJ, du service et des mesures à travers la
remise de divers documents, ce qui peut être vu comme un premier temps de l’entretien
d’accueil. L’institutionnel n’est alors pas qu’un temps administratif mais plutôt centré sur
l’usager au travers de la loi de 2002. Et parallèlement, l’entretien d’accueil reste également
la première prise de contact, l’amorce de la relation éducative, tant avec les familles
qu’avec les jeunes. Ce qui peut s’apparenter à un second temps de l’entretien. L’accueil est
synonyme de première rencontre. Le but de ce premier entretien, au-delà de présenter un
service, est également de tisser un début de relation de confiance, de permettre à des
5
usagers de s’exprimer, de questionner. Avant toute chose, cet entretien a pour but de faire
comprendre une intervention dans un cadre judiciaire, et donc de rassurer les usagers face à
celle-ci. Je me suis donc demandé comment réussir à conjuguer ces deux états de fait.
De là est née ma problématique :
Comment mener au mieux un entretien qui a une double nature :
institutionnelle, obligée et utile, mais qui est également le premier contact d’une
nouvelle relation ?
J’avais alors trois hypothèses de départ :
L’entretien d’accueil est toujours construit de la même façon quelle que soit la
mesure.
Il s’agit d’un lieu d’échanges, et donc d’un premier lien éducatif.
Le cadre pénal rend compliqué cet entretien d’accueil.
Pour réfléchir à cette question de double dynamique, il m’a fallu questionner et
observer. J’ai alors pensé à une méthodologie qui me permettrait également de vérifier ou
non mes hypothèses. Cette dernière a été faite en plusieurs temps :
J’ai effectué des entretiens exploratoires1 sur mon unité : j’ai alors posé dix questions
autour de l’entretien d’accueil. J’ai enregistré ces entretiens, dont j’ai retranscris le fond.
Ces derniers m’ont permis de récolter des informations et de confronter mes
représentations de stagiaire aux savoirs et vécus de professionnels.
Parallèlement, j’ai commencé la lecture d’ouvrages, de lois, de notes, de textes pour me
permettre d’enrichir ma réflexion d’un point de vue théorique. J’ai également cherché à
avoir accès au projet de service et au projet de l’unité. Tout cela dans le but de situer et
d’élargir mes idées de l’entretien d’accueil.
J’ai établi une phase préalable d’enquête quantitative sur les différents types de
situations traitées sur un mois. J’ai ainsi crée un tableau quantitatif concernant le mois de
décembre pour connaitre le nombre d’entretiens d’accueil. Ce tableau m’a permis de
visualiser le délai de prise en charge effectif par rapport à l’ordonnance, de savoir qui a
1 Annexe 2, p.68
6
convoqué et qui était présent à l’entretien et pour quels types de mesures. De plus, cela
m’a également permis de constater les reports de l’entretien d’accueil lorsque les usagers
ne se présentaient pas. Cet outil m’est d’une grande utilité quant à ma phase
d’expérimentation.
Puis, j’ai réfléchi à la collecte d’informations autour de l’entretien d’accueil. Il m’est
alors apparu pertinent d’observer des entretiens d’accueil. J’ai délibérément choisi d’en
observer un nombre restreint, du fait du temps imparti pour l’analyse des données. J’ai
ainsi créé une grille d’observation me permettant de compléter mes notes. Cette grille m’a
permis de repérer s’il y avait bien deux moments, institutionnel et éducatif et de vérifier
par l’analyse si dans le temps institutionnel il n’y avait pas des éléments éducatifs et vice-
versa. Celle-ci permet également de savoir qui parle et quand, lors de l’entretien. La
dynamique des échanges de l’entretien sera donc un élément d’analyse également.
Après l’observation des deux cas observés, j’ai mis en place des entretiens « d’après
coup » avec l’éducateur concerné ainsi que les mineurs et parents qui ont vécu l’entretien.
Il m’apparaissait important de vérifier les « contre coups » relationnels ressentis à la suite
de ce premier entretien.
Pour présenter mon étude, j’aborderai dans une première partie le cadre, tant
institutionnel que local, des premiers contacts entre les services PJJ et les usagers, en
définissant l’entretien d’une part et la relation éducative d’autre part.
En m’appuyant sur des situations observées, j’analyserai dans une seconde partie le
déroulé de trois entretiens d’accueil, exercés pour trois mesures différentes, en abordant
des difficultés inhérentes à des situations qui peuvent parfois rendre compliqué le déroulé
de l’entretien d’accueil.
Mes questionnements sont mis en exergue par la note du délai de prise en charge à
cinq jours. C’est pourquoi dans une troisième partie je m’interrogerai sur cette note, qui me
permet de penser à une expérimentation liée à celle-ci.
7
I) LES CADRES DES PREMIERS CONTACTS ENTRE LES SERVICES
PJJ ET LES « USAGERS »
Pour travailler sur les cadres des premiers contacts, je vais travailler en trois temps : le
premier me permettra de travailler sur le cadre réglementaire qui est le contexte de la
rencontre. Dans un second temps, je passerai à une partie plus théorique pour comprendre
ce qu’est un entretien. L’entretien d’accueil étant un entretien éducatif, je développerai ce
point, dans un dernier temps.
1. Convoquer/accueillir : le cadre réglementaire et l’organisation locale répondant à
la prescription et aux référentiels
La loi du 2 janvier 2002 et la note du 16 mars 2007 sont des éléments de prescription.
Le service doit « inventer » par la suite les formes actualisées de la mise en œuvre de ses
dernières, notamment dans le projet de service, élément même de la loi. Ce seront les deux
prochains points abordés.
1.1. Les exigences institutionnelles de l’accueil des mineurs et de leurs
représentants légaux sous mesure de justice et la loi de 2002
La protection judiciaire de la jeunesse repose principalement sur 2 textes fondamentaux
: l’Ordonnance de 1945 relative à l’enfance délinquante et également sur la loi du 5 mars
2007 relative à la prévention de la délinquance. Elle intervient et se recentre donc, dans un
cadre pénal, sur une prise en charge des jeunes en privilégiant l’éducatif.
De plus, la PJJ intervient dans le cadre de la protection de l’enfance en danger de par les
articles 375 et suivants du code civil et la loi du 5 mars 2007 qui repose sur deux notions
essentielles : le danger et la maltraitance.
La loi de 2002 : relations entre service et usagers ; droit des usagers
La participation des usagers dans un cadre judiciaire est un élément primordial au
bon déroulé de la ou des mesures judiciaires ordonnées par un magistrat. L’une des cinq
orientations de la loi n°2-2002 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-
sociale, est de recentrer la place de l’usager en vue de l’améliorer. Il existe douze
institutions sociales ou médico-sociales, ce qui élargit le panel du champ d’intervention. Il
s’agit aussi bien d’institutions spécialisées dans le domaine du handicap, que de celui de la
petite enfance… Les usagers pris en charge sont donc très différents. La PJJ n’est qu’un
élément dans un ensemble. Il est le quatrième point cité dans la loi :
8
Sont des institutions sociales ou médico-sociales au sens du présent code, les établissements et les
services, dotés ou non d’une personnalité morale propre, énumérés ci-après :
(…) 4° Les établissements ou services mettant en œuvre les mesures éducatives ordonnées
par l’autorité judiciaire en application de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à
l’enfance délinquante ou des articles 375 à 375-8 du code civil ou concernant des majeurs de moins
de vingt et un ans ;(…)2
Par définition, l’usager est une personne qui a recours à un service public. Ici, il
s’agirait de parler de la « personne accueillie » par un service de la PJJ. Cette loi énumère
les différents respects que l’action sociale ou médico-sociale se doit de garantir. L’Etat
montre ainsi son engagement à vouloir faire respecter l’usager. L’article L.311-3 reprend
les différentes orientations appartenant à ce qu’il convient d’appeler « le droit des
usagers » : « La section « Droits des usagers » s’ouvre par un article déterminant qui a lui
seul, constitue un véritable code de déontologie »3 Sept principes fondamentaux sont alors
explicités :
le respect de dignité, d’intégrité, de la vie privée et de l’intimité et de la sécurité.
le libre choix entre les prestations adaptées qui lui sont offertes (à domicile ou dans
un établissement spécialisé).
la prise en charge ou accompagnement individualisé et de qualité respectant un
consentement éclairé
la confidentialité des données concernant l’usager
l’accès à l’information
l’information sur les droits fondamentaux et voies de recours
la participation directe au projet d’accueil et d’accompagnement
Pour permettre aux services de l’action sociale et médico-sociale d’honorer ces
principes, plusieurs outils ont été imaginés et rendus obligatoires :
le livret d’accueil,
la charte des droits et des libertés,
le contrat de séjour,
l’existence d’un médiateur/conciliateur,
2 Loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale. 2002, art 15 3 JEANVIER Roland ; MATHO Yves. Comprendre la participation des usagers dans les organisations sociales
et médico-sociales. 2011, p.98
9
le règlement de fonctionnement,
le projet d’établissement ou de service,
le conseil à la vie sociale.
Ces outils ont été pensés pour l’ensemble des douze institutions. Donc certains n’ont
pas été mis en place dans les services de la PJJ : Le contrat de séjour, l’existence d’un
médiateur/conciliateur ainsi que le conseil à la vie sociale. La note du 16 mars 2007
recadrera d’ailleurs les outils dans les services de la PJJ.
Certains de ces documents ont une place prédominante lors de l’entretien d’accueil. En
effet, lors de celui-ci, la loi du 2 janvier 2002 est expliquée aux usagers. Puis leur sont
distribués le livret d’accueil de la structure4 (reprenant ses différentes missions ainsi que
les coordonnées de l’établissement), la charte des droits et des libertés5 et leur est expliqué
le Document de Prise en Charge Individuel6 (DIPC) qui permet de fixer des objectifs
propres à la situation du jeune. Ce document est alors signé par celui-ci, ses représentants
légaux et l’éducateur référent. Il permet ainsi une individualisation de la prise en charge de
la mesure et permet à chaque personne présente d’exprimer ses attendus. Ce document peut
être complété au fur et à mesure du déroulé de la mesure, des avenants pouvant alors
s’ajouter au document initial. De plus, si certaines difficultés se présentent, elles peuvent
alors être indiquées, et travaillées ultérieurement. Si dans un hébergement, le DIPC doit
être réalisé dans les quinze premiers jours de prise en charge, en UEMO celui-ci peut être
complété initialement durant l’entretien d’accueil.
A la PJJ : la note du 16 mars 2007 et sa définition de l’usager
La note du 16 mars 2007 écrite cinq ans après la loi du 2 janvier 2002 permet des
recommandations propres à la PJJ. Elle renforce la définition de l’usager :
En reconnaissant au mineur ou au jeune majeur un rôle d’acteur à part entière de l’action mise en œuvre
à son égard, la loi n’autorise plus à intervenir et à « vouloir le bien des jeunes sans eux », sous couvert
d’une décision judiciaire qui s’impose à eux. Elle oblige au contraire à ce que, au sein même d’un cadre
judiciaire non négociable, les avis contraires puissent s’exprimer ; ce qui suppose un exercice a priori
complexe : prendre en compte la participation de l’usager alors même que sa liberté de choix et son
pouvoir de décision sont encadrés et limités par l’intervention judiciaire, mais aussi par la mission
d’éducation et de protection dévolue à l’institution.
4 Annexe n°3. p.69-70
5 Annexe n°4. P.71-72
6 Annexe n°5. P.73-74
10
En réalité, sans remettre en cause le cadre judiciaire, la loi demande de mieux prendre en compte les
potentialités des mineurs et de leurs parents : l’usager a des ressources et le rôle des acteurs sociaux et
médico-sociaux est de les repérer avec lui pour mieux adapter l’intervention. (…)
Ce faisant, la loi implique l’adoption d’une posture éthique et des modalités nouvelles d’entrée en
relation : la participation de l’usager doit garantir le principe d’une intervention juste et proportionnée,
les professionnels ayant à questionner les limites de leur pouvoir de décision.
Les textes relatifs aux droits des usagers requièrent la participation de l’usager (le mineur ou le jeune
majeur), et le cas échéant, celle des représentants légaux. Pour les services et établissements de la
protection judiciaire de la jeunesse, les parents sont de droit associés en tant que titulaires de l’autorité
parentale à la prise en charge, dès lors que la décision judiciaire ne s’y oppose pas. Ce statut juridique
fait des parents des « usagers par ricochet » de la mission de protection judiciaire de la jeunesse. Il en va
de même pour le tuteur, le cas échéant. Par conséquent, la participation du jeune et de ses représentants
légaux doit être à chaque fois recherchée et les documents écrits prévus par la loi seront toujours remis à
ces derniers, quelle que soit leur participation effective.7
A la lecture de cette définition, on voit la complexité qu’elle sous-entend mais
également qu’elle se joue dès l’entrée en relation. La note permet également de définir les
outils écrits à mettre en place : projet de service, charte des droits et des libertés de la
personne accueillie, livret d’accueil, règlement de fonctionnement et DIPC. Elle explicite
le champs d’application des dispositions relatives aux droits des usagers selon les
différents services (Etablissements de placement éducatif, services territoriaux éducatifs
d’insertion, services éducatifs en établissement pénitentiaire pour mineurs, services
éducatifs auprès des tribunaux, services territoriaux éducatifs de milieu ouvert) s’ils
peuvent être considérés comme établissements sociaux ou médico sociaux et savoir si la loi
du 2 janvier 2002 peut alors s’appliquer ou non, tout en préconisant une marche à suivre.
En ce qui concerne les STEMO, la note indique la remise des outils selon le type de
mesures. Un tableau, pages 16 et 178, permet de voir selon les types de mesures quels
documents seront transmis aux usagers.
Cette note me permet d’enrichir ma réflexion autour des leviers éducatifs dans un cadre
institutionnel lors de l’entretien d’accueil. En effet, à travers elle, nous constatons que
l’usager est remis à une place centrale de la prise en charge. Elle pointe également un
7 Note du 16 mars 2007. Mise en œuvre des dispositions de la loi n°2002-02 du 2 janvier 2002, rénovant l’action sociale et médico-sociale, dans les services et établissements de la protection judiciaire de la jeunesse. p.4-5. 8 Annexe n°6. p.75-76
11
aspect, qui me semble primordial, de l’entretien d’accueil : « Bien accueillir un mineur ne
pourra jamais se résumer à la production et la remise des documents. Les outils seuls ne
peuvent suffire. Un formalisme excessif lors d’un premier contact pourrait amoindrir la
qualité de la rencontre avec le mineur et sa famille, auquel il importe d’offrir
bienveillance, écoute et considération. »9 A travers cette citation, il est important de
réfléchir à comment mener l’entretien d’accueil, tout en respectant la loi du 2 janvier 2002,
et en favorisant l’amorce de la relation éducative.
Dans un premier temps, la lecture de ces textes législatifs relatifs à la prise en charge
des mineurs suivis par la PJJ m’ont permis d’appréhender un aspect de l’entretien d’accueil
à travers un cadre institutionnel. Dans un second temps, je m’attarderai à définir
spécifiquement le travail éducatif en Milieu Ouvert, pour définir le cadre de mon étude.
En milieu ouvert quelles mesures ?
Il existe différentes structures PJJ de prise en charge des mineurs sous mains de
justice : Les Services Educatif Auprès du Tribunal (SEAT), les Unités Educatives Auprès
des Tribunaux (UEAT), ou Permanences Educatives Auprès des Tribunaux (PEAT), les
structures d’hébergement (Etablissement de Placement Educatif : EPE ; les Centres
Educatifs Fermés : CEF et les Centres Educatifs Renforcés : CER), les Unités Educatives
d’Activités de Jour (UEAJ) et les Unités Educatives de Milieu Ouvert.
Etant pré affectée dans un STEMO, je m’attarderai ici à expliciter les différentes
missions de ce style de service.
La principale mission d’un STEMO est l’accompagnement éducatif des mineurs dans
leurs environnements familial et social.
L’UEMO assure l’exécution des mesures ordonnées par les magistrats du Tribunal de
Grande Instance. Pour ce faire, elle propose un accompagnement éducatif, tout en veillant
à inclure les familles dans la prise en charge de leur enfant. Elle suit l’évolution du jeune,
en construisant avec lui un projet éducatif individualisé. Plusieurs axes de travail sont alors
possibles : accompagner le jeune ainsi que les détenteurs de l’Autorité Parentale, mais
également les personnes faisant partie de la vie familiale, à réfléchir sur les actes posés,
interroger l’environnement dans lequel évolue le jeune, l’aider à se réinsérer le cas échéant
(insertion sociale, scolaire ou professionnelle). Le suivi éducatif mené fera l’objet d’un
rapport au Magistrat. En effet, les éducateurs de la PJJ travaillent toujours sur ordonnance
de celui-ci. L’éducateur sera donc amené soit à être une aide à la décision judiciaire (suite
9 Ibid., p.5.
12
à des mesures d’investigation ou autres), soit à veiller à la bonne exécution des décisions
de justice (suite à des mesures ou des sanctions éducatives).
L’aide à la décision judiciaire se décline en deux mesures éducatives d’investigation.
- Le Recueil de Renseignements Socio-Educatifs (RRSE) : il s’agit pour l’éducateur de
collecter succinctement des informations sur le jeune, sa famille et son environnement
(social et scolaire) dans un temps réduit. Le but est d’éclairer le magistrat sur la situation
du mineur et sa personnalité. Le professionnel peut alors, le cas échéant, proposer des
orientations éducatives. Mon département possédant une UEAT chargée, entre autre, de
mener les RRSE, je les laisserai donc, de côté.
- MJIE : il s’agit d’une mesure d’évaluation de la situation d’un mineur (ou d’une fratrie)
qui permet au magistrat d’apprécier des éléments de danger, ou non. Cette mesure s’exerce
de manière pluridisciplinaire. Il s’agit de faire une « photographie » d’un fonctionnement
familial au cours d’un temps délimité par l’ordonnance.
Lorsqu’un jeune commet un acte délictueux, il est entendu par un juge (Juge pour
Enfants ou Juge d’Instruction) qui peut alors décider de mesures ou de sanctions
éducatives. Il existe 4 catégories de mesures10
:
- Les mesures éducatives de milieu ouvert.
- Les sanctions éducatives.
- Les mesures de probation et peines.
- Les aménagements de peine.
Il existe également une procédure alternative aux poursuites pilotée par le Procureur de la
République.
Le service de milieu ouvert devra alors attribuer la mesure à un éducateur référent, qui aura
la charge de veiller à son exécution auprès du mineur mais aussi en collaboration avec sa
famille. Pour ce faire, il peut s’appuyer sur un référentiel des mesures et des missions
confiées aux services de la Direction de la Protection Judiciaire de la Jeunesse.
Pour le référentiel : qu’est-ce que le premier entretien ?
« Lorsqu’un jeune est confié par le juge à un service de milieu ouvert, la procédure
de premier accueil est un moment symbolique important.»11
10
Services territoriaux éducatifs de milieu ouvert. Programme cadre fonctionnel. Missions et fonctionnement des services de milieu ouvert. avril 2010, p. 18 11 Ibid., p20.
13
Au vu de mon sujet de mémoire, j’ai décidé d’étudier le référentiel des mesures. Après
avoir indiqué la définition de la peine ou de la sanction, défini son cadre général ainsi que
ses objectifs, le référentiel indique la mise en œuvre de la mesure. Je ne m’attacherai ici
qu’à relever une différence d’appellation de l’entretien d’accueil. Je reviendrai plus en
détails sur les préconisations données pour l’entretien d’accueil plus en amont de mon
travail. Nous pouvons dans un premier temps relever que pour les quatre catégories de
mesures il est indiqué : « Le directeur de service attribue la mesure à un éducateur et
convoque le mineur et sa famille pour un premier entretien. » Si le terme premier entretien
est utilisé, nous pouvons tout de même remarquer, que parfois, le terme entretien d’accueil
le substitue, ce qui est le cas lors de la mesure de réparation pénale (mesure éducative pour
le mineur auteur ou présumé auteur, d’un délit ou d’un crime afin qu’il répare l’acte
commis envers la victime ou la société par une action concrète ; elle peut être prononcée
avant ou après jugement). En effet, il est alors indiqué : « Accueil du jeune et des titulaires
de l’autorité parentale.12
» Cela est également le cas pour la mesure de placement : « Que
l’arrivée soit préparée ou immédiate, une procédure d’accueil ritualisée est mise en place.
Elle comporte à minima : un entretien d’accueil par le directeur.13
»
Cette différence de noms m’a alors rappelé une discussion avec une collègue de l’UEMO.
Cette dernière me demandait quel allait être mon sujet de mémoire. Je lui ai alors répondu
que je comptais porter ma réflexion sur le premier entretien. Celle-ci m’a alors répondu
que le sujet était intéressant puisqu’il s’agissait du moment où l’éducateur se retrouvait
seul avec le jeune. Je lui ai alors fait remarquer que lors de cet entretien les parents étaient
forcément présents. Sa réponse fut alors : « Ton sujet est-il sur le premier entretien ou sur
l’entretien d’accueil ? Car pour moi ce n’est pas la même chose ». J’ai alors pris
conscience que selon les services, un nom différent pouvait lui être attribué. En effet, lors
de mon stage de première année dans l’UEMO de Poitiers, l’entretien d’accueil était appelé
« premier entretien ». Dans l’UEMO des Mureaux, l’entretien d’accueil est appelé
« GAC », ce qui signifie « groupe d’accueil ». Si le nom ne change pas le contenu de celui-
ci, il peut tout de même prêter à confusion. Confusion, que nous retrouvons également
dans le référentiel mesures.
12
Référentiel des mesures et des missions confiées aux services de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse. 2005, p.64 13 Ibid., p. 78
14
1.2. La mise en place et l’organisation locale de l’accueil des mineurs et de leurs
parents : l’accueil ou « premier entretien »
« Le premier accueil se fait toujours en présence du mineur, de ses parents ou
représentants légaux, et d’un ou plusieurs agents, en fonction du mode de fonctionnement
interne : directeur, RUE, éducateur référent, psychologue. »14
Le premier entretien se pense selon un mode de fonctionnement interne. Je
m’efforcerai ici, de présenter le service auquel appartient l’UEMO des Mureaux, avec ses
particularités, ainsi que l’organisation du premier entretien dans l’unité dans laquelle je
suis pré affectée, à travers notamment le projet de service, élément de la loi du 2 janvier
2002.
L’UEMO des Mureaux forme avec l’UEMO de Mantes la Jolie, le STEMO Val de
Seine15
. « Il s’inscrit dans une refonte territoriale qui a vu la création d’un seul territoire
d’intervention sur l’ensemble des communes de la Vallée de la Seine 16
». La Vallée de la
Seine est située au nord du département et s’étend sur l’ensemble des communes situées au
nord de la Seine et sur un certain nombre d’autres situées en deçà du fleuve. Les Yvelines
associent milieux ruraux et milieux urbains et les disparités sont nombreuses.
La carte ci-dessous permet de visualiser le Val de Seine, ainsi que les voies ferrées et
les grands axes routiers, éléments qui permettent une bonne compréhension du territoire de
l’UEMO des Mureaux.
14 Services territoriaux éducatifs de milieu ouvert. Programme cadre fonctionnel. Missions et fonctionnement des services de milieu ouvert. avril 2010, p.20 15
Annexe n°7. p.77 16 Ebauche de travail du projet de service. 2014, p.5
15
17
Jusqu’en 2009, il existait quatre Centres d’Action Educative (CAE) dans cette partie du
département. En 2009, le CAE de Poissy fut fermé, suivi du CAE de Houilles en 2011
(autrement dit les deux CAE situés à l’est du département). Suite à ces fermetures, le
découpage d’intervention des deux différentes UEMO a été repensé. La particularité de
l’UEMO des Mureaux est qu’elle ne prend plus en charge les jeunes de la ville, mais
reprend le secteur des deux anciens CAE soit 33 communes différentes. L’UEMO de
Mantes a donc repris le secteur d’intervention des Mureaux. Ce qui pose des problèmes
tant pour l’usager que pour le professionnel, au vu du territoire élargi et des conditions de
circulation dans un département comme celui des Yvelines, comme le stipule le projet
d’établissement : « On peut noter que les restructurations ont profondément modifié, outre
le périmètre d’intervention des unités éducatives ainsi créées, mais aussi les conditions
d’exercice du suivi en milieu ouvert pour les professionnels (distance, temps,
partenariat…) ; ce qui est valable pour les agents l’est également pour les usagers qui ont
vu une justice de proximité s’éloigner de leur champ social ». Cet état de fait rend difficile
la venue des usagers dans notre service, d’autant que la gare des Mureaux n’est pas sur un
axe ferroviaire principal. C’est pourquoi il nous est possible d’emprunter des locaux à
l’UEAJ de Poissy, sur des après-midis repérés par un planning convenu à l’avance ; un
accord est de plus en cours pour emprunter des locaux à St Germain en Laye, deux villes
17 http://www.detectimmobilier.com
16
principales de nos interventions, mais également centrales en transport en commun. De
plus, il est à noter que nous travaillons principalement avec le Tribunal Pour Enfants situé
à Versailles, ce qui ajoute des difficultés supplémentaires de déplacement. Cependant, la
convocation pour l’entretien d’accueil est toujours prévue dans la ville des Mureaux. Il est
important que les usagers voient et visualisent l’unité où a été attribuée la mesure.
A ce jour l’équipe de l’UEMO des Mureaux se compose ainsi :
Une Directrice de Service (DS), dont le bureau se situe à Mantes la Jolie ; Une RUE ; Une
psychologue contractuelle (nouvellement arrivée et remplaçant la psychologue titulaire
actuellement en congé maternité) ; Une Assistante Sociale (AS) ; Une adjointe
administrative ; Neuf éducateurs ; Un pédopsychiatre qui intervient tous les jeudis matin
lors des réunions de synthèse (réunion qui permet de faire le point sur le suivi des mesures,
en étudiant chaque situation, et permet une réflexion pluridisciplinaire).
Le projet de service et l’attribution de la mesure.
Dans une volonté de mieux appréhender le fonctionnement de l’unité, j’ai demandé à
lire le projet de service. Celui-ci est en cours d’écriture. Cependant, il m’a été transmis
l’ébauche de travail de ce dernier.
Un tableau reprend l’activité des mesures (tirée du logiciel Gestion Administrative des
Mesures Educatives « GAME »), durant les années 2011, 2012, 2013.
Années Jeunes suivis Mesures prises en charge
2011 269 401
2012 356 514
2013 322 503
Ce tableau permet de visualiser une moyenne sur le nombre de mesures par jeunes,
ainsi que le nombre de mesures prises en charge par un éducateur. La directrice m’a
indiqué qu’il y avait environ 90 nouveaux jeunes pris en charge annuellement à l’UEMO
des Mureaux.
Dans un premier temps, il est important de comprendre le cheminement d’une mesure
(ou d’un jugement) une fois ordonnée par le Magistrat. Cette gestion en amont entraîne
l’entretien d’accueil, et permet de comprendre ce que sous-entend d’un point de vue
institutionnel l’arrivée d’une mesure. Une fois arrivée sur le service, la secrétaire enregistre
la nouvelle mesure sur GAME et ouvre un dossier papier. Chaque lundi, lors de la réunion
de fonctionnement hebdomadaire, les mesures sont alors attribuées à un éducateur dit
17
« référent » de la mesure. Ce dernier aura alors la charge de mener la mesure. En revanche,
« les dossiers sont inscrits sur une liste d’attente dès leur arrivée si aucun éducateur ne
peut en assurer le suivi. Dans ce cas, un courrier est adressé conjointement à la famille et
au magistrat prescripteur pour les en informer. »18
Chaque éducateur travaillant à temps
plein s’occupe de 25 jeunes. Il s’agit d’un chiffre qui ne peut être dépassé, pour assurer un
suivi des mesures de qualité, et qui permet à l’éducateur de ne pas être « submergé » dans
son travail.
Convoquer : qui et combien de fois ?
L’attribution de la mesure est soumise à quelques particularités : « Les mesures sont
attribuées selon les critères de disponibilité des éducateurs, mais également en faisant
attention de ne pas attribuer à un même éducateur, auteur et victime, que ce soit de
l’investigation ou une mesure pénale ou bien si le jeune est connu dans la sphère privée
d’un éducateur.»19
Il en va de même pour les co-mis en examen ou co-auteurs, dans la
mesure du possible. Cela permet à l’usager de bien comprendre le cadre d’intervention de
chaque éducateur, et permet qu’il ne soit pas perdu entre une mesure dite d’investigation et
une mesure pénale. Malgré tout, des « ratés » peuvent parfois arriver. Lors d’une mesure
de réparation collective par exemple, il est arrivé que deux co-auteurs soient réunis, du fait
d’un manque d’anticipation.
Si dans la majorité des cas, une mesure est donc attribuée à un éducateur « référent »,
il peut selon la complexité du dossier être aidé par un second éducateur, qui sera alors un
« référent associé ». La MJIE par définition est une évaluation pluridisciplinaire. De ce fait
outre l’éducateur, la psychologue et l’assistante sociale sont alors sollicitées, « mais
également pour toute autre mesure dans laquelle leur intervention est nécessaire.»20
Lorsque la mesure est attribuée, l’éducateur envoie la première convocation, après avoir au
préalable consulté les disponibilités de la RUE qui sera présente lors de celui-ci, ainsi que
les disponibilités des professionnels qui interviendront. « Le cadre [RUE], c’est à lui
d’expliquer la mesure, qui il est, quel est son rôle, qu’il est garant de la prise en
charge. »21
Cette convocation est écrite au nom de la RUE, qui signe alors cette dernière.
Deux possibilités apparaissent alors :
En cas de non présentation des usagers à l’entretien d’accueil :
18 Ebauche de travail du projet de service.2014, p.12. 19
Ibid., p13. 20
Ibid., p12. 21 Extrait entretien exploratoire.
18
« En cas de non présentation lors du premier rendez-vous, une seconde convocation est
envoyée par voie postale. En cas d’absence aux deux premières convocations, une
convocation avec accusé de réception est envoyée en indiquant qu’il s’agit de la dernière
convocation avant envoi d’un rapport de carence au juge »22
Pour les MJIE, une VAD
peut être directement envoyé également.
En cas de présentation des usagers à l’entretien d’accueil :
« Le premier entretien est assuré par un groupe d’accueil dont la composition varie en
fonction du type de mesure. Le groupe d’accueil est généralement composé de la
responsable et de l’éducateur ʺréférentʺ. » Ici, l’intitulé « groupe d’accueil », surnommé
« GAC » par les professionnels du service, nomme le premier entretien. Quel que soit le
nom donné, celui-ci répond à une demande institutionnelle et institutionnalisée :
En conformité avec la loi 2002-2, un courrier et une plaquette de présentation du service sont
adressés aux personnes civilement responsables du jeune. De plus, lors du premier entretien, ils se
voient remettre la charte des droits et des libertés, ainsi que le document les informant de la loi
informatique et liberté.
Ce premier entretien est aussi l’occasion de vérifier leur compréhension de l’origine de
l’intervention judiciaire, le sens de la mesure, et de commencer à mettre en place une collaboration,
c’est-à-dire un travail avec la famille.
Il est basé sur une dynamique d’écoute active de chaque membre de la famille.23
De la convocation à l’accueil
Lorsque ces derniers se présentent, ils sont alors accueillis par la secrétaire qui les fait
patienter, pendant qu’elle prévient les professionnels concernés de leur arrivée. Les usagers
patientent dans le couloir, où sont installées trois chaises le long du mur. Les locaux de
l’UEMO24
ne permettent pas d’avoir de salle d’attente. Les professionnels passent donc
devant eux et les saluent dans ce même couloir. Conscients que cette attente dans le couloir
n’est pas l’idéale, la secrétaire peut également les faire patienter dans la salle d’entretien. Il
s’agit d’une salle exiguë. Une table ronde, encerclée de 6 chaises, se situe au centre de
cette petite pièce, dans laquelle nous trouvons deux plantes, et un bac contenant des bandes
dessinées, des jouets, des feutres et des feuilles, pour permettre à de jeunes enfants de
s’occuper pendant l’entretien d’accueil, qui parfois peut se prolonger dans le temps, et
22
Ebauche de travail du projet de service. 2014, p.13 23
Ebauche de travail du projet de service. 2014, p.13 24 Annexe n°8. p.78
19
rendre les jeunes enfants impatients. Les dessins confectionnés sont parfois gardés dans les
dossiers, car ces derniers peuvent donner des pistes de réflexion aux professionnels et être
repris plus tard. Selon les personnes présentes, si la salle d’entretien n’est pas suffisante, la
salle de réunion située à l’étage inférieur sert également de lieu pour l’entretien d’accueil.
Ce problème de locaux est souvent mis en avant « le mot accueil, c’est accueillir les gens,
famille et jeune. Ne pas pouvoir les installer ne serait-ce que convenablement, me gêne.
Parfois, je me demande ce qu’ils pensent lorsqu’ils se retrouvent assis dans le
couloir… »25
Le lieu d’un entretien tient une place importante, il est vrai. Dans une
démarche de réflexion autour de l’entretien d’accueil, il apparaît important d’effectuer un
travail autour de ce qu’est l’entretien.
2. Le premier entretien : caractéristiques des entretiens, particularités du « premier
entretien » en Milieu Ouvert
2.1. Qu’est-ce qu’un « entretien » comme situation ? Une approche généraliste
L’entretien est au cœur même du travail d’un éducateur de la PJJ. C’est
majoritairement à travers lui que le professionnel pourra recueillir des informations et créer
une relation dite « éducative ». Il apparaît donc essentiel de connaître cet outil. J’ai donc
cherché dans un premier temps de mes travaux de recherche, une définition : « L’entretien
est une situation provisoire d’interactions et d’inter-influences essentiellement verbales,
entre deux personnes en contact direct avec un objectif préalablement posé. »26
Lors de ma deuxième année de formation, deux journées ont été consacrées à la thématique
de l’entretien au Pôle Territorial de Formation de Pantin. Monsieur MOLLIARD Patrick
nous a alors transmis une définition qui complète cette définition de Jacques SALOME et
que je retiendrai ici :
L’entretien est une situation provisoire, d’interaction, d’inter-influence, essentiellement verbale,
entre deux ou plusieurs personnes en contact direct, avec un objectif préalablement posé, dans un
contexte spécifique. L’entretien est une relation de communication asymétrique. Ce n’est pas une
conversation. Il suppose un jeu de relations émotives et affectives un sens de l’écoute développé
ainsi qu’une maîtrise de certaines techniques de communication.27
25
Extrait d’entretien exploratoire 26
SALOME Jacques. Relation d’aide et formation à l’entretien. 2003, p14 27 MOLLIARD Patrick, extrait de l’intervention « L’entretien », PTF Pantin, 11 décembre 2013.
20
En partant de cette définition générale de l’entretien, il me semble pertinent de relever les
points qui restent essentiels au déroulement de ces derniers, pour permettre de les
appréhender au mieux.
« L’entretien est une situation provisoire (…) » :
Le temps est un facteur non négligeable de l’entretien, et ce sur trois aspects : le moment
où l’entretien est demandé, l’instant T où celui-ci se déroule et le temps réservé à son
déroulé. Chacun de ces instants a une importance. Quoiqu’il en soit, un entretien est limité
« dans » le temps et « par » le temps. La durée variera selon les objectifs, et selon les
informations données de part et d’autre. Cependant, pour garder la concentration
nécessaire, et la disponibilité des échanges, il est nécessaire de ne pas dépasser une certaine
durée. De même, il est important de situer cet entretien dans le temps, les fréquences de ce
dernier et sur quelle période pour permettre de visualiser et comprendre la démarche
entreprise. Si dans certains cas, il existe des entretiens uniques, dans d’autres cas, il est
nécessaire qu’il y ait plusieurs entretiens (psychologue-patient). En UEMO, il s’agit de
plusieurs entretiens, où le contenu du premier diffère des suivants. Il est à noter également
que nous ne savons pas si celui-ci sera suivi ou non d’un autre entretien. En effet, les
usagers peuvent ne pas revenir, auquel cas le magistrat est tenu informé par une note de
carence.
« (…) d’interaction, d’inter-influence, essentiellement verbale, entre deux ou
plusieurs personnes en contact direct (…) » :
En sciences sociales, les échanges interhumains sont des interactions. Il y a
interaction dès qu’une personne cesse de penser toute seule ou de parler toute seule pour
parler à quelqu’un et lui répondre. Tout comme l’idée développée dans le Theatrum mundi
de William SHAKESPEARE, « Je tiens ce monde pour ce qu'il est : un théâtre où chacun
doit jouer son rôle »28
, idée héritée de l’Antiquité, Erving GOFFMAN, sociologue et
linguiste du XXe siècle (1922-1982), part du postulat que la vie en société n’est rien
d’autre qu’un immense théâtre (le monde dans lequel nous vivons, la scène sociale), avec
ses personnages (nous êtres humains), ses scènes (les différents lieux où nous nous
rendons), ses rôles et ses histoires (que l’auteur nomme drame, fatalité..). L’entretien
deviendrait alors un lieu particulier à une représentation. « L’objet à étudier se laisse
28 SHAKESPEARE William. Le marchand de Venise. 2008, p.183
21
identifier : il s’agit de cette classe d’événements qui ont lieu lors d’une présence conjointes
et en vertu de cette présence conjointe »29
. Le terme inter-influence reprend le fait que dans
un entretien, selon ce que tel ou tel protagoniste amène, la personne en face doit recevoir
cela, et reprendre les propos dans sa réponse ou dans sa relance. En UEMO, il ne s’agit pas
d’un entretien dit de « face à face » puisque plusieurs personnes sont présentes, qu’elles
fassent partie des professionnels ou des usagers. Il y aura donc des interactions entre
chaque personne présente. Nous analyserons cela ultérieurement.
« L’entretien est une relation de communication asymétrique. Ce n’est pas une
conversation. »
Lors d’un entretien les rôles s’échangent. Chaque personne est amenée à délivrer
des informations à un moment donné de l’entretien. Chacun prend alors la parole de
manière alternée. On ne peut pas parler de conversation, puisqu’une personne mène
l’entretien dans le but d’atteindre un objectif. En psychologie sociale, la relation
complémentaire s’oppose à la relation symétrique : dans les entretiens de consultation, il
n’y aura pas de bon médecin, s’il n’y a pas de bon malade. Une relation complémentaire
peut avoir lieu si chacun fait son travail d’inter actant. L’analyse des entretiens me
permettra de vérifier si les rôles s’échangent, et comment.
« (…) avec un objectif préalablement posé, dans un contexte spécifique. »
Pour mener à bien un entretien il faut savoir en amont quel est l’objectif. On ne
mène pas un entretien de la même façon selon le type d’entretien. En effet, un journaliste
ne mènera pas son entretien comme un directeur lors d’un entretien d’embauche par
exemple. Il faut donc savoir dans quel type d’entretien nous nous situons, et ce que nous
voulons en apprendre. Il faut de plus que chaque personne présente ait connaissance de
cela: « Plus une personne est informée du pourquoi et du comment d’une démarche, du
chemin à parcourir, plus elle a de chance de coopérer »30
. Il est alors important que
l’objectif soit clairement explicité au début de l’entretien, ainsi que le lieu dans lequel ce
dernier se déroule et de clarifier qui sont les personnes présentes : « Toutes les
clarifications qui porteront sur le « qui est qui » le « qui fait quoi » seront toujours
bénéfiques à la progression de l’échange ».31
L’entretien d’accueil, comme dit dans
29
GOFFMAN Erving. Les rites d’interaction. 1974, p.7 30
GUITTET André. L’entretien : Techniques et pratiques. 2002, p.14 31 Ibid., p13.
22
l’introduction (page 4), est un moment où différents objectifs cherchent à être atteints, à
travers deux temps. Si dans un entretien je n’ai pas qu’un seul objectif préalablement posé,
mais plusieurs, ce qui me semble être le cas lors d’un entretien d’accueil, comment
pouvons-nous faire ? Les usagers peuvent également avoir des objectifs lors de celui-ci. Là
encore, l’analyse d’entretiens observés me permettra peut-être d’apporter une réponse à la
spécificité des objectifs d’un premier entretien en milieu ouvert.
« Il suppose un jeu de relations émotives et affectives, un sens de l’écoute
développé, ainsi qu’une maîtrise de certaines techniques de communication. »
La technique d’entretien ne s’apprend pas en lisant des ouvrages. En effet, comme dit
précédemment, il s’agit d’interaction. Face à l’humain chaque situation est donc différente.
Il est impossible de prévoir ce qui va se passer ou être dit au cours de ce moment. Chaque
personne mène un entretien de façon différente d’une autre, puisque nous le menons aussi
avec ce que nous sommes. Malgré tout, une certaine connaissance de techniques et de ce
qui peut se jouer lors de ce dernier, permet de tenter de le mener à bien.
TRANSFERT/CONTRE TRANSFERT
L’entretien est une rencontre. Nous sommes pleinement impliqués par notre présence.
Dès lors, il faut avoir conscience que nous allons projeter des choses sur la personne face à
nous et vice versa. Nous pouvons alors parler de transfert, notion développée par FREUD
« C’est le processus par lequel les désirs inconscients s’actualisent sur certains objets
dans le cadre d’un certain type de relation… » Personne n’est neutre, nous avons tous un
passé et une histoire de vie. Dès lors, un contre transfert peut s’opérer, « Pourtant les
professionnels de l’humain semblent souvent l’ignorer ou vouloir ignorer sa force et ses
pièges ».32
Il s’agira alors de le gérer de façon à ne pas « biaiser » la suite de l’entretien et
apprendre à le « simuler ».
L’ECOUTE
L’écoute est une condition primordiale lors d’une interaction. Elle permet l’échange. Elle
nécessite d’être disponible au moment de l’entretien, oublier ce qui s’est passé avant,
oublier ses représentations et accueillir la parole de l’autre, « L’écoute suppose une
décentralisation (sortir de soi) et une intentionnalité (se mettre à disposition). Elle suppose
32 CIFALI Mireille. Le lien éducatif : contre-jour psychanalytique. 1998, p.163
23
proximité et distance. »33
Il ne s’agit pas en écoutant d’acquiescer tout ce qui est dit, elle
permet de reprendre ce qui est dit.
LA REFORMULATION
La reformulation permet de savoir si nous comprenons bien ce qui est dit, de façon à
clarifier en reformulant des idées données par une personne, ou bien en répétant
simplement ce que nous venons d’entendre. Il s’agira de faire preuve d’empathie. Il s’agit
alors de ne pas faire de jugement, et de prendre la parole de l’autre sans « parti pris », tout
en ayant la capacité de se mettre à la place de l’Autre.
Le « jeu de relations émotives » peut se retrouver chez celui qui mène l’entretien, mais
également chez celui qui le « reçoit ». Si dans un entretien éducatif, l’échange verbal a une
place prédominante, la communication non verbale est elle aussi une richesse
d’informations qu’on ne peut ignorer. Il s’agit de « l’ensemble des moyens de
communication existant entre des êtres vivants n'usant pas du langage humain parlé. Elle
regroupe tous les moyens que les individus ont pour communiquer et qui ne relèvent pas de
la langue orale humaine34
». La communication permet à un émetteur de faire passer un
message à un récepteur. Lors d’un entretien, ces rôles s’entremêlent. Si nous utilisons
fréquemment la communication verbale (à travers les mots, les phrases), le non verbal est
omniprésent que nous en soyons conscients ou non. Il est important alors d’ « Entendre
chez l’autre divers langages. Les mots et leurs significations, mais aussi le langage
corporel : respiration-énergie-gestuelle-position du corps-regards, etc. »35
Si dans un
entretien une personne peut tenter de cacher la vérité ou apporter des réponses fausses,
souvent grâce à la communication non verbale certaines réactions peuvent être porteuses
de richesse d’analyse. De plus, comme le souligne le psychologue et sociologue,
WATZLAWICK « activité, parole ou silence, tout a valeur de message »36
.
Ces caractéristiques générales d’un entretien, sont pour moi primordiales pour
appréhender l’entretien en UEMO. Il est le principal outil de l’éducateur. S’il existe
différents types d’entretiens, il est important de souligner qu’un éducateur se trouve dans
une relation d’aide et d’accompagnement. Dès lors, la psychologie, et principalement les
travaux de Carl ROGERS peuvent permettre au professionnel de guider au mieux
33Jacques SALOME, op. cit., p.44. 34 Définition de la communication non verbale extraite du dictionnaire multimédia du mot de science. 35
Jacques SALOME, op.cit., p55. 36
WATZLAWICK Paul cité par Guy HARDY, S’il te plaît ne m’aide pas ! L’aide sous injonction administrative ou judiciaire. 2001, p. 181
24
l’entretien. « La relation d’aide est une relation professionnelle dans laquelle une
personne doit être assistée pour opérer son ajustement personnel à une situation à laquelle
elle ne s’adaptait pas normalement. »37
Il s’agit donc de guider une personne pour qu’elle
se serve de ses propres ressources pour avancer, et l’aider à prendre conscience de ses
ressources propres et personnelles. Pour se faire ROGERS développe une technique qu’il
nomme l’entretien non directif (ou entretien centré sur l’autre). A travers des questions
dites ouvertes, l’interviewé peut ainsi s’exprimer, et le travail débutera sur ce que ce
dernier amène. L’écoute active ainsi que l’empathie seront alors deux qualités principales
pour atteindre l’objectif défini. Pour se faire le professionnel utilise des questions larges
qui permettent de ne pas orienter les réponses. L’éducateur se doit d’être à l’écoute des
jeunes et des familles sans juger ce qu’il entend. Il se doit d’être neutre et objectif. Une
posture bienveillante permet aux usagers de réussir à « faire confiance » au travail éducatif.
Cette confiance est nécessaire, voire primordiale, pour mener à bien ce travail. C’est
pourquoi, je pense que l’entretien d’accueil est un moment clé de la prise en charge
éducative. Il s’agit de la première rencontre, et de ce fait elle a un impact sur la suite du
suivi, d’après moi. C’est pourquoi, je m’attacherai à décrire le déroulé de l’entretien
d’accueil en UEMO, en m’interrogeant dans un premier temps sur le terme « accueil ».
2.2. En UEMO le « premier entretien » : schéma type pour les professionnels PJJ
Il est important de rappeler à ce moment de mon étude que je ne m’intéresse pas à un
entretien entre un psychologue et un demandeur de conseil ou à un entretien entre un
directeur et un demandeur d’emploi, mais bien à un premier entretien entre un jeune et sa
famille convoqués et des professionnels et dans lequel il y a pour moi deux temps, et plus
de deux acteurs.
Le LAROUSSE définit l’accueil comme l’action, la manière de recevoir quelqu’un.
Dans le cadre d’un entretien en UEMO, cet accueil est forcé par une décision judiciaire. De
ce fait, les usagers peuvent déjà avoir des représentations de l’institution et des personnes
qu’ils vont rencontrer. Il est important que lors de ce temps, les préjugés puissent être
déconstruits. Au-delà de la première rencontre physique, il s’agit également de la première
rencontre humaine. Dès lors, ce temps prend une importance toute particulière.
GOFFMAN développe dans son second chapitre la déférence. Les rites de présentation
37 MUCCHIELLI Roger. L’entretien de face à face dans la relation d’aide. 2013, p17
25
sont une forme principale de déférence. Goffman nous donne une définition de ces rites :
«le terme les rites de présentation comprend tous les actes spécifiques par lesquels
l’individu fait savoir au bénéficiaire comment il le considère et comment il le traitera au
cours de l’interaction à venir ».38
C’est pourquoi, se présenter, et définir le rôle de chaque
professionnel est une étape importante. Pour se faire, un premier temps lors de cet entretien
est réservé à la présentation du service, de la mesure, des professionnels (identité et rôle).
Ce temps est principal. Les jeunes et leurs familles arrivent avec leurs angoisses, leurs
doutes, leurs craintes et leurs questions. Savoir qui, où et pourquoi nous sommes présents
permet de désacraliser certaines représentations. Le cadre judiciaire et le cheminement qui
a mené à cette rencontre doivent être expliqués.
Premier moment : temps institutionnel
A l’UEMO des Mureaux ce temps de présentation est effectué par la RUE. Le fait que
cela soit un cadre qui le mène permet d’officialiser cet instant. Elle représente ainsi
l’institution. Il ne faut pas oublier que la mesure est confiée au service et non pas à
l’éducateur référent, dès lors la RUE est garante de celle-ci, et s’il y a difficultés, les
usagers pourront se tourner vers elle. Si cette dernière est absente ou si elle ne peut
participer à l’entretien, un collègue éducateur reprendra alors ce rôle, tout en expliquant
son absence : « Je me présente je suis monsieur XX, je suis éducateur dans le service.
Habituellement c’est Mme XX, responsable d’unité qui présente le cadre de la mesure,
mme XX n’étant pas là, c’est moi qui vais rapidement vous présenter la structure. Je vais
déjà laisser les intervenants se présenter. »39
Cette phase institutionnelle représente donc
la première partie de l’entretien d’accueil. Mais comment définir la phase institutionnelle ?
Pour moi, il s’agit des informations valables pour tous les usagers, sans distinction. La
présentation du service sera toujours la même, ainsi que la présentation de la mesure pour
laquelle le jeune et sa famille ont été convoquée. La distribution de la plaquette du service
ainsi que de la charte des droits et des libertés, en fait également partie.
« Je vais vous remettre officiellement la plaquette des Mureaux. Je vous la donne aussi, à vous jeune
homme. Cela permet de voir ce que l’on fait au service (…) On est une équipe de 9 éducateurs,
1assistante sociale, 1psychologue, 1 pédopsychiatre… Beaucoup de monde.. Si vous avez besoin de les
solliciter sachez qu’ils sont là, tout comme moi, si vous avez besoin de moi, n’hésitez pas. »40
38
Erving GOFFMAN, op.cit.,p.63. 39
Extrait d’un entretien d’accueil observé 40 Extrait d’un entretien observé, paroles de la RUE
26
« Nous sommes ici à l’UEMO des Mureaux, service de la Protection Judiciaire de la Jeunesse.,
ministère de la justice. Au sein de ce service il y a euh… neuf éducateurs ? (…)Une assistante sociale
qui logiquement aurait dû être présente puisqu’elle interviendra dans le cadre de cette mesure mais qui
est absente, c’est mme XX, et une Responsable d’Unité Educative, mme XX, et une directrice pour cette
unité et l’autre à Mantes la Jolie. Voilà. Donc afin que vous aviez une vue d’ensemble je vous donne une
plaquette. » 41
Deuxième moment : approche éducative :
Une fois la présentation du service effectuée, la lecture de l’ordonnance faite, la mesure
expliquée et la distribution des documents terminée, l’éducateur référent prend alors la
parole pour mener la suite de l’entretien. Il s’agira alors pour lui de s’assurer que le jeune
et sa famille ont bien compris ce qui viendra d’être expliqué, et de recueillir les premiers
éléments sur le jeune : composition familiale, environnement familial et social, scolarité,
parcours institutionnel, santé ainsi que les premiers éléments de contexte sur les faits et ses
premiers ressentis face à cela. L’éducateur interrogera également les membres de la famille
présents. Ainsi, des premières pistes de travail éducatif se dessineront. L’éducateur ainsi
que les autres professionnels présents (Assistante sociale et/ou psychologue le cas échéant)
feront alors preuve d’écoute pour pouvoir répondre aux interrogations mais reprendront
aussi les paroles de chacun. La sensibilité des professionnels permettra ainsi de rassurer,
mais également de bien définir le cadre d’intervention, en faisant preuve de fermeté par
exemple devant un jeune ou une famille qui minimiserait leur présence. « Je n’ai rien fait-
Je ne suis pas inspecteur de police, ce n’est pas mon rôle de savoir si tu as fait ou non, en
revanche nous allons travailler ensemble pour comprendre pourquoi tu es là aujourd’hui
et mis en examen pour cette affaire, il est important que tu comprennes cela. »42
La
relation éducative est avant tout une relation de confiance. C’est pourquoi, d’après moi, il
est primordial que nous expliquions chaque point de notre travail. Nous voulons que le
jeune soit honnête et coopère dans ce travail éducatif, donc nous nous devons également
d’être « transparent » avec lui. Lui dire que nous écrirons au juge, que nous sommes une
aide à la décision pour ce dernier, et que le dernier entretien servira à la restitution du
rapport éducatif, et qu’il pourra alors nous dire s’il est d’accord avec ce que nous aurons
écrit. Lui expliquer également que s’il est en désaccord, nous le notifierons bien que nous
ne changerons pas notre écrit. Même si cet entretien est le premier, et qu’il s’agit d’un
41
Extrait d’un entretien observé, paroles d’un éducateur 42 Extrait d’un entretien observé
27
entretien d’accueil, il faut se projeter sur la suite du suivi. En effet, il y a un début et une
fin, et il est important de le notifier.
Si l’entretien semble se définir en deux temps, un temps de présentation institutionnelle
par la RUE puis un temps d’échanges entre l’éducateur et la famille, rien n’est figé. En
effet, l’éducateur peut intervenir s’il en ressent le besoin lorsque la RUE s’exprime et vice
versa. Tout cela est propre à l’entretien qui se déroule, ainsi qu’à la sensibilité des
personnes présentes. « RUE : Votre devoir le plus important dans votre mesure, est de
répondre présent aux convocations de Mr XX très, très régulièrement, après mr XX est
quand même souple ; Educateur : Pas trop (ton ironique et sourire de l’éducateur) RUE :
pas trop, juste ce qu’il faut. »43
A travers cet extrait, nous voyons que dans le temps
institutionnel, l’éducateur référent prend la parole pour faire passer un message sur le ton
de l’humour construisant ainsi un discours éducatif : Oui, le jeune peut être absent,
l’éducateur pourra le comprendre, mais cela ne devra pas se reproduire trop souvent.
Place du RUE et de l’éducateur dans la dynamique globale de l’entretien : des enjeux
de présence continue et d’absence du cadre et du référent
La présence de la RUE durant tout l’entretien m’a beaucoup questionnée. En effet, lors
de mon précédent stage à l’UEMO de Poitiers, la RUE présentait le service, la mesure, et
donnait les outils de la loi du 2janvier 2002, puis quittait la pièce. L’entretien d’accueil
étant déjà lourd de sens pour le jeune et sa famille, je me suis alors demandé, si la présence
d’un cadre ne rendait pas plus compliquée l’amorce de la relation éducative entre
l’éducateur référent et les usagers. « Je ne me verrais pas quitter la pièce, car cela
pourrait être vécu pour les usagers comme un désintérêt de ma part. De plus, ma présence
lors de l’entretien me permet d’entendre les premiers éléments éducatifs, et donc de
connaître à minima la situation, ce qui me facilite les points mi mesure. Il ne s’agit pas que
de noms sur une ordonnance comme ça »44
Après observation de plusieurs entretiens
d’accueil, et après en avoir mené moi-même, je me suis alors rendu compte que la présence
de la RUE ne gênait pas l’amorce éducative, cette dernière pouvant être également une
aide lors d’un entretien d’accueil.
La spécificité de cet entretien, est que ni les professionnels, ni les usagers n’ont
provoqué cette rencontre. En effet, elle a lieu suite à une ordonnance ou un jugement d’un
43
Extrait d’un entretien observé 44 Extrait d’un entretien avec la RUE
28
magistrat. Dès lors, il m’est apparu pertinent de m’interroger sur comment amorcer une
relation lorsque celle-ci est contrainte ?
2.3. La mesure éducative (investiguer, accompagner, contrôler) : une aide
contrainte à mettre en route ?
L’ordonnance judiciaire est le déclencheur de la relation éducative entre un éducateur
et un jeune et sa famille. Le magistrat décide d’une mesure ou d’une sanction éducative, à
travers différentes possibilités. Il s’agira alors du cadre d’intervention éducative. Quel que
soit ce dernier, qu’il s’agisse d’une mesure d’investigation, d’accompagnement ou de
contrôle, l’usager se verra contraint de s’y soumettre. Ici, nous pouvons dissocier la mesure
de « réparation parquet », où l’accord de l’usager est demandé. Pourtant, j’ai pu constater
que malgré cet accord, il arrive que le jeune ne veuille pas l’exécuter. Il s’agira alors de
reprendre avec lui pourquoi il a donné son accord, et lui expliquer ce qu’il adviendrait s’il
n’effectue pas sa mesure. Quoiqu’il en soit, l’intervention est contrainte : par la nature
même de la mesure mais également par le temps (soit la durée est énoncée dans
l’ordonnance, soit la mesure ira jusqu’au jugement, soit jusqu’à majorité du jeune).
Le magistrat décide de la mesure en prenant en compte les faits ainsi que la
personnalité du mineur. La mesure doit permettre une aide et un accompagnement éducatif.
Cette aide devient alors une aide contrainte, qu’elle soit d’ordre pénal ou d’ordre civil
(Mesure Judiciaire d’Investigation Educative), « Dès la contrainte d’aide émise, la
personne qui l’énonce, celle qui en fait l’objet et l’intervenant sont plongés dans un jeu
relationnel »45
et pourtant même si cette contrainte est à l’initiative de la relation
éducative, il est important de trouver l’adhésion des usagers.
Les travailleurs dont la pratique s’initie par une contrainte judiciaire, administrative ou médicale,
connaissent les résistances et contradictions qui découlent de cette situation triangulaire, apparemment
limpide sur le plan des rôles convenus de chacun, mais combien ardue et malaisée à jouer pour chacun
des protagonistes.46
Malgré la difficulté, l’éducateur devra donc trouver des leviers éducatifs pour permettre
au jeune de profiter de cette aide et ainsi se saisir de la mesure et y trouver un intérêt à sa
construction, pour entre autre éviter la récidive d’actes délictueux. Une difficulté est que,
45
HARDY Guy. S'il te plaît, ne m'aide pas ! : L'aide sous injonction administrative ou judiciaire. 2001, p.16 46 Ibid., p.16.
29
bien souvent, le jeune ne veut pas changer, car pour lui « tout va bien ». Souvent, il n’a pas
conscience de ses difficultés. Il en va de même pour les parents. Cette aide contrainte sous-
entend qu’il y a dysfonctionnement, et il est parfois compliqué pour une famille d’entendre
cela. L’évolution de cette pensée se fera tout au long du suivi, à travers le travail de
l’éducateur « Il ne s’agit plus d’apprendre à quiconque de nouvelles règles de jeu, mais de
s’utiliser soi afin d’expérimenter avec d’autres un autre jeu relationnel »47
Le suivi
éducatif s’engage lorsque les usagers participent à leur mesure malgré la contrainte. Il est
donc important de leur signifier. Une éducatrice de l’UEMO dans laquelle je suis pré
affectée utilise parfois cette phrase: « Je te tends une main, tu la saisis ou pas, ou un doigt,
ou 2, ou pas ».
La relation d’aide est donc primordiale et s’appuie sur une relation de confiance entre
l’usager et le professionnel. La bienveillance, l’écoute (savoir accueillir la parole) sont
autant de qualités pour réussir à créer l’amorce de cette aide. Dans un entretien d’accueil
nous sommes dans un premier temps que j’appellerai l’aide à la verbalisation, pour
atteindre la mise en place de l’aide éducative.
3. Le « Premier entretien » comme première rencontre enclenchant la relation
éducative propre à la mesure ?
Pour confronter mon hypothèse qu’un entretien d’accueil est construit de la même
façon quelle que soit la mesure (page 4 de mon introduction) le prochain point de mon
étude sera de m’interroger sur ces différentes mesures et sur le travail éducatif qui en
découle.
3.1. Le travail d’un éducateur selon les mesures
Afin de savoir si toutes les mesures sont une aide contrainte à mettre en route, il m’a
fallu étudier le référentiel mesures.
Le référentiel des mesures et des missions confiées aux services de la direction de la
protection judiciaire de la jeunesse est un outil dans lequel sont répertoriées les différentes
mesures : les textes sur lesquels sont fondées celles-ci, une définition de la mesure, les
objectifs, la mise en œuvre. Ici, je me concentrerai sur ce qui est dit du premier entretien,
47 Ibid., p.50.
30
en laissant volontairement de côté la mesure de placement (puisque l’entretien d’accueil
sera mené par le lieu de placement) et en prenant quelques exemples de mesures.
La Liberté Surveillée (LS) ou Liberté Surveillée Préjudicielle (LSP) : Ces mesures
de surveillance et d’action éducative (accompagnement et aide) peuvent être décidées soit
avant jugement soit au jugement. Pour la LS, le référentiel stipule :
Premier entretien qui est l’occasion de :
présenter le service ;
informer le mineur et sa famille de leurs droits : remise du livret d’accueil, de la charte des
droits et des libertés et du règlement de fonctionnement ;
explorer avec la famille et le mineur la façon dont ils se situent vis-à-vis de l’acte commis et
comprennent le jugement prononcé, en intégrant, le cas échéant, les dispositions relatives à
l’indemnisation de la victime.48
Pour la LSP si les deux premiers points sont identiques, le troisième est modifié et s’ajoute
un quatrième point :
explorer avec la famille et le mineur la façon dont ils se situent vis-à-vis de l’infraction
reprochée et comprennent la décision judiciaire ;
restituer la décision dans l’ensemble de la procédure judiciaire.49
Cette différence est liée à la phase procédurale. En effet, expliquer dans une LSP lors du
premier entretien qu’il s’agit d’une mesure avant jugement et que le rapport écrit sera une
aide à la décision pour le magistrat lors de l’audience est primordiale à la compréhension
de la mesure, et du schéma judiciaire.
La mesure de réparation pénale peut être à tous les stades de la procédure (avant ou
après jugement). Elle peut également être une mesure prononcée dans le cadre d’une
procédure alternative aux poursuites, décidée par le Procureur de la République, via le
Délégué du Procureur. Elle requiert alors l’autorisation du mineur et donc intervient
lorsque ce dernier reconnait les faits qui lui sont reprochés.
Accueil du jeune et des titulaires de l’autorité parentale, qui est l’occasion de :
- leur présenter le service éducatif (cadre d’intervention, missions et professionnels),
- les informer de leurs droits,
- leur remettre le livret d’accueil, la charte des droits et des libertés et le règlement de fonctionnement
du service,
- d’explorer avec eux la façon dont ils comprennent la décision judiciaire et se situent vis-à-vis de
l’infraction reprochée,
- restituer la décision dans l’ensemble de la procédure judiciaire et de rappeler les objectifs de la
mesure et ses principales caractéristiques.50
48
Référentiel des mesures et des missions confiées aux services de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse. 2005, p.48 49 Ibid., p.51.
31
La mise sous protection judiciaire a cette particularité que cette mesure d’aide et
d’accompagnement se poursuit après majorité.
Premier entretien qui est l’occasion de :
présenter le service ;
informer le mineur et sa famille de leurs droits : remise du livret d’accueil, de la charte des
droits et des libertés et du règlement de fonctionnement ;
explorer avec la famille et le mineur la façon dont ils se situent vis-à-vis de l’acte commis et
comprennent le jugement prononcé.51
Lorsque nous reprenons ce qui est dit pour les mesures de probation et peine, nous
constatons alors que ce qui est dit du premier entretien est beaucoup plus succinct. Pour le
CJ, il est indiqué : « Lors du premier entretien, l’éducateur auquel la mesure a été
attribuée, rappelle au mineur, en présence de ses parents, les obligations auxquelles il doit
se soumettre et qu’en cas de non-respect le magistrat pourra décider de le placer en
détention.»52
Pour ce qui concerne le sursis avec mise à l’épreuve : « Lors de ce premier
entretien, l’éducateur auquel le suivi de l’exécution de la peine a été attribué rappelle au
mineur, en présence de ses parents chaque fois que possible, la nature de la décision, les
mesures de contrôle et les obligations auxquelles elle l’astreint ainsi que les conséquences
que pourrait entraîner leur non-respect. »53
Il est étonnant que ne soit pas indiquée la présentation du service ainsi que la remise de
documents de la loi du 2 janvier 2002. Malgré l’aspect de contrôle, le jeune et sa famille
disposent tout de même de droits. De même, à la lecture du référentiel, nous voyons que
les parents semblent moins associés aux mesures de probation et de peines. Pourtant
associer les détenteurs de l’autorité parentale ou membres de l’environnement du jeune me
semble bénéfique. En effet, ces derniers peuvent être de bons partenaires à la prise en
compte du jeune des obligations auxquelles il doit se soumettre. De même, tout comme
pour les mesures citées précédemment il est important de savoir comment ils se situent vis-
à-vis de l’acte commis, pour qu’un travail commun puisse se mettre en place, au-delà de la
simple vérification du respect des obligations.
La MJIE est une mesure qui n’apparaît pas dans le référentiel. En effet, celui-ci datant
de 2005, il ne prend pas en compte cette mesure entrée en vigueur au 02 janvier 2011.
50 Ibid., p.64. 51
Ibid., p.57 52
Ibid., p.93. 53Ibid., p.100.
32
Cependant une circulaire reprend les attendus de cette mesure. Il est stipulé « Les projets
de service doivent clairement identifier l’ensemble de ces éléments, les méthodes et les
outils utilisés pour conduire la MJIE ». Le projet de service étant comme déjà indiqué en
cours d’écriture je ne sais ce qu’il contiendra quant au premier entretien pour la MJIE. A
l’UEMO de Poitiers, celui-ci stipulait :
Réalisation du premier entretien dans un délai de 15 jours suivant l’attribution par le référent qui
convoque le mineur et ses parents.
- Présentation du service, du cadre, du contenu et des objectifs de la mesure
- Information sur les droits du jeune et de la famille
- Exploration avec le mineur et la famille de la façon dont ils se situent et comprennent l’intervention
judiciaire
- Explicitation des modalités d’intervention des divers professionnels
- Premières observations autour de la notion de danger, du rapport à la Loi du jeune et de ses parents
- Dégager les premières hypothèses de travail
En revanche, une base de pratiques des MJIE, propre à l’UEMO des Mureaux a été
rédigée par la directrice de l’UEMO et distribuée aux différents personnels. Celle-ci pointe
quatre configurations de mise en œuvre de la mesure : Educateur/Assistante
Sociale/Psychologue ; Educateur/Psychologue ; AS/psychologue ; Educateur/Educateur.
« Dans tous les cas le GAC est avec RUE ou professionnel délégué pour présentation du
service et de la mesure ».
Pour chaque mesure, il est indiqué qu’un recueil d’informations préalable au premier
entretien doit se faire. Pourtant, dans mon service ainsi que sur mon lieu de stage en
première année à l’UEMO de Poitiers ce travail en amont n’est jamais fait. J’ai moi-même
réfléchi à cela. L’importance de l’accueil sous-entend de commencer le travail éducatif
avec ce que les familles et le jeune donnent sur le moment. Cela permet un accueil sans à
priori et sans idée préconçue. La consultation du dossier ou du RRSE pourrait amener des
préjugés. De plus, une réalité de terrain m’amène à dire qu’il est d’autant plus compliqué
de dégager du temps pour consulter des dossiers en amont. Dans la prochaine partie de
l’observation, nous pourrons repérer ce que sait ou non l’éducateur référent et la façon dont
cela construit les interactions.
Il est également noté que le DIPC doit être élaboré en association avec le mineur et les
titulaires de l’Autorité Parentale dans les 15 jours qui suivent la date du premier entretien.
Il n’est pas rare que celui-ci puisse être rempli lors du premier entretien, puis complété le
cas échéant le long du suivi. Le DIPC s’apparente à une sorte de contrat ce qui pose quand
même un problème sous-jacent. Par définition un contrat est signé volontairement par deux
33
parties, ici, la contrainte est une problématique. Il faudra donc trouver le moyen de
l’adhésion des usagers : le premier entretien peut donc sembler être trop tôt et/ou à
l’inverse le moment opportun pour mettre les usagers face à la mesure en vue de les
responsabiliser. Ce document au-delà de l’obligation légale de le remplir marque un point
symbolique dans l’éducatif. Le mineur se retrouve acteur de sa mesure, puisque les
objectifs sont fixés en association avec lui. Ce document peut donc être vu comme un
levier de l’action d’éducation malgré le caractère institutionnel de ce dernier. La manière
dont celui-ci est rempli, selon le type de mesures mais également selon l’éducateur est
compliquée à développer, et n’étant pas le sujet propre de mon étude, je ne développerai
pas plus ce point.
3.2. Une première approche de la visée éducative
Comme dit précédemment, le magistrat peut décider de différentes mesures. Il peut
s’agir de mesures d’investigations (MJIE), de mesures éducatives (liberté surveillée, liberté
surveillée préjudicielle, mise sous protection judiciaire, réparation pénale) ou de mesures
de probation et de peine (contrôle judiciaire, sursis avec mise à l’épreuve, travail d’intérêt
général, mesure d’aménagement de peine). Nous avons vu précédemment que le travail
éducatif ne sera pas le même. Il s’agit donc peut-être d’une erreur que de penser qu’un
éducateur mène chaque mesure de la même façon. Cela est d’ailleurs inscrit sur la fiche de
poste de l’éducateur, dans le répertoire des métiers et des compétences de la PJJ « Elaborer
des stratégies d’intervention en fonction des mesures, des situations des mineurs et des
attentes des magistrats en s’appuyant sur des méthodes, des techniques et des outils
structurés ». Je vérifierai cela plus en détail dans l’observation menée des entretiens, en
voyant si cela impacte l’entretien d’accueil. Lors de mes entretiens exploratoires, un
collègue me dira : « La dimension du type de mesure est importante, car on n’est pas dans
la même dimension entre MJIE intrusion et CJ dimension de probation. Tout ça ramène à
poser le cadre judiciaire et le cadre d’intervention entre ce qui va s’opérer entre
l’éducateur, le jeune et sa famille. C’est une sorte de contrat tacite. » En effet, au-delà de
l’explication même de la mesure, je me suis rendu compte que je n’appréhendais pas de la
même façon le premier entretien selon la mesure. J’ai tendance à faire preuve de plus de
fermeté lorsqu’il s’agit par exemple d’un contrôle judiciaire. Je vais m’attacher plus
longuement à reprendre chaque interdiction, tout en expliquant le terme contrôle. De
même, j’expliquerai que s’il va au-delà d’une interdiction, le jeune risque l’incarcération.
34
Je me suis rendu compte que j’utilisais un ton plus sévère par exemple. Il faut savoir faire
preuve d’autorité quand bien même nous nous situons dans un entretien d’accueil. La
bienveillance que nous avons pour les jeunes et leurs familles peut également passer par
l’autorité. Bien que ces deux termes puissent sembler paradoxaux, ils peuvent être
complémentaires. Le but n’étant pas de braquer le jeune mais de lui faire prendre
conscience de ce qui se joue à travers ce type de mesure. De plus, cette mesure n’est pas
une mesure éducative, mais une mesure de probation. Le rôle de l’éducateur sera de réussir
à engager dès l’entretien d’accueil une réflexion de la part du jeune, tout en insistant sur les
obligations. A l’inverse, pour une mesure de réparation, si le jeune ne veut pas l’exécuter,
l’éducateur peut lui laisser un temps de réflexion ; tout en lui expliquant ce que signifierait
son refus, et quelles pourraient être les conséquences judiciaires de la non réalisation de la
mesure de réparation. Lui laisser un temps entre l’entretien d’accueil et le prochain rendez-
vous peut parfois permettre un « déclic » chez le jeune. Ce dernier peut alors revenir sur
son refus, et la mise en place de la réparation sera alors plus propice aux échanges et
permettra un travail éducatif plus abouti. De même, nous pouvons lui laisser l’opportunité
de réfléchir au type de réparation que celui-ci souhaiterait mettre en place. Discuter de cela
lors de l’entretien d’accueil peut permettre de nouer un premier lien. Parfois le jeune n’a
pas confiance en l’adulte, et cette appréhension peut être accentuée par la représentation
qu’il a de notre fonction. Le rendre acteur de sa mesure, en lui laissant un certain libre
arbitre mais aussi en le responsabilisant, peut alors permettre de nouer des prémices à la
relation : « La responsabilité n’est plus seulement le résultat souhaité de l’action
éducative, elle en est également le moteur.»54
A travers ces deux exemples de mesures, force est de constater qu’il apparait que selon
les mesures, l’éducateur adapte une posture différente. Je chercherai donc à vérifier cela
lors de mon analyse ultérieure. « L’accueil doit s’inscrire dans un cadre, sinon il ne peut y
avoir de relation viable. Le cadre, une fois posé explicitement, permet une forme de liberté
et de sécurité dans la relation. » A travers les différentes mesures, il convient de souligner
l’importance de la présence des jeunes aux divers rendez-vous donnés par le service. Il en
va de même dans les MJIE. Celles-ci se déroulent dans des périodes n’excédant pas six
mois, il est donc primordial que les jeunes et les familles soient sensibilisés à l’importance
des entretiens, qu’ils soient au service ou à domicile. Il est également important de définir
54
SALLEE Nicolas. Les éducateurs de la Protection judiciaire de la jeunesse à l’épreuve de l’évolution du traitement pénal des jeunes délinquants. 2010, p.11
35
le cadre d’intervention. Une investigation n’est pas un contrôle. Il s’agit d’une évaluation,
et non d’un accompagnement. « Imaginez que nous prenons une photographie » : Cette
métaphore utilisée par les éducateurs de mon service, et que je reprends moi-même lors de
l’entretien d’accueil pour une MJIE, démontre que nous ne sommes pas là pour changer les
choses, mais pour relater une situation familiale dans le but d’éclairer le magistrat sur
celle-ci. Nous évaluons également l’impact de notre intervention : les familles ont elles des
ressources mobilisables ? S’en servent-elles ? Expliquer que cette mesure dans un cadre
civil intervient pour faire état, ou non, d’enfants en danger est également essentiel. Dès lors
l’entretien d’accueil permettra de rassurer des familles qui parfois pensent que nous
voulons changer leurs modes de vies, ou que nous sommes là pour juger leurs histoires ; «
Vous pensez que nous sommes de mauvais parents, vous voulez nous retirer la garde. »
De même, l’explication de la mesure passe également par la façon dont nous
l’expliquons. Nous ne nous adressons pas de la même façon à un jeune timide, dans la
dualité, dans la revendication, ou mutique. De même l’âge du jeune peut avoir une
influence sur notre façon de mener l’entretien. J’ai moi-même mené un entretien d’accueil
avec une jeune fille de 13ans, pour une mesure de réparation. Cette jeune fille pleurait dès
que j’abordais la bagarre initiatrice de la mesure. Il m’a fallu alors prendre un ton plus
sécurisant, et plus doux, pour que cette dernière puisse s’exprimer sur les faits. Sans les
minimiser, il m’a fallu faire preuve de ruse et d’humour pour rassurer la jeune fille. Cet
entretien a été l’un des premiers que j’ai menés. Et j’ai été déstabilisée par cela. Si j’avais
en tête ce que je devais aborder, je n’avais pas pensé aux difficultés éprouvées lorsque
nous nous trouvons face à une personne dont nous ne pouvons anticiper les réactions.
L’inconnu de la rencontre est un élément essentiel de cet entretien. Il en est de même avec
les parents. Parfois ces derniers monopolisent la parole. Dans un entretien où nous tentons
de créer un lien éducatif, remettre le jeune au centre de celui-ci, n’est pas chose aisée. En
effet, il est important de redonner la parole au jeune, sans offenser les parents. Guider un
entretien c’est également savoir recadrer les différentes personnes présentes. La dynamique
émotionnelle est donc un élément qu’il ne faut pas oublier lors de ces premiers entretiens et
ce, quelle que soit la mesure. Celle-ci permet de poser des jalons à la construction de la
relation, et la prendre en compte permet de faire avancer la relation.
3.3. La spécificité de « l’éducatif » et sa place dans les entretiens d’accueil
La relation éducative est difficile à définir. Il s’agirait d’une relation de proximité mais
également de distance.
36
Joseph ROUZEL la définit ainsi :
Si la relation engagée par un éducateur avec une personne en souffrance obéit aux aléas de toute relation
humaine, cette rencontre singulière prend, en revanche, une toute autre dimension qu’une relation
d’amitié ou de camaraderie. D’une part, elle prend en compte la demande singulière des personnes.
D’autre part, elle s’inscrit dans un projet, obéit à une mission, est garantie et contrôlée par une
institution, étant elle-même sous la tutelle d’un organisme d’état ou d’une collectivité locale […]. Du
coup, la relation éducative est au service de ces différents niveaux d’objectifs […]. La relation éducative
est le moyen d’agir dans le sens d’un changement des personnes en vue d’une meilleure insertion pour
elles dans la communauté des citoyens.55
Pour amorcer cette relation, il est important pour l’éducateur de déployer un panel de
leviers. A la question « quelles compétences le premier entretien requiert-il ? », un
éducateur m’a répondu cela : « Empathie, l’absence de jugements, ouverture d’esprit,
appréhension du cadre d’intervention, appréhension de la bonne distance,
compétence/qualité humaines et relationnelles. Etre à l’écoute. Dimension de
considération : dès que tu ouvres la porte, il faut les considérer. Les accueillir avec une
forme de déférence, sourire, dignité, respect, sans à priori. »
GOFFMAN développe dans une seconde partie de son œuvre56
la tenue et la déférence à
travers les règles de conduite (guide pour l’action recommandé parce qu’il est convenable
ou juste p44). L’individu est contraint de s’y soumettre et attend que les autres s’y
soumettent également. Goffman explique que chaque personne est en droit d’attendre du
respect d’autrui, respect qui se traduit à se conformer à la volonté et aux sentiments de
quelqu’un et ce, quel que soit le rôle social de la personne.
Dans un premier entretien où les personnes convoquées sont en proie à des doutes, à de
l’embarras, à des incertitudes sur ce qui va se passer, où sur les personnes rencontrées, la
déférence est un premier levier pour instaurer un climat dans lequel l’éducateur pourra
construire les bases de la relation éducative malgré le cadre contraint de la rencontre.
Ma seconde partie sera dévolue à l’analyse des entretiens. Je me suis attachée à montrer
l’importance des différentes interactions pour savoir si elles permettent les prémices de la
relation éducative, à travers deux temps distincts : celui dit de l’institutionnel et celui dit de
l’accroche éducative.
55
ROUZEL Joseph. Le Travail d’Educateur Spécialisé. 2004, p.10 56 Erving GOFFMAN, op. cit., p.43 à 85.
37
II) OBSERVATION ET ANALYSE
1. Méthodologie : choix des situations
J’ai décidé d’observer des entretiens sans pour autant avoir une participation active.
De par ma présence, j’ai bien entendu été participante du fait de l’influence implicite que
ma présence pouvait avoir. Par exemple les usagers me regardaient parfois, me souriaient,
et bien sur moi aussi je réagissais à ce qui se passait. Au début des entretiens mes collègues
m’introduisaient pour que je puisse me présenter aux familles, et leur demander leur accord
pour ma présence et pour un temps seul avec eux.
J’ai opté pour ce style d’observation pour pouvoir me concentrer sur les paroles, les
réactions verbales et non verbales, et donc pouvoir me concentrer sur la forme. Si j’avais
opté pour des entretiens d’accueil que j’aurai menés, j’aurai été concentrée sur le fond plus
que sur la forme. De plus, les interactions sont plus simples à relever lorsque nous sommes
en distance avec ce qui se passe. J’ai choisi de me mettre sur le côté, pour pouvoir regarder
chaque acteur de l’entretien. Consciemment, je me suis placée face à l’horloge pour avoir
également une notion du temps, de façon à remplir la grille d’entretien et voir quel temps
était réservé pour le temps institutionnel et pour l’action éducative.
Les entretiens ont été retranscrits à partir de mes notes, et de ma grille
d’observation57
. Je n’ai pas enregistré les entretiens car cela me paraissait être une atteinte
au droit de l’usager, en l’état le secret de leur dossier. Ce moment est un moment déjà très
délicat pour les familles, je ne voulais pas ajouter un stress supplémentaire aux familles qui
auraient dû faire un choix, et qui peut-être ce seraient senties obligées d’accepter. Et je ne
voulais pas avoir une influence supplémentaire sur l’entretien. L’enregistrement aurait pu
les freiner dans celui-ci ou exacerber leurs sentiments d’angoisse et d’appréhension. J’ai
donc pris le parti de ne même pas leur poser la question, et d’être la plus méticuleuse
possible quant à l’observation de l’entretien. Donc, les retranscriptions ont été réalisées à
partir des phrases prises en note et de souvenir (et parfois avec les souvenirs de mes
collègues). Certains passages ne sont donc pas totalement exhaustifs. De plus, j’ai
également pris le parti de ne pas retranscrire tous les fonds de l’entretien, ceux-là n’étant
pas l’essentiel de mes recherches.
57 Annexe 9. p.79
38
J’ai opté pour deux entretiens pour deux mesures différentes, menés par deux
éducateurs différents.
J’ai également demandé un temps d’échange avec le jeune et sa famille. Pour se
faire j’avais préparé une grille « post entretien ». J’ai opté pour des questions larges et peu
nombreuses, car faisant suite à leur entretien d’accueil je ne voulais pas les assaillir de
questions. J’ai favorisé des questions sur la forme de l’entretien puisque cela suivait ma
problématique, et ce que je cherchais à observer. Le fait qu’ils acceptent de me répondre
signifie déjà des choses. En effet, cela montre que l’entretien d’accueil s’est bien déroulé,
qu’une certaine « accroche » a eu lieu. Car je me pose souvent la question de savoir si
l’entretien s’était mal passé, les familles aurait elles accepté de prolonger avec un post
entretien ?
J’ai également interrogé mes collègues. Je tenais à prendre « à chaud » leurs
impressions, c’est pourquoi ces entretiens ont été faits « dans la foulée ». Avoir des
réactions « à chaud » permet de mettre en adéquation l’entretien d’accueil (ce qui s’y est
passé), le post entretien des familles (comment elles l’ont vécu) et le post entretien du
professionnel (comment lui l’a vécu). L’exercice d’interaction, (qui peut constituer l’une
des premières difficultés professionnelles pour un éducateur) se fait de façon intuitive et
l’observation ne pouvait donc suffire à analyser cela. Ici, il ne s’agit pas d’une démarche
scientifique quantitative, mais relève plus d’un relevé d’impressions. Travaillant avec
l’humain il me paraissait difficile d’entreprendre une démarche scientifique.
2. Analyse des entretiens d’accueil
Dans le but de reprendre ma problématique ainsi que de vérifier mes hypothèses, j’ai
donc observé deux entretiens d’accueil.58
Je tenterai de les analyser à travers les œuvres du
sociologue Erving GOFFMAN, puisque nous sommes au cœur d’interactions comme déjà
abordé plus tôt dans mon étude.
Le premier entretien a été mené pour une mesure de réparation pour le jeune Julien, âgé
de 14ans, et le second une MJIE civile pour monsieur et madame DUPOND59
, une fille
aînée Julie, et des jumeaux de 10ans : Pierre et Jean. Ces deux entretiens ont été menés
dans des contextes particuliers. Pour le premier, Madame a décalé deux fois l’entretien par
58
Annexes 11 et 12. p.81-103 59 Tous les noms et prénoms ont été modifiés par soucis d’anonymat.
39
téléphone. Une première fois, car elle ne pouvait pas se déplacer, une seconde parce qu’elle
ne se sentait pas bien. Lors de sa venue au service, l’entretien se fera avec Julien, sa mère
et la petite sœur de Julien, Océane, âgée de trois ans. La MJIE a été ordonnée en décembre
2012. Deux services ont été mandatés entre temps pour que finalement, la mesure n’arrive
sur le service que fin décembre 2013. Un entretien a été prévu pour le 14/01/14, personne
n’est venu. Une seconde convocation a été envoyée pour le 27 janvier. Madame a appelé
pour signifier qu’elle ne pouvait venir. Une nouvelle date a été fixée pour le 11/02, jour de
l’entretien. Monsieur a appelé le service le 8 février. Il était très agressif au téléphone et
expliquait qu’il ne pouvait pas venir du fait de l’existence d’une ordonnance du juge lui
interdisant de voir ses enfants. L’assistante sociale lui a dit ne pas être au courant et qu’il
devait parler plus calmement. Il l’a alors insultée, tout en se moquant d’elle. Elle a
raccroché lorsqu’elle a vu que rien de positif ne sortait de cet entretien téléphonique et que
monsieur n’écoutait pas ce qu’elle disait.
Ces deux contextes spécifiques créent des représentations, avant même la rencontre
humaine. Ce qui est déjà le cas, avant même les premiers contacts. En effet, à la lecture de
l’ordonnance, des représentations peuvent se faire chez l’éducateur, et comme vu
précédemment, le cadre judiciaire peut influer sur les représentations chez le jeune et sa
famille. Ici, les représentations sont mises en exergue par les rendez-vous manqués et/ou
reportés. En effet, pour la réparation, l’éducateur me dit avant la rencontre « je pense que
nous sommes devant une mère qui tente d’esquiver », et pour la seconde mesure, tous les
éducateurs présents étaient au fait de la situation et ont pu dire à l’éducatrice de ne surtout
pas hésiter à venir chercher de l’aide si l’entretien se passait mal. Dans un entretien
institutionnel, où l’éducateur va tenter de nouer les premiers liens d’une relation éducative,
je me demande dans quelle mesure ces représentations ont une place sur le discours ?
Un entretien convoqué : stigmatisation, embarras et excuse ?
Ces représentations peuvent être vues comme des stigmatisations, et l’éducateur se doit
de prendre un certain recul pour éviter de les renforcer. D’après GOFFMAN, « le stigmate
correspond à toute caractéristique propre à l’individu qui, si elle est connue, le discrédite
aux yeux des autres ou le fait passer pour une personne d’un statut moindre ».60
Dès lors
qu’un jeune pose un acte, de par celui-ci, ou de ce qu’il renvoie aux yeux des autres, il peut
devenir « discréditable ». Il en est de même pour la famille, qui aux yeux de certains
60 Erving GOFFMAN cité par Thierry ROGEL. La stigmatisation. 1997, p.54
40
peuvent être l’origine du passage à l’acte de l’enfant. Si le terme « délinquant » qualifiera
le jeune aux yeux de certains, ces derniers verront la famille comme « mauvaise famille ».
Eux-mêmes pourront alors se résumer à cela. La famille pourra vivre l’acte de leur enfant
comme conséquence d’un échec dans l’éducation : Thierry ROGEL s’interroge sur la
déviance tout en se rapportant à la stigmatisation : « la stigmatisation résulte d’abord d’un
phénomène d’étiquetage »61
, (même si ce dernier fonde son article sur les stigmates
visibles, certains propos peuvent être repris dans la situation que vivent le jeune et sa
famille). Il est important de souligner cela lors de l’entretien d’accueil pour rassurer le
jeune et sa famille, et leur expliquer qu’ils ne se résument pas qu’à ces étiquettes de
« délinquant » ou de « mauvaise éducation ». Cette stigmatisation peut alors entraîner un
sentiment d’embarras. GOFFMAN développe cette notion : « De l’avis général, celui que
la présence des autres met facilement dans l’embarras souffre d’un sentiment d’infériorité
ridicule et injustifié (…) »62
. Le non verbal a ici toute son importance, « Compte tenu de
son désir de dissimuler, de sa maîtrise de lui-même et du cadre, un individu peut paraître
assuré si l’on s’en tient aux signes évidents, et se révéler pourtant embarrassé à d’autres
signes moins visibles63
».
Mme : On arrive quand même à se rencontrer
Educ : Voilà, mais comme on dit la patience est la mère des vertus
Mme : c’est pas faute d’avoir essayé, mais bon… (rougit)
Educ : j’ai bien compris que vous aviez beaucoup d’autre rdv, d’autres intervenants
Mme : ouais
Educ : je ne peux pas vous en tenir rigueur (rire de l’éducateur)
Mme : Non mais j’essaie de faire au mieux, je vais avoir un mois bien chargé
Educ : En tous les cas sachez, que dans notre cadre, on va en reparler plus précisément, mais dans notre
cadre d’intervention, on fait le maximum pour pas mettre les parents et les enfants en difficultés.
Mme : non, non, mais bien sûr... Educ : c’est pour ça on essaie d’être assez souple…
Ici, nous pouvons voir que madame tend à se justifier sur ses premières absences. Si
dans un premier temps cela semble être une justification spontanée et assurée, à sa rougeur,
nous pouvons dire qu’elle se sent embarrassée de devoir se justifier. Le non verbal permet
dans une certaine mesure d’analyser le ressenti des protagonistes lors de l’interaction :
« l’extrême embarras chez les autres et chez soi-même se reconnaît à certains signes
objectifs du trouble émotionnel : rougeur, gaucherie, bredouillement, voix trop aigue ou
trop grave, chevrotements, parole qui se brise, sueurs, pâleur, cillement des yeux, mains
61
Ibid., p.54. 62
GOFFMAN Erving. Les rites d’interaction. 1974, p.87 63 Ibid., p.91.
41
qui tremblent, mouvements hésitants, distraction et incongruités ».64
Tout en répondant à
madame, l’éducateur permet d’instaurer un climat de confiance et rassurant, en passant ici,
par une forme d’humour tout en ayant une attitude ouverte (rire) en introduisant le fait que
l’éducateur essaie de tenir compte des emplois du temps des jeunes et des familles pour
éviter des absences répétées au travail, au collège ou au lycée.
Lors d’une interaction, la parole et l’écoute s’alternent. Quel que soit le moment dans
lequel nous nous trouvons (institutionnel ou éducatif), il n’y a pas qu’une seule personne
qui parle et pose les questions.
RUE : Vous aurez le droit de ne pas être d’accord ms il ne changera rien de ce qui sera écrit. Il rajoutera
juste si vous n’êtes pas d’accord…
Educ : Sauf si grosse erreur RUE : oui, ça peut arriver, mais sinon il restera tel quel, mais il écrira si vous n’êtes pas d’accord. Vous
avez donc le droit à la restitution.
Voilà, pour continuer un peu sur le côté administratif des choses, donc vous (au jeune) vous êtes bien
Julien XX, né le XX ?
Jeune : non le XX
RUE : ah bah là y ‘a une erreur !
Educ : Comme quoi…
RUE : Comme quoi c’est important, vous habitez XX ?
Mme : c’est ça
RUE : téléphone XX, jusque-là on est bon !
Educatrice: on le dira au juge, ça fait aussi parti de l’investigation. Pareil pour vous. En effet, trois mois
encore de plus dans votre vie mais il faut se dire que ce sera 3 mois où il y aura en tout cas des trucs
bénéfiques.
Educateur (office de RUE) : En tous les cas votre parole sera entendue par un magistrat, vous ne serez
plus seule…
Mme : oui, oui
Educateur : Et ça en soi c’est intéressant
Mme : ca tout à fait
Educateur : Après que Mr en fasse quelque chose ou pas tant pis, mais vous pourriez en sortir quelques
petits plus…
Mme : je sais bien mais comme je vous le dis au jour d’aujourd’hui, ça y’est… Non mais je vous le dis,
non, franchement non. Educatrice : C’est dommage de vous être déplacée jusqu’ici
Mme : pourquoi c’est dommage ?
Educatrice : Bah de pas vouloir poursuivre en fait.
A travers ces deux exemples nous voyons que l’éducateur peut intervenir dans le
discours de la RUE, et vice-versa (l’éducateur qui remplace la RUE prend également la
parole lorsque l’éducatrice tente d’instaurer un discours rassurant sur la temporalité.)
L’éducateur renvoie au magistrat puisqu’il ne faut pas oublier que la mesure a été ordonnée
par celui-ci. Il y a donc alternance de la parole de façon spontanée chez les professionnels.
Il en va de même chez les usagers. Ces derniers peuvent s’exprimer à tout moment. Il n’y a
64 Ibid., p.87.
42
pas de temps de parole professionnel, puis temps de parole usager : le temps s’alterne.
Même si parfois l’usager accepte ce qui est dit par le professionnel « oui ; mais bien sûr, je
comprends tout à fait ; oui j’ai compris », il peut également dire qu’il n’est pas en accord
avec la mesure « oui mais c’est un mois encore ; non mais je suis vraiment désolée ; j’ai
plus envie de continuer ; je suis blasée là ». Même s’ils sont contraints de se rendre au
rendez-vous, leur parole est entendue. On pourrait imaginer qu’étant contraints ils
accepteraient ce qui est dit, et ne rompraient donc pas l’interaction, mais il n’en est rien.
Parfois, l’usager peut vouloir prendre l’ascendant, et le travail du professionnel sera alors
d’apaiser la situation en reprenant les propos et en les clarifiants. Le jeune peut également
vouloir prendre l’ascendant sur sa famille lors d’un entretien :
Mme : non, on en a parlé à la police… au prochain problème on va porter plainte Educ : nous on ne saurait que trop vous conseiller d’y aller, de le faire, faut pas que ça dure cette
histoire.
Mme : Julien avait peur, m’a répondu qu’il l’emmènerait dans une forêt
Julien coupe sa mère, énervé : Non mais t’es drôle il me l’avait déjà fait. Ils m’ont attaché sur un arbre,
tu fais comment pour te détacher ? Non mais t’es forte toi ! T’es drôle ! Tu préfères qu’il m’enferme
dans une cave aussi !!
Educ : Julien, julien, si tu le veux bien, on parlera de tt ça quand on sera tous les 2, d’accord ?
Le professionnel laisse le jeune s’exprimer jusqu’au bout, mais diffère l’explication de
l’épisode de racket, sujet qui semble sensible, pour ne pas que le jeune entre encore plus en
conflit avec sa mère.
Une situation asymétrique mais un travail conjoint à minima sur « la face »
Il y a lors de l’échange une notion sous-jacente : la face qui est « la valeur sociale
positive qu’une personne revendique ».65
Nous tenons toujours à renvoyer une image
positive de nous-même, tout en tentant de faire « bonne figure ». L’entretien d’accueil, bien
qu’étant un moment spécifique, ne déroge pas à cela. En effet, chacun expose un point de
vue, puisqu’il s’agit d’un échange. Lors de l’entretien MJIE, madame refuse l’intervention.
Mais y’aura rien qui va changer (…)
je vous le dis franchement, je n’ai plus envie de continuer. Je me suis présentée car cela faisait deux fois
que je ratais le rendez-vous (…)
Je sais et même eux ils me le disent ils en ont marre, ils le disent. Ils veulent pas, ils en ont marre.(…)
oui mais justement je ne veux pas aller sur ces 3 mois. Aujourd’hui je suis là, je dis ce que j’ai à dire mais moi je veux mettre un terme à cette investigation (…)
Déjà monsieur devrait être là avec notre fille et tout mais il n’est pas là…(…)
je sais bien mais comme je vous le dis au jour d’aujourd’hui, ça y’est… Non mais je vous le dis, non,
franchement non.(…)
Voilà, mais moi ? Ça m’a servi à quoi ? A rien du tout ! (…)
oui mais j’entends (rire), mais je n’ai rien à cacher ou à me reprocher. Franchement, je suis fatiguée, je
suis épuisée (…)
65 Ibid., P.9.
43
Comme nous pouvons le constater, madame suit ici son idée. Elle refuse l’intervention
judiciaire. Elle n’hésite pas à exprimer ce qu’elle ressent et sa volonté de ne pas continuer.
On voit ici, qu’elle tente de garder la face : « Un individu garde la face lorsque la ligne
d’action qu’il suit manifeste une image de lui-même consistante (…) ».66
Tout le travail de l’éducateur sera de trouver l’adhésion de madame. Pour se faire, lui
aussi cherchera à sauver sa face en utilisant diverses techniques. Ici, l’éducatrice en
question, fera preuve d’empathie face au refus « On peut le comprendre, c’est pas évident
de devoir une fois de plus parler à d’autres personnes de son histoire familiale et
personnelle », en rappelant le cadre de la mesure « c’est vrai que le but de cette
investigation c’est de faire un état des lieux, une photographie si vous voulez de votre
situation actuelle », en faisant preuve de lucidité face au refus « Après vous avez le libre
choix de pas choisir, nous, dans tous les cas, on en réfèrera au magistrat que vous vous
êtes déplacée sur le premier rendez-vous mais que vous ne souhaitez pas… Moi je vous le
dis que c’est vraiment dommage, cela vous desservira dans tous les cas et vous pourrez
pas exprimer clairement ce que vous voulez et les enfants non plus », en faisant preuve
d’insistance « moi j’essaie de vous dissuader, c’est mon travail aussi », et en intégrant les
enfants à la discussion, en adaptant son langage à l’âge de ces derniers et en utilisant des
termes humoristiques pour chercher l’adhésion « les garçons vous en avez marre
apparemment de voir des éducateurs ? Je suis gentille, je ne mange pas les enfants
promis », et en proposant de différer la décision finale de madame « ce que je vous propose
c’est : on entend que vous ne souhaitez pas continuer, que vous ne souhaitez pas vous y
investir. On vous laisse y réfléchir. On vous rappelle la semaine prochaine ».
Sur l’ensemble de l’entretien, quelle part de l’institutionnel ?
Les échanges pour trouver l’adhésion ont ici pris une part majeure de l’entretien. Même
si la recherche de l’adhésion se fait, certes lors de l’entretien d’accueil, je reste convaincue
qu’elle peut également se travailler sur le temps avec certaines familles. Ici, de vraies
argumentations se sont construites. Si les 10 premières minutes ont été consacrées à la
présentation du service et à la lecture de l’ordonnance, et à prendre quelques éléments de la
situation de la famille, les 30 minutes suivantes ont été consacrées à cette recherche, où se
sont entremêlés le côté institutionnel et recherche de relation éducative.
(…) dans les rencontres, chacun tend à se conduire de façon à garder aussi bien sa propre face que celles
des autres participants. Cela signifie que chacun a généralement le droit de faire prévaloir la ligne d’action qu’il a adoptée, et le rôle qu’il s’est, semble-t-il, choisi. Il s’établit un état de fait où chacun
66 Ibid., p.10.
44
accepte temporairement la ligne d’action de tous les autres. Il semble que cette sorte d’acceptation
mutuelle soit un trait structurel fondamental de l’interaction, et particulièrement des interactions à
l’œuvre dans les conversations face à face.67
Différer le changement d’opinion semble alors la meilleure solution. Celle-ci permet de
ne faire perdre la face à aucune des personnes présentes. Ce qui permettra par la suite, si
madame adhère à la mesure, d’établir un travail éducatif qui ne sera pas biaisé par cela.
Lors de ma rencontre post entretien avec madame et les deux garçons, j’ai demandé ce que
chacun avait retenu de l’entretien. Madame me répondra « J’ai retenu : je sais qu’il y a des
personnes qu’elles sont là pour aider (…) c’est pour ça qu’elles insistent pour donner leur
aide, voilà ! Donc, là ça se peut j’ai dit non, mais c’est vrai ça se peut qu’en rentrant à la
maison, je dis oui, voilà. Leur démarche c’est pas pour m’embêter en fait. » Les garçons
me diront être d’accord pour revenir, au grand étonnement de madame « bah faudra pas
dire que vous en avez marre après ». Les garçons diront « l’éducatrice elle est gentille ».
L’entretien a permis à chacun de donner son point de vue et de le « défendre » en
quelque sorte. Les échanges ont été francs de part et d’autre. J’ai interrogé ma collègue sur
ses impressions et sur la réussite pour elle de l’entretien : « Faudrait définir ce qu’est la
réussite d’un entretien d’accueil ! Faudrait des points de critères, mais y’en a pas, chaque
entretien est différent. Il sera réussi si la mère finit par adhérer à la mesure et s’accapare
la mesure ainsi que les enfants ». Les jalons à la compréhension de l’importance de mener
à terme cette mesure ont été donnés à madame ainsi qu’aux enfants. L’entretien d’accueil
sert également ainsi. Même si la contrainte judiciaire existe, puisque la mesure est
mandatée par ordonnance par un magistrat, la MJIE nécessite une collaboration de la part
des parents et des enfants : « C’est au travers des relations discursives que les
interlocuteurs peuvent prendre en compte, redéfinir, négocier voire s’opposer plus ou
moins durablement au donnée de départ et aux conduites attendues »68
. Ici, le père et la
fille sont absents. Ce qui ajoute une difficulté pour l’adhésion de madame, même si
l’éducatrice reprend cela avec elle « S’il n’est pas là, après le travail c’est vous, c’est
différent. Dans tous les cas, monsieur sera re-convoqué, ce n’est pas un souci. S’il ne se
présente pas on le dira au juge, ça fait aussi partie de l’investigation ». Un sentiment
d’injustice peut rendre encore plus difficile le travail éducatif quant à l’absence d’un ou
plusieurs usagers pour celui qui est présent. Bien reprendre l’absence et expliquer ce que
cela entraîne permet d’atténuer ce sentiment.
67
Ibid., p.14. 68 HICKEL Françoise. Educateur(trice) à la Protection Judiciaire de la Jeunesse. Un métier complexe. p.4
45
Relation éducateur/usager : embarras et excuse pour l’usager
Lors de la reprise d’éléments de l’ordonnance, une erreur est faite sur l’ordonnance, en
effet, la date de naissance des garçons n’est pas bonne. La mère dira « encore » car elle
avait déjà signalé cela. L’éducatrice corrige alors la date de naissance, mais ne s’en
excusera pas, puisqu’il s’agit d’une erreur du greffier. Malgré tout, et d’un point de vue
« Goffmanien », on relève ici encore, une importance de la face : un usager s’excuse, le
service comprend et rectifie car il ne cherche pas à le mettre en difficulté. Il en va de même
lorsque madame croit que les professionnels ont lu en amont le dossier au tribunal. Si le
fait de ne pas le lire permet au professionnel de ne pas avoir d’idées préconçues, cela peut
engendrer une difficulté pour l’usager :
Educateur : Bon de toute façon on verra les éléments Mme : oui vous avez le dossier
Educatrice: Ah non, on n’a pas le dossier, c’est pour ça que c’est intéressant
Educateur : oui c’est pour ça que c’est intéressant. Comprenez notre démarche. Sinon, s’il suffisait
que de consulter le dossier ce serait trop simple.
Mme : oui mais remettre encore ça sur le tapis et en plus devant les enfants.
Je pense qu’effectivement la lecture du dossier en amont pourrait orienter mes idées et
de plus, d’un point de vue de réalité de terrain, il est compliqué d’aller lire chaque dossier
en amont en tribunal qui est situé à Versailles et donc loin géographiquement de l’UEMO.
Il m’apparaît alors important de reprendre cela avec l’usager et d’expliquer plus
longuement la démarche de ne pas lire leur dossier avant la rencontre, lorsque cela est
abordé par ce dernier, tout en expliquant qu’il sera consulté ultérieurement par un des
professionnels qui suit la mesure. En effet, même si je pense que la lecture avant la
première rencontre peut avoir des impacts sur celle-ci, il m’est cependant évident que la
consultation doit tout de même se faire pour avoir une meilleure compréhension de
l’histoire familiale.
L’éducateur peut installer sa propre relation d’autorité éducative
Dans l’entretien pour la mesure de réparation, là encore la notion de face est présente,
d’une manière différente. On assiste à un cadrage éducatif lorsqu’est abordé la présence
aux rendez-vous. Si la RUE dit que l’éducateur peut être souple, ce dernier reprend avec le
sourire : « pas trop. Non, mais avec moi tu viendras même avec 40 de fièvre tu seras là… »
Si ces propos sont tenus avec le sourire, ils ont pour impact que le jeune pose les yeux sur
l’éducateur pour la première fois depuis le début de l’entretien. L’autorité de l’éducateur
est ici normale pour reprendre l’autorité de justice, puisque le jeune a accepté au préalable
46
cette mesure. L’entretien d’accueil est ici un entretien de cadrage. La réparation est un
levier pour éviter la récidive, le cadrage est donc important.
Le jeune doit faire un travail sur lui-même pour que la mesure de réparation ait un sens.
L’éducateur met cela en exergue quand il lui propose de faire un effort de mémoire pour
retracer les faits, son parcours scolaire et familial. On est là face à une longue séquence
éducative (d’environ une vingtaine de minutes), puisque l’éducateur reprend chaque point
du parcours à travers les propos de Julien, ainsi que sa place dans sa famille.
Les objectifs de l’éducateur et les objectifs exprimés de l’usager
S’en suit ensuite une dizaine de minutes d’échanges entre la mère et l’éducateur sur les
différents intervenants. Elle évoquera la possibilité que le jeune parte à la campagne, en
lien avec l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE). L’éducateur recentrera le cadre d’intervention
de la mesure de réparation, refusant de s’attarder sur le travail de placement « si je vous ai
demandé tout cela, c’est aussi pour vous dire ce que l’on va faire, mais aussi ce que l’on
ne va pas faire dans le cadre de la mesure de réparation (…) je ne veux pas vous censurer,
mais c’est là où se trouve la limite de notre intervention à nous ici, c’est pas nous qui
mettrons ça en place ». Ce cadrage est essentiel pour que chaque rôle soit bien délimité et
compris par Julien et sa mère, même si le sujet est abordé par cette dernière.
L’agencement des deux moments : une complexité ?
A travers les deux entretiens, on voit que la phase institutionnelle liée à la loi de 2002,
occupe le début de celui-ci par la RUE, ou l’éducateur qui la remplace. Ce temps est plutôt
court par rapport au reste de l’entretien, puisqu’il n’excède pas une dizaine de minutes.
Mais l’institutionnel reste omni présent puisque les relations avec le magistrat sont remises
en avant, tout comme le cadre d’intervention de la mesure. Celui-ci permet de limiter
l’intervention, et de justifier la relation éducative. Si je pensais que le cadre institutionnel
rendait compliqué cette relation, je me rends compte au fur et à mesure des entretiens
observés et menés qu’il n’en est rien. En effet, celui-ci est une sécurité sur lequel nous
pouvons nous appuyer pour construire le lien de confiance nécessaire. De plus, le rôle du
RUE n’est pas seulement d’aborder la loi de 2002. En effet lors de l’entretien de la mesure
de réparation, la RUE dira au jeune : « Maintenant, on verra ce que Julien va pouvoir faire
de positif concernant sa mesure de réparation ». Il s’agit là d’une fin éducative, puisque
par cette phrase tout l’attendu d’une réparation est résumé.
Jeux d’interactions entre le mineur et un parent : avancées éducatives ?
La dynamique des échanges permet à l’éducateur de faire ressortir des choses sur ce
qui a pu se passer, et importantes à la compréhension de la situation. Chaque personne
47
présente a une influence. Dans le second entretien la mère participe à l’éducatif également
en reprenant son fils :
Mme : Y’a pas longtemps tu t’es encore bagarré, y’a eu une main courante
Jeune (agacé): c’est rien ça
Mme : si c’est grave.
(…)
Pourquoi, d’après vous ressent-il le besoin de se battre ? D’après vous en tant que maman ? Mme : Excuse-moi Julien c’est pour se donner une image de caïd, pour moi
Jeune : Pas du tout mon frère
Educ : Pas du tout mon frère ? Qui est ton frère ? Car là je te rappelle que c’est ta maman
Jeune : vous vous croyez que quand on dit ça c’est vraiment mon frère, mais ce n’est pas ça.
Mme : c’est ta façon de parler que monsieur reprend
Educ : tu sais Julien, là tu as devant toi un éducateur, une responsable d’une unité du ministère de la
justice, donc il y a un langage à avoir, d’accord ?
Ouverture de parole et d’échange imprévu pour l’éducateur qui prend appui sur des
tiers
Et c’est également cette dynamique d’échanges qui ne permet pas à un éducateur de
suivre une trame déjà toute faite. Celui-ci, doit à travers ses qualités d’écoute, et à travers
les divers protagonistes instaurer un discours éducatif, en se servant de « l’ici et
maintenant », et des personnes en présence. Océane, la petite sœur de Julien, de par sa
présence influera également sur les interactions. Et montrera comment celui-ci se comporte
avec elle, montrant là, la relation qu’il entretient avec sa petite sœur. Ce qui est une source
d’informations. De même, elle est l’initiatrice parfois d’un discours éducatif : Julien
dessine avec Océane ce qui permet à l’éducateur de lui poser des questions « c’est un joli
dessin, tu aimes dessiner ?; -je préfère lire ; -qu’est-ce que tu lis ? (…) » Ainsi, le
professionnel peut apprendre à connaître Julien, en le valorisant, tout en posant des
questions. La confiance éducative se gagne aussi ainsi. A la fin de l’entretien le jeune se
permet de poser des questions, et montre ainsi qu’il est acteur de la rencontre : « le
prochain rendez-vous c’est quand ? (…) Il y a des dames en haut ? J’entends des
talons... » Ce qui permet là encore à l’éducateur de valoriser le jeune « tu es observateur »
L’éducateur reste dans la civilité, car on est sur l’entretien d’accueil, nous ne pouvons
savoir si le jeune pose des questions qu’il se pose réellement où s’il veut faire « le malin ».
Moi-même je me suis demandé cela à la suite de mon échange post entretien lorsque le
jeune m’a signifié « moi je ne le connais pas trop, je n’ai pas de questions à lui poser ».
D’une mesure à une autre les mêmes interactions, la même manière de « mener »
l’entretien ?
Ces deux entretiens ont deux schémas différents, les objectifs n’étant pas les mêmes. Là
encore, je réalise que nous ne menons pas tous les entretiens d’accueil de la même façon
48
selon la mesure parce que le travail éducatif n’est pas le même. La posture éducative face
au jeune et à ses parents ne peut être la même puisque l’obligation et la visée éducative
sont différentes selon les mesures. Le référentiel mesures permet de cadrer
institutionnellement. Là encore l’institutionnel est le garant de l’éducatif qui se prolongera
tout au long du suivi. Même si nous sommes dans le temps de l’accueil, il faut que ce
temps s’achève par la remise d’un prochain rendez-vous, ce qui est le cas lors des deux
entretiens. Si dans l’entretien de MJIE, une nouvelle date n’est pas définie, un appel
téléphonique dans une durée d’une semaine est tout de même spécifié. Il est important pour
moi que l’usager parte avec un nouvel entretien. Cela montre la continuité du travail, et
l’accroche quant à la suite.
Educ : Vous habitez Poissy ? Car on peut se rencontrer là-bas, nous avons des bureaux à disposition. Julien a une carte navigo ?
Mme : oui, mais il l’a perdue, il a aussi perdu sa carte d’identité, faut que je la refasse.
Educ : le temps que le pass navigo se fasse, je te verrai à Poissy, d’accord Julien ? Ce serait bien
qu’on se revoit très rapidement, hein Julien ? Dans une semaine ?
Mme à son fils : Tu écoutes Julien (Julien joue à faire une pyramide avec les feutres).
Educ : Non mais je sais qu’il m’écoute, vous savez c’est pas parce qu’ on fait une chose qu’on
n’entend pas hein ? Sourire
Ici, la remise d’un nouveau rendez-vous permet d’aborder des questions administratives, et
de continuer un discours éducatif sur la personnalité du jeune, tout en le valorisant.
Je me demandais si l’institutionnel était une contrainte pour l’éducateur. Finalement
celui-ci est assez libre de son discours. En effet, si le RUE présente le cadre d’intervention
ainsi que le service, il s’efface permettant à l’éducateur de mener l’entretien. Les différents
points abordés par le référentiel mesure sont respectés. Alors même si l’entretien est
contraint par la nature même de la mesure, l’éducateur peut engager le discours éducatif
selon sa propre personnalité. Comme l’écrit Françoise HICKEL :
L’ordre des points à aborder, leur développement, la quantité de temps à y consacrer, sont laissés à
l’appréciation de l’éducateur. Celui-ci dispose en outre d’une latitude importante pour laisser la parole au
jeune et à ses éventuelles initiatives et traiter des questions non prévues. Il s’agit de donner au mieux les
conditions pour construire une relation visant à établir les bases d’entente possibles et les points de divergence, et laisser « surgir l’imprévu ». 69
Conclusions de l’analyse :
S’il est vrai que je n’analyse que deux entretiens, nous voyons tout de même des
similitudes ainsi que des différences. J’ai pu faire un retour sur ma problématique et mes
69 HICKEL Françoise, op.cit., p.7.
49
hypothèses tout en analysant l’entretien et son moment institutionnel ainsi que l’entretien
et son moment d’accroche éducative.
La construction de l’entretien est la même : il y a donc deux temps : un institutionnel
mené principalement par la RUE ou la personne la remplaçant, et un éducatif mené
majoritairement par l’éducateur référent. Pourtant, chaque professionnel peut intervenir
quand il en ressent le besoin, selon la sensibilité éducative perçue à un « instant T ». Le
discours éducatif est renforcé par cela. La parole des usagers est entendue et écoutée,
même si le travail de l’éducateur est de cadrer les volontés des usagers par rapport au cadre
d’intervention sous-entendu par la nature même de la mesure. La mesure délimite donc
l’action d’éducation à mener. L’éducateur amorce « l’accroche de la relation » par
plusieurs biais : la bienveillance, le cadrage, la fermeté, l’humour, l’empathie. Autant de
qualités propres à chacun, qu’il nous faudra utiliser à bon escient, au moment importun, et
selon la personne que nous aurons face à nous : « Si la relation éducative constitue bel et
bien l’essentiel de notre action au quotidien, elle mobilise des savoir-faire et des outils
spécifiques ».70
Si le premier entretien se prépare, nous ne pouvons anticiper quelles qualités
professionnelles seront mises en avant, puisque nous construisons celui-ci avec le jeune et
sa famille, dans l’intérêt de ces derniers. Une chose primordiale est la compréhension de
ces derniers du travail qui se met en place, et c’est pourquoi, leur demander régulièrement
s’ils ont des questions est important. Lors de mes « post-entretien », j’ai pu questionner les
usagers sur cela, et dans les deux situations, ils ont pu me certifier avoir compris et qu’ils
poseraient des questions si le besoin se présentait. La confiance et l’amorce de la relation
ont donc pu être mises en place dans le respect de chacun, par les différentes interactions et
échanges vécus.
3. Quelques difficultés observées et rencontrées dans la conduite des entretiens
d’accueil
L’absence :
70
GABERAN Philippe. La relation éducative : Un outil professionnel pour un projet humaniste. 2003, p.13
50
« L’évitement. _ Le plus sûr moyen de prévenir le danger est d’éviter les rencontres où il
risque de se manifester ».71
L’absence du jeune crée une problématique pour l’éducateur. En effet, lorsque ce
dernier ne se présente pas, le professionnel relance par une autre convocation, puis par un
envoi en recommandé. Si nous sommes en possession d’un numéro de téléphone, il est bon
de tenter de le joindre par ce biais-là, ou joindre sa famille, pour permettre de lui expliquer
l’importance des rendez-vous. Dans un cadre judiciaire avec des délais, cette absence peut
avoir un impact sur la suite du suivi. De même, après un temps déjà entamé entre
l’ordonnance et la prise effective de la mesure, ce temps supplémentaire peut rendre
difficile le travail éducatif. Mobiliser un jeune pour qui parfois les faits ont été commis
depuis longtemps est d’autant plus complexe. Il faudra alors que l’éducateur travaille sur
les motifs de cette absence, mais il faudra également expliquer les délais.
L’absence d’un ou des deux parents peut aussi s’avérer déstabilisante. L’éducateur
devra alors comprendre l’absence, et redoubler d’efforts pour réussir à les associer à la
mesure. Le travail de l’éducateur se fait en lien avec les familles, comme déjà abordé
précédemment. Il faudra là encore que l’éducateur se mette rapidement en contact avec ces
derniers. Et devra travailler cela aussi avec le jeune suivi. Prendre les disponibilités de
chacun, pour éviter des absences répétées au travail, ce qui est souvent avancé par les
familles, sera déjà une amorce de travail éducatif en lien avec la famille.
La différence de langue :
Lors d’un entretien d’accueil mené en binôme avec une collègue, j’ai été confrontée à une
difficulté qui était que la mère du jeune suivi ne parlait que très peu notre langue. L’un des
objectifs de cet entretien est de permettre aux usagers de comprendre le cadre
d’intervention, la mesure, les rôles de chacun. Au vu de la situation évoquée, je me suis
alors demandé si pour madame nous avions réussi à remplir ces objectifs.
Ma collègue et moi avons mené cet entretien comme nous l’aurions mené avec n’importe
quel usager. Dans un entretien, il faut éviter que l’usager se désinvestisse de celui-ci et
réussir à faire participer chaque personne présente, et ce malgré la difficulté, ici, de le
rendre intelligible. C’est pourquoi tout au long de l’entretien nous avons implicitement
utilisé des mots plus simples, et avons ralenti notre débit de parole. Nous tenions à ce que
71 Erving GOFFMAN, op.cit.,p.17.
51
madame participe à l’entretien malgré la barrière de la langue. Nous souhaitions la
questionner, tout en la rassurant « nous allons parler plus lentement ; expliquez-nous avec
vos mots ; nous pourrons faire appel à un interprète, comprenez-vous bien ce terme ?,
etc.». En tant qu’éducateur nous travaillons fréquemment avec des familles d’une autre
culture. Connaître ces dernières peut favoriser les échanges « Parler de la ou les culture(s),
c’est parler de l’être humain, de sa spécificité, de son pouvoir créatif, de son histoire et de
son évolution, puisque c’est un être essentiellement et singulièrement culturel. »72
Cela
peut faciliter la compréhension de certains fonctionnements familiaux. Ici, la culture
bengalie semble avoir une importance : monsieur est d’après le jeune trop occupé avec la
politique bengalie pour s’occuper de lui, madame quant à elle ne parle quasiment que cette
langue et le mineur est bilingue. Nous avons donc proposé au jeune de nous parler du
Bengladesh lors des prochains entretiens. Le jeune et la mère ont souri suite à notre
proposition, et le jeune nous a répondu «sans problème».
Si dans un entretien éducatif, l’échange verbal a une place prédominante, la
communication non verbale est elle aussi une richesse d’informations qu’on ne peut
ignorer. Il s’agit de « l’ensemble des moyens de communication existant entre des êtres
vivants n'usant pas du langage humain parlé. Elle regroupe tous les moyens que les
individus ont pour communiquer et qui ne relèvent pas de la langue orale humaine. »73
Nous avons inconsciemment additionné des mouvements de main à notre parole. De même
nous étions plus avancées : cette posture corporelle signifiait implicitement que nous étions
ouvertes à l’échange malgré la difficulté de la langue. Nous voulions que Madame se sente
à l’aise pour communiquer avec nous malgré la « barrière » linguistique.
Lors de l’entretien le jeune parle à sa mère sur un ton très énervé. Certains indices non
verbaux nous ont permis également de tenir un discours éducatif. Lorsque nous abordons
son père, le ton que le jeune utilise pour traduire nos propos à sa mère nous permet de
comprendre qu'il s’énerve. Nous reprenons cela avec lui, lui démontrant ainsi que nous
sommes alertes sur leurs échanges bien qu’ils soient faits dans une langue qui nous est
étrangère.
Etant moi-même bilingue, je me suis demandé quelle serait la meilleure façon de faire,
si j’étais confrontée à une famille qui parlerait ma langue maternelle ?
72
VENEL Marie-Dominique. La culture de l’Autre : un miroir ? 2012 pp. 71-82 73
Jacques CORRAZE cité par Hugues HOTIER, Non verbal, communication, organisation-Exposé introductif, http://communicationorganisation.revues.org/2394
52
III) PHASE D’EXPERIMENTATION : QUAND LES MODES DE
FONCTIONNEMENT DOIVENT ETRE AJUSTES A UN
NOUVEAU SYSTEME D’ORGANISATION
1. La prise en charge à cinq jours : pourquoi, et quelle organisation du tribunal
aux services ?
Le 29 juillet 2013 paraît une note intitulée « Note d’instruction relative à la mise en
œuvre de l’article 12-3 de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance
délinquante »74
. Cette dernière prend source sur la loi numéro 2012-409 du 27 mars de
programmation relative à l’exécution des peines qui prévoit la réduction du délai de prise
en charge des mineurs, suite au prononcé de la décision judiciaire. Cette note prévoit une
prise en charge réduite à cinq jours ouvrés. L’article 12-3 de l’ordonnance du 2 février
1945 prévoit l’application de ce délai à compter du 1er janvier 2014.
La note du délai de prise en charge à cinq jours est une note visant donc à permettre
aux usagers d’être convoqués dans un service PJJ, ou habilité PJJ, dans un délai de 5 jours
ouvrés, après avoir été vus et entendus par un magistrat.
Les usagers sont actuellement dépendants du temps de convocation du service de
Milieu Ouvert. En effet, lorsque la mesure arrive sur le service elle n’est pas forcément
attribuée directement à un éducateur référent. Parfois, sur certains services, une suractivité
ne permet pas l’attribution immédiate. Même si les directeurs et RUE tentent de réduire le
temps entre l’arrivée de la mesure et la prise en charge effective, ce temps existe et peut
être synonyme d’angoisses supplémentaires pour les usagers. Ou à l’inverse ce temps peut
aussi être vécu comme un sentiment de toute-puissance de la part des jeunes, qui parfois en
viennent à penser que la justice a pu les oublier, et peuvent de ce fait récidiver. De plus,
parfois il existe un laps de temps si important entre le moment où le jeune voit le magistrat
et l’entretien d’accueil qu’il peut également oublier ce qui a pu être dit lors de l’audience et
le travail éducatif peut, de ce fait, en souffrir, ou du moins être plus compliqué à mettre en
place.
74
Note d’instruction du 29 juillet 2013 relative à la mise en œuvre de l’article 12-3 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante.
53
Dans un souci de réduire le temps de la première convocation, cette note offre aux
usagers une première prise de contact avec un service, en vue de le leur présenter. Comme
stipulé sur celle-ci « Elle vise à la prévention de la récidive des mineurs en matière
délinquante »75
. Au-delà de ce qui est indiqué, je pense que cela leur permettra également
de voir le lien qui existe entre le magistrat (dont le greffier donnera la convocation), et la
PJJ. En effet, les usagers verront ainsi qu’un contact existe entre « ces deux
administrations », et qu’elles travaillent donc de concert. Cela pose d’autant plus la
symbolique du magistrat, et le cheminement du parcours institutionnel judiciaire.
Raccourcir le temps d’attente entre une mise en examen et la venue dans un service de la
PJJ, ne peut qu’être bénéfique pour les usagers qui peut-être vivront une angoisse moins
importante, ou du moins plus limitée dans le temps
Cette note soulève un nouvel outil facilitant qui devra donc être mise en place pour
permettre son exécution : « Le principe retenu pour faciliter la prise de rendez-vous et
réduire ainsi au maximum le délai de prise en charge est celui de l’utilisation d’agendas
partagés entre les juridictions et les services de la mise en œuvre de la décision »76
.
Autrement dit, il s’agit d’un planning donné par le service aux tribunaux, qui favorisent la
mise en date de cet entretien. Il permettra une meilleure communication entre le juge pour
enfants et les services de Milieu Ouvert. Mon service a opté pour une journée définie à la
mise en œuvre de ce dernier. Le mercredi permet d’être, d’une façon ou d’une autre, dans
le temps imparti, quel que soit le jour de la rencontre des usagers avec le magistrat, puisque
« Le délai entre la décision et le rendez-vous ne doit pas excéder cinq jours
ouvrables.»77
A l’heure actuelle cette note n’est pas encore appliquée dans mon département. Les divers
logiciels ne sont pas encore activés, ni au point au Tribunal.
2. Comment est-elle pensée à l’UEMO des Mureaux ?
Diverses réunions ont été organisées au sein de mon UEMO pour réfléchir aux visées
de celle-ci, mais aussi à sa mise en place sur le service. Si dans un premier temps, la
directrice avait pensé mener cet entretien, cela a été repensé. En effet, son bureau étant
situé dans l’unité de Mantes la Jolie, il aurait été délicat de convoquer les usagers à un
endroit qui ne serait pas le lieu de la suite du suivi. La RUE sera donc la professionnelle
75
Ibid., p.4. 76
Ibid., p.7. 77 Ibid., p.7.
54
qui s’en chargera. Qu’il soit mené par un cadre, montrera alors la symbolique de
l’institution. Elle pourra ainsi présenter le service, la mesure, et distribuer les différents
documents relevant de la loi du 2 janvier 2002. Cet entretien sera un entretien d’accueil
physique et de présentation. En revanche, il a été décidé que les éléments dits « éducatifs »
ne seront pas abordés durant ce temps, qui, d’après mon service ne concernera que les
« primo délinquants » (jeunes n’ayant jamais été suivis par un service de la PJJ). Le service
a donc décidé de positionner une journée hebdomadaire.
J’avais réalisé au préalable de mon étude un tableau quantitatif des primo
délinquants pris en charge par mon service. Ce tableau concernait le mois de décembre
201378
. Il y avait alors eu 7 nouveaux jeunes pris en charge. Si nous nous appuyons sur
celui-ci, il y aurait alors environ 2 jeunes par semaine concernés par cet entretien. Le jour
hebdomadaire paraît alors être cohérent avec le nombre de jeunes qui sera convoqué au
service dans le cadre de la note.
L’entretien d’accueil connu aujourd’hui en tant que tel va donc forcément être
impacté par cette note. En effet, le fonctionnement va en être bouleversé.
En commençant par l’envoi des convocations. La première est donc donnée
physiquement à l’usager.
En cas d’absence du mineur à la 1ère convocation dans un service de la PJJ, le magistrat et l’avocat,
en sont informés dans les meilleurs délais. Par principe, il convient de laisser l’opportunité au
directeur de service, ou par délégation au responsable de l’unité ou du service de fixer un 2ème
rendez-vous au mineur et à la famille dès lors que le magistrat a bien été avisé. Toutefois, ce dernier
peut, en fonction de la situation, privilégier une convocation réalisée par ses soins dans son cabinet.
Dans ce dernier cas, le magistrat en informe le directeur de service.79
Jusqu’à présent l’éducateur référent de la mesure envoyait la convocation pour l’entretien
d’accueil, après concertation des disponibilités de la RUE. Cette convocation était donc
faite au nom du service. Dorénavant, cela ne sera plus le cas. Cela montrera une fois de
plus la communication existante entre la juridiction et l’unité éducative. Si cela modifie
l’organisation actuelle, en ce sens où le service n’enverra pas la première convocation, cela
n’impactera en rien le travail éducatif.
Si le jeune est seul face au magistrat, celui-ci recevra la convocation, tandis qu’un
exemplaire sera envoyé par voie postale aux détenteurs de l’autorité parentale. Malgré tout,
« En cas d’absence des détenteurs de l’autorité parentale à la 1ère
convocation du mineur
78
Annexe 10. P79. 79 Ibid., p.9.
55
dans un service de la PJJ, l’entretien doit être réalisé, la décision du magistrat
s’appliquant au mineur seul. Cela n’ôte en rien la nécessité par la suite de soutenir
l’implication et la recherche d’adhésion des parents dans la prise en charge »80
. Je me
pose alors la question du dédouanement des détenteurs de l’Autorité Parentale. Cet
entretien ne va-t-il pas biaiser le travail avec les familles ? Il me semble que cela peut
ajouter des complications quant à ce travail avec ces dernières. Pour l’instant cette note
n’est pas encore applicable sur le territoire couvert par le service dans lequel je suis pré
affectée ; en effet les agendas partagés ne sont pas encore mis en place. Malgré tout, il a été
convenu que la RUE serait la plus à même de remplir la fonction de cet entretien. La
présentation de la structure, les informations administratives sont déjà effectuées par celle-
ci lors des entretiens d’accueil à l’heure actuelle.
Cet entretien pensé par mon service a une visée administrative, et permet
également au magistrat de savoir si le jeune et/ou sa famille se sont bien présentés. Cela
permet également la première prise de contact entre l’usager et le service. Il est donc
primordial de tenter de solutionner chaque situation possible, tout en étoffant au fur et à
mesure, selon les différents rendez-vous, car nous ne pouvons tout anticiper « Experience
is merely the name men gave to their mistakes »81
. Il ne faut pas perdre de vue que face à
l’humain, parfois, nous ne pouvons-nous cantonner qu’à des questions et des propos
d’ordre administratif. Comme nous l’avons déjà abordé, nous sommes tout de même à
chaque rencontre soumis à des interactions, sans savoir ce qui peut en découler avant,
pendant et après. Réfléchir donc à une sorte de « protocole » ou du moins à une certaine
« organisation » selon des cas spécifiques peut s’avérer être opportun voire nécessaire.
3. Réflexions sur la prise en charge à cinq jours
Je dépeindrai dans cette partie ce qui pour moi me semble être important pour garantir
un entretien qui soit au plus près de l’intérêt des usagers. Une réunion STEMO est prévue
au mois de juin. Dans l’ordre du jour on retrouve un temps d’échange autour de l’entretien
de prise en charge à cinq jours. Voici ici ce que je compte apporter lors des discussions à
ce sujet.
Interrogation sur le nom donné à la note :
80
Ibid., p.9. 81 Oscar WILDE l’expérience c’est le nom que chacun donne à ses erreurs.
56
Je commence ici, par une réflexion large de la note du délai de prise en charge à cinq
jours. J’ai conscience que la réunion du STEMO ne changera pas cet état de fait, mais il
m’apparaît important de souligner cela.
La note du délai de prise en charge à cinq jours porte un nom qui peut prêter à
confusion. En effet, la mesure ne sera pas prise en charge malgré ce premier entretien. Il
s’agit d’une première rencontre de l’usager avec l’unité qui le prendra en charge, mais la
prise effective ne commencera peut-être pas à la date concernée. Dans certains services, et
c’est le cas dans celui dans lequel je travaille, des mesures sont placées en attente. Cela se
produit lorsque tous les éducateurs ont atteint le quota de 25 jeunes pris en charge. Dès
lors, la prise effective est alors repoussée en attente de pouvoir être attribuée. L’usager
convoqué sera donc dans une certaine forme d’illusion qui le poussera à penser qu’il s’agit
du premier entretien et que la mesure va débuter à cette date. L’intervention judiciaire
risquerait alors de perdre son sens. Cependant, cela permettra à la direction de l’UEMO de
mieux visualiser les mesures qui se retrouveront en attente. De même, il permettra
d’évaluer des situations dites « d’urgence » qui pourraient accélérer l’attribution. Resterait
à qualifier le terme « urgence » : le jeune est en danger imminent, il est dans une situation
d’errance, ou sans domicile, cela pourrait nécessiter une réévaluation du délai de prise en
charge.
Dans une réalité où les délais judiciaires sont très longs, cette note reste une réponse
positive quant au temps d’attente de découverte d’une nouvelle unité.
Qui doit être présent et pourquoi ?
Si les renseignements à compléter sont succincts puisqu’il s’agit d’une prise de contact
pour l’usager avec une administration qu’il ne connait pas forcément, il n’en reste pas
moins que certaines familles attendent ce premier entretien pour raconter leur histoire,
trouver une oreille à qui parler, être rassurées, « déverser » des histoires de vie
compliquées ou des problèmes rencontrés jusqu’à maintenant, ou au contraire certains ont
besoin de se faire recadrer. Si jusqu’à aujourd’hui les entretiens se déroulaient en présence
du RUE et d’un membre de l’équipe éducative, en l’état un éducateur, pour permettre à ce
dernier de répondre et d’écouter les familles, je me suis alors demandé comment le RUE
allait gérer cela, puisqu’il n’est pas dans ses premières missions de répondre à ce style
d’attentes. J’ai donc pu réfléchir à un certain mode d’action. Si le RUE en perçoit la
nécessité, peut-être pourrait-il faire appel à l’éducateur de permanence. Un éducateur est
désigné par tranche de demi-journée à être de permanence. Cela signifie qu’il est
obligatoirement présent sur le service, sans rendez-vous pour pallier à des situations
57
d’urgence, de renseignements téléphoniques, d’accompagnement de dernières minutes.
Généralement, l’éducateur profite de ce temps défini pour rédiger des rapports. Donc, si le
RUE perçoit des paroles ou des attitudes nécessitant que l’usager s’adresse à un membre de
l’équipe éducative, l’éducateur de permanence pourrait assurer ce rôle. Pour se faire, le
RUE aura alors un rôle important dans le sens où il devra expliquer que cet éducateur ne
sera pas forcément l’éducateur référent de la prise en charge. Ce discours sera repris par
l’éducateur qui pourra également expliquer le déroulement de la prise en charge. Cela
aurait pour but d’apaiser une situation tendue ou du moins qui pose problème. En
revanche, l’assistante sociale et la psychologue ne pourront participer à cet entretien,
puisqu’il ne sera pas anticipé…
J’ai également pensé à une autre organisation de cet entretien. Peut-être serait-il
pertinent qu’il soit mené par la RUE et par l’éducateur de permanence. Cela éviterait une
interruption de l’entretien, comme imaginé ci-dessus, et permettrait alors comme stipulé
sur la note « d’engager une évaluation permettant la construction d’hypothèses
d’interventions éducatives auprès du mineur et de sa famille », qui ne font pas partie des
missions d’un RUE. Là encore nous pourrions nous demander si cela est pertinent que
l’usager rencontre un premier éducateur pour finalement rencontrer son éducateur référent
plus tard, mais je pense qu’il est important de souligner que la mesure appartient à un
service et non à un éducateur référent : chaque professionnel doit connaître les différentes
situations en vue de pallier à une absence et pour permettre la continuité du suivi. Cette
deuxième organisation me paraît être la plus pertinente au vu de l’intérêt des usagers. Il
serait alors bon de voir avec l’équipe s’il paraît plus opportun de changer d’éducateurs de
permanence ou si certains souhaiteraient mener ces entretiens d’une façon régulière.
La transmission des informations recueillies :
La question qui découlera de cette situation, sera alors la transmission à l’éducateur
référent des éléments recueillis, et/ou des autres professionnels. Comment, et quand
transmettre ces informations ? L’instant qui me semble le plus opportun serait en réunion
de synthèse. Une fois par semaine, une matinée est dédiée aux études de situations. Ce
temps permet à chaque éducateur de prendre connaissance des situations de jeunes, mais
cela permet surtout à l’éducateur référent de faire le point en équipe, et d’avoir d’autres
pistes de réflexions, et/ou de travail. Ce temps institutionnalisé se fait en présence de la
RUE, de tous les éducateurs, de l’assistante sociale, de la psychologue, mais également
d’un pédopsychiatre, qui permet une analyse plus poussée, sur certaines situations. Les
échanges sont très importants dans le travail d’un éducateur. Ils permettent une
58
distanciation, ainsi qu’un travail de réflexion sur la situation, et sa propre professionnalité.
De plus, la pluridisciplinarité apporte une richesse supplémentaire qui peut aiguiller les
futurs axes de travail. Ce temps de réunion pourrait donc être initié par la transmission des
éléments recueillis lors de l’entretien sous délai à cinq jours, ce qui permettrait à chaque
éducateur présent de connaître déjà la situation. Cela ne devrait pas trop déranger le temps
imparti puisque cela ne concernera pas tous les jeunes vus dans ce délai. En effet, pour
ceux qui n’auront été vu que par la RUE, sans nécessité de faire intervenir un l’éducateur
de permanence, pour cela la grille complétée par la RUE suffira. De plus, les informations
recueillies par cette dernière pourraient permettre de remplir la première partie du DIPC.
Ce qui permettra à l’éducateur référent de se concentrer sur un plan éducatif lors de la
première rencontre.
La difficulté du territoire de l’UEMO des Mureaux :
Ici encore, aucune réponse ne pourra être apportée par la direction du STEMO. Mais
cela reste une préoccupation inhérente à cette note, propre à notre territoire. Si nous
abordons la réalité complexe du territoire couvert par le service, il pourrait y avoir un
risque sur la présence des détenteurs de l’Autorité Parentale lors du premier entretien avec
l’éducateur référent, dans le cas où ils se seraient déjà présentés à l’entretien dans le cadre
du délai de prise en charge à cinq jours. En effet, lors des entretiens d’accueil, nous
entendons souvent l’incapacité tant d’un point de vue financier que professionnel à
multiplier les rendez-vous. Nous avons alors l’opportunité de proposer au cas par cas, des
visites à domicile, ou des entretiens dans des locaux situés dans différentes villes
« majeures » du territoire. Ce premier entretien avec le professionnel référent sera lui
assuré dans les locaux de l’UEMO. Cela reste important puisque le travail éducatif
commencera dès lors, ainsi le lieu reste le symbole et la ressource du travail éducatif à
mener. Cette difficulté est un frein au travail éducatif que nous tentons de résoudre au
quotidien. Une décision institutionnelle pourrait solutionner cet état de fait. Les
professionnels de terrain ne peuvent être les seuls acteurs de solution. En replaçant l’unité
à l’est du département dans une ville centrale tant d’un point de vue géographique que
ferroviaire, cela pourrait faciliter l’accessibilité aux locaux ainsi que la mobilisation des
usagers.
59
CONCLUSION :
J’ai débuté cette étude en m’interrogeant sur l’accueil, sur l’importance de ce
moment. Si, à la PJJ, un service prend en charge des personnes contraintes, il n’en reste pas
moins que l’accueil doit être pensé en amont, pour permettre un début de relation fait dans
le respect de chacun. La loi du 2 janvier 2002 place l’usager au centre de sa prise en
charge, lui garantissant des droits et une prise en charge individuelle et personnalisée. La
note du 16 mars 2007 a permis de renforcer la définition de l’usager : si le jeune en est un,
ses parents, ou tuteurs le sont tout autant. Et le travail d’un éducateur ne se résume pas
qu’au mineur seul. Le travail avec la famille est somme toute important, et la recherche de
l’adhésion de chacun est un des objectifs du professionnel.
L’entretien est un outil fréquemment utilisé par l’éducateur. Connaître quelques
techniques pour le mener est essentiel, même si cela ne garantira pas que l’entretien se
passera comme voulu. Travaillant avec l’humain, nous ne pouvons anticiper ses réactions
ou ses dires. Et c’est également la richesse de notre travail. Tout peut arriver, et le travail
se construit alors avec ce que les usagers nous donnent, dans le but de démarrer une
relation de confiance. Cette relation est complexe puisqu’elle est autant dans la proximité
que dans la distance. L’entretien d’accueil est donc un moment clef de cette future relation.
Sans dire qu’il conditionne toute la suite du suivi, il est le moment de la rencontre tant bien
physique qu’humaine, et les premiers jalons seront posés à cet instant précis.
Si j’ai d’abord pensé que le cadre contraint, et les outils de la loi de 2002, devaient
compliquer cette amorce de relation, mon étude m’a permis de réaliser qu’il n’en était rien.
Cela encadre la prise en charge, et permet donc une confiance entre l’usager et le
professionnel. Si deux temps se distinguent lors du premier entretien (un temps dit
institutionnel, et un second temps éducatif), mon étude m’a fait prendre conscience qu’ils
n’étaient pas que distincts. L’éducatif peut se retrouver dans le premier, et l’institutionnel
dans le second. Rien n’est figé, tout est en mouvement. Les interactions entre chaque
membre présent rendent cet instant encore plus riche de connaissances éducatives, puisque
des pistes de réflexion et de travail émergent de ces dernières.
J’ai pu également à travers la construction de cet écrit, m’interroger sur ma posture
professionnelle. Si au travers de mon travail la lecture théorique sur les entretiens m’a été
profitable, je me suis rendu compte que nous menions les entretiens avec ce que nous
sommes et qu’il n’existait pas de méthodes qui nous permettraient de mener un entretien
comme un autre, et il en va de même d’une mesure à une autre. Mes entretiens
60
exploratoires ainsi que des discussions sur des temps informels avec mes collègues m’ont
également amenée à cette conclusion. J’ai pris conscience des différents points de vue. Et
c’est pour moi une des richesses du travail en équipe : nous pouvons les confronter, sans
que l’un d’eux ne prédomine sur l’autre. J’ai déconstruit ainsi mes représentations
préalables (citées en introduction) pour me construire une nouvelle identité professionnelle
à travers les connaissances acquises grâce à ce travail mais également à travers mes deux
années de formation. Si l’analyse faite dans mon étude concerne principalement des
entretiens menés par des collègues, je n’ai eu de cesse d’analyser mes propres entretiens de
façon à affiner ma pratique et être au plus près de l’intérêt de l’usager. Je regrette de
n’avoir pas pu développer cela dans cet écrit, mais le temps étant restreint, il m’était
difficile de pouvoir intégrer ceci dans mon étude. Il n’en reste pas moins que j’étaye ma
pratique à chaque situation observée et vécue.
La mise en pratique de la note sur le délai de prise en charge à cinq jours risque de
modifier considérablement l’entretien d’accueil tel qu’il est aujourd’hui. Là encore je
regrette qu’elle n’ait pas été mise en place durant mon étude. Je n’ai pu mettre mon
expérimentation en pratique. Cependant réfléchir à une nouvelle façon de penser ce
premier entretien a été passionnant pour moi, puisque mes réflexions ont évolué
parallèlement à ce travail de mémoire. Voir comment la mise en pratique d’une note est
réfléchie en amont dans une équipe de professionnels, où chacun pourra exposer son point
de vue reste pour moi une découverte. J’attends donc avec impatience la réunion où je
pourrai apporter les résultats de ma réflexion, et pouvoir ainsi confronter mon avis à celui
de mes collègues et de ma direction.
Le temps reste un facteur essentiel à prendre en compte. Il existe différents temps dans un
suivi éducatif : l’adhésion, la compréhension, la responsabilisation, l’autonomisation. Si le
premier entretien est important, le dernier pour moi l’est tout autant. Mettre un terme à un
suivi qui a été plus ou moins long, avec une relation éducative construite au fil du temps,
est également essentiel. Je n’ai pas assez de recul pour savoir comment se déroule un
dernier entretien après plusieurs années de suivi. Je m’interroge quant à cet ultime
entretien. Comment le construire au mieux ? Comment dire au revoir à un jeune et à sa
famille ? Nous ne sommes que de passage dans la vie des usagers, nous sommes un
soutien à un moment donné, mais alors comment préparer la fin d’un suivi ? Ouvrir mon
étude sur ces questions auxquelles je n’ai pas de réponse actuellement me parait être
important. Un début est par définition toujours associé à une fin, il m’apparait donc
essentiel d’interroger cela.
61
BIBLIOGRAPHIE :
Ouvrages :
CIFALI Mireille. Le lien éducatif : contre-jour psychanalytique. Paris : 3e
Edition Presses universitaires de France, avril 1998, 163p.
GABERAN Philippe. La relation éducative : Un outil professionnel pour un
projet humaniste. Toulouse : Editions érès, 2003, 150p.
GOFFMAN Erving. Les rites d’interaction. Paris : Editions Les Editions de
Minuit, 1974, 236p.
GUITTET André. L’entretien : Techniques et pratiques. Paris: Edition : Armand
Colin, 6e, 2002, 203p.
HARDY Guy. S'il te plaît, ne m'aide pas ! : L'aide sous injonction
administrative ou judiciaire. Toulouse : Editions érès, 2012, 192p.
JEANVIER Roland ; MATHO Yves. Comprendre la participation des usagers
dans les organisations sociales et médico-sociales. 4ème Ed. Paris : Editions
Dunod, 2011, 261p.
MUCCHIELLI Roger. L’entretien de face à face dans la relation d’aide. 22ème
Ed. Issy-les-Moulineaux : Editions ESF, 2013, 172p.
ROUZEL Joseph. Le Travail d'Éducateur Spécialisé. 2ème
Ed. Paris : Editions
Dunod, 2004, 205p.
SALOME Jacques. Relation d’aide et formation à l’entretien. 2ème
Ed.
Villeneuve d’Ascq : Editions Presses Universitaires du Septentrion, 2003, 242p.
SHAKESPEARE William. Le marchand de Venise. Paris: Editions Les Editions
de minuit, 1974, 2366p.
Articles :
HICKEL Françoise, Educateur(trice) à la Protection Judiciaire de la Jeunesse.
Un métier complexe.
ROGEL Thierry, la stigmatisation, DEES, n°107, mars 1997.
SALLEE Nicolas, Les éducateurs de la Protection judiciaire de la jeunesse à
l’épreuve de l’évolution du traitement pénal des jeunes délinquants, 2010.
62
Revue :
VENEL Marie-Dominique. La culture de l’Autre : un miroir ? Synergie
Mexique n°2. Guignard, 2012.
Textes officiels et législatifs :
Article 375 du code civil en matière d’assistance éducative.
Loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale, J.O.
Numéro 2 du 3 janvier 2002.
Loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance.
Note du 16 mars 2007 : Mise en œuvre des dispositions de la loi n°2002-02 du 2
janvier 2002, rénovant l’action sociale et médico-sociale, dans les services et
établissements de la protection judiciaire de la jeunesse.
Note d’instruction du 29 juillet 2013 relative à la mise en œuvre de l’article 12-3 de
l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante.
Sites internet :
Hugues HOTIER, « Non verbal, communication, organisation-Exposé introductif »,
Communication et organisation, Online : 01 avril 2012. URL :
http://communicationorganisation.revues.org/2394
http//www.dectimmobilier.com
63
ANNEXES
ANNEXE 1
Encart méthodologique
a) De la question de de part a la proble matique
Lors de ma première année de stage, une visite à domicile m’a particulièrement
questionnée sur le droit des usagers. Dès lors je me suis penchée sur la loi du janvier
2002, et sur les outils qu’elle met en place et qui sont utilisés lors des entretiens
d’accueil.
L’accueil est pour moi un moment important et ce dans la vie de tous les jours.
Il s’agit d’une première rencontre. Il détermine souvent la suite d’une relation. Je me
suis donc demandé s’il en était de même pour un entretien d’accueil faisant suite à une
convocation judiciaire. De là est née ma question de départ : l’entretien d’accueil est -
ce les prémices de la relation éducative ?
Parallèlement, au vu des outils inhérents à la loi du 2 janvier 2002, et à la
contrainte judiciaire et institutionnelle, je me suis demandé quels leviers pouvaient
être utilisés pour construire une relation éducative ? Il y a donc deux temps à prendre
en compte lors d’un entretien d’accueil : un temps institutionnel et un temps d’amorce
de la relation éducative. Mes questions et réflexions tournaient autour de ce temps et à
la difficulté possible de les conjuguer ; c’est ainsi qu’est née ma problématique :
Comment mener au mieux un entretien qui a une double nature : institutionnelle,
obligée et utile, mais qui est également le premier contact d’une nouvelle relation?
b) De l'exploration aux hypothe se(s)
Mon exploration avait commencé malgré moi lors de ma première année de
stage. Etant observatrice, parfois participante, des premiers éléments d’hypothèses se
sont alors dessinés à cet instant, même si je ne savais pas encore que mon étude de
seconde année porterait sur l’entretien d’accueil. Une des hypothèses que j’avais alors
64
était que chaque entretien d’accueil était toujours construit de la même façon selon la
mesure.
Pour affiner mes différentes représentations sur l’entretien d’accueil, j’ai
souhaité rencontrer mes collègues, et les interroger à travers diverses questions. J’ai
donc mené des entretiens semi directifs avec ces derniers, que j’ai enregistrés. Cette
méthode m’a permis de centrer les échanges autour du thème que je souhaitais
aborder. Avoir différentes réponses a été compliqué à traiter bien que ce cela ait été
enrichissant pour ma construction professionnelle. J’ai alors émis deux nouvelles
hypothèses : Il s’agit d’un lieu d’échanges, et donc d’un premier lien éducatif et le
cadre pénal rend compliqué cet entretien d’accueil.
c) Me thode de recueil et analyse des donne es
Depuis ma première année de formation, j’utilise un carnet de bord. J’ai pu
noter dedans chaque acte éducatif que j’ai observé ou auquel j’ai participé, tout en y
indiquant mes questionnements et impressions.
J’ai ensuite mené des entretiens exploratoires comme indiqué précédemment.
Parallèlement, j’ai lu divers ouvrages, divers articles et textes PJJ. Une approche
théorique générale était pour moi primordiale pour étayer ou réfuter ma réflexion. De
plus, cela m’a permis d’enrichir des connaissances qui parfois n’étaient pas suffisantes
sur certaines notions abordées dans mon étude.
J’ai établi une phase préalable d’enquête quantitative : j’ai ainsi crée un tableau
quantitatif concernant le mois de décembre pour connaitre le nombre d’entretiens
d’accueil, le type de mesure et le temps entre la notification de l’ordonnance et celui
du premier entretien au service. Savoir combien de « nouveau jeune » était pris en
charge était un élément essentiel pour mon expérimentation.
Puis, j’ai réfléchi à la collecte d’informations autour de l’entretien d’accueil. Il
m’est alors apparu pertinent d’observer des entretiens d’accueil. Je ne voulais pas les
mener, car cela aurait compliqué mon observation et ma prise de notes. J’ai
délibérément choisi d’en observer un nombre restreint, du fait du au temps imparti
pour l’analyse des données. Je tenais également à observer deux entretiens menés par
des professionnels différents et pour des mesures différentes pour pouvoir confronter
65
mes hypothèses. Je me suis placée face à l’horloge pour avoir une notion du temps,
puisque mon étude concerne le temps institutionnel et le temps de l’accroche
éducative. J’ai ainsi créé une grille d’observation me permettant de compléter mes
notes. Lors de l’observation je cochais qui parlait et par la suite ma grille m’a permis
de préparer l’analyse puisqu’elle me permettait une vision globale de l’entretien.
Après l’observation des deux cas observés, j’ai mis en place des entretiens
«d’après coup» avec l’éducateur concerné ainsi que les mineurs et parents qui ont vécu
l’entretien. Il m’apparaissait important de vérifier les « contre coups » relationnels
ressentis à la suite de ce premier entretien. Cet entretien se faisant juste après
l’entretien d’accueil, je n’ai posé que peu de questions sur un temps court, après avoir
pris soin de rassurer les usagers sur mon intervention.
J’ai ensuite retranscrit ces différents entretiens. Les retranscriptions ont été
réalisées à partir de mes notes, (et parfois avec les souvenirs de mes collègues),
certains passages ne sont donc pas totalement exhaustifs. De plus, j’ai également pris
le parti de ne pas retranscrire tous les fonds de l’entretien, ceux-là n’étant pas
l’essentiel de mes recherches.
La retranscription faite, j’ai ainsi pu faire l’analyse des interactions et des
différents temps, en les mettant en lien avec les ouvrages lus, mais également avec
mes propres hypothèses : des liens ont ainsi pu apparaître. De plus, la retranscription a
été pour moi un temps de recul face aux situations observées. Ce recu l m’a été
nécessaire pour réussir une analyse distancée.
d) Hypothe se(s) d'action
J’ai effectué cette étude dans un contexte particulier puisque l’entretien
d’accueil va se voir modifier au vu de la note du délai de prise en charge à cinq jours.
Il m’est alors apparu pertinent que mon expérimentation soit en lien avec cette note, et
la nouvelle façon d’agir. J’avais plusieurs interrogations : Qu’est -ce que cela changera
au premier entretien ? Le fait que cela ne soit plus l’éducateur référent qui le mène ne
va-t-il pas compliquer le travail éducatif ? Les interrogations que la famille ou le jeune
pourraient avoir seraient donc posées au professionnel présent : cela ne biaiserait il pas
le travail de l’éducateur référent qui aujourd’hui, entend et répond aux demandes lors
de ce premier rendez-vous ?
66
J’ai donc d’abord étudié cette note de façon à bien la comprendre. Si sa mise en
œuvre était prévue au 1er janvier 2014, pour l’instant sa réalisation au sein de mon
UEMO n’est pas encore effective. J’avais pensé dans un premier temps à créer une
grille permettant de mener ce premier entretien. J’ai ensuite appris que la RUE
mènerait ce dernier. Cela m’a interrogée. J’ai alors essayé de penser à une
organisation générale autour de la prise en charge à cinq jours. J’ai pour ce faire
élaboré une réflexion sur chacun des axes qui me paraissaient importants.
e) Descriptif de la phase d'expe rimentation et e valuation
Après l’étude de la note, il m’est donc apparu pertinent de penser à une
organisation générale, à travers différents axes qui restent liés à la qualité de la prise
en charge à laquelle ont le droit tous les usagers.
Je me suis donc attachée à m’interroger sur ce qu’impliquait le nom de cette
note. J’ai réfléchi à la meilleure façon de mener cet entretien, et donc réfléchi à quels
professionnels devraient être présents et pourquoi. Dans un intérêt de l’usager, j’ai
également réfléchi à une façon de communiquer les informations recueillies. En
élargissant sur le problème que pose notre territoire d’intervention.
J’ai abordé ces différents axes à travers la mise en œuvre prévue dans mon
UEMO. Une réunion étant prévue au mois de juin où ce sujet sera à l’ordre du jour. Je
pourrai ainsi présenter mes idées, et voir les réactions de chacun et confronter les
différents points de vue. Un projet se construit à plusieurs, le contradictoire permet
aussi un recul et permet d’amener des échanges qui permettent d’améliorer l’idée de
départ. Il s’agit pour moi d’une des richesses du travail en équipe.
Une fois le délai de prise en charge à cinq jours effectif sur notre territoire,
nous pourrons toujours réajuster le projet de départ, si des complications apparaissent
auxquelles l’équipe (direction et éducative) n’avait pas pensé apparaissent.
67
f) Points forts et limites de la de marche
Points forts :
La notion d’accueil est une notion qui fait écho à tout un chacun. Cela a permis
que les professionnels interrogés soient dans un échange et une envie de partager leurs
expériences et points de vue.
Cette étude a permis à certains de mes collègues de prendre du recul sur leurs
propres pratiques. Je les ai interrogés lors des entretiens exploratoire mais aussi dans
des moments informels et tous ont pu souligner ne plus avoir le temps de réfléchir à
leurs pratiques et le fait que mon travail de mémoire leur permettait de reprendre un
peu de ce temps. Ma directrice de service ainsi que certains éducateurs ont pu me
relater des façons de faire qui aujourd’hui se sont perdues, ou qui se sont modifiées.
Cela m’a permis d’apprendre certaines choses que peut-être je n’aurais jamais sues,
sans ce travail.
Les apports théoriques m’ont permis d’élaborer une réflexion que je n’aurais
pas pu atteindre sans cela. Et ce sont ces derniers ajoutés au travail de recherche et
d’analyse qui m’ont permis de penser à une expérimentation qui soit au plus près de
l’intérêt des usagers mais également des valeurs que m’apporte ma construction
professionnelle.
Limites :
Etant pré affectée dans une UEMO, il a été difficile de conjuguer le travail de
terrain avec le travail de recherche de mémoire. Le temps consacré à celui-ci en a
forcément été impacté.
L’échantillon des entretiens exploratoire d’un point de vue scientifique peut
paraître dérisoire. Il m’a fallu me restreindre à l’UEMO dans laquelle je suis pré
affectée. Mais les entretiens menés représentent tout de même 100% de ma direction,
et 70% des professionnels de mon unité.
Je n’ai pu analyser que deux entretiens. Là encore une réalité de temps et de
service ne m’a pas permis d’en observer plus. Le travail de retranscription est long et
fastidieux, et cela a été une difficulté pour moi. Je voulais dans un premier temps en
68
observer un maximum, et mon directeur de mémoire m’a ramenée à la réalité de la
formation, et du temps nécessaire. Je n’avais effectivement aucune notion de
l’implication, du temps et de rigueur que cela demanderait. De même, je me rends
compte que les « post entretiens » menés auraient nécessité des questions plus
nombreuses et plus ouvertes, mais il est difficile d’interroger des usagers qui ont fait
le déplacement dans un service du ministère de la justice et qui ont vécu un entretien
d’accueil.
L’expérimentation n’a pu se mettre en place pour l’instant. Elle reste une
réflexion et comme dit précédemment, j’attends de pouvoir la confronter aux avis de
mon équipe éducative. Une des limites aussi que j’ai dû mettre l’accent sur un
fonctionnement en lien avec l’UEMO des Mureaux, mais toujours dans l’intérêt des
usagers.
69
ANNEXE 2
Questionnaire Entretiens Exploratoire :
1) Qu’est-ce qu’un entretien d’accueil, d’après vous?
2) Quel travail faites-vous en amont? Pourquoi?
3) Qui doit être présent, d’après vous? Pourquoi?
4) Comment vous appropriez vous le cadre institutionnel?
5) Qu’est-ce qu’une relation éducative ou lien éducatif, d’après vous?
6) Ce premier entretien a-t-il une place dans la construction de la relation éducative,
d’après vous? Pourquoi ?
7) Quelles compétences professionnelles et humaines requiert-il, d’après vous?
8) Avez-vous une méthodologie/chronologie pour mener votre entretien ?
9) Qu’est-ce qui vous fait dire qu’un premier entretien est réussi ou non ? Cela a-t-il
une importance pour la suite du suivi ?
10) Le délai de prise en charge à cinq jours aura t’il un impact sur le premier entretien
que vous ferez avec le jeune et sa famille?
79
ANNEXE 8
Plan UEMO Les Mureaux
Escaliers
Escaliers
Bureaux
Bureaux Bureau Bureau
psychologue A
S
Bureau RUE
Secrétariat
Salle entretien
Bureau
wc Entrée
Bureaux Salle de réunion
Salle à manger
Cuisine Entrée
3 chaises
Rez de
Chaussée
Sous-Sol
1er
étage
80
ANNEXE 9
Guide d’observation d’un premier entretien
Personnes présentes :
Quelle est la mesure :
Age du jeune :
Lieu :
Heure de début:
Disposition dans la pièce :
TEMPS
(min)
QUI PARLE ? Institutionnel Droit
des
usagers
Co
Education
Interactions
non
verbales
RUE EDUC AS/
PSY
jeune parent
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
60
Heure de fin :
Remise d’un autre RDV :
Façon de se quitter :
81
ANNEXE 10
Phase préalable d’enquête quantitative sur les types de situations traitées en décembre.
Type de mesures
Age
Temps entre date décision
et prise en charge par le
service
Temps entre prise en charge et l’entretien d’accueil
Présents à l’entretien
Convoc 1
Convoc 2
Convoc 3
Convoc 4
LSP/CJ
14 ans 2 semaines ½ 21/11/13 09/12/13
02/01 RUE, educ, père, mère, jeune
LSP/CJ
16 ans 2 semaines ½ 21/11/13 09/12/13
29/12 RUE, educ, père, mère, jeune
LSP/REP
16 ans 3 semaines 22/11/13 09/12/13
30/12 Rue, educ, jeune, parents
LSP
16 ans 3 semaines 18/11/13 09/12/13
31/12 RUE, educ, jeune seul
MJIE CIVILE
2 Jumeaux de 12ans et un de 15ans
1 an 27/12/12 16/12/13
14/01 27/01 (mère au tel)
11/02
Educ office de RUE, RUE, mère, enfants X2
16 bis
17 ans 1 mois ½ 21/10/13 09/12/13
31/12 Educ office de RUE, educ père, mère, jeune
16 bis
15 ans 3 semaines 19/11/13 09/12/13
26/12 28/01 RUE, educ, mère, jeune
82
ANNEXE 11
Entretien d’accueil n°1
CONTEXTE :
Il s’agit d’une MJIE concernant
monsieur, madame et 3 enfants : une fille
ainée, et deux jumeaux. Les parents sont
séparés. La MJIE a été ordonnée en
décembre 2012. Deux services ont été
mandatés entre temps pour finalement
arrivée sur le service que fin décembre
2013. Un entretien a été prévu pour le
14/01/14, personne n’est venu. Une
seconde convocation a été envoyée pour
le 27 janvier.
Madame a appelé pour signifier qu’elle
ne pouvait venir. Une nouvelle date a été
fixée pour le 11/02, jour de l’entretien.
Monsieur a appelé le service le 8 février.
Il était très agressif au téléphone et
expliquait qu’il ne pouvait pas venir dû à
une ordonnance du juge. L’assistante
sociale lui a dit ne pas être au courant et
qu’il devait parler plus calmement. Il l’a
alors insulté, tout en se moquant d’elle.
Elle a raccroché lorsqu’elle a vu que rien
de positif ne sortait de cet entretien
téléphonique et que monsieur n’écoutait
pas ce qu’elle disait.
Représentation : Les éducateurs sont au
courant de l’altercation téléphonique. Se
disent être présents si Monsieur viendrait
et que cela se passerait mal. Ils signalent
à l’éducatrice référente qu’elle ne devra
pas hésiter à les appeler au besoin.
Jour de l’entretien :
Madame est arrivée avec 25 minutes
d’avance avec ses deux fils, les jumeaux.
La secrétaire les fait s’installer dans notre
petite salle d’entretien (disponible à cette
heure-là) pour qu’ils n’attendent pas dans
le couloir. L’éducatrice va à sa rencontre,
lui stipulant que nous attendons l’heure
de rendez-vous, pour laisser à monsieur
le temps d’arriver.
Monsieur et la jeune fille ne se
présenteront pas à l’entretien.
L’entretien a lieu dans la salle de réunion,
à l’étage inférieur, dû au nombre que
nous sommes.
La RUE est absente, un éducateur la
remplace. L’éducateur demande à
l’éducatrice si une fois la présentation
faite elle veut qu’il se retire. Elle lui
répond de faire comme il le sentira au
moment venu.
L’assistante sociale est elle aussi absente.
Cette retranscription d’entretien a été
faite à partir de mes notes et de mes
souvenirs. Certains passages ne sont donc
pas exhaustifs.
15h41 :
Educatrice : Allez y installez vous
Mme : Oui. Aux petits : on s’assoit. (Les
petits encadrent leur mère). Enlevez vos
manteaux. (Elle garde son manteau.)
Educatrice: Est-ce que cela vous dérange
si Mme DE DEUS qui est éducatrice
stagiaire dans notre service puisse
participer en tant qu’observatrice ?
Mme : Oh oui elle peut…
Educatrice: D’accord, merci.
Educateur: Je me présente je suis Mr XX,
je suis éducateur dans le service.
Habituellement c’est Mme XX,
responsable d’unité qui présente le cadre
de la mesure, Mme XX n’étant pas là,
c’est moi qui vais rapidement vous
présenter la structure. Je vais déjà laisser
les intervenants se présenter.
83
L’un des garçons est couché sur la table,
l’autre regarde l’éducateur. Madame est
attentive. Elle écoute les bras croisés, et
regarde la personne qui parle.
Educatrice : Je suis Mme XX, éducatrice,
c’est moi qui vais prendre en charge le
côté éducatif de la mesure
d’investigation.
Psy : Mme XX, psychologue
Moi : Mme DE Deus, éducatrice
stagiaire.
15 :42
Educateur: Donc voilà nous sommes
réunis ici dans le cadre d’une mesure
judiciaire d’investigation éducative. Tout
à l’heure l’éducatrice vous lira
l’ordonnance. Nous sommes ici à
l’UEMO des Mureaux, service de la
Protection Judiciaire de la Jeunesse.,
ministère de la justice. Au sein de ce
service il y a euh… neuf éducateurs ?
Educatrice: c’est ça
Sourire de madame
Educateur: C’est ça, neuf éducateurs, une
psychologue que vous avez en face de
vous.
Mme : oui
Educateur : Une assistante sociale qui
logiquement aurait dû être présente
puisqu’elle interviendra dans le cadre de
cette mesure mais qui est absente, c’est
Mme XX, et une Responsable d’Unité
Educative, Mme XX, et une directrice
pour cette unité et l’autre à Mantes la
Jolie. Voilà. Donc afin que vous ayez une
vue d’ensemble je vous donne une
plaquette.
Mme : Je l’ai, je l’ai déjà.
Educateur : Vous l’avez déjà eu ?
Educatrice : Oui je la joins dans mon
courrier
Educateur : Parfait, rire. Donc je suis en
retard
Mme et éducateurs rient.
Educateur : Et ça vous l’avez ? (montrant
le papier). La charte des Droits et des
Libertés ?
Mme : non, ça je ne l’ai pas
Educatrice: Non, ça je ne la mets pas.
Rire de l’éducatrice, sourire de madame
Educateur : Je profite pour vous la donner
Mme : ouais
Educateur: Vous pourriez la visiter chez
vous. Elle est quand même importante à
lire puisqu’elle réfère tous les droits que
vous avez, en tant qu’usagère.
Mme : hum, hum.
15h43 :
Educateur : Une fois cette mesure
judiciaire terminée, il y aura un rapport
éducatif qui sera écrit, vous avez un droit
de regard par rapport à l’écrit qui sera
rédigé par l’équipe éducative, voilà.
Mme : hum, hum.
Educateur (se tournant vers éducatrice) :
On va laisser Mme XX continuer
Educatrice : On va reprendre dans un
premier temps les éléments qui ont
conduit du coup à la mesure. Vous vous
rappelez il y a eu une audience ?
Mme : Oui, oui, je sais.
Educatrice : Voilà
Mme : Ça fait un moment que...
Educatrice : Exactement.
L’éducatrice explique tout d’abord que la
mesure a été désignée à un autre service,
qui avait déjà beaucoup de travail. Mme
lui dit qu’elle sait et reprend les deux
endroits où elle a été convoquée.
L’éducatrice explique que plusieurs
services se sont renvoyés la mesure, Mme
acquiesce. L’éducatrice explique qu’il y a
beaucoup de demande.
15h44 :
Educatrice : Du coup c’est nous qui
allons la prendre en charge dès
aujourd’hui.
Mme sourit.
Educatrice : On va reprendre les
informations qu’il y a eu au cours de
l’audience. On va relire ensemble.
Mme : Hum hum
Educatrice : Si jamais il y a des éléments
qui ne sont pas bons dans les éléments
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que je vais vous lire, faudra les rectifier.
D’accord ? Vous me direz
Mme : d’accord.
Lecture de l’ordonnance.
Educatrice : Vu Mr XX qui n’est pas là
Mme : ouais
Vu XX, jeune 1 et jeune 2, c’est ça ? Est-
ce que déjà je prononce bien les
prénoms ? Alors XX est né le XX 1998 et
jeune 1 et jeune 2 sont nés en 2001 ?
Mme : 2004
Educatrice : 2004 ! D’accord.
Mme : Ils n’ont toujours pas rectifié ?!
Educatrice : Et bien non, d’où
l’importance de relire.
Mme : Oui, oui mais ça a toujours été, je
leur ai dit déjà mais y’a toujours le
même… Mais bon…
Educatrice : d’accord, ça sera rectifié au
moment du rapport, au moment de
l’audience on pourra le redire à l’oral
pour que la greffière qui tape le document
puisse modifier la date. D’accord ?
Mme acquiesce
Educatrice : Dont la mère Mme XX
Mme : c’est moi
Educatrice: Je prononce bien aussi ?
Mme : C’est ça.
Sourire.
Educatrice lit les adresses de madame et
monsieur (qui vit chez quelqu’un)
Mme : ce n’est pas ça
Educatrice : Il a quand même dû recevoir
notre convocation, car il nous a contacté
monsieur.
Mme : Ah donc voilà
Educatrice : Il a quand même dû être en
lien monsieur. On verra ça après avec lui.
Suite de la lecture
Educatrice : Audience en date de XX
2012, c’est vrai que l’audience quand
même date.
Suite de la lecture, l’éducatrice se sert
également de ses mains pour la lecture.
Madame écoute et regarde l’éducatrice.
Educatrice : Il y a eu une ordonnance de
rectification, donc nous l’avons reçu,
nous citant comme le service missionné
pour exercer cette mesure. Donc on nous
demande, les missions qui nous sont
demandées : une évaluation sociale, d’où
l’intervention aussi de l’assistante sociale
qui est essentielle. Vous allez être
rencontrés par trois professionnels : moi-
même sur un point de vue éducatif, on
fera souvent des entretiens avec Mme
XX, l’assistante sociale, on les fera
ensemble. Séparément vous verrez ma
collègue psychologue qui vous recevra, je
lui laisserai le temps de vous expliquer
son travail.
Nous dans le cadre de cette mesure on
intervient jusqu’au 30 mars 2013, on a
une date butoir, donc ça va être assez
court. Suite à ça on fera des propositions
ou pas, en fonction de l’évaluation qu’on
aura faite, s’il y a des dangers, des
inquiétudes par rapport aux enfants, dans
leur condition de vie, c’est pour ça qu’il
faudra rencontrer XX et monsieur et
savoir ce que vous en direz aussi, si vous
avez besoin d’une aide ou pas. On
intervient dans le cadre de l’assistance
éducative même si on est un service du
ministère de la justice on n’intervient pas
dans un cadre pénal mais dans un cadre
d’aide et d’accompagnement. D’accord ?
Mme acquiesce.
Educatrice : Moi sur la partie éducative,
ensuite je laisserai la parole à ma
collègue, nous avec l’assistante sociale on
viendra vous rendre visite à domicile, car
vous venez nous rencontrer, vous allez
devoir nous rencontrer ici, on fera aussi
l’effort de vous rencontrer à domicile, ça
partage le temps, la charge de trajets. Il y
aura plusieurs entretiens, vous serez reçue
toute seule à un moment donné, les
garçons aussi tout seul, tous ensemble.
On verra comment on va fonctionner
avec l’assistante sociale. En général, on
fait nos entretiens en binôme.
Mme : D’accord
Educatrice : Suite à ça on fera une
évaluation sociale et éducative, on écrira
au juge puis le rapport sera lu au
préalable. Il n’y aura pas de surprise.
Vous ne serez peut-être pas d’accord avec
nos préconisations, s’il y en a, dans ces
cas-là on l’écrira dans le rapport.
85
D’accord ? En tous les cas vous aurez un
droit de regard sur ce qu’on aura écrit
même si on ne modifiera pas nous, vous
serez informée quand même.
Mme (en rigolant) oui, oui, d’accord
Psy : Moi je vous rencontrerai chacun
individuellement. On parlera de vos
difficultés, vos ressentis par rapport à la
mesure. Ensuite je ferai une analyse de
ces entretiens et je vous en ferai une
restitution et je mets cette analyse en
commun avec mes collègues. Et y’a un
rapport commun envoyé au juge. Il n’y a
pas un nombre d’entretiens prédéfinis,
c’est en fonction du besoin…
Mme : d’accord.
15h51 :
Educatrice : Est-ce que vous vous avez
des questions ?
Mme sourit.
Mme : non
Educatrice : Cette mesure est arrivée à la
suite certainement d’un conflit parental si
j’ai bien compris ?
Mme : oui
Educatrice : Votre fille habite avec
monsieur. Et vous ?
Mme : Je suis avec les 2 garçons.
Madame revient sur l’alternance de
garde de sa fille. Date cela.
Educatrice : Est-ce que vous avez
compris la décision du juge des enfants
de mettre cette mesure d’investigation ?
Mme : oui, oui, bien sûr.
Educatrice : Vous la prenez comment
vous cette mesure d’investigation ?
Mme : Bin… Comme ça sur le coup
j’étais pas d’accord…
Educatrice : Vous n’étiez pas d’accord
pour qu’il y ait cette mesure qui soit
faite ? c’est important que vous puissiez
le dire aussi, parce que nous ça nous
permet de comprendre pourquoi des fois
certaines familles sont réticentes.
Mme : ouais, ouais
Educatrice : On peut le comprendre, c’est
pas évident de devoir une fois de plus
parler à d’autres personne de son histoire
familiale et personnelle
Mme la coupe : non mais voilà quoi,
j’étais pas d’accord. Explique ce que
monsieur et sa fille ont fait.
Educatrice : Votre fille commune ?
Mme : oui, notre fille en fait. Revient sur
les problèmes qu’elle rencontre avec
monsieur. Je vous dit franchement moi
aujourd’hui je baisse les bras.
Educatrice : d’accord
Mme : moi je veux que cette histoire se
termine. Reviens sur les différentes
convocations sur le fait que rien n’en
ressort. Les jeunes sont sages. Baillent
parfois, regardent tout autour d’eux.
Educatrice : Le but de cette mesure, et
c’est vrai que malheureusement elle a pris
beaucoup de temps à arriver
Mme : non mais je ne vous mets pas en
cause
Educatrice : non, j’entends bien. Mais on
peut comprendre, on essaie de se mettre à
la place des familles
Mme : tout à fait
Educatrice : On peut entendre qu’il y a un
ras le bol, la mesure a été ordonnée il y a
un an et quelques mois, et rien n’a été
abouti. Donc, c’est vrai que le but de cet
investigation c’est de faire un état des
lieux, une photographie si vous voulez de
votre situation actuelle.
Mme : bien sûr
Educatrice : On va devoir vous poser des
questions…
Mme : oui, oui, bien sûr
Educatrice : … qui peuvent aussi vous
déranger, on l’entend. On va peut-être
aussi vous renvoyer certaines choses qui
pourront peut-être aussi être difficilement
entendable
Mme : Oui et acceptable
Educatrice : et acceptable, oui. Mais on
fait ça dans le respect des propos que l’on
peut tenir
Mme : Je comprends
Educatrice : Et dans le respect des
garçons aussi, pour pas que ce soit trop
lourd. Faire entrer de nouveau chez soi
des inconnus et de devoir leur parler,
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c’est pas toujours évident. Le but c’est
que les garçons, leur père, leur sœur,
vous-même participiez le plus possible
pour que l’on puisse retranscrire
réellement ce qui se passe en ce moment
pour vous et dans l’intérêt des enfants.
15h54 :
Mme : oui je comprends tout à fait tout
ça, Mme. Mais y’aura rien qui va
changer. Explique une médiation qui a eu
lieu à l’initiative de monsieur.
Educatrice : c’était quand ?
Mme : en juillet
Educatrice : Juillet 2013 ?
Mme : euh oui. Explique que la
médiation s’est mal passée. On a mis
court.
Educateur : C’est l’intervenante présente
qui en a décidé ?
Mme : oui. Reprend. Explique tous les
efforts qu’elle fournit.
L’éducatrice répète plusieurs fois
d’accord.
Mme : je vous le dis franchement, je n’ai
plus envie de continuer. Je me suis
présentée car cela faisait deux fois que je
ratais le rendez vous
Educatrice : oui...
Mme : je travaille de nuit.
15h56 :
Educatrice : D’accord. Justement, on va
essayer au maximum, nous, de s’adapter
à votre emploi du temps et à celui des
garçons car je pense qu’ils vont à l’école
(sourire, regard vers les enfants) : on
parlera après ensemble les garçons.
(Regard vers madame) : Vous, vous
travaillez dans quoi ? Vous travaillez
loin ? Sur quelle commune ? Ça vous fait
du trajet. On essaie d’évaluer les trajets
aussi. Vous avez des jours où vous êtes
en repos ? Vous ne le savez pas à
l’avance ? Si ? Vous avez un planning ?
On s’arrangera pour se caler.
Madame répond très facilement, est dans
l’échange.
15h57 :
Educatrice : Les garçons vous êtes en
classe alors ? Qui veut parler ? Un des
deux ? Rire !
Jeune 1 : Moi je suis en CE2
Educatrice : T’es en CE2 ?
Jeune 1 : oui
Jeune 2 : Moi aussi
Educatrice: Vous êtes dans la même
classe ?
Jeune1 et 2 : oui
Educatrice (ton étonné) : dans la même
classe ??
Mme : oui
Educatrice : c’est étonnant d’habitude on
les sépare… Donc vous êtes dans la
même classe, et c’est quoi votre école ?
Jeune 1 et 2 répondent en chœur
ensemble.
Educatrice : Et comment ça se passe ?
Jeune 1 et 2 : Bien
Educatrice : Ça se passe bien ? Oui. Vous
avez des bonnes notes ?
Jeune 1 et 2 : oui
Educatrice : Oui. Vous êtes sages ?
Jeune 1 et 2 : Oui
Educatrice: (ton rieur) : oh vous faites
bien des petites bêtises quand même de
temps en temps ?
Jeunes rigolent.
Educatrice : Et à la maison comment ça
se passe ? Vous êtes sages avec maman ?
Jeune 1 et 2 : oui
Educatrice : oui. Vous écoutez ?
Jeune 1 et 2 : Oui
Educatrice : Bah c’est parfait. Tout oui
alors ?
Jeunes sourient
Mme : Dites hein les garçons. Si vous
avez des choses à dire on est là pour ça.
Regard complice entre Mme et ses deux
enfants.
15h58 :
Educateur : Ce n’est pas évident de parler
comme ça.
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Mme : Je sais et mêmes eux ils me le
disent ils en ont marre, ils le disent. Ils
veulent pas, ils en ont marre.
Educateur : Vous savez Mme, vous le
dites, ça a pris du temps, les démarches
administratives tout ça. Si il y a
possibilité pendant ces 3 mois de
considérer cette mesure comme le dit ma
collègue de faire une photographie, vous
savez qu’on regarde comme ça de loin
(imite le geste) et qui permettent de voir
les petits détails de sa vie pour
positionner, réajuster, pour pouvoir au
moins servir à ça.
Mme : Ecoutez (sur un ton ferme mais
toujours avec le sourire), je pense que
tous les jours je fais un travail sur moi, je
vous le dis franchement tous les jours je
fais un travail sur moi. Comme vous dites
une photographie. Revient sur le travail
qu’elle met en œuvre seul qui se détruit
(claque des doigts), et revient sur les
problèmes avec monsieur pour qui tout
est de sa faute.
Educateur : Mais justement pendant ces 3
mois vous ne serez pas seule.
Mme : oui mais justement je ne veux pas
aller sur ces 3 mois. Aujourd’hui je suis
là, je dis ce que j’ai à dire mais moi je
veux mettre un terme à cette
investigation.
Educateur : Rassurez nous vous n’allez
pas y mettre un terme à l’issu de cet
entretien ?
Mme : j’ai plus envie de continuer, je
vous le dis franchement. Je suis blasée,
voilà quoi…
Educatrice : Donc après cet entretien-là,
on ne vous verra plus c’est ça ? Sourire
Mme : voilà justement, voilà. Déjà
monsieur devrait être là avec notre fille et
tout mais il n’est pas là…
Educatrice : S’il n’est pas là après le
travail c’est vous, c’est différent. Dans
tous les cas monsieur sera reconvoqué, ce
n’est pas un souci. S’il ne se présente
pas…
Mme : Tant pis.
Educatrice: on le dira au juge, ça fait
aussi parti de l’investigation. Pareil pour
vous. En effet, trois mois encore de plus
dans votre vie mais il faut se dire que ce
sera 3 mois où il y aura en tout cas des
trucs bénéfiques.
Educateur : En tous les cas votre parole
sera entendue par un magistrat, vous ne
serez plus seule…
Mme : oui, oui
Educateur : Et ça en soit c’est intéressant
Mme : ça tout à fait
Educateur : Après que monsieur en fasse
quelque chose ou pas tant pis, mais vous
pouvez en sortir quelques petits plus…
Mme : je sais bien mais comme je vous le
dis au jour d’aujourd’hui, ça y’est… Non
mais je vous le dis, non, franchement
non.
Educatrice : C’est dommage de vous être
déplacée jusqu’ici
Mme : pourquoi c’est dommage ?
Educatrice : Bah de pas vouloir
poursuivre en fait.
Mme : Je suis déjà passée devant un juge
des familles.
Educatrice: C’est pas pareil, ce n’est pas
les mêmes procédures, c’est pour ça. Les
deux types de juge n’interviennent pas
pour les mêmes choses. Nous on n’est
pas là dans l’accompagnement, dans le
sens où l’on ne va pas donner de
jugement moral sur l’éducation, nous
notre travail c’est d’entendre votre parole,
vos souffrances, vos joies aussi (rire de
tous), car dans la vie y’a des joies aussi.
Ecouter les enfants aussi, leurs joies et
leurs souffrances aussi.
Mme : Bien sur
Educatrice : De retranscrire et d’écrire
votre parole et celle des enfants…
Mme : oui bien sûr.
Educatrice : et de donner au juge. Au
juge des enfants, pas au juge des affaires
familiales. On ne va pas être là pour aider
le juge des affaires familiales à statuer sur
la garde des enfants, etc.
Mme : (agacée mais toujours avec le
sourire) oui d’accord j’ai compris.
Educatrice : c’est qu’à un moment donné
on comprend votre exaspération mais de
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l’autre côté on intervient essentiellement
auprès des garçons et de vote fille.
Mme : je comprends tout à fait mais moi
je dis qu’au jour d’aujourd’hui
Educatrice : Pour vous c’est plus
possible. Ça veut dire que si l’on vous
reconvoque on ne vous verra pas.
Mme : Non, sauf si la juge m’envoie une
date.
Educatrice: Et si les éducateurs, ou ma
collègue…
Psy : Et si les enfants sont convoqués, ils
ne viendront pas non plus ?
Mme: Bah si les enfants sont convoqués,
bah je sais pas
Educatrice : chez nous, ici
Mme : ah ici
Educatrice: Oui on parle de chez nous, on
ne parle pas du juge pour enfants. Vous
nous dites que vous ne voulez plus
participer mais si les enfants…
Mme : Mais les enfants aussi, ils n’en
peuvent plus. (Aux garçons) : les garçons,
c’est embêtant ? Acquiescent. Ils en ont
marre ils me le disent. Ma fille aussi le dit
elle en a marre. Mais a y’est ça été
enclenché, ça été enclenché !
Educatrice : Alors, vous nous dites qu’il
y a eu beaucoup de choses. Quels ont été
les intervenants qui ont été auprès de
vous ? Dites-nous à peu près ? Des
éducateurs ? Des aides à domicile ? C’est
vous qui l’aviez demandé ? Ou c’est le
juge ?
Mme : c’est le juge et l’avocat
Educatrice : Donc une AEMO ? Une aide
éducative en, milieu ouvert ?
Mme : voilà, c’est ça, c’est ça
Educatrice: Où ça ? En quelle année ? Ça
n’a rien donné ? Y’a pas eu d’adhésion ?
Qu’est ce qui s’est passé du coup ?
Mme explique. Donne les conclusions sur
le non danger pour les enfants.
Educatrice : Donc tout se passait bien
pour les garçons et votre fille ?
Mme : Voilà, vous n’avez pas eu…
Educatrice : Non c’est pour ça que je
vous le demande, mais ce n’est pas grave,
on peut aller consulter le dossier au
tribunal, c’est à nous de le faire, ce n’est
pas un souci.
Educateur: Ce sera intéressant
Educatrice : Voilà
Mme reprend les autres intervenants.
Echange entre elle et l’éducatrice. Mme
parle de monsieur.
Jeune 2 la coupe : c’était en 2013.
Même s’ils sont sages, qu’ils regardent
autour d’eux, cette intervention montre
qu’ils écoutent.
Mme : Tu crois que c’était en 2013 ? Non
2012, non ?
L’échange reprend entre éducatrice et
mme. Donne le nom d’un intervenant
mais ne sait plus dans quel cadre il
intervenait.
Educateur : Bon de toute façon on verra
les éléments
Mme : oui vous avez le dossier
Educatrice: Ah non, on n’a pas le dossier,
c’est pour ça que c’est intéressant
Educateur : oui c’est pour ça que c’est
intéressant. Comprenez notre démarche.
Sinon, s’il suffisait que de consulter le
dossier ce serait trop simple.
Mme : oui mais remettre encore ça sur le
tapis et en plus devant les enfants.
Educatrice : D’où l’importance, je remets
ça sur le tapis (rire) de vous rencontrer
aussi en individuel…
Mme : oui mais non
Educatrice : oui vous ne voulez pas.
Après comme on vous dit on ne va pas
faire la mesure sans vous, c’est sure. Si je
peux me permettre, je trouve ça
dommage, car c’était vraiment dans
l’intérêt des enfants et ça aurait peut-être
permis de clôturer toutes ces années où il
y a eu une multitude d’intervenants,
c’était pas pour intervenir dans la maison,
ou accompagner les enfants.
Mme (calmement) : oui mais bien sûr
Educatrice : C’était juste de faire une
photographie. Après vous avez le libre
choix de pas choisir nous dans tous les
cas on en refera au magistrat…
Mme : je comprends
Educatrice : … Que vous vous êtes quand
même déplacée sur le premier rdv mais
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que vous ne souhaitez pas... Moi je vous
dis que c’est vraiment dommage, cela
vous desservira dans tous les cas et vous
pourrez pas exprimer clairement ce que
vous voulez et les enfants non plus.
Mme (fermement) : voilà, mais moi ? ca
m’a servi à quoi ? A rien du tout !
Educateur se lève, car a un autre rdv.
S’excuse dit au revoir et serre la main.
Educatrice : Vous savez ce n’est pas le
même type d’intervention, nous on est
pas là comme l’AEMO, ce n’est pas notre
travail.
Mme : oui, oui, oui
Educatrice : Nous ce n’est pas notre
travail.
Mme : oui j’ai compris
Educatrice : Donc c’est vrai je comprends
votre lassitude sur ces interventions sauf
que nous on n’est pas dans ce cadre-là.
Mme : Je comprends tout à fait madame.
Educatrice : Là vous avez une date de fin,
vous savez quand cela doit se terminer, et
y’a quand même un objectif. Le 30 mars,
c’est même pas un mois finalement, ça
devait être 3 mois, on a eu du mal à se
rencontrer, donc il reste quasiment plus
qu’un mois… Un mois où vous pouvez
dire les choses, demander des choses ou
dire non tout va bien, on n’a pas besoin
d’aide, mais que cela soit écrit noir sur
blanc. Là en l’occurrence on va devoir
écrire ce qu’on appelle un rapport de
carence. On va écrire qu’on a rencontré
madame et les enfants mais que madame
ne souhaite pas
Mme : refuse
Educatrice : on va pas dire refuse car
c’est un mot… Voilà… Ne souhaite pas
continuer l’investigation pour telles,
telles et telles raisons.
Mme : Les raisons...
Educatrice : Elles vous sont propres, moi
j’essaie de vous dissuader, c’est mon
travail aussi. (Tout le monde rit).
Mme : je comprends tout à fait.
Educatrice : Un mois…
Mme : c’est vrai un mois c’est rien
Educatrice : c’est ça que je vous dis… Un
mois c’est un mois…
Mme : Oui mais c’est un mois encore
Educatrice : oui mais un mois qui pourra
être bénéfique parce-que y’aura peut-être
pas de proposition à la fin parce que tout
roule, ou peut-être qu’il y aura une
proposition que le juge acceptera ou pas,
car au final la décision lui reviendra, à
Mme XX, juge des enfants. Mais c’est
vrai, c’est un mois, un mois
d’intervention, où ça prend du temps de
se rencontrer. Les garçons, vous en avez
marre apparemment (sourire de
l’éducatrice, et voix très douce) de voir
des éducateurs ?
Jeunes sourient.
Educatrice : Mais moi je ne suis pas une
éducatrice, je suis gentille (rire de tous),
je suis gentille, je ne mange pas les
enfants, promis.
Jeunes rient.
Jeune2 : C’est pas ça, c’est le juge…
Educatrice : De quoi le juge ? Le fait
d’aller voir le juge ?
Jeune 2 : Ça prend du temps
Mme : oui c’est long
Educatrice : C’est long oui, mais si le
juge a été appelé à un moment donné
c’est qu’il y a eu des difficultés
Mme : Y’a eu un problème, à un moment
mais là…
Educatrice : Justement, le juge veut peut-
être juste savoir qu’il n’y a rien et que
tout se passe bien. Que l’alternance
fonctionne e bien et que les garçons
puissent voir leur père et que ça pose pas
de soucis.
Mme : oui bah ils les voient leur père
Educatrice : Mais c’est peut-être juste ça
que le juge a besoin de savoir et c’est un
mois. Je le redis (rire de l’éducatrice et
de Mme) parce-que j’essaie de vous le
faire comprendre, 1 mois d’intervention.
Mme : oui mais j’entends (rire), mais je
n’ai rien à cacher ou à me reprocher.
Franchement, je suis fatiguée, je suis
épuisée.
Educatrice : Après je ne vais pas vous
forcer la main. Jusqu’au bout on va
essayer…
90
Mme : non mais je suis vraiment désolée
mais…
Educatrice: Mais c’est nous qui sommes
désolée pour vous parce-que finalement
nous, concrètement notre travail
continuera auprès d’autres familles, c’est
pas le souci, mais ca vous desservira et
c’est dommage
Mme : oui, oui
Educatrice : Après à l’audience, car
y’aura forcément une audience, que
l’investigation soit faite ou pas, dans tous
les cas y’aura une audience.
Mme : bien sûr, tout à fait, mais moi je le
dirai à la juge que j’en peux plus. On
restera en alternance voilà…
Educatrice : Moi ce que je vous propose
Rire de madame : ah la la
Educatrice : rit. Je suis coriace
Mme : oui (rire)
Educatrice : Vous pouvez retenir mon
nom, je suis coriace, rire.
Mme : rire. C’est ce que je vois, c’est ce
que je vois.
Educatrice : Ce que je vous propose
c’est : on entend que vous ne souhaitez
pas continuer, que vous ne souhaitez pas
vous y investir. On vous laisse y réfléchir
Mme rit, educ et psy également
Educatrice : là on peut, on est sur le
moment, et qu’on vous rappelle la
semaine prochaine, et là clairement que
vous nous disiez, j’ai bien réfléchis ce
n’est qu’un mois donc je m’engage
pendant un mois à vous rencontrer en
fonction de vos disponibilités et les
disponibilités des petits ou on arrête là.
On vous ouvre cette possibilité pendant
une semaine et nous on vous rappelle la
semaine prochaine, et vous nous donnez
votre réponse définitive. Là je fais
comme si je n’avais pas entendu votre
refus. D’accord ?
Mme : bon et bah on fait comme ça.
Educatrice : On va vous laisser sauf si
vous avez des questions
Mme : non
Educatrice : Et mes collègues ?
Psy : non, non.
Je reviens sur mon mémoire et demande
à Mme et aux garçons s’ils veulent bien
rester un peu. Ils sont d’accord.
Educatrice : On vous attend là-haut, de
façon à pouvoir vous dire au revoir.
Mme : d’accord
Jeune 1 : au revoir
Educatrice : Non, non, je vous revoie là-
haut. Je te l’ai dit on se débarrasse pas de
moi comme ça
Tout le monde rit.
Après mon entretien avec la mère et les 2
jumeaux, nous remontons tous.
L’éducatrice et la psychologue sortent du
bureau du secrétariat.
Educatrice : A la semaine prochaine je
vous appelle, hein ?
Mme : oui, si je ne réponds pas laissez un
message
Educatrice : Et vous me rappellerez ?
Mme : Oui
Educatrice : Ok pas de soucis, super.
Rentrez bien.
Mme et jeunes : au revoir
Nous nous serrons tous la main.
Entretien POST entretien jeune + madame :
J’explique que cela va être rapide, que je
ne reviens pas sur le fond de l’entretien,
mais juste sur la forme, en quelque sorte.
J’explique aux garçons que leurs
réponses m’aideront autant que celles de
leur mère.
Question 1 : Est-ce qu’avant de venir
vous aviez des craintes ? Des
appréhensions ?
Mme : Non, non.
Jeune 1 : C’est quoi appréhension
maman ?
Mme lui explique : est-ce que tu avais un
petit peu peur ? C’est la juge qui a
91
demandé aux dames que tu as vu de faire
un travail pour nous aider. Donc on me
demande si j’ai eu peur et si vous vous
avez eu peur de répondre aux questions
qu’on allait nous poser. Vous avez eu
peur ?
Jeune 1 et 2 : non
Vous saviez que ça allait se passer
comme ça ?
Jeunes acquiescent de la tête
Question 2 : Qu’avez-vous retenue de
l’entretien ?
Mme : Heu… alors… J’ai retenu : je sais
qu’il y a des personnes qu’elles sont là
pour aider les familles je suis tout à fait
consciente. Et donc voilà, mais bon… Ca
va quand même, elle, comment dire ?
(blanc) je donne mon ressenti là, hein ?
Oui, oui, bien sûr.
Mme : C’est pour ça qu’elles insistent
pour donner leur aide, voilà ! Donc, là ça
se peut j’ai dit non, comme ça, mais c’est
vrai ça se peut qu’en rentrant à la maison,
je dis oui, voilà. Leur démarche c’est pas
pour m’embêter en fait. Voilà, c’est pas
pour m’embêter. Ca je suis consciente
c’est pas pour m’embêter.
Et vous les garçons vous avez retenu
quoi ?
Jeune 2 : sur quoi ?
Rire de tous.
Mme : on était en train de parler des
dames, vu que maman a dit qu’elle
voulait arrêter, ne pas venir aux rendez-
vous, à chaque fois qu’elles donneront
des rendez-vous, pour qu’on puisse venir,
moi j’ai dit non que je voulais tout
arrêter. Et donc la madame demande et
vous qu’est-ce que vous en pensez ?
Jeune 2 : je sais pas moi…
Vous seriez d’accord pour revenir ?
Mme : vous êtes d’accord pour revenir ou
est-ce que…
Jeune 2 la coupe : on est d’accord.
Vous êtes d’accord ?
Mme : Tu es d’accord ? Étonnée Bah
alors faudra pas dire que vous en avez
marre après.
Jeune 1 : c’est le juge
Mme : oui mais le juge vous l’avez vu
qu’une fois il y a longtemps. Donc vous
êtes d’accord ?
Ils acquiescent.
Mme : Donc ils sont d’accord. Ils ont eu
un mauvais souvenir du juge, enfin
bref…
L’éducatrice XX, elle est gentille
Rire de tous.
Mme : la dame c’est pas la juge, hein ?
Les dames ce ne sont pas des juges.
Jeune 1 : on sait
Mme : c’est la juge qui l’envoie car la
juge peut pas venir tout le temps à la
maison, tu vois ? parce-qu’ il y a
beaucoup de personnes.
Jeune 1 : hum
Mme : Donc la juge dit aux dames allez
chez eux, convoquez la et ses enfants
pour que vous puissiez parler et après
vous nous faites un rapport de ce que
vous avez vu, ce que vous avez dit, de ce
qui a été fait et après la juge elle donne
décision, mais eux, ce sont pas des juges.
Jeune 1 : oui mais je sais.
Question 3 : Avez-vous pu dire ou
demandé tout ce que vous souhaitiez
Mme : oui, rire. J’ai pu évoquer tout ce
que je voulais
92
Pour les garçons ça a pu être un peu plus
compliqué ?
Mme : voilà
Question 4 : Et comment voyez-vous la
suite du suivi ?
Mme rit : Avec un grand point
d’interrogation, rit encore. Avec un grand
point d’interrogation.
Jeune 2 : Ca veut dire que tu te poses la
question ?
Mme : bah un point d’interrogation, un
gros, aujourd’hui ça peut très bien être
non et demain oui, ou demain ça peut
toujours être non, non. Et puis voilà.
Jeune 1 : Donc tu te poses la question ?
Mme : Voilà. Y’a toujours… Voilà… Un
gros point d’interrogation.
Et vous les garçons par contre, vous
voyez la suite en revenant si j’ai bien
compris.
Jeunes 1 et 2 : Ouais.
Vous avez bien aimé l’éducatrice ?
Jeune 1 et 2 : Oui
Jeune 1 : Elle est gentille. Sourire des 2
jeunes garçons.
Je mets fin à l’entretien
Entretien POST entretien avec éducateur et psychologue:
Questions : Comment avez vu perçu
l’entretien ? Pour vous était-il réussi ?
Vos impressions ?
Psy : Oui, j’ai trouvé l’éducatrice très
convaincante. Après moi, je ne sais pas si
c’est ma position de psy ou si je viens
d’arriver (notre psychologue est arrivée
mi-janvier) mais je me laisse en retrait. Je
ne maîtrise pas totalement la chose. Par
rapport à madame comme elle est contre
la mesure, on n’a pas appris beaucoup de
choses sur la situation. Les enfants,
pareil, ont peu parlé. Entretien réussi
professionnellement parlant, mais pas
dans le cadre de la mesure je pense.
Educatrice : Euh…. Réussi ou pas ?
Faudrait définir ce qu’est la réussite d’un
entretien d’accueil :! Faudrait des points
de critères, mais y’en a pas, chaque
entretien est différent. Il sera réussi si la
mère finit par adhérer à la mesure et
s’accapare la mesure ainsi que les
enfants. Moi ce sera réussi à ce moment-
là. On a chacun donné notre point de vue,
on a chacun tenter de convaincre la
maman de poursuivre la mesure. Mais la
réussite sera là si elle poursuit le travail
avec nous. Donc pour l’instant je ne peux
pas dire si c’est réussi ou pas. En tout cas
on a été clair dans la présentation du
service, dans la forme aussi, pas eu de
« blabla », échanges directs, francs,
parce-que madame était dans l’échange
finalement, mais voilà… Comment on
réussit un entretien ? Je ne sais pas… Je
pars du principe que quand la
communication est passée, que les gens
se saisissent ou non de la mesure, c’est
plutôt pas mal, après réussite c’est de
mener à terme une mesure.
Psy : Réussit dans le sens où ce que
l’éducatrice voulait faire passer, est
passé.
Educatrice : Du coup j’ai peut-être pris
trop de place dans l’entretien ? J’ai peut-
être pas assez laissé la parole circulée.
Blanc… Je ne rajouterai rien d’autre, en
me regardant et en riant : je ne sais pas
quelle réponse tu attends finalement.
Moi : je n’attends pas de réponses
Educ : Mais c’est qu’elles sont dures tes
questions !
93
ANNEXE 12
Entretien d’accueil n°2
CONTEXTE :
Madame a décalé deux fois l’entretien par
téléphone. Une première fois, car elle ne
pouvait pas se déplacer, une seconde
parce qu’elle ne se sentait pas bien.
L’éducateur me dit « je pense que nous
sommes devant une mère qui tente
d’esquiver » : impression de l’éducateur.
Jour de l’entretien :
Madame arrive à l’heure avec son fils que
nous nommerons Julien et sa fille que
nous nommerons Océane. La secrétaire
leur ouvre la porte. Ils s’installent sur les
chaises dans le couloir (nous n’avons pas
de salle d’attente). L’éducateur arrive, se
présente, se baisse au niveau de Océane :
Comment tu t’appelles. Madame répond :
Océane mais elle ne parle pas encore. Et
quel âge a-t-elle ? Elle aura bientôt 3 ans.
L’éducateur cherche des feuilles et des
feutres pour occuper Océane pendant
l’entretien. Il demande si la présence
d’une stagiaire ne les dérange pas. Mme
répond : pas du tout. Je me présente. Puis
nous descendons dans la salle de réunion.
En effet, nous sommes trop nombreux
pour notre salle d’entretien. La famille
descend en premier, et s’assoit là où elle
le désire. Seul le jeune reste debout. Je
m’assois face à l’horloge.
Cette retranscription d’entretien a été
faite à partir de mes notes et de mes
souvenirs. Certains passages ne sont donc
pas exhaustifs.
15h17 :
Mme : On arrive quand même à se
rencontrer
Educ : Voilà, mais comme on dit la
patience est la mère des vertus
Mme : c’est pas faute d’avoir essayé,
mais bon… (Rougie)
Educ : j’ai bien compris que vous aviez
beaucoup d’autre rendez-vous, d’autres
intervenants
Mme : ouais
Educ : je ne peux pas vous en tenir
rigueur (rire de l’éducateur)
Mme : Non mais j’essaie de faire au
mieux, je vais avoir un mois bien chargé
Educ : En tous les cas sachez, que dans
notre cadre, on va en reparler plus
précisément, mais dans notre cadre
d’intervention, on fait le maximum pour
pas mettre les parents et les enfants en
difficultés.
Mme : non, non, mais bien sûr...
Educ : c’est pour ça on essaie d’être assez
souple..
Le jeune est resté debout, je lui dit :
« vous pouvez vous assoir si vous le
voulez… »
La responsable arrive, car elle était
retenue à l’étage, elle s’assoit.
15h19 :
Mme : Bonjour
RUE : Rebonjour, je ne me suis pas
présentée tt à l’heure, je suis la
responsable du service
Mme : ah d’accord
Jeune : c’était écrit sur la porte
RUE : Observateur…
L’éducateur se rend compte qu’il n’a pas
pris le dossier, remonte le chercher, jeune
et Mme joue avec la petite, qui dessine…
15h20
RUE : Donc si on se rencontre
aujourd’hui c’est dans le cadre d’une
mesure de réparation que nous avons
reçu. L’objectif de se rendez-vous est de
vous expliquer un petit peu comment tout
va se passer, vous présenter les différents
94
interlocuteurs autour de cette table, mais
je crois qu’ils se sont déjà présentés.
Mme : oui
J’explique plus précisément que je suis là
dans un but d’observation en vue de la
rédaction d’un mémoire sur l’entretien
d’accueil, j’insiste sur le fait que ça ne
concernera pas le fond mais la forme.
J’en profite pour demander si je pourrais
me concerter avec eux à la fin de
l’entretien, Mme répond oui sans
hésitation.
RUE : c’est pour savoir si l’on a bien fait
notre travail
Moi : Je juge mes collègues, en fait !
Educ : c’est de cela que dépendra notre
salaire ! Soyez gentils s’il vous plaît.
Rire de Mme, jeune sourit tout en
dessinant avec sa sœur.
Mme : Pour moi c’est soit ça passe, soit
ça casse
15h22
RUE : donc Monsieur XX s’occupera de
Julien. Moi, normalement vous ne me
reverrez plus jamais
Mme : Oui c’est que pour le premier
entretien.
RUE : voilà. C’est juste qu’on demande
aux parents de se déplacer au premier
entretien ensuite vous serez contacté par
téléphone, mais normalement vous
n’aurez plus à venir sur le service. Je vais
vous remettre officiellement la plaquette
des Mureaux. Je vous la donne aussi, à
vous jeune homme. Cela permet de voir
ce que l’on fait au service. On s’occupe
des jeunes qui ont des petits soucis avec
la justice, dont vous faites parti. On est
une équipe de 9 éducateurs, 1 assistante
sociale, 1 psychologue, 1
pédopsychiatre… Beaucoup de monde..
Si vous avez besoin de les solliciter
sachez qu’ils sont là, tout comme moi, si
vous avez besoin de moi n’hésitez pas.
Vous avez notre numéro de téléphone
pour nous joindre, ou si vous avez besoin
de nous joindre, ou si vous êtes absent,
ou en retard, c’est fait pour ça.
15h24
Remise de la plaquette
RUE : Je vous remets un petit peu de
lecture, comme nous sommes un service
du ministère de la justice, nous sommes
soumis à la loi, et la loi nous oblige à
vous informer sur vos droits et devoirs.
Votre devoir le plus important dans votre
mesure, est de répondre présent aux
convocations de Mr XX très, très
régulièrement, après Mr XX est quand
même souple
Educ : Pas trop (sourire de l’éducateur, le
jeune a toujours les yeux baissés)
RUE : pas trop, juste ce qu’il faut, donc si
vous avez une scolarité, l’objectif n’est
pas de la mettre en difficulté dc bien sûr
les rendez-vous seront posés de façon de
ne pas vous faire sauter trop de cours. Il
accepte que vous soyez malade mais pas
trop souvent non plus (rire de la RUE)
Mme : Voilà
RUE : Faut pas que cela devienne une
habitude.
Educ : Non mais avec moi, tu viendras,
même avec 40 de fièvre tu seras là…
Rire de madame, sourire du jeune qui
pose ses yeux sur l’éducateur.
RUE : voilà, un des droits que vous avez
par contre, c’est que vous aurez une
restitution de ce qui se sera passé. Le
reste je vous laisse le lire. Cette
réparation se déroule en plusieurs mois,
plusieurs rendez-vous, et à la fin il y aura
un rapport écrit, pour signaler si ça c’est
bien ou mal passé. Après Mr XX
n’enverra pas le rapport sans vous en
avoir parlé avant
Mme : Bien sur
RUE : Vous aurez le droit de ne pas être
d’accord ms il ne changera rien de ce qui
sera écrit. Il rajoutera juste si vous n’êtes
pas d’accord…
Educ : Sauf si grosse erreur
RUE : oui, ça peut arriver, mais sinon il
restera tel quel, mais il écrira si vous
95
n’êtes pas d’accord. Vous avez donc le
droit à la restitution.
Voilà, pour continuer un peu sur le côté
administratif des choses, donc vous (au
jeune) vous êtes bien Julien XX, né le
XX ?
Jeune : non le XX
RUE : ah bah là y ‘a une erreur !
Educ : Comme quoi…
RUE : Comme quoi c’est important, vous
habitez XX ?
Mme : c’est ça
RUE : téléphone XX, jusque-là on est
bon !
15h27
RUE : Nous avons reçu une mesure de
réparation de Monsieur XX, délégué du
procureur… Je vais vous lire
l’ordonnance, après nous reprendrons…
Lecture de l’ordonnance.
Les faits datent de mai 2013
RUE : au jeune cela doit vous paraître un
peu lointain, je pense
RUE : Est-ce que vous avez tout compris
de ce qui s’est passé dans le bureau le XX
Jeune : Oui
RUE : Alors qu’en avez-vous compris ?
Qu’est ce qui s’est passé ?
Jeune : Je me suis battu
Educ : Est-ce que tu me permets de te
tutoyer ?
Jeune : Oui
Educ : Ce que la responsable te demande
est si tu as bien compris ce qui s’est passé
devant le procureur ?
Jeune : Oui
Educ : Alors qu’est ce qu’il t’a dit ?
Jeune : Qu’il fallait pas que je
recommence. Sinon j’irai en prison
Educ : il t’a vraiment dit ça
Mme : non, non, mais que la prochaine
fois ça pourrait être plus grave.
Educ : tu sais que pour la mesure de
réparation il t’a demandé ton accord. Il
s’agit d’une proposition. Quand il t’a fait
cette proposition, qu’est ce qu’il t’a dit ?
Tu t’en rappelles ? Ou c’est loin ?
Jeune : c’est loin
15h30
Educ : sur les faits qu’est-ce que tu peux
nous en dire ?
Jeune : de ce qui s’est passé
Educ : Oui
Jeune : Explique.
Question de l’éduc :
-lui c’est qui ? Pourquoi tu t’es battu avec
lui ? Jeune raconte facilement, est dans
l’échange.
- Qui a porté plainte ?
Mme interrompt pour donner son avis
« moi à mon avis… »
Educateur l’écoute et recentre sur le
jeune : Et toi tu te rappelles de quoi ? Tu
l’as poussé ? Coup de pied ? Jeune
raconte
Educ : tu considères que c’est normal ?
Jeune : non
Educ : Tu sais là tu me fais des réponses
très rapide, on en rediscutera. Au-delà, du
fallait pas, c’était pas bien, tu étais très
énervé ? Moi ce que j’entends c’est que
c’est parti de rien cette histoire, mais tu
me dis si je me trompe.
Jeune : c’est parti de rien
Educ : On reviendra sur cela, mais ça
interroge. Ça t’arrive souvent de te
bagarrer ?
Jeune : assez
Educ : Alors à quelle fréquence ? Tous
les jours ?
Jeune : je ne me bats plus
Educ : à l’époque ? Suffisamment pour
que t’aies des soucis
Mme : Y’a pas longtemps tu t’es encore
bagarré, y’a eu une main courante
Jeune (agacé): c’est rien ça
Mme : si c’est grave.
Petite tousse. Mme s’excuse. Educateur
sourit : non mais c’est naturel, ne vous
excusez pas.
Au jeune : on reviendra en détail là-
dessus quand on sera tous les 2,
d’accord ? Commence à y réfléchir, faire
un petit voyage dans le temps… Repense
à tout ça... Et on en rediscutera. Tu es
d’accord Julien ?
96
Jeune : hum
Educ : hum ça veut dire d’accord ?
Jeune : oui
Educ : très bien
15h34 :
Educ : Mme que pouvez-vous nous
dire par rapport à cette situation ?
Mme répond sans hésitation. Bras
croisés, regard fixe sur l’éducateur.
Jeune, yeux baissés.
Questions éducateurs : Pourquoi, d’après
vous ressent il le besoin de se battre ?
D’après vous en tant que maman ?
Mme : Excuse-moi julien c’est pour se
donner une image de caïd, pour moi
Jeune : Pas du tout mon frère
Educ : Pas du tout mon frère ? Qui est ton
frère ? Car là je te rappelle que c’est ta
maman
Jeune : vous vous croyez que quand on
dit ça c’est vraiment mon frère, mais ce
n’est pas ça.
Mme : c’est ta façon de parler que
monsieur reprend
Educ : tu sais Julien, là tu as devant toi un
éducateur, une responsable d’une unité du
ministère de la justice, donc il y a un
langage à avoir, d’accord ?
Jeune baisse la tête et acquiesce.
Continue à répondre aux questions.
15h36
Educ : Tu es scolarisé ?
Jeune : non
Educ : je vais te demander un petit
travail, un petit effort de mémoire, sur tes
années d’école
Jeune n’écoute pas joue avec sa petite
sœur.
Educ : Julien, laisse ta petite sœur jouer,
regarde-moi... On va faire un voyage
dans le temps d’accord ? Je suis sûr que
tu as appris des choses dans tes écoles, tu
m’as l’air intelligent, donc quand tu
t’adresseras à moi, ou à ta mère, tu
parleras autrement que ça.
Jeune sourit, et rougit par la valorisation.
Te rappelles-tu de ta première école ?
Retour sur les différentes écoles, au
travers des questions de l’éducateur : Tu
te rappelles du nom de l’école ? De la
famille d’accueil ? Tu avais quel âge ? Tu
as des souvenirs de cette période-là ? Tu
travaillais comment à cette époque-là ?
Tu trouvais ça nul ? Mais t’avais des
bons résultats ? C’est marrant, tu es un
garçon plein de ressource, quand tu veux
quelque chose tu y arrives c’est ça que ça
veut dire… Tu as des souvenirs de
comment tu étais à l’école, à cette
période ? Ensuite ?
Malgré le bruit que fait la petite,
l’éducateur reste concentré et ne s’occupe
que de Julien, lui posant des questions
toujours en le regardant. Le jeune regarde
l’éducateur quand il pose des questions
mais quand il répond il regarde sur le côté
ou sur la table.
Mme intervient pour compléter lorsque
son fils ne se rappelle plus des dates, des
écoles, ou des familles d’accueil chez qui
il était.
Tu travaillais bien là ? Ensuite une
nouvelle famille d’accueil en CM1, c’est
ça ? Tu es retourné chez ta mère ? La 6e,
ça été ? Et ensuite ? En quelle année la
classe relais ? Ça se passait comment ?
Les notes remontaient ? Le
comportement s’arrangeait ?
Jeune : après je suis parti de la classe
relais car il manquait 6 semaines.
Mme : t’es pas parti pour ça
Jeune (énervé) : Bien sûr que si !
Mme : Mais y’a eu un problème Julien
Jeune (énervé) Mais t’as pas compris,
c’était 6 semaines, t’as cru que c’était
l’année entière…
Coupé par l’éducateur : Et après ?
Jeune : (ton beaucoup plus calme) bah
après…
L’éducateur reprend les questions, et
jeune répond posément..
Educ : Là ça nous emmène en 2012,
2013, où tu étais ? T’y es resté toute
l’année ? Tu as arrêté quand ?
Mme : 14 novembre
Educ : Et depuis qu’est-ce que tu fais
97
Jeune : rien
Educ : c’est-à-dire rien ?
Jeune : des bêtises avec d’autres
personnes.
Educ : des jeunes de ton quartier ?
Jeune reprend sa petite sœur qui tape sur
la table « arrête ! » Educ (ton ferme) :
Julien, Julien, regarde-moi, si le bruit
vraiment te dérange tu peux changer de
place !
Jeune : Non, non c’est bon
Educ : Donc tu disais…Reprend
quasiment mot à mot ce que venait de
dire le jeune, et repose des questions :
Donc tu n’arrives pas à dire non ? Tu es
influençable ? Tu subis des pressions ?
Jeune : j’ai subi des pressions, maintenant
je reste chez ma mère
Educ : Ca veut dire que tu sors plus
Jeune : si des fois
Educ : de toute manière on va en
rediscuter de tout ça plus tranquillement.
Mais en tous les cas, c’est bien tu as l’air
assez lucide sur ce qui t’arrive, c’est
bien !
A Mme : est-ce que quelque chose se met
en place pour la scolarité ?
Mme : oui, elle explique… Revient sur
du racket qu’a subit son fils.
Educ : est-ce que vous avez déposé
plainte ?
Mme : non, on en a parlé à la police… au
prochain problème on va porter plainte
Educ : nous on ne saurait que trop vous
conseiller d’y aller, de le faire, faut pas
que ça dure cette histoire.
Mme : Julien avait peur, m’a répondu
qu’il l’emmènerait dans une forêt
Julien coupe sa mère : Enervé : Non mais
t’es drôle il me l’avait déjà fait. Ils m’ont
attaché sur un arbre, tu fais comment
pour te détacher ? Non mais t’es forte
toi ! T’es drôle ! Tu préfères qu’il
m’enferme dans une cave aussi !!!
Educ : Julien, Julien, si tu le veux bien,
on parlera de tt ça quand on sera tous les
2, d’accord ? Parce que là t’as peut-être
pas envie de parler de certaines choses
devant ta petite sœur…
Mme, irritée : Désolée mais je n’avais pas
le choix !
Educ, ton très calme : non, non, mais ne
vous excusez pas, vraiment ne vous
excusez pas, il n’y a pas de problème..
15h48 :
Educ : Alors juste on va faire un peu
connaissance… Parce-que nous avons
écouté julien. De toute manière on va
prendre rapidement rendez-vous avec
lui… On fera un point plus approfondi,
hein ? Alors, on va se détendre, et je vais
voir avec toi ce que tu sais de ta maman ?
Ce qu’elle fait ? Quand elle est née ? On
va commencer par le commencement,
comment elle s’appelle ?
Jeune sourit, répond.
Educ : est-ce que tu connais sa date de
naissance ?
Jeune la donne. Je connais la date de tout
le monde, enfin non… avant je
connaissais pas…
Mme : il a mis du tps à s’en rappeler
Educ : Si vous saviez le nombre de jeunes
qui ne la connaisse pas
Mme : non ms c’est juste un détail
Educ : c’est un des rares qui connait ça,
donc félicitations julien (rire de
l’éducateur, et grand sourire du jeune),
c’est bien ! Est-ce que tu connais sa
profession ? Tu sais où elle est née ?
Commence un jeu, entre mère et lui,
Jeune regarde sa mère, hésite parfois,
échanges complices et détendus entre
eux, et éduc souriant.
Educ : Est-ce que tu connais la date de
naissance de ton papa ?
Jeune : non
Educ : est-ce que tu connais ton papa ?
Jeune : juste son prénom
Educ : t’as jamais vu ton papa ? Tu parles
un peu de lui ?
Jeune : j’avais une photo
Mme : explique pourquoi il avait une
photo.
Educ : en tt cas vous parlez régulièrement
de son père
Mme : s’il a des questions, je réponds
98
Educ : et vous vous avez des contacts ?
Jeune interrompt, et redonne les dates de
naissance de ses frères et sœurs.
Educ : et est-ce que tu connais les
origines de ton père ?
Mme répond, raconte l’histoire de
monsieur.
Educ : On reprend l’exercice, tu me
donnais les dates de naissance, mais tu
vas trop vite pour moi, alors attend, elle
est née quand ?
Jeune répond, toujours avec le sourire.
Educ : Tu sais ce que fait ta sœur ?
Jeune : oui elle veut être esthéticienne.
Mais elle peut pas à cause de sa couleur
de peau..
Educ étonné : elle peut pas à cause de sa
couleur de peau… C’est-à-dire ?
Mme explique
34’40
Petit blanc
15h53
Educ : Alors Mme avez-vous bien
compris le sens de notre intervention ? Je
vous pose la question volontairement, car
de nos échanges j’ai vu que vous aviez
plusieurs intervenants.
Mme explique les différents intervenants.
Educ : D’accord, alors expliquez-moi,
c’était qui ? Elle s’occupait de qui ? Vous
avez son nom ?
La petite sœur s’agite, Julien lui prend
des mains les feutres.
Mme : mais laisse là
Jeune : mais quoi faut bien qu’on range !
Educ : Julien… Julien… Laisse la vivre
(gd sourire et très calmement)
Mme : retour sur les différents
intervenants. Mme perdue, cherche dans
ses papiers, ses notes… Excusez-moi, je
vous fais attendre
Educ : Non, non, mais prenez votre tps..
RUE : Non mais allez-y…
Mme continue à chercher… 30s passe
Mme : vous pouvez poser des questions
en attendant
Educ, calmement : non mais mme, vous
nous le redirez une prochaine fois.. C’est
pas bien grave… C’était juste pour un
ordre d’idée… L’information principale
vous nous l’avez donné sur le suivi de
votre fils…
Educ : Votre fils est-il suivi par un
psychologue?
Mme : oui il voit un psy monsieur XX
Educ : dans quel cadre ?
Y’a-t-il une pathologie ?
C’est vous qui avez demandé ?
Educ en regardant jeune : Le plus
important c’est que c’est ton espace à toi,
tu en fais ce que tu veux.
A mme : Si je vous ai demandé tout cela,
c’est aussi pour vous dire ce que l’on va
faire, mais aussi ce que l’on ne va pas
faire dans le cadre de la mesure de
réparation. On ne fera pas le travail
d’aide éducative engagée par l’ANEF, à
moins qu’il y ait un gros besoin de la part
de l’ANEF. Là on va travailler autour de
l’acte, ce que l’on va mettre en place avec
Julien. Ça peut prendre plusieurs formes..
Module, visite, travail bénévole, y’a
plein, plein de choses comme ça…
Coupé par la petite, qui crie quelque mot.
Educ : Et bien elle parle, Océane
Mme : oui, mais pas grand-chose.
Educ : dc enfaite le travail se basera
surtout entre Julien et moi.
16h :
Mme : je tenais à vous dire que
dernièrement Julien a été interpelé par la
police. Dizaine de voitures cassées. On se
disait avec l’éducatrice ASE qu’il
faudrait trouvé un endroit où Julien
pourrait s’épanouir, vous voyez ?
L’éloigner de son entourage, soit un
internat, soit quelque chose ailleurs. Un
internat car comme il veut devenir
cuisinier, il pourrait faire ses cours, et
cuisinez, vous voyez ? Julien a dit qu’il
voulait aller vers la campagne.
Jeune : La campagne c’est calme, tu peux
pas faire de bêtises là-bas.
Mme : ça ça veut rien dire
Jeune : y’a pas de cités là-bas
99
RUE : On trouve toujours moyen de faire
des bêtises, même à la campagne (rire),
vous savez…
Educ : Justement, je ne veux pas vous
censurer, ms c’est là où se trouve la
limite de notre intervention, à nous ici,
c’est qu’on en parle y’a pas de problème,
mais c’est pas nous qui mettrons ça en
place.
Mme (agacée, ton monte) : Non, non,
mais, bien sûr ms je vous tiens au courant
Madame rouge, crispée, crispe ses doigts
et joue avec. Soupirs et ne répond plus
dans les yeux de l’éducateur.
Educ : Et vous avez eu raison
Mme : j’ai pas dit que c’était votre
problème
Educ : non, non, mais vous avez raison
mais ce que je veux dire c’est que pour
que Julien les choses soient bien claires,
par expérience, ce que l’on peut voir
madame, c’est qu’il y a des jeunes qui ont
tellement d’éducateurs qu’ils ne savent
plus qui fait quoi, qui voir. Hein ? Rire de
l’éducateur.
Mme : mais c’était juste pour vous tenir
au courant
Educ : vous m’en aviez déjà parlé au
téléphone
Mme (piquée au vif) : et on a dit qu’on en
rediscuterait !
Educ : Y’a pas de problèmes. Mais je
veux pas vous vendre du rêve, nous on
travaillera pas ça ici.
Mme : Non mais…
Educ (ferme) : non mais je préfère répéter
les choses, que les choses soient très très
claires. Et c’est vrai qu’on a beaucoup
échangé au téléphone, mais par la suite je
préfèrerai que vous voyiez ça avec Mme
XX, éducatrice ASE
Mme : Oui ms je vous tiens juste au
courant
Educ : mais c’est noté, c’est pas qu’il faut
pas en parler, mais je préfère que les 2
espaces soient bien délimités
Mme : ah oui…
Educ : Nous la mesure de réparation ne
durera que quelques mois, ça sera très
rapide, dc je préfère bien, bien, insister
là-dessus pour que Julien entende bien
que c’est la NEF qu’il faudra investir..
Après moi je ne souhaite pas qu’il
apparaisse avec d’autres mesures..
Mme : moi non plus
Educ : Hein julien, on prendra le tps de
comprendre pourquoi julien avait besoin
de se bagarrer à ce moment-là.
Pendant la discussion, Julien a pris une
feuille de papier et des feutres qui étaient
posés pour sa petite sœur. Il écrit le nom,
le prénom, et la date de naissance de sa
sœur. Et a également fait un dessin.
16h03 :
Educ : c’est un joli dessin en tous les cas
Jeune sourit et madame aussi.
Désamorçage de la situation tendue
précédente.
Educ : Tu aimes bien dessiner ?
Jeune : je préfère lire
Educ : Qu’est-ce que tu lis
Jeune : je suis pas en train de lire ms
d’écrire un livre
Educ : C’est vrai ? Un livre sur ta vie ?
Jeune : c’est ma vie réinventé dans les
temps anciens.
Educ : c’est intéressant. Et sinon quand tu
lis tu lis quoi ?
Jeune : des mangas, de l’histoire
Educ : c’est quoi ta période préférée ? Ma
chef adore l’histoire… Tout le monde
sourit
Jeune : Ma période préférée c’est la
guerre avec Hitler.
Petite se met à pleurer.
Mme : elle n’a pas fait la sieste
Educ : si vous n’avez pas de question, je
vous propose pour qu’Oceane aille
gambader, car à son âge c’est pas facile
de rester enfermer dans une pièce comme
ça
Mme : c’est pas ça, elle a pas fait sa
sieste
16h06 :
100
Educ : ce que je vous propose c’est qu’on
prenne rendez-vous avec Julien,
d’accord ?
Educ : Vous habitez Poissy ? Car on peut
se rencontrer là-bas, nous avons des
bureaux à disposition. Julien a une carte
navigo ?
Mme : oui, mais il l’a perdue, il a aussi
perdu sa carte d’identité, faut que je la
refasse.
Educ : le temps que le pass navigo se
fasse, je te verrai à Poissy, d’accord
Julien ?
Ce serait bien qu’on se revoit très
rapidement, hein Julien ? Dans une
semaine ?
Mme à son fils : Tu écoutes Julien (Julien
joue à faire une pyramide avec les
feutres).
Educ : Non mais je sais qu’il m’écoute,
vous savez c’est pas parce qu’on fait une
chose qu’on n’entend pas hein ? Sourire
Mme (sèche) : Non ms je sais
Educ : Je peux vous dire que vous avez
un jeune garçon très intelligent (en
regardant le jeune)
Mme : Non mais j’ai jamais dit le
contraire
Educ : Moi je le connaissais pas, et il est
vraiment très intelligent
Mme : et moi je lui ai toujours dit qu’il
valait mieux que ses bêtises !
Educ : ouais… Alors Julien (regarde son
planning) j’aimerai bien qu’on se revoit
la semaine prochaine, donc je te propose
de te rencontrer le …. A Poissy… Tu
vois où se trouvent les immeubles
Peugeot, et bien c’est juste là.
Jeune : ah oui, pas de problème !
Educateur écrit le rendez-vous sur une
carte professionnelle avec l’adresse du
bureau de Poissy.
Educ à Océane : Océane est ce que tu
m’as fait un dessin ? Il est où mon
dessin ?
Jeune : Bah y’a des gribouillis
Educ : Je peux le garder le dessin
Océane ? C’est gentil merci !! il est trop
beau
Jeune : dis merci Océane…
Jeune à l’éducateur : Vous n’êtes que 5
ici ?
Educ : Non on est 9
Jeune : non mais aujourd’hui vous êtes
pas 9 ?
Educ : non parce que la particularité de
notre service c’est qu’on a un grand
secteur, donc la plupart des éducateurs
sont à l’extérieur. Comme nous, là on
s’est rencontré ici, la semaine prochaine
ce sera à Poissy
Jeune : Non ms parce que d’après les
bruits en haut, y’a pas beaucoup de
monde…
Moi : Observateur dis-moi…
Educ : Euh… je vous ai dit intelligent tt à
l’heure, je voulais dire très intelligent.
Tout le monde rit !
16h12 :
Educ : Tiens julien, c’est pour toi (donne
le carton de rdv). Si jamais comme te le
disait ma responsable, tu avais un souci,
tu appelles, si possible en avance avant
l’heure de rendez-vous. Je pourrai
éventuellement accepter une première
absence après je deviendrai très méchant.
Jeune sourit.
Au-delà de ma personne, le procureur
sera pas content si j’envoie un rapport en
disant que tu n’es pas venu, car comme
on te l’a dit, moi j’écrirai un rapport à la
fin, et s’il est pas bon, des poursuites
pourraient s’engager contre toi.
16h13 :
Educ : Est-ce que tu as des questions ?
Jeune : Bah, le prochain rendez-vous
c’est quand ?
Mme : c’est écrit sur la feuille
Educ : Rassure toi tu auras le weekend
pour te reposer
Mme : et pour réfléchir…
Educ : tu te rappelles à quoi tu dois
réfléchir ?
Jeune : à l’histoire avec la bagarre
Educ : Moi surtout ce que j’ai besoin de
savoir c’est à quelle fréquence tu te
bagarrais et pourquoi ? C’est pas facile
101
hein de se souvenir ms je vais t’aider à
réfléchir, mais commence toi de ton coté.
Educ : Mme est ce que vous avez des
questions ?
Mme : Non pas spécialement, non
Educ : Pas spécialement
Mme : non
Educ : de toute manière malgré ce que
j’ai pu vous dire tout à l’heure si vous
avez un souci, vous pouvez rappeler, si
vous avez des questions qui reviennent
n’hésitez pas.
Mme : Moi ce que je tenais à dire c’est
que la vie n’est pas toujours facile à la
maison, financièrement ou autre, mais
j’ai toujours été là pour mes enfants, et je
pense que julien le sait. Il me dit souvent
heureusement que tu es là.
Jeune : C’est deux dames qui sont en
haut ?
Mme : change de conversation
Jeune rigole
Educ à Mme : Là on touche à des sujets
sensibles, sourire.
Jeune : mais enfaite vous veniez de parler
de quoi ?
Educ : grand sourire : il est très fin.
Mme répète ce qu’il disait.
Jeune : non mais j’entendais des talons
c’est pour ça…
16h16 :
RUE et éduc se lèvent
RUE : On va vous laisser avec Nadine, et
nous on va vous laisser
Mme : Hier j’aurai du passer mais je
n’allais pas bien
Educ : Non ms ça se sentait à votre voix
Mme : non mais j’étais sérieuse, le matin
ça allait mais après…
Jeune : oui tu étais bizarre et très énervée
aussi
Rue : ça arrive tu sais… Maintenant on
verra ce que Julien XX va pouvoir faire
de positif concernant sa mesure de
réparation.
Jeune : On va d’abord parler de l’histoire
aussi
Educ : Voilà, on se revoit la semaine
prochaine. Et madame soyez gentille,
hein ? n’oubliez pas c’est mon salaire qui
se joue.
Madame rigole, jeune aussi.
Educ : Océane, tu me fais un sourire ? tu
sais tchéker ? Fait comme ça..
La petite réussit, tout le monde rigole.
RUE et educ, serrent la main de mme et
de julien.
Educ : au revoir à bientôt
Entretien POST entretien jeune + madame :
J’explique que cela va être rapide, que je
ne reviens pas sur le fond de l’entretien,
mais juste sur la forme, en quelque sorte.
J’explique à Julien que ses réponses
m’aideront autant que celles de sa mère.
Question 1 : L’entretien était-il ce à quoi
vous vous attendiez ? Vous attendiez
vous à cela ?
Mme : Bah oui, bah un peu oui
Julien : Moi aussi. Je savais que c’était
ses questions qu’il allait poser. Les
éducateurs ils posent toujours les mêmes
questions.
Question 2 : Vous avez réussi à tout
comprendre ?
Mme : Bah je sais à quoi m’attendre, oui.
Julien : Moi aussi
Question 3 : Est-ce qu’avant de venir
vous aviez des craintes ? Des
appréhensions ?
Mme : Non pas spécialement, j’ai
tellement l’habitude de voir des
éducateurs et autre que…
Julien : Moi non plus
Toi non plus ?
Julien : Non mais le monsieur il va
m’aider à comprendre.
102
Mme : La seule chose qu’il m’a demandé
Julien, car y’a que moi qui a entendu
monsieur XX au téléphone, « tu l’as
trouvé gentil monsieur XX au téléphone ?
La peur de savoir à quelle sauce tu vas
être mangé enfaite ?
Julien : C’est ça
Mme : mais bon je l’ai rassuré.
Je rassure Julien lui disant que monsieur
XX est très à l’écoute.
Mme : En plus c’est bien parce que pour
une fois c’est un monsieur de couleur
Julien : pire
Mme : excusez-moi de dire ça
Julien : Non mais en fait tous les
éducateurs sont tous les mêmes. Enfaite
la couleur ça change rien
Mme : non ms ça change car d’habitude
on a affaire à des éducateurs blancs. Moi
je l’attendais à la couleur blanc.
Julien quand tu dis les éducateurs sont
tous les mêmes, tu veux dire quoi ? C’est
positif ou négatif ?
Julien : C’est positif. Enfin ça dépend
lesquels. Y’en a une que je n’aime pas.
Mme : C’est pas que tu l’aimais pas, elle
posait trop les bonnes questions.
Julien : Non mais…
Mme : Et toi comme tu répondais pas,
elle revenait toujours sur les mêmes
choses
Julien : Non ms j’sai pas c’est pas sa vie
Mme : Bah oui ms si on te pose des
questions c’est pour t’aider en même
temps… C’était quelqu’un de très bien
ms comme Julien répondait pas, à l’autre
rendez-vous c’était encore les mêmes
questions. A force ça l’a saoulé.
Avez-vous pu dire ou demandé tout ce
que vous souhaitiez ?
Mme (à la seconde) : OUI ! De toute
façon je sais que si j’ai d’autres questions
j’appelle monsieur XX, car des fois on
pense pas à tout sur le coup.
Julien : Moi comme je le connais pas trop
encore, j’ai pas beaucoup de questions
Mme : le fait qu’il soit seul la prochaine
fois ça sera mieux
Julien acquiesce de la tête.
Mme : c’était le premier contact, il est
comme moi, il teste et après il voit.
Julien : Si j’aime bien bah voilà… Si
j’aime pas, vaut mieux être honnête et le
dire !
Julien, dernière question, comment tu
vois la suite de ton suivi ? Comment tu
l’imagines avec ce que tu as vécu
aujourd’hui ?
Julien : Bah je pense que… j’espère que
bah… Ça va m’aider à mieux me
comporter, enfin je pense…
Mme : t’es loin d’être bête y’a pas de
raison que tu réussisses pas.
La petite pousse un cri. Je lui indique que
c’est fini.
Julien : J’espère qu’ils auront un bon
salaire aussi !
Madame prend les papiers que la RUE
avait donnés à Julien.
Mme : heureusement que je pense à tout !
Sourire de Julien
103
Entretien POST entretien avec éducateur :
Comment c’est passé l’entretien pour
toi ?
Ça s’est passé moyennement, enfin bien
passé, hésitation, non enfin ça s’est passé.
J’ai fait connaissance. J’ai pu cerner le
jeune. Je sais qu’il a passé 9 ans de sa vie
de son jeune âge hors du domicile.
Je laisse pas mal de blancs, pour laisser
les échanges se faire.
Ce jeune est très, très intelligent, très
sensible, tu as vu il connait les dates de
naissance, il garde la photo de son père.
Toutes les informations m’ont permis de
garder des questions. J’essaie de les
écrire au fur et à mesure de l’entretien.
J’ai eu pas mal d’informations, donc ce
que je peux dire c’est que j’ai posé les
jalons de la relation éducative. Sourire
104
L’entretien d’accueil en Milieu Ouvert à la Protection
Judiciaire de la Jeunesse :
Les prémices de la relation éducative ?
Si l’entretien reste l’un des outils les plus utilisés par un éducateur en Milieu Ouvert,
l’entretien d’accueil est un moment clef de la prise en charge. Le professionnel utilise des
compétences humaines et professionnelles pour accueillir au mieux des jeunes et leurs
familles, convoqués, et donc, contraints. Avoir une bonne connaissance du cadre législatif
est primordial pour réussir à conjuguer le temps institutionnel avec le temps de l’amorce
éducative.
Cet entretien est la première rencontre entre professionnels et usagers. Les échanges et les
interactions entre toutes les personnes présentes, sont une source d’informations pour les
professionnels qui pourront alors se saisir de ces dernières pour instaurer un climat de
confiance et d’adhésion, propice à la naissance de la relation éducative.
La note relative au délai de prise en charge à cinq jours va modifier cet entretien tel que
nous le connaissons aujourd’hui. C’est pourquoi, il est important de repenser l’entretien
d’accueil pour préserver l’amorce de la relation éducative et ainsi favoriser une prise en
charge de qualité dans le respect des usagers.
MOTS CLES : Accueil, Usager, Entretien, Interaction, Aide contrainte,
Relation Educative