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ASPECTS SOCIOLOGIQUES VOL. 17 NO 1 13 L'enseignement du « wing chun » (詠春 詠春 詠春 詠春) au sein d'une structure associative en France MISE EN SIGNES DES CONNAISSANCES ET CONTEXTE D'APPRENTISSAGE Anne Thi-huu-van Nguyen Enseigne signifie en premier lieu signe [...] et c'est de cette acceptation que dérive, selon nous, le verbe enseigner (Dictionnaire d'étymologie française d'après les résultats de la science moderne, Auguste Sheler, Bruxelles, 1862). Celui qui enseigne (in signal) produit la science du dehors, il la met en signe extérieur dans sa parole (Dictionnaire d'étymologie de la langue française usuelle et littéraire, Adolphe Mazure, Paris, 1863). Les questions d'enseignement et d'apprentissage s'avèrent essentielles pour tenter de comprendre le phénomène des arts martiaux. Qu'est-ce qu'enseigner une pratique martiale ? Qu'est-ce qu'apprendre pour un élève ? Peut-on parler de transmission des connaissances ? Ces questions seront traitées concrètement à travers l'étude d'une association de wing chun, située dans le nord-ouest de la France, en Bretagne. Après dix années d'enseignement de cet art martial chinois, l'enseignant de l'association décide en 2008 d'en arrêter la promotion au grand public. Pour quelles raisons ? Au moyen d'une étude de terrain qui s'est déroulée sur quatre années, j’examinerai ce fait en resituant le contexte d'apprentissage et

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    L'enseignement du wing chun () au sein d'une

    structure associative en France

    MISE EN SIGNES DES CONNAISSANCES ET CONTEXTE D'APPRENTISSAGE

    Anne Thi-huu-van Nguyen

    Enseigne signifie en premier lieu signe [...] et c'est de cette acceptation que drive, selon nous, le verbe

    enseigner (Dictionnaire d'tymologie franaise d'aprs les rsultats de la science moderne, Auguste Sheler,

    Bruxelles, 1862).

    Celui qui enseigne (in signal) produit la science du dehors, il la met en signe extrieur dans sa parole (Dictionnaire d'tymologie de la langue franaise

    usuelle et littraire, Adolphe Mazure, Paris, 1863).

    Les questions d'enseignement et d'apprentissage s'avrent essentielles pour tenter de comprendre le phnomne des arts martiaux. Qu'est-ce qu'enseigner une pratique martiale ? Qu'est-ce qu'apprendre pour un lve ? Peut-on parler de transmission des connaissances ? Ces questions seront traites concrtement travers l'tude d'une association de wing chun, situe dans le nord-ouest de la France, en Bretagne. Aprs dix annes d'enseignement de cet art martial chinois, l'enseignant de l'association dcide en 2008 d'en arrter la promotion au grand public. Pour quelles raisons ? Au moyen d'une tude de terrain qui s'est droule sur quatre annes, jexaminerai ce fait en resituant le contexte d'apprentissage et

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    les enjeux autour des reprsentations et du statut des arts martiaux.

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    Au cours du XXe sicle, les pratiques martiales se sont dveloppes un peu partout dans le monde. L'institutionnalisation et la massification de ces pratiques tmoignent d'un certain succs. Prenons l'exemple du judo : pratiqu au Japon avant le XXe sicle en cercle restreint, il s'est trs vite institu au sein de fdrations en collaboration avec divers autres organismes culturels, mdiatiques ou tatiques, et ce jusqu'en Europe (Goodger & Goodger, 1977 : 5-34). L'essor de ces pratiques a parfois entran des modifications dans les modes d'enseignement et des tensions sociales et politiques, notamment entre les courants traditionalistes et les courants modernistes, allant pour certains groupes jusqu'aux revendications politiques. Certains travaux se sont penchs sur ces problmatiques notamment en Chine (Palmer, 2005), au Japon (Saeki, 1994 : 301-315), ou encore en Indonsie (De Grave, 2001). Les chercheurs se sont intresss aux techniques mmes et aux concepts thoriques des diffrents styles d'arts martiaux, comme le tai ji quan ou encore le pencak silat (Despeux, 1981 ; De Grave, 2007 : 77-88). De manire gnrale, les auteurs tendent donner une image tantt sportive et comptitive des arts martiaux. Ils les conoivent dabord comme des pratiques tantt d'autodfense, ou au contraire d'art de vivre, ce qui tmoigne d'une grande ambigut dans la manire d'apprhender ces pratiques (Braunstein, 1999 ; Kim, 1999 ; Audiffren & Crmieux, 1996 : 61-66 ; Clment, 1981 : 285-301).

    Contrairement au phnomne d'institutionnalisation des arts martiaux, et des conflits entre acteurs sociaux, l'axe de la transmission des connaissances a t trs peu exploit dans ce champ d'tudes. Celui-ci est pourtant central pour comprendre concrtement comment les pratiques voluent dans le temps travers la manire dont elles s'apprennent. La transmission des connaissances peut-elle tre dcrite comme un coulement du savoir d'une personne une autre, comme un processus qui s'effectue en sens unique ? Comment ces pratiques arrivent-elles se transmettre dans le contexte social, politique et culturel franais ?

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    Je propose donc de traiter cet aspect en m'efforant de dfinir tout au long du texte les notions-cls et les termes de transmission, d'apprentissage, d'enseignement, ou encore de formation. Une prsentation du wing chun et du groupe de pratiquants sera ncessaire pour aborder cette problmatique.

    travers les matriaux rcolts1 et avec l'appui de travaux issus de l'anthropologie et de la psychologie culturelle comparative, nous verrons que la notion de transmission des connaissances se prsente sur le terrain comme une notion biaise. L'enseignant, loin de vouloir dverser son savoir l'lve, le mettrait plutt en situation d'acqurir ses propres connaissances. partir de l, nous verrons les difficults que cet enseignement ou cette mise en signes peut rencontrer dans le contexte social, culturel et politique franais actuel.

    1. Le wing chun au sein de l'association

    1.1. Qu'est-ce que le wing chun, ou yong chun quan ( ) ? L'art martial en question se prsente comme un style de wushu ( ), signifiant art martial )2 et comprend plusieurs appellations. En

    Chine, il est connu sous le nom de yong chun quan, et en France, sous le nom de wing chun ou wing chun quan, son appellation cantonaise. Le nom peut parfois tre romanis de cette manire : wing tsun ou ving tsun . En partant des caractres chinois, le yong chun quan ou wing chun quan ( ) signifie la boxe du printemps qui chante , ou qui renat ou encore la boxe du joli printemps :

    1Les analyses sont bases sur des observations de terrain pendant prs de quatre annes de recherche. Il y a eu une dizaine d'entretiens semi-directifs avec l'enseignant et les pratiquants anciens, nouveaux, et d'autres ayant arrt. Ces entretiens ont t complts par plusieurs entretiens informels la fin ou en dehors des cours. La camra a aussi t utilise durant une dure de trois mois, donnant lieu la ralisation d'un court mtrage. 2Le terme wushu ( ) n'est pas synonyme du terme gong fu , qui est souvent compris comme dsignant un art martial chinois. En chinois, les caractres (gong fu) se traduisent plutt par accomplissement de l'homme par l'effort (: accomplissement, travail /: monsieur, matre). Le gong fu dsigne davantage l'ide d'excellence, d'habilet et de perfectionnement dans le cadre d'une pratique corporelle. On peut ainsi parvenir au gong fu de la danse, au gong fu de la peinture, ou encore au gong fu de la cuisine.

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    : rciter, chanter, perptuer, admirer, etc. : printemps : boxe, poing, etc. Au niveau vernaculaire, les pratiquants de l'association utilisent

    l'appellation wing chun . C'est pourquoi nous garderons ce terme pour dsigner la pratique telle qu'elle est reconnue dans le cadre de l'association.

    L'histoire du style reste imprcise et les recherches sont encore faire. Plusieurs lgendes existent quant sa cration, dont deux versions sont connues. La premire prtend que le wing chun aurait t cr par une nonne seule, et la seconde entend que le style aurait t labor par un ensemble de matres du temple de Shaolin, dont cette nonne faisait partie. Il serait apparu au cours du XVIIe sicle, en raction l'tablissement de la dynastie mandchou. Durant la rvolution culturelle, dans les annes 1960 1970, plusieurs matres se seraient rfugis dans le sud de la Chine, notamment Hong Kong3. Le wing chun se serait ensuite popularis dans le monde avec la mdiatisation de Bruce Lee, pratiquant du style surnomm monsieur kung fu des annes 1970.

    Comme bien d'autres arts martiaux chinois, le wing chun est li aux systmes classiques chinois de reprsentations du monde. Parmi les plus connus, on retrouve la thorie du yin/yang / ou /4 : celle-ci est utilise pour dcrire un couple de forces, d'essences ou de matires complmentaires qui interagissent dans l'univers exerant entre elles une influence rciproque. Ainsi, toute chose aurait son complment : obscurit/lumire, passif/actif, mort/vie, dsordre/ordre, corps/esprit. Il y a aussi la thorie des wu xing , les cinq mouvements : le bois, le feu, la terre, le mtal, et l'eau. Cette thorie est utilise pour dcrire les interactions et les relations d'quilibre entre diffrents phnomnes. Transpose au corps humain, elle vise l'quilibre entre le foie, le coeur, la rate, le poumon et le rein, ou encore celui entre la vue, l'oue, le got,

    3 Versions recueillies auprs des pratiquants de wing chun quan interrogs et des ouvrages de pratiquants, toutes tendances confondues, sur le style. 4 Caractres simplifis officiels depuis la rforme de l'criture chinoise dans les annes 50 en Chine.

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    l'odorat et le toucher. Un autre concept connu est celui du qi ou 5, qu'on traduit par souffle , nergie ou force . Le travail du qi se prsente souvent comme omniprsent dans la pratique des arts martiaux, car il permettrait de dvelopper ce qu'on appelle l'nergie interne du corps. On retrouve aussi le concept de mridiens , canaux dans lesquels circulerait le qi, et aussi les trigrammes, sortes de baguettes qui schmatisent les transformations de l'univers.

    Tous ces concepts ont en commun une reprsentation cyclique et complexe du monde et du corps humain, reliant les phnomnes entre eux par de multiples interactions et dpendances6. Si ces thories sont abordes dans les ouvrages, elles ne sont pas forcment mentionnes au cours de l'enseignement martial. Dans cette association mme, elles ne sont en fait que trs peu mobilises. En effet, lors d'un cours, il s'agit avant tout d'apprendre par le corps, o l'action et l'efficacit priment sur toute forme de rflexivit ou d'attitude passive. Ces thories ne constituent donc qu'une rfrence un niveau rflexif, hors du cadre de l'entranement la pratique.

    1.2. Un systme martial au corps corps

    La pratique du wing chun se prsente comme un systme martial cohrent dont la technique s'applique principalement aux situations de combats au corps corps. Nous pouvons reprendre la dfinition de Marcel Mauss concernant les techniques du corps. Il entend par l : les faons dont les hommes, socit par socit, d'une faon traditionnelle, savent se servir de leur corps . tymologiquement, la technique, du grec , dsigne un art, un savoir-faire. Cet art ou savoir-faire englobe des connaissances illustrant une manire possible de parvenir un rsultat recherch. L'ensemble du style wing chun peut tre vu comme une technique en soi, ou au contraire comme un assemblage de techniques trs spcifiques, selon les points de vue adopts, c'est pourquoi d'autres termes plus prcis seront mobiliss pour dcrire en dtail ce systme martial.

    5 Le caractre qi , a aussi t simplifi depuis la rforme de l'criture chinoise. 6 Pour plus de prcisions, voir les ouvrages se rapportant la mdecine ou aux pratiques martiales chinoises : ex : (Laurence, 1997), (Cheung, 1986), (Despeux, 1981), etc.

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    Le systme comprend d'abord des formes. La forme se dfinit par l'enchanement d'un ensemble de mouvements spcifiques l'art martial. Ce terme vernaculaire est synonyme du taolu, kata, ou quyen, que l'on retrouve dans d'autres systmes d'arts martiaux. Il existe trois formes mains nues, plus une connexe enseigne dans cette cole et dans certaines autres. Ce systme comprend aussi des formes avec des armes, une avec une paire de couteaux dits couteaux papillon , et une autre avec un bton, nomm bton du dragon . Il existe aussi une forme pratique sur un mannequin de bois. Un mannequin de bois est un outil de travail remplaant le partenaire d'entranement, compos d'un tronc en bois dans lequel sont insres des barres transversales reprsentant les bras et les jambes d'un adversaire.

    Dans le wing chun, la forme n'est pas prendre comme un combat imaginaire contre un adversaire. Chaque mouvement d'une forme peut se travailler sparment et peut tre combin d'autres mouvements dans d'autres formes du systme. La combinaison des mouvements est ainsi travaille lors des exercices dits d'application. La forme se dfinit donc comme une bote outils comportant un ensemble de mouvements apprendre par coeur et perfectibles au cours de l'apprentissage. L'ensemble des formes comporte ainsi tous les outils du systme : tan sao (la paume vers le haut), bon sao (le bras ail), fok sao (la main en crochet), wu sao (le bras qui protge), pak sao (le coup de paume), gum sao (le coup de paume vers le bas), etc., que le pratiquant peut explorer. Elles constituent une base sur laquelle il peut construire ses connaissances, car une fois apprises, elles peuvent tre matrises et perfectionnes au fil des entranements.

    En plus des formes, le systme martial comprend aussi le chi sao (ou nian shou en mandarin) voulant dire mains collantes . Le chi sao est un type d'exercice effectu avec un partenaire d'entranement. Les deux partenaires excutent un enchanement de mouvement codifis et rpts. Quand l'un effectue un mouvement d'attaque, l'autre effectue un mouvement de dfense, et vice versa, sans que le coup soit port, car il s'agit de travailler davantage la sensibilit que la rsistance. Il existe des enchanements une main et deux mains. Le chi sao est ainsi ax sur un travail de dveloppement des rflexes sensoriels afin de trouver des ouvertures tout en maintenant une force vers l'avant travers ces jeux de pression.

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    Il existe aussi d'autres exercices complmentaires au travail du pratiquant, comme les sries de mouvements dans le vide, des minutes de coups de poing, le travail des postures, le sparring c'est--dire le combat semi-libre ou libre, et divers autres exercices statiques ou cardio-vasculaires.

    L'ensemble de ces formes, mouvements et exercices, est guid par des principes7. Le mot principe est utilis ici pour dsigner une rgle base sur les connaissances de l'enseignant servant guider l'action. On peut numrer quelques principes majeurs du systme : la non-force, c'est--dire ne pas opposer la force contre la force ; la recherche de l'quilibre et d'un poids quilibr sur les deux jambes ; protger son centre, c'est--dire la partie face de son corps ; ne pas anticiper l'action, etc. Ces principes servent ainsi de repre pour l'action et pour progresser dans l'apprentissage de l'art martial, au mme titre que les formes.

    1.3. Les lves du wing chun et leur enseignant

    Aprs plusieurs observations dans diffrents types d'coles, les recherches sur les faits d'apprentissage m'ont amen vers le terrain suivant. L'association de wing chun, dont il est question dans cette recherche, a t cre en 1998 en Bretagne. Celle-ci n'est pas affilie aux structures fdratives, ce qui est plutt rare en France, et son crateur est le principal enseignant de wing chun dans cette rgion.

    Les lves sont en majorit de sexe masculin, pour une grande partie tudiants, mais aussi jeunes salaris, enseignants, cadres, ou encore ouvriers. Les femmes y sont trs rares, seulement une cinq selon les annes. L'cole comptait une dizaine d'lves en 1998, puis une centaine d'inscrits dans les annes 2000-2005. Les cours accueillaient entre 20 25 pratiquants pendant cette priode, gs de 25 50 ans. Ceux-ci pouvaient suivre entre deux cinq cours d'une heure et demie par semaine selon les annes, en plus d'un stage de deux jours par mois. Sur l'ensemble des annes, une majeure partie des lves ont arrt l'apprentissage. Il reste cependant un noyau d'lves qui continue la pratique.

    7 La dsignation forme/principe au sein d'un systme martial peut encore tre pense selon la thorie yin/yang, de la mme manire que le corps/esprit, matriel/immatriel, signifiant/signifi, etc.

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    Parmi ces lves, cinq ont ouvert leur propre association de wing chun entre 2003 et 2007, trois en Bretagne et deux en rgion parisienne. Aprs plus de cinq annes de formation, ils ont cr leurs propres associations pour pouvoir enseigner. Ils pratiquent la plupart de manire autonome, mme s'il existe un rseau entre eux et l'association mre. Ils viennent l'occasion parfaire leur apprentissage auprs de l'enseignant. Ces jeunes enseignants ont tous une vie familiale et professionnelle parallle leur pratique, contrairement l'enseignant de l'association mre.

    Celui-ci est originaire de Bretagne. partir de l'ge de 12 ans, il pratique le judo puis le karat, mais arrte au bout de quelques annes pour cause de blessures lies la pratique. Il dcouvre plus tard le wing chun8 par le biais d'un ami, et commence la pratique en 1991. Il dcide alors de partir en Australie pour parfaire sa formation en 1995 et reoit son diplme d'instructeur en 1998 l'Acadmie du Matre William Cheung. William Cheung est issu, comme Bruce Lee, de la ligne des lves de Yip man, un matre de wing chun connu mondialement. Aprs quatre annes de formation en Australie, il revient en France pour trouver du travail en conciliant sa pratique et la vie professionnelle. Le contexte conomique tant dfavorable, il finit par ouvrir son association de wing chun kung fu pour enseigner en tant que professionnel en 1998 Rennes. Il enseignera pendant dix annes.

    En 2006, l'enseignant a transmis son association base Rennes, l'un de ses anciens lves pour monter une autre structure Brest, dans le Finistre. Ce projet a t orient vers une optique de remise en forme plutt que vers une activit sportive comme ce fut le cas Rennes. Depuis, selon les archives et les tmoignages de diffrents pratiquants, les effectifs sont fluctuants Rennes, et l'association de Brest compte six inscrits. En 2008, il annonce son arrt officiel de l'enseignement au grand public, et transmet la dernire association un autre de ses lves, en poursuivant malgr tout l'apprentissage de l'art martial.

    Cet enseignant-pratiquant n'a pas d'activit salarie rgulire, n'est pas mari, n'a pas d'enfant, et habite un logement modeste. Il vit principalement de son enseignement, et la plupart de son temps quotidien est consacr aux entranements. Aprs dix annes d'exprience dans l'enseignement, si celui-ci a pu former de jeunes

    8 Terme plus souvent rencontr en France pour dsigner cet art martial.

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    enseignants et pratiquants autonomes, il dit avoir constat que les nouvelles gnrations de dbutants qui arrivaient en cours taient de moins en moins enclines l'apprentissage.

    2. Le cycle d'acquisition des connaissances

    La recherche de la vrit est dsormais lie une recherche sur la possibilit de vrit. Elle porte donc

    en elle la ncessit d'interroger la nature de la connaissance pour en examiner la validit

    (Morin, 1977).

    2.1. La formation au sein de l'cole

    L'lve qui dbute l'apprentissage du wing chun commence par apprendre les postures, les positions de gardes, les dplacements et les mouvements de base du systme. Il effectue des exercices de conditionnement du corps, tels que des sries de coups de poing, de coups de pieds, ou encore des postures d'quilibre sur une jambe. Il excute des mouvements techniques en application avec un partenaire d'entranement et apprend progressivement la premire forme du systme, sil lim tao (xiao nian tou, , se traduisant par la petite ide ) qui contient les principaux mouvements du style. Ces mouvements amnent progressivement comprendre le principe de structure corporelle et d'ancrage au sol, qui vise notamment garder l'quilibre lors d'un combat. Cette forme constitue le socle du systme, elle sera tudie et approfondie tout au long de la pratique.

    Quand la premire forme est mmorise au bout d'un an ou deux, l'lve peut apprendre la deuxime forme chum kil (xui qian , signifiant chercher le pont ) qui permet le travail des dplacements qu'il n'y avait pas dans la premire forme. Il continue paralllement les diffrents exercices de conditionnement et les applications avec un partenaire, complmentaires au travail des formes. Il doit rechercher les liens entre ces applications, les mouvements contenus dans les formes et les principes. Si tel mouvement fonctionne mal face son partenaire, il peut s'aider des principes, comme celui de l'quilibre sur les deux jambes, ou celui de partir sur les cts du partenaire, souvent rpts oralement par l'enseignant pendant les cours. Il peut aussi tre amen chercher un mouvement dans une des formes pour trouver une solution face telle ou telle application. De cette manire, il amliore sa

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    comprhension des formes. L'excution d'un simple mouvement devient alors une technique, contenant l'intention de parvenir un but. Une fois ces deux formes apprises, le corps un peu plus conditionn et l'exprience acquise par les diffrents types d'applications, l'lve apprend, quatre ou cinq ans aprs, la troisime forme bil jee (biao zhi , les doigts jaillissants ). Cette forme correspond un niveau de matrise plus lev car elle est plus longue et comprend davantage de mouvements demandant un degr d'alignement et d'lasticit corporelle plus exigeant, par exemple pour les attaques en coups de doigts et des dplacements plus amples. C'est la forme qui sert souvent de test pour valuer le niveau du pratiquant.

    Dans cet apprentissage, l'lve peut aussi commencer manier des armes. L'utilisation d'armes relativement longues permet de travailler la prcision. Comme les distances sont plus longues, les carts et les imprcisions des mouvements deviennent plus flagrants qu' mains nues. En travaillant de cette manire, il peut amliorer ses techniques mains nues. Durant son apprentissage, il sera amen revenir de temps autre sur le travail des armes pour amliorer le travail mains nues. Il pratique aussi la forme au mannequin de bois, pour dvelopper la puissance de frappe et rechercher les angles de dplacement optimaux. Enfin, il s'exerce aussi au chi sao, savoir aux mains collantes . Ce travail des rflexes permet de progresser dans la mise en oeuvre des mouvements techniques en application. Le chi sao s'applique aussi pour les armes, car les principes restent les mmes, avec ou sans armes.

    Une fois que l'ensemble du systme est appris, la formation est termine, mais pas l'apprentissage qui doit tre dvelopp individuellement par la suite. Cette formation permet d'acqurir les principaux outils pour progresser par soi-mme. Tous ces mouvements, formes, exercices de conditionnement et applications, une fois appris, doivent tre rpts tout au long de l'apprentissage. L'enseignant effectue pour cela les mmes cycles de stage mensuel d'anne en anne. En principe, l'anne commence par un stage sur la premire forme. Le stage suivant porte sur les dplacements, puis vient ensuite la deuxime forme. Le quatrime stage porte sur le chi sao, le cinquime sur l'autodfense, le sixime sur le mannequin de bois. Le septime porte sur les couteaux papillon et le huitime sur le bton du dragon. Enfin, le dernier stage de l'anne porte sur la troisime et dernire forme du systme.

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    Les mouvements ne sont pas forcment compris tout de suite. Les formes restent imprcises au dbut de l'apprentissage et les mouvements encore vide de sens ; c'est seulement par la pratique et l'application des principes face au partenaire que l'lve peut enrichir sa forme et la remplir de significations en fonction de ses propres exprimentations et de son exprience. Selon Elisabeth Hsu dans son ouvrage The transmission of chinese medecine (Hsu, 1999 : 124-125), le mdecin enseigne de la mme faon avec des mots vides , que l'lve rempli de sens au fur et mesure de son apprentissage : Notions like shen, qi, and xing are empty in that the adept fills them with meaning in the course of learning the practice medecine [...] Since such empty concepts are rarely defined by denotation in the text, they acquire their denotational meaning in medical practice . L'enseignement, loin d'tre linaire, peut tre compar une valle, qu'il s'agit pour l'lve d'explorer dans toute sa complexit, sur diffrents axes et diffrentes chelles, dont les outils auraient t donns pour pouvoir le faire.

    La formation complte dure en gnral plus de cinq ans dans cette association condition pour le pratiquant d'assister tous les cours hebdomadaires, aux stages mensuels et de travailler en dehors des cours. Une fois que les formes et les principes sont appropris, l'lve est cens disposer d'assez d'lments pour pouvoir tre autonome et progresser par lui-mme, et l'enseignement, c'est--dire la mise en signes extrieure est considr comme suffisant.

    2.2. L'acte d'enseigner : apprendre et duquer l'attention

    Il vient un temps o l'esprit aime mieux ce qui confirme son savoir que ce qui le contredit, o il aime

    mieux les rponses que les questions. Alors l'instinct conservatif domine, la croissance spirituelle s'arrte

    (Bachelard, 1938).

    Qu'est-ce que l'acte d'enseigner implique ? Voici un extrait d'entretien avec l'enseignant principal ce sujet : Moi, au dbut je ne pensais pas enseigner , c'est alors qu'une instructrice lui a dit : tu verras tu seras oblig . Pour l'enseignant, l'lve qui a atteint un certain niveau doit assimiler et valider ses connaissances travers l'enseignement. L'enseignement est considr dans cette cole comme une tape pour voluer et progresser dans la pratique, car il suppose

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    une rflexion sur la pertinence de sa propre pratique, et une explicitation verbale de ses connaissances :

    Garder la connaissance pour soi c'est mauvais. La connaissance ne m'appartient pas, il faut que je la redonne , dit-il. Si on na pas form une personne, on na pas assimil le systme. Une fois qu'on a form du dbut jusqu' la fin au moins une personne, c'est bon, on peut passer autre chose.

    Selon Blandine Bril, chercheure en psychologie culturelle et comparative sur l'apprentissage de l'action, l'enseignant doit assister la construction des connaissances de son lve. Il doit se mettre au niveau de l'lve pour l'aider dans sa recherche d'acquisition des habilets. C'est ensuite l'lve de dcouvrir et exploiter les proprits de l'activit et des gestes effectuer (Bril, 2002 : 256). L'enseignant n'est l que pour amener l'lve vers des conditions favorables qui permettraient cet lve de raliser l'action :

    Dans de nombreux cas cependant, et dans les situations d'apprentissage en particulier, il est ncessaire qu'une source extrieure spcifie les contraintes d'une part, et d'autre part les affordances (c'est--dire la connaissance de ce que le contexte offre comme possibilits d'action) qui ne sont pas perues directement. C'est en fait le rle du matre pris au sens large, qu'il soit reconnu comme tel par la socit, ou qu'il s'agisse, dans le cas de l'enfant, de la mre, ou de tout autre membre de la famille ou du voisinage. En somme, la construction d'affordances dpend de la manire dont le matre va duquer la capacit d'attention de l'apprenant. Le rle du matre serait d'assister l'apprenant dans la dtection et l'utilisation des proprits de son environnement anim et inanim, et de leur fonctionnement dans un milieu culturel particulier.

    Il arrive qu'un lve ne comprenne pas tout fait les mouvements effectus, notamment au dbut de l'apprentissage. Prenons l'exemple du bon sao (le bras ail). Ce mouvement consiste lever le bras, la main face soi avec la paume tourne vers l'extrieur, et de manire ce que le coude se retrouve plus haut que l'paule. quoi peut servir ce mouvement ? Pour l'expliquer, l'enseignant effectue une application en situation de combat, par exemple avec un coup de poing qui viendrait

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    vers soi. Pourtant, il arrive que les interprtations divergent en fonction des lves, et mme en fonction du degr de comprhension chez un mme lve. Un lve expliquait ainsi qu' chaque tape de son apprentissage, ce mouvement a t compris de diffrentes manires : tantt comme un blocage, tantt comme une attaque, tantt comme une aspiration de la force de l'adversaire, tantt comme un enroulement de cette force, etc. C'est pourquoi l'enseignant doit remontrer plusieurs fois ce mme mouvement sous diffrents types d'applications, et demande aux lves d'effectuer ces mmes applications pour les aider saisir les proprits du mouvement.

    L'acte de transmission des connaissances ne semble donc pas reprsenter un simple moulage ni une sorte de versement des savoirs de l'enseignant vers l'lve. Pour les lves, les connaissances de l'enseignant sont disponibles sans engagement particulier : il est l pour nous apporter ses connaissances et son exprience, aprs on en fait ce qu'on en veut, c'est mme son discours . En effet, selon cet enseignant, une connaissance n'est pas imposable. On pourrait y voir un paradoxe : pourquoi d'un ct l'enseignant veut-il transmettre ses connaissances, mais de l'autre ct, il insiste sur le libre arbitre des lves ? Selon lui, l'lve doit tre volontaire dans l'apprentissage. L'enseignant propose un ensemble de connaissances, et la validation de celles-ci vient du fait que l'lve les approuve et accepte l'apprentissage, donnant de la valeur aux connaissances. L'enseignement a aussi pour but de questionner ses connaissances et de les mettre jour. Pour faire une mtaphore qui parlera tout enseignant-chercheur, se priver de ces changes serait comme de concevoir une universit prive de ses laboratoires de recherche.

    Plutt qu'une transmission des connaissances, il s'agirait ici d'une mise en signes des connaissances de la part de l'enseignant et d'une ducation l'attention des lves au cours d'un apprentissage. Si on ne peut sans doute pas transmettre un art martial en tant que tel, comme un copier-coller, on peut cependant favoriser le contexte dans lequel l'lve pourra exprimenter par lui-mme les proprits de l'activit.

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    2.3 Apprendre par la recherche et l'entranement

    L'exprience, c'est encore le meilleur enseignement

    (Ferron, 1983).

    Les seules connaissances qui puissent influencer le comportement dun individu sont celles quil dcouvre

    lui-mme et quil sapproprie (Ransom Rogers, 1968).

    Comment se droule l'apprentissage du ct des lves ? En cours, les lves travaillent principalement en binme, parfois plusieurs selon les exercices. Les dbutants9 travaillent en gnral d'un ct et les plus anciens de l'autre. Le cours commence par un chauffement, vient ensuite une phase de conditionnement, avec par exemple des sries c'est--dire un enchanement de mouvements rpt plusieurs fois de suite, ou du sparring , un combat cod avec un partenaire. L'enseignant montre alors un exercice d'application l'aide d'un lve, souvent le plus ancien. Puis, l'exercice est travaill pendant une quinzaine de minutes. L'enseignant interrompt et prcise en gnral trois ou quatre reprises les points importants de l'exercice. Puis, il passe l'exercice suivant, et ainsi de suite jusqu' la fin du cours. Tout ce contexte permet en quelque sorte aux lves d'explorer les proprits de l'activit .

    En dehors des cours, selon les cas, les lves s'entranent soit en binme, lorsqu'ils ont un partenaire d'entranement ; soit en groupe trois ou quatre ; soit individuellement ou pas du tout. Pour les pratiquants, avoir un partenaire d'entranement contribue progresser dans l'apprentissage. Selon eux, la progression et l'assimilation des connaissances se passent la plupart du temps en dehors des cours. Quelques lves peuvent aussi s'intresser d'autres styles en parallle, notamment le yi quan, le xing yi, le qi gong, l'escrime, la boxe ou encore l'arnis philippin pour comparer les techniques. L'apprentissage ne semble donc pas venir exclusivement de l'enseignant ni exclusivement de la pratique mme.

    9 Le terme dbutant dsigne un nouvel lve au sein de l'cole, et un ancien dsigne un lve qui a au moins deux annes de wing chun au sein de l'cole.

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    Pour les plus anciens, l'enseignant prne l'autonomie dans leur apprentissage. Une fois qu'ils ont assimil l'ensemble des formes, ils doivent progresser et limiter par eux-mmes leur demande d'aide auprs de l'enseignant. La pratique martiale est ainsi considre comme une recherche et une exploration des proprits de l'activit, comme en tmoigne Bril (2002 : 256), et ce, pour tout processus d'apprentissage : Tout processus d'acquisition d'habilets ncessite l'apprentissage de l'utilisation et de la matrise du contexte , l'habilet tant dfinie comme la capacit d'une personne raliser un but grce l'utilisation des ressources de son environnement . Elle ajoute que : ce processus d'apprentissage ncessite la possibilit d'expriences rptes, correspondant un comportement exploratoire ou stratgie de recherche .

    Effectivement, l'enseignement reste circonscrit un ensemble d'outils qui permettent aux pratiquants d'voluer : savoir les trois ou quatre formes mains nues, les deux formes avec les armes et la forme au mannequin de bois, ainsi que les six exercices de chi sao. Une fois l'ensemble mmoris, il est possible d'voluer de faon verticale dans la matrise des outils. En effet, l o certaines coles augmentent de manire horizontale le nombre d'outils, soit le nombre de mouvements et de techniques apprendre au fur et mesure de l'apprentissage, dans cette cole-ci, c'est la matrise des outils disposition qui est privilgie plutt que le nombre d'outils appris. Ce qui n'empche pas par la suite aux pratiquants de se confronter aux autres outils , c'est--dire par l'apprentissage d'autres styles d'arts martiaux, pour comparer et perfectionner leur recherche en cette matire.

    Dans la mesure o la pratique se base sur des mouvements relativement simples retenir, les lves peuvent ainsi, dans un premier temps, plus facilement se consacrer la rptition et donc l'appropriation du systme. La prsence de l'enseignant consiste donc principalement cadrer l'lve dans son apprentissage. L'apprentissage de cet art suppose ainsi une motivation tout niveau pour poursuivre le cycle de formation jusqu' son terme et progresser de faon autonome par la suite. Bien que ce cycle soit organis de cette manire afin de favoriser l'apprentissage, comment volue-t-il au sein du contexte social, conomique et politique franais ?

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    3. L'art martial en contexte culturel franais

    3.1. Une pratique en vase clos

    En France, de multiples coles d'arts martiaux ont t cres sous l'gide de la loi 1901 qui permet l'association de plusieurs individus pouvant mettre en commun leurs connaissances ou leurs activits dans un but non lucratif. Ainsi, la grande majorit d'entre elles sont intgres la socit travers des fdrations proposant les activits sportives ou martiales sous forme ludique ou comptitive. Ces fdrations disposent de dlgations du ministre de la Sant, de la jeunesse et des sports. Elles sont donc rattaches l'tat et ont une fonction de contrle des diverses pratiques. Elles organisent les festivals, les spectacles d'arts martiaux, les portes ouvertes, et les diverses publications de revues spcialises. Les rglementations au sein des associations de fdrations sont ainsi uniformises, de mme que la dlivrance des diplmes et la formation des lves (Kim, 1999 : 201-205).

    Les associations n'ayant pas intgr une fdration sont rares, et leurs moyens restent restreints aux cotisations de leurs adhrents, alors qu'une association fdre peut bnficier du soutien des subventions de sa fdration, issues des cotisations des adhrents au niveau national. Les associations indpendantes peuvent recevoir des propositions d'affiliation de la part d'une fdration, comme ce fut le cas pour l'cole de wing chun qui est reste, malgr ces propositions, indpendante. Elles peuvent se trouver autour d'enjeux de pouvoir entre associations fdres et non fdres, ou parfois tre l'objet de discriminations et soumises des enqutes du ministre10.

    Le wing chun, tant plutt bien connu en France, a pu s'intgrer au fonctionnement de la socit comme les autres disciplines physiques, et son intgration en tant qu'activit de loisir fait qu'elle reste marque par une image institutionnalise, sportive, ludique et comptitive comme la plupart des arts martiaux intgrs en France. Elles voluent dans un cadre contrl et la pratique se restreint alors un contexte bien prcis

    10 Certaines enqutes ont pour but notamment de prvenir le phnomne de sectes face aux nouvelles pratiques inconnues. Lors d'un colloque sur les arts martiaux la MSH de Paris organis en mars 2008, une des communications portait sur ce sujet : Yannick Illy, Les arts martiaux en France et la direction de la jeunesse et des sports, colloque Les arts martiaux extrme-orientaux , 28 mars 2008, MSH, Paris.

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    qu'est celui de la salle de cours et ventuellement celui des festivals et des manifestations sportives.

    Le fait de pratiquer entre quatre murs participe au cloisonnement de l'art, car il est dissoci des autres sphres d'activit et reste isol l'intrieur du cadre associatif. La salle de classe marque symboliquement le lieu de la pratique, et le fait qu'on ne le pratique pas en dehors favorise difficilement l'assimilation des connaissances. Ce dernier point est comparable avec la problmatique scolaire. Selon Delbos et Jorion (1984 : 15), un des facteurs de l'chec scolaire serait d une dissociation des savoirs pratiques appris sur le tas et des savoirs thoriques acquis l'cole : dans la mesure o le savoir scolaire choue tre authentiquement thorique pour tre simplement propositionnel, la plasticit lui fait entirement dfaut, lui aussi devient indissociable d'un contexte singulier, la salle de classe, lieu unique o les propositions disjointes disposent d'une lgitimit .

    Cette pratique en vase clos lie au contexte institutionnel participe aux difficults d'apprentissage et l'obstacle de l'enseignement. La porte des connaissances se trouve alors rduite dans une large mesure, l'art martial fragilis par ce contexte est soumis l'ambivalence des lves persister dans cet apprentissage. La pratique tend rester ainsi au rang de loisir.

    3.2. Statut et reprsentations de l'activit

    Si aux yeux de l'enseignant, le wing chun constitue un art de vie part entire, il revt dans les faits un statut d'activit de loisir pour la plupart des jeunes lves, en parallle de leur temps consacr au travail, la famille ou aux autres activits.

    Les arts martiaux chinois se sont intgrs au quotidien franais de la mme manire que les autres disciplines sportives ou artistiques comme le karat, la danse, le football ou encore le jogging. Les horaires de cours sont penss en fonction des horaires de travail courant. Les cours ont donc lieu la plupart du temps le soir en semaine, parfois le week-end, pour qu'un grand nombre d'lves puissent y participer.

    Dans les entretiens et les observations de terrain, la plupart des lves avouent leurs difficults s'tablir dans la pratique. Les nouveaux

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    abandonnent trs vite si le cours d'essai ne correspond pas leur attente. Parfois, les lves s'inscrivent pour trois mois, voir six mois puis dcident au final de ne plus continuer l'apprentissage. La plupart restent plus longtemps, mais peu reconnaissent pratiquer en dehors des cours, par manque de motivation, de temps et par un manque d'mulation si l'lve ne peut trouver de partenaire d'entranement. Mme chez les plus acharns, plusieurs abandonnent tt ou tard la pratique pour diverses raisons : vie de couple, l'arrive d'un enfant, un dmnagement, une embauche, et parfois un manque de moyens financiers. La pratique du wing chun devient une activit physique qui dans la hirarchie des priorits de l'lve est relgue, de gr ou de force, au second plan des autres priorits.

    Le cot de l'activit peut-il jouer un rle dans l'apprentissage ? Combien l'lve est-il prt investir dans une formation ? Quel prix l'cole demande-t-elle pour former une personne ? Dans notre cas, ce facteur n'est pas suffisant pour expliquer le fait, tant donn que les tarifs de l'association sont comparables ceux des autres coles11. L'accs en salle de cours est possible depuis les transports en commun, et les cours se droulent habituellement en soire ou le week-end. Cependant, les activits cumules de la journe ou de la semaine constituent un facteur non ngligeable la fatigue. D'aprs l'enseignant, cette configuration n'est pas propice l'apprentissage. C'est pourquoi selon lui, le moment le plus favorable l'entranement serait le matin avant toute autre activit12. Cette manire de faire est cependant difficilement conciliable avec le rythme de vie des lves. L'apprentissage impose de trouver du temps libre pour s'entraner

    11 Les cours l'anne Rennes sont de 140 euros (quivaut 225 CAD) pour un cours par semaine, 225 euros (365 CAD) pour deux cours par semaine, et les stages en weekend sont de 40 euros (64 CAD). titre de comparaison, un club de tai ji quan de Rennes propose ses cours entre 130 et 150 euros (210 et 245 CAD) par an selon l'ge. Un des principaux Dojos de Rennes propose ses activits entre 180 euros (290 CAD) pour un cours par semaine et 380 euros (615 CAD) pour avoir accs tous les cours, et un complexe des arts martiaux Paris propose de 590 euros (955 CAD) pour s'inscrire une activit 1315 euros (2130 CAD) pour s'inscrire trois activits pour un adulte par an. 12 En Chine, on observe que de nombreuses personnes s'exercent physiquement tt dans la matine, voir ds le lever du soleil, dans les parcs ou dans la rue. Selon cet enseignant, cause des modes de vie moderne, le corps et l'esprit sont plus enclins aux contractions le soir suite la journe de travail, ce qui constitue un frein l'entranement physique.

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    rgulirement, ce qui fait qu'au final, depuis la cration de l'association, trs peu d'lves ont suivi la formation jusqu'au bout.

    Ce constat pourrait tre vu dans une perspective plus large par rapport aux valeurs de notre poque contemporaine. Celle-ci reposerait autour de la valeur du travail, et en mme temps autour de la consommation, selon les auteurs comme Jean Baudrillard ou Hannah Arenth, qui crit dans son ouvrage La Condition de l'homme moderne : nous vivons dans une socit de consommateur . Elle ajoute plus loin : ce n'est qu'une autre faon de dire que nous vivons dans une socit de travailleurs . Ces lignes illustrent le travail et la consommation comme les deux facettes d'un mme cycle, l'un n'allant pas sans l'autre. L'activit n'ayant pas pour but de gagner de l'argent serait relgue au rang de loisir, de passe-temps, de divertissement. Selon Joffre Dumazdier, ce serait plutt le loisir qui se trouverait au centre de la socit. Il dfinit le loisir comme un ensemble d'occupations qui regroupe trois fonctions savoir celui du dlassement , du divertissement et celui du dveloppement de la personnalit .

    Cependant, ces propositions n'expliquent pas entirement les difficults d'apprentissage de la pratique. En effet, la question des modes de pense et des reprsentations sur le corps peut aussi aider mettre en relief le contexte d'apprentissage. Selon l'enseignant, les lves ont parfois du mal s'tablir dans la pratique et s'accrochent souvent aux thories chinoises lues dans les ouvrages13 qui peuvent constituer un frein la pratique : les gens rflchissent trop, ils ne vont pas l'essentiel . Selon Jean-Franois Billeter, dans son article sur le regard et l'acte (Billeter, 1984 : 35-52), l'action, dans le mode de pense chinois, prime sur le regard et la rflexivit, valoriss dans la tradition occidentale. Bien qu'il ne faille pas tablir de dichotomie rigide entre les deux modes de pense, occidental et chinois, il peut tre intressant de se pencher sur cette question des reprsentations. Billeter cite Marcel Granet ce propos : Les Chinois , dit Granet, ne croient point que l'me donne vie au corps ; ils croient plutt, pourrait-on dire, que l'me n'apparat qu'aprs un enrichissement de la vie corporelle , nous dirons : aprs un affinement de l'activit du corps . Billeter continue en disant que du point de vue d'un membre lev selon une approche occidentale : ce point de vue peut paratre trange. Il s'est accoutum

    13 Thories qu'on peut retrouver dans le Yi jing, le livre des mutations , ou encore le Dao de jing, le livre de la voie et de la vertue , etc.

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    considrer comme une vidence que la vraie connaissance [...] ne peut natre que de la rflexion, qui implique l'arrt de l'activit pratique . L'extrait illustre une diffrence entre deux modes de pense, l'une privilgiant la connaissance par le corps et par une pratique corporelle donne, et l'autre privilgiant la connaissance par la rflexion et l'inactivit. Pour certains lves, l'apprentissage peut donc se rvler difficile, car mme s'il s'agit de la littrature chinoise, ils doivent parfois se dfaire de ces concepts de leur esprit pour pouvoir mieux les intgrer par le corps, et ce, par une approche souvent diffrente de leur manire de faire habituelle, savoir par la pratique mme.

    La pratique du wing chun reste ainsi difficilement conciliable avec les activits d'ordre professionnel, familial, relationnel et autres. Malgr un certain attrait, elle tend rester minimale et superficielle14, et ce, d'autant plus qu'elle n'est pas culturellement ancre dans la socit franaise.

    3.3. L'art martial, reflet de la socit15 ?

    Ce que nous avons tent de mettre en avant est le constat que la recherche et l'acquisition des connaissances dans le wing chun ou d'autres disciplines martiales ne semble pas tre favorise dans le contexte culturel franais. Ainsi la pratique martiale, plutt que de se transformer en art de vivre , ne resterait-elle pas au final que le reflet des besoins de la socit ?

    L'art martial semble d'une part participer aux moeurs du culte du corps. Selon David Le Breton, en parallle de la conception du corps machine, le corps serait devenu objet de culte. Dans Anthropologie du corps et modernit, il dcrit comment ce culte cherche triompher de la vieillesse, de partir en qute du bien-tre et de la performance. Les images des corps idaliss dans les mdias tmoigneraient des exigences htives de nos socits envers cet objet naturel. Dans ce sens, la pratique d'un art martial tel que le wing chun constituerait donc un moyen comme un autre de satisfaire ce culte.

    14 Dans son sens le plus direct, c'est--dire en surface. 15 Titre emprunt l'article de Laurent Testot dans la revue Sciences Humaines de juin 2008, intitul : Les arts martiaux, reflets des socits .

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    D'autre part, la pratique d'un art martial peut aussi reflter la qute d'une nouvelle spiritualit. Mme si dans cette cole il n'est pas enseign, le wing chun possde ainsi un systme philosophique bas sur des religions telles que le bouddhisme, le taosme et le confucianisme, ancres dans l'histoire et la tradition chinoises. Dans une socit o la religion n'a plus une fonction qui englobe les diffrentes sphres d'activits, comme l'a dmontr par exemple Danile Hervieu-Lger, il existerait de nouvelles formes de religiosit. Chacun peut puiser ici et ailleurs en bricolant sa propre spiritualit qui devient alors une activit parmi d'autres, en recherchant une harmonie avec le dao, ou tao souvent traduit par la voie , en pratiquant la mditation, en dveloppant le qi, les harmonies yin/yang, etc16.

    La pratique peut aussi participer d'une certaine manire au marquage d'une distinction sociale. Dans une socit moderne, la consommation serait moins un moyen de satisfaire ses besoins qu'une manire de se diffrencier des autres, comme l'a expos Jean Baudrillard (1970). L'art martial renvoie une image de la pratique plus ou moins idalise sous laquelle l'individu peut afficher une certaine identit, cette image relevant en partie de ce qui est vhicul travers les films d'arts martiaux : invulnrabilit, confiance et matrise de soi, aptitudes extraordinaires au combat, etc. Baudrillard y explique comment finalement, ces logiques de distinctions ne font qu'obir une logique de conformit, dans la mesure o la norme gnrale admise est l'acte mme de consommer travers une multitude d'offres. Les entres et sorties en salle de cours sont libres d'accs, et les lves peuvent ainsi choisir l'offre qui correspond le plus leurs attentes du moment.

    Malgr le fait que l'art martial consiste relier les diffrentes parties du corps pour former un tout cohrent, une pratique en vase clos peut aussi amener vers la disjonction des connaissances d'une sphre d'activit une autre. Ce problme se rencontre aussi dans le monde de la recherche, qui constitue un autre reflet de nos socits. Selon Edgar Morin (1990 : 18), nous vivons sous l'empire des principes de disjonctions, de rduction et d'abstraction dont l'ensemble constitue ce

    16 Dans certaines autres pratiques corporelles, la religion peut mme tre intgre dans l'enseignement, comme le tmoignent les mouvements caractre religieux tel que le falugong, qui comptent des millions d'adeptes pratiquants de qi gong, du travail du souffle dans le monde, comme l'a dmontr David Palmer dans La fivre du qigong, publi en 2005.

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    que j'appelle le paradigme de simplification . De manire analogue, la mdecine courante disjoint les parties du corps entre elles, dont chaque partie fait appel un spcialiste prcis. Le dentiste s'occupe des dents, le dermatologue se charge de la peau, le cardiologue, du coeur et l'ophtalmologiste, des yeux. Est-il alors possible, comme l'infirmait Blaise Pascal, de connatre les parties sans connatre le tout , et de connatre le tout sans connatre particulirement les parties ?

    Cependant, ces propositions sont nuancer dans la mesure o l'apprentissage permet aussi l'lve de changer son regard vis--vis de la pratique. Selon l'enseignant, l'apprentissage est difficile justement car l'lve doit changer sa manire de penser, de se mouvoir, et aussi une partie de ses habitudes : C'est trs dur parce que cela implique de changer . En effet, si chacun dbute le wing chun avec ses propres a priori, chacun peut aussi changer et progresser au cours de l'apprentissage. En effet, les lves qui recherchaient une pratique purement physique, pour entretenir le corps, ont parfois transform cette mme pratique en art de vivre, de mme que ceux qui pratiquaient au dbut par simple curiosit, la recherche d'un exotisme ou juste par distinction sociale. D'autres, qui pratiquaient seulement pour l'efficacit au combat, dcouvrent aussi les aspects thrapeutiques de la pratique. Et ceux qui ne pratiquaient que dans le contexte de la salle de cours, peuvent rutiliser par la suite les mouvements appris dans le cadre de la vie quotidienne. Chacun volue un rythme qui lui est propre, et si on observe les parcours des pratiquants les plus anciens, il y a eu aussi des volutions au niveau physique, car ceux qui se trouvaient maigres se sont progressivement densifis et ceux qui se trouvaient tendus musculairement, se sentent dsormais plus souples, en plus de la gestion du stress, de la matrise des motions, de la confiance en soi, etc.

    La pratique est dcrite comme devant tre permanente et englobant le quotidien du pratiquant. Pour cela, elle implique aussi un changement au niveau de l'lve pour que la pratique ne puisse donc pas simplement reflter quelques besoins de la socit, mais devenir un art de vivre qui s'exprime compltement, comme disent le vivre certains pratiquants. Bien que nous ayons dcrit le sujet des obstacles d'apprentissage, il existe aussi des moments de transmission que d'autres travaux venir pourront enrichir.

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    4. Conclusion

    L'exemple de ce groupe de pratiquants de wing chun a permis de montrer quelques aspects de l'enseignement ou de la mise en signe des connaissances et de sa transmission dans le domaine des techniques du corps. Cette transmission exige un contexte propice l'apprentissage. Pour qu'il y ait transmission , il faut au moins une phase d'mission soit l'enseignement, et une phase de rception , soit l'apprentissage chez les lves. La rptition de ces phases permet chez l'lve l'assimilation des connaissances, et chez l'enseignant la validation de celles-ci, grce l'change et l'interactivit. L'acte d'apprendre implique une prsence physique et intentionnelle aux enseignements et un investissement dans des entranements en dehors des cours. Au bout du parcours de formation, l'lve doit devenir autonome pour la suite dans son apprentissage. Dans ce processus, se jouent en fait la production des connaissances, et le devenir de ces connaissances de gnration en gnration. La relation d'enseignement et d'apprentissage suppose ainsi que les techniques voluent d'un individu un autre. De cette manire, dans la mesure o chaque apprentissage volue d'un individu un autre, parler de pratique traditionnelle et de pratique moderne , en tant que pratique qui reste fige pour l'une et qui volue pour l'autre demanderait une rflexion plus soutenue. Qu'est-ce qui relve alors de la tradition et qu'est-ce qui relve alors de la modernit ? Le dbat reste ouvert. Chaque courant de pense, cole ou institution dispose de sa propre interprtation des savoirs, ce qui amne des enjeux sociaux, culturels et politiques de lgitimation. Ces enjeux ont aussi un impact sur l'enseignement et donc la transmission et la production des connaissances. La thmatique du corps et des pratiques corporelles ncessite d'tre aborde de manire comparative et transdisciplinaire. Si les pratiques disposent d'une certaine forme de singularit qui est spcifique chacune d'entre elles, elles disposent aussi d'universaux culturels comparables. Les recherches doivent ainsi tre poursuivies sur les faits d'enseignement et d'apprentissage des techniques du corps.

    Anne Thi-huu-van Nguyen Candidate au Master

    cole des Hautes tudes en Sciences Sociales, Paris

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