l’édit de nantes - henri iv · 3 elle est essentielle pour mesurer l’importance d’un édit...
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L’édit de NantesPrésentation
Respectant les engagements pris envers le pape en 1595 pour recevoir son
absolution, et en accord avec les protestants assemblés en synode national à Loudun
en 1596, Henri IV souhaite l’élaboration d’un nouvel édit de pacification. Cet édit,
signé à Nantes le 30 avril 1598, instaure une tolérance civile entre tous ses sujets.
HISTOIRE
PRIMAIRE
SECONDAIRE
Édit de Nantes, 1598
AN AEII763, ancien J943
Document
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Loin de mettre fin à la guerre civile, l’avènement sur le trône de France d’un roi
protestant (2 août 1589) ravive l’opposition des catholiques ligueurs. Il faut quatre
ans à Henri IV pour se convertir au catholicisme (25 juillet 1593), cinq ans pour
accéder au sacre (27 février 1594) et neuf ans pour entériner la pacification de son
royaume.
L’édit de Nantes doit être enregistré par les huit parlements du royaume. Le
principal obstacle est lié à la sensibilité ligueuse de la plupart des parlementaires.
L’exemplaire manuscrit conservé aux Archives nationales, consigné sur 17 feuillets
de parchemin, est celui enregistré par le parlement de Paris. Le texte comporte
trois parties : l’édit « perpétuel et irrévocable » comportant 95 articles destinés
à solder les exactions du passé et à organiser une coexistence pacifique avec le
protestantisme, dans le royaume ; 56 articles particuliers touchant à des dispositions
spécifiques pour certaines villes, régions et personnalités ; des brevets, enfin, dont
le plus connu concerne les villes de sûreté accordées aux huguenots.
L’édit de Nantes est de jure applicable, après son enregistrement, dans la totalité du
royaume de France. Or ce royaume ne comprend pas à cette date les possessions
patrimoniales des Bourbons. À la différence de ses prédécesseurs, Henri de Navarre
a maintenu la dissociation juridique entre le royaume de France et les terres héritées
de ses parents, Jeanne d’Albret et Antoine de Bourbon. Leur administration relève de
sa sœur, Catherine de Bourbon, nommée régente en ces terres. En fin de compte,
pour être totalement fidèle à ses engagements de 1595, Henri IV entreprend la
négociation d’un autre édit, apprécié par les historiens comme pendant de l’édit
de Nantes dans ses terres patrimoniales : en 1599, l’édit de Fontainebleau rétablit
la religion catholique dans les terres patrimoniales du roi, restées exclusivement
calvinistes depuis la conversion de Jeanne d’Albret au début des années 1560.
Le débat historiographique a longtemps porté sur le scellement de cet édit : le
sceau, à l’état fragmentaire aujourd’hui, apparaît de couleur jaune/brune. Selon
l’usage de la chancellerie royale, seuls les actes scellés de cire verte avaient une
valeur perpétuelle, ceux de cire jaune désignant une validité temporaire. Les
historiens ont pu interpréter l’édit comme une mesure de circonstance. Mais les
analyses récentes ont montré que les pigments entrant dans la composition du sceau
ont viré, avec le temps, d’un vert, plus ou moins franc, au brun. L’intention d’Henri
IV était donc bien d’affirmer une décision irrévocable.
Commentaire
L’édit est connu de tous, des extraits figurent systématiquement dans les manuels
scolaires, mais les transcriptions sont souvent approximatives. La forme du
document original est, elle, souvent méconnue. Pourtant, tout autant que le contenu,
Suggestion d’utilisation avec les élèves
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elle est essentielle pour mesurer l’importance d’un édit fondateur. La démarche
proposée, s’appuyant sur la reproduction intégrale de l’édit, permet aux élèves de
se poser les questions sur la nature du document (registre parchemin comportant
plusieurs feuillets manuscrits), des modes de validation (sceau de cire sur lacs de
soie, signatures du roi et de son secrétaire d’État), de son lieu de conservation (le
trésor des Chartes puis, à partir de la Révolution, les Archives nationales).
Le préambule, les articles II et III (folio 2 r°), ainsi que l’article VI (folio 2 v°), sont
particulièrement accessibles aux élèves. On peut tenter un travail de transcription de
toute ou partie de ces extraits. Leur lecture montre que le roi permet le retour de
la paix dans le royaume, qu’il rétablit le culte catholique dans les régions où il était
menacé et que les protestants peuvent pratiquer librement leur culte, certes d’une
manière encore limitée et contrôlée. On peut interroger les élèves sur l’usage de
l’expression « Religion Prétendue Réformée » (Art. VI, reproduit ici).
À l’issue du travail, les élèves peuvent expliquer comment l’édit de Nantes marque
l’« autonomisation » du politique par rapport au religieux. Il dissocie le « croyant »
du « sujet » du roi de France.
Henry, par la grâce de Dieu roy de France et de Navarre, à tous présens et advenir
salut. Entre les grâces infinies qu’il a pleu à Dieu nous départir, celle est bien
des plus insignes et remarquables de nous avoir donné la vertu et la force de ne
cédder aux effroyables troubles, confusions et désordres, qui se trouvèrent à nostre
avènement à ce royaume qui estoit divisé en tant de partz et de factions, que la plus
légitime en estoy quasy la moindre, et nous estres néanmoings tellement roydiz
contre cette tourmente que nous l’ayons enfin surmontée, et touchions maintenant
le port de salut et repos de cet estat (…)
II. Deffendons à tous noz subjectz (…) d’en renouveler la mémoire, s’attaquer,
ressentir, injurier ny provocquer l’un l’autre par reproche de ce qui s’est passé, pour
quelque cause et pretexte que ce soit, en disputer, contester, quereller ny s’oultrager
ou s’offencer de faict ou de parolle, mais se contenir et vivre paisibliment ensemble
comme freres, amys et concitoyens, sur peine aux contrevenans d’estre punis
comme infracteurs de paix et perturbateurs du repos public.
III. Ordonnons que la Religion catholique, appostolique et romaine sera remise
et restablie en tous les lieux et endroictz de (…) nostre royaume (…) pour y estre
Transcription du préambule et de trois articles de l’édit de Nantes
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paisiblement et librement exercée sans aucun trouble ou empeschement (…) ; et
que tous ceulx qui durant les troubles se sont emparez des eglises, maisons, biens
et revenuz appartenans ausdits eclesiastiques, et qui les detiennent et occupent,
leur en delaissent l’entiere possession et paisible jouissance (…).
VI. Et pour ne laisser aucune occasion de troubles et differendz entre noz subjectz,
avons permis et permettons à ceulx de ladite Religion pretendue reformée vivre et
demourer par toutes les villes et lieux de (…) nostre royaume et pays de nostre
obeïssance sans estre enquis, vexez, molestez ny adstrainctz à faire chose pour le
faict de la religion contre leur conscience, ne pour raison d’icelle estre recherchez ez
maisons et lieux où ilz voudront habiter, en se comportans au reste selon qu’il est
contenu en nostre present eedit.