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Copyrights 2012_www.domuni.eu Lectio Divina lecture chrétienne de la Bible Lc 24,45 « Alors il leur ouvrit l’intelligence pour comprendre les Ecritures » Fr. Michel Van Aerde

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    Lectio Divina lecture chrtienne

    de la Bible Lc 24,45

    Alors il leur ouvrit lintelligence pour comprendre les Ecritures

    Fr. Michel Van Aerde

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    Plan de la Confrence

    I. Introduction ....................................................................................................................................... 3

    1. Lintelligence des Ecritures est un don qui se cultive en apprenant.................................................. 3 2. Les commentaires du Christ lui-mme dans les Evangiles ............................................................... 3

    a. La parabole du Semeur (Mt. 13) ............................................................................................... 3 b. L'histoire de Jonas (Mt 16 ; 1-4 ; Mc 8, 11-13 ; Lc 11, 16. 29-32) ............................................... 3

    3. A lcole de saint Paul dans ses ptres .......................................................................................... 4 4. Un exemple de lecture chrtienne de lAncien Testament ............................................................... 5

    Homlie dOrigne sur le livre de Josu (5,13) .............................................................................. 5 Rahab et Jricho, symboles de lEglise et du monde ................................................................ 5

    II. Quatre sens ! ..................................................................................................................................... 6

    Exemple : La brebis perdue. Mt 18, 12 ; Luc 15, 4-7 ............................................................................ 6 1. Le sens littral ......................................................................................................................... 6 2. Le sens spirituel ....................................................................................................................... 6 3. Le sens eschatologique ............................................................................................................ 7 4. Le sens moral........................................................................................................................... 7 5. Sens nouveaux ? ...................................................................................................................... 8

    III. Autres exemples ............................................................................................................................... 9

    Conclusion ...................................................................................................................................... 10

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    I. Introduction

    Il y a une lecture juive de ce que les chrtiens appellent l'Ancien Testament, y a-t-il une lecture chrtienne de la Bible ? Cette question trouve rponse dans le Nouveau Testament lui-mme. Au chapitre 24 de Luc, Jsus accompagne vers Emmas deux disciples dsempars et il prend le temps de leur expliquer, dans les Ecritures tout ce qui le concernait . Il y a deux parties dans l'intervention du Christ: une partie de reproches trs durs : Esprits sans intelligence, curs lents croire tout ce qu'ont annonc les prophtes et une partie d'explications.

    Pour lire avec l'Esprit de l'auteur, l'auteur qui est l'Esprit de Dieu, nous avons plusieurs moyens notre disposition :

    1. Lintelligence des Ecritures est un don qui se cultive en apprenant

    On trouve au verset 45 du chapitre 24 de Saint Luc : Alors, il leur ouvrit l'esprit l'Intelligence des critures et dans un texte parallle de Jean, il nous est dit que Jsus souffla sur eux (Jn 20,22)

    Cela signifie que le chrtien doit tre capable de lire les Ecritures la lumire du mystre pascal, comme le fit Jsus avec les disciples d'Emmas, comme le fit le diacre Philippe avec l'Ethiopien, en lui expliquant le passage d'Isae 53 o il est question d'un Serviteur souffrant, et comme le fit saint Paul dans ses ptres.

    2. Les commentaires du Christ lui-mme dans les Evangiles

    Frquemment Jsus se rfre l'Ancien Testament, et la communaut primitive qui rdige l'Evangile nous communique son tour le rsultat de sa mditation. Choisissons deux exemples :

    a. La parabole du Semeur (Mt. 13)

    C'est un thme amplement dvelopp dans l'A.T. (Isae), o le Messie reoit aussi le titre de germe .

    Jsus emploie ce thme dans une parabole.

    l'explication, comme une prdication, suit immdiatement la parabole. Dans le cas de la parabole du semeur, le travail est tout fait. En deux mots, Jsus montre que la semence est la Parole de Dieu, et que les terres reprsentent ceux qui l'coutent.

    b. L'histoire de Jonas (Mt 16 ; 1-4 ; Mc 8, 11-13 ; Lc 11, 16. 29-32)

    C'est plus compliqu mais il est trs intressant de suivre, travers les diffrentes versions de l'Evangile, l'volution de la mditation.

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    En Matthieu (16), il n'y a qu'un seul verset : Cette gnration est mauvaise et adultre, elle demande un signe, mais elle n'en aura pas d'autre que le signe de Jonas. Il les laissa l, et partit. Rien de plus !

    En Marc, c'est encore plus court : Pourquoi cette gnration demande un signe ? En vrit, il ne leur en sera donn aucun. Il les laissa...

    De fait, les habitants de Ninive auxquels Jonas a t envoy, n'ont vu aucun signe. Et pourtant, ils se sont convertis, sur la parole de Jonas. Cela veut dite que la parole suffit, mme sans aucun signe. Le peuple de Ninive s'est converti sans qu'aucun miracle, venant de Jonas, ne soit ncessaire. Il s'est converti en reconnaissant l'autorit de la vrit. Il a compris que la parole du prophte tait juste et vraie, il a fait pnitence et chang sa faon de vivre.

    En Luc, la mditation va plus loin. Nous sommes ici dans la perspective de `l'aprs Rsurrection'. C'est en quelque sorte, le Christ qui nous parle ici. Comme Jonas fut un signe pour les ninivites, ainsi, le Fils de l'Homme le sera pour cette gnration . (Lc 11,16).

    L'explication complte nous est donne en Matthieu 12,40 : De mme que Jonas fut trois jours et trois nuits dans le ventre de la baleine, ainsi le Fils de l'Homme sera trois jours et trois nuits dans le sein de la terre . Ici, le signe est la mort-rsurrection du Christ.

    Mais la mditation continue et s'approfondit : Pour cette gnration de Juifs, le signe dont il s'agit, c'est la conversion des paens, des paens qui deviennent chrtiens. Les habitants de Ninive au jour du jugement se lveront contre cette gnration et la condamneront parce qu'ils firent pnitence grce la prdication de Jonas .

    Les commentateurs juifs se posent aussi la question de larbre, cet arbre qui protge le juif ltranger et qui prend sur lui la mort Il porte un nom qui est un hapax, cest dire qui nintervient quune seule fois dans la Bible. Cest un arbre

    pour le moins singulier ! Qui est cet arbre mort sur la colline qui domine la ville ? Il est clair que pour

    les chrtiens il est figure de la croix du Christ. Tout ceci est un peu compliqu, reconnaissons-le, le rcit de Jonas n'est pas le

    plus facile. Mais Jsus, dans l'Evangile, fait de nombreuses allusions l'A.T, qui nous introduisent dans sa manire trs libre de l'interprter en fonction de ses propres questions.

    3. A lcole de saint Paul dans ses ptres

    Les ptres sont remplies de rfrences l'A.T. qui sont l'occasion de relectures gniales.

    Un exemple entre autres : le magnifique passage de l'Eptre aux Romains o Paul nous parle du Christ comme le second Adam (Rm 5,12). Ici tout est l'envers. Le premier Adam est arriv avant, mais il n'est que la copie de celui qui vient aprs. Il est une copie l'envers. De faon que pour le comprendre, il faut connatre celui qui vient aprs, et qui est l'endroit (on ne peut comprendre un livre crit

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    l'envers, que lorsque l'on sait comment il est crit l'endroit). La lecture chrtienne du premier Testament se fait donc la lumire du Nouveau. La mort-rsurrection du Christ est comme un phare qui illumine ce qui prcde.

    Jsus est la rvlation en personne. C'est lui qui dvoile ce qu'il y avait avant lui, en sorte que c'est la lumire de sa prsence que l'on comprend tout.

    Pour le dire autrement, considrons un roman policier. Si le livre est bon, ce n'est qu' la fin, en dcouvrant l'assassin, que l'on comprend soudainement l'ensemble de l'histoire. Tout s'claire et se met en place, chaque lment trouvant sa raison d'tre et son intelligibilit. Dans la Bible, c'est analogue, mis part qu'au lieu d'un assassin, il s'agit d'un innocent !

    Rcapitulons les moyens notre disposition pour lire la Bible dans une intelligence chrtienne, dans l'Esprit de son Auteur :

    1. L'intelligence des Ecritures, un don du Christ qui se cultive et s'apprend. 2. L'cole du Christ lui-mme, dans les Evangiles. 3. L'cole de Saint Paul dans ses Eptres. 4. L'cole des pres de l'Eglise, les premiers successeurs des aptres et ensuite

    toute la Tradition. Les Pres de l'Eglise sont des matres de finesse pour goter l'Ecriture et se

    dlecter de la Parole de Dieu. Dans cet exercice Origne est un expert. Voici, par exemple, la mditation quil propose de lpisode de la prise de Jricho.

    4. Un exemple de lecture chrtienne de lAncien Testament

    Homlie dOrigne sur le livre de Josu (5,13)

    Rahab et Jricho, symboles de lEglise et du monde

    On assige Jricho, et il faut la prendre dassaut. Quels vont tre les moyens de lattaque ? On ne tire pas lpe, on ne dresse pas la machine de guerre, on ne brandit pas les javelots contre elle. Seules sont utilises les trompettes des prtres, et elles font scrouler les murs de Jricho.

    Dans lEcriture nous rencontrons souvent Jricho comme la figure de ce monde. Par exemple lorsque lEvangile nous dit : Un homme descendait de Jrusalem Jricho et il tomba sur des bandits . Cet homme est videmment la figure dAdam, chass du paradis et exil dans ce monde. Quant aux aveugles de Jricho, que Jsus vient trouver pour leur rendre la vue, ils reprsentent les hommes de ce monde, accabls par la ccit de lignorance, et pour qui le Fils de

    Dieu est venu.

    Or cette ville de Jricho, cest dire notre monde, doit seffondrer. Car, depuis longtemps, les livres saints ont annonc la fin du monde. Or, comment donc finira-t-il ? De quelle manire ? Par le son des trompettes, dit lEcriture. De quelles trompettes ? Demandons saint Paul de nous dvoiler ce secret ; coutez ses propres paroles : Elle sonnera, la trompette, et ceux qui sont morts dans le Christ ressusciteront, imprissables . Et encore Sur lordre de Dieu, la voix de larchange, au son de la trompette, le Seigneur descendra du ciel . Cest alors quau

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    son de la trompette notre Seigneur Jsus (Josu) triomphera de Jricho, et sa victoire sera si accablante que seule la courtisane avec toute sa maison sera sauve. Il viendra donc, Jsus notre Seigneur, et il viendra au son des trompettes.

    Que le Seigneur la sauve, elle seule qui accueillit ses claireurs, cest dire qui reut ses Aptres avec foi et soumission, et les installa dans le haut de sa maison ; quil joigne et unisse cette courtisane la maison dIsral. Mais cessons de rappeler

    ses anciennes fautes et de lui en tenir rigueur. Elle a t courtisane autrefois, maintenant elle a t unie au Christ comme une vierge chaste son unique poux. Ecoutez comment lAptre parle delle : Je vous ai fait rencontrer le seul Epoux : vous tes lpouse chaste que jai unie au Christ . Il en venait, celui-l mme qui disait : Nous tions autrefois, nous aussi, insenss, incroyants, gars, esclaves de toutes sortes de convoitises et de jouissances .

    Faut-il de plus longs commentaires pour vous expliquer comment la courtisane nest plus une courtisane ? Ecoutez encore saint Paul : Vous avez t tout cela ; mais vous avez t lavs, mais vous avez t sanctifis au nom de Jsus Christ notre Seigneur et dans lEsprit de notre Dieu.

    Pour quelle chappt, en effet, la ruine de Jricho, elle reut des claireurs le signe trs puissant du salut, le fil dcarlate. Car cest par le sang du Christ que lEglise universelle est sauve, en Jsus-Christ notre Seigneur, qui appartiennent la gloire et la puissance pour les sicles des sicles. Amen

    Pour prsenter trs brivement le type de lecture des pres de lEglise, prsentons un exemple et, ensuite, exposons leur mthode.

    II. Quatre sens !

    Exemple : La brebis perdue. Mt 18, 12 ; Luc 15, 4-7

    1. Le sens littral

    Cela se prsente comme une histoire de bergers. Une brebis est perdue. On ne dit pas ni o ni quand, et, dans le commentaire, on peut s'amuser donner toutes sortes d'explications sur les bergers en Palestine au temps de Jsus. On peut argumenter pour savoir si les brebis se perdaient souvent, s'il y avait beaucoup de bosquets ou de ravins, si les brebis taient lourdes porter... Mais les prdicateurs qui en restent ce niveau de lecture l risquent d'ennuyer ! Il y a d'autres interprtations plus intressantes.

    2. Le sens spirituel

    Cette histoire peut tre entendue un deuxime niveau. Celui-ci est quelquefois dj donn dans l'Evangile, dans la parabole du semeur par exemple: qui est le semeur, qu'est-ce que la semence et que signifie la moisson ? Nous pouvons procder au mme type d'interrogation : qui est le berger ? Qui est la brebis ? Que signifie le bercail ? Dj Jsus nous souffle une rponse, je cite la fin : ainsi votre Pre des cieux ne veut qu'aucun de ces petits ne se perde !

    Comment les Pres de l'Eglise ont-ils lu ?

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    - Pour eux, bien sr, le berger, c'est le Christ. - Mais la brebis perdue ? S'agirait-il de X, Y ou Z ? Une personne prcise en

    tat de perdition ? Non ! Il ne s'agit pas d'abord d'une personne individuelle, la brebis perdue, pour les Pres de l'Eglise, c'est d'abord l'humanit entire. Oui ! L'humanit dans sa globalit, l'humanit comme un tout. On pourrait dire l'humanit comme un seul homme !

    Cette faon d'entendre peut surprendre. Il faut s'y familiariser, c'est comme un coup prendre . Il s'agit d'embrasser l'histoire entire, avec le cosmos tout entier. Saint Grgoire de Nysse est lyrique: Une brebis s'est perdue lorsque par le pch, l'homme a quitt les pturages de la vie. Saint Cyrille aussi: une brebis s'est perdue, savoir le genre humain qui habite la terre !

    - Mais les 99 autres, qui sont-elles, si la brebis perdue est, elle seule, toute l'humanit ?

    La rponse surprend parce que nous sommes des modernes (et comme disait Malraux, L'poque moderne commence quand l'homme cesse de s'interroger sur les anges ). Je cite saint Grgoire de Nysse : Les 99, ce sont les anges dans le ciel. Or l'homme quitta le ciel quand il pcha et, afin que le nombre des brebis ft rtabli tout entier dans le ciel, il fallait chercher sur la terre l'homme qui tait perdu .

    Que fait le berger ? Il la prend sur ses paules : Qui ? L'humanit ! Qu'est-ce que cela veut dire ? L'incarnation ! On voit qu'il s'agit ici d'une lecture thologique. Saint Grgoire de Nysse est clair: Il mit la brebis sur ses paules parce qu'en prenant la nature humaine il a port nos pchs . Une parabole est parfois un cours complet de thologie !

    Mais il y a encore un troisime niveau de lecture.

    3. Le sens eschatologique

    Le mme saint Grgoire continue, dans la mme phrase : en prenant la nature humaine, le Christ a port nos pchs. Aprs avoir trouv la brebis, il retourne dans la maison parce qu'aprs avoir rachet l'homme, notre pasteur retourne dans le royaume cleste ; d'o il suit : `tant retourn dans sa maison, il appelle ses amis et ses voisins, et leur dit : Rjouissez vous avec moi, parce que j'ai retrouv ma brebis qui tait perdue'. Il appelle amis et voisins les churs des

    anges ; ils sont ses amis parce qu'ils font sans cesse et immuablement sa volont ; Ils sont aussi ses voisins, parce qu'tant toujours auprs de lui, ils jouissent de l'clat de sa venue .

    Ce niveau de lecture que l'on appelle le sens eschatologique, c'est une vise

    vers la fin de l'histoire, vers la fin du monde. Ici, l'on comprend qu'il s'agit d'une

    fte. Toute la cration, visible et invisible, se rjouit du retour de la brebis perdue,

    et la brebis, c'est toute l'humanit !

    Passons au quatrime niveau ou quatrime sens.

    4. Le sens moral

    Ce quatrime sens, on l'appelle le sens moral mais cela n'a rien voir avec la morale, le bien ou le mal...On l'appelle le sens moral parce qu'il s'intresse ma

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    situation moi dans cette histoire, ma situation personnelle. Ce sens-l, on ne l'oublie jamais. Il s'agit de moi et ce petit moi, on ne l'oublie jamais ! Dans les partages d'Evangile, quand on dit : et moi, dans tout a ? , sans le savoir, comme M. Jourdain fait de la prose, on entre dans le sens moral. Eh bien, cette brebis perdue, c'est qui ? C'est moi !

    Question : Pourquoi avoir plac ce sens moral en dernier, alors que c'est le premier auquel on pense ?

    Parce que moi , je ne suis pas tout seul ! Je ne serai pas sauv tout seul. Le Christ ne s'est pas drang pour moi tout seul...

    Et cet ordre change beaucoup de choses. Je suis rejoint avec d'autres, parmi les autres, dans un peuple, avec une organisation, une institution... Il y a des mdiations. Il y a une histoire, et il s'agit de toute l'humanit... Si je suis rejoint par le Christ, c'est par l'incarnation et tout ce que le Christ a port, c'est aussi par le biais de l'Eglise et de toute la grande Tradition ! Il serait regrettable de l'oublier.

    L'Evangile prend ainsi une tout autre saveur, la musique laisse entendre des harmoniques... et l'on ne peut pas ajouter n'importe quel sens de plus, ni faire dire au texte n'importe quoi.

    5. Sens nouveaux ?

    Une question se pose : est-il possible d'inventer des sens nouveaux ? On peut toujours essayer. Par exemple : Cana. Ils n'ont plus de vin . Quand

    il y eut la pnurie mondiale d'essence, dans les annes 76, un prcheur commena son homlie par : Ils n'ont plus de ptrole . Il avait fait une transposition.

    Aprs l'abondance, la fte se termine, survient une crise nergtique, une crise conomique. Il faut trouver de nouvelles formes d'nergie. Pour cela, il faut changer, suivre une autre logique. La vritable abondance, se trouve dans la compassion, la mise en commun et l'amiti...

    Les quatre sens principaux des Ecritures sont harmoniss entre eux, comme les quatre voix d'une sonate, ou d'un chur. Il y a les sopranos, les altos, les tnors, et les basses : Ils chantent ensemble des mlodies diffrentes, mais tout est harmonis. On peut mettre une cinquime voix, mais c'est plus difficile. Il faut trs bien connatre l'harmonie... Il en est de mme avec les Ecritures. Il est essentiel de connatre les quatre voix fondamentales.

    Deux observations : - de mme qu'il n'y a pas toujours quatre voix dans un chant puisqu'il il a

    parfois des passages de soliste, on peut, en certains passages, ne pas trouver les quatre sens fondamentaux.

    - lorsque les quatre voix sont prsentes, il est tout fait regrettable de ne faire entendre que deux d'entre elles et toujours les mmes. Les sermons se prsentent trop souvent avec un sens littral hypertrophi et un sens moral dsquilibr. Les deux autres sens manquent. Il faut essayer de voir si le prcheur prche bien en polyphonie.

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    III. Autres exemples

    Le commentaire de la parabole de la Brebis perdue est facile. La parabole suivant lui ressemble, celle de la Pice de monnaie perdue . il peut tre dun trs bon exercice dessayer de la commenter

    Est-ce que la pice de monnaie gare, reprsente encore toute lhumanit ? Oui ! Ici encore, parce que sur la pice, il y a un visage, un visage humain. Et ce qui est perdu, cest ce visage.

    Or ce visage est limage et ressemblance de Dieu. La femme qui cherche, en laquelle se profile la Sagesse de Dieu, recherche limage royale, limage et ressemblance quil y avait sur la drachme Grgoire de Nysse :

    Cette femme allume sa lampe, parce que la Sagesse de Dieu a brill dans lhumanit et, dit le texte de lEvangile, elle bouleverse toute la maison : aussitt que la divinit eut paru dans la chair, notre conscience fut toute bouleverse . On dit aussi quelle balaie : elle nettoie, pour retrouver limage du crateur dans lhomme dfigur.

    Il est bon de percevoir le contenu thologique profond de ces simples paraboles ;

    Dernier exemple, plus difficile cette fois : La marche de Jsus sur la mer (Mt 14, 22-23 ; Mc, 6, 45-52 ; Jn 6, 16-21). Les aptres sont dans la barque, ils rament contre-courant. Ils aperoivent le Christ, marchant leur ct sur les eaux. Ils lappellent et quand il monte bord, cela produit deux effets : le vent tombe et le bateau touche terre aussitt ! Nest-ce pas curieux ?

    Tout dabord quest-ce que cette barque qui avance coups de gaffes toujours contre-courant, toujours menace de sombrer mais jamais submerge ?

    Cette barque o se trouvent les aptres, cest lEglise de Jsus-Christ, bien entendu ! Elle est affronte aux courants contradictoires, aux flux et reflux de lhistoire. Elle subit les assauts des vagues du temps. Celui qui marche aux cts de lEglise et que lon peut reconnatre avec les yeux de la foi, cest le Christ ressuscit, bien sr ! Il est avec nous, sans tre comme nous, sans vivre le mme rapport aux lments, aux lois physiques de ce temps.

    On comprend donc que lorsque le Christ rejoint la barque, ou plutt que la barque rejoint le Christ, alors le vent tombe et lon touche terre : on est arriv ! Cest laboutissement.

    Cest le point culminant de lhistoire humaine, et donc aussi de lhistoire de

    lEglise : on entre dans une re de grand calme et de paix. Tout est accompli. Cest ici le quatrime sens, le sens eschatologique. Dans la barque, Christ nous accompagne. Nous pouvons lui parler par loraison. Il nest pas loin de nous. Nous voyons bien quil ne sagit pas ici dune histoire passe, termine. LEvangile ne nous conte pas un pisode dil y a 2000 ans, il vaudrait mieux lire autre chose !

    Cest le point culminant de lhistoire humaine, et donc aussi de lhistoire de lEglise : lEvangile nous parle de notre vie et du Christ vivant aujourdhui, lui, le Seigneur des vivants et des morts, qui conduit tout son accomplissement.

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    Conclusion

    Si l'on s'inscrit dans la grande Tradition, et si l'on a l'humilit d'accepter de ne pas tre le premier ni le seul mettre le nez dans l'Ecriture, alors, il faut bien reconnatre que, mme si l'Ecriture a plusieurs sens, on ne peut pas lui faire dire n'importe quoi.

    - Il y a un sens, une direction, que nous indique l'Esprit Saint, lui, l'auteur unique, l'inspirateur, qui nous communique dans le baptme et toute l'initiation catchumnale, l'intelligence de l'Ecriture .

    - Il y a aussi la mditation des Pres de l'Eglise, qui nous aide entendre des harmoniques spirituelles et thologiques qui nous chappent souvent mais qui sont d'une vitale ncessit si nous voulons affronter sereinement les questions de l'exgse moderne ou tout simplement les questions des enfants, face certains passages de l'Evangile invraisemblables ou obscurs.

    Nous retrouvons ici les appels du Concile Vatican II qui invite, entre autres, percevoir les diffrents genres littraires de la Bible (Lumen Gentium n 12). Est inspir ce que l'auteur a voulu dire et non pas les mots ou images qu'il emploie pour s'exprimer.

    Encore faut-il avoir un bon instrument de travail, qui prsente des introductions avant chaque livre, des notes en bas de pages, des rfrences marginales et la fin une table alphabtique des notes les plus importantes. A l'aide de cette table des notes on peut naviguer dans la Bible comme dans un univers connu et organiquement unifi. Exemple : s'il s'agit de prparer une runion sur un sujet comme le Baptme, on peut aller voir la table finale les renvois multiples des passages traitant de ce sujet. De l on est orient par des notes qui renvoient ailleurs, etc..... etc.... Et quand on lit une parabole, les rfrences marginales indiquent immdiatement s'il y a une citation ou une allusion un autre passage biblique. Ainsi la Bible apparat comme un seul livre o tout se tient.

    Lire la Bible, cela s'apprend

    Il faut y tre initi. C'est un peu comme s'il s'agissait de regarder un album de photos de famille. Comment savoir que ce nourrisson, entre les bras d'une jeune femme, c'est vous... et que l, c'est le vieil oncle Albert si personne ne me le dit ? Lire la Bible en chrtien, cela s'apprend dans le peuple des croyants, en se mettant l'cole de l'Eglise travers ses grands contemplatifs, ses grands mditants, ses grands thologiens.

    Qui est ma mre, qui sont mes frres ? Ceux qui coutent la Parole de Dieu et qui la gardent !

    Edition et mise en page : www.domuni.eu