le patrimoine industriel textile à vol d’oiseau · étude comparative établie par la section...

25
1 LE PATRIMOINE INDUSTRIEL TEXTILE À VOL D’OISEAU

Upload: others

Post on 16-Mar-2020

1 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: LE PATRIMOINE INDUSTRIEL TEXTILE à VOL D’OISEAU · étude comparative établie par la section textile du TICCIH (The International Committee for the Conservation of the Industrial

9

1LE PATRIMOINE INDUSTRIEL TEXTILE à VOL D’OISEAU

Page 2: LE PATRIMOINE INDUSTRIEL TEXTILE à VOL D’OISEAU · étude comparative établie par la section textile du TICCIH (The International Committee for the Conservation of the Industrial

L’ancienne usine Rossi, à Schio (Vénétie) dans l’attente d’une réhabilitation, cliché GDF 2001.

Page 3: LE PATRIMOINE INDUSTRIEL TEXTILE à VOL D’OISEAU · étude comparative établie par la section textile du TICCIH (The International Committee for the Conservation of the Industrial

11

La liste des sites textiles connus d’importance internationale est issue d’une étude comparative établie par la section textile du TICCIH (The International Committee for the Conservation of the Industrial Heritage). On a délibéré sur ce texte aux réunions de la section à Londres (2000), Barcelone (2001), Euskirchen (2003) et à Sedan (2007) 1.Le site TICCIH a mis en ligne le projet de liste. L’auteur a présenté le texte à la conférence de l’AIA (Association for Industrial Archaeology) à Edimbourg (2002), puis à la SIA (Society for Industrial Archeology) à Providence, États-Unis, en 2004, et au colloque de TICCIH à Terni (2006).Cette analyse vise à fournir un cadre de recherche et une méthodologie géné-rale pour comprendre et comparer les sites textiles. Une version de la première partie de l’étude a été publiée dans Patrimoine de l’ industrie, no 11, 2004. C’est la seconde partie qui figure ici : l’inventaire des sites mis à jour, compte tenu des réactions de la section textile du TICCIH.Peut-on encore l’enrichir ? On peut ajouter des illustrations et des études de cas 2. Des chapitres peuvent traiter de thèmes comme ceux des industries artisanales (dans les mondes en voie de développement en particulier), des transferts de technologie ou de la valeur sociale des sites textiles. Si l’on peut choisir un nombre bien plus restreint de sites emblématiques des valeurs du patrimoine mondial, sommes-nous sûrs que la vue d’ensemble est vraiment mondiale, et qu’elle ne reflète pas seulement le point de vue de l’Europe occi-dentale ? On n’y parviendra qu’au prix d’un regroupement et de recherches plus

1Pour une liste du patrimoine textile mondialMark WATSON, Historic Scotland

1. En 2001, on désigna un comité qui comprenait le professeur Claudio Zanier, Detlef Stender, Artur Zbiegieni, Carin Reinders, Dr Gracia Dorel‐Ferré (aujourd’hui secrétaire), Dr Keith Falconer, Dr José Manuel Lopes Cordeiro, Olga Deligianni‐Traganou, Mark Watson et James Douet. On a reçu les commentaires utiles d’Adriana Eckert Miranda (Brésil), Sarah Jane Brazil et Cameron Hartnell (Australie), Gracia Dorel-Ferré, Sophia Labadi, Guy Scherrer, Geneviève Dufresne (France), Bartosz Walczak (Pologne), Jose Manuel Lopez Cordeiro (Portugal), Michaela Ryskova (Tchéquie), Garry Miley (Irlande), Michaël Mende (†), Detlef Stender et Eckhard Bolenz (Allemagne). sLe texte reste à l’état de document de travail. Des propositions d’ajouts et de changements seront les bienvenues. Les envoyer à [email protected].

2. Une recherche est actuellement en cours, à Padoue, avec la création d’une page web sur les villages de l’industrie. Voir en ligne : www.companytown.net et http://companytown.storia.unipd.it/. Indispensable aussi aux lecteurs polonais : WALCZAK B. M., « Zespoły fabryczno‐mieszkalne w europejskim przemyśle włókienniczym w latach 1771‐1914. Geneza‐Rozwój‐Typologia », Politechnika Lodzka, Rozprawy Naukowe, no 402, Łódź, 2010, Zeszyty Naukowe.

Traduction : Denis McKee

Page 4: LE PATRIMOINE INDUSTRIEL TEXTILE à VOL D’OISEAU · étude comparative établie par la section textile du TICCIH (The International Committee for the Conservation of the Industrial

12

approfondies. Telle quelle, voici comment se présente la liste, avec toutes ses

imperfections.

Les pionniersLes sites textiles industriels n’ont pas de vrai précédent. Ce seraient Caraglio,

en Italie (soie) ; Cromford, Royaume-Uni (première filature de coton, 1772) ;

Dithering, Shrewsbury, Royaume-Uni : le premier bâtiment à structure en fer,

une filature de lin de 1797, avec des ajouts de 1805 et 1812 qui sont aussi à

structure métallique. Érigée pour Benyon, Marshall et Bage, elle est tributaire

des usines de la vallée de la Derwent 3 en contribuant à leur évolution.

Les « porte-drapeaux »Ce sont des ensembles architecturaux exceptionnels sinon innovateurs. Un très

petit nombre d’entre eux pourraient satisfaire au critère de l’UNESCO « représen-

tant un chef-d’œuvre du génie créateur humain », mais la plupart s’en approchent.

• Le Dijonval, Sedan (draperie fine), à partir de 1646. Comporte un fronton

central datant de 1755. Une manufacture royale sauvée de l’abandon par une

restauration en cours.

• Les Gobelins, Paris, France (manufacture royale de tapis), de 1662 à nos jours,

quelques bâtiments sont postérieurs à l’incendie de 1871 (la Commune).

Fig. 1. Le Dijonval, Sedan, France, 1646-1755, une manufacture royale de draps (cliché Mark Watson).

3. Patrimoine mondial de l’humanité (PMH, dorénavant, dans le texte).

Page 5: LE PATRIMOINE INDUSTRIEL TEXTILE à VOL D’OISEAU · étude comparative établie par la section textile du TICCIH (The International Committee for the Conservation of the Industrial

13

• La Foudre, Rouen, France (lin), 1846. Construction ignifuge Fairbairn, filature au mouillé Girard.

• Myslakowice, Basse-Silésie, Pologne (lin) 4, 1844. La filature Orzel comporte un système de fonte ornée, consécutif à une visite d’étude de K. F. Schinkel au Royaume-Uni pour le compte des manufactures royales de Prusse. Mais le procédé d’arches multiples a été poussé plus loin qu’au Royaume-Uni. La filature a fermé en 2009.

• Ravensberger Spinnerei, Bielefeld, Allemagne (lin), 1854-1857, dans le style d’un château et sauvé de la démolition par une initiative citoyenne dans les années 1970 5.

• Vereinigte Seidenwebereien AG, HE-Bau, Färberei, Krefeld, Rhénanie-du-Nord – Westphalie, Allemagne. Mouvement d’architecture moderne de Mies Van der Rohe, années 1930.

• Casaramona, Barcelone, Espagne (coton), de Puigi Cadalfach, style « neufcen-tiste ».

• Vapor Americh, Amat y Jover, Terrassa, Espagne (laine), voûtes catalanes art nouveau, aujourd’hui musée des Sciences et des Techniques de Catalogne (MNACTEC).

• Filatures de Manningham, Bradford, Royaume-Uni (velours). Cheminée cam-panile de style italien et deux grands ensembles (entrepôt et filature) avec sheds et parc Lister.

Fig. 2. Intérieur du Vapor Aymerich, Amat i Jover, Terrassa (cliché GDF 2007).

5. STENDER D., Patrimoine de l’industrie, no 11, 2004, p. 61‐63.

4. GERBER P., IAR, XIII 2, printemps 1991.

Page 6: LE PATRIMOINE INDUSTRIEL TEXTILE à VOL D’OISEAU · étude comparative établie par la section textile du TICCIH (The International Committee for the Conservation of the Industrial

14

• Saltaire, Bradford (laine peignée, alpaga), 1853, PMH. Usine intégrée (filature et tissage) de style italianisant avec cité ouvrière paternaliste.

• Templetons, Glasgow, Royaume-Uni (tapis), 1889, de W. Leiper, ayant comme modèle le palais des Doges à Venise, mais coloré comme un tapis Axminster.

• Usine Camperdown, Dundee, Royaume-Uni (jute), 1850-1868, de G. Cox. Cheminée campanile de style italien, filature en hauteur et sheds disposés le long de rues à l’intérieur de l’usine.

• New Lanark, Écosse, Royaume-Uni (coton), 1785, PMH. Cité ouvrière pater-naliste avec habitations, bâtiments publics et trois filatures.

• Filature Masson, Royaume-Uni (coton), 1783, PMH. La pièce maîtresse des filatures d’Arkwright, comportant beffroi et fenêtres à la vénitienne.

• Marshall, Leeds, Royaume-Uni (lin), 1806-1842. Filatures faites de briques en plan en U. Filature voûtée à un étage s’inspirant du temple d’Horus à Edfou en Égypte. L’usine de construction mécanique Matthew Murray se trouve de l’autre côté et associée de près pour la fourniture de machines et de mou-lages à Marshall. Toute proche, l’usine Tower Pin avec tours en campaniles italiens 6.

• Usine de Stanley, Gloucestershire, Royaume-Uni (laine), 1813. À l’épreuve du feu avec colonnes à remplage en Y.

Les « géants »La taille est l’un des aspects de l’importance d’un site textile qui impressionne les visiteurs. Prendre comme unité de mesure la main-d’œuvre risque de favo-riser les usines aux techniques les moins avancées. Sont tout aussi variables les mesures reposant sur le nombre de broches, qui augmente en fonction des filés à numéro fin : une filature de Bolton peut comporter plus de broches qu’une de taille identique à Oldham, laquelle, à son tour, en aurait davantage qu’une filature de laine ou de jute.• La plus grande dans le monde en 1800 : Belper, qui rivalise avec New Lanark,

Royaume-Uni (coton).• La plus grande dans le monde en 1912 : Amoskeag (Manchester, New Hamp-

shire, États-Unis) avec quinze mille employés (coton).• La plus grande en Europe en 1910 : Kreenholm, Narva, Estonie, 458 380 broches,

2 500 métiers en 1901 (coton) ou Scheibler, Łódź, Pologne, 11 000 employés (co-ton). Żyrardów, Pologne, 9 000 employés (lin). Dean Clough, Halifax, Royaume-Uni, 5 000 employés (tapis en laine).

Les interactions internationales (critère II de l’UNESCO)Une interaction importante de valeurs humaines pourrait revêtir une importance universelle dans une ou deux parties du monde : le point de départ du transfert technologique et le point d’arrivée. Ou bien, il pourrait s’agir d’une transmission bilatérale. La production de matières premières dans un pays à destination du pays de transformation crée des courants commerciaux qui entraînent d’autres

6. Patrimoine de l’industrie, no 11, 2004, p. 55‐57.

Page 7: LE PATRIMOINE INDUSTRIEL TEXTILE à VOL D’OISEAU · étude comparative établie par la section textile du TICCIH (The International Committee for the Conservation of the Industrial

15

formes de contact culturel. La possibilité de déboucher sur des aspects plus larges, les mouvements de peuples et de cultures ou la création des premières firmes multinationales est plus importante encore.• Pawtucket, Rhode Island, États-Unis : en 1793, la première filature de coton

du Nouveau Monde résulta de l’espionnage industriel avec Samuel Slater, venu de Belper, Royaume-Uni, PMH. Elle fut érigée en bois et agrandie plus tard ; elle se situe à côté de la filature Wikinson de 1810, construite en pierre. Voir aussi J. & P. Coats de Paisley, infra, pour la filature Conant.

• Cromford, Ratingen, Allemagne. La première filature de coton en Europe continentale qui soit copiée sur Cromford, Royaume-Uni. Fondée en 1784, proche de la demeure du propriétaire. Contient des répliques de waterframe en état de marche.

• Chacim, Macedo de Cavaleiros, Portugal, retorderie royale de soie. Des tech-niques de filature et de moulinage issues du Piémont y furent expérimentées. En 1997, des fouilles archéologiques dans les ruines de la filature ont mis au jour des pièces appartenant à un moulin circulaire piémontais.

• Tomar, Portugal, 1789, première filature de coton de type britannique fondée dans ce pays. En activité jusqu’il y a quelques années. Les autorités locales envisagent la possibilité d’une reconversion de la filature en musée.

• Finlayson, Tampere, Finlande. Filature de coton fondée en 1828 par James Finlayson, natif de Penicuik, Écosse. Les filatures ultérieures sont conçues par Fairbairn, Royaume-Uni, et Sulzer-Ruti, Suisse. Sulzer installa une grande machine à vapeur horizontale, toujours en état de marche (cf. infra, « Les pay-sages du textile »).

• Żyrardów, Pologne. Elle porte le nom de son fondateur Philippe de Girard (le g français se transcrit ż en polonais). Détenteur du brevet des techniques de filature au sec et au mouillé, de prototypes de turbines hydrauliques et d’ali-ments en conserve, Girard fut exhorté par le gouvernement de la Pologne, semi-autonome jusqu’en 1830, à aider au développement de l’industrie du lin. En 1844, Girard retourna en France et l’entreprise passa aux associés autrichiens Hielle et Dietrick. Devenue le premier consommateur et produc-teur de lin de l’Empire russe, la filature se trouvait aux confins du territoire russe. Lors de la première guerre mondiale, il fallait démontrer qu’elle n’était autrichienne que de nom, et méritait ainsi un dédommagement après l’occu-pation de l’armée allemande. À cette époque, la plus grande partie du finan-cement était extérieure et trois générations de la famille écossaise Garvie fournirent les directeurs. Parmi les machines, quelques-unes venaient de Bel-fast, Royaume-Uni. Les panneaux dans la filature étaient rédigés en allemand, polonais et russe. La Kantoratschule, une école pour les enfants du personnel d’encadrement allemand, tchèque, écossais et irlandais, fut érigée en 1899, à côté de l’ancienne et de la nouvelle école pour les enfants du personnel. Les relations sociales furent souvent agressives. Dans cette optique, on peut in-clure Żyrardów sur la liste des géantes, ayant compté neuf mille employés et une cité ouvrière construite pour la seule entreprise. À une église catholique datant de 1891 s’adjoignit une église luthérienne en 1898. De nos jours, une

Page 8: LE PATRIMOINE INDUSTRIEL TEXTILE à VOL D’OISEAU · étude comparative établie par la section textile du TICCIH (The International Committee for the Conservation of the Industrial

16

Fig. 3. La filature Anchor, Paisley, Royaume-Uni, était le siège social du groupe Coats & Clark qui établit des filatures de coton à l’abri des barrières douanières dans beaucoup de régions du monde. On a reconverti en logements le bâtiment le plus grand qui subsiste, grâce au Prince’s Regeneration Trust. Le puits de lumière au milieu comprenait le câble de transmission depuis la machine à vapeur. On l’a agrandi avec soin pour mieux éclairer les appartements (cliché Mark Watson).

grande église néogothique de 1903, compa-rable à la cathédrale de Cologne, est au centre de la ville. Mais une filature en béton armé de 1913 lui dispute la prédominance.

• Queensbury, Yorkshire, Royaume-Uni. La fi-lature de laine Black Dyke (à partir de 1835) fut liée à l’usine Geyer à Łódź (Pologne), « La Fabrique blanche », désormais musée du Tex-tile. Le village de la filature de John Foster est toujours dominé par la cheminée de l’usine. La filature du Yorkshire est une des dernières en activité dans la même entreprise. Le pay-sage culturel est marqué de façon impercep-tible par une célèbre fanfare. En 1838, Geyer fonda la filature, équipée d’une machine à vapeur Cockerill (Belgique). Elle comprend des façades néoclassiques et une structure interne en bois (cf. infra, « Les paysages du textile », Łódź).

• Siebenhöfen bei Tannenberg, Saxe, Alle-magne. Evan Evans construisit cette filature de coton en 1812.

• Nordwolle-BWK, Delmenhorst, Allemagne : le principal peigneur de laine sur le continent qui fournit l’Italie, l’Iran et bien d’autres pays. Quelques exemples de réuti-lisation adaptée, comme une reconversion innovante des sheds en unités d’habitation. Également une cité ouvrière et un parc (cf. infra, « Les paysages du textile »).

• Monschau (Allemagne) et Księźy Młyn, Łódź (Pologne). Quittant le Rotes Haus, Karl Scheibler prit la direction de l’est pour fonder une très grande fila-ture juste aux confins de l’Empire russe (cf. infra, « Les paysages du textile »).

• Kolkata (Calcutta), Inde. De l’Inde, les machines pour le jute retournèrent à Dundee 7.

• Paisley, Royaume-Uni. Les United Thread Mills de J. & P. Coats et J. J. Clark constituèrent un empire mondial de fil de coton. La filature de Fer-guslie est presque entièrement détruite, mais la filature Anchor de Clark perdure sous la forme de trois bâtiments considérables (l’usine de châles d’environ 1830 ; l’usine de finissage pour le marché intérieur de 1886, avec planchers en treillis d’acier entourant un puits de lumière ; la filature de Mile End, 1889, reconvertie aujourd’hui en appartements et en un centre d’af-faires) avec des habitations adjacentes et un boulingrin. Les propriétaires construisirent une église baptiste, un hôtel de ville et un observatoire, etc. Des filiales se situaient à Newark (New Jersey, États-Unis, 1864, Clark), la filature Conant (Pawtucket, Rhode Island, États-Unis, 1868, Coats) ; Nevski (Saint-Pétersbourg, Russie) ; Borgonyà (Catalogne, Espagne) ; Nici

7. Voir infra, « Les paysages du textile », et Patrimoine de l’industrie, no 11, 2004, p. 58‐59.

Page 9: LE PATRIMOINE INDUSTRIEL TEXTILE à VOL D’OISEAU · étude comparative établie par la section textile du TICCIH (The International Committee for the Conservation of the Industrial

17

(Łódź, Pologne) ; Budapest (Hongrie) ; Lucques (Italie, 1904), et également en Amérique du Sud. La plupart d’entre elles permettaient d’échapper aux barrières douanières.

• Des techniciens britanniques contribuèrent à édifier le Vapor Vell (Sants, Bar-celone), et une usine d’Igualada (Catalogne).

• Issenheim, Alsace, France. Édouard Gast édifia un atelier de tissage de coton voûté en dôme, d’un type conçu par James Smith à la filature de Deanston (Doune, Écosse) et aussi utilisé à la « filature du temple » Marshall (Leeds, Angleterre).

• Toyota, Nagoya, Japon. Un musée dans le shed de la filature de coton qui engendra le géant de l’automobile.

Les « belles au bois dormant »Celles-ci comprennent des pièces remplies de machines laissées sur place, non des recréations. Le modèle du genre est le site inscrit sur la liste du patri-moine mondial : l’usine de traitement du bois et de carton de Verla en Finlande. Ou bien elles fournissent un témoignage unique, ou du moins exceptionnel, d’une tradition culturelle ou d’une civilisation vivante ou éteinte. Ou bien elles sont des exemples remarquables d’un type de bâtiment, d’un ensemble ou d’un paysage architectural ou technique, qui illustrent des étapes importantes de l’histoire de l’humanité.

Fig. 4. La Göteborgs Remfabrik (Góteborg, Suède) comprend toutes ses machines à tisser et à préparer exactement comme à l’origine. Trente-cinq machines à tisser à navette unique, fournies par Robert Hall and Sons (Bury, Royaume-Uni) en 1904-1917, fabriquaient des courroies de toile épaisse et sont toujours montrées en état de marche au public (cliché Mark Watson).

Page 10: LE PATRIMOINE INDUSTRIEL TEXTILE à VOL D’OISEAU · étude comparative établie par la section textile du TICCIH (The International Committee for the Conservation of the Industrial

18

• Göteborgs Remfabrik, Göteborg, Suède. Comprend toutes les machines à tis-ser et de préparation, à l’endroit même où elles furent installées. Entre 1904 et 1917, trente-cinq métiers à tisser vendus par Robert Hall and Sons (Bury, Royaume-Uni) fabriquaient des courroies en toile épaisse pour transmettre la puissance motrice et des bandes transporteuses. Elles étaient mues à partir d’arbres de transmission par des courroies faites sur place. En 1977, l’usine ferma, mais tout l’ensemble constitue un monument national géré par des bénévoles, Foreningen Goteborgs Remfabrik. On y trouve de nombreux étages d’ateliers, qui témoignent de la transmission de la force motrice et aussi des relations de pouvoir entre la main-d’œuvre et la direction. Mise à part sa caractéristique unique d’être une usine britannique de tissage méca-nique implantée dans un autre pays, ayant fonctionné et étant conservée de façon exemplaire, elle revêt une importance internationale en étant représen-tative de nombreux ateliers d’usine.

• Marzani et Abbadia Lariana, Italie (soie).• Le Manach, Tours, France (soie). Tissage Jacquard, maison fondée en 1829,

toujours en activité.• Tuchfabrik Muller, Euskirchen, Rhénanie-du-Nord – Westphalie. Initialement,

un moulin à papier ; fermé en 1961. Tous les procédés de fabrication de la laine sont conservés et en état de marche.

• Filature Watkins, Missouri, États-Unis. Tous les procédés de la fabrication de la laine sont conservés et en état de marche, dans un paysage rural.

• Webb Press, Nachitoches, Louisiane, États-Unis (coton).• Blackall Wool Scour, Queensland, Australie : nettoyage de la laine à la vapeur ;

1908, fermé en 1978, rouvert en 2002.• Usine de Queen Street, Burnley, Royaume-Uni : tissage du coton actionné à

la vapeur.• Kannavourgio, Edessa, Grèce (ficelle de chanvre), 1909. Machines de Leeds,

Belfast (Royaume-Uni) et Bielefeld (Allemagne). Fait partie d’un musée en plein air de l’énergie hydraulique mis en place par la municipalité en 1991.

• Chantier naval de Chatham, Royaume-Uni (corde de chanvre) : machines datant du début du XIXe siècle fonctionnant dans les chantiers navals de la marine royale. Figure sur la liste indicative du PMH.

• Filatures de Knockando, Moray, et Islay, Écosse, Royaume-Uni (laine) : ma-chines à carder, à filer et de finition, conservées sur place et toujours en état de marche. Elles se situent dans des paysages culturels ruraux, plus liés au whisky. À Knockando, on a fondé une association avec une micro-exploita-tion agricole pour pérenniser les savoir-faire requis, entretenir et utiliser les machines.

• Arseguel, Catalogne, Espagne. Petites usines de laine utilisant la force des mulets.

• Wäschefabrik Winkel, Bielefeld, Rhénanie-du-Nord – Westphalie. Fondé en 1906 par la famille Juhl, des juifs liquidés par les nazis. Salle de couture avec ses établis (machines à coudre et à broder).

• Crimmitschau, Saxe, Allemagne, filature et tissage de la laine.

Page 11: LE PATRIMOINE INDUSTRIEL TEXTILE à VOL D’OISEAU · étude comparative établie par la section textile du TICCIH (The International Committee for the Conservation of the Industrial

19

UrbanismeDes exemples remarquables de planification urbaine paternaliste ou utopique pourraient satisfaire au critère II de l’UNESCO, s’agissant de l’influence sur l’urbanisation. Seuls des sites exceptionnels peuvent remplir le critère VI, du fait de leur participation directe à des événements, des traditions vivaces, des idées, des croyances, des travaux artistiques et littéraires de portée universelle sans équivalent.

8. DETLEF S., art. cité, p. 65‐66.

• New Lanark, Écosse, Royaume-Uni, PMH. Filature de coton fondée en 1785, lieu de la mise en pratique des idées utopistes de Robert Owen, qui y séjour-na entre 1800 et 1827, et également pour le mouvement coopératif. Institut, école, logements, ferme, fonderie, cimetière, promenades, jardins ouvriers, canal de dérivation et trois filatures.

• Saltaire, Bradford, Royaume-Uni, PMH. À partir de 1853, création célèbre de Titus Salt pour tissus de laine peignée d’alpaga. Logements de qualité de différents types, parc, église congrégationaliste, institut, école, voie ferrée et canal.

• San Leucio, Italie, PMH : plan radial inachevé pour une manufacture royale de soie à l’intérieur du domaine du Belvédère et du palais de Caserte. Ultérieure-ment, une filature de coton.

• San Fernando, Espagne (plan radial).• Brihuega, Espagne (plan circulaire).• Nuevo Baztán, Espagne (manufacture royale sur plan de mission).• Kuchen bei Göppingen, Bade-Wurtemberg, Allemagne. À partir de 1857, cité

ouvrière, en partie de style architectural suisse 8.• Industriekolonie Amerika, Penig, Saxe, Allemagne. Une très grande cité ou-

vrière.• Gmindersdorf, Reutlingen, Bade-Wurtemberg, Allemagne, cité ouvrière,

1903-1914 9. 9. Ibid., p. 66.

Fig. 5. Vue de l’entrée de la cité de San Leucio depuis le Belvédère (cliché GDF 2004).

Page 12: LE PATRIMOINE INDUSTRIEL TEXTILE à VOL D’OISEAU · étude comparative établie par la section textile du TICCIH (The International Committee for the Conservation of the Industrial

20

• Filature Himmelmühle-Oelheysche, Wiesen-bad, Saxe, Allemagne.

• Crespi d’Adda, Italie, PMH : cité modèle qui commence en 1878 par un plan en damier et se poursuit ultérieurement sur un plan radial, avec maisons comportant quatre pièces. Ci-metière dominé par le mausolée de Silvio et Cristoforo Crespi. Équipements collectifs et filature de laine dont la cheminée sert de point de repère. Maison des propriétaires (1898) dans le style château médiéval lombard. Cen-trale hydro-électrique de 12 000 CV. L’électri-cité fut installée très tôt (1879) dans la cité.

• Schio, Italie : Lanificio Rossi édifié par Ales-sandro Rossi, très influencé par les écrits d’Owen et les exemples de New Lanark et de Saltaire, mais aussi par les mauvais exemples d’autres industriels britanniques. Filature, logements, parc avec orangerie, grotte et théâtre.

• Valdagno, Vicence, Italie. L’usine lainière Marzotto démarra en 1836 mais, au XXe siècle, on la transforma en cité ouvrière de l’harmonie. Entre 1922 et 1929, on agrandit considérablement le bâti en béton armé, les fermes de toit ressemblant à des ponts. Entre 1928 et 1937, Francesco Bonfanti planifia mille logements, des services sociaux, des organismes culturels et sportifs. Sans discussion la plus importante cité ouvrière modèle érigée par une seule entreprise du textile.

• Val-des-Bois, Marne, France : béguinage industriel créé par Léon Harmel.• Villeneuvette, Hérault, France : à partir de 1677, manufacture de laine et vil-

lage, sur plan de mission.• Ludlow, Massachusetts, États-Unis, usine de jute (qui fut, en fin de compte,

délocalisée en Inde) et cité paternaliste.• Lowell, Massachusetts, États-Unis, cf. infra « Les paysages du textile », « Le

coton en ville ».• Port Law, Irlande. Filature de coton à l’hydraulique. Fondée en 1825. Recon-

version dans les années 1930 en tannerie qui ferma en 1987. On s’efforce ac-tuellement de trouver une nouvelle utilisation de l’usine pour aider à stabiliser la population, à la moitié de son apogée de quatre mille dans les années 1850. À cette époque, le village fut reconstruit sur un plan de carrefour avec trois rues radiales. Les maisons ont des toits en fermes bow string. Une grande et remarquable école met en avant le rôle paternaliste du quaker David Mal-colmson.

• Riba de Ave, Portugal : petite localité au centre d’une région très industrialisée à

Fig. 6. Crespi d’Adda, Italie, cité ouvrière fondée en 1878, avec le mausolée de la famille Crespi et les tombes d’autres habitants. Première cité ouvrière textile inscrite au titre de patrimoine mondial de l’humanité. L’usine est maintenant fermée (cliché Mark Watson).

Page 13: LE PATRIMOINE INDUSTRIEL TEXTILE à VOL D’OISEAU · étude comparative établie par la section textile du TICCIH (The International Committee for the Conservation of the Industrial

21

30 km au nord de Porto. Fondée en 1896. Par la suite, quelques autres grandes usines de coton s’y installèrent, appartenant toutes à la famille Ferreira. Celle-ci améliora l’équipement urbain : logements ouvriers, hôpital, écoles, postes, église, fondation culturelle, poste de police, etc., d’une façon paternaliste très analogue au régime portugais Estado Novo (de 1920 aux années 1950).

Les paysages du textileIls comprennent les ensembles de filatures, d’usines de tissage et de tricot, d’usines de mécanique textile, d’industries auxiliaires du textile ; la main-d’œuvre, les logements patronaux et ouvriers ; les parcs ; les institutions an-nexes ; la force hydraulique et les systèmes de transports ; enfin, les paysages agricoles où la matière première est produite et transformée. On peut les clas-ser en vestiges (désaffectés mais avec des traces matérielles importantes) et en paysages textiles vivants, où le textile reste un aspect notable de la vie quotidienne. Au Royaume-Uni, l’industrie du tweed Harris aux îles Hébrides et l’industrie de la bonneterie à Hawick peuvent servir d’exemples. En Asie cen-trale, la fabrication de tapis à la main continue de constituer la source principale de revenus.La sauvegarde des paysages dépend, pour beaucoup, de stratégies de ges-tion responsable, des possibilités qu’offrent les diverses formes de législation, nationale ou locale, destinées à les protéger, et des initiatives locales en vue de les promouvoir.

Le coton à la campagne• La vallée de la Derwent (PMH), Royaume-Uni, comprend Cromford (pionnier),

Masson, Belper (porte-drapeaux), Milford, Darley Abbey ; chacune de ces colo-nies de filatures de coton se rattache à de petites localités préexistantes le long de la rivière, reliées entre elles par un canal et ultérieurement par la voie ferrée.

• Styal, Royaume-Uni, 1784 : la filature Quarry Bank, maison des apprentis. Le musée renferme des machines textiles déménagées là et une roue à aubes pendante.

• Stanley et Deanston, Perthshire, Écosse, Royaume-Uni. Fondée en 1786-1787, avec systèmes hydrauliques impressionnants. On a converti la plus grande partie de Stanley, près de Perth, en logements, hormis la filature Bell de 1786 (colonnes en fonte cruciformes et planchers de bois) et une partie de la filature Mid de 1823 (à l’épreuve du feu). On a excavé les puits des moulins et la centrale hydroélectrique de 1920 est de nouveau en marche. Aujourd’hui, Deanston est une distillerie de whisky qui comprend un shed pionnier de tissage voûté de James Smith (1830), servant de modèle à Mars-hall de Leeds. Logements ouvriers mitoyens des années 1820. Ouverts tous les deux à la visite.

• La vallée de l’Ave, Portugal : important groupe de filatures textiles, la plus ancienne remontant à 1845. Plusieurs sont de taille considérable.

• Parc fluvial Navas-Berga, Catalogne, Espagne : un couloir patrimonial relie quinze colonies se succédant tous les 2 km, de façon linéaire. Chacune est une filature

Page 14: LE PATRIMOINE INDUSTRIEL TEXTILE à VOL D’OISEAU · étude comparative établie par la section textile du TICCIH (The International Committee for the Conservation of the Industrial

22

de coton intégrée, alimentée par turbine. Immeubles collectifs, jardins ouvriers, maisons du directeur et du propriétaire, école, église et théâtre.

• La Colónia Sedó, Catalogne, a conservé son aqueduc, ses turbines et ses cheminées ; la Colónia Guell, Catalogne, comprend une chapelle de Gaudí, qui fait partie d’un multi-site patrimonial PMH.

• Plantations Melrose et Magnolia, Louisiane, États-Unis (esclaves égreneuses de coton).

• Graniteville, Caroline du Sud, États-Unis (ville ouvrière).• Metepec, Mexique : cité ouvrière, maintenant le premier écomusée du Mexique.• Maranhão, Brésil, usine Rio Anil, à un seul étage, maintenant un collège uni-

versitaire.

Le coton en ville• Ancoats, Manchester, Royaume-Uni. Premier quartier urbain muni de ma-

chines à vapeur. Notamment, filatures Murray (à partir de 1798) et McCon-nell, Kennedy and Co (à partir de 1818, à l’épreuve du feu) longeant le canal de Rochdale, source d’eau de condensation et voie de communication. L’évolu-tion se poursuivit avec les filatures Royal et Paragon, mues par des machines électriques posées sur des sols en béton. Logements municipaux précoces et améliorés. Aux alentours, l’imprimerie en mur-rideau du Daily Express, 1939. Périmètre de préservation et « village urbain » en cours de projet.

Fig.7. La Colónia Sedó d’Esparreguera, la plus grande des colonies industrielles catalanes isolées dans la campagne près de leur source énergétique, photo antérieure à 2005, collection privée.

Page 15: LE PATRIMOINE INDUSTRIEL TEXTILE à VOL D’OISEAU · étude comparative établie par la section textile du TICCIH (The International Committee for the Conservation of the Industrial

23

• En 1890, Oldham, Lancashire, comptait 12,4 % des broches de coton mon-diales, davantage que tous les autres pays que le Royaume-Uni et les États-Unis. Le pic fut atteint avec 17,7 millions, la majorité des broches verticales et, à partir de 1884, quelques broches de filature à anneaux, pour faire du fil à numéro moyen ou gros. Ici, on tira parti de la société par actions à respon-sabilité limitée. Ainsi, la plupart des filatures étaient de taille semblable et avaient des noms courts à apposer sur leurs cheminées : Manor, Ram, Gorse, Ace, Rugby, Heron, Devon, Durban, Belgrave, Nile, Cairo, Majestic, Orme, Orb, Vine, Grape, Lilac, Briar et Lily. Platt Brothers était la plus importante fabrique de machines textiles au monde (quinze mille employés à son apogée en 1906), usine Hartford. Ils financèrent les parcs Werneth et Alexandra.

• Bolton, Lancashire, connu pour la belle filature de coton égyptien. Les fila-tures notables qui subsistent sont Beehive, Atlas (l’Association des machines de filatures du Nord expose ici des machines à vapeur, mais la plus grosse partie des bâtiments a disparu) et Swan Lane (trois filatures, trois cent trente mille broches) : porte-drapeau de l’entreprise privée.

• Wigan Pier, Lancashire : filature Trencherfield avec machine à vapeur, fila-ture Eckersley (broches de filature à anneaux) et centre de visite du bassin du canal qui fait le lien littéraire avec l’œuvre de George Orwell : le quai de Wigan. Également l’usine modèle porte-drapeau Gidlow, 1865, avec un parc qui forme un espace séparé de conservation.

• Tampere, Finlande. La troisième ville de Finlande s’installa près du débouché de rapides entre deux lacs dénivelés. Des filatures de coton et une usine de construction mécanique constituèrent la base d’autres industries : lin, laine, papier et carton. On a bien conservé le paysage, grâce à des réemplois adap-tés (par exemple, la filature de laine Klingendhal et la filature de lin Lapiniemi). Le musée du Travail interprète l’industrie dans les filatures de coton Finlayson (cf. supra, transferts de technologie). On y conserve une machine à vapeur horizontale Sulzer. L’industrie est représentée au musée Vappriikki situé dans l’usine de mécanique et de lin Tampella sur l’autre rive du fleuve. Un pâté entier de maisons ouvrières construites en bois est exposé au musée Amuri.

• Narva, Estonie, et Ivangorod, Russie, possèdent l’usine de coton Kreen-holm et les filatures de lin Steiglitz de chaque côté de la frontière. Chaque ensemble comprend des casernements ouvriers et des immeubles collectifs, tous deux en bois et en brique, un hôpital et des bâtiments administratifs. L’usine Kreenholm est de loin la plus grande de ce type en activité en Europe. De part et d’autre de la cascade, la plus grande partie de l’eau est déviée vers une centrale hydroélectrique de l’époque soviétique.

• Księźy Młyn, Łódź, Pologne (depuis 1873, Scheibler et Grohmann, aujourd’hui Uniontex) couvre 500 ha avec un hôpital, une caserne de pompiers, les mai-sons des propriétaires (la villa Herbst est un musée et une école du cinéma). Le plan en damier du village modèle est dans l’axe de la filature. En 1913, l’en-treprise avait une main-d’œuvre de onze mille employés, après la fusion entre Scheibler et Grohmann. Dans la rue Targowa, l’usine Grohmann’s conserve une entrée néogothique, derrière laquelle les sheds sont aujourd’hui détruits.

Page 16: LE PATRIMOINE INDUSTRIEL TEXTILE à VOL D’OISEAU · étude comparative établie par la section textile du TICCIH (The International Committee for the Conservation of the Industrial

24

• Pozńanski, Łódź, Pologne (depuis 1878). L’autre gros employeur de Łódź pos-sédait des usines textiles et un immeuble collectif haut de cinq étages à une échelle plus monumentale que Scheibler, bien que sur un espace moindre. La demeure du propriétaire, très ostentatoire, fait office de salles d’exposition et de chambres commerciales. C’est maintenant le principal musée de Łódź. Les usines sont en voie de reconversion sous l’appellation « Manufaktura » : un hôtel, un centre commercial et récréatif à capitaux français.

• Łódź, Pologne : encore quatre cents usines dans cet archétype de ville de la filature démontrent que celle-ci est un paysage textile dans son intégralité. Certaines travaillaient la laine, telle Schweikert, aujourd’hui une partie de l’uni-versité de technologie de Łódź. Le musée de l’Industrie textile se situe dans l’Usine blanche, la filature Geyer, la première équipée à la vapeur et fondée en 1838 (cf. supra, « Les interactions internationales »).

• Le port à coton de Gand, Belgique : des entrepôts de coton brut à structure en acier, proches des filatures de 1860, 1910 et 1925. Les usines, longeant les canaux périurbains, comprennent celles de Louisiane, du Texas (1876) et de La Nouvelle-Orléans (1899), ce qui renvoie aux origines du coton, l’usine Pi-pyn (1923) et les bureaux modernistes de l’Union cotonnière (UCO) de 1958. Le logement se situe dans des courées, comme en France. Également, la Filature du rabot (jute, art nouveau, 1899-1912). L’industrie est commentée dans le MIAT (Museum industriele archeologie en textiel) installé dans la fila-ture de coton Smet-Guequier.

• Oudenaarde, Belgique, filature et loge-ment des frères Gevaert, 1888-1897.

• Dolfuss-Mieg et Cie (DMC), Mulhouse, France, vastes installations industrielles et cité ouvrière depuis 1847, et proba-blement l’une des premières filatures du pays équipées en machines à vapeur. On édifia une filiale à Belfort pour contour-ner les barrières douanières après l’an-nexion allemande de l’Alsace en 1871. Aujourd’hui, un technopôle universitaire.

• Spinnereien und weberei Kümpers, Rhé-nanie-du-Nord – Westphalie : par P. S. Stott, (cf. supra, transferts de technolo-gie).

• Augsbourg, Bavière, Mechan. Baumwoll-spinerei und Weberei Augsburg, Alle-magne. Chemnitz, Saxe : Kattundruckerei Schiffner (1851) et Chemnitzer Aktiens-pinnerei, deux filatures dues à P. S. Stott, l’architecte d’Oldham (1896-1903).

• Chemnitz-Hartau, usine Bernhard (1803-1812), Allemagne.

Fig. 8. Dolfuss-Mieg et Cie (DMC), Mulhouse, Alsace, France. Vaste usine, la plus ancienne à être équipée d’une machine à vapeur en 1812, cantine, école et logements d’entreprise à partir de 1847 (cliché Mark Watson).

Page 17: LE PATRIMOINE INDUSTRIEL TEXTILE à VOL D’OISEAU · étude comparative établie par la section textile du TICCIH (The International Committee for the Conservation of the Industrial

25

• Flöha-Plaue et Flöha-Tal, Saxe, Allemagne, Claussche Spinnerei : on y voit toutes les étapes de la production industrielle et de l’architecture de 1806 à 1893.

• Mumbai, Inde. La croissance urbaine massive est due en partie, ici, à l’expan-sion de l’industrie cotonnière dans les années 1880, après avoir démarré dans les années 1850. Soixante filatures désaffectées sont prêtes pour une recon-version dans la zone portuaire. INTACH et INTBAU India travaillent à des projets adaptés de réutilisation, par exemple, India United Mills No 1.

• Lowell National Park, États-Unis : ville planifiée à partir de 1821 par les Boston Associates pour convenir à des filatures de coton à l’hydraulique (notamment les filatures Boott, Suffolk, Lawrence, Massachusetts, Market, Hamilton et Appleton) ; canaux usiniers bordés de promenades arborées ; turbines et sys-tèmes de contrôle des inondations précoces ; pensionnats pour « filles yan-kee », reconstruits par la suite ; vague d’immigrés (grecs, portugais, etc.). Le musée de l’Histoire du textile américain occupe l’atelier Kitson. Également sur le modèle de Lowell, il y a :

• Saco-Biddeford et Lewiston, Maine, États-Unis ;• Nashua et Manchester (cf. supra, « Les géants »), New Hampshire, États-

Unis ;• Troy, New York, États-Unis ;• Fall River, Massachusetts, États-Unis : la plus grande concentration de filatures

de Nouvelle-Angleterre, surpassant Lowell. Un groupe resserré de filatures de coton mues à la vapeur, la majorité en pierre, construites en 1850-1880, avec des campaniles italianisants. Certaines sont rangées parallèlement deux par deux, avec un bureau-entrepôt entre elles. La filature Durfee garde des toits à deux versants ; la filature Union et quelques autres ont ajouté un étage supplémentaire plus plat. Les bâtiments des machines à vapeur sont, pour la plupart, de petite taille, mais on en trouve un grand en briques de style néogothique, datant de 1909, rattaché à l’un des vastes agrandissements de la filature Metacomet.

• New Bedford, Massachusetts, États-Unis, possède des filatures mues à la vapeur analogues, logements et communautés d’immigrés canadiens fran-çais, portugais et capverdiens.

• Puebla, Mexique : la Constancia Mexicana (fondée en 1835, fermée en 1991) va devenir un complexe culturel. Jardins dans les cours.

• Salto, São Paulo, Brésil. Situées sur les chutes de la rivière Tiete, des usines primitivement construites sur le modèle et avec des équipements britan-niques (Galvao, 1873, Barros Junior, 1880), furent revigorées en 1904 par l’immigration italienne et des investissements (Fabrica de Tecidos Italo-Ame-ricana, ou, depuis 1919, Brasital SA). Cité ouvrière paternaliste. Les usines sont désormais des établissements d’enseignement.

La dentelle en ville• Le marché aux dentelles de Nottingham, Royaume-Uni. Un quartier d’usines

de dentelle – certaines avec immeubles collectifs (un seul bâtiment loué à des entreprises différentes) – pour la finition et la commercialisation du produit,

Page 18: LE PATRIMOINE INDUSTRIEL TEXTILE à VOL D’OISEAU · étude comparative établie par la section textile du TICCIH (The International Committee for the Conservation of the Industrial

26

fabriqué aussi dans des régions manufacturières uniformes telles que Long Eaton et Beeston, Nottinghamshire, et Darvel et Newmilns, Ayrshire, Royaume-Uni.

• Spitzenherstellung, Voigtland-Plauen, Saxe, Allemagne.• Calais, France : un nouveau musée commente l’industrie dans deux anciennes

usines de dentelles, la Cité internationale de la dentelle et de la mode.• La dentelle faite à la main fait partie des cultures de la Bretagne (France), de

Bruxelles (Belgique) et de Burrano, Venise (Italie), PMH.

Le lin à la campagne• Nova Sol (Neusalz), Walim et Chelmo Slaskie, en Basse-Silésie, Pologne ;

Sumperk, Moravie, Tchéquie (1839-1842) : aujourd’hui, tissage de coton.• Großschönau, Oberlausitz, Saxe, Zentrum der Damastweberei, Gebildwebe-

rei, tissage du linge de maison en damassé.• Westmünsterland, Rhénanie-du-Nord – Westphalie, Basse-Saxe, Allemagne :

Baumwoll- und Jutespinner und weberei. Emsdetten, Rheine-Mesum, Burgs-teinfurt, Borghorst (jute) – Gronau, Rheine, Ochtrup, Greven, Nordhorn, Ver-bindungen zu Enschede (Pays-Bas), coton et lin – voir les « routes ETN » (European Textile Network).

• Filature de Sion, Tyrone, Irlande du Nord, Royaume-Uni. Herdman Ltd y édifia une nouvelle filature, mais la vieille filature désaffectée fait l’objet de pro-jets de préservation au cœur de cette entreprise paternaliste. Revers dû à un incendie en 2011.

• Blairgowrie et Rattray, Perthshire, Royaume-Uni : douze filatures de lin et de jute se partagent sur place quatre roues à aubes, deux turbines et deux ma-chines à vapeur, y compris les filatures Keathbank et Ashgrove Mills (1865). La plupart sont deux par deux sur les petites chutes d’eau de part et d’autre de la rivière Ericht.

• Cromarty, Royaume-Uni, usine de chanvre fondée en 1772, maintenant re-convertie en logements près du port.

• Courtrai-Kortrijk, Flandre, Belgique : on y fait pousser du lin de qualité supé-rieure. Activité commentée au National Vlas Museum dans une des fermes où l’on rouissait et teillait le lin.

• Yucatan, Mexique : des haciendas où l’on travaillait le sisal : certaines sont devenues des hôtels, par exemple, Temozon.

Le lin en ville• Holbeck, Leeds, Royaume-Uni : zone de conservation comprenant les fila-

tures Marshall (porte-drapeau), la fonderie Murray et l’usine Tower Pin. On connaît Matthew Murray pour ses nombreuses inventions et ses premières locomotives à vapeur, ainsi que des machines textiles et des moulages struc-turels coulés pour Marshall et d’autres. Aujourd’hui, la fonderie accueille l’aca-démie d’urbanisme et un « village urbain ». L’usine Tower Pin possède des cheminées et des conduites copiées sur les trois campaniles de style Renais-sance de Sienne, Florence et Vérone.

Page 19: LE PATRIMOINE INDUSTRIEL TEXTILE à VOL D’OISEAU · étude comparative établie par la section textile du TICCIH (The International Committee for the Conservation of the Industrial

27

• Les filatures Bank et East, Leeds, Royaume-Uni : une autre zone de conserva-tion comportant des filatures de lin datant de 1822-1834, le long de la rivière Aire. En aval se situe la filature Hunslet et Victoria ; en amont, on trouve les filatures Castleton et Armley (laine, à l’épreuve du feu, 1805 : musée de l’In-dustrie de Leeds).

• L’usine Dens, Dundee, Royaume-Uni : de 1822 à 1866, Baxter Bros se déve-loppa : on trouve quatre filatures, un bureau d’ingénierie, des entrepôts, des bureaux, des logements et le parc Baxter (conçu par Paxton en 1863). Lami-noirs adjacents, entrepôts, quais, filatures et usines de tissage manuel en font un paysage linier complexe, proche du Victoria Dock, pour l’import-export. La première des filatures Baxter se situe à la campagne, Glamis, 1808, toujours avec une roue à aubes.

• L’usine Broadford, Aberdeen (Maberly-Richards), 1808 : filature à l’épreuve du feu construite par l’ingénieur de Leeds, Matthew Murray, au cœur du site qui continua à s’agrandir jusqu’en 1912-1914, les derniers édifices étant en béton armé. Premiers à utiliser l’éclairage au gaz (1814), les métiers à tisser méca-niques (1822), le tissage de la toile et de tuyaux d’arrosage. En 1831, John Maberly déposa le bilan et partit fonder l’industrie du lin à Amiens, France. En 2003, la filature cessa son activité et une reconversion en village urbain fut proposée. L’entrepôt de lin brut « Bastille » est déjà reconverti en appartements.

• L’usine Grandholm, Aberdeen : grande filature de lin, fondée en 1792. À partir de 1850, elle devint la filature de laine J. & J. Crombie, reconvertie après 2000 en logements, avec une turbine à eau Boving sur place. D’autres points de déchargement sur cette portion de la rivière Don servaient pour l’industrie du coton et du papier.

• Kirkcaldy, Sinclairtown, Royaume-Uni. Usine de linoléum Nairn’s Scottish (usine du nord toujours en activité, celle du sud en péril). L’usine de tissage est maintenant un collège universitaire, les bureaux de la direction, des appar-tements. Usine de construction mécanique de Douglas et Grant (machines à vapeur et moulins à riz), filatures de lin Coal Wynd (1809 et années 1860), port et Townscape Heritage Initiative.

• Dunfermline, Royaume-Uni : usines de linge de maison en damassé, usines Pilmuir, Canmore, St Margaret’s, Victoria et Albany Works, à partir de 1849, près d’une somptueuse piscine au nord du centre-ville, usine St Leonard’s vers le sud (à partir de 1851 ; entrepôt reconverti en appartements). Le lieu de naissance d’Andrew Carnegie’s (magnat américain de l’acier, fils d’un tisseur de lin) est aujourd’hui un musée.

• Moulins, Lille, France : filatures de lin Le Blan, filature de coton Wallaerts et usine de construction mécanique, qui ont été radicalement remaniées par les architectes Reichen & Robert pour un usage tertiaire supérieur à destination des promoteurs et de l’université de Lille. Les courées d’aspect identique four-nies par des artisans aisés, voire des rentiers, sont éclipsées par les filatures.

• Bielefeld, Rhénanie-du-Nord – Westphalie : Ravensberger Spinnerei, Mechan. Weberei, Wäschefabrik Winkel, Wäschefabrik Baumhöfener & Heise, coton, lin, sous-vêtements.

Page 20: LE PATRIMOINE INDUSTRIEL TEXTILE à VOL D’OISEAU · étude comparative établie par la section textile du TICCIH (The International Committee for the Conservation of the Industrial

28

• Żyrardów, Pologne (cf. supra, transferts de technologie) : mille trois cents mai-

sons familiales, construites entre 1867 et 1910, dortoirs, un hôpital, écoles

séparées pour enfants des ouvriers et ceux des directeurs étrangers, bains

lavoirs et palais du peuple. Employait neuf mille personnes.

Le jute en ville• L’usine Camperdown, Lochee, Dundee, Royaume-Uni : Entreprise Cox (1850-

1868), la plus grande usine intégrée de jute et de chanvre, avec voie ferrée,

école, maison patronale et parc. Comptait cinq mille employés. On a actuel-

lement reconverti la filature et les entrepôts en logements, et un laminoir est

resté quelque temps un supermarché ; dominé par une cheminée italianisante

de 100 m.

• Blackness, Dundee. À l’ouest du cœur médiéval, le long du Scouringburn

(source pour alimenter les machines à vapeur), on trouve treize filatures de

lin et de jute (1799-1889), quatre usines de tissage (1839-1865), trois usines

de finissage, une usine de construction mécanique (Carmichael fabriquait

des machines à vapeur, fondation en 1810), des usines de peigne et de cuir

pour des pièces de machines, trois églises non-conformistes, une école in-

dustrielle pour filles et l’ensemble de logements locatifs municipaux à bon

marché Logie, œuvre pionnière de 1919. Le Dundee Heritage commente

l’industrie à l’usine Verdant (1833).

Fig. 9. Dundee, Royaume-Uni. L’usine Tay, une filature de jute, reconvertie en résidence universitaire dans la zone de conservation industrielle de Blackness (cliché Mark Watson).

Page 21: LE PATRIMOINE INDUSTRIEL TEXTILE à VOL D’OISEAU · étude comparative établie par la section textile du TICCIH (The International Committee for the Conservation of the Industrial

29

• Kolkata (Calcutta), Inde : filatures Tithagur, Samugger, Howrah, Ludlow, Has-ting et Champdany, usines Victoria et Angus Works avec d’autres, filatures intégrées à un étage et à l’épreuve du feu comportant un éclairage à claire-voie, pour la plupart construites des années 1880 aux années 1920. Jetées sur la rivière Hooghly, jardins entourant les bureaux et les bungalows de la direction expatriée, d’abord utilisés par la direction de Dundee. La première filature vit le jour en 1835.

• Bangladesh : plantations pour la culture du jute et sa mise en balles. Après la partition de l’Inde en 1947 et l’indépendance du Pakistan en 1972, on déve-loppa sur place les usines de façon à transformer une partie de la récolte du jute en produits finis.

La laine à la campagne• Les Pennines, Yorkshire, Royaume-Uni : Golcar, Hebden Bridge, Sowerby

Bridge, etc., possèdent des fenêtres à meneaux de tisserands typiques des productions proto-industrielles faites manuellement. Le paysage est dominé par l’eau et, plus tard, les moulins à l’hydraulique, tous construits en meulière locale ; entrecoupé de canaux, de voies ferrées, de tunnels et de viaducs en raison du relief accidenté.

• Clackmannanshire, Écosse, Royaume-Uni. Une toile de fond spectaculaire de collines pour les filatures à Alva, Menstrie et Tillicoultry, maintenant des appartements (J. & D. Paton, 1836, et filatures de Strude, 1827), centre de visite (filatures Glentana, 1887), un petit centre d’affaires (filature Clock, 1824) et une grande boutique (filature Devonvale) au milieu des villes de filatures traversées de ruisseaux pour la force hydraulique. La plus grande filature était Kilncraigs dans Alloa, pour les fils à tricoter à la main de Paton, à partir de 1814. L’impressionnant magasin de fils et bureau (1850 / 1903 / 1936) est reconverti en bureaux municipaux et une école à mi-temps subsiste. À partir de 1851, des logements coopératifs et des instituts (1859-1864) à Tillicoultry illustrent l’éthique d’entraide des fileurs fins.

• Harris, Royaume-Uni. L’Orbe, marque de fabrique déposée par la Har-ris Tweed Association en 1909, définit le tweed comme une pure laine d’Écosse, filée, teintée et finie dans les Hébrides extérieures, tissée à la main par les îliens à domicile. Dans les années 1920, les métiers à tisser à pédale Hattersley ont, le plus souvent, remplacé les grands métiers en bois, et depuis 1993, ont laissé la place à des métiers doubles à pédale. Dans de petites remises, les tisserands, petits exploitants agricoles indépendants, tissent le fil produit à Stornoway, Lewis. Ce paysage culturel toujours vivant inspire les traditionnels chants à fouler en gaélique chez les femmes qui fou-lonnaient le tissu sur de grandes tables. On dénombre environ quatre cents tisserands à Harris et à Lewis.

• Harrisville, New Hampshire, États-Unis : deux petites filatures de laine avec pension associée, magasin, bibliothèque, maisons du propriétaire et des ouvriers. Après fermeture en 1969, conservées par une fondation.

• TeWaimate et Coldstream, Timaru, et Otago, Nouvelle-Zélande.

Page 22: LE PATRIMOINE INDUSTRIEL TEXTILE à VOL D’OISEAU · étude comparative établie par la section textile du TICCIH (The International Committee for the Conservation of the Industrial

30

• Turquie, Iran, Afghanistan (pour les tapis : un travail d’inventaire reste à faire).• Zone de conservation des magasins à laine Geelong (Victoria), Australie. Une

rangée de magasins, port, maison de la douane (1855) et abri du marin.• Monschau, Rhénanie-du-Nord – Westphalie. Rotes Haus (1752, musée Stif-

tung Scheibler) et d’autres sites sur la route de la Laine dans l’Eifel du Nord.• Radevormwald Dahlerau, Dahlhausen, Vogelsmühle, Rhénanie-du-Nord –

Westphalie. La filature s’agrandit : 1836, 1859, 1872, 1890. Musée à Dahle-rau, avec machine à vapeur horizontale et une turbine hydraulique de 1922. En 1859, les logements accueillaient cent familles.

• Covilhã, Portugal : 225 km au nord-est de Lisbonne. Développement le long des cours d’eau à débit rapide de la région. Comprend l’ancienne manufac-ture royale de drap (remontant à 1763-1767) qui abrite maintenant le musée de la Laine dans l’université de Beira intérieure.

• Villeneuvette, Hérault, Languedoc, France, fondée en 1677.• Biella, Piémont, Italie. En 1824, la filature Pria fut fondée sous influence fran-

çaise. En 1864, elle s’agrandit sur la rive opposée de la rivière. Possède des archives d’échantillons de tissus. Lanificio Trombetta et Sella sont d’autres beaux repères dans le paysage. Ils figurent sur la route de la Laine « La Strada della Lana » et sont commentés dans un musée situé dans la Fabricca della Ruota, (ancienne filature de laine Zignone à Pray), reliée à sa roue à aubes par un long mécanisme d’entraînement des câbles.

• Brede, Lyngy-Bogen, Danemark : à partir de 1832, avec logement pater-naliste sur le modèle allemand, des maisons groupées pour 80 % des employés et une filature en béton armé de 1908, la plus ancienne à sub-sister au Danemark. La filature est maintenant un magasin pour le Musée national 10.

La laine en ville• Halifax, Royaume-Uni, bourse des pièces de laine, manufacture de tapis Dean

Clough (cf. supra, « Les géants »), villages modèles d’Akroyden et Copley, parc du peuple (Paxton).

• Huddersfield, Royaume-Uni, grand centre lainier, certaines filatures mainte-nant utilisées par l’université, dans un paysage de canaux et de voies ferrées (gare néoclassique et entrepôt) avec villages périphériques dans les collines des Pennines.

• Bradford, Royaume-Uni. Zone de conservation « Petite Allemagne » remplie d’entrepôts commerciaux, une bourse de la laine et un bâtiment de condition-nement. L’usine Manningham domine la ville (soie artificielle, avec cheminée campanile) ; elle est à l’origine des fonds pour le parc Lister et le musée des Beaux-Arts.

• Selkirk, Royaume-Uni : l’étendue plate au pied de la vieille ville comprend trois grandes roues à l’hydraulique (Ettrick, Forest et Dunsdale-Riverside, 1835-1838) et, plus tardivement, des sheds de filature et de tissage du tweed. Certaines de ces filatures sont encore en activité (usines Heather, Whinfeld et

10. TOENSBERG J., Brede Klaedefabrik, 2004.

Page 23: LE PATRIMOINE INDUSTRIEL TEXTILE à VOL D’OISEAU · étude comparative établie par la section textile du TICCIH (The International Committee for the Conservation of the Industrial

31

Forest). Celles-ci sont un déversement de Galashiels, tout proche, où l’indus-trie du tweed démarra sur une grande échelle mais se trouva à court de sites disponibles.

• Hawick, Royaume-Uni : un paysage vivant du textile sous forme d’usines de bonneterie, mues à l’hydraulique ou à la vapeur. Usine Tower (1851, filature à grande roue à aubes), usine Wilton. Certaines usines de tricot ont vu le jour en tant qu’usines de tissage du tweed (Eastfield, maintenant Johnston’s, et l’usine Glebe, maintenant Pringle’s, 1881) où les sheds se caractérisaient par leur grande envergure. Les ateliers de métiers de tricotage manuels, utili-sant des pédales (par exemple, l’usine Buccleuch), comportaient de petites fenêtres carrées à côté des ateliers à métiers mécaniques.

• Verviers, Belgique : usine Au Chat d’Iwan Simonis. William Cockerill y ins-talla la première machine à filer sur le continent. Les Grandes Rames sont les plus anciens logements ouvriers à plusieurs étages (1808). Les autres usines précoces de la laine comprennent la maison Closset et la manufacture Thier-Bettonville (maintenant Centre touristique de la laine et de la mode). La société anonyme Solvent belge nettoie la laine par un procédé de solvant, 1899 : on y conserve la technologie à la vapeur. Des machines diverses, telle la laveuse dite « Léviathan », sont exposées en tant que sculptures publiques à travers la ville. Le canal de l’Industrie et le parc de l’Harmonie complètent le paysage textile.

• Roubaix, Nord, France : en 1840, les filatures de laine débutèrent avec l’usine Delattre. L’usine de coton et de laine Motte-Bossut, à tourelles, « Le Monstre » (1865-1876), a été radicalement reconvertie en Centre des archives du monde de travail, en 1993. Également dans le style château, l’usine Motte est un shed datant de 1903 pour tisser le velours ; elle est à présent un magasin d’usine. La manufacture des Flandres expose des métiers Jacquard histo-riques. Notons également le magasin de conditionnement de la laine, orné de polychromies, 1901. Le logement est essentiellement fait de cours fermées, par exemple la courée Dubar-Dekien (1840 et 1880), logis de deux pièces chacun, une porte et une fenêtre.

• Tourcoing, Nord, France, ressemble à Roubaix.• Nordwolle, Delmenhorst, Basse-Saxe, l’usine de nettoyage de la laine la plus

grande d’Allemagne, avec cité ouvrière modèle, fondée en 1884. Comprend le Fabrikmuseum et le Stadtmuseum dans une centrale électrique. On a en partie reconverti les sheds en logements de façon innovante.

• Albstadt, Bade-Wurtemberg, Allemagne, tricot-bonneterie.• Forst, Brandebourg, Allemagne.• Aix-la-Chapelle, Allemagne. Une étape de la route de la Laine dans l’Eifel du

Nord.• Norrköping, Suède. Usine fondée en 1642, filature manuelle complétée à

partir de 1790 par des prisonniers. Sites hydrauliques de premier ordre sur des rapides. À côté de la laine, tricotage, confection, coton (1854), fabrication de papier et brasserie. La zone est aujourd’hui un repère dont une partie, dominée par la tour de l’Horloge et des pompiers Holmen, est un campus

Page 24: LE PATRIMOINE INDUSTRIEL TEXTILE à VOL D’OISEAU · étude comparative établie par la section textile du TICCIH (The International Committee for the Conservation of the Industrial

32

pour l’université Linköping. Commentaires au Stadsmuseet et l’Arbetets Mu-seum (sur le travail).

• La manufacture Nevskaya, Saint-Pétersbourg, Russie, fut fondée par James Thornton, natif du Yorkshire, en 1841. Connue sous le nom d’usine intégrée Ernst Thälmann, pendant la période soviétique. En 1992, elle fut restructurée en société par actions. Construits en 1866, les bâtiments en brique de l’usine Thornton furent plus tard étendus et refaçonnés. Aujourd’hui, la manufac-ture Nevskaya est le plus gros producteur de tissus de laines et de tissus techniques dans le Nord-Ouest de la Russie, réputée sur le marché mondial ; l’usine conserve et développe les traditions de création et de production de tissus classiques « anglais », en suivant des principes écologiques.

• Lawrence, Massachusetts, États-Unis, une ville du coton sur le modèle de Lowell model, érigée le long de deux canaux usiniers à partir de 1845, ré-putée pour ses grandes usines lainières, par exemple, l’usine Ayer, 1909, l’usine Wood, 1906, les deux appartenant à American Woollen Co ; noter la jetée Everett Wool (env. 1890) et les murs à panneaux enveloppant l’usine de machines Lawrence, 1847 ; l’usine Duck, l’usine Pemberton (en 1854, la première s’écroula : on mit en cause de mauvais coulages de fonte) ; l’usine Bay State (en brique et béton armé). Il y a des pensions en-core intactes et des maisons mitoyennes pour les mécaniciens de l’Essex Company.

Fig. 10. Paysage textile, la laine en ville, Lawrence, Massachusetts. États-Unis. À l’origine, devait émuler le succès de Lowell, la ville du coton. La plupart des usines en vinrent à se spécialiser dans la production lainière, pendant que l’industrie cotonnière migra vers le sud. Mise en valeur par le biais de l’Essex National Historic Area (cliché Mark Watson).

Page 25: LE PATRIMOINE INDUSTRIEL TEXTILE à VOL D’OISEAU · étude comparative établie par la section textile du TICCIH (The International Committee for the Conservation of the Industrial

33

La soie à la campagne• San Leucio, Caserte, Italie, PMH. Colonie royale utopique du XVIIIe siècle

pour la manufacture de la soie ; une usine de coton s’y ajoute dans les années 1820.

• Gard, Cévennes, Drôme, Ardèche, France.• Soufli, Thrace, Grèce, et ailleurs sur la route européenne de la Soie.• Shirakawa-go et Gokayama, Japon, PMH : toits pentus en chaume où les vers

à soie étaient éduqués.

La soie en ville• La Croix-Rousse, Lyon, France, PMH.• Krefeld, Rhénanie-du-Nord – Westphalie, Samt und Seide.• Macclesfield, Royaume-Uni : usine Paradise et ateliers domestiques des tis-

seurs sur Paradise Street.• Boukhara, Ouzbékistan, PMH : ville sur la route de la Soie.• Merv, Turkménistan, PMH : ville sur la route de la Soie.• Fez, Maroc.• Alep, Syrie.• Tomioka, Gunma, Japon. Non seulement une usine mais un réseau d’édu-

cateurs de la soie sur les collines, jusqu’aux réfrigérateurs naturels qui ren-daient la production étalée sur l’année, liens de communication avec l’usine de moulinage et de filature de la schappe, quartiers de tisserands à Kyoto et également à Gunma (cf. supra, « Les interactions internationales »).

La confection en ville• Glasgow, Royaume-Uni : le quartier Merchant City et l’institut de confection

Wallace Scott.• Spitalfields, Londres, Royaume-Uni, d’abord peuplée par des tisserands de

soie huguenots à la fin du XVIIe siècle.• Leeds (où l’on fonda Burton), Londonderry et Belfast, Royaume-Uni, avaient

de grandes usines de confection.• Rue Saint-Denis, Paris, France.• Bielefeld, Allemagne (capsules-témoins pour Winkel) : mais il existait aussi

d’autres usines de confection de chemises.• Soho, New York, États-Unis : une rangée de façades en fonte, datant de la

seconde moitié du XIXe siècle, présentait les devantures des manufactures de vêtements variés, lesquelles sont maintenant des appartements en loft.