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Le métamorphisme (ou « Sur des roches qui en ont vu des vertes et des pas mûres ! ») En guise d’intro… Lorsque je me suis promené pour la première fois dans les environs du Col du Grand Saint Bernard, j’avais en tête l’idée d’un article sur les roches de la région, tout en me rendant compte qu’une présentation des roches qui forment la région sans une explication des processus qui les fabriquent, serait vaine. Je me suis alors résolu à préparer un petit ( !) laïus sur les roches métamorphiques, qui s’est vite transformé en exercice de style périlleux… Accrochez vos ceintures, on va voyager en direction du centre de la Terre (et on espère retrouver la sortie) ! Quelques notions… Le métamorphisme est le résultat d’une transformation d’une roche à l’état solide par hausse de pression et/ou de température. La température est un facteur principal et augmente en fonction de la profondeur, il s’agit du gradient (ou degré) géothermique. Ce gradient varie selon les contextes géo-tectonique. Par exemple, sous le plateau suisse (bassin molassique) il augmentera de 3°C tous les 100 m de profondeur, alors que dans la région du graben rhénan (fossé d’effondrement du Rhin), le gradient géothermique pourra atteindre les 8°C/100 m ! La croûte terrestre est amincie et étirée ce qui a pour conséquence de favoriser un géotherme élevé. La pression augmente également avec la profondeur, c’est la pression dite lithostatique. Elle peut également augmenter en fonction des contraintes (pressions orientées). Ces pressions orientées vont conditionner la cristallisation des minéraux selon des plans définis, qui seront appelés foliation et schistosité. La foliation reflète l’arrangement linéaire des minéraux selon des plans aplatis (Fig. 1), alors que le débit de la roche (sa capacité à se fendre selon des orientations définies) se nomme schistosité. 1

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Le métamorphisme (ou « Sur des roches qui en ont vu des vertes et des pas mûres ! »)

En guise d’intro…Lorsque je me suis promené pour la première fois dans les environs du Col du Grand Saint Bernard, j’avais en tête l’idée d’un article sur les roches de la région, tout en me rendant compte qu’une présentation des roches qui forment la région sans une explication des processus qui les fabriquent, serait vaine. Je me suis alors résolu à préparer un petit ( !) laïus sur les roches métamorphiques, qui s’est vite transformé en exercice de style périlleux…Accrochez vos ceintures, on va voyager en direction du centre de la Terre (et on espère retrouver la sortie) !

Quelques notions…Le métamorphisme est le résultat d’une transformation d’une roche à l’état solide par hausse de pression et/ou de température.La température est un facteur principal et augmente en fonction de la profondeur, il s’agit du gradient (ou degré) géothermique. Ce gradient varie selon les contextes géo-tectonique. Par exemple, sous le plateau suisse (bassin molassique) il augmentera de 3°C tous les 100 m de profondeur, alors que dans la région du graben rhénan (fossé d’effondrement du Rhin), le gradient géothermique pourra atteindre les 8°C/100 m ! La croûte terrestre est amincie et étirée ce qui a pour conséquence de favoriser un géotherme élevé. La pression augmente également avec la profondeur, c’est la pression dite lithostatique. Elle peut également augmenter en fonction des contraintes (pressions orientées). Ces pressions orientées vont conditionner la cristallisation des minéraux selon des plans définis, qui seront appelés foliation et schistosité. La foliation reflète l’arrangement linéaire des minéraux selon des plans aplatis (Fig. 1), alors que le débit de la roche (sa capacité à se fendre selon des orientations définies) se nomme schistosité.

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Fig. 1 : Orientation de la foliation sous l’effet d’une contrainte(D’après Université de Laval, Canada).

Deux grands types de métamorphisme s’observent :a) le métamorphisme régional : c’est le métamorphisme que l’on

observe à l’intérieur des chaînes plissées. Le poids des roches accumulées conduira à un enfouissement, donc à une augmentation de pression et de température. La tectonique déformera ensuite les roches pour les exhumer en surface. Ces contrastes thermodynamiques tout au long de l’histoire du protolithe considéré conduiront à la cristallisation-déstabilisation de différents assemblages minéraux successifs. D’une manière générale, le métamorphisme régional décroît selon que l’on s’éloigne de la zone de déformation maximum. Dans les Alpes, les faciès métamorphiques les plus intenses (faciès amphibolitique, puis schistes verts) s’observent au sud du pays, au Tessin, là où la collision alpine est encore la plus intense à l’heure actuelle (Fig. 2). Les derniers terrains métamorphiques s’observent dans les Préalpes (schistes) avec les faciès à zéolites.

Fig. 2 (voir p. précédente): Isogrades de métamophisme régional. L’intensité P-T du métamorphisme décroît en direction de l’extérieur de la chaîne alpine (vers le NNW),

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le diopside étant caractéristique d’un métamorphisme intense, le talc d’un métamorphisme plus faible.

©Louisiana State University, Dpt. Geology & Geophysics.b) le métamorphisme de contact : il se situe autour des intrusions de

roches magmatiques. On observe souvent une zone qui entoure l’intrusion appelée auréole de métamorphisme de contact. L’intrusion d’un corps igné à haute température (granite, p. ex.) provoque une perturbation thermique des roches encaissantes. Une auréole de contact se formera avec des associations minérales typiques se modifiant en fonction de l’éloignement de la source de chaleur (Fig. 3). Les skarns du Mont Chemin, issus de l’intrusion du granite du Mont Blanc dans les lentilles de marbres, ainsi que leur minéralogie (magnétite, hornblende, pyrite…) sont célèbres. Un autre de ces skarns est représenté par l’indice de Salanfe dans le Val d’Illiez (arsénopyrite, scheelite, or). Le skarn de Crestmore aux USA, est l’exemple-type de ce genre d’auréole métamorphique.

surface

Fig. 3 : Skarn de Crestmore, vu en coupe (pas à l’échelle) (D’après Burnham, 1959). (1=monzonite en intrusion, 2=zone à grenat, 3=zone à vésuvianite, 4=zone à

monticellite-silicate de Ca et Mg et marbres, 5=calcaires non métamorphiques)

On observe également 3 autres types de métamorphisme, mineurs :- le métamorphisme dynamique est constitué par le broyage des roches

entourant les failles (mylonites),- le métamorphisme hydrothermal, avec des circulations de fluides au

voisinage de volcans, le long des rides océaniques par exemple, - le métamorphisme d’impact, suite à la chute de météorites.

Un peu de nomenclature…

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La nomenclature des roches métamorphiques s’appuie sur 4 critères principaux :

la schistosité ou les caractères texturaux (texture, apparence de la roche)

la nature du protolithe la composition minéralogique quelques termes spécifiques

La schistosité d’une roche est un feuilletage plus ou moins serré, acquis selon des contraintes tectoniques. La schistosité est différente de la stratification.Les types de roches dépendront de la composition de la roche initiale, que l’on appelle « protolithe » (du grec, proto, « avant » et lithos, « pierre »). Les différents protolithes peuvent être ultramafique ou mafique (avec Mg, Fe, Ni, Cr, Ca : komatiites, péridotites, basaltes, gabbros), pélitique (dérivé d’argiles, avec Al, Si et K), carbonaté (Ca, Mg, CO2 : calcaires, dolomies), quartzeux (SiO2 quasi-pur, grès) ou encore quartzo-feldspathique (Si, Na, Al, K : arkoses, granitoïdes).

…des transformations…Par exemple, dans la série pélitique : une argilite non métamorphique donnera par faible métamorphisme une ardoise (granulométrie fine), puis avec un métamorphisme plus prononcé une phyllite (roche schisteuse à séricite, grains moyens) ou un schiste (roche à schistosité marquée, grains grossiers et lors du dernier stade un gneiss (roche foliée à quartz, feldspaths, micas). Dans la série carbonatée : un calcaire métamorphisé donnera un marbre. Dans la série quartzeuse, un grès donnera un quartzite. Dans la série mafique, un basalte sera métamorphisé en amphibolite. Dans la série quartzo-feldspathique, on obtiendra d’un granite, d’une rhyolite ou d’une diorite, un gneiss.

…et des origines contrastées ! Comme si cela ne suffisait pas, pour compliquer le tout et pour nommer plus précisément les roches, on a recours à la nature de la roche initiale, d’origine ignée ou sédimentaire. Un gneiss, roche composée de quartz et de mica peut provenir du métamorphisme d’un granite ou d’une métapélite. Un préfixe soulignera ainsi son origine, ortho (origine ignée) ou para (origine sédimentaire). Un orthogneiss, dérivera de la transformation d’un granite alors qu’un paragneiss sera issu de la transformation d’une métapélite. Le préfixe méta indique quand à lui, si la structure et la

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minéralogie de la roche initiale sont reconnaissables (métabasalte, métagranite).De même, la chimie de la roche de la roche initiale restera identique à celle de la roche finale (transformée). Cette réalité fait qu’une roche basique telle qu’une amphibolite, ne pourra pas mener à la cristallisation de minéraux riches en aluminium, comme l’andalousite, car largement déficitaire en ces éléments.

Moyens d’étudesLes moyens d’étude principaux pour ce genre de roches sont la fluorescence des rayons X (donne la composition chimique de la roche totale) ainsi que le microscope polarisant (étude des textures et de la minéralogie). Le traçage de l’histoire métamorphique se base sur l’étude des paragenèses minérales (assemblages minéralogiques) par l’étude des champs de stabilité des différents minéraux au moyen de diagrammes pression-température P-T (parfois, l’évolution temporelle est aussi incluse : trajets P-T-temps). La pétrologie expérimentale, qui consiste grossièrement à recristalliser des roches dans des autoclaves en laboratoire en recréant artificiellement différentes conditions de pressions et de températures, est un moyen efficace pour comprendre comment les conditions de formation (et de déformation !) des roches.

Des délits de faciès ? Selon les degrés de pression et de température subis, les roches métamorphiques verront l’apparition d’associations minéralogiques typiques, que l’on appelle faciès. Neuf types de faciès ont été définis, donnés ici avec leurs minéraux principaux (Fig. 4) :

1) Faciès à zéolites : quartz, albite, chlorite. 2) Faciès à pumpellyite-prehnite : pumpellyite, prehnite, épidote.3) Faciès à schistes bleus (blueschists) : amphiboles (glaucophane),

jadéite, quartz.4) Faciès des schistes verts (greenschists): chlorite, épidote, albite,

actinote, quartz.5) Faciès des amphibolites : amphiboles, épidote, albite, micas.6) Faciès des granulites : orthopyroxène, anorthite, grenats (almandin,

pyrope), disthène, sillimanite.7) Faciès des éclogites : omphacite, grenats (almandin, pyrope). 8) Faciès des cornéennes (hornfels): albite, épidote, pyroxène, grenats

(grossulaire).

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9) Faciès des sanidinites : sanidine, albite (pas visible sur l’illustration, à droite du champ des cornéennes).

Fig. 4 : Champs de pression-température des faciès métamorphiques©http://college.hmco.com

Ces faciès, pas forcément représentatifs du point de vue de la minéralogie (certains minéraux caractéristiques du faciès y peuvent être absents, ce qui est fâcheux pour une appellation officielle), tendent à être remplacés par des localités géographiques dans lesquelles ces assemblages se retrouvent regroupés. On parlera ainsi d’un métamorphisme de type Barrowien, Abukuma ou encore Dalradien. Pour simplifier, on dira que le faciès Basse Pression-Haute Température (BP-HT : cornéennes) est caractéristique des zones de métamorphisme de contact, proche des intrusions de magmas. Le faciès HP-BT (prehnite, schistes bleus et éclogites) est typique des zones de subduction, lorsqu’une plaque est entraînée sous une autre. Le faciès HP-HT (schistes verts, amphibolites et granulites), est dû au métamorphisme régional et se rencontre dans les chaînes de montagnes (Alpes).

Lorsque rien ne se perd, rien ne se crée, mais que tout se transforme ! Les roches sont donc enfouies par toutes sortes de processus tectoniques divers et variés. Les roches enfouies subiront une évolution prograde, elles subiront à l’insu de leur plein gré, une augmentation de pression et de température. Cette augmentation de température déshydratera les minéraux, lesquels se transformeront en d’autres minéraux. Lorsque la roche sera exhumée, elle subira une évolution rétrograde (Fig. 5). Dans l’exemple ci-dessous, une roche est enfouie et voit la formation de 6

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l’andalousite (and), accompagnée de chloritoïde et muscovite (chl, mu) vers 2 kbar et 500°C. La muscovite se transforme (se déstabilise) ensuite en biotite (bio) alors que l’andalousite devient de la sillimanite (sil) vers 600°C (polymorphe de haute pression-haute température des aluminosilicates. La roche subit une deuxième phase de contrainte (phase S2) avant d’être remontée en direction de la surface. La sillimanite est déstabilisée en andalousite, alors que la biotite disparaîtra au profit de la muscovite. La cordiérite se métamorphosera comme par enchantement en chloritoïde, avant de retrouver la lumière du jour. Pendant toutes ces péripéties, le quartz sera resté omniprésent puisque situé dans son champ de stabilité.

Fig. 5 : Exemple d’une trajectoire prograde (vers la droite), puis rétrograde (vers la gauche), en direction de la surface (axe vertical en kbar). (D’après Christian Nicollet, Université Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand)

Pendant tout ce chemin, les roches traverseront des séries de réactions métamorphiques pendant lesquelles certains assemblages minéraux (paragenèses) seront stables et d’autre pas. Plus la roche sera rapidement remontée en surface, meilleure sera la qualité des minéraux préservés. Dans le cas contraire, vous pourrez repasser, les minéraux d’origine seront déstabilisés en d’autres, et perdront tout intérêt à figurer sur vos étagères ! Dans de telles conditions, on comprend aisément qu’avoir des minéraux métamorphiques dignes de collection n’est pas chose facile.

Et dans la nature ? Sur le terrain, des zones correspondant à certains assemblages métamorphiques peuvent être observées. Ce sont des isogrades, tels que

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l’isograde du grenat, de la biotite, …etc. L’isograde indique la première apparition d’un minéral particulier répandu dans l’assemblage, que l’on appelle minéral index. Une carte complète du métamorphisme de l’arc alpin a été éditée par le service géologique suisse. On constate que le degré du métamorphisme diminue en direction de l’extérieur de l’arc alpin , ce qui est compatible avec une diminution de pression et de température, en fonction de l’éloignement de la chaîne des Alpes.

Succession des évènementsL’observation des minéraux permet de retranscrire l’histoire de la roche, pour savoir à quelle période il a cristallisé par rapport à la déformation de la roche. Un minéral pré-cinématique, présent avant la transformation de la roche, a été affecté par une phase de déformation ultérieure, par exemple un plagioclase qui été étiré et boudiné, ou une muscovite pliée (Fig. 6). Un minéral syn-cinématique est un minéral qui a crû en même temps que la phase de déformation principale, par exemple un grenat pris dans la schistosité (Fig. 7).

Enfin un minéral post-cinématique est apparu lors d’un évènement thermique postérieur à une phase de déformation.

Fig. 6 : Minéral pré-cinématique. Muscovite prise dans une dolomie, et qui a été déformée lors du métamorphisme (Val Piora, Tessin). Photo (lumière naturelle) : S. Schmidt. Largeur de l’image : 0.85 mm

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Fig. 7 : Minéral syn-cinématique. Grenats (automorphes, bien cristallisés) avec omphacite (pyroxène sodique) dans une éclogite (Zone de Sesia). Photo (lumière naturelle) : S. Schmidt. Témoigne du « pic » du métamorphisme de la roche. Largeur de l’image : 4.56 mm

Fig. 8 : Minéral syn-cinématique. Grenat avec inclusions hélicitiques (au centre du grenat, en forme d’hélice), entouré par du glaucophane, dans une métabasite (île de Groix, France). Photo (lumière polarisée et naturelle) : A. El-Korh. Largeur de l’image : 4.56 mm

Il est parfois complexe de tenter de retracer l’histoire d’une roche dont la naissance remonte au Paléozoïque, ce qui fait que le métamorphisme est très souvent polyphasé (Fig. 9). La roche enregistre plusieurs phases de cristallisation et de déformation. Dans les schistes de Casanna (Carbonifère) de la région du Col du Grand-St-Bernard, de petits filons de pegmatites ont été individualisés, étirés et boudinés lors de l’orogenèse alpine, au Tertiaire (Fig. 10).

Fig. 9 : Micaschistes fortement plissés (métamorphisme polyphasé), micaschistes de Piora, Tessin. Photo : C. Schnyder

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Fig. 10 : Lentille de pegmatite, étirée et boudinée, dans les micaschistes à grenat, Combe de Barasson, Gd-St-Bernard.

Photo : C. Schnyder

Cristaux de staurotides du Gd-St-Bernard, Combe de Barasson Photo : H. Koch

Pour dater précisément l’apparition des minéraux, on a recours à la géochimie isotopique. Les isotopes radiogéniques, comme la méthode U-Pb permet de dater la formation de minéraux alors que la méthode 40Ar/39Ar permet de dater l’âge de refroidissement de la roche. Ceci permet de contraindre dans le temps l’histoire complète d’une roche, depuis sa formation jusqu’à son exhumation. Les isotopes stables, tels que ceux de l’oxygène (16O, 18O) permettent également de connaître la nature et l’origine des fluides qui ont percolé à travers la roche.

Et le collectionneur amateur, que peut-il espérer ? Autant le dire tout de suite, il sera extrêmement dur de trouver des minéraux de collection dans ce genre de roches. Les minéraux qui auront le plus de chances d’être retrouvés en bonne santé, seront des minéraux qui seront susceptibles de développer des faces planes, dont la dureté sera importante et dont les roches n’auront pas subi une

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métamorphisme trop intense. Dans ce panel, on pourra trouver les grenats, la titanite, le rutile, le spinelle, le staurotide, la tourmaline, la hornblende, le disthène, l’épidote, les oxydes ferro-titanés, l’andalousite, les pyroxènes et quelquefois la vésuvianite.A côté de ces champions du stoïcisme, de ces « stakhanovistes de l’enfouissement », quelques autres gisements de minéraux et de métaux précieux doivent leur existence à différents types de métamorphisme : les grands gisements de cuivre de la péninsule de Keweenaw aux Etats-Unis doivent probablement leur existence au métamorphisme d’enfouissement des basaltes précambriens, les fluides hydrothermaux ayant lessivé la roche et reprécipité le cuivre sous forme native. L’or de nature « orogénique », dans les chaînes de montagne associé aux sulfures de cuivre, plomb, zinc, doit son origine à la déformation et à la fracturation intenses permettant aux fluides de déposer les minéralisations (Val d’Or au Canada, La Gardette en France).

Et au terme de ce voyage ? Entraînés par les Alpes, nous avons été enfouis à des profondeurs considérables, subissant des pressions et des températures intenses. Traversant des limites successives de champs de stabilité, nous avons vu certains minéraux recristalliser alors que d’autres se faisaient complètement digérer. Pour finir les mouvements tectoniques nous ont fait ressurgir à toute vitesse, afin de profiter des plus « durs à cuire » des minéraux du métamorphisme ! Tout au long de ce voyage, nous avons tenté de retracer de façon assez simple l’histoire de ces roches si particulières, souvent héritières de plusieurs processus complexes, dont l’étude est longue et difficile…

Nous pouvons également dire que bien que les roches métamorphiques soient relativement pauvres en minéraux dignes de figurer dans les vitrines des collectionneurs, elles n’en méritent pas moins un certain respect, en regard de toutes les pérégrinations mouvementées et houleuses qu’elles ont subies. Le fait qu’un staurotide ou qu’un grenat soit le témoin d’une histoire qui remonte à plusieurs centaines de milliers d’années et ait survécu à tant d’épreuves désagréables sans disparaître est un évènement remarquable !

Le dessinateur Serre a également sa vision des choses en matière de tectonique thérapeutique…

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Modélisation de tectonique in situ ??? Qu’en est-il du métamorphisme du sujet ? ©Serre

Remerciements : Je remercie tout spécialement Susanne Schmidt, chargée d’enseignement et Afifé El-Korh, doctorante du Département de Minéralogie de l’Université de Genève, pour les photos de lames minces ; ainsi que Christian Nicollet, professeur de métamorphisme et pétrologie à l’Université Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand pour m’avoir aimablement accordé l’autorisation de reproduction d’une figure.

Bibliographie : - Ansermet, S. & Meisser, N. (2000) : Les minéraux des skarns du Mont Chemin, Valais, Le Cristallier Suisse, Vol. 12, Nr. 3, Août 2000.- Fontboté, L. : Cours de gîtes métallifères (chapitres F & N), année académique 2004-2005, Département de Minéralogie, Université de Genève.- Foucault, A. & Raoult, J.-F. (2001) : Dictionnaire de géologie, 5e édition, Masson.- Goujou, J.-C. (2000) : Voyage dans les profondeurs de la Terre… avec les minéraux de métamorphisme, Le Règne Minéral, no. 36, pp. 5-20.- Schmidt, S. Th. : Cours de métamorphisme, année académique 2004-2005, Département de Minéralogie, Université de Genève.- Winter, J.D. (2001) : An introduction of igneous and metamorphic petrology, pp. 410-533.

Site Internet:http://christian.nicollet.free.fr/, site très bien illustré sur le métamorphisme et le magmatisme, abondamment illustré.

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