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Khalid Louizi • Le marché social à vocation economique Zb. rad. Ekon. fak. Rij. • 2007 • vol. 25 • sv. 1 • 55-81 55 Communication préliminaire CDU: 330.142.212 : 331.101.2 : 334.012.46 Le marché social à vocation economique * 1 Khalid Louizi 2,3 Celui qui calcule reste seul(Proverbe marocain) Résumé L’auteur analyse le processus de mise en place d’un capital social ayant pour ob- jectif de favoriser l’insertion des personnes en situation d’isolement. L’individu isolé ne profite pas des autres pour améliorer sa situation. Par conséquent, ne dis- posant d’aucun capital social, la personne isolée ne peut donc augmenter sa chance d’employabilité. Dans cette perspective, nous nous référerons aux travaux de recherche sur le concept de capital social et plus particulièrement à ceux portant sur le rôle des réseaux sociaux. L’hypothèse retenue est de démontrer que la lutte contre le chômage et les exclusions est en grande partie tributaire de l’insertion dans un réseau. Ce dernier produit “la relation” qui est un input néces- saire à la formation du capital social. Ce dernier est le résultat d’un échange d’où notre postulat du marché social à vocation économique. Mots clés: Capital social, Interactions sociales, Insertion, Exclusion, Organisa- tions à but non lucratifs, Ressources sociales, Proximité, Territoires. Classification JEL: L31 * Reçu le 13 septembre 2006; Accepté le 23 avril 2007 1 Cet article a bénéficié des remarques de Lemennicier, B. Professeur à l’Université PANTHEON-AS- SAS (Paris 2) lors de sa présentation à un séminaire de recherche qui s’est tenu le 10 décembre 2005, à Paris. 2 Docteur ès sciences économiques, Professeur assistant en sciences économiques, Université Hassan 1er de Settat (Maroc), Faculté des Sciences juridiques, économiques et sociales. Inté- rêts Scientifiques: Economie publique, Economie sociale et recherches microéconomiques sur les organisations à but non lucratif qui opèrent dans le cadre de l’insertion des chômeurs et des personnes à faible qualifications notamment les institutions de la microfinance. Téléphone: 0021268635239, Télécopie: 0021223721274, E-mail: [email protected] 3 Enseignant à l’Université de Settat (Maroc) et Enseignant invité à l’Université de Paris 2.

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Khalid Louizi • Le marché social à vocation economique Zb. rad. Ekon. fak. Rij. • 2007 • vol. 25 • sv. 1 • 55-81 55

Communication préliminaire CDU: 330.142.212 : 331.101.2 : 334.012.46

Le marché social à vocation economique*1

Khalid Louizi2,3

“Celui qui calcule reste seul”

(Proverbe marocain)

Résumé

L’auteur analyse le processus de mise en place d’un capital social ayant pour ob-jectif de favoriser l’insertion des personnes en situation d’isolement. L’individu isolé ne profite pas des autres pour améliorer sa situation. Par conséquent, ne dis-posant d’aucun capital social, la personne isolée ne peut donc augmenter sa chance d’employabilité. Dans cette perspective, nous nous référerons aux travaux de recherche sur le concept de capital social et plus particulièrement à ceux portant sur le rôle des réseaux sociaux. L’hypothèse retenue est de démontrer que la lutte contre le chômage et les exclusions est en grande partie tributaire de l’insertion dans un réseau. Ce dernier produit “la relation” qui est un input néces-saire à la formation du capital social. Ce dernier est le résultat d’un échange d’où notre postulat du marché social à vocation économique.

Mots clés: Capital social, Interactions sociales, Insertion, Exclusion, Organisa-tions à but non lucratifs, Ressources sociales, Proximité, Territoires.

Classification JEL: L31

* Reçu le 13 septembre 2006; Accepté le 23 avril 20071 CetarticleabénéficiédesremarquesdeLemennicier,B.Professeuràl’UniversitéPANTHEON-AS-SAS(Paris2)lorsdesaprésentationàunséminairederecherchequis’esttenule10décembre2005,à Paris.

2 Docteur ès sciences économiques, Professeur assistant en sciences économiques, Université Hassan 1er de Settat (Maroc), Faculté des Sciences juridiques, économiques et sociales. Inté-rêts Scientifiques: Economie publique, Economie sociale et recherches microéconomiques sur les organisations à but non lucratif qui opèrent dans le cadre de l’insertion des chômeurs et des personnes à faible qualifications notamment les institutions de la microfinance. Téléphone: 0021268635239, Télécopie: 0021223721274, E-mail: [email protected]

3 Enseignantàl’UniversitédeSettat(Maroc)etEnseignantinvitéàl’UniversitédeParis2.

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1. Introduction

L’échange interindividuel produit des ressources sociales nécessaires à la forma-tionducapitalsocial.L’efficacitédecetteproductions’inscritdansuncadreorgani-sationnelquiestceluidesorganismesnonprofitablesopérantdansledomainedel’insertionparl’économique.Cesorganisationscréentunedynamiquefavorableaudéveloppementducapitalsocial.

C’estdanscetteperspectivequenousétudieronsd’abordleprocessusparlequelunindividuproduitlarelationdanslebutdemaximisersachanced’insertionetdoncd’améliorersasituation.Dansundeuxièmetemps,nousévoqueronslaquestiondesinteractionssocialesdanslalittératureéconomique.Enfin,dansunephaseultime,noustraiteronslarelationentreinvestissementetcapitalrelationnelsurlabasedurôlequepeuventjouerlesorganismesnonprofitables(lesassociationsd’insertion)danscettedynamiquerelationnelle.

2. Capital social et insertion

2.1. La relation et le réseau

Lanotionde relationdésigneun typed’échangeparticulierentredeux individus,acteursd’unesituation,commelerelèveFernant,A.(1997)4. Une relation peut com-porterplusieurstypesd’échanges.Ensociologie,ceséchangesprennentlaformedelienssociaux.L’ensembledecesliensformeunsystèmederelationsappeléréseau. Àl’intérieurdecelui-ci,lesactionsindividuellessontinterdépendantes.Ceprinciped’interdépendanceconfèreauréseaulestatutdesystèmequipermetl’échange.

Larelationsedéfinitcommeuneproductiond’interactionsentrelesindividus.Ilexistedeuxtypesderelations:larelationpositiveetlarelationnégative.Lapremièreviseàaméliorerlasituationdel’individu.Elleadeseffetsbénéfiquesentermesdegain.Lasecondeconsisteenunepertefinancièreouenunedétériorationdelasituationdel’individu.Celui-ciestsupposéinvestirentempsetenargentenvuederentabilisersoninvestissementdanslarelation.L’analyseentermesderevenusocialdeBecker,G.S.(1974)focalisesurlarelationéconomiquementpositivequis’apprécieparuneaugmentationdurevenu.L’engagementdanslesinteractionssocialesnesemblepasreleverdevaleurséthiquesintérioriséesoud’unquelconquedevoirmoral.

Le réseau est constitué par un groupe d’individus ayant un rôle à jouer dansl’améliorationdubien-êtredesindividus.C’estunensembled’individus-ressourc-es5.Chacunoccupeunepositionsocialedifférenteà l’intérieuretà l’extérieurdu

4 Fernant,A.(1997),“Lesstructuresdessystèmesderelations”,Année sociologique,volume47,N°1,pp.37-54.

5 Unindividuressourcesestunepersonnequi,parsesrelationsetsapositionsociale,estsusceptibled’améliorerlasituationsdesmoinsbienlotis.

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groupe.Lastratégiedel’individuenquêted’emploiconsisteàdévelopperunlienaveclapersonnequiestenmeilleurepositiondansleréseau,àconditionquel’accèsnedemandepasungrandinvestissemententemps.L’associationadoncpourrôledeminimiserlescoûtsdel’entréedanslarelation.Ellesupporteunepartieimportantedes coûtsdeproductionde la relation sous formede suivi, demise enplacedesstructuresd’accueil,d’accompagnement,defournitureetmatérielbureautiqueetc..Enutilisantcesmoyens,l’individuenquêted’insertionréalisedeséconomiesquisontenpartiefinancéespardessubventionsetdesrevenusdel’activitéd’insertion.Leréseauderelationsestuneintermédiation.

Ens’insérantdansleréseaurelationnel,l’individudépourvuderelationmaximisesachancedetrouverunemploi,l’associationsechargeantdemettreenrelationlesexclusaveclesmembresduréseau.Carlaluttecontrel’exclusionsetraduitaussiparuneluttecontrel’enfermementetl’isolement.L’organismenonprofitabletrouvesamissionconformeàsesprincipessupérieursausensdeséconomistesdesconven-tions,quis’articulentautourdelasolidaritéetdelacitoyenneté.Cettemissionresteconformeaux“valeurs prémisses”del’association.

Parsaspécificitéd’organismedemédiation, l’associationappartientà l’économierelationnelle. La relation n’est pas unmoyen,mais une fin. C’est la mission del’entreprisesocialesoumiseàunenon-redistributiondesprofits.Elledoitgénérerunerelationentrelesindividusdeniveauxdeviedifférentsquipermetuneredistri-butiondesressourcessociales.Dumêmecoup,lecontextedeproximitéterritorialepermet laminimisation des coûts de la construction d’une structure relationnelle(Rallet,A.etTorre,A.,(2004))6.

L’efficacitédel’actiondemiseenréseauestfonctiondelarelationquiexisteen-tre l’organisme et les caractéristiques physiques et symboliques dumilieu local.L’ancragedel’institutiondansleterritoireproduitunsensàl’actionetunecohérencedansleschoix.Eneffet,l’appartenanceàungroupeaideàl’émergenceetàlaconsti-tutiond’unensemblederelationssousformed’unestructureactivesolidaireeten-trepreneuriale.Laplupartdutemps,cesstructuresformentunréseauinformeldanslamesureoùiln’yapasdebasejuridiquequidélimiteleursresponsabilités.7

Leprocessusdeproductiondelarelationestunsystèmecollectifquisebasesurdescroyancescommunesetdesobjectifscommuns.Cesinputsservirontàassurerunerelationpositivepouraccélérerladynamiquedudéveloppementlocalet,defait,laluttecontretouteslesformesd’exclusion.

6 Rallet,A.etTorre,A.,«Proximitéetlocalisation”,Economie ruralen°280,avril.7 Exemple:l’actiondel’Étatenfaveurdudéveloppementdescommunautésdecommunes.Cesstruc-turesn’ontpasuneexistencejuridiquequidélimitelesresponsabilités.Enmêmetemps,ellesinfluen-centlaviepolitiqueetéconomiqueduterritoire.Ellessontdotéesd’unbudgetimportant.D’unpointdevuelégal,cesstructuresontuneexistenceinformelle.

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Lascienceéconomiqueclassiqueexclutdesonchamptoutobjetousujetconsidérécommenonéconomiquemêmesil’échangeestparnatureunerelation.L’individutelqu’ilestdécritpasl’analysenéoclassiquenepossèdenisentiments,nisupportéthique.Ilestsupposéêtreunisolédurestedelasociété,donccoupédelarelationaveclesautresmembres.C’estuneformed’isolementsocialquipermetàlathéoriedusitedeprétendrequel’hommenéoclassiquenesurvivraitpasdanslescontréescommecellesd’Afriqueoùleséconomiesrelationnellessontprédominantes.

Pour remédieràcedéficitde relations,certainséconomistesontpoussé l’analyseéconomiqueen intégrantdans leursmodèles la recherched’uneautresatisfactionquecellebaséesurl’accumulationdesbiensmatériels.C’estdanscettelogiquequesesituentleséconomistesdel’ÉcoledeChicagoreprésentéeparBeckeretceuxdel’ÉcoledeVirginieavecBuchananetTullock.

Lapremièreécolesoulignel’importancedu“capital humain”etdes“ interactions sociales”. Elle intègre les dimensions des autres sciences telles la sociologie, lacriminologie,l’anthropologie.Ainsia-t-ellepumenerdesrecherchessurlecrime,lemariage,lafamilleetc.

Lasecondeécole,l’écoledeschoixpublics,s’intéresseàl’analyseéconomiquedelapolitiqueetdel’État.L’approchedecesinstitutionssefaitsousl’anglederelationsd’échangesquimaximisentlesgainsdesindividus,qu’ils’agissedumarchépoli-tique,deladémocratie,delabureaucratie,etc.Àlalumièredecesthéories,ilsemblepossibled’affirmerqu’ilexisteunmarchédel’exclusionoùlebutrecherchédesac-tionsindividuellesn’estpasuniquementmonétaire,maisaussisocialausenslarge.“La socialité”devientindispensableauxactivitésproductives.SelonH.ZAOUAL,“les investissements relationnels induisent des coûts d’opportunité, mais rapportent. Dans le contexte des économies relationnelles, leur importance stratégique supplante ce que pourrait rapporter l’application du modèle d’un comportement économique cloisonné ou d’innovation technique sans socialité”8.Seloncetauteur,toutindividuabesoind’unsite.Et,lesiteestunecosmovision,unsystèmedecroyancespartagéesparlesacteurs.Lesconnaissancesainsiquelescomportementsquiexistentsurleterritoireendépendentfortement.Defait,lesiteproduitdesconventionsnécessairesàsonauto-régulationentantqu’organismesociald’appartenance.Iljouelerôled’unespacecognitifdecoordinationinterindividueletproduitdusens,delacoordinationetdelacohésion.Ensorteque,d’aprèscettethéorie,lesitecombatlesincertitudes,lesaléasdumarchéenmobilisantsesvaleursetsesinstitutions9.

8 Zaoual, H. (199�). «Zaoual,H.(199�).«Du rôle des croyances dans le développement économique”. Thèse de Doctorat ès.Scienceséconomiques,UniversitédeLille1.PubliéesouslemêmetitreauxEditionsL’Harmat-tan,2002.

9 Pour un exposé asse�� complet de cette théorie, cf. l’un de ses derniers ouvrages:Pourunexposéasse��completdecettethéorie,cf.l’undesesderniersouvrages:La Socioéconomie de la proximité. Du global au local,L’Harmattan,2005.

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L’activité humaine sur lemarché de l’exclusion reste prisonnière d’un calcul de“coût d’opportunité”quireprésenteleniveaudessatisfactionsalternativesauxquelonarenoncéenconsacrantlesfacteursraresàuneouplusieursactivitésaudétrimentdesautres.Danscetteoptique,l’organismequalifiédenonprofitables’occupedesexcluseneffectuantuncalculéconomiquede“coûtd’opportunité”.Ilmetenavantdesprojetsd’insertionenvued’accroîtreleniveaudessubventionsquiconstituentunrevenuimportantcompensantainsilemanquedetransfertsvolontaires.Onpeuts’attendreàcequ’iljoueunrôledanslamiseenœuvredesorientationspolitiquesenmatièredeluttecontrelesexclusions.Cettestratégiejoueenfaveurdel’organismenonprofitablequisevoitattribuerunpouvoirdenégociationavecleshommespoli-tiques. Il y a donc un gain à s’occuper des pauvres et des exclus.Lemarché del’exclusionreposesuruncalculéconomiquedesatisfactiondesbesoinsmatérielsetimmatériels.

2.2. La complexité de l’action économique à vocation sociale

Les actions de l’individu s’inscrivent dans une réalité économique complexe.L’économisteasaproprevisiondumonde,doncdel’homme.Celui-cimaximisesonutilitéstrictement individuelle.Lesautresnecomptentpas.Parconséquent, touteorganisation,mêmesansbutlucratif,estimprégnéepardescomportementségoïstes.L’aideauxexclusreprésenteunmoyendemaximisationdurevenusocial.Laratio-nalitéinstrumentaleveutquel’associationutiliselesexcluscommeargumentpourmaximisersesgainsobjectifsetsubjectifs.

L’organismenonprofitableprenddesdécisionsrationnellesencomparantlescoûtset les avantages liés à l’aide aux exclus.L’idée fondamentale est que ces organ-ismes “consomment” les exclus en vue de tirer des satisfactions. C’est une de-mandedeconsommationparticulièredanslamesureoùellefaitapparaîtredescoûtsd’opportunités.Celan’exclutpasqu’ilpeutyavoiraumoinsune“relation pour la relation”. L’entreprise sociale reste étroitement soumise à une rationalité dans laproductiond’unbiencollectif toutenaméliorantson imagedemarqueenvuedeproduireunbienprivé.

En s’engageant dans l’offre d’insertion, les organisations non profitables entrentdansuncontexted’échangequiobéitàlaloidumarché.Lesconsidérationsautresqu’économiques font partie d’unmarketing social qui a pour but de différencierl’offre.Dès lorsqu’elles sedonnentpourmissiondes’occuperde l’insertiondesexclus,ellessefixentdesobjectifsspécifiques.Parconséquent,ellessontconduitesàmettreenplaceuneorganisationoriginalequipermetderépondreàdetelsbesoinsquinesontcouvertsniparlemarché,niparl’État.Danscecontexte,ladifférentia-tionconstituel’axeessentieldeleursstratégies.Eneffet,“parce qu’elles doivent se positionner de façon compétitive par rapport aux entreprises classiques et aux organisations publiques et parapubliques, la différentiation de l’offre est le seul

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moyen de captation des ressources et des clientèles”.(Collette,E.&E.HamdouchA.,(1993))10.

Lastratégiededifférentiationreposesurlacapacitédel’organisationàmobiliserdescompétencesetdessavoir-fairepourrépondreàlademande.Laqualitéetl’originalitédesbiensetservicessontdéterminantes.Ladifférentiationquiaccompagneladiver-sificationdesactivitésdesorganismesnonprofitablesposeunproblèmed’identitéetd’éthique.Eneffet,endéveloppantdesactivitésdenaturecommerciale,ilssetrans-formentenentreprisesclassiquesquicherchentàmaximiserleurprofit.Deplus,leurinscriptiondansdesréseauxdepartenariatremetencauseleursprincipesfondateursque sont les actions “rebelles”contrelepouvoirpolitiqueetlesinstitutionstradition-nelles.Latendanceàressemblerauxentreprisesclassiquesfavorisel’utilisationdesoutilsdel’économiestandard.Cetteprofessionnalisationdesorganisationsdutierssecteurn’estpassans risquemajeurdupointdevueéthique.“Les rapports qu’a l’association avec les instances étatiques modifient le sens de leur institution. Cette logique de collaboration comporte des dangers d’une absorption progressive qui ne saurait d’être évitée par l’octroi de garanties d’autonomie aux associations”. (Chevalier,J.(1987)).11

Pourdépassercesconsidérationsréductrices,nouspréféronsdécrypterl’entreprisesocialesousl’anglerelationnel,c’est-à-diremettreenexerguelesinteractionsquidé-terminentl’existencedecettestructure.Lecaractèreassociationnistedel’entreprisesocialequisesitueentrelemarchéetl’Étatconstitueunélémentclédanslacom-préhensiondesonrôledemédiation.

La théorie de l’État avance le postulat d’une stricte démarcation du public et duprivé. L’espace social apparaît comme divisé en deux, d’un côté, l’espace privé,del’autre,l’espacepublic.Danslepremier,l’individudéfendsesintérêtsparticuli-ers,etonfaitétatdelasociétécivile.Danslesecond,ils’agitdesociétépolitiquesymboliséeparl’Étatsupposédéfendrel’intérêtgénéral.Lesdeuxlogiquesd’actionsontdifférentes.Cetteconstructiondel’espacesocialn’estquedichotomique.Parsuite,cetteséparationvagénérerdeuxfaçonsd’appréhenderl’entreprisesocialeenparticulier,etlephénomènedesorganismesnonprofitablesengénéral.

Aujourd’hui,lesassociationsdansleurluttecontrelesexclusionssesonttransfor-méesenentreprisessocialessesituantàl’intersectiondecesdeuxapproches.Ellesconstituent un corps intermédiaire ayant pour objectif une production du “social vivant”etnonpasdeschosesmortes12.Cettelogiqued’organisationéconomiqueetsocialeviseàrapprocherl’économique,lebiologiqueetlesocial.Elleassureune

10Collette,E.,Hamdouche,A.(1993).«StratégiesdesN.P.O”IN.Contribution au colloqueStratégieorganiséparleMETIS.UniversitédeParis1-Panthéon-Sorbonne.Paris,1�et17Novembre,p.10.

11Chevalier,J.(1987), Projetn°203,Janvier-février,p.4�.12Cf.Passet,R.(1979)L’économique et le vivant,Payot,CollectionTraces.

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régulationentrel’économiqueetlesocialdansuncontextederelationquiprendlaformed’unecoproductionsociale.

Cesorganismesnonprofitablesnégocientaveclesentreprisesclassiquespourqu’ellesintègrentdansleurschémadedéveloppementlescontraintesdel’environnementso-cial.C’estpourquoinoussoutenonslepostulatselonlequell’entreprisesocialepeutjouerunrôledemédiationentrelesintérêtsdesentreprisesclassiquesetlesintérêtsdelasociété.Elleinciteàlapriseencomptedesexternalitésnégativesdel’activitémarchande.Desinterférencessontdoncpossiblessousuneformedecoproductionsocialedelarelationd’intérêtgénéral.

2.3. La relation entrepreneuriale.

L’entreprisesocialeproduitlarelationquipermetàl’individuensituationd’exclusiond’améliorer sa situationen s’insérantdans le tissu social.La relationen tantquebesoinestuneconditiondesortiedel’exclusion.C’estuneformed’adaptationaumilieuoùsecôtoientleshommes,lesbiensetlesservices.Lemilieuimposeauxper-sonnesderentrerdansdesrelationsquipermettentlaréalisationdesinteractions.

Ilexisteunecorrélationentrelenombrederelationsd’unindividuetlaprobabilitédesoninsertion.Plusilpossèdedesrelations,plusl’individuadeschancesdesortirdel’exclusion.Cetteprobabilitéaugmenteavecsapositionsocialedanslegroupe.L’entreprisesocialeestaussiunestructureéconomiquequipermetlamiseenplacederéseauxpourmettreàdispositiondesressourcessociales.Laproductiondelare-lationpasseparlacréationdeliensentrelesindividusayantdespositionsdifférentesdansleréseau.Cesliensformentdesbiensclubs.

Leréseauestdoncproductif.Ilseréfèreà“certains aspects des structures sociales qui facilitent certaines actions (…). Le capital social est productif, rendant possible l’accomplissement de certains buts, accomplissement qui serait impossible en son absence” commelesouligne Colman,J.S.,(1988)13.Leréseauestuneproductiondelarelation.Lerésultatdel’actionformeuncapitalsocial.Autrementdit,l’efficacitédelarelationconditionnelavaleurdelarelation.L’individuensituationd’exclusiondisposed’unstockquasinulderelationspositives14.Ils’insèredansuneentreprisesocialeenvuedelesaugmenterafindebénéficierdesexternalitéspositivesduréseaudontdisposel’organisation.Chaquenouveauliendansleréseaureprésenteunaccèssupplémentaireauxressourcessociales.

13Colman, J. S. (1988) “Social capital in the creation of human capital”,man, J. S. (1988) “Social capital in the creation of human capital”,,J.S.(1988)“Socialcapitalinthecreation of human capital”,creationofhumancapital”, American Journal of Sociology (94),pp.95-121.

14Les relations positives sont celles qui visent l’amélioration sociale et matérielle de l’individu enLes relations positives sont celles qui visent l’amélioration sociale etmatérielle de l’individu ensituationd’exclusion.

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Desétudesempiriques-Campell,MardenetHurlbert,LinetDumin,ontmontréquelesoccupantsdepositionsélevéesontunaccèsplusfacilequed’autresàdesres-sourcessesituantdansdesniveauxdiversethétérogènes.

Figure1:L’accèsauxressourcessociales

Figure2:Ressourcessocialesetexclusion

Àmesurequelatailledugroupededemandeursd’insertionaugmente,laportiondesressourcesretenuescommeayantdelavaleurpourtousdiminue,alorsquelapor-tionrelativederessourcesn’ayantdevaleurquepourunsous-ensembled’individusspécifiquesaugmente.Lasurviedusystèmenepeutêtreassuréequeparlamiseenœuvrederèglesetdesconventionsdanslesrelations.Autrementdit,lesystèmerela-tionneldoitêtreinstitutionnalisépouréviterdessituationssous-optimales.

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Lathéoriedesressourcessociales–Lin,N.(1982)-seconcentresurlesressourcesquecontientunréseausocial.Cesressourcessontdéfiniescomme“des biens dont la valeur est déterminée socialement et dont la possession permet à l’individu de survivre ou de préserver ses acquis. Les valeurs sont des jugements normatifs sur ces biens qui, pour la plupart des sociétés, correspondent à la richesse, au statut et au pouvoir”15(Lin,N.(1995))Lesressourcessocialesconstituentlaproductionduréseau.Ellessontaccessiblesautraversdesliensdirectsetindirects,paroppositionauxressourcesindividuellesquiformentlecapitalhumainetquisontacquisesouhéritées.Cesdernièressontlapropriétédel’individu.Commenousleverronsplusbas,lecapitalhumainestindissociableàl’individuquileporte.

Leréseauconstituedonclastructuresocialeoùs’effectuel’échangedesliensprodu-itsparlesressourcessociales.L’accèsàceréseaudépenddelapositionindividuelle.Pluslapositionsocialeesthaute,plusl’accèsestfacile,etmoinsilyadesconcur-rentsetplusonalepouvoir.Lapositionsocialedansleréseaudétermineégalementlaquantitéderessourcespotentiellementcumulables.Lastructureduréseauestpy-ramidale.Lepouvoiraccumuléestfonctiondelapositionsocialedel’individudanslastructureduréseau.

L’individuensituationd’exclusiondoitaccéderauxpositionsduréseauoffrantplusd’avantagesentermesderessourcessociales.Eneffet,lesindividusquisetrouventdansunepositionsocialeélevéedisposentplusderessourcesrelationnellesquelesindividusdansuneposition inférieure.L’actionde l’individuenquêted’insertionest,decefait,instrumentale.Ilrecherchepartenairesenfonctiond’attributssociauxavecdavantagederessources.

L’efficacitédelarecherched’emploin’estpasuniquementfonctiondel’employabilitérelativedel’individucouvrantsoncapitalhumainetsescompétences.Elledépendaussidesrelationssocialesetdoncdelaqualitédesfréquentations.Dansuncontextedechômagemassifdelonguedurée,laconcurrencepourobtenirunemploidevientdeplusenplusdifficilesurunmarchéprotégé.Ladiversitédesmoyensdetrouverunemploioblige lechercheuràutiliser,outresoncapitalhumain,des ressourcessocialesafind’améliorersapositionsurlemarchédutravail.Lesréférencesmoralesetrelationnellessontunatoutpourlerecrutement.Ellespermettentdeminimiserlerisquepourl’employeureninstaurantlaconfiance.L’actiondudemandeurd’emploiobéitdanscecasàunelogiqueutilitaristedanslamesureoùelleestinstrumentale.Ellereposesurlamaximisationdugain.

Leconceptderéseaud’échangerelationnelprésenteunintérêtméthodologiqueper-mettantdecernerlesinteractionsdesindividusàl’intérieurdesstructures.L’activitédesentreprisessocialesestdéterminéeparunsystèmederelationsrendantlesin-

15Lin, N. (1995), «Les ressources sociales: une théorie du capital social”.Lin,N.(1995),«Lesressourcessociales:unethéorieducapitalsocial”.Revue Française de sociolo-gie.octobre-décembre,XXXVI,pp.�85-704.

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dividus dépendants les uns des autres. “Les approches sociologiques classiques décrivant les systèmes d’échange, dans lesquelles l’idée de réseau est utilisée en tant qu’image métaphorique pour demander à des individus de dessiner leur cercle d’inter-connaissance” (Marresca,B.(199�)16.L’analyseduréseaudéveloppéeparlessociologuesdanslesannéessoixanteestuneapprochestructuraledessystèmesde relations liant les individusd’ungroupe social.Eneffet, le conceptde réseaupermetderendrecomptedeladifférentiationdespositionssocialesetdeleursim-brications.

L’analyseéconomiqueduréseauoul’économiedesréseauxsedonnecommeobjetd’explorerlessystèmesd’interactionssocialesquivisentl’élargissementdessourcesderevenu.Commepourlecapitalhumain,l’investissementdanslesrelationsgénèredesrendementsentermesdebénéfice.

3. Les interactions sociales: retour sur la théorie

3.1. L’analyse standard des interactions sociales

L’analyseéconomiqueduréseauaétéinitiéeparBecker,G.S.(1974)danssathéo-riedesinteractionssociales17.Elleseveutunethéoriemoderneduconsommateur.L’individuyretireunesatisfactiondesarelationaveclesautresmembresdesacom-munauté.Lerevenud’unepersonnecomprendsonrevenumonétaireetle“revenu”qu’ilretiredesarelationaveclesautresetquiformedesredistributionsvolontaires.L’ensembleconstitueunrevenusocial.Cedernierestfonctiondel’environnementsocialquidéterminelavaleurmonétairedescaractéristiquesdesautresindividus.

L’utilitéindividuellecomporte,entreautres,desélémentssubjectifscommeleplai-sirprovenantde sa relationavec les autres.Cebénéficeest considérécommeunbienquiaunprix,carilparticipeàl’augmentationdubien-être.Parconséquent,laconsommationn’estpasréduiteuniquementàdesbiensmatériels.Elle inclutdesvariablescommelaréputation,ladistinction,l’estimedusiteetc.

Pourunindividu,lafonctiond’utilitéestdelaforme:

Ui = Ui (Z1,..., Zn)

où Z1,..., Zn sontdesbiensdebasec’est-à-diredesbesoinsessentiels(basicwants)avec:

16Maresca, B. (199�) «Approche de la structure du paysage associatif dans le domaine de l’environne-Maresca,B.(199�)«Approchedelastructuredupaysageassociatifdansledomainedel’environne-ment ” CREDOC,pp.1-97.

17Becker, G.S. (1974) «Les interactions sociales”,Becker,G.S.(1974)«Lesinteractionssociales”,Journal of Political Economy,vol.82,n°�,pp.10�3-1093.

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jZ = ijf ( ),...,,,,( 1 r

jji

jj RREtx

où:

jx sontlesquantitésdebiensetdeservicesissuesdumarchédesbiensetservices(desquantitésmatérielles).

jt laquantitédutempsdel’individu,iE leniveaudel’éducationetdel’expérience

rjj RR ,...,1 lescaractéristiquesdesautrespersonnesaveclesquellesl’individuentre

en relation.

L’individudansunesituationd’exclusion,àlarecherched’uneinsertionrejointuneentreprised’insertionouunautreorganismenonprofitableenvued’entrerenrelationaveclesautresindividus.Lemodèlesupposealorsqueleprixdescaractéristiquesdesautresestsupportéparl’entreprised’insertion.Lerevenutirédel’activitéd’insertionoulerevenuminimumd’insertiondontdisposel’individuluisertuniquementàacheterdesbiensdepremièrenécessité.Lafonctiondeproductiondel’utilitéest:

Ui = Z(x, R)

oùxreprésentelesbiensdeconsommationetRlescaractéristiquesdesautres,vari-ablequidépenddel’environnementsocial.Enfournissantuneffortd’insertionens’engageantdansunerelation,l’individuipeutchangerlescaractéristiquesdesonenvironnementsocial.Cettefonctionadditives’écrit:

R = Di + h

Disymbolisantleniveaudel’environnementsocialquandl’individunefournitau-cuneffortethmesurantleseffetsdel’effortd’insertionconsentipari.Lacontraintebudgétaireest:

pxx + prh = Ii

danslaquelleIi est le revenu monétaire.

Lacontraintebudgétaireadditionnelesdépensesmonétairespourl’acquisitiondesbiens matériels (pxx)etlesdépensespourl’acquisitiondescaractéristiquesdesau-tresmesuréesen termedeprixde l’effort(pRh).Nousavonssupposéquececoûtest supporté par l’entreprise socialemettant en relation les individus en situationd’exclusionavecdespersonnes-ressourcessusceptiblesd’aiderlapersonneàtrouverunemploi.Onpeutégalementconsidérerquel’organismequalifiédenonprofitableinfluence l’environnementde l’individudemanièreàdégagerunavantagequisetraduitparuneélévationdesonrevenu.

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Khalid Louizi • Le marché social à vocation economique 66 Zb. rad. Ekon. fak. Rij. • 2007 • vol. 25 • sv. 1 • 55-81

Ii est le revenumonétaire total nécessaire à l’insertiond’un individu.Le coût del’effort (pRh) est supporté par l’organisme d’accueil. L’individu doit afficher savolonté d’insertion pour que l’organisme engage des fonds qui lui permettrontd’augmentersonrevenueninvestissantdanslescaractéristiquesdesautres.Ceten-gagementestunefonctioncroissanteavecleniveaud’éducation.

Ensubstituantàh,R-Ddansl’équationprécédente,ona:

pxx + pRr = Ii + prDi = Si

Si est le revenu social. Il se compose du revenumonétaire Ii et de la valeur del’environnement social de l’individu. L’équilibre individuel se réalise suivant lesconditionsclassiquesTMS=Rapportdesprixsoit,

R

x

i

i

pp

RU

xU

=

∂∂

∂∂

Dans le cas où les efforts de l’organisme qualifié d’insertion auraient des effetspositifs sur la situation de l’exclu, ils se traduisent par une augmentation de sonrevenu social. L’objectif de l’organisation est d’améliorer l’environnement socialdel’individu.Autrementdit,l’organismecontribueàtransformerl’environnementde l’exclu, positivement, dans une perspective d’embauche. Il le dote d’un sited’intégration,producteurdecapitalsocialetderéseauxd’appartenance.

Enréalisantuninvestissementsocial,l’organismenonprofitablevisel’augmentationdurevenusocialdel’individuensituationd’exclusion.Decefait,ilagitcommeuneinstitutiondebienfaisance.L’offreestconstituéepardes“biens charitables” qui ont lesmêmes caractéristiquesque les biens publics.Lemontant de l’investissementprenduneformededon.Lafonctiond’utilitéalaforme:

Ui = Ui [xi, xj]

avec j

jj p

hIx

+=

où hestledoncharitableetxjestunemesuredubien-êtredesbénéficiaires.Lamaxi-misationdugaindel’entreprise(leprofitsocial)dépenddel’effortsupplémentaire:

hU

IU i

i

i∂

∂=∂∂

> 0

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L’unitésupplémentairequiaccroîtlebien-êtredesbénéficiairesauneffetidentiquesur l’organismenonprofitable.En retour, l’augmentationdu revenudesbénéfici-aireseninsertionaugmentelerevenusocialdel’entreprise.Danscecas,lafonctiond’utilitédel’entreprisesocialeest:

jj

jiii p

hpI

xUU ,,(= )

avec h

U I∂

∂ > 0

Lavariationde l’utilitéparrapportà lavariationdeseffetsde l’effortd’insertionconsentiparl’entrepriserestestrictementpositive.

Larelationentrel’entreprisesocialeet lesbénéficiairesdel’investissementsocialpermetd’imaginerunesituationàdeuxagentsoùl’unadopteuncomportementaltru-isteetl’autreuncomportementégoïste(Becker,G.S.(1977)).L’utilitédel’égoïste(i)etcelledel’altruiste(h)sontinterdépendantes.Ainsilafonctiondel’utilitédel’altruisteest:

),( ihah XXUU =

XhetXisontrespectivementlesconsommationsdeheti.

Lacontraintebudgétairedel’altruistequis’écrit:

pXh + hi = Ih

montrequel’organismenonprofitabledisposed’unrevenusocial(Ih) réparti entre la consommation personnelle (pXh) etletransfertverslebénéficiairedel’insertion(hi). Lerevenusocialestdoncpartagéentrel’entreprisesocialeetl’individuensituationd’insertion.L’entreprised’insertionnefaitquetransférerunepartiedurevenusocialàl’excluappartenantàsastructure.

Lacontraintebudgétairedel’excluensituationd’insertionest:

pXi = Ii + hi

Enremplaçanthi parsavaleurissuedelacontraintederevenu,ona:

pXh + pXi = Ih + Ii = Sh

Sh estlerevenusocialdel’entreprisesocialequiadopteuncomportementd’altruiste.Cerevenujoueunrôledéterminantdansl’équilibredel’équationdanslamesureoùilconstituelacontrainted’optimisation.

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L’hypothèse de Becker, G.S. est que “l’altruiste s’intéresse non seulement aux transferts de revenu, mais à la production de revenu. Il favorise toute action qui augmentera son ‘revenu social’ et réciproquement”,18 (Mahieu,R.&Jarret,M.F.(1998)).L’individuenexclusions’insèredansunestructured’insertionparcequ’ilyauneespérancedegain.Demême,l’entreprised’insertiondéveloppedesactivitésd’insertionpourmaximisersonespérancedegain.

Cetterelationd’échangefaitréfléchirsurlanaturedesengagements.L’individudansunesituationd’exclusioncomptesur l’engagementdesautres.Peut-onconsidérerdanscecasque lesagents s’engagentdansuneactionsansattendreen retourunintérêtspécifique?

Lacapacitéd’engagementdésignelepotentielunilatéraldedévouement.Ilyaen-gagement lorsqu“une personne choisit une action qui, pense-t-elle, lui apportera un degré de bien-être personnel escompté inférieur à celui que lui procurerait une autre action qu’elle pourrait aussi mener”(Sen,A.,1987)19.L’engagementréduitledegréd’égoïsmedanslamesureoùilétablitunrapportentrelechoixetlesdegrésdebien-êtreescompté.

3.2. Capital social et éthique: l’engagement crédible

L’individu, toutenchoisissantdenepasmaximiser sonbien-êtrepersonnel,peutmeneruneactionquiaboutitàunrésultatdemaximisation.Danscecas,l’engagementcrédibleestdifficileàconstaterdanslecontexted’unéchangeinterindividuel.

Danslalittératureéconomique,lanotiondepréférencesnefaitaucunedistinctionentrelanotiondechoixetlanotiondubien-être.L’engagementn’estpasunepré-férencequivisesonamélioration,maisunchoixayantunrapportétroitaveclamoraledelapersonne.Lespréférencesconstituentlesraisonsducomportementindividuel.Ellesdéterminentl’actiond’unepersonnedansunesituationdonnée,àunmomentdonné.Sinousconsidéronsquelechoixestfonctiondespréférencesquiguidentlesactions,nousdevonsnousinterrogersur l’originedespréférences.C’estundébatclassiqueentreéconomistesetsociologues.“Les raisons du choix incorporent des éléments subjectifs qui sont les effets des institutions économiques et sociales sur

18 Mahieu, R., Jarret, M.F. (1998)Mahieu,R.,Jarret,M.F.(1998)L’économie publique,pp23,Ellips.19SEN, A. (1987)SEN,A.(1987) Éthique et Économie,pp98,(op.cit.).

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la personne”,Blowles,S.(1998)20.Unedistinctions’impose entrelespréférencessocialeset lespréférencesmorales.L’individuconstruitsonactionenfonctiondelasituationetlesexigencesdespréférencesindividuellesetmorales.Ilfaitpreuved’unerationalité situéeintégrantl’éthiqueetlesdonnéesdusited’appartenance.

D’ailleurs, J.C.Harsanyi, J.C. (1982)21distingue lespréférences“éthiques”et lespréférences“subjectives”:“les premières doivent exprimer ce que l’individu préfère (ou, plutôt, préférerait) en fonction des seules considérations sociales ou imperson-nelles, et les secondes doivent exprimer ce qu’il préfère en réalité, que ce soit en fonction de ses intérêts personnels ou tout autre critère” pp.315.22

Les préférences “éthiques” révèlent que l’individu effectue un choix sur la basedesconsidérations socialesoucommunautaires.L’environnement social influencecechoix.Parcontre,lespréférencesmoralesexprimentsesproprescroyances.Demêmeche��ARROW,ontrouvecettedistinctiondanslesclassementsdespréférenc-esselonquel’onconsidèreuniquementlecritèredeconsommationdel’individuouselonlecritèremoraloùl’individuaspireàunétatsocialplusjuste.Danslepremiercas,Arrowparledes“préférencesparticulières”del’individuetdanslesecondcas,ils’agitdes“préférencesfondamentales”.Celles-cisontsubjectivesetexprimentlespréférencesdel’individuvis-à-visd’unsystèmedevaleurs.“C’est le classement en fonction des valeurs qui rend compte de toutes les aspirations de l’individu y com-pris celles qui ont une portée sociale; c’est lui que l’on doit avant tout considérer dans la réalisation d’un optimum social. Le mécanisme de marché, au contraire, ne tient compte que du classement en fonction des préférences particulières”, (Arrow,K.J.(1974))23.

20Blowles, S. (1998), “Endogenous Preferences:TheCulturalConsequences ofMarkets and otherEconomicInstitutions”.Journal of Economic Literature,vol.XXXVI,March,pp.795.L’auteurmon-trel’impactdel’économiedesinstitutionssurlespréférencesindividuelles.Celles-cisontunecon-structionsociale.Danslathéorieéconomique,cettemanièred’analyserlespréférencesaétéinitiéeparT.VEBLEN(1934)quiamisaupointleconcept“desdépensesostentatoires”.Cequicomptepourdécrypter lebien-être, cen’estpas l’originedu revenumais lamanièredont il estdépensé.Lesinteractionssocialesaffectentlespréférences.Parconséquentledéveloppementhumainsubitl’influencedesallocationsdesressources.Acesujet,cf.SCHUMPETER(1950)The civilization of capitalism,DanielBELL(197�),The cultural contradictions of capitalism,K.POLANYI(1957)La Grande transformation,P.LASLETT(19�5)The world we have lost.

21Harsanyi, J.C, (1982),Harsanyi,J.C,(1982),Morality and the Theory of Rational Behaviour,Utilitarianismandbeyond.eds.:Sen,.A.,andWilliams.Cambridge V. Press, pp. 39-�2. Cet auteur fait une distinction entre lesCambridgeV.Press,pp.39-�2.Cetauteurfaitunedistinctionentrelespréférencesmoralesetlespréférencespersonnelles.

22Harsanyi, J.-C (1955), “Cardinal Welfare, Individual Ethics and Intercomparison of Utility”,Harsanyi,J.-C(1955),“CardinalWelfare,IndividualEthicsandIntercomparisonofUtility”,Journal of political Econoy,�3,pp.309-321.

23Arrow,K.-J.(1974),“Choix Collectifs et Préférences Individuelles”.Calman-Levy.

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3.3. Valeurs morales et calcul économique

Lesvaleursculturellesquidéterminentlespréférencesindividuellesconstituentunensemblederèglesetd’obligations–commitments–(Sen,A.(1987)).Cesrèglesguidentlescomportementsdel’individudanslessituationsd’interactionssociales.Parconséquent,ilyainterdépendanceentrel’actionetlebien-être.Lechangementdel’uneaffectel’autre.Dansuneéconomiebaséesurl’échange,l’intérêtdel’actiondéterminelarelation.

Danslecasdel’exclusion,larelationestunmoyenquipermettraitlaréalisationdubien-être.Ellereprésenteuneopportunitépourl’excludanslamesureoùc’estunmoyend’être “socialement utile”.Aussi faut-il que l’excludécided’entreprendrecetteaction.L’effortpersonnel,danscecas,estindispensablepourl’insertiondansunerelation.Ilfautquel’excluexprimeundésird’insertion.

Ceproblèmeposelaquestiondeladistinctionentrelasatisfactiondesbesoinsou(désirs)etlebien-être.SelonSen,A.“le bonheur ou la satisfaction des désirs con-stitue un critère trop superficiel pour évaluer le bien-être d’une personne.”(1987)24. Ladélimitationduchampposelaproblématiquedelanaturedujugement.Lebon-heuretlasatisfactiondesdésirsnesontpasdesindicateursperformantsdelamesuredubien-êtreoudel’utilité.Cettedernièren’estqu’unindicateurparmid’autres.

L’engagementnepeutpasexistersansl’existenced’unsupportmatérieloumoral.Danslecasd’unindividuégoïste,lesupportreprésentelegainqu’ilpeutretirerdecetteaction.Pourunindividualtruiste,lesupportdelarelationreposesurdesval-eursquiseréfèrentàlamorale.Danscescénario,l’individuestmultipleetrépondàladéfinitiondel’homo situs (Zaoual,H.2005)25.L’hommeconcretvivant,selonla théoriedusite,peutêtreà la foiségoïsteetaltruiste.AdamSMITHfaisait re-marquerdanssa“théorie des sentiments moraux” que “l’homme est bon et coquin” (H.Zaoual,H. (2002))26. Par effet de site, laprésenced’uneculpabilitéendogèneàl’individuexpliquesescomportements.Certainespersonneseffectuentdesdonssanstrouveruneexplicationrationnelleàleuraction.Celanepeuts’expliquerqueparlescroyancescommunesdusitedontlesobjectifssontmultiples.Lathéoriedusitestipulequecedernierest,avanttout,uneentitécollective,invisible,imprégnanteet“irrationnelle”auregarddescanonsdel’économieusuelle.Lesiteestlelieud’unensembled’interactionssymboliquesetsociales.Ainsi,l’engagementcrédiblerévèleunrapportde l’individuavec lui-même,c’est-à-direavecsapropreconscienceet

24Sen,A.(1987), ÉthiqueetÉconomie,pp.44.25Cf. Zaoual, H. (2005) “Homo oeconomicus ou Homo situs ? Un choix de civilisation”,Cf.Zaoual,H.(2005)“HomooeconomicusouHomositus?Unchoixdecivilisation”,Finance &

the Common Good / Bien commun,Observatoirede laFinance, (�3-72pages),n°22,Juillet-août,Genève,Site:www.obsfin.ch

26Cf. Zaoual, H. (199�),Cf.Zaoual,H. (199�), Du rôle des croyancesdans ledéveloppementéconomique,Thèsed’État,UniversitédeLille.

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sesrelationsavecsonsite.L’individudisposed’un“soi multiple” “multiple self”,(Moreh,J.(1994))27.

4. Capital relationnel versus capital social

4.1. Capital social et structures relationnelles

Le capital relationnel, connu sa forme élargie comme “capital social”, désigneunestructureorganisationnellequiœuvrepourlacoopérationetledéveloppementéconomique.C’estunensemblederessourcessocialesquifacilitent l’actionindi-viduelleoucollective.Colman (1988) a introduitvers lafinde savie le conceptdecapitalsocialpourbâtirunpontentrelasociologieetl’économie(particulière-mentl’économiedel’ÉcoledeChicago).Lanotiondecapitalsocialsesitueentreleconceptde“socialisation”etlanotiondel’échangeinterindividuelet“le choix rationnel”.

“My aim… is to import the economists’ principles of rational action for use in the analysis of social systems proper, including but not limits to economic systems, and to do so without discarding social organisation in the process. The concept of social capital is a toil in aid in this 28”.

Le capital social “is defined by its function not a single entity but variety of different entities, with two elements in common: they all consist of some aspect of structures and they facilitate certain actions of actors-whether persons or corporate actors- within the structure. Like other forms of capital, social capital is productive, making possible the achievement of certain goals that in its absence would not be possible. Like physical capital and human capital, social capital is not completely fungible but be specific to certain activities. A given form of social capital that is valuable in facilitating certain actions be useless or even harmful for others.

Unlike other forms of capital, social capital inheres in the structure of relations be-tween actors. It is lodged either in the actors themselves or in physical implements of production (p.98).

27Moreh, J. 1994”Game theory and Common sens morality”,Moreh,J.1994”GametheoryandCommonsensmorality”,Social Sciences Information,vol.33,n°1.CitéparGeslot,P.(1997)Une Analyse Écomique des Processus d’Exclusions,CollectiondirigéeparTaponier,S.L’Harmattan,p.1�3.L’auteurmontrequesilaconscienced’unindividusaitpeudechosesurlecomportementdel’agentmoral,elleconnaîtlesgainsqu’ilretireégoïstementd’unacte.Unsi-gnalcrédiblepourlaconscienceestunactedeprivationoudesacrifice.Cemodèleestcaractéristiquedel’hypothèsedelarationalitélimitée.

28Colman, J.S. (1988) “Social capital in the creation of human capital”,Colman,J.S.(1988)“Socialcapitalinthecreationofhumancapital”, American Journal of Sociol-ogy,N°94,95-120,p.98.

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Lesrelations interindividuellesproduisentdoncducapitalsocialquia lesmêmesfonctionsquelecapitalphysiqueetlecapitalhumain29.Sacontributionàlaproduc-tionestnonnégligeable: il créeuneatmosphèrede confiancedans legroupequiaméliore laproductivitédans l’accomplissementdesactions.SelonColman, cinqcritèrespermettentlareconnaissancedesstructuresgénératricesducapitalsocial:

1. Lesobligationsetlesdroits,laloyautéetl’honnêteté.2. Laqualitédescanauxquidistribuentl’informationetquipermettentd’avoir,

parexemple,desdonnéessurl’emploi.3. Lesnormesetlessanctionsquifixentdeslimitesauxrelationsetquifacili-

tentlesmécanismesdecoordination.4. Lesconventionsquiconstituentdesclausespourl’interactionentrelesindi-

vidusdugroupe.5. Lamultiplicitédesrelations.

Les associations quiœuvrent pour la lutte contre la pauvreté et l’exclusion con-stituent une “énergie sociale”quiapourmissiond’améliorerlasituationdesmoinsbienlotis.Cesstructurescontribuentàlacohésionsocialeencréantlesconditionsd’émergenced’uncapitalsocial.L’importanceéconomiquedecettenotionestsonrôledanslarésolutionspontanéedesconflitsliésàl’incivilité.

L’œuvredeTocqueville,A. (1835)“De la Démocratie en Amérique”,explique ledéveloppementdémocratiqueparleseffetspositifsdumouvementassociatif.Rob-ertPutnam,R.(1995)30 reprend lemêmeschémaqueTocquevilleetColmanpourexpliquerledéveloppementéconomiquedesrégionsduNorddel’Italie.Ainsi, letransfertdecettenotionde lasociologieà l’économienes’estpasfaitsanscom-plexité.Lephénomènedelamesuredeseffetspositifsducapitalsocialquestionneleséconomistes.LerendemententermedurevenunepeutpasintégrerlemodèledeFischer.Eneffet,cesstructuresexercentleursactivitéshorsmarché.Che��Col-man,leconceptderessourcessocialesfaitdelarelationuncapitalsocialproduitparlastructurepourl’intérêtindividuel.Lavaleuréconomiquel’emportesurlavaleurcivique.Lecapitalsocialestdéfini“comme un ensemble de caractéristiques de la structure sociale qui a pour objectif de faciliter l’action 31”. Decefait,chaquerela-tionsocialeporteenelle-mêmedesressourcespour l’action.Lecapitalsocialestdoncindissociableàlarelationquiexisteentreetparmilespersonnes.Lecontexteetlasituationdelarelationcommestructuresocialeontalorsunrôlecrucialdanslacompréhensiondelanaturedel’investissement.

29Lucas, R. (1988) “On The Mechanics of Economic Development”,Lucas,R.(1988)“OnTheMechanicsofEconomicDevelopment”,Journal of Monetary Economics,22,pp.3-42,North-Holland.

30Putnam, R.D (1995)”BOWLINGALONE: American’s declining social capital”Putnam,R.D(1995)”BOWLINGALONE:American’sdecliningsocialcapital”, Journal of Democ-racy, 6 (1), 65-78.

31Colman, J. (1990)Colman,J.(1990)Foundations of Social Theory.Cambridge,M.A.,Belknap,p.32.

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Danscetteperspective,lesorganisationssocialespermettentd’atteindredesobjec-tifsquinepeuventpasêtreatteintsparl’individuseul.Lecapitalsocialvaried’unindividuàunautre,d’unesociétéàuneautre,d’unespacetempsàunautre.Lacartedesdroits et desobligationsn’estqu’une formeparticulièred’un typeparticulierdu capital social. Les autres types du capital social peuvent comporter le poten-tield’informationenvuedel’échange,desnormesetdessanctions,desrelationsd’autorités,descroyancesetlesliensentrelesorganisations.Ilexisteunemultitudederelationssocialesàdesdegrésvariables.Lecapitalsocialestdoncdistribuéd’unemanièretrès inégaleentre les individusà travers lasociété.Ilpeutêtresocial,ouasocial,voireantisocial32lorsqu’ilsetransformetotalementenhomo oeconomicus (Zaoual,H.2005)33. Les normes et les sanctions peuvent promouvoir un activisme civiquequisertl’intérêtgénéral.

PourPutnam,R.(1993,1995),lerôleducapitalsocialdansl’actionciviqueestloind’êtreneutre.Laqualitédeladémocratieetlavitalitédel’économiedecertainesré-gionsdépendentdesrendementsducapitalsocialpositif.Autrementdit,lebien-êtred’unecollectivitéest fonctionde laqualitéd’implicationdesassociationsdans laviepolitique,économiqueetsociale.Ladensitédelarelationproduiteparcesstruc-turesgénèreuncapitalsocialsousformedenormesderéciprocité,del’engagementciviqueetdelaconstructionsocialedelaconfiance.Larelationestmobiliséepourl’actioncivique(Putnam,(1995,1993)).LeconceptducapitalsocialestcequeWood,R.(1997)appelleaussi“la seconde face de la culture”.Pourcetauteur,lecapitalso-cialestunensembled’attitudesetd’habitudes(valeurs).“Il peut être spécifique à un ensemble d’acteurs qui tentent de promouvoir une future organisation sociale. Ces nouvelles structures sociales sont orientées vers la promotion de l’action civique positive ou la coopération économique. La relation dans ces organisations est car-actérisée par la confiance, les droits et les obligations ou l’autorité34”.

Iln’estpastoujoursadmisquelesassociationsdéveloppentdesattitudesetdesval-eursnécessairesàl’engagementciviquedesindividus.Lafamille,l’écoleetlesrela-tionsdansle travailpeuventpromouvoircesvaleurs.Néanmoins, lesassociationsdéveloppentunfaceàfacegénérateurd’uncapitalabstraitquimobiliselesindivi-dus.C’estuneformedereprésentationdelademandesociale.Cettefonctionestes-sentiellepourladémocratie.SelonMarx,K.(1977),lesassociationssecaractérisentparuncomportementégoïstedansuncontexteconcurrentiel.Lamultiplicationdes

32Les structures intermédiaires ont joué un rôle anti-social. On peut citer, par exemple, le poujadismeLesstructuresintermédiairesontjouéunrôleanti-social.Onpeutciter,parexemple,lepoujadismeenFrance,lena��ismeenAllemagne,lesactivitésdel’extrêmedroiteauxEtatsUnis.C.f.Arendt,H.(1973). The origins of totalitarianismThe origins of totalitarianism.NewYork:HarcourtBrace,Barber,B.(1995).Jihadvs. Mc World: How the planet is both falling apart and coming together and what this means for democracy. NewYorkTimeBooks.

33Zaoual, H., “Homo oeconomicus ou Homo situs ?” op.cit.Zaoual,H.,“HomooeconomicusouHomositus?”op.cit.34Putnam R.D. (1993)”PutnamR.D.(1993)”Making Democracy Work: Civic Traditions in modern Italy”,PrincetonUni-versityPress.

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sectesreligieusesetledéveloppementdesdroitsdepropriétécombinéàlalibertéducommercesontlesmoteursdelasociétécivileducapitalisme.Parconséquent,lesorganismesnonlucratifspoursuiventlesmêmesbuts35.Leursrôlesdansladémocra-tienesontqu’unleurrequimasqueleurpenchantauprofitetàl’accèsauxdroitsdepropriété.PourMadison,J.(19�1),lerôledesassociationsviselecontrôledeseffetsdelaviolencelatente.Lescausesdecetteviolencequipasseparl’actionidéologiquesurlescitoyens“the same opinions, the same passions, and the same interests 36” peuventêtreéliminéesparlesrestrictionsdeslibertésindividuelles

L’activitéassociativepeutavoirdeseffetspositifsounégatifssurladémocratie.Ber-man,S.(1997)37remarquequeplusunesociététendverslamassification,plusellede-vientvulnérableàdesmouvementspolitiquesetsociauxdestructeursdesinstitutions.Dansunesociétédemasse,desindividusseregroupentetfontdeleursrelationsuneautoritéquipeutalleràl’encontredel’autoritéformelle.C’estuneformeconscientede l’intérêt communqui peut exclure l’intérêt des autres qui ne font pas partie del’association.Cettedernièreaundoubleeffet:uneffetinternequisemanifestedansl’apprentissaged’unenormedecoopération–c’estl’effetprimaire–etuneffetsecon-daireoul’effetexterne(externalitépositive)estceluidela«collaborationsociale«.Laparticipationauxassociationsproduituncomportementpaterneletdesinteractionssocialesnécessairesàlagouvernance.Lavieassociativedégageuneconfiancesocialeparl’endogénéisationdesnormesderéciprocitéquipermettentderésoudredesconflitsliésàl’actioncollective.Les associations “broaden the participants’sense of self, de-Lesassociations“broadentheparticipants’senseofself,de-veloping,the“I”intothe“We”.(R.D.Putnam, R.D, (1995)), p.�7.(R.D.Putnam,R.D,(1995)),p.�7.

L’intérêtducapitalsocialpournotreproblématiquedel’exclusionestqu’ilpermetd’insérerl’individudansle“nous”.Pourquel’individuexcludevienneun“nous”,ilfautqu’ilexiste“avec”.L’insertiondansun“nous”positifestuneréponseàlasolitudeetàl’isolement.C’estlamiseenquestiondecet“avec”,commepossibilitédesortirdelasolitudequedoiventincarnerlesassociations.Cesdilemmessontbienmisenévidencepar lapenséedeLevinas,E. lorsqu’ilécrit:“Il est banal de dire que nous n’existons jamais au singulier. Nous sommes entourés d’êtres et de choses avec lesquels nous entretenons des relations. Par la vue, par le toucher, par la sym-pathie, par le travail en commun, nous sommes avec les autres. Toutes ces relations sont transitives. Je touche un objet, je vois l’autre ; mais je ne suis pas l’autre (…) c’est ma mise en question de cet avec, comme possibilité de sortir de la solitude, qui est formulée ici. Exister avec représente t-il un partage véritable de l’existence?

35Marx, K. (1997) “On the Jewish �uestion”. in D. Mc Lellan (éd.). Karl MARX:Marx,K.(1997)“OntheJewish�uestion”.inD.McLellan(éd.).KarlMARX: Selected Wrintings. NewYork:OxfordUniversityPress.

36Madison, J. (19�1) “The Federalist”, In Jacob E.(éd.),Madison,J.(19�1)“TheFederalist”,InJacobE.(éd.),The Federalist,N°10,pp.5�-�5,p.58.Mid-dletown,C.T:WeslyanUniversityPress.

37Berman, S. (1997), “Civil Society and Political Institutionalisation”, N°5,Berman,S.(1997),“CivilSocietyandPoliticalInstitutionalisation”,N°5,American Behavior Scien-tist,vol.40,Mars-avril Social Capital, and Contemporary Democraty, pp.5�2-573.Mars-avrilSocialCapital,andContemporaryDemocraty,pp.5�2-573.

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Comment réaliser ce partage? Ou encore (car le mot “partage” signifierait que l’existence serait de l’ordre de l’avoir: y a-t-il une participation à l’être qui nous fasse sortir de la solitude?38”Levinas,E.(1982).

4.2. Investissement et capital relationnel

Lestentativesdelamodélisationducapitalsocialessayentdeconsidérercetypedecapitalparticuliercommeuncapitaléconomique.L’investissementdanslarelationestunengagementdetempsquiapourcontrepartieunrendemententermedereve-nu.L’analyseducapitalsociald’unpointdevueéconomiqueconsisteàconsidérerlaquantitédesrelationscommeunstockdecapital.Danscecas,l’individuinvestitdanssonenvironnementsocial,danssonsite(Zaoual,H.(2003))39.Lerendementdépenddel’étatdecohésiondusiteetdesavantagespersonnelstirésdecetenvi-ronnement40.

SelonCharmes,J.(1999)“Le capital social peut être mesuré de diverses façons: par le nombre de partenaires à la relation ou par l’intensité de ces relations mesurée par les flux monétaires ou des richesses matérielles ou encore l’échange de services ou de travail, et enfin par les durées consacrées à l’activation de la relation”41. Pour construiresonmodèle,l’auteurselimiteauxfluxmonétairesdesdevoirsetdesob-ligations.Laréférenceàl’unitémonétairedevient“un marketing scientifique pour les économistes”pourfabriquerleursmodèles.Cetteréférenceauxtransfertsmoné-tairesapourobjectifl’élaborationd’indicateursdesolidarité.Àdéfautd’indicateurs,onsecontented’élaborerdesfonctionsd’utilitéquiajoutentaurevenuRlestrans-fertsreçusTR.Ducôtédesemplois,ontrouve:laconsommation(C),l’épargne(E)etlestransfertsversésTV.:

R+TR=C+E+T

Testlesoldedestransfertsversésetreçus.

38Levinas, E. (1982)Levinas,E.(1982)Éhique et Infini, Fayard,pp.58-59.39Voir Principes d’économie de la proximité et du site,VoirPrincipesd’économiedelaproximitéetdusite,in Economies et Sociétés,n°�/2003,LesCa-hiersdel’ISMEA,horsSérie,n°39,juin2003,pp.1053-1087,coordonnéparYvesBerthelot,Theo-tonioDosSantosetMarcHumbert:PrésentationetproblématiquegénéraledePEKEA(APoliticalandEthicalKnowledgeregardingEconomicActivities).

40Pour en savoir plus sur la modélisation en terme de taux de rendement du capital social, se reporterPourensavoirplussurlamodélisationentermedetauxderendementducapitalsocial,sereporterauxtravauxdeBallet,J.&Mahieu,R.(décembre 1998)“SocialCapital”,versiondu1/02/99,Uni-versitédeVersailles,C3ED).Lesauteursproposentunemodificationdu«revenusocial«deBeckerpouruneextensionversle«capitalsocial«.Cedernierestconsidérécommeuneavanceeffectivedecapitalavecuntauxderetoursur investissement.Cetauxestdéterminépar lesconfigurationspossiblesdel’environnement

41J. Charmes, J. (1999) “Le capital social: quelques conceptions et données empiriques tirées duJ. Charmes, J. (1999) “Le capital social: quelques conceptions et données empiriques tirées ducontexteAfricain”IN:Communication au séminaireorganiséparleCentred’Économieetd’ÉthiquepourL’EnvironnementetleDéveloppement,UniversitédeVersaillesSaint-�uentin-En-Yveline,19-20,mars.

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L’auteurconclutquecetteméthoded’évaluationducapitalsocialestplussatisfai-santeetprometteusequelesimplecomptagedel’appartenancedesindividusàdesassociationsoudesréseaux.

Lesthéoriesducapitalsocialexpliquentpourquoicertainsindividussontmieuxin-sérésqued’autres.PourR.S.BURT(1995)42,ilyadeuxmanièresdecomprendrelecapitalsocial:parrapportaucapitalhumainetcommetypedestructurederéseau.

Lesthéoriesducapitalsocialetducapitalhumainpartentdel’existenced’inégalitésentrelesindividus.Certainespersonnesbénéficientderevenusplusélevésetnesetrouventquasimentjamaisdanslapositiondesmoinsbienlotis.Leréseaurelation-nelauquelilsappartiennentleurpermetdespromotionsetdesaccèsfacilesàdespositionsimportantesdanslesorganisations.

Pourlathéorieducapitalhumain,cesinégalitéssontlaconséquencededifférencesdecapacitésindividuelles.L’argumentavancéétantquelespersonneslesmieuxré-tribuéessontlesplusintelligentes,lesmieuxdiplôméesetlesmieuxexpérimentées.Enrevanche,lathéorieducapitalsocialfocaliselebénéficequetirentlesindividusde leurs relationsavec lesautres.Elle repose sur lepostulat selon lequel les iné-galitésrésultentdedifférencescontextuellesentrelesacteurs.Certainesformesdestructuresderéseauconstituentuncapitalsocialquivientrenforcerlacapacitéd’unindividuà identifier et àdévelopperdesopportunités.Enconséquence, le capitalsocialdiffèreducapitalhumain.Lepremierestunequalitéinterindividuelle(rela-tionnelle),alorsquelesecondestunequalitéintrinsèqueàl’individu.Lesinvestisse-mentssontalorsdenaturedifférente.Lecapitalsocialestlecomplémentnaturelducapitalhumain.Ilaunimpactsurlesinégalitésdesrevenusquidépendent,enplusducapitalhumain,delaplaced’unepersonnedansuneorganisationsociale,c’est-à-diredansunréseau.L’investissementencapitalsocialsetraduitalorspardesop-portunités:lesindividusayantplusderelationsetétanttoujoursencontactsontenpositiond’identifieretdedévelopperdesopportunitésimportantesquisetraduisentparuneélévationdurevenu.

Lesstructuresintermédiairesquifacilitentlesrelationsoffrentdesavantagescom-pétitifs.Lastructurequidisposed’unnombreimportantderéseauxbénéficied’unavantageconcurrentiel.Ilestplusfaciledenégocierunetransactionquandelleestdansunechaîned’autres transactions.“Un marché parfait est caractérisé par un seul taux de gain. Dans un marché imparfait, il peut y avoir plusieurs taux différents parce que l’absence de relations entre les individus (…) peut rendre ces individus conscients des apports qu’ils représentent les uns pour les autres”.(R.S.BURT,1995,p.�00).Laconfiancedanslesautresetledegrédeséchangesauseind’unréseausontdescritèresdeperformance.Laprésencederelationsoffredesopportunités entre-

42Burt, R.S. (1995) «Le capital social, les trous structuraux et l’entrepreneur”,Burt,R.S. (1995)«Lecapital social, les trousstructurauxet l’entrepreneur”,Revue Française de Sociologie,XXXVI,pp.599-�28.

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preneuriales.Unintermédiairepeutsepositionnerdanscettenicheetdisposerainsid’unavantageconcurrentielquisetraduitparuncontrôledel’informationpermet-tantunemeilleurecoordinationdesactions.

Lesindividusayantdesréseauxdecontactrichesajoutentdelavaleuràleurcapi-tal humain.La relationpositive offre des opportunités d’augmentationde revenudu capital humain. Le revenu que l’individu reçoit pour son travail est fonctiondelatâchequiluiestassignée(T)etlescompétencespersonnellesquipermettentl’accomplissementdecettetâche(S-skills-,l’éducationetl’expérienceprofessi-onnelle).Ona,alors,unefonctionducapitalhumain:

R = b(T, S)

Lecapitalsocialajoutedesvariablesindépendantesàcettefonctionappelées“vari-ablesdecontraintesderéseau:C”.LafonctiondurevenusocialdeBURTest:

R = b(T, S) + γ(C) +λ(C,T,S)

danslaquelleγestl’effetducapitalsocialcontraint,quel’ons’attendàvoirnéga-tif,etoùλrenvoieauxajustementsdusaucapitalsocialquiprenddifférentesval-eurspourdesindividusoccupantsdespositionsdifférentes.Laprédictionnégativedeγsignifiequeparmilesindividusfaisantlemêmetravailaveclemêmeniveaud’éducationetlamêmeexpérience,ceuxquiréussissentlemieuxsontceuxquiontdescontactspersonnelsquioffrentdesopportunitésentrepreneuriales.

LesdéveloppementsdeBurtsurlerôleduréseaus’inscriventdansleprolongementdestravauxsurl’élargissementdurevenu.Larelationapourfonctiond’augmenterlerevenudel’individu.Ilaaussiunrôledansladynamiquedelarecherched’unemploi.Lesindividusquiontuncapitalhumainélevépeuventaccéderàdesoppor-tunitésgrâceauréseau.Lesbénéficesrestentsurleplanindividuel.Cettevisiondurôleduréseaun’apasderéponsespourcombattrelesinégalitéssociales.L’analysedelanaturedelaparticipationdanslesassociationsenFranceetailleursmontrequecelle-cirépondàunbesoinpersonnelaussibienquecollectif.Cettehybridationdeséchellesetdesdimensionsdel’existenceestprésentedanslesprincipauxconceptsdelapenséedessites.

5. Conclusion

Lesnormes,lesvaleursetlescroyancespartagéescontribuentàl’insertionetàlaréductiondesincertitudes.Letravaildel’insertionconsisteaussiàfaireconvergerl’individuverscesnormesdesocialisation.C’estuneétapepréalableàl’emploi.Acôtéducapitalhumainquiresteindispensablepourl’insertion.Lesrelationssocialesgénèrentenplusdurevenusocialdesmécanismesdecoopérationnécessairesàla

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coordinationdel’actioncollective.Sansnier lebénéficemonétairequel’individupeuttirerdesinteractionssociales,lebénéficenonmonétairen’enestpasnéglige-ablepourautant.Lesprocessusdecoopérationinterindividuelssontdoncunfacteurde cohésion, debien-être et d’améliorationdes conditionsdeviede lapersonne.Parconséquent,lesthéoriesdesconventionsetdusitesymboliqued’appartenancefournissentdesélémentsdecompréhensiondesrèglesdecoopérationdansuneper-spectivededéveloppementhumain et économique.Et, cen’est pasunhasard si,aujourd’hui,l’approcheparledéveloppementlocalconstitueunéclairagepertinentpourl’analysedel’actioncollectivecontrel’exclusionetlapauvreté.Lathéoriedessitesytrouveuneconfirmationdanslamesureoùelles’ajusteàlaproblématiqueduterritoirecommelieudetouteréflexionetd’actionenfaveurd’uneréintroductiondel’hommedelasituationdanslechangement.

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Economicorientationtowardssocialmarket

Khalid Louizi1

Abstract

The writer analyses the process of setting up a social capital with the aim of favouring the insertion of people in a situation of isolation. The isolated individual does not take advantage of others to improve his conditions. Therefore, if he does not have at his disposal a social capital, then he can not stand a good chance of finding employment. In this perspective, we shall mobilise research work on the concept of social capital, and more particularly economic researches on the role of social net works, to show that fighting against unemployment and exclusions is part and parcel of the insertion in a net work that generates “the relationship” it is the result of an interchange from which springs our postulate of social market economic vacation.

Key words: social capital, social interaction, insertion, exclusion, production, net work, no profit organisation, social ressources, proximity, territory.

JEL classification: L31

1 Ph.D. in economics, Assistant Professor of Economics, University of Hassan I, Settat (Mo-rocco), Faculty of Law, Economics and Social Sciences. Scientific affiliation: Public Finances, Social Economics, Microeconomic Research on non-profit organizations that operate within the framework of involving the unemployed and unskilled persons into the employment scheme, mi-cro-financial institutions. Tel.: 0021268635239. Fax: 0021223721274. E-mail: [email protected]

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Ekonomskanaklonjenostdruštvenomtržištu

Khalid Louizi1

Sažetak

Autor analizira proces ulaganja društvenog kapitala čiji je cilj uključivanje u svi-jet rada osoba koje su prepuštene same sebi. Izolirana osoba ne koristi druge da bi poboljšala svoju situaciju. Prema tome, budući da ne raspolaže nikakvim kapital-om, izolirana osoba ne može povećati svoje mogućnosti da se zaposli. U ovoj se perspektivi pozivamo na istraživačke radove o pojmu društvenog kapitala te pose-bice na one koji se bave ulogom društvene mreže. Cilj je naših pretpostavki doka-zati da je borba protiv nezaposlenosti i isključivanja iz svijeta rada u velikoj mjeri podložna uključivanju u novu mrežu. Nova mreža stvara «vezu» koja predstavlja neophodan input za nastajanje društvenog kapitala. Potonji je pak rezultat razm-jene iz čega proizlazi naš postulat o ekonomskoj naklonjenosti društvenom tržištu.

Ključne riječi: društveni kapital, društvene interakcije, uključivanje u svijet rada, isključivanje iz svijeta rada, neprofitabilne organizacije, društveni resursi, blizina, područja.

JEL klasifikacija: L 31

1 Doktor ekonomskih znanosti, Profesor asistent ekonomskih znanosti, Sveučilište Hassan I, Settat (Maroko), Fakultet pravnih, ekonomskih i društvenih znanosti. Znanstveni interes: Ja-vna administracija, socijalna ekonomija i mikroekonomska istraživanja o neprofitabilnim organizacijama koje djeluju u okviru uključivanja nezaposlenih i niskokvalificiranih osoba u svijet rada te mikrofinancijske institucije. Tel.: 0021268635239. Fax: 0021223721274. E-mail: [email protected]

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