le comte d'antraigues

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PIERRE SABATIER LE COMTE D'ANTRAIGUES Un grand aventurier sous la Revolution et l'Empire L e comte dAntraigues a été reconnu par le duc de Castries, dans son ouvrage sur les émigrés, comme une des personnalités les plus intéressantes et les plus troublantes de cette époque. A coup sûr un grand aventurier dont toute la vie ne fut qu'une suite d'aventures extraordinaires en marge de la grande histoire à laquelle son esprit d'intrigue s'ingénia, pas toujours pour son plus grand profit, à le mêler constamment. Une auréole de mys- tère, une atmosphère de roman policier plutôt, dirait-on de nos jours, enveloppe cette existence étrange, déconcertante, dont beau- coup de chapitres demeurent inexplicables, surtout le dernier. Ceux qui eurent recours à ses services, et parmi eux il y eut surtout des chefs d'Etat, lui témoignèrent en général autant de méfiance que de mépris, tout en reconnaissant qu'il fallait compter avec lui. Le futur Louis XVIII, la reine de Naples Marie-Caroline, le tsar Alexandre et enfin le gouvernement britannique l'enrô- lèrent dans leur état-major de renseignements, pour ne pas dire d'espionnage. En avance sur son temps, il excellait dans l'art de former des réseaux, jusqu'au jour où il devint la victime de ses propres artifices. Napoléon même se servit de lui. Le comte Louis de Launay d'Antraigues est né à Montpellier en 1753. Sa mère, Sophie de Saint-Priest était fille d'un intendant du Languedoc et sœur du futur ministre de Louis X V I qui devait être par la suite infiniment utile à son neveu au début de sa carrière. Par son père, qu'il perdit d'ailleurs très jeune, en 1765, époque où il avait à peine atteint sa douzième année, Louis d'An- traigues descendait d'une ancienne famille naguère huguenote du

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Page 1: LE COMTE D'ANTRAIGUES

P I E R R E S A B A T I E R

L E C O M T E D 'ANTRAIGUES U n grand aventurier sous la Revolution et l'Empire

Le comte d A n t r a i g u e s a é t é r e c o n n u par le duc de Cas t r i es , dans son ouvrage su r les é m i g r é s , c o m m e une des p e r s o n n a l i t é s

les p lus i n t é r e s s a n t e s et les p lus t roublan tes de cette é p o q u e . A coup s û r un g r a n d aven tur ie r dont toute l a vie ne fut qu 'une sui te d 'aventures ex t r ao rd ina i r e s en marge de la grande h i s to i r e à laquel le son espr i t d ' in t r igue s ' i n g é n i a , pas tou jours p o u r son p lus g rand profi t , à le m ê l e r cons t ammen t . Une a u r é o l e de mys­t è r e , une a t m o s p h è r e de r o m a n p o l i c i e r p l u t ô t , d i r a i t -on de nos j ou r s , enveloppe cette existence é t r a n g e , d é c o n c e r t a n t e , dont beau­coup de chap i t r e s demeuren t inexp l icab les , sur tou t le de rn ie r .

Ceux q u i eurent recours à ses services, et p a r m i eux i l y eut sur tou t des chefs d 'E ta t , l u i t é m o i g n è r e n t en g é n é r a l autant de m é f i a n c e que de m é p r i s , tout en reconnaissant q u ' i l fa l la i t c o m p t e r avec l u i . Le fu tur L o u i s X V I I I , l a re ine de Nap les M a r i e - C a r o l i n e , le tsar A l e x a n d r e et enfin le gouvernement b r i t a n n i q u e l ' e n r ô ­l è r e n t dans l eu r é t a t - m a j o r de renseignements , p o u r ne pas d i r e d 'espionnage. E n avance sur son temps, i l excel la i t dans l 'art de fo rmer des r é s e a u x , j u s q u ' a u j o u r o ù i l devint la v i c t i m e de ses p ropres ar t i f ices. N a p o l é o n m ê m e se servi t de l u i .

L e comte L o u i s de L a u n a y d 'Ant ra igues est n é à M o n t p e l l i e r en 1753. Sa m è r e , Soph ie de Sa in t -Pr ies t é t a i t fille d ' un in tendan t d u Languedoc et s œ u r du fu tur m i n i s t r e de L o u i s X V I q u i devai t ê t r e pa r la sui te in f in iment u t i le à son neveu au d é b u t de sa c a r r i è r e . Pa r son p è r e , q u ' i l pe rd i t d ' a i l l eurs t r è s jeune, en 1765, é p o q u e o ù i l avai t à peine at teint sa d o u z i è m e a n n é e , L o u i s d 'An­traigues descendai t d 'une ancienne f ami l l e n a g u è r e huguenote du

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comte d'Antraigues par Albert Perrin (Collection du comte d'Albon)

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76 I.K COMTE n'ANTRAlGl'ES

Vivarais, hér i t i ère des d'Antraigues par alliance. E n 1668, Louis X I V avait ér igé la terre dAntraigues en c o m t é , et vers la m ê m e é p o q u e les d'Antraigues se convertissaient au catholicisme.

Ce fut ainsi que notre personnage eut comme p r é c e p t e u r un chanoine de Troyes, l 'abbé Maydieu, qui se piquait de l i t t éra ture . Des é t u d e s à Paris au c o l l è g e d'Harcourt, o ù son grand-père l'avait mis en pension, puis un engagement dans l 'armée , furent les diver­ses é t a p e s de sa prime jeunesse, assez semblable à celle des autres adolescents de son monde.

Il se lassa vite des servitudes militaires, qui l'ennuyaient, et les garnisons comme Toulouse ou Verdun o ù le hasard l'avait p lacé ne lui plurent en aucune façon . Il se fit mettre en r é f o r m e sous p r é t e x t e d'une mauvaise s a n t é et pré féra voyager que de stagner dans une ville de province. On le vit successivement en Suisse, puis en Italie et en Orient, d'où il rapporta une é t u d e fort i n t é r e s s a n t e . Entre temps, il avait fait la connaissance de Voltaire et s'était l ié d 'amit i é avec Jean-Jacques Rousseau, dont il apprit la mort au moment o ù il d é b a r q u a i t à Constantinople.

A son retour de ce voyage qu'il avait a g r é a b l e m e n t p r o l o n g é en faisant l 'école b u i s s o n n i è r e , il partagea sa vie jusqu'en 1788 entre le Vivarais et Paris, s é j o u r n a n t , quand il se retrouvait dans sa province, au c h â t e a u de la Bastide, ermitage féodal dominant de ses quatre tours c a r r é e s un cirque grandiose de montagnes. Sa m è r e ne cessait de lui donner d ' i m p é r i e u x conseils de morale, habitant une autre demeure de famille, le c h â t e a u de Laulaguet, o ù elle menait une vie s é v è r e c o n s a c r é e aux pratiques religieuses, aux environs de Villeneuve de Beyes.

Louis d'Antraigues, comme beaucoup de ses contemporains, avait v e r s é dans la l ibre -pensée , f r é q u e n t a n t les e n c y c l o p é d i s t e s , se liant avec Mirabeau et s ' in t ére s sant aux d e r n i è r e s inventions de la science, se m ê l a n t pendant ses s é j o u r s à Paris non seulement aux gens de cour, mais aux gens de lettres. Il entretenait des correspondances avec des é c r i v a i n s é t r a n g e r s et trouvait le moyen, tout en menant une vie fort d i s s i p é e , de conserver un grand soin des traditions de famille et d'entretenir avec ceux qu'il consi­déra i t un peu comme ses vassaux en A r d è c h e des rapports pleins de sollicitude.

Ce fut à ce moment qu'il se lia avec la c é l è b r e cantatrice Saint-Huberty dont Edmond de Goncourt a r a c o n t é longuement la vie. Cette artiste é ta i t c é l è b r e à Paris, à la fois par son talent et par ses fantaisies, imposant ses caprices à Dauvergne, le directeur de l 'Opéra, qui ne savait plus avec elle à quel saint se vouer. La liaison de la Saint-Huberty avec d'Antraigues devait plus tard se transformer en mariage. Au d é b u t ; les deux amants se permet­taient l'un vis-à-vis de l'autre une e x t r ê m e l iber té , d'autant plus que d'Antraigues passait chaque a n n é e de longs mois en Vivarais. Pendant ce temps, la Saint-Huberty ne se gênai t pas pour trouver

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a u p r è s d'amis g é n é r e u x comme un certain comte Turconi, le moyen d'allier l'utile à l 'agréable . D'Antraigues n'y voyait aucun incon­v é n i e n t et allait m ê m e faire des s é j o u r s chez le comte, dans sa maison de campagne des environs de Paris.

Cette fac i l i té de vie, cet é c l e c t i s m e , qui lui é t a i e n t permis, n ' e m p ê c h a i e n t pas d'Antraigues d'être comme beaucoup d'hommes de son é p o q u e un m é c o n t e n t aspirant à des r é f o r m e s et voyant dans la r é u n i o n des Etats g é n é r a u x le moyen sûr de donner à la France la Constitution n é c e s s a i r e à sa l iberté . Beaucoup de gens, il est vrai, commettaient cette erreur, ne pouvant prévo i r les c o n s é q u e n c e s sanglantes de la r é u n i o n de ces merveilleux Etats !

T l publia en 1788 un m é m o i r e sur les Etats g é n é r a u x , qui eut d'autant plus de s u c c è s qu'il servait les ennemis de la monar­

chie. Adversaire déc laré des Etats du Languedoc, dont il p r é t e n d a i t que le Vivarais é ta i t la victime, il voyait dans la r é u n i o n des Etats g é n é r a u x le meilleur moyen de mettre fin à ce qu'il c o n s i d é r a i t comme le gouvernement d'une arbitraire oligarchie. Il trouvait é g a l e m e n t humiliant pour ses compatriotes a r d é c h o i s de porter leurs causes en appel devant le tribunal de N î m e s et non devant le Parlement de Toulouse. Aussi se lança-t-il dans un plaidoyer virulent, r é c l a m a n t l 'é lect ion par ordres et déc larant le tiers é ta t plus que la base de l'Etat : l'Etat l u i - m ê m e . Il voulait d é c r é t e r la l iber té totale de la presse et s'avouait l'adversaire du pouvoir absolu. Il e s p é r a i t ainsi jouer un grand rôle dans l ' évo lut ion qui se prépara i t , sans penser que cette é v o l u t i o n serait une r é v o l u t i o n .

Ce m é m o i r e sur les Etats g é n é r a u x i m p r i m é à Avignon eut un s u c c è s retentissant, mais obtint le ré su l ta t inattendu que Louis X V I interdit à son auteur l 'accès de Versailles, et que son oncle Saint-Priest, l'ambassadeur, l'invita à cesser toutes relations avec lui. Ce fut tout juste s'il év i ta une lettre de cachet. Au fond de son c œ u r , il souhaitait qu'elle v înt pour lui apporter un s u r c r o î t de p o p u l a r i t é . La r é v o l u t i o n éta i t d é j à dans l'air et de nombreux libelles circulaient à Paris contre le roi.

Il fut so l l i c i t é naturellement par le tiers é ta t pour devenir d é p u t é , tant à Paris que dans le Vivarais, aux premiers jours de 1789, mais il d é c l i n a cet honneur, craignant de passer b i e n t ô t pour un transfuge comme Mirabeau et S i e y è s . D'ailleurs, ses i d é e s r é v o l u t i o n n a i r e s ne lui avaient pas fait perdre ses traditions de caste, et ce fut dans les rangs de la noblesse, aux c ô t é s de V o g u é , qu'il fut e n v o y é par le Vivarais aux Etats g é n é r a u x . A la surprise g é n é r a l e , il devait bien vite se montrer le d é f e n s e u r de l'ancien r é g i m e et se d é c l a r e r contre les fantaisies d é m a g o g i q u e s du tiers état , reniant ainsi les principes r é v o l u t i o n n a i r e s de son manifeste de 1788. Cette brusque volte-face e x a s p é r a ses supporters de la veille. L'irritation de ceux-ci fut p o r t é e à son comble lorsqu'on

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le vit s'abstenir prudemment de la discussion dans la fameuse nuit du 4 août o ù furent abolis les pr iv i l èges de la noblesse. D è s le mois de septembre, on ne trouva plus son nom parmi les ora­teurs de l 'Assemblée . Après les j o u r n é e s d'octobre, qui le rem­plirent d'horreur, il demanda son passeport, mais attendit encore quelque temps pour l'utiliser. Il e s p é r a i t sans doute que l'Assem­b l é e s'amenderait et abrogerait ses premiers d é c r e t s , mais lors­qu'il la vit p e r s é v é r e r dans ses outrances et confisquer d 'autor i té les biens du c lergé il limita son action de d é p u t é à des critiques de c o m i t é pour a m é l i o r e r le sort de ses compatriotes. Il fut alors n o m m é Commissaire c h a r g é d'organiser le d é p a r t e m e n t de l 'Ardèche, après l'abolition des provinces.

E n m ê m e temps, il c o m m e n ç a i t à jouer un rô le dans les ser­vices secrets du roi, é t a n t rentré en grâce à la Cour, dont il é ta i t r e s t é écar té longtemps depuis sa publication de l'incendiaire m é m o i r e sur les Etats généraux . Cette ac t iv i té fut vite connue. On le s o u p ç o n n a d'assurer la liaison du roi avec certaines puis­sances é t r a n g è r e s . D'autre part, quand on lui demanda, comme d é p u t é , de prê ter le serment civique, le 6 février 1790, il pré féra l'envoyer par écr i t , se ré servant , à la fin de la lettre, le droit de le d é n o n c e r selon les nouvelles mesures qui seraient prises et avec lesquelles il ne serait pas d'accord. Cela apparut à l ' A s s e m b l é e d'une rare incorrection. Il fut requis de venir en personne p r ê t e r le serment verbalement s'il ne voulait pas se voir pr ivé de son mandat de d é p u t é .

Le 27 février 1790, d'Antraigues trouva plus prudent de passer la front ière , profitant du passeport qu'il dé tena i t . Une fois hors d'atteinte, il écr iv i t au Garde des Sceaux pour lui demander de lui accorder un c o n g é n é c e s s i t é par son mauvais é ta t de s a n t é . Ce c o n g é expiré , il sollicita son renouvellement. Il ne devait plus jamais rentrer en France. A un certain moment, il y avait s o n g é . Au printemps 1790, la ferveur monarchique avait é t é réve i l l é e par les F ê t e s de la F é d é r a t i o n . Il semblait que l'union s 'étai t faite entre le roi et l 'Assemblée . De Suisse, d'Antraigues envoya son a d h é s i o n à la d é c l a r a t i o n concernant la religion. Il se consi­dérai t encore comme le d é p u t é de la noblesse du Bas-Vivarais.

Il ne se gênai t plus maintenant pour dire ce qu'il pensait des e x c è s de la Constituante et publiait une brochure cinglante inti­t u l é e Quelle est la situation de l'Assemblée nationale ? Il s'effor­ça i t de convaincre l'opinion f r a n ç a i s e de la n é c e s s i t é de sauver cer­taines institutions, accusant la m a j o r i t é des d é p u t é s de vouloir tout dé tru i re dans un dé l i re d'inconscience. Sa p o p u l a r i t é s 'était totalement effritée parmi ses compatriotes, qui le c o n s i d é r a i e n t comme un adversaire déc laré de la R é v o l u t i o n . Profitant de son absence, on ne lui paya plus ses redevances, m a l g r é ses récla­mations.

E n 1791, il fut a c c u s é d'avoir t r e m p é dans des complots roya­listes et d'avoir, de l 'é tranger , d ir igé certains mouvements hos-

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tiles à la R é v o l u t i o n . E n 1792, une jacquerie se d é c h a î n a en A r d è c h e . La population se rua sur les c h â t e a u x de celui qu'on consi­déra i t comme un tra î tre et le plus dangereux des é m i g r é s . Sa maison de la Bastide, dont il avait fait une demeure merveil­leuse, remplie d'objets d'art et e n t o u r é e de jardins f é e r i q u e s , fut non seulement p i l l ée mais b r û l é e . L'incendie, dit-on, dura toute une nuit. B i e n t ô t il ne resta plus de la Bastide qu'un amon­cellement de pierres c a l c i n é e s .

es premiers mois d ' émigra t ion , d'Antraigues les passa à Lau--•—' sanne. Il y resta jusqu 'à la fin de 1790. La Saint-Huberty é ta i t venue l'y rejoindre et l'avait d é c i d é à l ' épouser . La comtesse d'An­traigues m è r e eut beau protester. La c é r é m o n i e nuptiale se fit le 29 d é c e m b r e 1790, dans le Tessin, à Mendrisio, o ù les deux amants s 'é ta ient ré fug ié s dans une maison appartenant au comte Turconi, dont on savait qu'il portait une p e r s é v é r a n t e sollicitude à la chanteuse. La Saint-Huberty revint à Paris au printemps de 1792 pour arranger ses affaires. Le m é n a g e s 'établ i t ensuite à Milan, o ù la m ê m e a n n é e , le 26 juin, leur naquit un fils. Leur femme de chambre d é c l a r a l'enfant sien, mais celui-ci fut néan­moins b a p t i s é sous le nom paternel.

Il para î t que ce providentiel comte Turconi a maintenant sa statue à Mendrisio pour avoir p r o d i g u é de grands bienfaits à sa ville natale et avoir f o n d é un hôpi ta l . La Saint-Huberty choisissait bien ses amis et, sa carr ière théâtra le dé f in i t i vement compromise par la R é v o l u t i o n , elle .entendait s'assurer un certain confort et loyalement l'assurer à son é p o u x en é c h a n g e du nom aristocratique dont il lui faisait cadeau. Bien que ni l'un ni l'autre ne se crût o b l i g é à une grande fidélité, le couple ne devait jamais se s é p a r e r , pas m ê m e dans la mort.

Il s'agissait maintenant pour d'Antraigues, pr ivé de ses biens en France, de trouver, en dehors du n é c e s s a i r e qui lui é ta i t o c t r o y é par son mariage, un superflu qui lui é ta i t encore plus n é c e s s a i r e . Il se fit d'abord publiciste, publiciste c o n t r e - r é v o l u t i o n n a i r e bien entendu, mais, à mesure que la R é v o l u t i o n devenait plus despo­tique, ses écr i t s , c o n s i d é r é s comme factieux, avaient peine à p é n é ­trer en France ; il dut ajouter à cette ac t iv i t é d 'écr iva in celle d'agent de Louis X V I et des princes é m i g r é s dans leurs n é g o ­ciations avec les cours é t r a n g è r e s .

Parmi ses brochures les plus violentes, il faut en citer une p a r t i c u l i è r e m e n t virulente : Point d'accommodement et a d r e s s é e à la noblesse de France, p u b l i é e en 1791 a p r è s les tragiques évé­nements de Varennes. Au moment o ù Louis X V I é ta i t r a m e n é captif à Paris, d'Antraigues se faisait le d é f e n s e u r de la monar­chie, non par mystique mais parce qu'il c o n s i d é r a i t que la monar­chie é ta i t le meilleur mode de gouvernement dans l ' intérêt de tous.

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Le libre-penseur qu'il demeurait au fond de sa conscience osait se faire le thur i féra ire de la religion, l'apologiste de la p a p a u t é , se déc larant l'adversaire des e n c y c l o p é d i s t e s . Il allait m ê m e j u s q u ' à citer le Nouveau Testament, les p è r e s et les conciles, et parlait de confesser sa foi et de mourir pour elle !

Une telle volte-face avait de quoi surprendre ses anciens amis, mais lui attirait la confiance des é m i g r é s voyant en lui l'homme tout d é s i g n é pour coordonner les diverses tentatives d e s t i n é e s à lutter contre la r é v o l u t i o n et dé l ivrer le roi. Dans ce rô le nouveau pour lui d'agent monarchiste, il se retrouvait fidèle à ses g o û t s et à son t e m p é r a m e n t d'aristocrate que les e x c è s d é m a g o g i q u e s des d é p u t é s de la Constituante indignaient et surtout irritaient. Dans son ardeur à d é f e n d r e la monarchie, il allait j u s q u ' à é c r i r e : « La France sans roi n'est pour moi qu'un cadavre, et on n'aime des morts que leurs souvenirs. »

De 1790 à 1793, sous le pseudonyme de Philiberte (en sou­venir de son a ï e u l e Philiberte d'Antraigues qui é ta i t venue dans le canton de Vaud (Suisse) é p o u s e r Benjamin Michè l i , seigneur de Dully), il mena une existence m y s t é r i e u s e , allant d'une f r o n t i è r e à l'autre pour susciter des d é f e n s e u r s à la cause du roi. Il avait la i s sé sa femme et son fils à Mendrisio, dans le Tessin, pour avoir une plus grande l iberté d'action et ne pas faire courir de danger aux siens.

La p r e m i è r e puissance é t r a n g è r e avec laquelle il entra en rapport fut l'Espagne. L'envoyé du roi Charles IV à Venise, Las Casas, lui offrit son a m i t i é et son concours pour cette œ u v r e de salut de la monarchie. L'amit ié de d'Antraigues et de Las Casas devait d'ailleurs durer j u s q u ' à la mort de celui-ci.

Aidés des conseils discrets de Bernis et de Vaudreuil, les deux hommes s ' e m p l o y è r e n t à conduire la politique de l ' émigrat ion . Ce fut Las Casas qui, au d é b u t , facilita les rapports de d'Antraigues avec la reine Marie-Caroline de Naples, s œ u r de Marie-Antoinette, qui se montra la plus constante et la plus o p i n i â t r e ennemie de la R é v o l u t i o n , avant de devenir la plus féroce adversaire de N a p o l é o n .

D'Antraigues intriguait é g a l e m e n t en Suisse. Sous le pseudo­nyme de Henry Alexandre Stauffacher, il proposait aux Suisses de lier la mise en l iber té de Louis X V I au renouvellement des trai tés avec la France. Las Casas le chargea, à la fin de 1792, de lever dans les cantons catholiques une a r m é e de douze mille hom­mes pour se joindre à l'Espagne en guerre contre sa voisine.

Plus tard, lorsque Coblence devint la capitale de l ' émigra t ion , d'Antraigues arriva non sans peine, grâce à ses amis, à se faire agréer du comte d'Artois. E n 1792, il pouvait se c o n s i d é r e r comme persona grata a u p r è s des princes et se voyait d é j à entrer en Champagne avec les Prussiens.

Calonne lui écr iva i t : « Les princes ont plus de remerciements à vous faire, que d'instructions à vous donner. »

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En 1793, on le trouve ins ta l l é à Venise, o ù il dirige une véri­table agence de renseignements au service du comte de Provence, officiellement i g n o r é du gouvernement de la R é p u b l i q u e véni­tienne qui n'avait pas rompu avec la Convention. Il y loua une maison, y v é c u t sous la protection officielle de l'Espagne puis sous celle de la Russie, se faisant en réa l i t é le centralisateur de toutes les correspondances s e c r è t e s entre les agents de Paris, l'Espagne, Naples et la Russie. Las Casas lui avait servi d'intro­ducteur a u p r è s des r e p r é s e n t a n t s de cette puissance à G ê n e s et à Naples. Lorsque l'Espagne se fut ret irée de la coalition contre la France, en 1795, la cour de Madrid ayant s igné la paix de B â l e , on remercia tout naturellement d'Antraigues de ses services. Il lui fallut chercher un nouveau pavillon.

A p r è s avoir h é s i t é entre l'Angleterre et la Russie, il opta pour cette d e r n i è r e nation, et demanda d'être r a t t a c h é à la léga­

tion russe de Venise, d'accord avec le comte de Provence. Golov-kine accueillit avec empressement les offres de service de d'An­traigues, qui, en é c h a n g e de son rattachement à la l é g a t i o n russe a Venise, lui fournit de nombreux et substantiels rapports sur les relations du C o m i t é de Salut public avec la Turquie et la Pologne, et sur l'état d'esprit qui régnai t en France et les chances éven­tuelles de c o n t r e - r é v o l u t i o n .

M a l g r é les compliments que lui faisaient adresser les princes, et sa situation r é g u l a r i s é e à la l égat ion de Russie, d'Antraigues n'avait pas la vie très facile à Venise. Son mariage avec la Saint-Hu-berty semblait e n t a c h é d' irrégulari té , sa femme ne portant pas son nom, quoique habitant avec lui, pour ne pas dép la i re à sa m è r e qui s 'était r e f u s é e à admettre cette union à cause de l'existence tapa­geuse m e n é e par la cantatrice à Paris avant la R é v o l u t i o n . D'autre part, d'Antraigues s'entourait d'hommes douteux et besogneux, comme un certain a b b é Dufour, ou le Marseillais Goujon qui s'était permis de gifler en pleine place Saint-Marc un certain Venture parce qu'il portait la cocarde tricolore, et avait failli amener une rupture diplomatique entre Venise et la France. D'An­traigues avait besoin pour ses intrigues de gens que les scrupules n'étouffa ient pas et dont on obtenait les services à peu de frais.

Lorsque le comte de Provence, a p r è s la mort du Dauphin, se d é c i d a à prendre le nom de Louis XVIII et à faire fonction de roi de France, il appela a u p r è s de lui d'Antraigues, à V é r o n e . L'agence de Venise devint en quelque sorte et d'une m a n i è r e plus ou moins officielle l'agence de renseignements du p r é t e n d a n t . D'Antraigues fut inv i té m ê m e à collaborer au premier manifeste que le nouveau souverain adressa à ses sujets, comme on peut le voir dans le dossier d'Antraigues aux Archives de France. Il conseillait la man­s u é t u d e à l 'égard de certains r é g i c i d e s susceptibles de rendre dans l'avenir des services importants lors de la restauration. Il s'em-

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p l o y a é g a l e m e n t à faire r e c o n n a î t r e L o u i s X V I I I p a r les puissances é t r a n g è r e s , ne se la issant pas d é c o u r a g e r par les refus q u ' i l essuyai t , c o m m e ce fut le cas à M i l a n a u p r è s de l ' a r c h i d u c F e r d i n a n d . I l r é u s s i t à r é c o n c i l i e r L o u i s X V I I I avec son jeune c o u s i n L o u i s -P h i l i p p e , et à l u i faire o u b l i e r les sanglants souveni r s l a i s s é s p a r le s in i s t re P h i l i p p e - E g a l i t é . L a duchesse d ' O r l é a n s , r e s t é e en F r a n c e , avai t m a n i f e s t é d ' a i l l eurs avec une grande h u m i l i t é le d é s i r de se fa i re p a r d o n n e r des c r i m e s q u i avaient é t é c o m m i s p a r u n h o m m e don t elle avai t p o r t é le n o m .

J u s q u ' e n 1796, L o u i s X V I I I , i n s t a l l é à V é r o n e , d e m e u r a en é t r o i t e c o l l a b o r a t i o n avec l 'agence de Ven i se et son a n i m a t e u r q u i mena i t une lu t te o p i n i â t r e con t re la R é v o l u t i o n f r a n ç a i s e . O n t rouve l ' ac t ion de d 'Ant ra igues à la fois en Corse , s u r l a f r o n t i è r e f ranc-comtoise et en V e n d é e o ù i l fut en r e l a t i o n avec Cha r r e t t e et les Chouans , d é p l o r a n t les h é s i t a t i o n s des p r inces q u i aura ien t d û , à son avis , ag i r d i rec tement en V e n d é e . P lus t a r d i l é c r i r a : « II ne restait d'asile à la royauté qu'en Vendée. Ce moyen eût pu devenir le salut. On ne l'a pas voulu. » I l accuse l 'Ang le t e r r e et l ' entourage des p r inces d ' avo i r e m p ê c h é la r é u s s i t e de ses tenta­t ives et d ' avo i r a i n s i l a i s s é assassiner les p lus h é r o ï q u e s sout iens de la m o n a r c h i e .

En- 1796, L o u i s X V I I I fut s o m m é pa r le gouvernement v é n i t i e n de qu i t t e r la v i l l e des Doges et d 'a l le r se r é f u g i e r en A l l e m a g n e . D 'An t r a igues d e m e u r a à son poste. O n l u i ad jo ign i t u n G a s c o n , M a r -reux de M o n t g a i l l a r d , pou r s 'occuper des é m i g r é s et a ssure r les l i a i sons d u r o i avec les d ivers é t a t s . L e duc de l a V a u g u y o n servai t d ' i n t e r m é d i a i r e entre d 'Ant ra igues et L o u i s X V I I I , j ou i s ­sant a u p r è s d u r o i d 'une confiance absolue .

Dans sa lut te con t re la R é p u b l i q u e f r a n ç a i s e , d 'An t ra igues avai t t r o u v é une a l l i é e p a s s i o n n é e dans l a personne de l a re ine des Deux-S ic i l e s . M a r i e - C a r o l i n e s ' é t a i t j u r é de venger l a m o r t de sa s œ u r et n ' admet ta i t a u c u n c o m p r o m i s avec les s u p p ô t s de l a R é v o ­l u t i o n . S o n m a r i , F e r d i n a n d , é t a i t m o i n s o p i n i â t r e dans ses ha ines et avai t m ê m e l a i s s é en tamer cer ta ines n é g o c i a t i o n s avec la F rance . D 'An t r a igues l ' app r i t et s ' employa à ave r t i r l a reine, q u i d é s a v o u a le n é g o c i a t e u r et fit é c h o u e r la c o m b i n a i s o n . E n oc tob re 1796 n é a n ­m o i n s , l a c o u r de Nap les fut o b l i g é e de so r t i r de l a c o a l i t i o n et de t r a i t e r avec le D i r e c t o i r e .

D ' A n t r a i g u e s ressent i t cette d é f e c t i o n c o m m e u n é c h e c per­sonne l , d 'autant p lus que que lque temps p lus t a r d ses r e la t ions avec M a r i e - C a r o l i n e se d é t é r i o r è r e n t .

D 'An t ra igues s ' é t a i t d o n n é une autre m i s s i o n , ce l le de d é b a u ­che r des g é n é r a u x r é p u b l i c a i n s . S o n ac t i on s ' e x e r ç a su r le

g é n é r a l P i c h e g r u avec s u c c è s , ma i s é c h o u a a u p r è s de B o n a p a r t e m a l g r é les o rd re s p r é c i s q u ' i l avait r e ç u s d u duc de la V a u g u y o n ,

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q u i a t tacha i t avec jus te ra i son la p lus grande i m p o r t a n c e à se c o n c i l i e r le v a i n q u e u r d 'Arco le .

B o n a p a r t e n 'entendai t en aucune f a ç o n se rv i r les B o u r b o n s , pensant d é j à à l a nouvel le dynast ie q u ' i l fondera i t si l a chance c o n t i n u a i t à l u i sou r i r e . I l est ce r t a in , et les preuves en exis tent dans les a rchives d u m i n i s t è r e des Affaires é t r a n g è r e s , que l 'agence de Ven i se , et par c o n s é q u e n t son chef d 'Ant ra igues , s ' employa à essayer de d é b a u c h e r en faveur de L o u i s X V I I I B o n a p a r t e et quelques-uns de ses l ieutenants . A cette é p o q u e , i l emp loya i t f ré­q u e m m e n t ma i s n o n sans une grande r é p u g n a n c e , p o u r se p r o c u r e r des rense ignements , u n h o m m e fort douteux n o m m é M o n t g a i l l a r d q u i avai t agi d i r ec temen t sur P i cheg ru . L o u i s X V I I I l u i avai t r emi s u n cer t i f icat de fidélité et l 'avait d i r i g é sur d 'Ant ra igues en 1796. I l s ' é t a i t e m p l o y é , avec s u c c è s d isa i t -on, à ob ten i r la d é l i v r a n c e de M a d a m e Roya l e . I l sembla i t d 'autant p lus i n t é r e s s a n t q u ' i l avai t v é c u en F r a n c e pendant la Te r r eu r , r ô d a n t au tour des c o m i t é s de Sa lu t p u b l i c . P o u r app r ivo i se r d 'Ant ra igues , i l l u i exposa d 'une pa r t les avantages q u ' o n pouvai t t i r e r des re la t ions q u ' i l avai t encore avec les r é p u b l i c a i n s , et des secrets q u ' i l d é t e n a i t sur cer ta ins meneurs d u D i r e c t o i r e , et d 'autre part des p o s s i b i l i t é s q u ' i l entre­voya i t de d é t a c h e r B o n a p a r t e de ses m a î t r e s actuels . E n m ê m e temps , M o n t g a i l l a r d tenait le D i r e c t o i r e au couran t des m e n é e s de d 'Ant ra igues , d é v o i l a n t l ' a c t iv i t é de l 'agence de Ven i se en faveur d 'une r e s t au ra t ion monarch i s t e . B o n a p a r t e d é c i d a l ' a r res ta t ion de d 'An t ra igues . L ' o c c a s i o n de la r é a l i s e r s'offrit en 1797 lo r sque l a R é p u b l i q u e de V e n i s e fut envahie par les t roupes f r a n ç a i s e s . D ' A n ­t ra igues , se sentant m e n a c é , avai t fait passer à la l é g a t i o n d ' A u t r i ­che des caisses de documents c o m p r o m e t t a n t s . M a i s i l avai t o u b l i é t ro i s por te feu i l les , se croyant p r o t é g é pa r son appar tenance offi­c ie l l e a u pe r sonne l d i p l o m a t i q u e russe. C o m m e i l su iva i t le m i n i s ­t re d u tsar à Tr ies te , i l fut a r r ê t é à l ' e n t r é e de la v i l l e par le g é n é r a l Be rnado t t e .

M a l g r é les pro tes ta t ions du m i n i s t r e M o r d v i n o w , B e r n a d o t t e fit fou i l l e r les mal les de d 'Ant ra igues . Pendant ce temps, la S a i n t - H u -ber ty , prof i tant d 'une minu te d ' ina t t en t ion , d é t o u r n a les t ro i s porte­feui l les que son é p o u x avai t e m p o r t é s , mais ne r é u s s i t à en d é t r u i r e que deux et dut finalement l i v r e r le t r o i s i è m e aux gardes de Ber ­nadot te .

A cette occas ion , d 'Ant ra igues osa avouer u n mar iage q u ' i l avai t t enu j u s q u e - l à secret, et p r é s e n t a la S a i n t - H u b e r t y c o m m e la c o m ­tesse d 'Ant ra igues , demandant qu 'e l le et son fils v inssent par tager sa c a p t i v i t é . L e so i r m ê m e , les t rois p r i sonn ie r s par ta ient p o u r M i l a n sous bonne escorte. Ils a r r iva ien t le 27 m a i dans la cap i ta le de l a L o m b a r d i e , o ù jus tement se t rouvai t Bonapa r t e , i n s t a l l é dans son qua r t i e r g é n é r a l de M a r b e l l o .

I n f o r m é de ce q u i se t rouvai t dans le por te feu i l l e sa is i , et ce r t a inement d é j à en possession de cer taines p i è c e s , B o n a p a r t e fit convoque r d 'Ant ra igues . Tout d ' abord , i l le m e n a ç a de le faire fus i l le r , mais , satisfait de l'effet de te r reur p rodu i t , i l s 'arrangea

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pour obtenir des confidences du prisonnier. Sorti de son tête-à-tê te avec le généra l f rança i s , d'Antraigues semblait t rè s content, comme on le voit dans ses M é m o i r e s : « De la part du général en chef, écrivait- i l à la date du 4 juin 1797, j'ai éprouvé des témoi­gnages d'intérêt. En se refusant à me rendre la justice qui m'est due, il m'a offert tout ce que le désir de m'être personnellement agréable pouvait lui inspirer. »

On devine a i s é m e n t ce qui s 'était p a s s é . Bonaparte avait fait signer par d'Antraigues toutes les p i è c e s qui accusaient Pichegru et le convainquaient de m e n é e s royalistes. En m ê m e temps, il lui faisait signer un d é s a v e u des conversations qu'on lui prê ta i t à l u i - m ê m e , Bonaparte, avec Montgaillard, s'arrangeant ainsi pour s'innocenter et pour perdre ses rivaux, entre autres Pichegru.

Plus tard, Bonaparte remit personnellement à Mme d'Antrai­gues le portefeuille c o n f i s q u é dont on avait e n l e v é les p i è c e s les plus importantes. Ainsi, l'arrestation de d'Antraigues avait servi à d é m a s q u e r les d i f férents agents de Louis XVIII . Comme il n'avait jamais p o r t é les armes contre la France, on ne pouvait le traduire devant une commission militaire, ni devant un conseil de guerre. Le ministre des Relations e x t é r i e u r e s Delanoy, auquel on aVait e n v o y é le dossier à Paris, conclut à la remise en l iber té de d'Antraigues. Cependant, le Directoire refusa cette mise en l iber té , pensant qu'il é ta i t utile de conserver sous les verrous un espion double dont on pouvait apprendre tant de choses et qui servirait au besoin d'otage.

D'Antraigues, t rans féré de sa prison au palais Andreoli à Milan, profita de certaines fac i l i t é s qui lui é t a i e n t l a i s s é e s pour corres­pondre avec sa m è r e à Florence, avec Montgaillard à Venise, avec le duc d'Havre à Madrid, et pour envoyer un m é m o i r e à Turin à l 'abbé de Pons avec l'ordre de le faire imprimer, prenant le monde entier à t é m o i n de l'injustice d'une d é t e n t i o n cependant bien douce.

Il eut de nouvelles entrevues avec Bonaparte, entrevues ora­geuses o ù le généra l se montra aussi cassant que son prisonnier se faisait insolent. Entre-temps, la Saint-Huberty s'était l iée avec J o s é p h i n e . Les deux femmes c o m b i n è r e n t l ' évas ion de d'Antrai­gues. Bonaparte ferma les yeux, las d'attendre les d é c i s i o n s du Directoire et pensant qu'il n'avait plus de renseignements à tirer de son captif.

Un soir, d'Antraigues, d é g u i s é en prê tre , gagna une ég l i s e voi­sine, y demeura quelques jours c a c h é dans un confessionnal jus­qu'à ce qu'un guide vînt l'y chercher pour le conduire à Bellinzona. Quelques jours plus tard, Mme d'Antraigues s ' échappa i t à son tour, v ê t u e en paysanne. La famille se trouva b i e n t ô t r é u n i e à Innsbruck, où le fils de d'Antraigues rejoignit ses parents.

E n m ê m e temps, dans le camp des é m i g r é s et dans l'entourage du p r é t e n d a n t se répanda i t le bruit que d'Antraigues avait fait

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à Bonaparte de dangereuses confidences et qu'il s'était laissé soustraire des lettres compromettantes. Cela suffit à amener son exclusion brutale de la confiance royale. Toute correspondance avec lui fut interdite. Ces années-là, il les passa dans un grand isolement moral, à Vienne et à Gratz avec quelques voyages en Italie pour revoir un de ses premiers et plus anciens amis, Las Casas, qui se mourait à Padoue.

En février 1798, une lettre royale lui avait signifié officiellement sa disgrâce. On lui défendait même de publier quoi que ce soit à ce sujet. Tout ce qu'il pouvait faire pour se défendre, c'était de conserver certaines relations avec un agent du roi à Vienne, La Fare, ancien évêque de Nancy. Ce prélat obtint de d'Antraigues qu'il demeurât soumis et silencieux. C'était beaucoup lui demander.

D'Antraigues possédait en effet des papiers compromettants même pour le prétendant. Il les avait mis en sûreté en Angleterre et laissait entendre qu'il était en état de s'en servir si on le traitait injustement. Auprès des Russes, il ne rencontrait plus aucune indulgence. Il lui fut signifié interdiction de se rendre à Moscou et à Saint-Pétersbourg. Cependant on continuait à lui servir des appointements et même, à partir de 1798, on les lui doubla, preuve certaine qu'il était encore considéré comme un précieux agent de renseignements.

Installé à Vienne pendant la fin du Directoire et le Consulat, il centralisait des informations que lui communiquaient sous des noms d'emprunt un ami et une amie de Paris et il les mettait au service de la politique des alliés. Son excuse : il croyait ainsi faciliter une restauration que les ambitions croissantes de Bona­parte rendaient de plus en plus improbable.

Quoi qu'il en soit, l'activité de d'Antraigues connaissait bien des vicissitudes et faisait courir à son auteur des risques constants. Les réseaux d'espionnage qu'il organisait étaient souvent détruits, comme il arriva pour ce réseau dénommé Manufacture qui, dès le début du Directoire, avait été démantelé. Il lui fallait sans cesse recruter de nouveaux correspondants qui s'avéraient parfois indis­crets et vite dangereux.

On connait par leurs noms exacts certains de ces pourvoyeurs de renseignements : un Toulousain, Reboul, qu'il fit entrer au Foreign Office en 1794 et qu'on retrouva ensuite en Lombardie, un compatriote ardéchois Gamon, ancien député à la Législative puis à la Convention, qui avait échappé de justesse à la Terreur en se réfugiant en Suisse.

Le plus remarquable biographe de d'Antraigues, qui lui consacra un long volume plusieurs fois réédité et complété, Léonce

Pingaud, et plus récemment M. I. Godechot, qui a travaillé sur les papiers de l'aventurier conservés en Angleterre, sont d'accord

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p o u r m o n t r e r la p rod ig ieuse é n e r g i e d é p l o y é e par d 'Ant ra igues dans sa c a r r i è r e d'agent, agent double servant p lus i eu r s pays à l a fois , avec une sorte de d i l e t t an t i sme . A d m e t t o n s qu ' au fond de son c œ u r i l ne pensai t pas t r ah i r , car i l songeait toujours à une res taura t ion , ma i s i l faut auss i admet t re q u ' i l r enda i t de s ingu l ie r s services aux ennemis de son pays en leur faisant teni r de longs rappor t s su r ce q u i se passai t en France , r appor t s q u i avaient t ra i t aux ques t ions les p lus diverses : é t a t s d 'espr i t , p r é p a ­ra t i fs m i l i t a i r e s , complo t s , r é s i s t a n c e s , s i tua t ion f i n a n c i è r e , i n t r i ­gues de pala is et de m i n i s t è r e s . Que ce fû t à V i e n n e d ' abord , pu is à Dresde et enfin en Angle te r re , i l ne se p e r m i t pas u n ins tant de repos dans sa t â c h e , acceptant des subsides à la fois de l ' A u t r i ­che, de la Russ ie et d u gouvernement b r i t ann ique , que des a m i s de Par i s l u i permet ta ien t de teni r au couran t de tout ce q u i s'y passait . L ' a m i e de Par i s semble avo i r é t é une cer ta ine mar­quise de V i e u v i l l e q u i s ' é t a i t g l i s s é e dans l ' i n t i m i t é de M a d a m e B o n a p a r t e . Quant à l ' a m i , cer ta ins b iographes pensent que le r ô l e fut tenu par N o ë l D a r u , pu is par son fils P ie r re , c o u s i n de S t e n d h a l et q u i devait ê t r e p lus t a rd c o m b l é d 'honneurs pa r N a p o l é o n .

Les papiers l a i s s é s par d 'Ant ra igues et c o n s e r v é s en Ang le t e r r e , c o m m e ceux i n v e n t o r i é s dans les a rch ives de Russ ie , con t i ennen t de pass ionnantes r é v é l a t i o n s sur les dessous de la po l i t i que . L ' A n ­glais D r a k e , d ' abord agent en I ta l ie avant de deveni r ambassadeur à M u n i c h , avait é t é un des p remie r s i n t e r m é d i a i r e s entre d 'An t r a i ­gues et son gouvernement .

D 'An t ra igues c o n s i d é r a i t l 'Angle te r re c o m m e le seul v é r i t a b l e refuge cont re les menaces de N a p o l é o n . N e se sentant p lus en s û r e t é dans aucun pays d u con t inen t e u r o p é e n qu 'envahissa ient les a r m é e s i m p é r i a l e s , i l a l l a s ' é t a b l i r en Grande-Bre tagne et s'y ins­t a l l a d é f i n i t i v e m e n t à p a r t i r de 1806 avec sa femme et son fils. Avec les a n n é e s , i l se sentait de p lus en plus i so lé parce que de p lus en p lus suspect aux d ivers pays q u ' i l avai t servis , l ' A u t r i c h e pu is l a Russ ie , p o u r s u i v i pa r la haine de B o n a p a r t e q u ' i l avait longtemps et va inement e s s a y é de comba t t r e . S a m è r e , q u i avai t v é c u dans la retrai te , à M o n t p e l l i e r , é t a i t mor t e dans cette v i l l e le 19 a v r i l 1806, a p r è s a v o i r r e ç u de B o n a p a r t e l ' o rdre de ne p lus c o r r e s p o n d r e avec l ' é m i g r é .

A son a r r i v é e à L o n d r e s , en 1804, i l é t a i t c o n s i d é r é c o m m e u n agent d i p l o m a t i q u e russe, mais b i e n t ô t , pensant que l 'Angle te r re l u i offrait p lus d'avantages, i l s ' e f força de m é r i t e r la confiance d u F o r e i g n Office et la p ro t ec t i on d u souvera in b r i t a n n i q u e . I l é c r i v a i t à la fois des lettres à S a i n t - P é t e r s b o u r g et des a r t ic les dans le c o u r r i e r d 'Angle te r re en faveur de la Russ ie .

L a pa ix de T i l s i t t scel lant la r é c o n c i l i a t i o n de la Russ i e et de la F rance r u i n a ses proje ts et d é t r u i s i t l ' é q u i l i b r e q u ' i l en tendai t conserver . I l ne peut ê t r e admis , c o m m e l 'ont fait cependant cer­tains de ses b iographes , que pou r se venger de la d é f a v e u r sou-

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daine d u tsar à son é g a r d i l ait v endu à l 'Angle ter re les a r t i c les secrets d u T r a i t é de T i l s i t t . L ' a u r a i t - i l v o u l u que ce la l u i e û t é t é i m p o s s i b l e , ca r i l se t rouva i t , en Angle te r re , dans l ' i n c a p a c i t é de s u r p r e n d r e des secrets auss i i m p o r t a n t s , car i l n 'avai t p lus , depu is son a r r i v é e à L o n d r e s , les m ê m e s sources d ' i n f o r m a t i o n s q u ' à V i e n n e o u à Dresde .

V e r s l a m ê m e é p o q u e , i l pe rd i t l a rente que l u i faisai t l 'Espagne depuis 1793. I l ne l u i res ta i t p lus que l ' appu i de l 'Ang le te r re et u n reste de c r é d i t a u p r è s des é m i g r é s , su r tou t les h u m b l e s , c a r dans l 'entourage des p r inces o n se méf i a i t ma in tenan t de l u i , o u b l i a n t les services é m i n e n t s q u ' i l n 'avai t c e s s é de rendre à l a cause de l a r o y a u t é , par ha ine p o u r la R é v o l u t i o n , dont i l n 'avai t j a m a i s c e s s é de c o n s i d é r e r N a p o l é o n c o m m e le con t inua teu r . A u s s i ava i t - i l c rue l ­l ement souffert de v o i r u n à u n les ennemis de B o n a p a r t e se r a l l i e r à l u i . L ' a m i e et l ' a m i de Pa r i s q u i l 'avaient s i l ong temps a p p r o v i s i o n n é en rense ignements , faisaient ma in tenan t pa r t i e de l 'entourage i m p é r i a l . N a p o l é o n avai t é p o u s é une a rch iduchesse d ' A u t r i c h e . Le tsar avai t b a i s s é p a v i l l o n devant le va inqueur , et l a S u è d e accepta i t c o m m e souvera in Bernado t t e , le g é n é r a l q u i avai t n a g u è r e a r r ê t é d 'Ant ra igues à Tr ies te .

Dans sa f ami l l e , i l avai t é g a l e m e n t de grands sujets d 'amer­tume. E n v ie i l l i s san t , la S a i n t - H u b e r t y avai t p e r d u son an­

cienne b e a u t é . S o n c a r a c t è r e s ' é t a i t a i g r i . E l l e é t a i t devenue e x t r ê ­m e m e n t a c a r i â t r e et avare, sans r a i son d 'a i l l eurs car ce q u i l u i res­tait de for tune j o i n t aux é m o l u m e n t s que son m a r i , p r o t é g é p a r l o r d C a n n i n g , m i n i s t r e des Affaires é t r a n g è r e s , con t inua i t à toucher d u gouvernement angla is , pe rmet ta i t au couple une vie exempte de soucis d 'o rdre p é c u n i a i r e . S o n fils, m o n t é cont re ses parents , n 'hab i ­tai t m ê m e p lus avec eux depuis q u ' i l avait a t te int sa v i n g t i è m e a n n é e . Ses anciens amis , o u p l u t ô t ses anciens c o m p l i c e s , s ' é t a i e n t b r o u i l l é s avec l u i . L a c o u r de L o u i s X V I I I , à H a r t w e l l , b i e n que p r i v é e pa r la m o r t d u p lus o b s t i n é de ses adversa i res , c o n t i n u a i t à t en i r r i gueu r à d 'An t ra igues .

I l avai t donc b ien des ra i sons de tr istesse, l o r s q u ' i l é c r i v i t le l " r j a n v i e r de cette a n n é e 1812, q u i devai t ê t r e l a d e r n i è r e de sa vie , cette confess ion r e t r o u v é e dans ses pap ie r s : « Je com­mence cette année en versant des pleurs... C'est ainsi à peu près que je les ai toutes finies depuis 1790 ( i l faisai t a l l u s i o n à son é m i g r a t i o n ) . Je suis miné et ne puis pas résister aux persécutions... » I l voya i t m ê m e le m o m e n t o ù i l devra i t se s é p a r e r de sa f emme, t e l l ement le c a r a c t è r e de cel le-ci s ' é t a i t a i g r i . I l se repenta i t a m è ­rement de l ' avo i r é p o u s é e m a l g r é les ob jec t ions de sa m è r e . « J'en ai été cruellement châtié, éc r iva i t - i l dans cette page de son Jour ­n a l q u ' i l t e r m i n a i t a i n s i : Je me borne à demander à Dieu la résignation, la force, les ressources, la grâce d'être bon catholique, celle de protéger mon fils et de mourir sans souffrir, mais en ayant

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le temps de me préparer. Je le supplie de ne pas me réduire à la misère et de me conserver ce qu'il m'a accordé et que j'ai bien gagné près de ces misérables rois que j'ai dû servir et que j'ai eu le malheur de servir....»

En faisant en effet le bilan des souverains qu'il avait servis, moyennant finances d'ailleurs, il s'apercevait qu'il n'addi­

tionnait que des ingratitudes et des haines. Seule, la l i t t é r a t u r e lui étai t r e s t é e fidèle, il se consolait, ou du moins l'essayait, en écr ivant , de ses d é b o i r e s politiques.

Cependant, au d é b u t de cette a n n é e 1812, la chance sembla lui revenir. Grâce à son ami Panine, il recevait du tsar Alexandre d ' i n t é r e s s a n t e s propositions. Rostopchine ne l'avait pas o u b l i é et Annefelt devait servir d ' i n t e r m é d i a i r e entre lui et le souverain de toutes les Russies, pensant à attaquer N a p o l é o n et trouvant que, dans sa lutte contre la France, il aurait besoin de nombreux concours et d'utiles renseignements. Son ennemi Roumianjov, qui lui avait nui à S a i n t - P é t e r s b o u r g , semblait devoir quitter le minis­tère des Affaires, é t r a n g è r e s . Toujpurs est-il qu'il reçut la mission de p r é p a r e r des documents en vue d'un tra i té de commerce entre la Russie et l'Angleterre. Y eut-il des i n d i s c r é t i o n s ? Tout porte à le croire, car à partir de ce nioment d'Antraigues eut l'impression d'être surve i l l é et m e n a c é .

Le 22 juillet 1812, il s 'apprêta i t à se rendre à Londres avec sa femme, et descendait l'escalier de la petite maison qu'il habitait dans la banlieue de la capitale, lorsque son domestique Lorenzo lui tira un coup de revolver. La balle effleura ses cheveux. L'agres­seur profita d'un moment de surprise de son m a î t r e pour se pré­cipiter dans la chambre de celui-ci. Il d é c r o c h a un poignard qui ornait une panoplie. D'Antraigues rejoignait sa femme en train de monter en voiture. Lorenzo le rattrapa et lui e n f o n ç a l'arme dans la poitrine. Mme d'Antraigues fut f r a p p é e elle aussi par Lorepzo, qui se fit a u s s i t ô t justice en se tirant une balle dans la m â c h o i r e . Mme d'Antraigues é ta i t morte sur le coup. Son mari, qui s 'était t ra îné j u s q u ' à sa chambre, ne s u r v é c u t que quelques instants.

Ce crime m y s t é r i e u x donna lieu à de nombreux commentaires, bien qu'une e n q u ê t e rapidement m e n é e se t e r m i n â t par la con^r tatation pure et simple de l'attentat auquel un seul t é m o i n , lé cocher, avait a s s i s t é . L'assassin é ta i t mort lui aussi; emportant son secret pour la t r a n q u i l l i t é de ceux qui avaient tiirigé sa main: Quels é ta ient - i l s ? On parla d'une vengeance de la p ó l i c e f r a n ç a i s e qui voulait mettre hors d'état de nuire un ennemi toujours redou­table de la politique i m p é r i a l e . Jules d'Antraigues, le fils des deux victimes, ne cessa d'accuser N a p o l é o n de la mort de ses parents. On p r é t e n d i t que Lorenzo, espion de F o u c h é , soustrayait des

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papiers de son maître pour les transmettre à Paris. Se sentant découvert par celui-ci, il n'aurait pas hésité à le tuer. On accusa également les Anglais d'avoir voulu faire disparaître un de leurs employés qui en savait trop et risquait de parler.

Lorenzo était un déserteur de l'armée française, et un exalté. Il pouvait fort bien n'avoir agi que dans un moment de colère, la Sairit-Huberty l'ayant congédié la veille.

On murmura atissi que Lquis XVIII n'avait pas été mécontent de cette disparition d'un ennemi qui connaissait trop bien son passé et se rappelait son attitude avant la mort de Louis XVI et celle de Marie-Antoinette.

On parla aussi d'une exécution décidée par des sociétés secrètes... .

Le gouvernement fit en tout cas mettre aussitôt le séquestre sur les nombreux papiers de d'Antraigues. Un de;ses biographes insinua que le roi Louis XVIII ne fut pas étranger à.cette mesure.

Toujours est-il que d'Antraigues ne fut pas regretté. On trouva que sa mort était la juste conclusion de son existence d'aventurier politique.

PIERRE SABAf 1 E R