le calcul algebrique en france et au liban etude

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HAL Id: tel-01063999 https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01063999 Submitted on 24 Sep 2014 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. LE CALCUL ALGEBRIQUE EN FRANCE ET AU LIBAN ETUDE COMPAREE DE L’ENSEIGNEMENT DE LA FACTORISATION ET DES ERREURS DES ELEVEs Nawal Abou Raad To cite this version: Nawal Abou Raad. LE CALCUL ALGEBRIQUE EN FRANCE ET AU LIBAN ETUDE COMPAREE DE L’ENSEIGNEMENT DE LA FACTORISATION ET DES ERREURS DES ELEVEs. Analyse numérique [math.NA]. Université de Provence - Aix-Marseille I, 2006. Français. <tel-01063999>

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  • HAL Id: tel-01063999https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01063999

    Submitted on 24 Sep 2014

    HAL is a multi-disciplinary open accessarchive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come fromteaching and research institutions in France orabroad, or from public or private research centers.

    Larchive ouverte pluridisciplinaire HAL, estdestine au dpt et la diffusion de documentsscientifiques de niveau recherche, publis ou non,manant des tablissements denseignement et derecherche franais ou trangers, des laboratoirespublics ou privs.

    LE CALCUL ALGEBRIQUE EN FRANCE ET AULIBAN ETUDE COMPAREE DE LENSEIGNEMENT

    DE LA FACTORISATION ET DES ERREURS DESELEVEs

    Nawal Abou Raad

    To cite this version:Nawal Abou Raad. LE CALCUL ALGEBRIQUE EN FRANCE ET AU LIBAN ETUDE COMPAREEDE LENSEIGNEMENT DE LA FACTORISATION ET DES ERREURS DES ELEVEs. Analysenumrique [math.NA]. Universit de Provence - Aix-Marseille I, 2006. Franais.

    https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01063999https://hal.archives-ouvertes.fr

  • UNIVERSITE AIX-MARSEILLE I - Universit de Provence

    U.F.R. SCIENCES DE LEDUCATION

    THESE

    pour obtenir le grade de

    DOCTEUR DE LUNIVERSITE AIX-MARSEILLE I

    Formation doctorale : SYSTEME DAPPRENTISSAGE

    SYSTEME DEVALUATION

    Prsente et soutenue publiquement

    Par

    Nawal ABOU RAAD

    Le 11 octobre 2006

    Titre :

    LE CALCUL ALGEBRIQUE EN FRANCE ET AU LIBAN

    ETUDE COMPAREE DE LENSEIGNEMENT DE LA

    FACTORISATION

    ET DES ERREURS DES ELEVES

    Directeur de thse :

    Alain MERCIER

    JURY

    Mme Sophie Ren DE COTRET Rapporteur

    Mme Marie-Jeanne PERRIN-GLORIAN Rapporteur

    M. Hicham BANNOUT Examinateur

    M. Yves CHEVALLARD Prsident

  • 2

    Remerciements

    Dans laccomplissement de cette thse, je suis redevable plusieurs personnes

    que je tiens remercier tout particulirement.

    Mes remerciements vont dabord mon directeur, M. le Professeur Alain

    Mercier, pour lhonneur quil ma fait en acceptant de mencadrer pour ce travail. Par

    son suivi et ses encouragements constants, il a permis que ce travail aboutisse dans les

    meilleurs dlais. Auprs de lui jai approfondi le mtier de chercheur .

    Je tiens aussi saluer et remercier M.Hicham Bannout, matre de confrence la

    Facult de Pdagogie de Beyrouth, auprs de qui jai appris peu peu lactivit de

    chercheur. Il a t lorigine de mon projet et ma incite venir entreprendre un travail

    de recherche en France.

    Je remercie galement les Professeurs Marie-Jeanne Perrin-Glorian (IUFM

    Nord-Pas de Calais), Sophie Ren de Cotret (Universit de Montral) et Yves

    Chevallard (IUFM dAix-Marseille) pour lhonneur quils mont fait en acceptant ce

    Jury.

    Je dois aussi remercier tous les directeurs de collge ainsi que les professeurs de

    mathmatiques qui ont bien voulu maccueillir dans leur tablissement et dans leur

    classe pour que jy fasse mes observations, aussi bien au Liban quen France. Je ne peux

    les nommer ici, ils se reconnatront.

    Je tiens remercier pour leurs encouragements une amie libanaise et toutes les

    familles que jai connues en France.

    Je remercie enfin tous les membres de ma famille, particulirement ma sur

    ane et mes parents, ainsi que mes chres amies du Canada et du Liban, pour le soutien

    que tous et toutes mont apport ( distance) au cours de cette priode, toujours un peu

    dlicate, dlaboration et de rdaction de la thse.

  • 3

    TABLE DES MATIERES

    INTRODUCTION p. 7

    Les objets impliqus dans un travail algbrique..

    CHAPITRE I - LE CADRE THEORIQUE

    I-1 Introduction...........

    I-2 Lhistoire de lAlgbre.....

    I-3 Transition de lArithmtique lAlgbre .....

    I-4 Lvolution du symbolisme mathmatique...

    I-4-i Le signe (=) ou signe deux-traits ..

    I-4-ii Les lettres..

    I-4- iii Les signes opratoires

    I-5 Dialectique Algbrique/Numrique....

    I-6 Calcul algbrique formel/Calcul algbrique fonctionnel......................

    p. 8

    p. 13

    p. 13

    p. 14

    p. 16

    p. 16

    p. 17

    p. 18

    p. 19

    p. 21

    CHAPITRE II - ROLE DES DELIMITANTS DANS LE TRAVAIL

    ALGEBRIQUE

    II-1 Lhistoire des notations et des symboles mathmatiques.....................

    II-2 Registre combinatoire/Registre signifiant..

    II-3 Les signes dlimitants...

    II- 4 Analyse comparative du rapport des enseignants et des enseigns

    aux dlimitants sparateurs et agrgateurs..

    II-5 Conclusion

    CHAPITRE III - LA FACTORISATION

    III-1 Analyse a priori de la factorisation dune expression algbrique III-1-i Polynmes

    III-2 Problmatique de la factorisation ........

    III-3 Factorisation des expressions algbriques...

    III-3-i Quest ce quune expression algbrique

    III-3-ii Analyse de la factorisation dune expression

    algbrique du point de vue des lves..

    III-3-iii Des conceptions de la factorisation des polynmes pour

    lenseignement.

    A- Un concepteur de logiciel de factorisation..

    B- Les professeurs de mathmatiques observs....

    III-4 Identits remarquables avec le 2e degr....

    III-5 Distributivit....

    III-6 Conclusion....................

    p. 23

    p. 23

    p. 24

    p. 26

    p. 28

    p. 31

    p. 32

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    p. 40

    p. 42

    p. 44

    p. 45

  • 4

    CHAPITRE IV - LES SYSTEMES SCOLAIRES LIBANAIS ET

    FRANAIS

    IV-1 Un cadre thorique......

    IV-2 La factorisation : Naissance Vie durable

    A - Les objets latents, mais pertinents pour la factorisation

    B - Les objets mathmatiques, dans les deux pays, dont la

    fonction didactique ncessite les techniques de factorisation

    IV-3 Rapport institutionnel lobjet Factorisation dans

    lenseignement des mathmatiques au collge des deux pays.

    IV-3-1 Comparaison des programmes.....

    1 - La codification des classes de collge......

    2 Lhoraire hebdomadaire des mathmatiques au collge..

    3 Le curriculum et ses objectifs...

    4 Dcoupage des programmes de mathmatique au collge...

    5 Les contenus des programmes.....

    IV-3-2 Conclusion......

    IV-3-3 Les manuels scolaires IV-3-3-i Reprsentation.........

    IV-3-3-ii Structure.....

    IV-3-3-iii Contenus des manuels...

    1- Manuel libanais (ML)... 2- Manuel franais (MF)... 3- Manuel franco-libanais (MFL).

    IV-3-4 Conclusion......

    IV-4-5 Frquence dapparition des diffrents mots du

    lexique algbrique conforme la factorisation dans les

    manuels

    1- Les formules 2- Les codifications. 3- Rptition des mots. 4- Ostensifs et dlimitants...

    IV-3-6 Conclusion.......

    IV-4 Quest ce que la factorisation ? .

    IV-5 Tableau rcapitulatif de la comparaison des deux systmes

    systmes scolaires .......

    IV-6 Conclusion....

    CHAPITRE V - ANALYSE DES SEANCES DENSEIGNEMENT

    DANS LES DEUX PAYS

    V-1 La problmatique..

    V-2 Un cadre didactique pour les analyses........

    V-2-i Relation didactique : enseignant, enseign...

    V-2-ii Rle de lenseignant........

    V-2-iii Rle de lenseign..............

    V-2-iv Le socle de nos analyses.....

    V-3 Le Choix et le cadre mthodologique..

    p. 47

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  • 5

    V-4 Quest ce que nous cherchons ?.......

    V-5 Prsentation des donnes.

    V-6 Les notes de cours de chaque enseignant....................

    V-6-i Expos des notes de cours

    V-6-ii Commentaires..........

    V-7 Analyse des sances denseignement...

    V-7-I La factorisation par un facteur commun monme.............

    V-7-I-i Introduction de la factorisation par un facteur

    commun monme.

    En France A Enseignante EnF1 ;

    B Enseignant EnF2

    V-7-I-ii Application de la factorisation par un facteur

    commun..

    En France A Enseignante EnF1..

    B Enseignant EnF2

    Au Liban C Enseignante EnFL..

    D Enseignant EnL..

    V-7-I-iii Tableau comparatif de la pratique enseignante.

    V-7-I-iv Tableaux comparatifs du discours des enseignants..

    V-7-I-v Conclusion.

    V-7-II La factorisation par un facteur commun binme.

    En France A Enseignante EnF1..

    B Enseignant EnF2

    Au Liban C Enseignante EnFL

    D Enseignant EnL..

    V-7-II-i Tableau comparatif de la pratique enseignante.

    V-7-II-ii Tableaux comparatifs du discours des enseignants..

    V-7-II-iii Conclusion......

    V-7-III La factorisation en utilisant les identits remarquables..

    En France A Enseignante EnF1...

    B Enseignant EnF2

    Au Liban C Enseignante EnFL..

    D Enseignant EnL..

    V-7-III-i Tableau comparatif de la pratique enseignante.......

    V-7-III-ii Tableaux comparatifs du discours des enseignants

    V-7-III-iii Conclusion.....

    p. 85

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    p. 87

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    p.131

    p.132

    p.138

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    p.175

    p.185

    p.186

    p.190

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    p.218

    p.257

    p.292

    p.327

    p.330

    p.343

  • 6

    CHAPITRE VI - DES MANQUES THEORIQUES POUR LETUDE

    DE LA FACTORISATION

    VI- I - Le manque dune thorie dans lenseignement de la factorisation

    des identits remarquables

    VI-I-1 Introduction..

    VI-I-2 Rapport personnel des lves la factorisation de a2 +

    2ab + b2...

    VI-I-3 Conclusion.

    VI-II La dualit absence/prsence du PGCD

    VI-II-1 Introduction.

    VI-II-2 Le PGCD..

    VI.II.3 Le PGCD, objet masqu dans lenseignement de la

    factorisation en France??.................................................

    VI-II-4 Conclusion...

    VI.III Des nombres absents-prsents..

    VI-III-1 Introduction...

    VI-III-2 Des observations

    VI-III-3 Conclusion......

    CHAPITRE VII - RAPPORT DE LENSEIGNE A LA

    FACTORISATION

    VII-I Introduction

    VII-II Recueil des erreurs...

    VII-III Recueil des questions des lves.

    VII-IV Conclusion

    CONCLUSION.....

    BIBLIOGRAPHIE...

    p.345

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    p.350

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    p.362

    p.368

    p.371

    p.373

    p.381

  • 7

    Introduction

    Enseigner les mathmatiques nest pas impossible, mais difficile.

    Limportance dune tude approfondie sur le rapport des lves la factorisation

    des expressions algbriques, travers leur rapport lalgbrique, sest dgage chez

    nous lissue de diffrentes recherches en didactique des mathmatiques sur lalgbre

    et plus spcifiquement sur la factorisation. Tonnelle (1980) a soulign que la

    factorisation des expressions algbriques constitue un monde clos et fragile pour les

    lves de Troisime en France (A9)1. Ceci fut repris dans dautres recherches, comme

    celles de Bardini (2001) sur le rapport des lves franais de fin de Troisime la

    factorisation, et de Abou Raad (2003) sur les difficults des lves libanais de EB8

    (Quatrime)2 la fin de lapprentissage de la factorisation. Les lves franais de

    Troisime3 nont pas le moyen de penser avec des thormes en situation de

    factorisation, ils pensent avec des outils acquis travers lenseignement (Woillez,

    1993 ; Abou Raad, 2004) qui fonctionnent comme des rgles dcrivant les bons

    comportements. Les travaux de l'ensemble des auteurs se rejoignent pour montrer que,

    pour la majorit des enseignants et des lves, la factorisation est une tche qui mobilise

    un ensemble de techniques routinires acquises par rptition des exercices. La russite

    de ces techniques est donc proportionnelle la complexit ostensive des expressions

    algbriques proposes factoriser : les thormes donneraient des moyens de contrle a

    posteriori, mais l'efficacit des routines diminue exponentiellement avec la complexit

    de l'algorithme dans lequel elles interviennent (Brousseau, 1973).

    Lenjeu de notre tude consiste observer plusieurs classes dans le but de

    comparer lenseignement qui sy donne, dans une approche qui concerne

    lapprentissage de la factorisation dans deux pays : la France et le Liban.

    La factorisation est un objet de savoir fix par les programmes : en France, le contenu

    est fix en Troisime (A9) alors quau Liban il est fix en EB8 (Quatrime). Notre

    approche a concern lactivit de quatre enseignants, sans ngliger llve dans son

    apprentissage. La dfinition de la factorisation donne par les manuels de Troisime

    (A9) en France ne parle de la factorisation quen termes formels : Factoriser une

    expression algbrique, cest lcrire sous la forme dun produit de facteurs , les

    dfinitions donnes par les manuels de EB7 (Cinquime) au Liban nomment la

    transformation par lopposition somme/produit : Factoriser : transformer une

    expression de la forme dune somme la forme dun produit . Elles portent aussi sur la

    description formelle de lexpression algbrique, notion en usage dans les manuels

    franais mais qui nest pas dfinie. Ceci nous conduit supposer que le rapport des

    lves la factorisation est dpourvu de sens algbrique, puisque les mthodes de

    factorisation qui leur sont prsentes semblent applicables sur toutes les expressions

    algbriques sans que les lves ne sachent quest ce quune expression algbrique

    autrement que par la consigne qui les dsigne : factorise (ou, dveloppe, rduit)

    lexpression algbrique .

    1 Nous indiquerons, avec le nom traditionnel des classes du secondaire franais (Troisime), l'anne

    d'tudes entre parenthses (A9), et pour l'enseignement libanais, avec le nom traditionnel (EB8 pour

    Enseignement de Base Huitime anne) l'quivalent franais entre parenthses (Quatrime). 2 Au Liban la factorisation est au niveau de la classe de EB 8 (Quatrime).

    3 Etude faite en France dans des collges lyonnais

  • 8

    Nos recherches prcdentes (Abou Raad, 2003, 2004) montrent que les erreurs

    des lves des deux pays, savoir le Liban et la France, sont les mmes. Nous en avons

    donc dduit notre deuxime hypothse de travail : du point de vue des lves, le

    problme dans les deux pays est le mme. Cela signifie, soit que lenseignement de

    lalgbre est le mme, soit qu'il y a l un obstacle conceptuel universel. Les deux

    questions peuvent d'ailleurs tre lies. La thse selon laquelle lenseignement serait

    absolument semblable nous intresse parce que les programmes libanais semblent

    ressembler trait pour trait aux programmes franais dil y a quelques annes. Nous

    avons ainsi la possibilit de montrer que les dernires rformes franaises visant

    donner du sens au travail algbrique nont rien chang la situation, tout au moins

    du point de vue des lves.

    Pour valider nos thses, nous allons ainsi chercher montrer que les lves des

    deux pays se trouvent face un mme problme. Nous commencerons par comparer

    lenseignement des deux pays autour des questions suivantes : 1) Comment les

    professeurs de ces deux pays abordent-ils les objets mathmatiques algbriques ? 2)

    Quelles sont les techniques utilises dans un travail algbrique et plus spcifiquement

    dans un travail de factorisation ? 3) Que disent les professeurs sur la factorisation 4)

    Quelles connaissances font vivre les enseignants en classe dans leurs discours ? Puis

    nous rechercherons partir des erreurs, les connaissances que font vivre les lves dans

    un travail de factorisation, et partir des questions quils posent comment ils

    transforment ce quils pensent. Nous pensons arriver identifier un problme venu de la

    manire dont le travail algbrique est enseign et appris, pour rejeter l'hypothse selon

    laquelle les difficults des lves relveraient d'un obstacle pistmologique.

    Les objets impliqus dans un travail algbrique

    Le symbolisme occupe une part trs importante dans le travail mathmatique et

    en particulier dans le travail algbrique. Plusieurs tudes de diffrentes disciplines4 ont

    abord la fonction symbolique, son volution travers lhistoire, et sa relation avec les

    sciences. Nous fonderons notre propre travail sur l'ouvrage de Serfati (2005), qui tudie

    l'invention du symbolisme algbrique par Descartes et son tude systmatique par

    Leibnitz. Nous renoncerons ainsi produire un travail pistmologique autonome,

    partir d'observations didactiques, ce qui n'est pas le choix de la plupart des tudes

    didactiques que nous avons consultes. Ainsi Sfard (1991) souligne que dans une

    activit mathmatique deux conceptions sarticulent pour une expression algbrique :

    procdurale (oprationnelle) et structurale. Elle montre que par exemple, lexpression

    5x + 3 est soit un processus opratoire qui consiste prendre un nombre le multiplier

    par 5 et lui ajouter 3, soit un objet considr comme un tout, ce processus peut tre

    interprt soit comme limage de x par une certaine fonction, soit comme un nombre

    congru 3 modulo 5, etc. La question du statut des expressions algbriques a t aussi

    aborde par Nicaud (1994), qui a dvelopp le logiciel APLUSIX pour les tches de

    factorisation et qui sappuie sur trois niveaux de traitement smantique des expressions

    algbriques. Il considre quun travail algbrique seffectue lorsque lorganisation de ce

    calcul se fait laide dun raisonnement stratgique qui porte sur la forme des

    expressions traites.

    Radford (2002) conoit quil est important pour lapprentissage des mathmatiques de

    reprsenter un objet mathmatique par un symbole qui merge de lobjet lui-mme. A

    4 Psychologique, philosophique, sociologique, linguistique..

  • 9

    travers une approche smiotique, il a tudi le rapport des lves au symbolisme, qui se

    sont bass sur les deictics5 pour organiser leur travail travers les symboles et les lettres

    qui ont un sens indicatif indexical meaning . Arzarello (2001) a analys le sens des

    critures symboliques en algbre, comme tant un outil pour dcrire des processus

    algbriques. Il a trouv dans ses recherches que le sens sous-jacent des expressions

    algbriques constituait une grande difficult pour les lves. Gray et Tall (1994) ont

    montr que la dimension processus du procept domine dans les critures symboliques ;

    pour les lves lexpression 3 + 2 nest pas une reprsentation symbolique dun

    nombre, elle nest quune injonction de calcul. Saenz-Ludlow et walgamuth (1998) ont

    tudi les conceptions des enfants du CE1 (Grade III) relatives au signe dgalit. Ce

    symbole voque chez les lves une action, il annonce un rsultat. Les lves restent

    un stade oprationnel de linterprtation, du fait quils accordent au signe dgalit

    le statut dannonce de rsultat dopration . Son tude a montr que les conceptions

    oprationnelles devancent gnralement les conceptions structurales. Schliemann,

    Carraher & al (2003) ont montr que les lves rsolvent les problmes dans une voie

    arithmtique sans se rfrer aux mthodes de lalgbre et leurs symboles. Enfin,

    lpistmologie du symbolisme algbrique a t utilise par Bardini (2003) dans une

    tude didactique fonde sur ltude de Serfati. Elle a analys le rapport des lves au

    symbolisme algbrique en partant du fait que les symboles jouent un rle important

    dans la constitution des mathmatiques et elle en a dduit que le rapport des lves aux

    symboles est fragile, particulirement concernant les parenthses.

    Larithmtique utilise un ensemble doutils smiotiques, trs peu nombreux,

    dont le rle est de coder les calculs effectuer : il sagit de la reprsentation des

    nombres entiers et dcimaux, qui elle mme est rcente. Par contamination progressive

    avec le travail algbrique, elle utilise aussi les symboles comme les signes opratoires,

    le signe = pour indiquer le rsultat dun calcul, les parenthses pour grer les

    priorits opratoires qui sont emprunts lalgbre. Mais l'usage arithmtique de ces

    notations leur fait perdre certaines de leurs proprits initiales. Le signe = devient

    pour les lves l'indicateur d'un calcul effectu, ce qui en ferait l'quivalent de la touche

    ENTER ou ANSWER des calculatrices comme dans 17 + 5 = 22 + 4 = 26.

    Lalgbre est aussi un domaine o nous codons les calculs, mais c'est pour

    travailler ce codage sans qu'il soit ncessaire d'effectuer ces calculs. De plus, elle fournit

    un moyen puissant de modlisation, li lusage des lettres pour dsigner les constantes

    et les variables. Elle permet encore dexprimer des relations entre le connu et linconnu,

    qui sont ensuite traites laide de procdures spcifiques pour trouver une expression

    de l'inconnu, par usage des symboles et des signes dj connus. Le changement de

    questions li au passage de l'arithmtique l'algbrique est souvent trait dans une

    continuit illusoire dont nous pensons qu'elle fait problme plus qu'elle ne viabilise le

    chemin.

    Pour travailler ces questions d'un point de vue didactique, et observer ce qu'il en

    est dans les classes, nous avons dcid d'utiliser un systme de description qui nous

    permet de nous librer des mots mmes des institutions que nous observons tout autant

    que des termes mathmatiques. Nous pensons en effet, l'image de Serfati qui a invent

    un lexique particulier pour dcrire le travail d'tude du symbolisme algbrique par

    Leibniz, considrant par lui-mme que le symbolisme algbrique ne donnait pas les

    5 Radford appelle dectics les termes dont la fonction est de pointer une forme visuelle, ils sont des

    rfrentiels mcaniques, comme top row , bottom row , that , this , etc. (Radford, 2002, p17).

  • 10

    moyens de sa description, que les mathmatiques ne sont pas un outil pertinent pour

    dcrire les pratiques d'tude des mathmatiques.

    Dans le cas des mathmatiques il y manque la langue naturelle bien sr, et les gestes qui

    accompagnent le travail et permettent la communication entre lves et professeur. Les

    notions d'ostensif et de non ostensif associ sont particulirement utiles ce propos.

    Dans le cas du symbolisme algbrique nous utiliserons donc les outils proposs par

    Serfati lorsque nous chercherons traiter des manipulations formelles et les outils

    proposs par Bosch et Chevallard (1999), lorsque nous chercherons traiter de leur sens

    mathmatique. La fonction smiotique des ostensifs, leur capacit produire du sens,

    ne peut en effet tre spare de leur fonction instrumentale, de leur capacit sintgrer

    dans les manipulations techniques, technologiques, thoriques, []. Lostensivit dun

    objet lui permet en effet de fonctionner comme signe ou plutt comme signifiant (p 95

    et p 109). Bosch et Chevallard ont montr encore que tout objet ostensif est un

    ingrdient ncessaire au fonctionnement cognitif dune activit mathmatique. Il a

    une valence instrumentale qui existe dans les symboles crits, dans les mots dits, et

    aussi dans les gestes faits, et une valence smiotique dans un fonctionnement comme

    signe dautres objets. Tout ostensif ne peut pas vivre sans son non ostensif, sinon

    chacun sera dpourvu de sens. Par exemple, la recherche dun facteur commun pour la

    factorisation de lexpression algbrique 4x 16, suppose la manipulation dostensifs

    gestuels sonores quatre et seize sont divisibles par quatre (et cela suppose que l'on

    pointe du doigt 4 et 16), alors je prends 4 en facteur (et l'on crit 4(.....) et le facteur

    est.. Ces ostensifs voquent deux objets non ostensifs : la division qui

    correspond lide de partage gal et la multiplication qui correspond lide de

    laddition rpte. Alors lcriture 4x - 16 = 4(x 4) est vue comme un travail de

    transformation rgl par un systme dostensifs. Les auteurs ont montr la co-activation

    de ces deux types dobjets dans toute activit mathmatique et que lensemble

    fonctionne comme lments implicites des savoirs mathmatiques de linstitution.

    Ainsi, parmi les systmes dostensifs, il en est qui sont reconnus en mathmatique,

    comme le systme de notation en algbre ; mais tous sont des dispositifs qui rglent

    laction. Ce sont des techniques de pense sous le contrle dune thorie qui en validera

    la pertinence. La cration didactique d'ostensifs rpond aux besoins de lenseignement

    de toute matire mathmatique (on se rappelle par exemple les arbres de calcul de

    l'cole lmentaire) et on en trouve dans le cas de la factorisation o ils sont supposs

    aider lapplication des mthodes enseignes. Mais les ostensifs invents usage

    didactique n'auront jamais un statut mathmatique et cela comporte un risque : ces

    ostensifs ne peuvent relever que des rgles daction, ce qui enferme llve dans un

    monde dinterprtations personnelles sans contrle. Lusage des ostensifs dans

    lenseignement dirige laction de llve qui les reproduit sans y penser : Llve na

    qu vrifier lexcution des gestes partiels dune liste cocher fournie par

    lenseignant (Mercier 1995a). Ainsi la factorisation , telle quelle fonctionne dans

    lenseignement de lalgbre ne peut gure se ramener une notion mathmatique stricto

    sensu6.

    Tonnelle a montr, dans le dveloppement des produits de deux sommes et des identits

    remarquables que le rapport au travail algbrique se rduit souvent un rapport des

    ostensifs non pertinents d'un point de vue mathmatique, ce qui nous conduira

    prolonger notre description par une analyse de ce que Serfati appelle le registre

    combinatoire qu'il lie au registre signifiant , pour que lcriture mathmatique

    soit le moyen de construire des preuves et de crer des objets. Les signes comme les

    6 Le passage dun contenu de savoir prcis une version didactique de cet objet peut tre appel

    justement transposition didactique stricto sensu Chevallard 1991

  • 11

    lettres, les chiffres, les figures multiples : =, +, -, , etc sont les lments

    constituants du premier registre qui nest autre quun registre purement formel de signes

    dont linterprtation se fait dans le second registre. La factorisation place les lves face

    un problme combinatoire, il sagit de faire des transformations combinatoires

    dcritures formelles

    () : Somme (de produits) Produit.(de sommes)

    Forme-nonc Forme-produit

    La combinatoire des expressions assure la solidarit entre ces deux formes . Un

    jeu de calcul , permet au signe deux traits , qui spare les deux critures, dassurer

    quelles ont la mme substance, en dautres termes elles sont qui-valentes (qui-

    substanties)7.

    La confusion entre ces deux registres est claire. Nous ne donnerons comme exemple

    que le cas des parenthses rondes, signe de dlimitation (nomm ainsi par Serfati) qui

    sont reconnues, dans le problme qui nous intresse, comme signe dagrgation (des

    sommes, qui deviennent ainsi des objets lmentaires), mais qui ont aussi un rle de

    sparateur (des facteurs du produit) dans un assemblage d'expressions agrges sur

    lesquelles nous avons opr.

    Notre tude est donc mene avec une double approche, une approche qui

    concerne le Savoir et sa transposition (Chevallard, 1991; Mercier, 2002) ainsi que le

    symbolisme algbrique (Serfati, 2005) et une approche qui concerne lEnseignant et

    lEnseign dans un double cadre : le modle de l'action du professeur Sensevy, Mercier,

    Schubauer-Leoni (2000, 2005) et lapproche anthropologique dveloppe par

    Chevallard (1995).

    Dans le premier chapitre, nous nous intressons aux deux composantes

    mathmatiques, l Arithmtique et l Algbrique au sein de diffrentes recherches

    menes en didactique de lalgbre. Puisque lalgbre est un domaine de codage et un

    moyen puissant de modlisation, nous tudions lvolution du symbolisme

    mathmatique et son rle en nous appuyant, en plus du travail de Serfati, sur plusieurs

    recherches dont le travail sest bas sur le symbolisme et les critures algbriques. Pour

    pouvoir montrer que la factorisation nest quun travail combinatoire formel, nous

    faisons dans le second chapitre, un panorama des lments du travail de Serfati qui nous

    servent ici, sur linterprtation dune criture algbrique dans les deux registres

    combinatoire et signifiant. Bien que les symboles aient un rle important dans le

    processus de lapprentissage de lalgbre, dans le prsent travail, nous nous limitons aux

    symboles les plus frquents dans une situation de factorisation, les signes deux traits

    (=), et croix (+), enfin les parenthses rondes [ ( ] et [ ) ] et les crochets ( [ ) et ( ]

    ), que Serfati nomme des dlimitants .

    En second temps nous analysons dans une tude comparative, le rapport des enseignants

    et des enseigns aux dlimitants : les parenthses rondes et les crochets qui ont un

    double rle dans les diffrentes critures algbriques et en particulier dans celles qui

    reprsentent une factorisation. Pour raffiner notre questionnement sur la factorisation,

    une tude a priori de cette notion la base des deux registres de Serfati fait lobjet du

    troisime chapitre. Nous essayons de montrer la difficult de la factorisation par la

    transformation ( ) en dtaillant les procdures de factorisation sur des exemples

    travaills dans les classes o ont eu lieu nos observations.

    7 Serfati (2005), chapitre XIII, p 299

  • 12

    Une tude comparative sur les apprentissages scolaires de la factorisation, travers les

    curriculums et les manuels scolaires adopts par les coles o ont lieu nos observations,

    est lenjeu du quatrime chapitre. Cette tude cherche trouver, si dans les deux pays,

    la factorisation est une combinatoire de transformation dcriture, et dterminer

    quelles sont les bases de son enseignement. Ceci nous a incite passer dans les classes

    pour voir de prs comment les enseignants de chaque pays prennent en compte dans

    leur enseignement la question de la factorisation. Diffrents pisodes didactiques pour

    chaque mthode de factorisation sont analyss pour les quatre enseignants. Notre but est

    de voir comment les enseignants des deux pays prsentent la factorisation aux lves et

    avec quels outils denseignement. Pour ceci, nous suivons la transmission du savoir

    Factorisation , dans quatre classes de trois collges des deux pays : la France (deux

    classes de troisime) et le Liban (deux classes de EB8). Et puisque notre tude est

    comparative, nous relevons dans le cinquime chapitre les discours des quatre

    enseignants en suivant les moments o ils traitent dune mme ide.

    Dans le sixime chapitre, nous montrons lalgorithmisation de lenseignement, dans les

    deux pays, de la factorisation en utilisant les identits remarquables carres et la

    factorisation par un facteur commun. Nous ne ngligeons pas le comportement des

    lves dans nos analyses de ce chapitre et pour les enrichir, nous recherchons le rapport

    personnel de six lves franais8 - de niveaux scolaires diffrents (3

    me, Seconde,

    premire S, Terminale (ES))- la factorisation de lidentit a2 + 2ab + b

    2.

    Le septime chapitre, porte sur une tude comparative des erreurs identiques des lves

    des deux pays, et sur leurs questionnements dune mme ide.

    Et pour clore ce travail, une conclusion donne un aperu sur tout le travail et une

    ouverture pour une recherche sur un travail de facettes.

    8 Nos tudes de cas se limitent aux lves franais cause de notre prsence en France aux moments de la

    rdaction de la thse.

  • 13

    Chapitre I

    Cadre Thorique

    Lalgbre indique, elle ne prononce pas ; sa gnralit est pour Condillac un modle :

    Gnraliser () est un cueil dans les langues vulgaires ; mais cest un grand art

    dans lalgbre, et cest l proprement tout lartifice de lanalyse . Or la gnralit de

    lalgbre lui vient de son indtermination, chaque lettre dsigne (..) en gnral tous

    les nombres possibles (Condillac, cit par Serfati p.315)

    I - 1 Introduction

    La majorit des collgiens et des lycens prouve des difficults relles pour

    saisir la notion de factorisation. Notre exprience empirique dans les deux pays, la

    France (enseignement des mathmatiques domicile pour des lves du collge et du

    lyce) et le Liban (enseignement des mathmatiques au collge, et domicile pour des

    lves du collge et du lyce), nous conduit dire que lun des premiers blocages des

    lves dans lapprentissage des mathmatiques est la confrontation ce qui est appel

    Algbre mais qui n'a aujourd'hui que fort peu voir avec ce que ce terme dsigne en

    mathmatiques puisqu'il ne s'agit que du calcul dit algbrique ; il porte sur des critures

    comportant des paramtres, des inconnues, des constantes et des variables, critures qui

    peuvent tre des formules d'une ou plusieurs variables, des quations, des identits

    conditionnelles ou non, etc.

    I - 2 - Lhistoire de lAlgbre

    Avant de parler du couple Arithmtique, Algbre dans l'enseignement, nous

    avons trouv quil tait ncessaire de faire un aperu sur lalgbre dans lhistoire partir

    du travail de Serfati9, qui parle de trois grandes tapes historiquement et

    fondamentalement distinctes dans le dveloppement historique de lalgbre :

    1. Lalgbre rhtorique (avant Diophante, 425 - 410) : il sagit de calcul entirement exprim en mots, ce qui, en labsence de tout signe, consiste

    dtailler en langue ordinaire le droulement complet du calcul.

    2. Lalgbre syncope (de Diophante la fin du XVIe sicle) : lexpos de la solution est de nature rhtorique, mais utilise les abrviations

    introduites par Diophante pour dsigner les inconnues.

    3. Lalgbre symbolique ( partir de Vite) : elle reprsente toutes les formes et oprations possibles dans une langue de signes entirement

    constitue et indpendante de lexpression orale (nous nous intressons

    dans ce travail cette partie)

    LAlgbre, partir de Vite, est devenue un outil pour prouver des rgles en

    utilisant les lettres non seulement pour dsigner des inconnues, mais aussi pour dsigner

    des donnes. Lalgbre fournit un moyen plus puissant, essentiellement li lusage

    des lettres (pour dsigner des variables) et la possibilit de calculer sur les expressions

    littrales quelle conduit former 10

    . De Larithmtique des coles (1927), Bernadz

    (2001) a cit la formule suivante. Algebra is a science which simplifies problem

    9 Serfati (2005,chap I, p. 38 39)

    10 Chevallard (1989, p 64)

  • 14

    solving and generalizes solutions by establishing formulas to solve problems of the

    same type . Mais lutilisation des symboles pour dsigner des inconnues et des

    donnes afin de rsoudre des problmes rend le calcul plus difficile, preuves en sont les

    erreurs des lves, tous les niveaux partir du collge. Sfard (1994) considre que

    lalgbre est une arithmtique gnralise qui a deux phases : oprationnelle et

    structurale. Lalgbre ancienne, mdivale et rhtorique a une structure oprationnelle

    du fait quelle opre verbalement pour trouver la valeur de linconnue. Diophante le

    premier a assur le passage de lalgbre oprationnelle lalgbre structurale en

    construisant des expressions comme 10 x. Et Vite (1540 1603)11

    a t le premier

    faciliter la recherche de linconnue au moyen des symboles. Mais lvolution de

    lalgbre ne sest pas arrte ce point. Sfard (1994) cite pour Gregory (1840 ; as

    quoted by Novy, 1973, p194) : Algebra was to become a science which treats the

    combinations of operations defined not by their nature, that is by what they are or what

    they do, but by the laws of combinations to which they are subject . Donc, selon

    Gregory, lalgbre est une science qui traite des oprations combinatoires. Toutes ces

    dfinitions de l Algbre montrent que, grce aux formules et lusage des

    symboles, la rsolution des problmes par une mthode algbrique est plus facile que la

    rsolution des mmes problmes par une mthode arithmtique.

    I - 3 - Transition de lArithmtique lAlgbre

    Plusieurs recherches ont t faites sur la comparaison du couple Arithmtique,

    Algbre afin de mieux cerner ce qui pose problme aux lves dans lapprentissage de

    lalgbre. Les ides se contredisent, certaines parlent dune continuit entre les deux

    lments du couple, par contre dautres parlent de discontinuit.

    Le passage de lArithmtique lAlgbre est marqu par lintroduction des

    signes algbriques ou symboles algbriques qui ont un sens prcis en langage

    arithmtique et cela sera modifi dans le langage algbrique . Ce passage a t

    souvent envisag comme une gnralisation des procdures arithmtiques, ce qui peut

    expliquer probablement pourquoi les lves ont des difficults donner du sens aux

    nouveaux outils proposs. Or, si lalgbre permet de rsoudre les problmes de

    larithmtique lmentaire, elle nest pas une simple gnralisation. Gascon (1993-

    1994) et Chevallard (1989) combattent le modle pistmologique de lalgbre comme

    arithmtique gnralise. Gascon propose un modle alternatif larithmtique

    gnralise, lalgbre lmentaire. Celle-ci est une activit mathmatique caractrise,

    entre autres, par une symbolisation globale de la relation entre les donnes et les

    inconnues du problme. Le langage utilis contient des variables, des paramtres qui

    constituent des formules qui sont des modles algbriques. Pour Chevallard, la

    rsolution de problmes dans larithmtique lmentaire relve essentiellement du

    champ du discours oral alors que la rsolution algbrique sinscrit dans le champ de

    lcriture symbolique. Lalgbre est un domaine o lon code les calculs dans des

    ensembles de nombre, mais elle fournit un moyen plus puissant li lusage des lettres

    pour dsigner des variables et la possibilit de calculer sur des expressions littrales ;

    ce qui fait la force de lalgbre, c'est lemploi des paramtres . Lutilisation de

    lalgbre est lgitime par la modlisation des systmes mathmatiques. Mercier

    (1999b) a parl dun manque de thorie du ct de la numration pour parler de la

    difficult de lintroduction de lalgbre. Il a montr que les lves utilisent des

    techniques sans technologies (au sens de Chevallard), dans le domaine de la

    11

    Voir Serfati (2005)

  • 15

    numration. Ils ne sont pas capables de faire des gnralisations ni dorganiser leurs

    techniques. Woillez (1993) a montr que la modlisation des raisonnements

    arithmtiques par lalgbre ne pourra avoir lieu en labsence de rfrence (p 104). La

    pense arithmtique est ncessaire la construction de la pense algbrique

    Larithmtique lmentaire nest pas seulement un ensemble de connaissances

    procdurales ; certaines des connaissances dveloppes dans larithmtique lmentaire

    sont aussi des connaissances relatives aux relations. De plus, certains des raisonnements

    mis en uvre vont tre modliss par lalgbre . Pour Tall (1999) le passage de

    larithmtique lalgbrique, et de lalgbre au calcul, a t cause dun changement

    dans la nature du procept12

    , les symboles nont plus la mme signification. En

    arithmtique, tous les symboles induisent une rponse, alors quen algbre, ils forment

    des expressions algbriques qui induisent des processus potentiellement excutables.

    Pour Sfard (1994), lalgbre est en continuit avec larithmtique. Lalgbre,

    identiquement larithmtique, manipule des nombres et des relations numriques, mais

    elle pose des questions de types diffrents pour traiter des algorithmes Arithmetic

    algebraic to the extent that it provides opportunities for making and expressing

    generalizations (Carraher, 2001).

    Ainsi, nous pouvons dire que la continuit apparente entre Arithmtique et Algbre

    est marque par lutilisation des lettres, qui seront des variables, des paramtres ; le

    signe gal (=) et les signes opratoires (+, -,

    ). Alors que, la discontinuit se marque

    par la cration de nouveaux objets mathmatiques (quations, expressions, fonctions)

    qui se servent des signes usuels de larithmtique en se donnant du sens indpendant des

    procdures quils reprsentent dans la rsolution de problmes. Une fausse continuit et

    une discontinuit sont marques par Kieran (1994). La premire rside dans le partage

    des mmes symboles et signes, et aussi par la prsence des lettres dans des

    significations diffrentes. Alors que le dplacement de conceptions procdurales vers

    des conceptions structurales, lutilisation de nouveaux objets (expressions, quations,

    inquations,...), la mise en uvre des dmarches de rsolution diffrentes du travail

    arithmtique, la reprsentation formelle des problmes et lutilisation des procdures

    formelles pour les rsoudre, tous marquent la discontinuit entre larithmtique et

    lalgbre.

    Les difficults des lves en algbre proviennent en partie des reprsentations de

    lalgbre comme une gnralisation de larithmtique. Lenseignement ne donne aucune

    place la difficult des lves dans la transition de larithmtique lalgbrique. Les

    enseignants estiment que montrer le fonctionnement est suffisant pour lapprentissage ;

    lalgorithmisation de la factorisation des expressions algbriques et de la rsolution des

    quations et des inquations en sont la preuve. Mais les erreurs rcurrentes des lves et

    mme persistantes chez certains montrent bien la difficult de matriser le calcul

    algbrique dpourvu de sens, puisqu travers la pratique dun calcul algbrique, ils

    doivent contrler les rsultats obtenus. Ce contrle impose de comprendre les rgles qui

    gouvernent la formation et le traitement des expressions algbriques En termes de modlisation, lintroduction des paramtres fait passer dune modlisation

    arithmtique , o les noncs du langage ordinaire, , une modlisation

    12

    Le procept est une collection de procepts lmentaires dun mme objet A procept conists of a

    collection of elementary procepts that have the same object . Ils dfinissent un procept lmentaire par

    lamalgame de trois composantes : le processus, lobjet et le symbole An elemntary procept is the

    amalgam of three components : a process that produces a mathematical object, and a symbol that

    represents either the process or the object (Gray and Tall 1994, p 121)

  • 16

    algbrique o les noncs cdent la place des expressions littrales sur lesquelles

    opre le calcul algbrique et quon pourra valuer en fin de calcul, en revenant alors aux

    nombres particuliers dfinissant ltat du systme auquel on sintresse 13

    I - 4 - Lvolution du symbolisme mathmatique

    La plupart des symboles du calcul ont t invents entre la fin du XVe sicle et la

    fin du XVIIIe sicle, pour symboliser une ide ou une chose (Radford, 2002), alors que

    larithmtique existait depuis toujours. Lhistoire nous montre comment le symbolisme

    a volu dans une qute de prcision et de simplicit des formes et des calculs. Nous

    nous intressons aux symboles algbriques qui outillent un travail de factorisation.

    Notre tude sera chronologique et pistmologique, en se guidant sur le travail de

    Serfati.

    I - 4 - i - Le signe (=) ou signe deux-traits 14

    L'galit est marque en Europe au XVIIe sicle par le symbole par lequel

    les astronomes dsignent la constellation du Taureau. Mais le mot latin "aequalis" en toutes lettres se rencontre aussi, il est progressivement abrg en et devient,

    finalement, le signe "=". Il semble avoir t invent par le mathmaticien anglais Robert

    Recorde15

    (1510-1558), professeur Oxford et Londres. Le symbole dsigne alors

    le nombre 1000. C'est J. Wallis qui, vers 1660, l'lve au rang "d'infini" ; auparavant,

    cette notion d'infini n'avait pas d'existence (site Nedstat Basic).

    Le signe deux traits cra, depuis Recorde16

    dans une ligne, deux places fixes,

    pouvant tre occupes de la mme faon par une forme en amont diffrente de celle

    en aval. Il a t la constitution dune criture mathmatique autonome, spare du

    langage rhtorique. Serfati considre17

    tout comme Descartes que lnonc galer les

    rsultats des deux instructions prcdentes18

    est mathmatiquement accompli . Dans

    les textes rhtoriques, depuis les mathmatiques grecs, une mise en galit entre

    rsultats avait constitue une procdure constante (deux plus trois font cinq, la racine

    carre de 144 vaut 12, etc), elle tait exprime par les verbes daction font, galent,

    valent, aequales, aeaquari, esgale, faciunt, ghelicjk, gleicht, fara, etc. (Serfati p. 130).

    Dans les exemples prcdents, les verbes font et vaut affectent un attribut (cinq,

    12) un sujet, qui est lui mme le rsultat dune instruction lmentaire (ajouter deux

    trois, extraire la racine carre de 144). Comme la proposition mathmatique est une

    proposition de la langue naturelle, la procdure de la mise en galit, qui se limite des

    instructions opratoires, est considre comme inacheve, puisque la rciproque est

    invalide dans ce langage.

    Le signe (=) comprend, comme lobserve Serfati, non seulement, la mise en relation

    dgalit des rsultats, mais aussi le jugement de la validit de lgalit. Ce signe est une

    figure qui comme tous les signes opratoires a une fonction combinatoire : crer

    deux places, amont et aval, de niveaux diffrents. En arithmtique, il marquait le

    rsultat dun calcul : 2 + 3 = __, et 2 + __ = 5, dans le premier il indique le rsultat de la

    13

    Chevallard (1989, p 65) 14

    Nous adopterons cette notation tout le long de ce travail conformment Serfati 15

    Le signe (======) a paru en 1557 dans son ouvrage Whetstone of white ( Serfati p 131) 16

    Le signe gal de Record tait plus long que lusuel de nos jours : ====== (Serfati p 133) 17

    Serfati chap VI, p. 129 18

    Soit z le signe dune grandeur inconnue ; effectuer le carr de b, moins a, multipli par z et constituer

    son rsultat est la premire instruction. Retrancher 2 de z et constituer son rsultat est la deuxime

    instruction.

  • 17

    somme de 2 et de 3, dans le second le rsultat est un nombre ajouter 2 pour avoir 5.

    Par contre en algbre, il a diffrents sens : dans x2 + 2x + 1 = (x + 1)

    2 le signe (=)

    indique une galit pour toutes les valeurs de x alors que dans x2 + 2x + 1 = 0 lgalit

    est vraie uniquement pour deux valeurs de x.

    Dans lcriture 3 + 5 = 7 + 1, les lves ne voient pas que le signe (=) indique

    lidentit quantitative19

    de lamont et de laval. Ils le voient comme un sparateur

    entre deux oprations. Cest ce que Serfati20

    voit aussi, il dit que le deux-traits a un

    pouvoir plutt sparateur quagrgateur, et il est plus lev que celui de tous les autres

    signes opratoires.

    Selon Sfard (1991), les lves sont incapables dinterprter la division de deux entiers

    comme une fraction, ils la voient uniquement comme un processus et non comme une

    entit statique (p 11). La dualit oprationnel/structural pour tout concept mathmatique

    se manifeste, dans le sens du signe (=) qui peut tre la fois un signe dopration faite

    et un symbole de relation entre deux quantits This duality of interpretation corresponds to the already noticed and discussed dual meaning of

    the equality sign = can be regarded as a symbol of identity or as a command of executing the

    operations appearing at its right side (Sfard 1991, p 6])

    Cette dualit indique que le signe (=) en algbre peut signifier aussi bien une action (x +

    2x = 3x), quune quivalence ((a+ b)2

    = a2 + 2ab + b

    2).

    Pour Kieran (1981), les lves donnent au symbole (=) le sens dannonce dun rsultat

    quil a dans un calcul arithmtique. Elle a men une exprimentation sur des lves du

    collge et du lyce, dans le but de changer leur conception sur le signe (=). Son travail

    atteste que ces lves trouvent toujours dans le signe (=) un sparateur et non un

    symbole dune relation symtrique et transitive. En revanche, ils acceptent doprer sur

    des noncs tels que 4 + 5 = 3 + 6, ils justifient cette galit en disant que les deux

    membres, comme ils ont la mme valeur, sont gaux.

    De mme, Saenz-Ludlow et Walgamuth (1998) ont analys les interprtations du signe

    (=) par des lves du primaire (3-8ans). Les lves ne voient pas que le symbole (=)

    reprsente une relation dquivalence, il est rarement interprt comme tel. Dans

    lcriture 6 + 6 = 6 + 6 ou 6

    6 = 6 6, ils naccordent au signe (=) que le rsultat de

    lopration, ils ne voient pas le sens de ce symbole. Les auteurs ont suivi, tout le long de

    lanne scolaire, lvolution de la conception du signe (=) chez les lves de la classe

    CE2 (grade III). Ils ont trouv quau dbut de lanne, le signe (=) est pour les lves le

    rsultat des oprations arithmtiques (10 + 5 = 15). Il leur tait difficile daccepter

    lgalit entre deux quantits crites diffremment (6 + 6 = 5 + 7 ou 50 + 53 = 53 + 50),

    ils nacceptaient pas de dire verbalement que : cinq plus sept et six plus six sont

    gaux, ou dsignent le mme nombre .

    Woillez (1993), dans un travail sur la transposition, a montr que le sens arithmtique

    du signe (=), parat non pertinent dans un contexte algbrique. Ce symbole prend un

    sens local, du fait quen transposant, les termes dune galit changent. Cette galit

    parat fausse pour les lves. Ils traitent les termes de chaque ct de lgalit comme

    tant les termes dune mme somme.

    I - 4 - ii - Les lettres

    Dans lhistoire les experts ont catgoris les lettres de diffrentes faons dans des

    travaux mathmatiques. Vite, linventeur du langage algbrique, fut le premier

    19

    Saenz-ludlow (1998) 20

    Serfati (2005, chap VI, p. 133)

  • 18

    introduire les lettres pour des notations mathmatiques, partir desquelles, il forme des

    mots, puis des formules sur lesquelles il opre. Il a propos une codification littrale

    pure, au moyen des voyelles majuscules A, E, I, O, etc. Descartes a utilis les lettres

    dans deux sens : 1) les lettres a, b, c pour dsigner les donnes , 2) les lettres x, y, z

    pour des inconnues. Ceci entrane que les lettres seront interprtes comme substances.

    En arithmtique, nous utilisons les lettres, mais dans un but de dsigner des mesures

    comme 3 m pour dire trois mtres, ou des tiquettes comme 3 m pour dire 3 mobylettes.

    Cette diffrence a t tudie par Kieran (1990). En probabilit si je compte des tirages

    pile ou face : tirer six fois une pice , nous permet dcrire (p + f) 6 = pppppp +

    fppppp + pfpppp+ ppfppp+ pppfpp + etc, signalons que p dsigne PILE et f

    FACE , qui sont loin dtre des nombres ! Alors que, la proposition (a + b)2 = a

    2 +

    2ab + b2 est une proprit tablir pour toutes les valeurs des grandeurs donnes a et b.

    Aucun intrt nest donn la nature de ces critures ( ce quelles dsignent). Nous

    pensons que l'apprentissage de routines rgles est lent et soumis aux lois en la matire

    (Brousseau, 1973) : le rsultat ressemble un dveloppement parce qu'il est fond sur le

    corps d'expriences que les lves forment durant leur passage l'cole. Plusieurs

    tudes ont montr que les volutions des conceptions des lves sont des effets de

    l'enseignement et non pas lies un dveloppement cognitif naturel (Pascal, 1980).

    Kuchman a montr que les lettres ont le statut dun objet pour la majorit des lves

    puisque dans leur livre dalgbre, en premire leon, nous retrouvons cet exemple 5x

    + 8x = 13x is justified by analogy with 8 minutes added to 5 minutes equals 13

    minutes 21

    . Il a trouv dans une de ses tudes que plus que 75% lves anglais traitent

    les lettres dans des quations comme des objets et plus spcifiquement lettre-objet

    en utilisant les premires lettres des mots de la consigne22

    . Pour cette tude, il a propos

    une classification des diffrents statuts des lettres :

    1. Lettre value : la lettre est remplace par une valeur numrique 2. Lettre non considre : la lettre est ignore dans le calcul 3. Lettre-objet : la lettre est un objet concret, cest une tiquette 4. Lettre comme inconnue spcifique : la lettre dsigne un nombre inconnu 5. Lettre comme un nombre gnralis : la lettre peut prendre plusieurs

    valeurs

    6. La lettre-variable : la lettre est utilise dans un contexte fonctionnel

    I - 4 - iii - Les signes opratoires

    Cest la fin du XVe sicle que les premiers signes opratoires comme la

    croix (le signe de laddition (+) de nos jours) et le trait (le signe de la diffrence

    (-) de nos jours), parurent. Les quatre signes dopration (laddition, la soustraction, la

    division, et la multiplication) furent connues la fin du XVIIe sicle. Dans le registre

    combinatoire, chaque signe opratoire est une figure dont la fonction est de crer

    deux places ouvertes, avant et aprs lui. Ces signes sont appels assembleurs dont

    lordre fixe lordre dexcution des instructions : (2 + x) . 3,5 sinterprte ainsi ajouter

    lentier de signe 2 au nombre inconnu de signe x. Constituer le rsultat. Multiplier

    ensuite le rsultat obtenu par le nombre de signe 3,5 (Serfati pp 88-89). Plusieurs

    recherches didactiques ont tudi la conception des lves des signes opratoires en

    algbre et surtout le signe de laddition, puisque la croix , en arithmtique, traduit

    21

    Review of Orleans-Hanna Algebra Prognosis Test by DIETMAR KUCHEMANN, Lecturer in Mathematics Education, University of London Institute of Education, Bedford Way, London, United

    Kingdom, 1980 22

    http://www.swan.ac.uk/education/pgcemaths/pk/difficulties/algebra/s_ane1.html

    http://www.swan.ac.uk/education/pgcemaths/pk/difficulties/algebra/s_ane1.html

  • 19

    lopration de laddition de deux nombres a et b, et en algbre, elle est le rsultat de la

    somme de a et de b. Dans 2 + 3 qui voque la fois le processus de laddition de

    deux nombres, et le concept de la somme, les lves y voient un calcul dont le rsultat

    est 5 , et non une des reprsentations du nombre 5 [Gray et Tall (1994), Tall & al.

    (1999), Sfard (1991)].

    I - 5 - Dialectique Algbrique/Numrique

    Lanalyse du couple Arithmtique-Algbre fait apparatre un autre couple

    Algbrique-Numrique . La relation entre les lments de ce deuxime couple

    provient de la relation entre l Arithmtique et la Thorie des nombres . Le calcul

    numrique a pour caractre lachvement des calculs, par exemple, une rponse tel que

    4 + 8 nest pas accepte, puisquil y a un calcul encore faire. Dans la thorie des

    nombres, c'est--dire ltude de la factorisation des nombres, du PGCD, etc, un recours

    aux reprsentations gomtriques des nombres se fait jour avec les Pythagoriciens : par

    un travail arithmo-gomtrique, ils ont dmontr que la somme de deux nombres

    impairs 5 et 7 est un multiple de quatre et aussi quelle est la diffrence de deux carrs 5

    + 7 = 4 3 = 42 2

    2. Soit 5 ronds et 7 ronds

    O O O O O

    O O O O O O O

    En runissant ces ronds, nous obtenons une reprsentation de 5 + 7

    O O O O O O O O O O O O

    Nous pouvons les grouper en trois groupes de quatre

    O O

    O O

    O O

    O O

    O O

    O O

    Si nous les disposons en une forme carre, nous observons quil manque un carr de

    quatre ronds, ce qui prouve que 5 + 7 = 42 2

    2.

    O O

    O O

    O O

    O O

    O O

    O O W W W W

    Alors quaujourdhui, en utilisant le langage algbrique, nous dmontrons la

    mme proprit par formulation du problme en premier, puis par rsolution de manire

    systmatique, (2p + 1) + [2(p + 1) + 1] = 4p + 4 = 4(p + 1) que Leibniz appelle

    combinatoire 23

    , cest--dire systmatique sous la forme normalise (2p 1) + (2p +

    1) = 4p. Le langage numrique donne pour un mme nombre deux noms diffrents 4 +

    23

    Serfati (2005, chap XI, p. 254)

  • 20

    8 , et 12 , qui sont quivalents, ils dsignent le mme nombre, mais ils diffrent par

    leur nom, alors que larithmtique algbrique distingue ces noms puisquils ne

    montrent pas la mme chose. 4 + 8 = 22 + 2

    3 montre que 12 est une somme de

    puissances de deux. Le langage algbrique permet de former linformation monstrative

    pertinente de lexpression par effet de simplification : (2p 1) + (2p + 1) = 4p (dsigne

    un multiple de 4), ou de complexification : 4p = (p + 1)2 (p 1)

    2 (est une diffrence de

    deux carrs).

    Lcologie des savoirs tudie par Chevallard24

    lui a permis dtablir que, dans

    le monde mathmatique, lalgbre se construisait dans le prolongement de

    larithmtique, tout en sy opposant. Il a mis en vidence que lalgbrique est un outil de

    ltude du numrique, et inversement, pour que le fonctionnement de cet outil soit

    efficace, quil faut tudier cet outil, par exemple se poser les problmes de factorisation

    des expressions algbriques pour pouvoir rsoudre les quations algbriques. Dans ce

    mme travail sur les curriculums, il a montr que le numrique concret doit permettre

    llve dacqurir lalgbrique abstrait. Lalgbrique apparat comme la thorie de

    cette ralit que serait le numrique 25

    . Les problmes concrets jouent encore, dans

    lenseignement de lalgbre, le rle de relais entre larithmtique et lalgbrique. Pour

    faire comprendre llve que x y = x + (-y), des exemples numriques tel que 13 - 7

    = 13 (+7) lui viennent en aide. Ceci se voit clairement dans lenseignement de la

    distributivit de la multiplication par rapport laddition, o le passage labstraction

    est considr facile. Lalgbrique nest quune stnographie essentialisante, qui dcrit,

    rsume et spare lessence de laccident 26

    .

    Kieran27

    suggre que larithmtique sert le plus souvent de point de dpart pour la

    prsentation des notions algbriques. Elle pointe aussi une rupture entre les deux, quand

    elle affirme: The cognitive demands involved in operating on algebraic expressions as

    objects with operations are quite unlike the operations of arithmetic .

    Broin (2002) dit que cest par la voie de larithmtique que les lves rentrent dans

    lalgbre. Le passage se fait, non en rupture avec larithmtique, mais dans une fausse

    continuit, puisque les nombres dont disposent les lves sont des nombres

    arithmtiques .

    Pour les professeurs, lAlgbre au collge apparat comme laccomplissement de

    lArithmtique dans les classes primaires. Le travail algbrique exige de llve du

    collge le savoir pratique des symboles comme les signes opratoires, le signe gal, les

    parenthses, les lettres. Ces objets sont connus en primaire. Car progressivement nous

    observons l'introduction de symboles algbriques dans le travail arithmtique mme du

    primaire, comme le signe = mais aussi les signes + et - qui n'appartenaient

    pas l'arithmtique il n'y a pas un demi sicle. L'usage naturalis de ces signes ne se

    fait pas dans le monde algbrique et produit sans doute un grand nombre de problmes

    que nous observons ensuite, puisqu'ils doivent tre rinterprts. De ce fait, les

    connaissances arithmtiques des lves peuvent tre des obstacles pour les savoirs

    algbriques, d'autant plus que ces deux mondes sont aujourd'hui mlangs troitement.

    Car nous connaissons aussi les symboles algbriques, lorsque nous les pratiquons

    depuis cinq ans l'cole, mais nous les connaissons selon la pratique que nous en avons.

    Ces obstacles se manifestent par le passage rapide 1) des problmes darithmtique de

    lcole primaire des problmes de combinatoire dont la difficult augmente trs vite28

    24

    Chevallard, La transposition didactique (1991) 25

    Chevallard (1984, p 78) 26

    Chevallard (idem, p 81) 27

    Kieran (1992, p 392) 28

    Chevallard (1989, p 62)

  • 21

    2) du langage rhtorique en arithmtique au langage symbolique, donc lcriture des

    relations littrales qui mettent en jeu des nombres rels en algbre 3) du particulier au

    gnral en utilisant des symboles algbriques.

    I - 6 - Calcul algbrique formel/Calcul algbrique fonctionnel

    Les expressions algbriques sont de nouveaux objets introduits par lalgbre qui

    constitue un apprentissage nouveau lentre au collge. Ces objets sont construits sans

    aucune explication, avec des nombres, des signes opratoires qui appartiennent aussi

    larithmtique. Ils sont alors prconstruits et llve doit les apprendre comme tel, il est

    guid par un code de bonne conduite du calcul algbrique parce que lenseignement

    du calcul algbrique au niveau du collge est formel (Tonnelle, 1980 ; Bardini 2001).

    Cette ide est soutenue par Chevallard (1989), il donne la diffrence entre calcul formel

    et calcul fonctionnel en opposant leur cadre. Le cadre formel, est le cadre

    denseignement dans lequel se placent les premiers exercices de manipulations

    algbriques au collge comme exemple les exercices de dveloppement, de factorisation

    et de simplification des expressions. Dans ce cadre, les comportements de llve ne

    sont pas guids par un but, son travail est automatique, il se prsente comme une liste

    dtapes enchaner. Lapprentissage formel met aisment llve en chec, il ne lui

    donne quun savoir sans puissance de ralisation. Alors que le cadre fonctionnel

    suppose de llve des prises des dcisions en fonction dun but clair et de recherche de

    diffrentes formes des expressions, il est le vritable lieu de lapprentissage. Ltude de

    Julien29

    sur un exercice extrait dune preuve du brevet en est la preuve.

    a) x dsignant un nombre rel quelconque, dvelopper (x + 5)2

    b) Expliquer pourquoi (x + 5)2 est toujours strictement suprieure 10x

    75% des lves ont russi la premire question, pour 9% pour la deuxime qui demande

    un emploi fonctionnel du calcul algbrique.

    Nous allons essayer de montrer dans cette tude que la factorisation qui na

    quun usage fonctionnel au lyce o son emploi est ncessaire pour le calcul des limites

    des fonctions, au collge son emploi est formel.

    29

    Jullien M.(1989-1990)

  • 22

  • 23

    Chapitre II

    Rle des dlimitants dans le travail algbrique

    Grce aux signes dlimitants, il est possible en algbre de distinguer processus

    et rsultat dune expression (Serfati)

    Lapproche historique permet de faire mieux connatre les apports des

    diffrentes cultures et civilisations la construction des mathmatiques. Dans le cadre

    de son ouvrage La rvolution symbolique, Serfati dcrit toute lhistoire du symbolisme

    mathmatique et son rle dans les mathmatiques. Nous avons choisi de le suivre dans

    son tude pistmologique de lvolution de lcriture symbolique mathmatique pour

    montrer que le travail algbrique, entre autre la factorisation, nest quun travail

    combinatoire formel.

    II - 1 - Lhistoire des notations et des symboles mathmatiques

    Le langage mathmatique a subi des changements fondamentaux tout au long de

    lhistoire. Lintroduction des grandeurs symboliques est reprsente par des variables ;

    le travail mathmatique ncessite de combiner ces variables dans des formules pour

    faire des calculs et rsoudre des quations.

    Selon Serfati (2005) : Diophante fut le premier symboliser linconnue quil a

    utilis pour rsoudre des problmes dont la solution nest quun entier ou un dcimal.

    Par contre Al-Khawarizmi, le crateur de lalgbre, a introduit la rsolution des

    quations sans utiliser aucun symbole, uniquement du discours. Il nomma linconnue

    par chose (say). Plus tard, les italiens parlent de cosa et les allemands de

    coss , etc. Donc, tout problme inconnue ne peut tre rsolu sans symboliser cette

    inconnue qui fut reprsente par (signe pour la chose ) avant Vite qui en 1591 reprsenta linconnue par un symbole constant. Il a constitu le premier apport

    symbolique, il a utilis, en criture majuscule, les voyelles pour dsigner les grandeurs

    cherches (A, E, I, O, U, Y), et les consonnes pour dsigner les grandeurs donnes (B,

    C, D, F, etc), il a ralis des progrs en matire de calcul algbrique et dapplication de

    celui-ci la gomtrie des Grecs. Dans la premire moiti du dix septime sicle,

    Fermat, et plusieurs autres mathmaticiens, simplifirent les notations de Vite en

    remplaant les majuscules par des minuscules. Et cest Descartes, qui a introduit les

    dernires lettres minuscules x, y, z dans sa gomtrie. Notons que ces lettres sont encore

    en vigueur aujourdhui.

    Cette tude montre que larithmtique existe depuis trs longtemps, puisque les

    symboles algbriques et les lettres ont t invents partir du dbut du XVIe sicle.

    Donc, les hommes davant ont fait pendant des sicles de larithmtique pure. Et de nos

    jours les mathmatiques ne peuvent pas se passer des symboles et des notations,

    tellement ceux-ci sont ncessaires pour le travail algbrique.

    II - 2 - Registre combinatoire/Registre signifiant

    Que dsigne x2 + 3 ? Rien, car la lettre x indique un nombre, mais ne le

    dsigne pas. Serfati (2005) dit que Leibniz fut le premier dgager lexistence des deux

  • 24

    registres, combinatoire (symbole) et signifiant (chose), pour conclure que lcriture

    mathmatique est le moyen de construire des preuves et de crer des objets. Dans son

    ouvrage, Serfati a dcrit les liaisons entre ces deux registres. Le premier est un registre

    purement formel des signes, il sorganise autour des signes de diverses sortes : lettres,

    chiffres, figures multiples : =, +, -, , etc. Alors que le second registre est celui de

    laffectation, de linterprtation des signes exposs. Le discours mathmatique crit ou

    parl, saccompagne dune certaine confusion entre combinatoire et signifiant : cest le

    reprsentant qui est confondu avec le reprsent. Le lexique ne connat que le terme du

    registre signifiant, comme exemple : le couple des parenthses rondes, ouvrante et

    fermante, qui est un signe dune criture symbolique, est reconnu comme signe

    dagrgation dans le registre signifiant (sa fonction est de constituer des blocs de termes

    pour tre calculs ensemble). Et il est aussi dnomm : signe de dlimitation (nomm

    ainsi par Serfati) dans le registre combinatoire (il a une fonction consistant jalonner le

    texte symbolique). La confusion entre signifiant-signifi se remarque dans plusieurs

    autres signes, comme le signe de la croix (+), il a des significations diverses, il

    dsigne une addition pour toujours, mais combinatoirement, cest un signe qui cre

    deux places, avant (amont) et aprs lui (aval), dans la ligne du texte. Ses places seront

    occupes par des chiffres et/ou des lettres . Il en est de mme pour les autres

    signes opratoires et notamment le signe les deux-traits (=). Devant un texte

    mathmatique, nous nous trouvons placs devant un ensemble structur de signes pour

    lesquels il faut rechercher une interprtation, cest--dire une signification ayant un

    rfrent pour dchiffrer les oprations afin de les effectuer. Ainsi dchiffrer

    lassemblage 4 + 5, cest reconnatre sa structure combinatoire, cest--dire, reconnatre

    la figure , qui est le signe de la croix , et les chiffres qui occupent les places de

    lamont et de laval, puis interprter ce dchiffrage, cest--dire lui apporter une

    signification. Comme la croix traduit une addition, alors linterprtation significative

    est ajouter le nombre de signe 4 celui de signe 5 .

    Linterprtation dune criture mathmatique, peut donner place une procdure autant

    qu un rsultat. Interprter lassemblage 4 + 5, cest oprer, cest--dire excuter une

    action, ceci nous amne dire que cest une procdure, et que leffectuation est lentier

    de signe 9. Ce mme signe est le rsultat des instructions 11 2, 3 3, 72

    8 dont les

    procdures sont diffrentes. Sur le plan combinatoire, ces quatre critures sont

    diffrentes, mais sur le plan signifiant, elles sont toutes des critures arithmtiques de

    lentier de signe 9.

    II - 3 - Les signes dlimitants

    Crochets et parenthses se partagent, en mathmatique des rles successifs ou

    simultans. En gomtrie leur rle est explicit. Plusieurs notions ont chacune une

    notation par exemple : (AB) est la notation dune droite alors que [AB] est la notation

    dun segment ; [Ax) est la notation dune demi-droite, etc. En algbre, les crochets et les

    parenthses ne dnotent pas des notations, leur rle est plutt enseign. Dans les petites

    classes, comment se dbarrasser des parenthses est enseigner, alors quau collge, en

    plus de cela, il est enseign aussi comment se dbarrasser des crochets aussi. Pour cela

    il est trs important de connatre lutilisation des crochets et des parenthses dans les

    critures. Signalons que les parenthses en algbre sont, gnralement, plus utilises

    individuellement comme (a + b)2, alors que la prsence des crochets est lie celle des

    parenthses comme [2(a + b)]2.

  • 25

    Dans ce qui suit, nous allons explorer le travail de Serfati sur lhistoire des

    parenthses et crochets quil appelle dlimitants . Il entend par dlimitants

    lensemble des signes associs un mme assembleur. Les signes de dlimitation

    structurent le texte en prescrivant un ordre squentiel toute liste dinstructions

    constitutives du texte symbolique mathmatique. Les principaux signes, dont la fonction

    est combinatoire sont : la barre horizontale ou vinculum (le lien), soulignant ou

    surlignant, les points sparateurs, les parenthses rondes qui sont toujours en vigueur et

    qui tayent la factorisation.

    Nous allons exposer lusage de ces signes sur un exemple de Bombelli cit par Serfati

    (2005, p 86): Le vinculum (ou lien) soulignant tait prsent dans son manuscrit

    lAlgebra, il a crit 2px .3,5, alors que Leibniz (qui appelle les signes dlimitant

    comprehensio, op. cit p 87 et 91) a utilis le surlignant pour le mme exemple 2+x .3,5.

    Descartes (op.cit p 87) a employ les points sparateurs 2 + x . . 3,5, et partir du XVIe

    sicle jusqu nos jours ces signes furent remplacs par les parenthses (2 + x) . 3,5.

    Le couple de parenthses rondes, ouvrantes et fermantes, est un signe de lcriture

    mathmatique symbolique, dnomm par Serfati, 1) selon le registre combinatoire,

    signe de dlimitation ou dlimitant, dans sa fonction combinatoire de jalonner le texte

    symbolique, il conduit la description non ambigu dune suite ordonne dinstructions

    lmentaires, lordre de lexcution des instructions va de soi et les rsultats seront

    immdiatement distingus 2) selon le registre signifiant, signe dagrgation dans sa

    fonction de constituer des blocs de termes qui doivent tre calculs ensemble. Dans ce

    mme registre, ce signe a une seconde fonction, lobjectivation des rsultats. Signalons

    que dans toute criture symbolique mathmatique, il doit y avoir autant de parenthses

    ouvrantes que de fermantes. Mais dans certaines expressions, les parenthses en signe

    dagrgation chargent lcriture, Andr en a parl et les a listes en tant que

    plonasmes

    Chacune des expressions (a-b) a - b

    , (c-d) c - d

    reprsente le quotient de a b

    par c d. Mais, les parenthses sont inutiles, la barre horizontale du rapport remplissant fort bien, outre son rle habituel, celui de signe de groupement. Toutefois ces parenthses

    nont dautre inconvnient que de charger lcriture ; lemploi quon en fait nest point

    fautif ; il ne constitue quun plonasme (cit par Serfati, La rvolution

    symbolique, 2005, p 104)

    Leibniz (1646-1716)30

    a prconis lemploi des parenthses la place de la barre

    horizontale pour connatre la priorit du calcul, en dautres termes savoir quels sont les

    termes qui oprent ensemble. Par exemple : lcriture a, bc + e f + g , fut remplace par

    a(bc + e(f + g))

    Andr (1909) a utilis un jeu de dlimitant ordonn en trois niveaux, toujours en

    vigueur en nos jours : parenthses, crochets, accolades. Il dit dans son livre Choix des

    Signes de Coordination :

    Lorsque nous aurons superposer des signes de groupement, nous devrons, en allant du dedans au dehors, les placer toujours dans cet ordre : barre horizontale,

    parenthses, crochets, systmes daccolades. Ce nest que dans le cas o il faudrait

    en superposer un plus grand nombre que nous serions forcs de crer des signes

    nouveaux (op cit en bas de la page 99)

    Donc, les parenthses servent constituer de nouvelles units de signification.

    Par exemple a + b est une somme de deux termes, par contre (a + b) est un terme

    30

    Baruk (1992), Dictionnaire des Mathematiques

  • 26

    constitu par la somme de a et de b (les parenthses ici agrge le nombre). Les crochets

    remplacent les parenthses dans leur rle dagrgateur, quand ces dernires ont un rle

    de sparateur. Comme exemple : pour calculer (a + b+ c) 2

    , nous sommes amens

    lcrire [(a + b) + c]2 pour pouvoir appliquer la formule du carr dune somme (a + b)

    2,

    ce qui fait que : (a + b+ c)2 = [(a + b) + c]

    2 = (a + b)

    2 + 2 (a + b) c + c

    2

    La prsence des parenthses, nous ramne un nouveau calcul qui nous donne a2 + 2ab

    + b2 + 2ac + 2bc + c

    2, par suite (a + b+ c)

    2 = a

    2 + 2ab + b

    2 + 2ac + 2bc + c

    2.

    II - 4 - Analyse comparative du rapport des enseignants et des enseigns aux

    dlimitants sparateurs et agrgateurs

    Observons dans ce tableau31

    comment les enseignants avec le jeu des

    dlimitants, parenthses rondes et crochets, qui rpondent au besoin de lenseignement

    de la factorisation, hirarchisent des assemblages dment complts.

    Nous avons utilis les abrviations suivantes pour les enseignants.

    EnL Lenseignant libanais

    EnFL Lenseignante libanaise qui travaille avec le manuel MFL

    EnF1 Lenseignante franaise de la classe normale

    EnF2 Lenseignant franais de la classe daccueil

    EnL EnFL ENF1 EnF2

    (x + 3)2 + (5x 7)

    2

    = [(x + 3) + (5x

    7)] [(x + 3) (5x

    7)]

    On utilise les

    crochets ici, parce

    que, dans a et b il

    y a des

    parenthses

    (3, 48)

    (x + 3)2 9= [(x + 3)

    3][(x + 3) + 3]

    Je mets des

    crochets, car, jai eu

    besoin lintrieur,

    des parenthses

    (5, 164)

    (2a 5)(4a 3) (2a

    5)(3a 1) =

    (2a 5)[(4a 3) (3a

    1)] Il y a des fois des

    parenthses, donc, il

    faut mettre un tage

    de plus, alors vous

    pouvez mettre des

    grandes parenthses,

    si vous voulez. Mais il

    faut faire apparatre,

    le deuxime facteur de

    mon produit. Donc,

    entourer mes

    expressions entre

    parenthses, deux

    parenthses ou deux

    crochets. (4, 3)

    ((2x + 1) (x

    1))((2x + 1) + (x 1))

    Entre parenthses

    ou entre crochets, a

    revient au mme.

    (7, 263)

    Nous voyons bien que le travail des quatre enseignants a la mme structure

    combinatoire. Ils font appel aux crochets pour faire des assemblages dment complts.

    EnF2 utilise les parenthses rondes la place des crochets, il fait comprendre aux

    31

    Cette prsentation facilite la description compare de laction de chaque professeur. Les nombres entre

    parenthses reprsentent par ordre (de mme pour les restes des tableaux): le numro de la sance

    denseignement, le (ou les) tour(s) de parole.

  • 27

    lves quil ny a aucune diffrence entre les dlimitants, contrairement Andr32

    qui a

    class les crochets un niveau suprieur aux parenthses. Ce niveau, que EnF1

    symbolise par des grandes parenthses et quelle caractrise dans un sens

    mtaphorique par tage , avait pour fonction de faire comprendre aux lves lutilit

    et lutilisation des dlimitants : ils sont utiles pour faire apparatre les facteurs du

    transform et nous les utilisons chaque fois quil y aura dans un mme assemblage

    plus quun couple de parenthses rondes.

    Observons encore une fois EnF1 dans une autre situation o elle suit le

    classement des dlimitants propos par Andr.

    (5, min 6 sec 3, p2) Factorisation de lexpression (2x 1)2 (x + 3)

    2

    17 En Alors, quand on dmarre dune expression dveloppe, o il y a rien, on a une expression

    factorise avec des parenthses. Quand je factorise, je passe de rien une parenthse. Je

    rajoute une couche de parenthses. Si, jai dj une couche de parenthses, je vais en

    rajouter une deuxime, et donc cette fois ci, je vais factoriser laide, de, cro, chets. .

    Alors, attention, cest l, le point o en gnral a accroche. Quand jai rien, jai des

    parenthses, quand jai dj des parenthses, je mets des crochets. Mes crochets ici (elle

    trace en jaune [ ])

    Dans ce tour de parole, lenseignante explique aux lves la superstructure (des

    assemblages de plus haut niveau, Serfati, p 101) des expressions factorises. Elle

    parachve lassemblage par des dlimitants initialement absents : quand jai dj des

    parenthses, je mets des crochets .

    Observons maintenant le comportement de quelques lves libanais (ce sont les

    lves de EnFL) avec les dlimitants dans la factorisation de A= (x + 4)(x 2) + 3(x +

    4).

    (4, min 25 sec 20)

    ..//.. 56 Ma ..//..

    (elle crit A =(x + 4)(x 2) + 3 )

    57 En Et comment tu cris le x moins deux ?

    58 Be Il faut des parenthses

    59 En x moins deux plus trois, alors, quest ce que je dois ajouter l Ma ? (elle montre la partie

    entre (x + 4) et (x 2))

    60 Be Parenthses

    61 Da Crochets

    62 Ma Crochets

    63 En Des crochets, mets tes crochets (Ma trace les crochets ainsi A = [(x + 4) (x 2) + 3])

    O tu mets les crochets (dun ton fort)

    (Ma la regarde ne sachant quoi faire, alors lEn efface le premier crochet et le trace ainsi A

    = (x + 4) [(x 2) + 3])

    Nous nous sommes approche de Da pour voir son cahier, et nous avons trouv

    quil a fait ses assemblages correctement, en se servant des crochets et des parenthses

    rondes. En revanche Be, ct de qui nous tions place, avait trac les crochets sur son

    cahier correctement aussi, et il a cri deux fois parenthses . Ceci nous permet de

    32

    Lorsque nous aurons superposer des signes de groupement, nous devrons, en allant du dedans au

    dehors, les placer toujours dans cet ordre : barre horizontal, parenthses, crochets, systme daccolades.

    (Choix des Signes de Coordination, Andr 1909 ; cit par Serfati, La rvolution symbolique, 2005, p 99)

  • 28

    dire que le travail de factorisation est bas sur les objets visuels, les lves savent

    reproduire les mmes critures et dessiner les mmes figures, sans connatre ni leur

    nom, ni leur usage. Preuve en est le trac des crochets de Ma (TP 63). Elle trace le

    dlimitant signal par son camarade et, sous la demande de lenseignante, sans aucun

    respect de la hirarchisation des dlimitants qui semble navoir aucun sens pour elle.

    Lattitude de lenseignante est signaler, il ne faut pas changer le paysage quelle a

    trac pour les lves pendant lexplication. Implicitement, elle dclare : Les crochets

    ne doivent pas tre remplacs par les parenthses, chacun a sa place et il faut respecter

    lordre de ces critures .

    Dans ce qui suit, nous exposons un corpus dune observation de classe faite dans

    une cole franaise (lenseignante est EnF1)

    (5, min 23 sec 5, p2) Factorisation de (7x + 3)2 25x

    2

    61 En ..//..

    Bon, alors, le sept x plus trois au carr moins vingt cinq x au carr, (elle crit : (7x + 3)2

    25x2) a vous inspire quoi ?

    62 An On peut mettre des parenthses

    63 En On peut mettre des parenthses, mais autour de quoi tu veux mettre des parenthses ?

    64 Pi Autour du moins vingt cinq x deux

    65 En Pas autour du moins, on peut mettre des parenthses l, si on veut (elle trace les

    parenthses : (25x2)). Alors a vous inspire quoi a ?

    66 Ch La dernire

    67 En La dernire identit remarquable. Jai deux termes, jai deux termes. Jai un moins, a ne

    peut tre que la dernire. Alors, une parenthse, un

    68 An [il y a une parenthse ?

    69 En Un crochet, pardon, il faut que je reste logique avec moi-mme. Et un deuxime crochet

    (elle trace : [ ][ ]). Dans un des deux crochets on met plus, dans lautre crochet, on

    met moins (elle trace : [ + ][ ]). Alors, sept x plus trois au carr, cest le carr de

    quoi ?

    An demande de tracer des parenthses Autour du moins vingt cinq x deux ,

    dans un but de reconnatre la mthode de factorisation convenable. Une question

    didactique se pose : Si lenseignante avait trac les parenthses autour du moins vingt

    cinq x deux, comme le voulait An, est ce que cet assemblage lui avait permis de

    reconnatre lidentit correspondante ? Dsormais, lenseignante agrge vingt cinq x

    deux ainsi (25x2) en laissant le moins devant la parenthse, pour avancer son temps

    didactique et ne pas expliquer ce qui est suppos acquis. Ce nouvel assemblage a aid

    Ch reconnatre lidentit remarquable carre utile pour la factorisation de (7x + 3)2

    25x2.

    Par contre, pour hirarchiser les niveaux des assemblages dment complts,

    lenseignante propose des parenthses pour agrger les facteurs. Mais pour An, il doit y

    avoir des crochets, cest le paysage quil a en mmoire visuelle. Lenseignante qui

    se trouve en rupture de contrat avec elle-mme, agit rapidement et trace les crochets et

    les signes lintrieur pour complter son paysage ([ + ][ - ]). Pour elle, ce

    jeu des dlimitants est important pour que laction de factorisation soit russie

    II - 5 - Conclusion

    Lusage des dlimitants est un bricolage autant pour les enseignants que pour

    les lves. Cet usage est une technique pragmatique pour