laterre, don de dieu
TRANSCRIPT
SEPTEMBRE - DĂCEMBRE 2013 âą VOL XXIX N O3
REVUE BIBLIQUE POPULAIRE âą PUBLICATION SOCABI
âââ
la bible et lâenvironnement
dossierTerre, tu as du prix Ă nos yeux!
rencontre / Norman LĂ©vesqueLâenvironnement Ă la rencontre de la science et de la Bible
la terre, don de Dieu
rochain numéro !
Le numĂ©ro de novembreLes rĂ©cits dâenfance de JĂ©sus)))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))
04
06
08
11
14
AVANT-PROPOS03 La Terre, don de Dieu
Yves GUILLEMETTE
DOSSIERTerre, tu as du prix Ă nos yeux!
04 La terre confiĂ©e Ă lâhumanitĂ©Walter VOGELS
06 La nature, « théùtre de la gloire de Dieu »David FINES
08 Pour une spiritualitĂ© chrĂ©tienne de lâenvironnementAndrĂ© BEAUCHAMP
ENTREVUE11 Lâenvironnement Ă la rencontre
de la science et de la BibleThĂ©rĂšse MIRONNorman LĂVESQUE
14 Saint François, Ă©cologiste du Moyen ĂgeNorman LĂVESQUE
16 BIBLIOTHĂQUE
17 PISTES DE RĂFLEXIONFrancine VINCENT
18 Le Cantique des Créatures
SOMMAIRES E P T EM B R EVOL XXIX NO3
2013
La Terre, don de Dieu
Société catholique de la Bible2000 rue Sherbrooke Ouest, Montréal(Québec) H3H 1G4
(514) 925-4300poste 297
CONSEIL DâADMINISTRATION
PrĂ©sident : Marcel DUMAIS o.m.i.Vice-prĂ©sidente : BĂ©atrice PEDNEAULTSecrĂ©taire : Yves GUILLEMETTE ptreTrĂ©sorier : Jean DUHAIMEĂvĂȘque de liaison : Mgr Luc BOUCHARDAdministrateurs/trices :Christiane CLOUTIER, Patrice BERGERON ptre,ClĂ©ment VIGNEAULT
COMITĂ DE RĂDACTION
Rédacteur en chef : Yves GUILLEMETTE ptre,Patrice BERGERON ptre, GeneviÚve BOUCHER,Sébastien DOANE, Raymond GRAVEL ptre, ThérÚse MIRON, Francine VINCENT
COLLABORATION Ă CE NUMĂRO
AndrĂ© BEAUCHAMP, David FINESYves GUILLEMETTE, Norman LĂVESQUE, ThĂ©rĂšse MIRON, Francine VINCENT, Walter VOGELS
CONCEPTION GRAPHIQUEFabiola ROY
ISSN 2291-2428 (En ligne)
Vous aimez la revue ?Contribuez Ă sa diffusion
Vos commentairessont les bienvenus
Merci!
Membre de lâAssociation canadienne des pĂ©riodiques catholiques (ACPC)
PUBLICITĂ ET ABONNEMENTS
Directeur de la rédaction : Yves GUILLEMETTE ptre
AVANT-PROPOS â
PARABOLE REVUE BIBLIQUE POPULAIRE âą SEPTEMBRE - DĂCEMBRE 2013 _ VOL XXIX NO3
03
18
Septembre sonne la relance dans plusieurs secteurs dâactivitĂ©s. Alors que lâonentre dans la saison automnale, on ne peut oublier la tragĂ©die de Lac-MĂ©ganticqui a Ă©tĂ© lâĂ©vĂ©nement de lâĂ©tĂ©. On aurait pu se passer de ce dĂ©sastre humain et
environnemental qui a mis en Ă©vidence les dangers que nous fait courir notre dĂ©pendanceau pĂ©trole. En contrepartie on a Ă©tĂ© tĂ©moin de la solidaritĂ© de la population du QuĂ©becdans le malheur. Cet Ă©vĂ©nement nâavait pas eu lieu quand le comitĂ© de rĂ©daction a dĂ©cidĂ©de consacrer un dossier de Parabole au thĂšme de lâenvironnement.
Le sujet est prĂ©occupant en ces temps oĂč nos sociĂ©tĂ©s, souvent « poussĂ©es dans le dos »par les mouvements Ă©cologistes, doivent se questionner et agir en matiĂšre de protectionde lâenvironnement. Les problĂšmes et les enjeux sont nombreux : changements climatiqueset leurs consĂ©quences multiples, protection des espĂšces menacĂ©es, exploitation desressources et dĂ©veloppement durable, recherche des sources dâĂ©nergie nouvelles, etc.Ces problĂšmes ne concernent pas uniquement les gouvernements sur lesquels nouspouvons ĂȘtre tentĂ©s de nous dĂ©charger de nos responsabilitĂ©s, ni les grandes compagniesqui exploitent les ressources premiĂšres. Le respect de lâenvironnement est lâaffaire dechaque citoyenne et citoyen et il doit nous prĂ©occuper quand on prend la mesure denotre surconsommation, de notre recherche du confort, de notre dĂ©pendance Ă lâautomobileet jâen passe. Le respect de notre environnement naturel implique Ă coup sĂ»r des effortsde conversion afin dâadopter un nouvel art de vivre. Cela est sagesse.
Câest un lieu commun dâaffirmer que la Terre est la seule planĂšte dont on dispose. LesdiffĂ©rents articles de ce numĂ©ro portent un regard croyant sur lâenvironnement, inspirĂ©par la rĂ©vĂ©lation contenue dans la Bible, et nous aident Ă reconnaĂźtre la Terre commeun don de Dieu. Sa beautĂ© attire notre Ă©merveillement, sa protection suscite notreengagement, sa gĂ©nĂ©rositĂ© nourrit notre spiritualitĂ©. Les Ăcritures ne rapportent pasde situations et de problĂ©matiques semblables Ă celles que nous rencontrons aujourdâhui.Mais elles donnent Ă rĂ©flĂ©chir.
LâĂ©quipe de Parabole vous souhaite une bonne lecture pendant que vous contemplerezles splendeurs de lâautomne.
Chers lecteurs et lectrices,
La Terre, don de Dieu
Le respect de notre environnement naturel
implique à coup sûr des efforts de conversion
afin dâadopter un nouvel art de vivre.
â DOSSIER04
05
PARABOLE REVUE BIBLIQUE POPULAIRE âą SEPTEMBRE - DĂCEMBRE 2013 _ VOL XXIX NO3
Préliminairesk
La Bible commence par le rĂ©citmajestueux de la crĂ©ation dumonde (Gn 1, 1-2, 4a). Lâauteur
du rĂ©cit nâavait Ă©videmment aucuneinformation scientifique ni historiquesur lâorigine de lâunivers, mais il avaitassez dâintelligence et dâimaginationpour produire ce texte thĂ©ologiqueremarquable. Il a vu comment les gens,et lui-mĂȘme, construisent leur maisonfamiliale. Personne nâamĂšne sa familledans la forĂȘt et construit la maisonautour de la famille. Au contraire,on commence par prĂ©parer le terrain,ensuite on construit la maison, par aprĂšson amĂšne les meubles, Ă©ventuellementles animaux, et en dernier lieu toute lafamille avec les enfants. Si partout aumonde on procĂšde de cette façon lĂ ,Dieu a dĂ» faire la mĂȘme chose. LâauteurdĂ©crit ainsi comment Dieu dans lestrois premiers jours de sa crĂ©ation metlâordre dans lâunivers, les trois jourssuivants il amĂšne les ornements.Quand finalement toute cette grandemaison est prĂȘte, Dieu amĂšne sapropre famille. Il crĂ©e lâhumanitĂ©comme derniĂšre Ćuvre au sixiĂšme jouret il lui confie toute cette grande maison(Gn 1, 26-31) et lui donne comme mission:« Soyez fĂ©conds, multipliez, emplissezla terre et soumettez-la; dominez surles poissons... les oiseaux... tous lesanimaux... » (v. 28, BJ).
Ce verset a donnĂ© une mauvaiserĂ©putation Ă la Bible, et ainsi Ă latradition judĂ©o-chrĂ©tienne que certainsaccusent dâĂȘtre la grande responsabledes graves problĂšmes de notre planĂšte.Le « multipliez » serait la cause de lasurpopulation et le « soumettez »aurait justifiĂ© lâexploitation Ă©goĂŻstede la terre et de ses ressources,conduisant Ă la pollution de notreterre. Cette accusation fut formulĂ©edâabord par Lynn White Jr., historien delâUniversity of California Ă Los Angeles.Il interprĂšte le texte comme si lavolontĂ© de Dieu serait que lâhumanitĂ©exploite la terre. Suzuki, lâexpert bienconnu des questions dâĂ©cologie auCanada, animait il y a quelques annĂ©esun programme Ă la TV: « A planet forthe taking ». Il commença la premiĂšre
des dix sessions en reprenant la mĂȘmeaccusation. Une telle accusation estgrave, elle exige quâon examine ce textebiblique sĂ©rieusement pour Ă©viter deslectures superficielles, rapides et doncinjustes.
Soumettez-laLâauteur biblique nâĂ©crivait pas enfrançais mais en hĂ©breu. Le verbe quâilemploie est kabash ce que la Bible deJĂ©rusalem (BJ) traduit par « soumettre »,la Traduction OecumĂ©nique de la Bible(TOB) par « dominer », et la BibleNouvelle Traduction (BNT) par« conquĂ©rir ». Ces traductions suggĂšrentdes nuances diffĂ©rentes. Le verbekabash, employĂ© 14 fois dans lâAncienTestament, contient une nuance deviolence. Il est utilisĂ© par exemple pour
LâhumanitĂ© crĂ©Ă©e Ă lâimage de Dieu, a comme mission royale dâempĂȘcher
que le chaos reprenne le dessus et de travailler Ă maintenir le cosmos pour que tous
puissent y vivre dans la paix et la prospérité.
ïżœ
la terre confiĂ©e Ă lâhumanitĂ© (Gn 1,26-31)
Missionnaire dâAfrique (PĂšre Blanc),professeur Ă©mĂ©rite Ă lâUniversitĂ© Saint-Paulet professeur au CollĂšge UniversitaireDominicain, Ă Ottawa
Walter VOGELS
Dans le rĂ©cit de crĂ©ation de GenĂšse 1, le verset 28 affirme : Dieu les bĂ©nit etleur dit : « Soyez fĂ©conds, multipliez, emplissez la terre et soumettez-la;dominez sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et tous les animauxqui rampent sur la terre. » Cette mission confiĂ©e aux humains suscitedes critiques et de nombreuses questions. Reçoivent-ils carte blanchepour exploiter la terre de façon effrĂ©nĂ©e? Ou se trouvent-ils plutĂŽt investisdâune responsabilitĂ© pour assurer un dĂ©veloppement durable de la terrequi leur est confiĂ©e comme un don?
; Présentation des livres p.16
Pour aller plus loin p.17ïżœ
DOSSIER â05
05
dĂ©crire la conquĂȘte de la terre promise (Jos 18, 1), il dĂ©pend dela responsabilitĂ© particuliĂšre du roi (2 S 8, 11). La conquĂȘte dela terre promise ne peut certainement pas ĂȘtre sa destruction,ce qui la rendrait inhabitable, mais lâenlĂšvement desobstacles pour quâon puisse vivre en paix dans ce pays delait et de miel. Si on dĂ©truit tout, Ă quoi servirait sa conquĂȘte?Telle est la mission de lâhumanitĂ© par rapport Ă âla terreâ. Dieua crĂ©Ă© (baraâ) le ciel et la terre (v. 1), le verbe baraâ veut diremettre lâordre dans la chaos du dĂ©but (v. 2). Mais ce chaosnâest pas annihilĂ©: il est toujours prĂȘt Ă dĂ©truire le cosmos,comme le prouve le rĂ©cit du dĂ©luge. LâhumanitĂ© crĂ©Ă©e Ă lâimage de Dieu, ce qui lui donne un statut royal, a commemission royale dâempĂȘcher que le chaos reprenne le dessuset de travailler Ă maintenir le cosmos pour que tous puissenty vivre dans la paix et la prospĂ©ritĂ©. Pour ce faire, lâhumanitĂ©devra sâinspirer des principes du crĂ©ateur, qui a voulu ununivers bien ordonnĂ©, harmonieux et bon: Dieu vit tout cequâil avait fait: cela Ă©tait trĂšs bon (v. 31). Nous savons touscombien lâhumanitĂ© doit travailler pour que la terre produisedes fruits, pour empĂȘcher les inondations, pour se protĂ©gercontre les tremblements de terre et tant dâautres problĂšmes.Tout cela ne va pas de soi. Oui, la terre nâest pas toujoursgentille, elle est à « conquĂ©rir », à « soumettre ».
Dominez surLâauteur biblique utilise le verbe radah, et lĂ de nouveau lestraductions varient, « dominer » (BJ), « soumettre » (TOB),« commander » (BNT). Le verbe revient 22 fois dans lâAncienTestament et sâapplique toujours aux relations entre des ĂȘtreshumains, exceptĂ© dans le rĂ©cit de la crĂ©ation oĂč il sâagit desanimaux (1, 26.28), des ĂȘtres qui ont beaucoup en communavec les humains. Comme eux ils ont du sang, ce qui veut direla vie, ils sont « crĂ©Ă©s » (baraâ) (v. 21), bĂ©nis par Dieu pour leurprocrĂ©ation (v. 22), les animaux (terrestres) sont crĂ©Ă©s le mĂȘmejour que les humains. Le sujet du verbe radah est souvent leroi (1 R 5, 4; Ps 72, 8), dont la fonction nâest pas de sâenrichir,de chercher son propre intĂ©rĂȘt, mais de promouvoir la justiceet la paix dans son royaume, avec une prĂ©occupationparticuliĂšre pour les faibles, tels les veuves et les orphelins.Les prophĂštes rappellent souvent aux rois cette responsabilitĂ©
et ils les accusent sâils gouvernent autrement. LâhumanitĂ©,crĂ©Ă©e Ă lâimage de Dieu, a comme fonction royale de« dominer » ou de « commander », ce qui veut dire elle a reçuune mission de service pour promouvoir lâharmonie (la justiceet la paix) dans le monde qui lui est confiĂ©e, mais non pas pourlâexploiter.
Pensez Ă lâavenirAprĂšs avoir donnĂ© Ă lâhumanitĂ© sa mission, Dieu lui prescritsa diĂšte (vv. 29-30). Cette diĂšte est vĂ©gĂ©tarienne tant pourles humains que pour les animaux. Comme le rĂ©cit nâestpas historique, il sâagit Ă©videmment dâune image pouraffirmer une idĂ©e thĂ©ologique. Il est clair que les lionsont toujours mangĂ© un peu plus que de lâherbe ! La diffĂ©renceentre les plantes et les animaux est le sang, et le sang signifiela vie. Donc si on ne mange que des plantes, le sang nâest pasversĂ©, la vie nâest pas dĂ©truite. AprĂšs le dĂ©luge quand lâauteurprĂ©sente le nouveau monde, celui que nous connaissons,les animaux font dĂ©sormais partie du rĂ©gime alimentaire(Gn 9, 1-6). Lâauteur souligne ainsi que Dieu voulait un mondesans violence. Il y a un dĂ©tail significatif dans ce rĂ©gimevĂ©gĂ©tarien. Les animaux reçoivent toute la verdure desplantes, tandis que les humains toutes les herbes portantsemence... tous les arbres qui ont des fruits portant semence.Ă deux reprises lâauteur mentionne le mot « semence ».En effet, la vache mange lâherbe, et quand elle a fini Ă unendroit, elle se dĂ©place et continue Ă manger lâherbeailleurs. Les humains, par contre, savent que dans ce fruitquâils mangent il y a de la semence et quâils feraient mieuxde la mettre en terre pour quâils puissent encore avoir dequoi manger une autre annĂ©e et surtout pour quâils puissentnourrir la nouvelle gĂ©nĂ©ration Ă laquelle ils ont donnĂ© vie.
Non, le rĂ©cit de la crĂ©ation nâaffirme nullement, comme certainslâont affirmĂ©, que ce serait la volontĂ© de Dieu que lâhumanitĂ©exploite la terre, au contraire, il souligne que lâhumanitĂ© doitprendre soin de la terre qui lui est confiĂ©e par Dieu, qui se retirepour se reposer au septiĂšme jour et surtout quâelle doit seprĂ©occuper de lâavenir. LâĂȘtre humain nâest pas le « maĂźtre » dela terre, mais lâ« intendant » de cette terre qui appartient Ă Dieu.
â
LâhumanitĂ©, crĂ©Ă©e Ă lâimage de Dieu, a reçu une mission de service pour promouvoir lâharmonie dans le monde qui lui est confiĂ©e,
mais non pas pour lâexploiter.
PARABOLE REVUE BIBLIQUE POPULAIRE âą SEPTEMBRE - DĂCEMBRE 2013 _ VOL XXIX NO3
â DOSSIER06
07
PARABOLE REVUE BIBLIQUE POPULAIRE âą SEPTEMBRE - DĂCEMBRE 2013 _ VOL XXIX NO3
Préliminairesk
la nature, « théùtre de la gloire de dieu »
Pasteur Ă lâĂ©glise unie de Drummondville.Il a Ă©crit ou co-Ă©crit quatre volumes invitant les croyants (et leurs Ăglises) Ă vivre leur foi et Ă lire la Bible en regardde la crise Ă©cologique actuelle afin dâagir pour la restauration de la CrĂ©ation.
David FINES
On trouve dans la Bible nombre dâhymnes de louange et dâaction de grĂące pourles beautĂ©s de la crĂ©ation. La contemplation de la nature apparaĂźt comme unchemin de rencontre de Dieu, en laissant entrevoir sa majestĂ© et sa providence.Les passages les plus cĂ©lĂšbres sont Proverbes 8, 22-31; Psaume 104; 148;Daniel 3, 51-90; Actes 17, 24-29, sans oublier les comparaisons que JĂ©sustire de la nature pour parler du mystĂšre du rĂšgne de Dieu et de certainesattitudes dĂ©coulant de lâexpĂ©rience de la foi.
P armi les nombreuses «libĂ©rations»quâa proposĂ©es la RĂ©formeprotestante aux croyants du
16e siĂšcle, il y en a au moins deux quiont rapport Ă la nature. Tout dâabord,en soumettant Ă son libre-arbitre laconduite de chaque personne devantson Dieu, la RĂ©forme a permis Ă lâindividude se « libĂ©rer » des diktats clĂ©ricauxsur lâunivers qui lâenvironne. Onpourrait dire quâelle a ainsi permis la« dĂ©clĂ©ricalisation » du rapport Ă lanature. Ensuite, la RĂ©forme a libĂ©rĂ©la conception du monde de tout unsystĂšme scholastique de forcessurnaturelles ou occultes, de croyancespopulaires en de menaces dĂ©moniaques(ou miraculeuses).
Avec la RĂ©forme, lâunivers redevient,pour ainsi dire, Ă la RĂ©forme, ce quâilest vĂ©ritablement : une CrĂ©ation belleet bonne, offerte gĂ©nĂ©reusement parle CrĂ©ateur aux peuples de la Terre.La contempler pour y trouver Dieu,contempler Dieu en admirant sonĆuvre et ultimement rendre Ă Dieuseul la gloire, cela fait dĂ©sormais partiede la vocation chrĂ©tienne. On retiendraces mots de Jean Calvin âle deuxiĂšmegrand rĂ©formateur aprĂšs MartinLutherâ, qui attribue Ă la nature unefonction quasi liturgique en tant que« thĂ©Ăątre de la gloire de Dieu ».
Que tes Ćuvres sont belles!Rappelons que la RĂ©forme avait aussi« libĂ©rĂ© » la Bible en permettant Ă toutepersonne inspirĂ©e par lâEsprit dâen fairela lecture et lâinterprĂ©tation. Câest ainsique de nombreux textes sont relus aveccette nouvelle perspective, les rĂ©citsde la CrĂ©ation en premier, mais aussidâautres textes comme cet hymnesublime Ă la toute puissance Dieuque lâon retrouve en Job 36 Ă 39 :Dieu y est successivement louĂ©comme le Souverain de lâautomne, delâhiver et de lâĂ©tĂ©, de la terre, de la meret de la tempĂȘte, et enfin des animaux.On peut Ă©galement penser Ă despsaumes magnifiques qui foisonnentdâexpressions et dâimages saisissantes :Les cieux racontent la gloire de Dieu(Ps 19, 2); Au Seigneur, la terre et sesrichesses (Ps 24, 1); Tu as visitĂ© la terre,
tu la combles de richesses (Ps 65, 10);Le moineau lui-mĂȘme trouve une maison(Ps 84, 4). Il faut surtout lire et relire leremarquable Psaume 104 oĂč lâauteur,pour cĂ©lĂ©brer la gloire du Dieu CrĂ©ateur,met Ă contribution les cieux et lesnuages, les vents et les Ă©clairs, lâOcĂ©anet les eaux, le bĂ©tail et les animauxsauvages, la cigogne et les damans, lesbouquetins et les lions, les arbres, lesgenĂ©vriers et les cĂšdres du Liban⊠etla liste se poursuit. Ă lâĂ©vidence, laBible atteste du dĂ©but Ă la fin que lacontemplation de la nature susciteĂ©merveillement et action de grĂącedevant la beautĂ©, la majestĂ© et lagĂ©nĂ©rositĂ© du CrĂ©ateur. Cela nâest pasĂ©tonnant puisque bon nombre desauteurs bibliques provenaient demilieux ruraux comme le prophĂšteAmos, un Ă©leveur de TĂ©qoa, un petitvillage de JudĂ©e (Am 1,1).
Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.
...enchanter le monde et de faire de la terre,
comme le reste de la Création, un lieu sacré de la
présence ineffable Dieu.Mont des Béatitudes ⹠Photo : Yves GUILLEMETTE
ïżœ
; Présentation des livres p.16
Pour aller plus loin p.17ïżœ
DOSSIER â07
07
Il en sera de mĂȘme pour JĂ©sus quipartage avec ses contemporains la foien Dieu, le CrĂ©ateur du ciel et de la terre.Ils croyaient Ă©galement que Dieu nâavaitpas crĂ©Ă© lâunivers pour sâen tenir ensuiteĂ bonne distance; au contraire le CrĂ©ateurest intimement prĂ©sent et attachĂ©par amour Ă sa CrĂ©ation, et il y estcontinuellement Ă lâĆuvre. ChaqueĂ©lĂ©ment naturel est imprĂ©gnĂ© de saprĂ©sence agissante. Chaque Ă©pi queproduit un grain de semence, chaquefruit qui germe dâun bourgeon, chaquepluie printaniĂšre qui arrose les champs,chaque tempĂȘte qui se lĂšve sur le lac etsoulĂšve des vagues menaçantes, toutmanifeste la prĂ©sence vivifiante de Dieu.On peut interprĂ©ter dans un espritĂ©cologique la priĂšre de JĂ©sus oĂč il nousinvite Ă nous adresser Ă Dieu en disant :Que ta volontĂ© soit faite sur la terrecomme au ciel. Quand nous prions cesmots, nous faisons nĂŽtre son dĂ©sirdâenchanter le monde et de faire de laterre, comme le reste de la CrĂ©ation, unlieu sacrĂ© de la prĂ©sence ineffable Dieu.
La nature comme source dâinspirationOn ne peut ignorer que JĂ©sus a passĂ©la majeure partie de sa vie en GalilĂ©equi est dâemblĂ©e le territoire le plusfertile dâIsraĂ«l. Les cultures y Ă©taientnombreuses : blĂ©, orge, vigne, oliviers.Nombre de ronces et de plantesfournissaient les Ă©pices et les aromatesou Ă©taient utilisĂ©es dans la prĂ©parationde prĂ©cieux mĂ©dicaments. JĂ©sus asans nul doute participĂ© aux travauxdes champs car en pĂ©riode demoissons toute la communautĂ© Ă©taitmise Ă contribution. JĂ©sus a peut-ĂȘtreaccompagnĂ© les garçons de son Ăąge dansles collines verdoyantes des environs deNazareth, car câĂ©tait souvent le rĂŽle desjeunes de mener les troupeaux dans lespĂąturages. Quand il entre pour laderniĂšre fois Ă JĂ©rusalem, il le fait sur unĂąne (Mt 21,5), une humble monture quâil
avait trÚs certainement utilisée dans sajeunesse et qui lui rappelait sa Galiléenatale. Ayant vécu son enfance et sajeunesse dans une société rurale etagricole, on comprend que son appartenanceà la terre ont imprégné sa spiritualitéet son enseignement.
Tout ce temps passĂ© auprĂšs de la naturelâaura indĂ©niablement marquĂ©. Câestun homme habituĂ© Ă marcher dans leschemins de campagne, parfois mĂȘme Ă travers champs (Mc 2,23), Ă dormir Ă labelle Ă©toile, Ă sâisoler dans la montagne(6,12) ou dans un jardin (Lc 22,39) pourprier, Ă subir les intempĂ©ries parfoisviolentes. Câest dans son environnement,en regardant autour de lui, quâil puiseson inspiration : un coucher de soleil,des nuages Ă lâhorizon, des arbres enfloraison, des champs prĂȘts Ă ĂȘtremoissonnĂ©s, des troupeaux qui paissenttranquillement. Câest dans ces instantanĂ©schampĂȘtres que sâĂ©laborent en lui lesfondements dâune nouvelle communautĂ©de foi tout autant que les prĂ©mices duRoyaume de Dieu.
JĂ©sus a continuellement fait rĂ©fĂ©renceaux Ă©lĂ©ments de la nature dans lesdiffĂ©rentes formes de son enseignement,notamment dans les paraboles : les filetsremplis de poissons, les moutons que lâongarde, la brebis Ă©garĂ©e, la vigne que lâonĂ©monde, le champ que lâon cultive,les crues impĂ©tueuses des ouadi; lasemence du semeur et le grain quipousse de lui-mĂȘme; lâivraie, la mentheet la rue; les oiseaux du ciel et les lis deschamps; le figuier stĂ©rile et lâarbre auxbons fruits; le grain de moutarde et lebrin de paille; le serpent et le scorpion;le soleil, la lune et les Ă©toiles. JĂ©sus sâestmĂȘme identifiĂ© Ă la vigne, Ă lâeau vive,au grain de blĂ© jetĂ© en terre.
La distinction entre la nature et le CrĂ©ateurSi, en se promenant dans un champ, enforĂȘt ou dans le dĂ©sert, il est certes permisde sâĂ©merveiller devant la majestĂ© duciel Ă©toilĂ©, la puissance des volcans, lafurie des tempĂȘtes ou la dĂ©licatesse desnervures dâune aile de papillon, il fautcependant Ă©viter toute dĂ©rive animiste.En aucun temps, je nâai pas mais demajuscule au mot nature, car câest Dieuseul qui doit ĂȘtre honorĂ©, glorifiĂ©, adorĂ©,certainement pas la nature. Le culte dela Terre-MĂšre est Ă©videmment Ă Ă©carterde notre rĂ©flexion. Si notre foi au DieucrĂ©ateur et le message de JĂ©sus nousinvitent Ă contempler la nature, câestuniquement pour rendre Ă Dieu honneur,gloire et louange, et nous souvenirque rien nâa Ă©tĂ© crĂ©Ă© sans sa volontĂ©.Inversement mal traiter la nature,câest maltraiter et offenser Dieu. Tout ceque nous faisons de « mal », les attaquescontre lâenvironnement (la pollution,la surexploitation des ressourcesnaturelles, le gaspillage Ă©hontĂ©,lâaccumulation des dĂ©chets, lerĂ©chauffement climatique, le dĂ©clinde la biodiversitĂ©), câest Ă Dieu mĂȘmeque nous le faisons.
Câest dans son environnement, en regardant autour de lui,que JĂ©sus puise son inspiration.
Ein Avdat, Israël ⹠Photo : Yves GUILLEMETTE
â
PARABOLE REVUE BIBLIQUE POPULAIRE âą SEPTEMBRE - DĂCEMBRE 2013 _ VOL XXIX NO3
pour une spiritualitĂ© chrĂ©tienne de lâenvironnementAndrĂ© BEAUCHAMP
PrĂȘtre du diocĂšse de MontrĂ©al, thĂ©ologien et environnementaliste. Il a Ă©tĂ© secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du ministĂšre de lâEnvironnement du QuĂ©bec et prĂ©sident du Bureau dâaudiencespubliques sur lâenvironnement. Il sâintĂ©resse particuliĂšrement Ă lâĂ©thiqueet Ă la spiritualitĂ© de lâenvironnement de mĂȘme quâĂ la consultation publique.
L e mouvement Ă©cologiste, lessciences de la nature et delâenvironnement, les signaux
dâalarme venant des changementsclimatiques et des effets nĂ©fastes delâexploitation effrĂ©nĂ©e des ressourcesde la planĂšte nous font prendreconscience de la fragilitĂ© de la terre etnous interrogent quant Ă la sagesseque les humains doivent acquĂ©rirpour occuper leur place dans le vasteĂ©cosystĂšme terrestre. Y a-t-il unespiritualitĂ© chrĂ©tienne de lâenvironnementqui peut inspirer notre rĂ©flexion,voire inviter Ă une conversion?
Dans certains milieux Ă©cologiques,on est trĂšs sĂ©vĂšre sur lâhĂ©ritage de latradition biblique. Probablement trop,ou mal Ă propos. Sans reprendre ledĂ©bat autour des rĂ©cits de crĂ©ation,jâaimerais explorer quelques axesdâune spiritualitĂ© chrĂ©tienne delâenvironnement.
Tout Ă coup la terreest devenue petiteIl est arrivĂ© une chose Ă©tonnante auxgens de ma gĂ©nĂ©ration. Nous avonsdĂ» prendre conscience de la fragilitĂ©de la Terre et de lâampleur de lâimpactdes activitĂ©s humaines sur le milieuĂ©cologique.
Comme le petit Prince, nous nous apercevons que notre Terre est plutĂŽt petite, avecdes ressources limitĂ©es et des Ă©quilibres (notamment le climat) possiblement prĂ©caires.Entendons-nous : les anciens connaissaient bien les catastrophes de la nature :sĂ©cheresses, orages, crues, pollutions, tremblements de terre et ils avaient acquisau long des siĂšcles une bonne sagesse terrienne. Je pense Ă des proverbesdâĂ©vangile sur la couleur du ciel et du temps prĂ©visible (Mt 16, 3), la maison surle roc (Mt 6, 24), lâarbre et ses fruits (Mt 7, 17), Ă chaque jour suffit sa peine (Mt 6,34),sans oublier Qui sĂšme le vent rĂ©colte la tempĂȘte qui renvoie Ă OsĂ©e 8,7.
Pour mes ancĂȘtres â et câĂ©tait lĂ je pense une culture millĂ©naire â la Terre Ă©tait solideet fiable, Ă la fois maternelle et menaçante. DâoĂč le projet inassouvi, inachevĂ© dedominer la terre, de la domestiquer. Depuis les premiĂšres seigneuries jusquâĂ lacolonisation du Nord et de lâAbitibi, le dĂ©fi Ă©tait de « faire de la terre », câest-Ă -direabattre la forĂȘt et implanter une ferme.
PrĂ©liminaireskLe mouvement Ă©cologiste, les sciences de la nature et de lâenvironnement,les signaux dâalarme venant des changements climatiques et des effets nĂ©fastesde lâexploitation effrĂ©nĂ©e des ressources de la planĂšte nous font prendreconscience de la fragilitĂ© de la terre et nous interrogent quant Ă la sagesseque les humains doivent acquĂ©rir pour occuper leur place dans le vasteĂ©cosystĂšme terrestre. Y a-t-il une spiritualitĂ© chrĂ©tienne de lâenvironnementqui peut inspirer notre rĂ©flexion, voire inviter Ă une conversion?
â DOSSIER08
10
PARABOLE REVUE BIBLIQUE POPULAIRE âą SEPTEMBRE - DĂCEMBRE 2013 _ VOL XXIX NO3
Nous nâavons quâune terre. Nous sommes en alliance avec elle,pour le meilleur ou pour le pire.
GroupĂ©s autour de nos clochers On ne pourra nous reprocher De trahir lâantique serment
Fait au divin froment. (La Terre de chez nous)
ïżœ
; Présentation des livres p.16
Pour aller plus loin p.17ïżœ
La terre Ă©tait une vocation, un projet. Lâantique bĂ©nĂ©dictionĂ©tait une mission, une alliance. Jamais on nâaurait pensĂ©que la « race humaine » explose ainsi, que la science et latechnique puissent aller aussi vite, aussi loin, aussidurement, que la pollution, de locale et parsemĂ©e, deviennesystĂ©mique et planĂ©taire au risque de bouleverser lesprocessus rĂ©gulateurs de la planĂšte, que la consommationen vienne Ă Ă©puiser les ressources. Un jour des astronautesont pu quitter la planĂšte et la voir de lâextĂ©rieur. Elle est bleue,resplendissante, mais si petite. Câest un vaisseau spatial et ilnây a pas de vaisseau de rechange en cas de dĂ©faillance. Nousnâavons quâune terre. Nous sommes en alliance avec elle,pour le meilleur ou pour le pire.
BipolaritĂ© de lâhĂ©ritage bibliqueLâhĂ©ritage biblique concernant ce quâon peut appelerla nature est Ă la fois riche et complexe, ambivalent enquelque sorte. Dâabord la Bible se mĂ©fie de la nature par peurde ce que lâon appelle le panthĂ©isme. Dans lâunivers paĂŻentraditionnel (paĂŻen = paganus = paysan), les gens vĂ©nĂšrent etparfois mĂȘme adorent la nature. Ils invoquent la lune et lesoleil et se reprĂ©sentent Dieu par des images sculptĂ©esdâanimaux ou de plantes. La Bible appelle ces images desidoles. Elle les condamne et les tourne en ridicule, avecsouvent beaucoup de mauvaise foi. Sur ce point, la Bible estun livre polĂ©mique qui insiste sur la transcendance absoluede Dieu. Dieu est le Tout-Autre, le seul crĂ©ateur et le seulmaĂźtre du monde. Soumis Ă la nature, adorant les forcestelluriques de la nature, les paĂŻens risquent de vivre dans la
peur, dans lâesclavage des puissances cosmiques, des cyclesnaturels, des astres, voire mĂȘme des forces obscures dumonde (les dĂ©mons). Face Ă cet esclavage, la Bible invitelâĂȘtre humain Ă la libertĂ©. DâoĂč le rĂ©cit de la crĂ©ation quimet en Ćuvre un Dieu bon et une crĂ©ation excellente, labĂ©nĂ©diction du sixiĂšme jour et lâannonce dâun jour derepos et de libertĂ©, le septiĂšme jour. LâĂȘtre humain est invitĂ©Ă devenir image de Dieu, libre et libĂ©rĂ©.
La Bible par ailleurs ne rĂ©side pas en un seul livre, fut-cela GenĂšse. Câest une bibliothĂšque. Place Ă la poĂ©sie, Ă lacontemplation de la nature. Pour nâĂȘtre pas Dieu, la naturene cesse de chanter son crĂ©ateur et dâen rĂ©vĂ©ler lagrandeur et la prĂ©sence. Qui perce un canal pour lâaverse?demande le livre de Job (Jb 38, 25), la pluie a-t-elle un pĂšre?(v. 28), de quel ventre sort la glace? (v. 29).
La spiritualitĂ© de lâenvironnementLa spiritualitĂ© de lâenvironnement câest faire de lâobservationde la nature un acte de contemplation. Câest respirer avec lanature, plonger en elle non pas pour sây noyer mais pour encomprendre les harmoniques et la beautĂ©. Notre culture adĂ©veloppĂ© Ă lâextrĂȘme une notion purement utilitariste de lanature. Un arbre fournit du bois pour des meubles ou duchauffage. Câest Ă©galement un rĂ©gulateur de chaleur(surtout en Ă©tĂ©) et du systĂšme hydrique (les forĂȘts sont commedes Ă©ponges). Mais un arbre câest dĂ©jĂ la vie, un abri, uncompagnon qui pointe vers le ciel et plonge ses racines auventre de la Terre.
DOSSIER â09
10
La spiritualitĂ© de lâenvironnement câest respirer avec la nature,
plonger en elle non pas pour sây noyer mais pour en comprendre
les harmoniques et la beauté.
ïżœ
PARABOLE REVUE BIBLIQUE POPULAIRE âą SEPTEMBRE - DĂCEMBRE 2013 _ VOL XXIX NO3
DĂ©velopper une spiritualitĂ© de lâenvironnement, câestredĂ©couvrir la terre qui est notre demeure et notre habitat,câest comprendre que malgrĂ© notre science et nos techniquesnous ne sortons jamais de la nature. La nature est ennous. Plus encore, nous sommes cette nature qui nousenglobe pourtant. Jeu dialectique incessant du dedans etdu dehors, de lâappartenance et de la libertĂ©.
Tu es glaise et tu retourneras Ă la glaiseDans la tradition chrĂ©tienne, nous opposons souvent le corpset lâesprit, le corps et lâĂąme, le charnel et le spirituel. Chezsaint Paul, la chair dĂ©signe principalement lâĂȘtre humain(corps et Ăąme) coupĂ© de Dieu alors que lâhomme spirituel(la vie dans lâEsprit) dĂ©signe lâĂȘtre humain entier sous lamouvance de lâEsprit Saint. Mais les connotations dualistesrestent Ă lâhorizon. La chair devient le corps, le sexe, leschoses dâen bas. Lâesprit fait allusion aux choses de lâĂąme,lâimmatĂ©riel. Ce dualisme inconscient nous pousseĂ repousser le corps et lâenvironnement comme des rĂ©alitĂ©sindignes de nous; la terre, lâeau, lâanimal : pouah!
Par bonheur, la science moderne nous aide beaucoup Ă retrouver la profonde continuitĂ© qui existe entre le matĂ©rielet le spirituel. Car la vie â la vie vĂ©gĂ©tale, la vie animale,la vie humaine â est une prodigieuse histoire Ă©chelonnĂ©esur des milliards dâannĂ©es. De la premiĂšre bactĂ©rie aucerveau humain, il y a une continuitĂ© constante oĂč, petitĂ petit, la vie construit la vie.
Tu es glaise, dit le texte de la GenĂšse (3, 24). Tu es poussiĂšre,ou mieux encore sol, terre, terreau. On appelle courammentle sol humus, mot dont la racine se retrouve dans homme ethumilitĂ©. Quand lâĂȘtre humain meurt il retourne Ă la terre,son humble demeure. Mais la GenĂšse dit aussi : YahvĂ©Dieu insuffla dans ses narines une haleine de vie et lâhommedevint un ĂȘtre vivant (Gn 2,7). Toute glaise quâil soit, lâĂȘtrehumain est aussi un ĂȘtre animĂ©, un ĂȘtre de souffle. Si le corpstire vers le bas, lâair Ă©voque les rĂ©alitĂ©s dâen-haut, ce quimonte, ce qui sâĂ©lĂšve, comme lâoiseau, comme le nuage,comme le rĂȘve. Lâair entre au ventre de lâhomme vivant, purifieson sang et libĂšre lâĂ©nergie. Alors le cĆur peut battre Ă sonrythme et pousser au bout des doigts le rouge vermeil du sang.Le sang, câest presque de lâeau de mer (lĂ ou la vie a commencĂ©),câest lâeau pathĂ©tique et tragique qui nous constitue.
Et ainsi de suite. Par bonheur en ce domaine la science, lasymbolique et la poĂ©sie peuvent faire alliance pour nouspermettre de rĂ©enchanter le monde. Et la Bible Ă cetĂ©gard, les psaumes bien sĂ»r, mais aussi les prophĂštes etla littĂ©rature de sagesse, regorge dâimages inoubliables.Ă chacun de cultiver son jardin.
« De la premiÚre bactérie au cerveau humain,
il y a une continuitĂ© constante oĂč, petit Ă petit, la vie construit la vie. »
Par bonheur en ce domaine la science, la symbolique et la poésie peuvent faire alliance pour nous permettre
de réenchanter le monde. La Bible à cet égard,
regorge dâimages inoubliables.
Ă chacun de cultiver son jardin...
â
PARABOLE REVUE BIBLIQUE POPULAIRE âą SEPTEMBRE - DĂCEMBRE 2013 _ VOL XXIX NO3
â DOSSIER10
10
« La science et la thĂ©ologiemâont apportĂ© un Ă©quilibre »
Ă lâadolescence, pour payer sesĂ©tudes, Norman LĂ©vesquecherche un emploi qui lui
conviendrait. Marchant dans une ruede Longueuil, il passe devant une Ă©coleprimaire et en regardant les enfants, ilressent une forte vague de dĂ©sespoirchez ces jeunes. Il se rend quelquesjours plus tard pour rencontrer le prĂȘtrede sa paroisse. Il lui dit quâil a dĂ©jĂ Ă©tĂ©animateur de camps de jour et il souhaitemaintenant ĂȘtre animateur de pastoralepour les jeunes. Norman LĂ©vesque dit auprĂȘtre : « Si tu mâengages, je travailleraien pastorale jeunesse pour 7 ans ».Et câest ce quâil a fait.
Depuis son jeune Ăąge, Norman LĂ©vesqueest un passionnĂ© de sciences. Au coursde sa vie, son intĂ©rĂȘt pour la thĂ©ologievisait Ă approfondir les questionsauxquelles la science ne pouvaitrĂ©pondre. Il trouvait passionnant defrĂ©quenter la culture de la facultĂ© dethĂ©ologie axĂ©e surtout sur le relationnelet la culture des sciences axĂ©e surle rationnel. Selon Norman LĂ©vesqueces deux approches lui permettaientde demeurer en Ă©quilibre.
En 2004, il est ĂągĂ© de 24 ans. Il termineson baccalaurĂ©at en enseignement etson certificat en thĂ©ologie. Avec sesacquis, il part en Italie pour quatre moisavec son sac Ă dos. Il parcourt lâItalieet se rend Ă Assise et Ă Subiaco oĂčsaint BenoĂźt a construit son premiermonastĂšre. Norman LĂ©vesque prĂ©cisequâil a suivi un peu les traces de saintBenoĂźt pour se rendre jusquâĂ la grotteau flanc de la montagne afin de mĂ©diteret prier pendant trois heures. Et, medit-il, jâai demandĂ© Ă Dieu : « Quâest-ceque tu veux que je fasse de ma vie? ».Au cours de ma priĂšre, mentionne-t-il,jâai perçu quâil y avait un chemin qui sedivisait en deux, celui de la science etcelui de la thĂ©ologie. Aussi, jâai ressentiune prĂ©sence paternelle me toucher le
dos avec une belle chaleur et jâai vu lesdeux routes devenir quâun seul chemin.Jâai entendu en moi une parole qui medisait : « Continue ». Alors jâai comprisquâil nây avait pas de division entre lascience et la thĂ©ologie.
Revenant dâItalie, Norman reçoitrapidement des appels de gens dâĂgliselui demandant de faire des confĂ©rencessur lâenvironnement. De plus, ajoute-t-il, au moment oĂč je faisais des Ă©tudesĂ lâUQĂM en « Ăducation relative Ă lâenvironnement », sa professeure luidemande de faire son projet derecherche « en Ăglise » pour le cours.Je me suis dis, ajoute Norman, câestsans doute lâappel qui mâindique lavoie Ă suivre.
Lâenvironnement Ă la rencontre de la science et de la BibleRencontre de ThĂ©rĂšse MIRON,Collaboratrice aux communications de lâArchevĂȘchĂ© de MontrĂ©al et membre de lâĂ©quipe de Parabole avec Norman LĂVESQUE, Directeur du programme « Ăglise verte »au Centre canadien dâĆcumĂ©nisme
« Fréquenter la culture de la faculté de théologie
axée surtout sur le relationnel et la culture des sciences axée sur le rationnel
permettaient de demeurer en équilibre. »
ïżœ
â ENTREVUE11
13
PrĂ©liminaireskCâest avec plaisir que jâai rencontrĂ© Norman LĂ©vesque, directeur du programme« Ăglise verte » au Centre canadien dâĆcumĂ©nisme. Normand est un jeunehomme passionnĂ© mais surtout inspirĂ©. Au cours de cette entrevue, oncomprendra pourquoi la science et la thĂ©ologie cohabitent en harmoniechez cet homme de foi.
PARABOLE REVUE BIBLIQUE POPULAIRE âą SEPTEMBRE - DĂCEMBRE 2013 _ VOL XXIX NO3
; Présentation des livres p.16
Pour aller plus loin p.17ïżœ
« Les Ăglises doivent aussi participer Ă la sauvegarde de la CrĂ©ation »
En 2005, il pense Ă lâexpression « Gardiens de la CrĂ©ation »pour dĂ©velopper la sensibilisation au sujet de lâenvironnementen Ăglise. LâidĂ©e, prĂ©cise-t-il, Ă©tait de voir ce quâil y a dans latradition chrĂ©tienne qui permet de rĂ©pondre aux questionsenvironnementales. Ătant un passionnĂ© de la Bible, il semet Ă la recherche des passages bibliques qui parlentdâenvironnement et de CrĂ©ation. Il voulait trouver des rĂ©citsqui portaient des valeurs environnementales. Câest ainsiquâil commence une collection de rĂ©cits bibliques surlâenvironnement. Il met par la suite des capsules bibliquessur le site internet de « Gardiens de la CrĂ©ation ».
En 2008, Norman, maintenant ĂągĂ© de 27 ans, est invitĂ© auCongrĂšs eucharistique Ă QuĂ©bec pour donner une confĂ©renceen français et en anglais sur le thĂšme : « Eucharistie etenvironnement ». RĂ©sultat : une ovation dans les deux cas.De plus, les Ă©vĂȘques prĂ©sents sont allĂ©s le voir pour le fĂ©liciteret lui dire que lâĂglise avait besoin de cette approche etquâil fallait continuer. Par la suite, il a Ă©tĂ© invitĂ© Ă donnerdes confĂ©rences un peu partout au QuĂ©bec.
« LâĂglise Unie mâa demandĂ© dâassumer la coordination dâĂglise verte »
Câest en 2009, que Norman LĂ©vesque est approchĂ© par DavidFines, pasteur de lâĂglise Unie, qui lui demande de faire untravail dâĂ©quipe pour Ă©crire le livre intitulĂ© « Les pages vertesde la Bible » paru aux Ăditions Novalis. Cet ouvrage apermis de recenser 74 passages bibliques sur la CrĂ©ationet lâenvironnement.
Aussi en 2009, lâĂglise Unie a un projet en marche depuistrois ans portant le nom dâ« Ăglise verte ». Un poste decoordonnateur sâouvre et câest Norman LĂ©vesque qui estretenu pour assumer cette responsabilitĂ© avec le mandat derendre ce programme ĆcumĂ©nique dans le grand MontrĂ©al.Mais rapidement, prĂ©cise-t-il, une Ăglise de Chicoutimi etune autre de QuĂ©bec se sont ajoutĂ©es. Par la suite, il crĂ©eun colloque des Ăglises vertes pour lancer le projet. Ă ce premiercolloque, 150 personnes se sont prĂ©sentĂ©es. Aujourdâhui40 Ăglises font partie du projet Ă la grandeur du Canada.
Mais, souligne Norman LĂ©vesque, de grands dĂ©fis demeurentĂ relever pour les Ăglises et lâenvironnement. Au moment defaire sa maĂźtrise en thĂ©ologie ayant pour titre : « DĂ©finition dela pastorale de la crĂ©ation en tant que nouveau ministĂšre enĂglise », il fait la lecture de nombreux ouvrages. Parmiceux-ci le livre dâAndrĂ© Beauchamp intitulĂ© « Environnementet Ăglise » paru aux Ă©ditions Fides retient son attention. Cetouvrage, me dit-il, mâa permis de comprendre pourquoi lesĂglises ne se sont pas mobilisĂ©es pour lâenvironnement.En voici les raisons : parce que lâenvironnement signifieproblĂšmes, câest sale parce quâil est souvent questionde pollution et mĂȘme de mort, câest politique et complexeparce quâil faut connaĂźtre et comprendre ce quâestlâenvironnement et cela prend du temps.
Dâautres dĂ©fis sont Ă relever. On ne retrouve plus la religionĂ lâĂ©cole, la frĂ©quentation des Ăglises est moins grande.Dans les deux cas, une importante mobilisation a dĂ» ĂȘtrefaite auprĂšs de bĂ©nĂ©voles. Les Ăglises ont besoin de cespersonnes. De lĂ lâimportance de ne pas perdre cette aideprĂ©cieuse au profit des questions environnementales. CettedifficultĂ© affecte toutes les Ăglises chrĂ©tiennes.
â ENTREVUE12
13
PARABOLE REVUE BIBLIQUE POPULAIRE âą SEPTEMBRE - DĂCEMBRE 2013 _ VOL XXIX NO3
ïżœ
« Au cours de ma priĂšre, jâai perçu quâil y avait
un chemin qui se divisait en deux,celui de la science et celui de la théologie.
Jâai vu les deux routes devenir quâun seul chemin.
jâai compris quâil nây avait pas de division entre la science et la thĂ©ologie. »
Norman LĂ©vesque, CongrĂšs eucharistique Ă Dublin, 2012 Photo : Ninon PEDNAULT
Norman LĂ©vesque ne perd pas espoir. Selon son expĂ©riencedans les paroisses, des gens rĂ©pondent lorsquâon demandede nouveaux bĂ©nĂ©voles pour faire partie du « comitĂ© vert »afin de devenir un phare sur la question de lâenvironnement.Sur la quarantaine dâĂglises vertes qui font partie duprogramme, une vingtaine de celles-ci ont des responsablesdes « comitĂ©s verts » qui sont des ingĂ©nieurs Ă la retraite.Sans oublier les jeunes qui font partie de ces comitĂ©set se crĂ©ent ainsi une place importante dans lâĂglise. â
Sites Ă visiter :
LâĂglise verte est un programme du Centre canadiendâoecumĂ©nisme qui soutient les communautĂ©s chrĂ©tiennesdans lâadoption de meilleures pratiques environnementalesqui touchent lâaction et la sensibilisation environnementales,ainsi quâune spiritualitĂ© chrĂ©tienne plus prĂšs de la crĂ©ation.
Gardiens de la CrĂ©ation est un projet qui offre des outilspour une pastorale de la CrĂ©ation en Ăglise. Cette formedâĂ©ducation relative Ă lâenvironnement se distingue de lasensibilisation de masse par son souci pastoral et ses grandesrĂ©fĂ©rences de la Bible, de la vie des saints et de la liturgie.Câest une rĂ©ponse chrĂ©tienne Ă la crise environnementale(et non pas le sujet de lâenvironnement qui est forcĂ© dans lâĂglise).
Pour aller plus loin...ïżœ
ENTREVUE â13
13
http://egliseverte-greenchurch.ca/vert
Aujourdâhui 40 Ăglises font partie du projet Ă la grandeur du Canada.
Pour conclure, il faut rappeler quâil est important pour chacunet chacune de rĂ©pondre aux besoins des Ăglises pour lesquestions environnementales. Nous sommes partie prenantede la CrĂ©ation et nous avons la responsabilitĂ© de la protĂ©germaintenant et pour lâavenir de ceux et celles qui nous suivront.
PARABOLE REVUE BIBLIQUE POPULAIRE âą SEPTEMBRE - DĂCEMBRE 2013 _ VOL XXIX NO3
http://www.gardienscreation.org/
â DOSSIER14
15
PARABOLE REVUE BIBLIQUE POPULAIRE âą SEPTEMBRE - DĂCEMBRE 2013 _ VOL XXIX NO3
Préliminairesk
saint françois, écologiste du moyen ùge
Maitrise en thĂ©ologie (UdeM)Maitrise en mĂ©tĂ©orologie (UQĂM). Il a Ă©tĂ© enseignant de sciences au secondaire et animateur de pastoralejeunesse. Il a co-Ă©crit Les pages vertes de la Bible (Novalis, 2011) et il a Ă©crit Guide pratique de pastorale de la CrĂ©ation (Novalis, 2013). Il est le directeur du programme Ăglise verte offert par le Centre canadien dâĆcumĂ©nisme.
Norman LĂVESQUE
Dans lâhomĂ©lie prononcĂ©e lors de lâinauguration de son ministĂšre pastoral,le pape François affirmait que tout ĂȘtre humain, quâil soit croyant ou non,doit se comporter comme un gardien de la CrĂ©ation. Qui mieux que saintFrançois dâAssise peut nous inspirer dans lâexercice de cette responsabilitĂ©?
L e 13 mars 2013, jâĂ©tais Ă lâAbbaye Val Notre-Dame afinde la reconnaitre Ă titre
dâĂglise verte. Le pĂšre abbĂ© mâa faitvisiter tout le monastĂšre, particuliĂšrementles Ă©lĂ©ments avant-gardistes pourprendre soin de la CrĂ©ation : systĂšmede gĂ©othermie pour le chauffage,fenestration abondante pour faire en-trer la lumiĂšre, utilisation du bois dansla construction, rĂ©cupĂ©ration de lâeauâŠLe bĂątiment est certifiĂ© LEED Platine,le plus haut Ă©chelon de certificationenvironnementale. Cependant, notrevisite fut interrompue par un moinevenant annoncer au pĂšre abbĂ© : « LafumĂ©e blanche est sortie de la chapelleSixtine (Ă Rome). » Les moines Ă©taientinvitĂ©s Ă voir en direct sur RDI lespremiĂšres images du nouveau pape.Qui Ă©tait-il? Quel nom choisirait-il? Puis,un visage inattendu sâest prĂ©sentĂ© sur lebalcon : Cardinal Bergoglio. Puis lessecondes interminables pour finalemententendre : « Franciscum ». François, lepape a choisi le nom de François! Noussavions dĂ©jĂ que câĂ©tait en lâhonneurde saint François dâAssise. Quelquesjours plus tard, il expliquait pourquoi ilavait choisi ce nom : « Ainsi est venu lenom, dans mon cĆur : François dâAssise.Câest pour moi lâhomme de la pauvretĂ©,lâhomme de la paix, lâhomme qui aimeet prĂ©serve la crĂ©ation ; en ce momentnous avons aussi avec la crĂ©ation unerelation qui nâest pas trĂšs bonne, non ? »(Pape François, 16 mars 2013)
François, en communionavec la natureEt voilĂ la clef de comprĂ©hension desaint François dâAssise : sa relationavec la CrĂ©ation. Il nâĂ©tait pas Ă©cologistecomme on lâentend aujourdâhui. Maisce quâil avait et que nous devonsretrouver, câest une saine relation avectoutes les crĂ©atures. Il ne cherchait pasĂ sâisoler du monde pour arriver Ă uneunion mystique avec le divin, mais ilconsidĂ©rait que la communion avectous les ĂȘtres Ă©tait un chemin versDieu. Autrement dit, son amour pourDieu le PĂšre lâamenait Ă aimer tout cequâil a crĂ©Ă©. Il nâĂ©tait pas un simpleamateur de plein air qui aime les beauxpaysages; il Ă©tait en communion avecla nature, Ćuvre de Dieu.
Les exemples de relation avec lescrĂ©atures sont aussi surprenants quenombreux. Lâimage la plus rĂ©pandueest celle de sa prĂ©dication aux oiseaux.Un jour, il marchait avec deux frĂšres.Il sâarrĂȘta pour voir un spectacle bienparticulier : des oiseaux de plusieursespĂšces se trouvaient au pied dâunarbre. Il leur dit : « Mes frĂšres lesoiseaux, vous avez bien sujet de louervotre crĂ©ateur et de lâaimer toujours ;Il vous a donnĂ© des plumes pour vousvĂȘtir, des ailes pour voler et tout cedont vous avez besoin pour vivre. Detoutes les crĂ©atures de Dieu, câestvous qui avez meilleure grĂące ; il
ïżœ
Abbaye Val Notre-Dame âą Photo : Rolland ROY
; Présentation des livres p.16
Pour aller plus loin p.17ïżœ
DOSSIER â15
15
vous a dĂ©volu pour champ lâespaceet sa simplicitĂ© ; Vous nâavez ni Ă semer, ni Ă moissonner ; il vousdonne le vivre et le couvert sans quevous ayez Ă vous en inquiĂ©ter. » (Celano)
Ă ces mots, les oiseaux exprimĂšrentĂ leur façon une admirable joie ; ilsallongeaient le cou, dĂ©ployaient lesailes, ouvraient le bec et regardaientattentivement. Finalement, il les bĂ©nit,traça sur eux le signe de la croix et leurpermit de sâenvoler. Saint FrançoisdâAssise, homme dâĂvangile, puisaitconstamment dans la Bible pour inspirerses actions. Dans le cas des oiseaux,le parallĂšle biblique est Ă©vident :Regardez les oiseaux du ciel : ils nesĂšment ni ne moissonnent, ils nâamassentpoint dans des greniers ; et votre PĂšrecĂ©leste les nourrit ! Ne valez-vous pasbeaucoup plus quâeux ? (Matthieu 6, 26)
François, le frĂšre universelAutant que François puise dans lesSaintes Ăcritures, il y a une distinctionqui sâen dĂ©gage. Les textes bibliquesont cette fĂącheuse habitude de glorifierlâĂȘtre humain bien au-dessus de lanature (Gn 1, 28 et Ps 8, 6), commeJĂ©sus souligne au passage que leshumains valent plus que les oiseaux.Au contraire, saint François tente partous les moyens de vivre la fraternitĂ©universelle. Dans sa prĂ©dication auxoiseaux, il dit « câest vous qui avezmeilleure grĂące ». Pour François,lâimportant nâest pas de distinguerconstamment lâĂȘtre humain de lanature, comme si elle Ă©tait une menace,mais que lâhumain reconnaisse saplace dans la nature, en fraternitĂ© avectoutes les crĂ©atures. En tant quâhumbleauteur de cet article, jâavoue ne pasĂȘtre vĂ©gĂ©tarien, mais jâai rĂ©duit maconsommation de viande et jâadmireles moines cisterciens qui le sont.
Cette fraternitĂ© Ă©limine la violence dela prĂ©dation sur dâautres crĂ©atures.Il devient vĂ©gĂ©tarien, ainsi que ses frĂšres.Un jour, il reçoit un agneau en cadeaupour la fĂȘte de PĂąques. Ăvidemment,lâintention Ă©tait de le faire rĂŽtir sur lefeu, mais François trouvait cette idĂ©etrop cruelle. Lâagneau a pu vivre unebelle vie, aidant les frĂšres dans leurstĂąches et participant Ă la priĂšre.
François a aussi Ă©crit le plus beaupoĂšme de langue italienne, le Cantiquedes crĂ©atures : « LouĂ© sois-tu, monSeigneur, avec toutes tes crĂ©aturesâŠLouĂ© sois-tu, mon Seigneur, par sĆurLune⊠par frĂšre Vent⊠par sĆur EauâŠpar frĂšre Feu⊠par sĆur notre mĂšre laTerre. »
Encore une fois, cette louange trouveau moins deux Ă©chos bibliques, preuveque ce saint nâa rien dâun hĂ©rĂ©tique,mais quâil a su actualiser, Ă sonĂ©poque, les paroles de vie contenuesdans la Bible : Louez le Seigneur depuisla terre⊠feu et grĂȘle⊠montagnes etcollines⊠bĂȘtes sauvages et bĂ©tailsâŠ(Ps 148); Ă vous toutes, pluies et rosĂ©es,bĂ©nissez le Seigneur : chantez-le, exaltez-le Ă©ternellement ! Ă vous tous, vents,bĂ©nissez le Seigneur: chantez-le, exaltez-le Ă©ternellement ! (Daniel grec 3, 52-90)
La saintetĂ© de François dâAssise ne serĂ©sume pas Ă sa relation avec toutesles crĂ©atures, aussi inspirante soit-elle,mais Ă sa capacitĂ© Ă ĂȘtre un frĂšreuniversel : frĂšre des pauvres, frĂšre desmalades, frĂšre des Ă©trangers, frĂšre desanimaux. Peu importe le statut socialdâun ĂȘtre vivant, peu impor te saposition dans lâordre de la crĂ©ation,François y voyait une opportunitĂ©de crĂ©er des liens.
Le petit pauvre dâAssise mâa beaucoupinspirĂ©. Jâessaie comme lui dâĂȘtre unfrĂšre universel. En devenant frĂšre desmerles et des grenouilles, jâai rĂ©ussiĂ mâapprocher plus facilement desitinĂ©rants et des malades. De plus, jesuis aussi conscient quâune personnedĂ©munie est la premiĂšre Ă subir lesimpacts des changements climatiques,car elle ne peut pas sâacheter desolutions pour sâadapter. Alors, commentrĂ©duire mon empreinte Ă©cologique?Câest saint François qui dĂ©tient encorela rĂ©ponse : une vie de simplicitĂ©.
Merci Seigneur de nous donnersaint François dâAssise commemodĂšle de chrĂ©tien Ă©cologique!
â
La communion avec tous les ĂȘtres
Ă©tait un chemin vers Dieu. Son amour
pour Dieu le PĂšrelâamenait Ă aimer tout ce quâil a crĂ©Ă©.
Le pape François nous invite Ă ĂȘtre gardien de la CrĂ©ation.
PARABOLE REVUE BIBLIQUE POPULAIRE âą SEPTEMBRE - DĂCEMBRE 2013 _ VOL XXIX NO3
PARABOLE REVUE BIBLIQUE POPULAIRE âą SEPTEMBRE - DĂCEMBRE 2013 _ VOL XXIX NO3
; BIBLIOTHĂQUE16
16
Les pages vertes de la BibleDavid Fines et Norman LévesqueMontréal, Novalis, 2011, 320 p.
Les pages vertes de la Bible prĂ©sentent74 rĂ©flexions Ă caractĂšres bibliques etĂ©cologiques. Ces rĂ©flexions suivent lecalendrier liturgique et invitent Ă unelecture sur une annĂ©e entiĂšre commelivre de chevet ou comme inspirationpour un engagement pastoral. ChaquerĂ©flexion commence par une citation dela Bible, puis une rĂ©flexion thĂ©ologiquepour en venir Ă une actualisationĂ©cologique de ce passage. Ă la fin dechaque rĂ©flexion, le lecteur est exhortĂ©de passer Ă lâaction avec des objectifsĂ rĂ©aliser.
Jonas, le prophĂšte de lâenvironnementDavid FinesMontrĂ©al, Novalis, 2011, 143 p.
Voici un petit livre qui sâinspire duprophĂšte Jonas pour donner Ă rĂ©flĂ©chirsur nos pratiques environnementales.Le meilleur Ă©lĂ©ment de ce livre estlâoriginalitĂ© de sa perspective. Enregardant un texte biblique avec laquestion de lâimportance de lâĂ©cologie,la discussion autour du livre de Jonasva dans des sens nouveaux.
Regards critiques sur la consommationAndré BeauchampMontréal, Novalis, 2012, 96 p.
La cause fondamentale de la criseĂ©cologique est la consommation. Onne peut vivre sans consommer, maispour la sociĂ©tĂ© de consommation, ilne sâagit plus de consommer pourvivre, mais de vivre pour consommer.Le dĂ©fi : se dĂ©faire la sociĂ©tĂ© deconsommation par dâautres choix de vie.
Lâeau et la terre me parlent dâailleursAndrĂ© Beauchamp MontrĂ©al, Novalis, 2009, 224 p.
La question Ă©cologique est une questionspirituelle. LâimmensitĂ© du monde etdu cosmos doit rebondir au fond denous-mĂȘmes et nous forcer Ă dĂ©couvrirlâimmensitĂ© du chemin intĂ©rieur. Laquestion environnementale est techniqueet scientifique, mais aussi une questionĂ©thique et plus profondĂ©ment encore,une question spirituelle qui Ă©branlenos philosophies et nos religions.
Pour lire un peu plus au sujet de lâenvironnement et la spiritualitĂ©,
voici quatre livres québécois écrits par les collaborateurs de ce numéro de Parabole.
Pour vous replonger dans le texte des auteurs, cliquez sur le livre correspondant.
Du mĂȘme auteur : Les psaumes Ă©cologiques, MontrĂ©al, Novalis, 2012.
Du mĂȘme auteur : Environnement et Ăglise, MontrĂ©al, Fides, 2008
Nos origines : GenÚse 1-11Walter VogelsMontréal, Bellarmin, 2000, 228 p.
Walter Vogels propose une remarquableintroduction aux onze premiers chapitresdu livre de la GenĂšse. Il nous faitcomprendre que ces textes dĂ©criventles origines thĂ©ologiques â et non pashistoriques â de lâhumanitĂ©, et quâainsi,ils redeviennent porteurs dâun messagede vie et dâespĂ©rance, et parlent de ceque sont les ĂȘtres humains et desobstacles Ă leur quĂȘte de bonheur.
La terre confiĂ©e Ă lâhumanitĂ©(Gn 1, 26-31)
Comme intendant de cette Terre qui appartient à Dieu, Dieu nous confie des responsabilités:
âą Enlever les obstacles afin que lâhumanitĂ© puisse vivre en paix dans ce pays oĂč coule le lait et le miel;
⹠Travailler à maintenir le cosmos en harmonie de maniÚreà ce que tous puissent y vivre dans la paix et la prospérité;
⹠Promouvoir la justice et la paix dans son Royaume, avoir unepréoccupation pour les faibles, tels les veuves et les orphelins.
Comme personne, comme famille, comme Ăglise, quels sont les pas qui sont accomplis?
La nature, « théùtre de la gloire de Dieu »
La nature est, avec les mots de Jean Calvin, « le thĂ©Ăątre de lagloire de Dieu ». Chaque Ă©lĂ©ment naturel est imprĂ©gnĂ© de laprĂ©sence agissante de Dieu. « Que ta volontĂ© soit faite sur laterre comme au ciel, que nous fassions nĂŽtre le dĂ©sir de Dieudâenchanter le monde et de faire de la terre, comme du restede la CrĂ©ation, un lieu sacrĂ© de la prĂ©sence ineffable de Dieu. »
⹠Je relis le psaume 104. ⹠Je prends le temps de regarder la création autour de moi.
Une telle diversité montre la créativité, la bonté et la sagesse de Dieu.
⹠Je prends conscience des personnes que je cÎtoie, et je les reçois comme des créatures uniques avec leurs talents, leurs qualités, leurs dons.
âą Jâen rends grĂące Ă Dieu!
Pour une spiritualitĂ© chrĂ©tiennede lâenvironnement
« Nous nâavons quâune terre. Nous sommes en alliance avec elle, pour le meilleur et pour le pire. »
âą Je suis invitĂ© Ă dĂ©velopper une spiritualitĂ© de lâenvironnement,Ă contempler la nature, Ă respirer la nature, Ă plonger en ellepour en mieux connaĂźtre et comprendre les harmoniques et labeautĂ©. La nature est au dehors, mais aussi au dedans. Elle estnotre habitat, notre milieu de vie, mais nous en faisons aussi partie.
Quâest-ce que je fais pour cultiver mon jardin tant intĂ©rieur quâextĂ©rieur?
Lâenvironnement Ă la rencontrede la science et de la Bible
Quâest-ce que tu veux que je fasse?Nous pouvons tous nous poser cette question en relation aveclâenvironnement, lâĂ©cologie, la sauvegarde de la crĂ©ation,âŠ
Nous sommes partie prenante de la Création. Nous avons laresponsabilité de la protéger.
Quels sont les pas concrets que je peux réaliser dans macommunauté de vie et de foi?
Quelles sont les actions que nous pouvons poser ensemble?
Saint François, Ă©cologiste du Moyen Ăge
« Saint François dâAssise considĂ©rait que la communion avectous les ĂȘtres vivants Ă©tait un chemin vers Dieu. Son amourpour Dieu lâamenait Ă aimer tout ce quâIl a crĂ©Ă©. (âŠ) Lâimportantpour François est de reconnaĂźtre la place de lâĂȘtre humaindans la nature, en fraternitĂ© avec toutes les autres crĂ©atures. »
Comment est-ce que je vis ma relation avec les autres créatures?
Saint François est un modÚle de chrétien écologique.
Comment puis-je apporter plus de simplicité dans ma vie,plus de fraternité dans mes relations, plus de beauté dansmon quotidien?
ïżœ POUR ALLER + LOIN17
17
PARABOLE REVUE BIBLIQUE POPULAIRE âą SEPTEMBRE - DĂCEMBRE 2013 _ VOL XXIX NO3
02 Walter VOGELS âą pages 4-5
03 David FINES âą pages 6-7
04 André BEAUCHAMP ⹠pages 8-10
05 Norman LĂVESQUE + ThĂ©rĂšse MIRON âą pages 11-13
06 Norman LĂVESQUE âą pages 14-15
Pistes de réflexionFrancine VINCENT
Ces pistes se rattachent au texte de chaque auteur de ce numéro.Pour vous replonger dans le texte des auteurs,
cliquez sur le numéro correspondant.
02
03
05
06
04
Société catholique de la Bible2000 rue Sherbrooke Ouest, Montréal(Québec) H3H 1G4
TrĂšs-Haut, Tout-Puissant et bon Seigneur,A toi les louanges, la gloire, lâhonneur et toutes bĂ©nĂ©dictions!
Loué sois-tu, mon Seigneur, dans toutes tes créatures!Et spécialement pour notre frÚre le soleil, qui nous donne le jour et par qui tu nous éclaires; il est beau et rayonnant.
Loué sois-tu, mon Seigneur, pour notre soeur la lune et pour les étoiles;dans le ciel, tu les as formées, claires, précieuses et belles.
LouĂ© sois-tu, mon Seigneur,pour notre frĂšre le vent, pour lâair et les nuages, le ciel pur et tous les temps.
LouĂ© sois-tu, mon Seigneur,pour notre soeur lâeau; elle est si utile, si prĂ©cieuse et si pure.
Loué sois-tu, mon Seigneur,pour notre frÚre le feu par qui tu illumines la nuit;il est beau, joyeux et fort.
Loué sois-tu, mon Seigneur,pour notre mÚre la terre, qui nous porte et nous nourrit; elle nous donne ses plantes et ses fruits colorés.
Loué sois-tu, mon Seigneur,pour tout ceux qui pardonnent à cause de ton amour.
Louez et bénissez mon Seigneur, rendez lui grùce et servez-le avec beaucoup de simplicité.
Cantique des crĂ©aturesPriĂšre de SAINT FRANĂOIS DâASSISE
Ăglise Sainte-Catherine, BethlĂ©emFrançois dansant avec les oiseauxPhoto : Yves GUILLEMETTE ptre