l'accent gaulois

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Henri d' Arbois de Jubainville L'accent gaulois In: Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 52e année, N. 4, 1908. pp. 272- 274. Citer ce document / Cite this document : Arbois de Jubainville Henri d'. L'accent gaulois. In: Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles- Lettres, 52e année, N. 4, 1908. pp. 272-274. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1908_num_52_4_72236

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Henri d' Arbois de Jubainville (1908)

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Page 1: L'Accent Gaulois

Henri d' Arbois de Jubainville

L'accent gauloisIn: Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 52e année, N. 4, 1908. pp. 272-274.

Citer ce document / Cite this document :

Arbois de Jubainville Henri d'. L'accent gaulois. In: Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 52e année, N. 4, 1908. pp. 272-274.

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1908_num_52_4_72236

Page 2: L'Accent Gaulois

272 SÉANCE DU 24 AVRIL 1908

volonté « au-dessus de lui » (du tombeau) ou « d'elle » (de Raqâs).

« La date de l'inscription répond au mois de juillet de l'année. 267 de notre ère.

« En interprétant cette inscription dans l'article déjà mentionné de la Revue biblique, le P. Jaussen insiste sur l'intérêt paléographique et philologique que présente ce texte étrangement mélangé d'araméen et d'arabe. Il conclut avec raison qu'il émane d'un tamoudéen, comme en fait foi l'inscription tamou- déenne gravée à côté, et dans laquelle apparaît incontestablement le nom de \Abdmanoutou, et probablement celui de Raqâs. »

M. d'Arbois de Jubainville fait une communication sur l'accent gaulois :

« Une loi de l'accentuation latine est que la pénultième longue est toujours accentuée ; il en était autrement en gaulois : Bodiè- casses; plus tard BadiÔcasses , Baibcasses est devenu Bayeux (Calvados); Durècasses, Dreux (Eure-et-Loir); Trîcasses, Troyes (Aube); Vidûcasses, Vieux (Calvados), dans la Gaule septentrionale. Dans la même région et au centre Autessiôdûrum, Auxerre; Briuèdûrum, Briare (Loiret); Diuèdûrum = Dëuèdû- ron, Jouarre (Seine-et-Marne) ; IsarnÔdûrum, Izernore (Ain) ; NemetÔdûrum, Nanterre (Seine) ; Turnodûrum , Tonnerre (Yonne). Le gaulois dûrôs latinisé en dûrum paraît avoir été un thème neutre en -os-, ainsi que semble le prouver la leçon Octô- dûrus [De Belle* gallico, livre III, chap. i, § 4). C'est le dérivé d'un adjectif dûrô-, identique au latin dûrus, et conservé dans l'Irlandais dur qu'on trouve aussi en gaélique d'Ecosse et dont Vu s'est changé en i, suivant la règle, dans le gallois <//>, « fort, certain, sûr», adjectif qui, en breton, est devenu substantif et a pris le sens d' « acier » ; employé substantivement en gallois, dir signifie « force, certitude ». Dans la langue géographique, ce mot en gaulois signifiait «forteresse » et, quant au sens, est comparable au français La Ferté dont on peut relever en France près dé quarante exemples et qui est le cas indirect du latin firmitas, dérivé de firmus.

« Nous citerons dans le Midi, Nemausus « Nîmes », et VHpin-

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SÉANCE DU 24 AVRIL 1908 273

cum, « Gap ». C'est en conséquence de cette règle que Bilûriges est devenu Bourges, bien que Yi de rïges soit long.

« Un des plus anciens exemples de cette prononciation est donné par le manuscrit de Bruxelles 9403, folio 278 verso, qui nous offre le génitif Biturge urhis (voir l'édition Arndt et Krusch, p. 381, ligne 4, note d, et l'édition Collon, p. 119, ligne 23). Ce manuscrit est probablement de la fin du vme siècle ou du commencement du ixe.

« Dans tous ces mots la forme française conserve l'accent gaulois.

« Quelquefois en Gaule, sous la domination romaine, des mots gaulois ont été latinisés; l'influence latine a par exemple atteint dans certains mots le vocalisme; c'est ainsi que bodio- «jaune » (en vieil irlandais buide, aujourd'hui buidhe) a été remplacé par le latin badio-, même sens, dans Bodibcasses devenu BadiÔ- casses , Baiôcasses «Bayeux». De même Ye long du gaulois dëuo, dëua conservé intact par Ptolémée dans le nom, Ar,oua, d'une grande rivière de Bretagne, est devenu i en Gaule dans Divodurum, dans le nom de rivières Dive, et dans Divonne, autre nom de cours d'eau, écrit déjà Divona par Ausone.

« Ces altérations se rencontrent aussi lorsqu'il s'agit de l'accent; c'est ainsi que Nemausus, conservant son accent primitif dans Nîmes, a pris l'accent latin dans Nemours (Seine-et- Marne) ; de même l'accent latin triomphe dans Berry, Bituri- gum pagum, nom de la province de Bourges. x

« De même encore les noms de lieu, dont le second terme est dûnum « forteresse», par û long, en irlandais dûn, gén. dûin et dûine, supposant, le premier, un thème dttno- et le second, un thème dûnos-, en gallois din, ont tous pris l'accent sur l'a long du second terme. Cette modification a été favorisée par l'existence d'un certain nombre de localités qui, s'appelant dûnum, sans premier terme, avaient nécessairement l'accent sur Yu long de ce mot : nous citerons Dun-le-Palleteau (Creuse), Dun-le- Poëlier (Indre), Dun-sur-Auron (Cher), Dun-les-Places (Nièvre), Dun-sur-Grandry (Nièvre), Dun-sur-Meuse (Meuse), Château- dun (Eure-et-Loir). De là, le déplacement de l'accent dans Acitodïïnum « Ahun », EbrodÛn u m « Embrun », EburodÛnum « Yverdun », Lugudùnum « Lyon », Metlodunum « Melun », Noviodûnum « Noyon».

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274 . l'amazone des jardins de salluste

« Pour les mots dont la pénultième est brève, la règle est la même en gaulois qu'en latin, c'est l'antépénultième qui est frappée par l'accent : Argentomâgus « Argenton», Carantomâgus « Cranton », Cassinômagus « Ghassenon », Claudiomâgus « Glion», Mosomâgus << Mouzon», Noiomàgus i Nyons », Novio- mâgus « Nijon », « Noyon », Ratùmagus « Pondron», mieux « Pont-de-Ron » , RotÔmàgus « Rouen » « Pont-de-Ruan » , Turrioma'gus « Tournon » i ».

L'Académie se forme en comité secret pour entendre la lecture du rapport de M. Emile Châtelain sur les travaux des Écoles françaises d'Athènes et de Rome pendant les années 1906-1907 2.

COMMUNICATION

L AMAZONE AU REPOS DES JARDINS DE SALLESTE A ROME, PAR M. PAUL GAUCKLER, CORRESPONDANT DE L'ACADÉMIE.

On construit beaucoup à Rome, en ce moment, au grand bénéfice de l'archéologie. Pour établir sur un fond solide les murs des bâtiments nouveaux qui s'élèvent de tous côtés, il faut aller chercher le tuf ou la pouzzolane sous une épaisse couche de décombres et de remblais, qui atteint souvent une quinzaine de mètres de hauteur. En creusant les tranchées nécessaires aux fondations, on traverse successivement tous les dépôts accumulés par vingt- cinq siècles de civilisation, dont on recueille les épaves.

1. Longnon, Atlas historique de lu France, p. 25-32. L'a était bref, puisqu'il se maintient dans le gallois ma « place », « endroit » et ne devient pas aw comme dans mawr « grand » = mâros par a long.

2. Voir ci-après.