la vie spirituelle - la religiosité allemande
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7/26/2019 La Vie Spirituelle - La Religiosit Allemande
1/90
Source gallica.bnf.fr / Les ditions du Cerf
La Vie spirituelle.
Supplment
http://gallica.bnf.fr/http://www.bnf.fr/ -
7/26/2019 La Vie Spirituelle - La Religiosit Allemande
2/90
La Vie spirituelle. Supplment. 1955/02/15.
1
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LE
SENTIMENT
RELIGIEUX
DU
JEUNE
GTHE
L
ORSQU ON
veut
parler
du
jeune
Gthe,
le
sujet
se
limite
trs
exactement.
La
coupure,
toujours
un
peu
factice,
entre
les
priodes
d une vie,
entre
la
jeu-
nesse et
l ge
mr,
se
symbolise ici
sans
ambigut
par
le
dpart pour
Weimar,
fin
octobre
1776.
Gthe
a
vingt-
sept
ans
depuis
le
28
aot
:
un
Gthe
qui
se
dveloppe
organiquement
partir
d lments
encore
peu
percepti-
bles
dans
le
Gthe
jeune,
mais
qui
prdomineront
bien-
tt.
Nous
sommes
renseigns
sur
Gthe
aussi bien
qu on
peut
l tre
sur
un
grand
homme.
Ses
uvres
de
jeunesse,
lettres,
journaux,
relations
de
voyage,
esquisses,
frag-
ments,
pomes
et
proses
dans
leur
forme
originale,
t-
moignages
de
contemporains, ont
t
publis dans
les
six
in-8
de Max
Morris Leipzig,
1909-1919).
Depuis
cette
date,
quelques indits
sont
venus
s ajouter,
comme
les
prcieuses
lettres
Langer
de
1768-1769,
retrouves
seu-
lement
en 1912,
capitales
pour
notre
propos.
On
a
rpt
satit
le
mot
de
Gthe
dans
ses
m-
moires
:
Toutes
les
choses
que
l on connat
de
moi
ne
sont
que
les fragments
d une
grande
confession1.
Il
faut
pourtant
le citer
encore.
Pas
d crivain
chez
qui
l uvre
soit
plus directement l expression
de la
pense
et
du
sentiment
:
il
n est
que
de
comparer
les
uvres
impri-
mes
aux
ouvrages
qui
n taient
pas
destins la
publi-
cation
pour
constater
leur
intime
concordance.
1.
Dichtung
und
Wahrheit, II,
7
Jubilums-Ausgabe,
t.
23,
pp.
82-83).
-
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De
plus, les
mmoires,Posie
et
vrit,
ont
t crits
pour
relier entre
eux
ces
fragments
pars. Ils embras-
sent
toute
la priode
qui
prcde Weimar.
Les
trois
pre-
mires
parties
furent
rdiges
de
1811
1813
Gthe
avait
donc
entre
soixante-deux
et
soixante-quatre
ans).
Il
reprit
son
uvre
en
1830
et
1831.
On doit
utiliser
ce
document
avec
plus
de
circonspection:
non pas
tant
parce
que
sa
mmoire
risque
de
le
trahir
c est
un
phnomne
connu
que
les
souvenirs
de
jeunesse
prennent
une
particulire
acuit
dans
l esprit
des
vieillards),
mais
pour
des
raisons
plus
directes
:
la
composition
l a
oblig
des
anachro-
nismes,
il
a
parfois projet
des
considrations
actuelles
sur
ces
sentiments
d autrefois,
ou
bien
il
a
dsir
jeter
le
voile
sur
certains
vnements
de
sa
vie, extrieurs
ou
int-
rieurs.
*
Par
tradition
et
convenance
sociale,
Monsieur
le Con-
seiller
Jean-Gaspard
Gthe suit
les
exercices du
culte,
mais
en
fervent
admirateur
de
Frdric
II, il
est
port
au
rationalisme.
Madame Gthe
est
plus sincrement
pieuse.
S il faut
en
croire Bettina Brentano
qui prtend
rap-
porter
ce
que
lui
a
dit
la
mre
de
Gthe,
le
petit
Jean-
Wolfgang
aurait
attach
une
grande
importance
aux
astres
qui doivent avoir
une
influence favorable
sur
sa
destine2.
La vracit
de
Bettina
est
assez
sujette
cau-
tion,
mais
voici
des
textes
de
Gthe
lui-mme.
Aprs
avoir parl
de
la
maison
paternelle
et
du
milieu
de Franc-
fort,
il
voque
le
tremblement
de
terre
de
Lisbonne,
1755:3.
Il
a
six
ans
alors, mais
les
rpercussions
en
sont
longues.
Voici
troubl
l optimisme
des
temps
modernes:
tout
n est
pas
aussi
beau
qu on
l avait
cru
dans
le meil-
leur
des
mondes
et
la
nature
laisse
elle-mme
peut
ap-
porter
l homme
autre
chose
que
des biens. Les
thories
de Leibniz
et
de
Rousseau reoivent
un
rude
coup
:
Dieu
qui
a
cr
et
maintient le
ciel
et
la
terre,
que
l ex-
plication
du
premier article
du
Credo
lui
reprsentait
si
2.
MORRIS,I,p.92.
3.
D.u.W,,I,i,
Jub.,22,pp.
31-32.
-
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sage
et
si
misricordieux
ne
s tait
nullement
montr
paternel
en
livrant
la mme
destruction les bons
et
les
mchants.
En
vain
le
jeune
esprit
cherchait-il
se
re-
prendre
contre
ces
impressions
ce
qui
d ailleurs
tait
d autant
moins
possible
que
les
sages
et
les
exgtes
eux-
mmes
ne
pouvaient
se
mettre
d accord
sur
la
faon
dont
il
fallait
considrer
un
tel
phnomne4.
Et
voici
encore
que
pendant
l t
suivant
un
phno-
mne
naturel
donne l ide
du
Dieu
courrouc de
l Ancien
Testament:
une
grle
accompagne
d clairs
et
de
ton-
nerre
brise
les
vitres
de la
maison
paternelle rcemment
reconstruite
endommage
les
meubles
neufs
et
quelques
livres
prcieux
incident
d autant plus
impressionnant
pour
les
enfants
que
les
domestiques
affols les
entra-
nent
dans
un
couloir
sombre
et
genoux
croient
par
des
pleurs
et
des
cris effrayants
apaiser la
divinit
cour-
rouce.
Si
minime
que
le
fait
apparaisse
il
n en
a
pas
moins
laiss
au
vieillard
une
impression
assez
forte
pour
qu il
croie
devoir
le
rapporter.
Selon
Bettina
cependant alors
qu on
parle de
tous
cts
du
tremblement
de
terre
de
Lisbonne
et
que
l on
ouvre
la
Bible
pour
trouver
des
explications
le
petit
Jean-Wolfgang
est
all
avec
son
grand-pre Textor
couter
un
sermon
o
la
sagesse
du
Crateur
a
t
en
quelque
sorte
dfendue
contre
l humanit
bouleverse.
Son
pre
lui
demande
son
avis. Il
rpond:
A la
fin
tout
doit tre
encore
beaucoup
plus
simple
que
le
pr-
dicateur
ne
le
pense
;
Dieu
doit
bien
savoir
qu aucun
dom-
mage
ne
peut
arriver
l me immortelle
du
fait d un
destin
dfavorable5.
La
Bible
est
un
des
livres
avec
lesquels
l enfant
se
familiarise
le
plus
tt mais
le
protestantisme
teint de
rationalisme
n est
tout
prendre
qu une
sorte
de
sche
morale
qui
ne
peut
satisfaire
ni
l me
ni
le
cur
.
D o
cette
multiplicit
de
sectes
sparatistes
pitistes
Frres
moraves
et autres
croyants
qui
ont pour
tendance
commune
de
chercher
s approcher davantage
de la
divi-
nit
par
le
Christ.
L enfant
entend
discuter les
dissidents
4.
Ibid.
p.
72.
5-MORRIS
I
p.94.
-
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de
la
religion
officielle
qui
lui
paraissent les plus intres-
sants par
leur originalit leur sincrit
leur
indpen-
dance.
Il entend
rapporter
sur
eux
des anecdotes
di-
fiantes
entre autres
celle
d un
ferblantier
qui
pensant
le
confondre
on
a
demand
qui
tait
son
confesseur
et
il
a
rpondu:
Personne
de
moins
que
le
confesseur
du
roi
David.
Le
vieux
Gthe attribue
l influence
de
tels
croyants
le
dsir
prouv
par
le
jeune
garon
d entrer
en
rapports
avec
le
Dieu crateur. La
beaut
du
monde
et
les
biens
multiples
qui
sont notre
part
lui
ont fait oublier
les
mani-
festations de
sa
colre.
Selon le premier
article
du Credo
Dieu
connat
et
aime
la
nature
son
ouvrage
;
il
peut
avoir des
relations directes
avec
l homme
comme
avec
le
reste
de
la
cration
et
veille
sur
lui
comme
sur
le
mou-
vement
des
astres
sur
les
plantes
et
les animaux
ainsi
que
le
disent expressment
certains
textes
de
l vangile.
Aussi
ne
pouvant
concevoir
la
forme
de
cet
tre
l enfant
le cherche-t-il
dans
ses
uvres
et
dcide-t-il
de
lui
dres-
ser
un
autel
la
manire
de
l Ancien Testament.
Des pro-
duits naturels reprsenteront le
monde
;
la flamme
qui
brlera
au-dessus
d eux symbolisera
l me
humaine
qui
aspire
son
Crateur. Sur
un
pupitre
musique
verni
rouge avec
des
fleurs
d or
en
forme
de
pyramide
de-
grs il dispose divers objets
qu il
a
trouvs
dans
la
col-
lection
d histoire
naturelle
de
son
pre.
Nouveau
prtre
et
sacrificateur
il
place
au
sommet
de
petites
bougies
aromatiques
dans
une soucoupe
de porcelaine
puis
il
les
allume
au moyen
d une
lentille
qui
capte
les
rayons
du
soleil.
Mais voici
qu un jour
n ayant
plus
la
soucoupe
sous
la
main
il
met
directement les bougies
la surface
suprieure
du
pupitre
et
les
allume.
Elles
coulent si
piteu-
sement
qu elles
dtriorent
le
beau
vernis
et
les fleurs
d or
en
sorte
qu il
n a
plus
envie
de
recommencer.
On
pourrait
presque
considrer
ce
hasard
comme un
signe
et
un
avertissement
du danger
qu il
y
a en
gnral
vouloir s approcher
de
Dieu
par
de
telles
voies
conclut
le
vieux Gthe6.
Les
mmoires
renferment
un
trs important
passage
sur
les
sacrements.
6.
D.u.
W.
I
i
Jub.
22 pp.
46-49.
-
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Le
culte
protestant,
dit
Gthe,
ne
parvient
pas
crer
une
vritable communaut, et
si
les fidles
s loignent
de
Eglise,
c est
que
le culte
ne
leur
offre
pas
une
vie
sacra-
mentelle
suffisante.
Ils
ne
voient
administrer
le
baptme
qu aux
autres
et
n ont
donc,
en
ralit,
qu un
seul
sacre-
ment
qui
rclame
leur participation active
:
la
Cne. Or
c est--dire qu il tait
le
dpositaire d une
vertu
spirituelle
dont
il
avait
le
libre
usage.
O
il
dit
Arbre
,
Soleil
,
Espace
,
il
y
a
presque
un
arbre,
il
y
a
un
soleil,
u
y
a
un
espace,
crs
l vritablement
par
le
mot
;
puis
dans
notre
souvenir
il
y
a
plus
que
l image
indcise
ou
le
reflet
qu y
aurait
laiss
l arbre,
ou
le
soleil,
ou
l espace
reu
par
nos
sens
et
accueilli
par
nous
seuls;
il
y
a
plus
en
nous
que nos
propres
souvenirs.
Telle
est
la
posie-
Sa
vrit.
Ce
n est
pas un
bercement
de
nos
langueurs,
une
caresse
nos
sentimentalits
suspectes
:
sa
langue
est
une
langue
de
conqute
qui
va
droit
au
but,
comme
une
flche
spirituelle,
o elle
vibre,
une
fois
plante,
en
har
monies
et en
harmoniques
qui
vont
loin,
se
propagent
plus
loin
encore
;
et
l ternit
est
toujours
prsente.
Cette
dynamique puissante (j allais
presque
dire
cette
dynamite)
fait
clater
les
images
et
ne
repose
aucunement
sur
d es-
thtiques
et
plus lentes
beauts
sur
lesquelles
on
pourrait
complaisamment
revenir.
Ce
qui
est
pour
tous
les
autres
potes
de
l Occident
une
fatalit
suppliciante
de
la
poe-
sie:
que
la
beaut
et
les
beauts
s y paississent
dans
les
-
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cpparences
et
s y
prennent, masquant
soudain
de
leur
opacit, de
leur
propre
vidence
trop
souveraine,
trop
pr-
sente,
la
vrit
dont
elles
voulaient
n tre
que
la
pure
image,
non
cela
n est
pas
une
fatalit
pour
le
seul
Hl-
erlin
chez
qui,
au
plus
dense de
l incendie
et
au
plus
fort
du
feu,
la
flamme
la
plus
intense
et
la
plus
fulgurante
est
transparente
encore
assez
pour
laisser
voir
une
autre
flamme,
un
autre
feu.
Et
jamais
la
langue,
pourtant
char-
nelle,
ne
masque
de
sa
chair,
l esprit;
et
jamais
le
nombre,
Pourtant
multiple et
savant
d harmonies
parfoismesurables
et
parfois
pas,
ne
se
chiffre,
dans
l vidence,
au
dtriment
du
nombre
plus
secret
qui le
commande.
Des
racines
pro-
fondes
aux
plus
lgres
fleurs envoles, des
vocations
accomplies
aux
obissances
majeures,
des
htes
sres
et
instantanes
au
dploiement
parfois
troubl
des
richesses,
des
russites
dans
l expression
aux
manquements
provo-
cateurs,
accords
d accords
qui
rpondent
d autres
ac-
cords,
tout
le
dire
est
l,
mais
en
image,
dans
la
ralit
seulement prsente
d une
autre
ralit
plus prsente
en-
core,
plus
insistante
et
de
plus
haut.
Vivante
nigme dans
le
vivant
miroir,
cette
langue
abyssale
dans
sa
verticalit
outenue
brle
comme
une
foudre
le
minutieux
appareil
e
la
syntaxe
et
de
la
grammaire
d un
monstrueux
lan-
gage
qui
avait
oubli,
lui,
de
quoi
il
tait
l image
et
de
QUI
Il
tait
la
parole.
Il
faut
avoir
parcouru
comme
il
m
t
donn
de
le
faire,
il
faut
avoir
pu
mesurer
les
latitudes
intrieures
des
pomes
(ce
qui,
pour
des
raisons
eVldentes, ne
saurait
tre
permis
aux
autochtones) pour
savoir
comme
je
le
sais,
que
leur
centre
de
gravit
n est
pas
,dans
la
langue
o ils
ont
parl
et
qu ils
ont
con-
trH
lt
ou
dans l art,
qu ils
ont
pulvris,
ni
mme
ans
le
cur
de
l homme
qui
les
a
ports,
mais
bien
dans
l A,ame,de.cet
homme.
Et
que
l unique
vertu
de
cet
homme,
cest-a-dlre
son
gnie,
aura
t
outre
l obissance
et
e
gout
respect
de
la
perfection
qui lui
ont
fait
n opposer
que
la
moindre
rsistance
aux dons
qu il
avait
reus
e
faire
et
de
vouloir
de
son
cur,
qu il ft
une
image
ussi
fidle
et
aussi
exacte
que
possible
de
cette
me
qui
vait
affaire
et
qui
n avait
affaire
qu
Dieu.
quarante
annes
de folie
sont
une
cellule
monacale
il
faut
voirla
chambre
minuscule
o
il
les
a
passes),
un
clotre
plus
troit
que
le
plus
clos
des
clotres,
o il
-
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s est
fait
spirituellement quelque
chose qui
ne
peut
tre,
comme
tout
ce
qui
se
fait
sur
terre,
qu une
prparation
ou une
rparation,
et
peut-tre
l une
et
l autre.
Mais
je
regrette
de
ne
pouvoir
admettre
que
la
quantit
et
la
nature
de la
souffrance inimaginable
qui
s y
trouve
in-
cluse
(inimaginable
pour
quiconque
n a
pas,
au
moins,
pratiqu
nuit
et
jour
l agonie
de
ces
quarante
annes)
soient
justiciables
de
la
curiosit
externe
des
mdecins,
pa-
thographes
ou
non. De
mme
qu il
m est
difficile
d admet-
tre,
non
pas en
tant
que
pote seulement mais
en
tant
que
frre
humain,
pour
des
pomes
dont il
m a
fallu
moi
-
mme
hanter
les terribles vertiges,
ctoyer
les
abmes
et
connatre
les
tnbres
blanches,
si
prilleuses
que
n im-
porte
quel
cuistre
intellectuel
puisse
ajuster
sur
eux,
pai-
siblement,
de
derrire
une
table,
sa
critique
et
son
juge-
ment
;
cela
pour
la
raison
trs
simple
et
trs minente
que
cette
critique
et
ce
jugement
ne
peuvent
rien
pour
le
SALUT
que ces
pomes
ont
mis
en cause,
et
donc
rien
en
faveur
de
la
VRIT,
qui
se
moque
des
exactitudes
comme
des
inexactitudes,
et
sur
laquelle
il faut bondir.
Question
d me
et
de
cur,
avant
tout.
La
Posie
est
un
tre,
que
les pauvrets humaines
les
plus
tragiques
et
les
plus
pitoyables
ne
font
que
resplendir d autant
plus;
ce
n est
pas
un
Avoir,
dont
toutes
les
richesses
accumu-
les
ne
constituent jamais
que
le
convoi funbre.
Il
ne
faut pas confondre
les
orfvreries mallarmennes
et val
-
ryques
avec
les
btiments
un peu
moins fignols
peut-
tre, mais combien
plus
ncessaires,
d un
Baudelaire
ou
d un
Rimbaud,
d un
Verlaine
ou
d un Villon,
qui
sont
les
domiciles
de
l me.
Mais
le
lieu
spirituel o devait
se
produire la chose,
pour
Hlderlin, tait
la
langue allemande.
Et
l
est
le
premier
drame.
Car
cette
langue, matresse
et
rgisseuse
des
nations
qui
devaient
recevoir,
pour
son avnementmme
(Luther
n est-il
pas avec
Paracelse,
le
premier
cri-
vain allemand
?)
permission
de
rompre
l unit
catholique
du
monde chrtien, alors
latine
et
romaine,
et
d inaugurer
sur
lui,
dans l immdiate
prolifration
des
sectes,
les
en-
treprises
plurielles
de
la
Rforme
qui
prtendirent
impu-
ter
au
surnaturel
les
abus
tristement
humains
et,
en
corri-
geant
ceux-ci,
redresser
celui-l;
ramenant
les
folies
de la
Croix
aux
limites
extrieures
de
la
raison
hu-
-
7/26/2019 La Vie Spirituelle - La Religiosit Allemande
31/90
aine;
amputant les
saints
de leur
saintet
;
discutant
de
la
Grace;
privant
l homme, dans
son
humilit
de
cra-
ture
1
U
secours
ncessaire
des
sacrements,
pour
l instal-
ler
en
niant
la
plupart
des
mystres,
dans
son
orgueil
dnientiel
d individu
qui
garde
Dieu
sa
porte
et
se
eserve
Ie
ciel
comme
une
rcompense
morale;
bref,
jj
art
le
saint
mystre
des
critures
la
journalire
et
la
domestique
consommation
des
foules
pour
qui
ce
angage,
Que
l intelligence
la plus
haute
peut
peine
ruter,
allait
devenir,
pris
dans
sa forme
la
plus
imm-
iat
0
et
la
plus
apparente,
une
sorte
de
formulaire
fami-
lierr
o
c
h
acun
attrape
ce
qu il
peut et
dont
chacun
fait
Ce
qu il
croit
devoir
faire
;
cette
langue
allemande,
je
je
rpte,
qui
porte
l extrieur
le
signe
peu
discutable
de
son
criture
barbele
qui
brutalise
le
regard
et
arrache
le
fond
de
l il,
et
qui
se
construit,
l intrieur,
l in-
verse
de
l esprit,
avec
le
verbe
moteur
et
tracteurde la
phrase
rejet
derrire
l inerte
masse
du
vocabulaire
en-
as,
command
par
derrire,
avec encore ses
genres
si-
Catlvement
invertis
et
la
mthodique
confusion
orga-
que
de
sa
syntaxe
qui
opte
pour
la
priorit
constante
Ill,e
satlque
de
la
pense,
qui
en
fait
une
matire
tou-
ours
plus
solide
qu on
tisse,
noue,
entrelace
et
paissit
sans
cesse
selon
les
lois
mcaniques
qui fabriquent
plus
de
mots
qu elles
n inventent
de choses,
au
point mme
qu il
est
souvent
difficile
et
parfois
impossible
partir
de
l,
prhr
de
cette forme
plus
complique
que
subtile
et
jours
pesamment
oriente
vers
le
bas,
de
rejoindre
la
pense
qui,
l origine,
nanmoins,
tait
esprit;
cette
la
l?ue,
uis-je,
cette
langue
inquitante
dont
l instinct
profond
est
de
se
constituer
un
monde de
soi,
hors
du
r;tnde,
-
dans
cette
zone
du
vide
qu il
faut
bien appeler
l
abtrait
puisque
c est
le
nom que
les philosophies
or-
uetlleuses
donnent
ce
lotissement
de
l enfer
o elles
ont
hte
de
construire
ternellement
le
fantme
de
Babel
q
,
l chafaudage
systmatique
des ides,
oui
cetteangue
qui
a
chang
de
SENS
et
qui
pense
seule
parce
u elle
ne
rflchit
plus
rien,
est
une
sorte
de
monstre
rauque
et
indocile
pour
l esprit
qu elle
n assiste
plusau
c)tnbat,
dont
elle
n est
plus
une
arme
de
rigueur
et
de
VIgueur;et
pour
l intelligence
qui
s y
dbat,
la malheu-
reuse
elle
est
un
pril
constant,
n tant
pour
elle
ni
un
-
7/26/2019 La Vie Spirituelle - La Religiosit Allemande
32/90
moyen
de
contrle
efficace
du
dedans,
ni
une
mesure
spirituelle
exacte
par
le
haut,
comme
peut
l tre
encore
la
langue
franaise
la
plus
abtardie
et
la
moins
cons-
quente.
Spirituellement
lche,
matriellement
fcal,
ce
verbe
contrefait
qui n ouvre
que sur
des
horizons
vagues
et
qui
ne
sont pas
sous
le
mme ciel
que
les
autres
(LA
soleil,
LE
lune
sont
ses
astres),
sera
comme
une
maldic-
tion
sur
le
pote
authentique,
qui
ne
peut
tre
en
ralit
qu un
contemplatif
du
verbe
;
et
l instrument
que
lui
aura
livr
sa
naissance est,
en
vrit, tellement
tratre,
qu il
risque de
lui
tre
mortel. Il
le
lui
a
t
bien
souvent,
hlas Et
si
la
sagesse
avait
le
pouvoir
de
marquer
la
vrit
d une
croix,
combien
de
croix
ne
verrions-nous
pas
dans
les
cimetires
et
sur
les
champs
de
la
mort
:
Tu
par
la
langue
allemande?
La
rage
de
mourir
et
la
rage
de
tuer
sont
les
mmes;
il
faut bien
qu elles
reposent
quelque
part,
quand
on
ne se
contente
pas
de
dsesprer
du
genre humain.
,
Quant
ceux
des vivants
que
cette
pense
intimide
peut-tre
encore,
ou
que
ce
petit
peu
de
vhmence
effraie,
qu ils
se
reportent
donc
aux
quelques
pages
que
consacre
Hlderlin
lui-mme
l Allemagne:
cette
dernire lettre
d Hyprion
dont
la
violence
imprcatoire
est
telle
que
tout
ce
qu on
peut
exprimer
aprs
ressem-
ble
du
sirop
d orgeat.
Ah
ne
prtendez
pas que
j exagre
parce que
se
trou-
vent dranges
de
vieilles
et
tides
habitudes
ou
l ordre
apparent
des
surfaces,
votre
confort
:
tous
les
potes
alle-
mands
qui
s y
sont
tant
soit
peu
aventurs
eux-mmes
nous
le
disent
et
nous
l avouent
obscurment,
du
fond
sans
esprance
de
leur dception,
quand
ils
se
cherchent
l un aprs l autre,
ttons,
de
lointaines patries,
relles
et
mythiques,
quelque
part
dans
l espace
et
dans
le
temps,
n importe o,
mais
ailleurs
:
que
ce
soit dans
le
moyen
ge catholique
et
latin,
ou
l univers
des contes (Novalis.
F.
Schlegel, Wackenroder
et
mme
Tieck,
pour
les
pre-
miers romantiques,
les
uns
superficiellement,
les
autres
plus
profondment)
;
que
ce
soit
la
Grce
schmatique
de
Voss
ou
la
Grce
rve,
le
mythe
grec
de
Hlderlin
;
l Ita-
lie
prsente
ou
passe
(Gthe
mme,
et
Hoffmann,
pour
ne
parler
que
des plus
surprenants,
et
toute
l cole
ro-
maine
des peintres),
le
XVIe
sicle
anglais,
portugais
-
7/26/2019 La Vie Spirituelle - La Religiosit Allemande
33/90
espagnol
Shakespeare
est
littralement
naturalis
allemand
par
la
clbre
traduction
de
W.
Schlegel-Tieck),
IVonenalisme
de
Michaelis,
l exotisme
de
Freiligrath,
le
1
olkslted
etl Allemagne
fictive
du
pass
Herder,
puis
esfrres
Grimm,
entre
autres)
ou
une
Allemagne
future
et
russlenne,
et
rageusement
ambitieuse
de
s imposer
partout
par
la
force
pour
tre
chez
elle
ailleurs,
avec
nim
et
les
nationalistes
qui
la
rvent
et
avec
les
potes
CUlrass
qui
l annoncent
:
Arnt,
Krner,
Ruckert,
etc.
amais
aucun
n est
l aise
hic
et
nunc, dans
son
temps
et
dins
son
lieu;
jamais
aucun,
non
plus,
ne
cherche
la
rit
des
choses,
mais
chacun
plante
ici
ou
l,
peu
im-
pre,
o,
son
rve
ncessaire,
et,
toujours
en
qute
d une
vritde
base
qui
lui
fait
dfaut, bientt
devient
un
zl
erviteur,le
plus
furieux
artisan
du
Mensonge.
i
Cette
effroyable
hcatombe
de
folie
et
de
mort
des
Jeunes
potes
allemands
de
la
seule
re
de
posie
Sturm
und
Drang
et
Romantisme)
que
connurent
les
diffrents
Peuples
de
cette
nation, nous
le
crie
:
C est
la
langue,
la
an
seule
Puisqu elle
est leur seul lien,
qui
leuraura
t
fatale non
point
le
paysage
ou
le
sang,
si
diffrents
de
l,Ua
* ,autre>
potes
aux
grandes
amoureuses);
st
elle
qUI
aura
conduit
l chec
tant
de
tentatives
si
souv
^1*c^fu^es
et
gnreuses;
c est
elle
qui
les
a
prci-
Pites
tous
l abme
ou
jets
dans
les
tnbres froides
et
dangreuses
du
dsespoir.
9uonm excuse
si
j y
mets
quelque insistance,
atterr
u on
7e
soit
Pas
plus
accoutum
s inquiter
de
telles
h
r
)
reitte
spirituelles
pour
comprendre
les
dispositions
parttcuhres
d un
peuple,
remarquables
bien
plus
dans
ls
moiVements
mmes
de
sa
langue maternelle
o il
est
comme
un
enfant
dans
le
ventre
de
sa
mre,
qu il
dforme
en
S Y
formant),
que
dans
les
grands
faits
de
l Histoire,
o
11
est
assurment
bien
plus
un
acteur
remplissant
un
oil
est
assurmentbien
plusun-tcteur
remplissant
un
le,
qu un
auteur,
comme
on
voudrait
le
laisser
croire,
ent
ou
collectivement.
Il me
parat vraiment
aboltque
qu on
ne
s adresse
pour
ainsi
dire jamais
cette
0r.
Ce
spirituelle
et
qu on
se
tienne
toujours aussi
obstin^ ment
dtourn
du
sens
propre
des
langages hu-
TOain
non
pas
de
ce
qu ils
disent,
mais de
ce
qu ils
Sont
1
t,
-
ont
n
fe n?urement
et
uniquement
:
une
mystique
per-
etuelle
qui
remonte
des
choses
Dieu.
Ce
sens
intrieur
-
7/26/2019 La Vie Spirituelle - La Religiosit Allemande
34/90
dtient
pour nous
des
vrits certaines,
et
la
simplicite
souveraine
des
choses
de
l'esprit
lui
appartient.
Btardes
et
aveugles
autant
qu'on
le
voudra,
les
langues
humaines
de
notre
monde
et
de
notre
temps
n'en
portent
pas
moins
la
triple
torche flamboyante
de
leur
origine,
puisqu'elle
sont
d'abord
une
image
directe
du
Verbe crateur,
ce
qu'elles
n'ont
pas
pouvoir
d'oublier
n'tant
pas
libres
comme
nous
le
sommes;
et
puisqu'elles furent ensuite
b-
nies)
et
confirmes,
deux
fois
marques
du
sceau
divin
par
la
Parole
vivante
du
Christ
qui
vint
y
prendre
corps,
et
par
la
mission
qu'elles
reurent
sous
les
langues
de
feu
de
porter
cette
Parole
aux
extrmits
de
la
terre.
Langues
vivantes
de vie,
o
les
mystres
sont
reus
et
ports
V
vants,
sans
prjudice
ni
offense,
et
DOIVENT
l'tre
essen-
tiellement,
donc
en
image
et
non en
simulacre,
irna-
ginerait-on
que
puissent
leur
faire dfaut
les
vertus
spif
tuelles
qui leur
sont
ncessaires
?.
Ah
certes
non,
il
n'est
pas
facile
de
prononcer
qu'une
langue,
mme
mo-
derne,
c'est--dire
au
plus
bas
des
temps, peut
avoir
chang
de
race
;
qu'elle
chemine
l'inverse
de
l'esprit
et
de
son
esprit,
qu'elle
tourne
le
dos
l'esprance
et
que
la
vitesse
de
sa
vitesse
et
le
poids
de
sa
pesanteur,
n'tant
plus
accords
au
vol
et
l'envol
spirituels,
se
prcipitent
au
contraire dans
les
contre-faons tnbreusesdel'ida-
lisme
pur
ettoutes
les
fantomatiques
abstractions
de
l'in-
tellectualit
dsobissante,
que
ne
contrle
et
ne
mesure
aucune ralit
d'en-haut
ou
d'en-bas.
Une langue
d'ortf-
bre,
laquelle des
hordes sombres
sont
soumises.
Le
monde
des
ides
est
un
spectre
fatal
qui
s'tend
toujours
plus,
courant
par
les
dserts
qui
mnent
au
Dmon
;
le
monde
de
la
pense
est
un
jardin toujours
plus
simple,
qui
mne
Dieu.
C'est
le
jardin
de
notre
naissance:
le
jardin
de
la
pauvret.
Nous
le
reconnatrions
nous-mmeS
dans
les
feuillages
de
la
langue
et
ses
fleurs
les
plus
sim-
ples
si
nous
ne
nous
faisions
pas
toujours
plus obstins
ne
regarder
que
les
choses une
fois
tombes,
ne
tenir
que
les
fleurs
coupes
et
les
paroles
une
fois
dites,
quand
ce
qui
compte
est
la
pense
qui mne
ces
choses
venir
et
ces
paroles
parler.
-
Car
pourquoi
la
langue
allemande,
peu
prs
muette
en
posie
au
long
des
sicles,
s'est-elle
mise
parler
tout
coup
si
fort
et
tuer
tant
de
gens?
Pourquoi
pas
de
-
7/26/2019 La Vie Spirituelle - La Religiosit Allemande
35/90
iaints
chezelle,
quand
il
y a
pourtant
nombre
de
catho-
US
en
renouveau
et
de
fervents
contemplatifs? Pour-
uoi
Pas
de
mystique,
au
bout
de
tant
de
mysticit
?
Et
que
dirons-nous,
par
exemple, de
l'ironie romantique
ans
son
vritable
dessein
spirituel,
ce
balancement du
out
nsJes
contradictions
vengeresses? Quel poids de
ec
e
Iertle
et
d'humilit
grave ne nous
faudra-t-il
pas
econnatre
dans
la
pte
de
cette
langue,
pour
laquelle le
itzSCeSt--dire
l'esprit
de
salon
sous
toutes
ses
for-
mes dnissables
et
indfinissables)
aura
t,
plusieurs
Co
neratlons
durant,
considr
par
les meilleures ttes
comme
le
ferment
ncessaire,
le
feu
sacr,
le
feu secret
?
h'
et
9e
serait-ce
pas
cette
inexplicable
absence
d'une
lr
qu
lnterne,
naturelle
et
surnaturelle, dans la
langue
elle
cette
profonde
drision
de
ses
images,
qui
cose
lmplacablement
les
philosophies allemandes
se
on
6r
touJours
en
systme?
s'articuler
au
dehors
-our
faire
masse,
agressivement, contre l'esprance
qu'elles
dsavouent
et
qu'elles
n'ont
pas
en
elles-mmes.
et
T
..e
demande
une
fois
encore:
la
langue
qu'elle
parle
etqui
l'exprime
n'est-elle
pas
comme
la
conscience
sup-
ieure
dune
nation?
Et
n'est-ce
pas
en
remontant
cette
rnee
maternelle,
en
appliquant
sur
elle
sa
pense,
qu'on
Verra
apparatre
les
marques
et
les
signes
spirituels
capa-
ls
de
nous
diriger,
non pour
rsoudre,
mais
pour
poser
il
convient
le
problme
cruel des
cruauts allemandes,
-
dont
l'actualit
qui
n'a
fait que
crotre
avec
les
annes
semble bien
ne
pas
dpendre
de
telle
ou
telle
circonstance
ouomphe(laquelle
ne
vient
gure
que
la
confirmer aprs
trp),
et
dont
les
causes
ne
paraissent
gure,
non
plus,
tre
eXClUsivement
entreposes
dans
ces
caves
peine
biturralnes
de
l'instinct
tout
animal
o
l'on
a
pris
l'ha-
Ile
e
de
vouloir
aller
les chercher. Il
y
a
un
problme
liem
individuel
autant
que
national,
qui
met
en
ause^' 'ndividuel
autant
l'on
veut,leSALUT;etpuis-
profonde
ou,
si
cequi
appartient
aux Csars,
aucu
bien
que
celui-ci
ne
leur appartient
pas,
qu'il n'est
ou
ement
(
elle
n en
reste
pas
moins
habite
des
m-
Ju:c,oses,
et
de
la
mme
faon.
Toujours.
Absolument.
la
fin. Le
cur
est
aussi
grand,
qui commence
s
i0
FS
Sa
terrible
agonie
o le
silence
et
les
affres
et
les
ffroison
ne
connat
pas
tiennent
toute
la
place
et
font
out
le
travail
ncessaire,
tant
immense
tait
la
vertu
de
ie
dontil
avait
t
dou,
et
qui devait
finir;
mais
l iden-
it
nr*]fnc^e
est
la
mme.
Il n y
a
pas
un
jour
qui
ft
la
eiUg
dans
le
temps prtendu
lucide,
et
un
jour
qui ft
le
-
7/26/2019 La Vie Spirituelle - La Religiosit Allemande
50/90
lendemain,
dans
l tat
de
folie;
il
n y
a
vritablement
qu un
seul
combat dont
nous
croyons
apercevoir
les
deux
faces
:
il
y
a
tous
les
jours d une
seule
et
mme vie,
qf1
vont
temporellement
sans
changer
de
sens
de
la
naissance
la
mort.
Mais
sur
l instant
peine
temporel
d un
mo-
ment
spirituel
de
cette
vie
qui fut
son
comble
et
sp
couronne,
son
sommet
et
son
signe
la foudre
spiri,
tuelle
est
tombe.
Noire
ou
blanche?
il
n y
a que
le
signa
taire
qui
l ait
appris,
par
del
l agonie,
quand
tout
ce
gOI
devait tre
fait fut
consomm.
Il
le
sait;
Dieu
le
sait-
Mais
nous
ne
saurons
jamais
si
cette
foudre
instantane
a
t, quoi
que
nous
en
pensions, l clair
de la
colre
oe
celui de
la
piti
de
Dieu.
C est
partir
de
l
que
nous
voyons,
nous,
du
dehors,
-
jusqu au
moment
d un
renoncement
qui
fut
peut-tre
une
paix
s efforcer
pathtiquement
la
raison
d en-bas,
livre elle
seule,
la
pauvre
et
impuissante raison
ht*
maine,
avide
de
ressaisir
ce
verbe
qui
passe
toujours
aO
dessus
d elle,
identique
lui-mme, mais
qui
ne
lu
appartient
plus.
Car
le
contact
d en-haut
n a jamais
t
interrompu
chez
Hlderlin
:
c est
le
contact
d en-bas
qui
a
t
coup. Et
c est aussi
pourquoi
nous
voyons
son
langage,
lentement
dpouill, n offrir
bientt
plus
qu une
sorte
d armature
cruelle
dans
sa
nudit,
de
cette
logique
si
ncessaire
et
impossible
c est
par
le
truchement
de
la
raison
que
se
fait
l incarnation
du
langage
pour
la
pr
sence,
en
nous,
de
son
enseignement),
et
n tre
plOS
qu un
squelette
de
pourquoi,
c est
pourquoi,
parce
que,
donc,
en
effet,
car,
puisque,
or,
si, mais,
pourtant,
et
tou-
tes
articulations
externes
du
raisonnement
qui
s efforce,
mais
ne
peut
pas
prendre.
Un
signe,
dira-t-il
dans
Mnmosyne,
et
qui
n a
pas
de
sens,
voil
ce
que
nous
sommes;
et
presque
nous
avons
perdu
notre
langage
l tranger.
La
Grce
ne
sera
plus
maintenant
que
dans
sa
mmoire
:
c est
le
pays
d a-
lentour,
les
saisons
et
l Esprit
du
Temps
qui
recevront,
dans
sa
folie, le miracle
du souffle
vivifiant.
Et
tout
le
fin
:
Avec
humilit
signe-t-il,
Scardanelli
00
Skardanelli
,
car
depuis
quarante
ans,
il
ne
veut
pitt,
de
son nom.
Frdric
Hlderlin
est
mort.
Une
sorte
de
vrit
revient,
plus
vraie
en
lui
que
la
sienne. Et
qul
sait
?.
-
7/26/2019 La Vie Spirituelle - La Religiosit Allemande
51/90
h
Je
ne
connais
rien,
quant
moi, de
plus
terriblement
aaut,
de
plus atrocement douloureux,
humainement
par-
ant)
que
Ces
pomes
du
pote, rest
pote,
aussi
gnial,
laSSI
Inspir,
mais
o
imperceptiblement
l esprit
de
la
langue
s carte
de la
chair
du
langage,
et
qu il
ne
peut
plu
incarner.
Ce
ne
sont
pas
des
tnbres,
comme on
l a
dit
qii
font
l obscurit
des
derniers
pomes, mais
la
luIere
trop
crue.
La
part
de
l ombre
s vapore.
Aussi
rnl ,a
ceux
qui
aiment
le
mensonge,
et,
serviteurs,
le
au
tipiient
(outre
la
prtention
de
vouloir expliquer
leftut
par
le
bas,
et
le
grand
par
le
petit,
sans
analogie,
ft-ce
avec
des
prcisions
et
des
exactitudes
premptoires
d i
l illusion
de croire
que ces
pomes
de
la
folie
oesent
l aspect
chevel
et
dcousu
qui
convient
nosidesprconues.
Les
pomes
vrais
de la
folie
sont
es
i-uatralns
d colier
bien
sage,
et
qui
riment
classique-
men
Ceux
qu on
nous
a
prsents
comme
tels
sont
des
trae
et des
passages,
saisis
au
vif
de
l esprit
dans
la
tra
empoignade,
avec des
trous
que
la
raison,
qui
C eeal
y
revenir,
n a,
par
la suite,
jamais
pu
combler.
C est
la
aussi
qu il
faut
se
taire.
Les
circonstances,
je
le
rpte,
nous
ne
les
connaissons
jamais
;
et
moins
que
ja-
Mais
Peut-tre
lorsque
leur
vtement
nous
est
familier.
cher:.lS
le
ur
nous
a
appris,
au-dessus
d elles,
que
le
chemln
spirituel
que
Hlderlin
avait
couru
tait
celui
es
hauteurs,
et
que
trs
purement,
quels
que
fussent
es
yrtlges
et
les
prils,
les
errements
et
les
orages
-,
on
grand
courage
s y
est
maintenu
sans
rechercher
le
a
art
d un
abri.
A
dfaut
d une
autre
humilit
qu il
la
Plet-etre
point
connue parce
que son
langage
a
failli
ui
rvler,
il
a
pratiqu
celle,
presque
aussi
infini-
ment
rare,
de
la
totale
fidlit. Ah
certes,
de
cet
humain
ouslsrne,
11
a
sans
doute
acquitt
le
terrible
prix
que
0Usait
Ene
savons
pas
compter
Mais
Dieu
sait
ce
qu il
luiO.
finr
ce
sont
de
pitoyables
prires
que
nous
pouvons
aunt
ac^mettreles
investigations
policires
de
telle
u
tell
me
tre
les
investigations
po
lCleres
de
telle
tatisti
e
science
qui
chafaude
son
monument
sur
des
ie
d
ques
et
des
rapports
,
alors
qu il s agit
de la
iedeqilelquun,
c est
avouer
une
absence
peu
prs
enirenSO
de
charit
On devrait
savoir
mieux
se
sou-
enir
parfoIs,
qu il
ne
nous
est
pas
command
de
savoir,
-
7/26/2019 La Vie Spirituelle - La Religiosit Allemande
52/90
mais
d aimer
;
et
sans
doute
pourrait-on,
pour
le
salut
de
tous
et de
soi-mme,
chapper
plus
souvent
l atroce
superstition
contemporaine
qui
s attache
exclusivement
aux
faits,
c est--dire
aux
dpouilles
et
aux
dchets
de
tout
ce
qui
appartint l esprit,
pour
essayer
de
lire,
avec
lui,l
travers
les
signes qu infatigablement
il
nous
donne.
Non;
les
plus proches de
ceux
qui
sont
grands
ne
sont
pas
ceux
qui
se
sont
trouvs matriellement
approchs
d eux
dans
le
temps
(qui
n a rien
voir
l affaire)
et
moins
encore
ceux qui
se
sont
arms
d prouvettes
et
d ustensiles;
mais
bien
ceux
qui
auront
grandi
semblablement
dans
la
granJ
deur,
ou ceux
qui
se
seront
faits
assez
humbles
de
coeUf
pour
la
deviner. Aux
deux
extrmits
de
l orgueil
:
les
deux
faces
de
l humilit. Et
pour
ceux-l,
qu ils
ne
s arr-
tent
plus
seulement
aux
choses
et
qu une
admiration
ravie
aux
pomes
ne
les
tienne
pas
quittes
Les
grandes
uvres
de la
Posie,
ce
sont
les
potes
eux-mmes,
ces
pantelants.
La vie.
ARMEL
GUERNE.
L
unique
Q
U Y
a-t-il
qui
me
tienne
A la
flicit
ancienne
de
ces
rives
Attach
tellement
que
je
les aime
plus
uema patrie
encore
t
Car tel
en
un
cleste
Esclavage
vendu,
Je
suis
l-bas
o
l Apollon
s est
avanc
En
royal
apparatEt
Zeus,
auprs
d une
jeunesse
immacule
Daigna
descendre
et
fit
natre
des
fils,
Gnration
sacre,
et
des filles
de
lui
Parmi
les
hommes,
le
Suprme.
I.
Extrait
de HLDERLlN,
traduit
par
Armel
GUERNE,
Hymnes,
mgics
et
Autres
pomes
(Mercure
de
France).
-
7/26/2019 La Vie Spirituelle - La Religiosit Allemande
53/90
De
sublimes penses
acoup
sont
en
effet
llies
de
cette
tte
paternelle,
Et
des
mes
grandioses
hez
les
hommes,
venues
de
lui.
J ai
entendu
parler
D Elis
et
d Olympie,
me
suis
Dress
au
sommet
du
Parnasse
Et
sur
les
monts
de
l Isthme,
Et
de
l autre
ct
aussi
Vers
Smyrne
et
au-del
Vers
Ephse
je
suis
all;
Jai
vu
tant
de
beaut
Et
mon
chant
l a
chante
Cette
image
du
dieu, vivante
11
milieu
des
humains
;
pourtant
ous,
dieux
antiques,
et
vous
tous
o
vaillants
fils
des dieux,
Il
en
est
Un
encor
je
l aime
ntre
vous
tous
que
je cherche
l-bas
u
vous
le
retenez,
lui
le
dernier de
votre
race,
ui
le
joyau
de
la maison,
dissimul
Devant
moi
l hte
tranger.
M
A,
ON
souverai
n
et mon
seigneur
0
toi,
mon
Matre
Quoi
donc,
que
tu
sois
demeur
Ulstance
?
Et
l
tandis
que
j allais
j
nterrogeant
parmi les
anciens,
Les
hros
et
,
ie
dieux,
pourquoi
demeurais-tu
DOl,
l cart?
Et maintenant
comble
De
tristesse
est mon me,
omme
si
vous
mettiez,
clestes
tout
votre
zle
mme
Pour
que,
vouant
mon
culte
l un,
Me
fasse
dfaut
l autre.
Le
le
sais
nanmoins,
c est
par
ma
seule
ute.
Car
je
le
suis
bien
trop,
-
7/26/2019 La Vie Spirituelle - La Religiosit Allemande
54/90
0
Christ
attach,
suspendu
toi
Frre
pourtant
de
l Hracls.
Et
intrpidement j avoue,
tu
es
Le
frre
aussi
de
l
vos,
celui
Qui
attela
les
tigres
son
char
Et
s en
fut,
descendant
Jusqu l Indus
Ordonnant
au
culte
joyeux
En
propageant
la
vigne
Et
domptant,
des
peuples,
la
fureur.
Une
pudeur
toutefois
me
retient2
De
comparer
toi
Ces
hommes
qui
sont
de
ce
monde.
Assurment
Je sais, celui
qui
t engendra,
ton
Pre,
Ce mme
qui.
c
AR
jamais
il
ne
rgne
seul.
Et
il
ne
sait
pas
tout.
Toujours
se
lve
Un
quelque
chose
entre
les
hommes
et
lui.
Et c est
par
des degrs
qu il
descend
Le
Cleste
ici-bas.
C est
l Un
cependant
qu est
attach
L amour.
Cette
fois-ci
le
Chant
Du
profond
de
mon
cur
Ne
m est
que
trop
venu,
Mais
je la
veux
tourner
En bien,
ma
faute, aussitt
le
prochain,
Quand
encor
j en
chanterai
d autres.
La
mesure
jamais,
comme
je
le voudrais,
Je
n y
atteins.
Un dieu
pourtant
le
sait
Quand viendra,
ce
que
tant
je
voudrais,
le
meilleur.
Car
tel le
Matre fut,
Cheminant
sur
la
terre,
2.
Es hindert aber
eine
Scham
Mich., dit
le
texte
:
honte
et
pudeur
la fois,
o
la
honte
gnra-
lement
prdomine,
tant
plus
matrielle,
et
plus
spirituelle la pudeur-
(N.d.T.)
-
7/26/2019 La Vie Spirituelle - La Religiosit Allemande
55/90
Un
aigle
prisonnier
s:
Et
beaucoup
qui
le
virent
py
sont
pouvants
Larce
que
de
tout
son
pouvoir ultimement
Le
Pre
et
du
meilleur
de
soi
n
gir
rel
au
milieu
des
humains;
Ut
c
tait
pour
le
Fils
n
grand
tourment
aussi
jusqu
ce
moment
que
rs
le
ciel
il
s en
fut
emport
dans
les
airs;
-
risonniere
de
mme
est
l me
des
hros.
es
potes
il
leur
faut
aussi
Ces
hommes
de
l esprit
tre
des
hommes
de
la
terre.
1802.
-
7/26/2019 La Vie Spirituelle - La Religiosit Allemande
56/90
NOTES
SUR
LA
RELIGION
DE
NOVALIS
I
Tous
nos
penchants
paraissent
n tre
autre
chose
que
religion
applique. Le
cur
semble
tre
en
quel-
que
sorte
l organe
religieux.
Peut-tre
le
produit
le
plus
lev
du cur
productif
est-il
tout
simplement
le
ciel. Lorsque
le
cur,
dtourn
de
tout
objet
re
et
particulier,
n a
plus
quelesentiment
de
lui-mme
et
se
devient
soi-mmeun
objetidal,
cet
instant-
l
nat
la
Religion.
Tous
les
penchants
particuliers
s
fondent
en
un
seul,
dont
l objet
admirable
est
un
Etre
suprieur,
une
Divinit;
c est
pourquoi
la
crainte
sincre
de
Dieu
englobe
toutes
les
sensations
et
touS
les
penchants.
Ce Dieu
naturel
nous
mange,
nous
enfante, nous parle,
nous
duque, nous
possde
amou-
reusement,
se
laisse
consommer,
engendrer
et
enfan-
ter
par
nous;
en un
mot,
il
est
la
matireinfinie
de
notre
activit
et
de
notre
souffrance. Si
nous
faisons
de
notre
bien-aime
un
Dieu
de
cette
sorte,
nous
ob
|
tenons
de la
religion applique.
1
c
IE
fragment
de
Novalis,
que
la
traduction
franaise
est
bien
impuissante
rendre
dans
sa
densit
charnelle,
,
- -
--
-
-
t
nous
mne droit
au
centre
du
difficile problme pos pOl,
l une
des
expriences
religieuses
les
plus
singulires
qtl
soient. cartons
d emble
les
analogies textuelles
qui
pourraient
crer
une
confusion
entre
cette
exprience
e
celles qui
dfinissent
les
paroles
de
saint
Augustin
iftW
-
7/26/2019 La Vie Spirituelle - La Religiosit Allemande
57/90
r
intimo
meo)
ou
de
Pascal (Dieu sensible
au
cur)
1.
Ch
2
Pascal
comme
chez saint Augustin, il
s agit
d un
uble
personnel,
connu
d abord
dans
sa
transcendance
S
50
ue,
et
qui
par
sa
grce
se
rend
sensible
une per-
s06
dontil
devient
le
cur
du
cur.
La relation s ta-
blit
Parce
que
Dieu
la
veut
et
la choisit,
entre
Sa
per-
vonne
et
la
personne
de la
crature.
Chez Novalis, il
n en
va
auPUnement
de
mme:
on
forcerait
peine le
sens
OIral,
du
texte
en
disant qu il
ne
tmoigne
que
d une
note,
celle de la
crature,
et
d un
mouvement,
lequel
non
Seulement
va
de
l homme
vers
Dieu, mais mieux
enre
fait
exister
le
ciel
,
la
religion
,
et
enfin
rn
une
Il
divinit,
un
Dieu
naturel
.
Jamais les langages
astiques
les
plus
ambigus
(Matre Eckart,
par
exemple)
n ont
aussi
radicalement
invers
le
rapport
entre
Dieu
et
a
,
ature.
Jamais
non
plus
on
n est
all
aussi loin
dans
nerltlation
du
sentiment religieux
puisque, ici, Novalis,
Dgrelarserve
du vocabulaire, prsente
l union
de
leu
a
1
me
comme
une
treinte
amoureuse
suivie
de
Ccndit
double,
l me
engendrant
Dieu qui
l engendre.
Cette
tendance
confondre l amour
des
corps
et
l amour
clivivi11
est
constante
chez Novalis, qui
put
y
tre amen
a
fls
Par
la
tradition
pitiste
et
par
le
gnie
propre
de
la
-
pitiste
et
par
le
gnie
propre
de
a
langue
allemande.
Mais
un
autre
caractre
de
son
exp-
vOlnce
Particulire
apparat
dans
ces
lignes
:
le caractre
voloaire>
actif,
de
l acte
religieux
tel
qu il
le
conoit.
est
Par
l
qu il
chappe aux
influences
de
son
duca-
tion
-
qui
l et
naturellement
inclin
une
attitude
e
passIvit
spirituelle
et
d motion religieuse
subie plus
que
voulue.
Par
l
aussi
qu il
se
distingue
de
tout
le
cou-
ant
rornantique
et
laisse
entrevoir
une
orientation
propre,
ernependante
de
tout contexte
d poque,
explicable
seu-
ement
par
un
vcu
Il
immdiat
ou,
comme
disent
les
S)
genuine.
Cette
originalit apparatra
claire-
ment
SI
la
dfinition
de
la
posie
que
donnait
Jean-
e
u
:
Le
vritable
pote
n est
que
l auditeur,
non pas
e
rnaltre
de
ses
personnages
,
nous
confrontons les d-
1.
Cerapproc
h
ement
a
t fait
et
analys
magistralement
par
Char
l
es
u
Bos
ra
^rOC^Cmenta
f*1 *-e*
magistralement
par
Charles
s
L
(,(
Fragments
sur
Novalis
,
in
Le
Romantisme
allemand,
umro
l
t es
Cahiers
du Sud,
1937
et
1949.
Sur
l ensemble
de la
ense;
emeilleur
essai
est
celui de
Maurice BESSET
:
Novalis
et
la
~ee
que
(Aubier,
1947).
-
7/26/2019 La Vie Spirituelle - La Religiosit Allemande
58/90
clarations
de
Novalis
:
Tous
les
hasards
de
notre
vie
sont
des
matriaux dont
nous
pouvons
faire
ce que
nous
vo
Ions.
Ou,
mieux
encore
:
Le
monde
doit tre
tel
que
1e:
le
veux.
Le
monde
a une
capacit
originelle
d tre
anime
par
moi,
de
se
conformer
ma
volont.
Ordonnateur
souverain
de
sa
propre
vie,
crateur
absolu
de
son
univers,
gnrateur
de
Dieu
lui-mme
l homme,
ou
du
moins
le
pote
et,
pour
Novalis,
i
n est
d homme
accompli
que
le
pote
dispose
d un
pouvoir rellement illimit.
Sans
doute
est-ce
l
une
for
mule
extrme d idalisme,
qui
n est
pas
sans
chos
dans
la
philosophie
contemporaine;
mais
en y
annexant
l objet
mme
de
la
religion,
Novalis
en
modifie
la
porte.
Beau-
coup
plus
que
mystique,
son
comportement
spontan
est
de
nature
magique,
et
c est d ailleurs
ce
terme
qu allait
sa
prfrence.
Mais
il
importe
de
bien
comprendre
par
quelles
voies il
a
pris
conscience
de
sa
propre
ambition
intellectuelle
et
spirituelle.
Ces
voies
sont
doubles
et
convergentes
:
d une
part,
les
vnements
de
sa
vie per-
sonnelle,
et
les
surprenantes
leons
qu il
crut
pouvoir
en
tirer;
d autre
part,
le
non
moins trange
encyclopdisme
auquel
le
mena
le
dveloppement
d une
intelligence
cu-
rieuse de
toutes
les
saisies possibles
du
rel.
On
a
peine
imaginer
Novalis
autrement
que sous
les
traits
du
jeune
malade
romantique
aux
longues
boucles,
aux
yeux
de
rve,
dont
on
nous
a
conserv
l effigie.
A
partir
de
cette
image
de
convention,
on
se
reprsente
comme un
roman
quelque
peu
mivre
l histoire,
pourtant
dpourvue
de
toute
navet,
de
ses
amours
avec
Sophie
von
Khn.
Parce
que
cette
jeune
fille,
dont
nous
pouvons
lire
les
lettres
sans
orthographe
ni
intelligence, tait
vrai
-
semblablement
une
petite
oie
blanche,
les
biographes
ont
donn
les
couleurs
de
la
plus plate
idylle
l histoire
de
leurs
fianailles
brutalement
interrompue
par
la
mort
de
Sophie. En
ralit,
celle-ci
compte
trs
peu
dans
l aven-
ture;
et-elle
vcu
seulement
quelques
mois
de
plus,
il
est
probable
que
le
pote
se
ft
dtach
d elle,
du
comme
il
commenait
l tre
et
constern
par
la
sentimentalit
btifiante
de
sa
fiance.
Mais
qui
sait
s il
n et
pas,
au
-
7/26/2019 La Vie Spirituelle - La Religiosit Allemande
59/90
Contraire,per
sist
a difier
autour
du
personnage
rel
ce
yt] 6
dont
la
mort
de
Sophie
prcipita le foisonnement
?
lors
qu'elle
vivait
encore,
il
avait
dj
substitu
la
prara
le
ralit
une
invention
de
son
esprit,
mettant
en
Urlque,
avant
de
le
prononcer,
le
prcepte
de la
transfi-
d'uatlon
volontaire
de
l'existence
vcue. Malade, pris
dese
enfnt
malade,
il
assuma
moins la
tragdie
de
son
e
t-
qu'il
n'imagina,
ds
les
premiers
symptmes
alar-
mant
une
victoire
de
l'esprit
sur
la
banalit
du
deuil.
n
(
Irait
que
la
nature,
en
lui,
ne
cherche pas
se
dfen-
dre
de
la
mortelle
menace;
d'emble,
il bauche
un
geste
e
ransposltion
qui te
l'vnement
imminent
sa
vi
ru-en
Ce
et
en
fait
le
tremplin
d'un
essor
lyrique.
Sophie
est
reante,
lorsque
dj
il
crit
que
la cendre des
roses
terres-
res
est
la
terre
natale
des
roses
clestes
et,
se
dtournant
tir
etre
qu'il
va
perdre,
conoit l'avantage spirituel
qu'il
e
1'e*treQu'il
va
perdre,conoitl'avantage
spirituel
qu'il
tjreracette
sparation
:
Mon imagination
sera assez
ee
Pour
nie
hausser jusqu'aux
rgions
o je
retrouverai
Ce
je
Perds ici.
Il
faut
avouer
que
cette
transfiguration
profclpee
de
la
souffrance
laisse quelques
doutes
sur
la
profondeur
de
la
blessure.
ur
de
la
blessure.
Sophie
morte,
il
ne
s'attarde
pas
la
pleurer.
Le
joUn
i.
ntime
qu'il
rdige
durant les
semaines
suivantes
a
bien
pour
centre
un
lieu
sacr:
la tombe de Sophie.
OlS
ce
n'est
gure d'elle
qu'il
s'agit, c'est d'un
effort
vointaire,
qui
prend
d'abord
la
forme d'une
dcision
de
rulnr
Pour
changer
trs
vite
de
nature
:
l'objet
de
la
rs
Ut)n
disparat
bientt,
et
seul
compte
le
geste,
la
Vol
nte
nue
et
comme
sans
objet
ou
prte
assumer
n'im-
cette
quelle
fin.
Quelques
jours
aprs
son
deuil,
il
a
dj
cett^rase
rvlatrice,
en
rponse
l'aveu qu'il
vient
de
faire
de
son
regret:
Mais je
saisqu'il
est
en
l'homme
Uneforce
qui
entoure de
soins
attentifs,
peut
s'panouir
en
Une
trange
nergie. Qui
ne
sentirait l
autre
chose
qUe
la
lutte
avec une
souffrance
profonde
:
la
jouissance
Tn
Pouvoir
dont
la
souffrance
va
rvler
l'tendue?
ici
r
OIS
semaines
plus
tard,
alors
qu'il
n'espre
plus
re-
oit
r
Sophie
dans
l'au-del
par
un
simple
effet
de
sa
fante
de
mourir,
il
crira
encore
:
Je
me
sens
si libre,
si
()et**-
le
vois
dj clairement
que
sa
mort
a
t
un
hasard
divV1
-
la
cl
de
toutes
choses
une
tape
miraculeuse
p.
i
tenvenue.
N'exagrons rien
:
cette
exaltation
du
-
7/26/2019 La Vie Spirituelle - La Religiosit Allemande
60/90
vouloir
ne
va
ni
sans
rechutes
dans
l abattement
ni
sans
mouvements
contraires
vers
une
acceptation
passive.
Tantt
il
note
des
clairs
d enthousiasme
o la
muIt
plicit des
instants
temporels
se
fond
dans
une
conscience
globale
et
comme
transcendante
ce
sont
les
moments
de
divinisation
tantt
au
contraire
il
se
sent
irrpa-
rablement
prisonnier
du
monde
multiple
et
lourd.
Mais,
quelles
que
soient
les
tapes
de
cette
ascse
sans
rgle,
tI
en
revient
toujours
choisir celles qui
tmoignent
d un
pouvoir
exerc.
Tel
est
le
sens,
souvent
mal
compris
par
les
commentateurs,
de
ce
suicide
auquel
il croit
pou-
voir
se
contraindre. Ce
n est
pas
dans le
Journal,
mais
dans des
notes
un peu
postrieures,
qu il
en
dgager
lui-mme
l intention
secrte:
Le vritable
acte
philosophique
est
le
suicide
;
tel
est
le
commencement
de
toute
philosophie,
le
but de
toutes
les
aspirations
du
disciple
en
philosophie,
cet
acte
seul
rpond
toutes
les
conditions
et
tous
les
caractres
de
l action transcendante.
J ai
pour
Sophie de
la
religion
-
non
pas
de
l amour.
Un
amour
absolu, indpendant du
cur,
fond
sur
111
foi,
est
religion,
L amour
peut,
par
la
volont absolue,
se
muer en
rell
gion.
L troite
union
des deux
mots
volont
et
religion
dsigne
assez
clairement l itinraire
suivi
par
Novalis-
Ce
que
ds
lors il
va
sans cesse nommer
religion,
c est
la
vie
mtamorphose
selon
un
plan
systmatique
de
transfiguration
et
par
un
acte
de
volont,
La
magie
de
Novalis,
ce
pouvoir volontaire
de
transfiguration
du
rel,
n est
pas
seulement
tire
de
5011
exprience
personnelle,
survenue
du
fond
de
lui-mme
pour
apporter
une
issue
une
situation
dramatique.
Le
jeune
savant
tait
parvenu
cette
ambitieuse
attitude
spirituelle
par
d autres
voies,
livresques
celles-ci,
Il
n y
a
pas
de magie
dans
un
univers discontinu,