la prise en charge des personnes âgées dépendantes en

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HAL Id: halshs-00202009 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00202009 Submitted on 16 Jan 2008 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. La prise en charge des personnes âgées dépendantes en Allemagne, Espagne, France, Italie, Royaume-Uni et Suède. Une étude de cas-types Claude Martin, Blanche Le Bihan, Marie-Eve Joël, Anaïs Colombini To cite this version: Claude Martin, Blanche Le Bihan, Marie-Eve Joël, Anaïs Colombini. La prise en charge des personnes âgées dépendantes en Allemagne, Espagne, France, Italie, Royaume-Uni et Suède. Une étude de cas- types. Etudes et résultats, DREES, 2002, pp.1-12. halshs-00202009

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Page 1: La prise en charge des personnes âgées dépendantes en

HAL Id: halshs-00202009https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00202009

Submitted on 16 Jan 2008

HAL is a multi-disciplinary open accessarchive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come fromteaching and research institutions in France orabroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, estdestinée au dépôt et à la diffusion de documentsscientifiques de niveau recherche, publiés ou non,émanant des établissements d’enseignement et derecherche français ou étrangers, des laboratoirespublics ou privés.

La prise en charge des personnes âgées dépendantes enAllemagne, Espagne, France, Italie, Royaume-Uni et

Suède. Une étude de cas-typesClaude Martin, Blanche Le Bihan, Marie-Eve Joël, Anaïs Colombini

To cite this version:Claude Martin, Blanche Le Bihan, Marie-Eve Joël, Anaïs Colombini. La prise en charge des personnesâgées dépendantes en Allemagne, Espagne, France, Italie, Royaume-Uni et Suède. Une étude de cas-types. Etudes et résultats, DREES, 2002, pp.1-12. �halshs-00202009�

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La prise en chargedes personnes âgées dépendantesen Allemagne, Espagne, France,

Italie, Royaume-Uni et Suède :une étude de cas-types

N° 176 • juin 2002

Blanche Le BIHANLapss-ENSPavec la collaboration de Claude MARTIN (Lapss-ENSP),Marie-Ève JOËL et Anaïs COLOMBINI (Legos)

1. Laurence ASSOUS et Pierre RALLE, « La prise encharge de la dépendance des personnes âgées : une com-paraison internationale », Études et résultats, n° 74, juillet2000, DREES.

Réalisée durant l'année 2001 dans six territoireseuropéens d’Allemagne, Espagne, France, Italie,Royaume-Uni et Suède, une étude des modesd’évaluation et de prise en charge de « cas-types »de personnes âgées dépendantespropose une comparaison des réponses concrètesqui leur sont données.Les systèmes de prise en charge de la dépendancede ces différents pays privilégient de façoncommune le maintien à domicile de la personneâgée dépendante, et centrent l'évaluationsur la détermination du besoin d'aide,mais selon des logiques différentes.Ainsi, offrent-ils des paniers de services distinctscombinant ou non soins d'aide à la personneet soins médicaux, soins à domicile et/ou recoursaux centres de jour. La combinaisonentre les prestations en nature et en espèces diffèreégalement (rôle faible des prestations en espècesen Suède et important en Allemagne).Bien qu'il semble difficile de mettreen correspondance des logiques de prise en chargeet des pathologies, surtout pour la dépendancephysique, plus la dépendance des personnesest élevée, plus le nombre d'heuresd'aides attribuées est partout important,excepté en Espagne.Deux principales logiques sous-tendentpar ailleurs l'articulation des financements publicset des contributions de la personne âgéeou de sa famille au paiement des services :le co-paiement (en Suède et au Royaume-Uni)ou l'aide sociale (notamment en Italieet en Espagne).Ces logiques s'appuient sur des modesde prise en compte des revenus et des avantagesfiscaux, également divers selon les pays.En définitive, dans tous les pays– mais particulièrement dans les pays du Sudoù l’offre de soins est plus limitée –, la familledemeure le pivot de la prise en chargede la personne âgée dépendante,même si des alternatives se développent.La reconnaissance du travail de l’aidant se traduitdans certains pays, notamment au Royaume-Uniou en Suède, par des aides financièreset par la prise en compte de ses besoins au momentde l'élaboration du plan d'aide.

es comparaisons européennes dans le do-maine des politiques sociales se concentrentgénéralement sur les dispositifs et leur mise

en œuvre, plutôt que sur les droits individuels desusagers au sein de ces dispositifs, au demeurant peuconnus. Des études comparatives sur la prise en chargedes personnes âgées dépendantes déjà réalisées1 mon-trent que, même si la gamme de services proposés està peu près identique dans chaque pays, la configura-tion des systèmes présente une assez grande variabi-lité, en particulier au plan local. Plusieurs facteurs ex-pliquent cette situation : les différences entre les prin-cipes de protection sociale appliqués dans chaque pays,le degré de décentralisation des dispositifs, l'ampleurdu vieillissement de la population et le rôle de la fa-mille.

Un des principaux obstacles à une comparaisonde l'offre de soins aux personnes âgées dépendantes

L

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ÉTUDES et RÉSULTATS

N° 176 • juin 2002

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LA PRISE EN CHARGE DES PERSONNES ÂGÉES DÉPENDANTESEN ALLEMAGNE, ESPAGNE, FRANCE, ITALIE, ROYAUME-UNI ET SUÈDE : UNE ÉTUDE DE CAS-TYPES

est l'harmonisation des cas traités. Cetteétude, réalisée dans six pays de l'Unioneuropéenne pendant l'année 20012, pro-pose, outre une approche globale des sys-tèmes, une comparaison des droits indi-viduels ouverts à une série de cas de per-sonnes dépendantes. Il s'agit d'analyserles réponses concrètes des pouvoirs pu-blics des différents pays à des situationsconcrètes de dépendance, particulière-ment en termes de panier de services pro-posé. Ce dernier, qualifié en France deplan d'aide, identifie le type de prise encharge (domicile ou établissement) re-tenu, les prestations en espèces verséeset, plus globalement, la contribution fi-nancière de l'usager et des pouvoirs pu-blics, les actes médicaux, les soins d'aideà la personne et l'aide ménagère néces-saires dans telle situation concrète de dé-pendance et de vie.

La méthode retenue est l'analyse desréponses apportées dans les six sites étu-diés à une palette de situations-types dedépendance (encadré 1). Dans chaquepays, les variations territoriales sont im-portantes, soit parce que les dispositifssont, comme en France ou en Italie, sousla responsabilité des collectivités loca-les, soit du fait de l'insuffisance des dis-positions nationales. L'étude porte sur desterritoires : Rome en Italie, Barcelone etla Catalogne en Espagne, le départementd'Ille-et-Vilaine en France, Stockholm enSuède et Münster en Allemagne3. Cettedémarche d'analyse localisée nous in-forme aussi sur les dispositifs nationauxque l'on distinguera en utilisant le nomdes pays, les territoires étant désignés parla ville, la région ou le département.

Les dispositifs de prise en chargede la dépendance :

modalités et principes généraux

■ Des soins d'aide à la personne qui nerelèvent pas toujours des mêmes sec-teurs d'action publique.

La prise en charge d'une personneâgée dépendante nécessite à la fois dessoins médicaux et une aide à la personne,même si les premiers ne sont pas toujoursmentionnés dans le cadre strict des dis-positifs spécifiquement centrés sur ladépendance. Exception faite de la Cata-logne, où les liens sont encore très fai-bles, le dispositif de soins en faveur despersonnes âgées dépendantes passe par

le développement, affiché comme unepriorité, d'une coordination institution-nelle et professionnelle, visant à encou-rager le partenariat entre les deux sec-teurs complémentaires que sont le médi-cal et le social.

Parmi les six pays, trois ont un sys-tème d'assurance maladie (Allemagne,Espagne et France) et deux ont un sys-tème national de santé (Italie etRoyaume-Uni). Le système suédois re-pose sur un financement par la fiscalitélocale et l’assurance maladie. Il existe,dans chacun des pays, une gestionterritorialisée du secteur de la santé :autorités régionales de santé en Italie, enSuède ou au Royaume-Uni, caisses d'as-surance maladie en France ou en Alle-magne, ministère régional de la santé enCatalogne. Ces différents acteurs insti-tutionnels peuvent être amenés à géreraussi les services d'aide à la personne :les organismes de Sécurité sociale enFrance (encadré 2) ou les autorités ré-gionales de santé en Italie (dans le cadredes services de prise en charge « inté-grés » associant l'aide à la personne etles soins médicaux).

Dans les six pays de l'étude, un se-cond niveau territorial intervient, dont lamission est exclusivement centrée sur laprise en charge de la dépendance et l'or-ganisation des services d'aide à la per-sonne : les autorités locales auRoyaume-Uni ; les municipalités enSuède, Italie, Allemagne, Espagne, et ledépartement (Conseil général) en France.

En Allemagne, il existe depuis 1994un système d'assurance soins de longuedurée dont peuvent bénéficier toutes lespersonnes âgées dépendantes. Parailleurs, il existe pour les plus démunisun complément de prestations, en nature,versé par l'aide sociale, gérée elle, au ni-veau municipal4.

■ Priorité au domicile, évaluation in-dividualisée centrée sur la détermina-tion du besoin d'aide, mais selon deslogiques différentes.

Les sites étudiés présentent un prin-cipe d'action commun : l'évaluation in-dividualisée des besoins. Chacune despolitiques élaborées s'organise autour dela gestion par cas et affiche sur le prin-cipe une même priorité, le maintien àdomicile des personnes âgées dépendan-tes. À un moment ou à un autre de la pro-

cédure d'attribution des services ou pres-tations financières, une équipe de profes-sionnels, composée de médecins et/ou detravailleurs sociaux, intervient auprès dela personne âgée afin d'identifier avecprécision ses besoins.

Le besoin d'aide est au cœur des dis-positifs de prise en charge des personnesâgées dans les six pays de l'étude. Par-tout, ces dispositifs visent à identifier lesbesoins de la personne âgée, en repérantles capacités et incapacités à accomplirtel ou tel acte de la vie quotidienne – mar-cher, se déplacer, se lever, s'habiller, fairesa toilette – et en tenant compte de l'en-vironnement social et familial de la per-sonne âgée et de ses pathologies physi-ques et psychiques. Centrées autour dubesoin d'aide, les démarches d'évaluationvarient selon les outils utilisés, la dimen-sion – médicale ou sociale – privilégiée,et le type de professionnels impliqués(encadré 3).

Il existe toutefois des différences quirenvoient à la distinction opérée ou nonet plus ou moins formalisée, entre le ni-veau de besoin et le type d'aide (aideménagère, aide à la personne…). LaSuède et l'Allemagne présentent à cetégard deux cas de figure opposés. L'as-surance soins de longue durée du systèmeallemand distingue trois niveaux de be-soins, auxquels correspondent, de façontrès formalisée, des niveaux de besointhéorique d'aide en temps, auxquels sont

2. Nous avons donc étudié le cas françaisdans le cadre du dispositif de la Prestationspécifique dépendance (PSD). Depuis, laFrance a adopté un nouveau dispositif, l’Al-location personnalisée d’autonomie (APA).

3. Au Royaume-Uni, il est courant dans cetype d’enquête de conserver l’anonymat dessites mentionnés. Nous évoquerons donc « lesite du Royaume-Uni ».

4. L’aide sociale vient en complément de l’as-surance dépendance pour les personnes lesplus démunies. Les critères d’accès sont lessuivants :- les ressources du ménage et des enfants ;- le niveau de besoin : les personnes âgéesles plus démunies peuvent aussi avoir accèsà l’aide sociale lorsque leur besoin d’aide estinférieur au seuil au-dessus duquel les be-soins sont couverts par l’assurance dépen-dance ;- l’existence ou non d’une aide informelle.

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LA PRISE EN CHARGE DES PERSONNES ÂGÉES DÉPENDANTESEN ALLEMAGNE, ESPAGNE, FRANCE, ITALIE, ROYAUME-UNI ET SUÈDE : UNE ÉTUDE DE CAS-TYPES

ÉTUDES et RÉSULTATS

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Cas n°, nom, âge Situation familiale Situation clinique Dépendance1, Monsieur A,89 ans

CélibataireVit avec sa mère

Insuffisance cardiaqueAmputation de la jambe gauche

Aide pour l’hygiène, s’habiller, se déshabiller.Béquille pour se déplacer

2, Madame B,79 ans

VeuveDeux enfants qui habitent loin

Fractures du fémur à répétition Cannes pour se dépalcerDe moins en moins autonome (alitée)Dépressive

3, Madame C,81 ans

VeuvePas d’enfant, pas de réseau social

DiabétiqueAveugle

Partiellement autonome (toilette complète etcuisine difficile seule)

4, Madame D,71 ans

MariéeVit aussi avec sa mèreUn fils à proximité

AlcooliqueFracture du fémur

Autonome pour la plupart des actes quotidiensDépressive et agressiveConjoint fatigué

5, Monsieur E,69 ans

Marié, conjoint autonomeTrois enfants dont une fille àproximité

Hémiplégie et aphasie suite à unaccident cardio-vasculaire

Aides techniques (fauteuil et déambulateur)Partiellement autonome

6, Madame O,68 ans

MariéeTrois enfants dont deux à proximité

Alzheimer Aide jour et nuitConjoint très impliqué dans la prise en charge

7, Monsieur T,88 ans

MariéDeux enfants à proximité

Dégénérescence neurologique Totalement dépendantConjointe déprimée

8, Monsieur P,78 ans

MariéDeux enfants à proximité

AlzheimerConjointe est cardiaque

Aide importante nécessaire, pour Monsieur P maisaussi pour soulager sa femme

9, Madame G,85 ans

Vit chez sa fille (unique et divorcée) Parkinson depuis trois ans Aide nécessaire pour tous les actes quotidiensRefuse de boire

10, Monsieur H,79 ans

Vit seulFils agriculteur en retraite, marié

Début d’Alzheimer, très dépressif Pas de dépendance physique mais laisser-allercomplet

11, Monsieur R,87 ans

MariéUne fille au chômage à proximité

Attaque cardiaque il y a quinze ans Problème pour se déplacerProblèmes de mémoireAide importante nécessaire pour les actesquotidiens

12, Monsieur J,80 ans

Vit avec sa fille et son gendre(à la retraite)

Alzheimer avancé Très dépendantSurveillance continueÉpuisement de sa fille

Méthodologie de l'étude

La construction des cas-types : douze « histoires » de vie

Le choix a été fait de construire les situations à partir des critères pertinents au regard de la politique française en matière de prise en charge des personnesâgées dépendantes. Trois critères principaux ont ainsi été identifiés : les ressources, le niveau de dépendance et l'existence ou non de soutien familial (tableauci-dessous).

Nous nous sommes appuyés sur la grille AGGIR et ses six niveaux de dépendance : la catégorie des GIR 3 /4, qui intègre les cas de dépendance moyennecomprend en France les cas les plus problématiques (malades déambulants, polyarthrite rhumatoïde, maladie de Parkinson, poussées de délire et d'agressi-vité…). En revanche, la catégorie des GIR 1 comprend les personnes âgées les plus lourdement dépendantes, dont les situations ont de fortes chances derecevoir un même type de traitement dans les différents pays étudiés.

Par ailleurs, il s'est avéré essentiel de préciser les conditions familiales de vie de la personne âgée : présence ou non d'un conjoint, voire d'enfants sous lemême toit que la personne âgée, proximité ou non d'enfants. Les relations entre les enfants et les parents, et entre les deux conjoints sont, elles aussi,précisées.

Nous avons choisi de partir des situations cliniques auxquelles sont confrontés quotidiennement les médecins et les travailleurs sociaux des équipes médico-sociales du dispositif de la Prestation spécifique dépendance (PSD). Le médecin coordonnateur de l'équipe médico-sociale (EMS) du département Ille-et-Vilaine nous a en outre aidés à identifier les différentes pathologies mentales et physiques les plus fréquemment rencontrées dans les dossiers traités par lescommissions d'attribution.

Les cas-types se présentent sous la forme de douze « histoires » de vie, retraçant la situation familiale, médicale et mentale de la personne âgée, et insistantsur les difficultés rencontrées dans sa vie quotidienne : difficultés à accomplir les tâches domestiques, les actes d'hygiène et de soins, à se déplacer à l'intérieurou à l'extérieur du domicile, enfin à communiquer avec son entourage. Ces douze « histoires » de vie ont été déclinées selon deux situations économiques,l'une aisée, l'autre plus difficile, détaillant l'ensemble des revenus (salaires, patrimoine, capitaux).

Caractéristiques des douze cas-types1 (tableau).

La sollicitation d'experts dans les six pays de l'étude

Les experts et les réseaux de professionnels mobilisés dans les six pays étudiés nous ont aidés pour traiter les cas-types et identifier les paniers de serviceattribués aux personnes âgées selon leurs situations de dépendance.

Nous tenons à remercier ici les experts responsables des équipes associées à cette recherche : Dr Klaus Telger, Peter Arndt (Allemagne) ; Dr Merce BoadaRovira, Dr Tarraga, Dr Patricio (Espagne) ; Dr Marie-Luce Le Guen (France) ; Mme Aurelia Floréa, Dr Luisa Bartorelli (Italie) ; Pr Bleddyn Davies, M. RobinSaunders (Royaume-Uni) ; Dr Leenarth Johansson (Suède).

Présention résumée des douze cas-types

E•1

1. Seules les principales caractéristiques des douze cas-types apparaissent dans ce tableau. L’encadré 3 reprend de façon plus détaillée six de ces cas.Les douze cas sont développés dans un article de la revue Dossiers Solidarité et Santé à paraître.

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associés des temps réels d'aide à la per-sonne5. On a donc une articulation trèsforte entre niveau de besoin d'aide et typed'aide.

En revanche, le dispositif d'évaluationsuédois est beaucoup moins formalisépuisqu'il est élaboré par les care mana-gers eux-mêmes6. Le niveau de dépen-dance n'est pas explicitement mentionné,l'évaluation porte sur la situation de perted'autonomie et vise à identifier directe-ment le type d'aide et le nombre d'heuresnécessaires. Sont aussi précisés le mo-ment de la journée et la fréquence du be-soin d'aide. Jusqu'à présent informelle etfondée sur la seule expérience et appré-ciation du care manager, la démarched'évaluation mobilise aujourd'hui certai-nes grilles internationales.

Le dispositif français, en s'appuyantsur la grille AGGIR, s'intéresse à la dé-termination du degré de dépendance,c'est-à-dire d'incapacités, lequel s'appa-rente au niveau de besoin dans les autrespays (Suède, Allemagne, Royaume-Uni,Espagne). Dans un deuxième temps, etau cas par cas, l'équipe d'évaluation iden-tifie le type et le nombre d'heures d'aidenécessaires. C'est le moment de la for-mulation du plan d'aide.

Le site du Royaume-Uni présente ence sens un dispositif assez analogue,fondé sur la distinction entre l'étaped'évaluation du besoin d'aide, notion à la-quelle il faut ajouter celle de « risque in-duit par la situation de dépendance » (voirencadré 2), et l'étape de la déterminationdu type d'intervention nécessaire. Mais

la procédure d'évaluation est beaucoupmoins formalisée que dans le cas fran-çais, et le dispositif s'apparente au dis-positif suédois par la marge de manœu-vre et la liberté d'appréciation laissées aucare manager.

Les dispositifs italien et espagnol, en-fin, sont complexes et font appel à demultiples outils internationaux (voir en-cadré 2), dont l'utilisation varie selon lesterritoires, voire même, comme c'est le casà Rome, selon les équipes d'évaluation.Ces grilles visent elles aussi à la détermi-nation du niveau de besoin, qualifié àRome de « degré d'autonomie ». La défi-nition du type d'aide intervient une foisencore dans un deuxième temps. Mais lafaible capacité de l'offre, déterminantepour définir le type d'aide proposé, obligeà une certaine souplesse dans la pratiquedu dispositif et lui confère même une di-mension plutôt aléatoire.

La logique de gestion au « cas parcas » implique aussi de suivre l'évolutionde la situation de dépendance. À Stoc-kholm, les plans d'aide sont établis pourune durée de un à trois mois au bout delaquelle ils sont réajustés. À Münster, ladate de réévaluation des besoins de lapersonne âgée est prévue dès la premièreévaluation. Dans le site du Royaume-Uni,une première visite est effectuée un moisaprès la mise en place du plan d'aide. EnFrance, dans le département d'Ille-et-Vi-laine, les travailleurs sociaux effectuentune à deux visites par an à la personneâgée. Par contre, à Barcelone, comme àRome, le suivi est effectué au cas par cas,sur demande de la famille ou des profes-sionnels intervenant auprès de la per-sonne dépendante.

Éléments recueillis concernant les outils de l'évaluation dans les différents sites

Dans le site du Royaume-Uni, l'évaluation est effectuée par un care manager, qui est souvent untravailleur social ou un psychologue. Le processus d'évaluation repose sur une question : la personneâgée a-t-elle ou non besoin d'aide pour accomplir telle ou telle tâche/activité ? À cela s'ajoute une grilleplus thématique (environnement, santé, vie familiale…) qui permet d'identifier d'une autre façon lesbesoins de la personne âgée et d'évaluer ses conditions de santé physique et mentale. Chaque auto-rité locale élabore librement sa propre grille d'évaluation. Dans le site choisi, deux éléments sont prisen compte : le risque induit par la situation et la complexité des services nécessaires. La procédured'évaluation aboutit au classement en trois niveaux, de dépendance d'une part, de risque encouru parla personne âgée d'autre part.

À Münster, dans le cas de l'assurance soins de longue durée, l'évaluation est réalisée par un méde-cin. Ce dernier utilise une grille d'évaluation qui a été élaborée par une Commission pluridisciplinaireau milieu des années 90. L'évaluation porte sur les actes de la vie quotidienne et l'état de santé de lapersonne âgée. Dans le cas de l'aide sociale, l'évaluation est effectuée par une assistante sociale quiva réutiliser l'évaluation faite par le médecin dans le cadre de l'assurance soins de longue durée.

À Rome, l'évaluation est effectuée par une équipe pluridisciplinaire dirigée par un médecin. Le choixse fait parmi le panel des grilles d'évaluation internationales : la grille ADL (Activities of daily living),Mini Mental State, Clinical dementia rating, Geriatric index of comorbility sont fréquemment utilisées etaccordent une place importante à la dimension médicale (identification des pathologies physiques etpsychiques). De leur côté, les municipalités utilisent leurs propres grilles d'évaluation et s'attachentplus spécifiquement aux conditions de vie de la personne âgée (environnement social et familial, res-sources financières). Le développement du dispositif d'aide à domicile « intégré », fondé sur la déter-mination d'une prise en charge à la fois médicale et sociale, vise à effectuer simultanément ces deuxtypes d'évaluation afin d'assurer une prise en charge cohérente.

En Catalogne, le département du bien être social a mis en place un questionnaire d'évaluation àpartir de différents outils internationaux : l'échelle Barthel qui porte sur les activités quotidiennes (s'ha-biller, se laver …) ; l'échelle Lawton et Brody qui porte sur les capacités à effectuer les activités instru-mentales (téléphone, courses, médicamentation…) ; c'est à partir de la grille Feifer, qui porte sur lescapacités cognitives de la personne âgée, que les personnes âgées sont réparties en niveaux dedépendance.

À Stockholm, le care manager effectue l'évaluation dans le cadre d'une discussion avec la per-sonne âgée. Il peut utiliser les grilles d'évaluation internationales et faire appel à des professionnels dusecteur sanitaire s'il le juge utile.

En France, la grille AGGIR utilisée sur l'ensemble du territoire français pour évaluer le niveau dedépendance de la personne âgée distingue six niveaux de dépendance. Dans le cadre du dispositifPSD, en place au moment de l'étude, les trois premiers niveaux (GIR 1, 2, 3), en termes de plus lourdedépendance, relèvent des dispositifs gérés par les conseils généraux, donc des départements (Presta-tion spécifique dépendance) ; les trois autres (GIR 4, 5, 6) relèvent des dispositifs gérés par les caissesde retraite (attribution d'heures d'aide ménagère). Notons cependant qu'en Ille-et-Vilaine, départementoù les cas-types ont été traités, le conseil général avait déjà étendu la PSD aux cas de GIR 4, lorsquele plan d'aide était supérieur à 30h d'intervention, anticipant la réforme actuelle.

5. Dispositif d’assurance soins de longuedurée en Allemagne :Niveau Besoin théorique d’aideI 46 minutes d’aide à la personne

et 46 minutes d’aide domestiqueII 120 minutes d’aide à la personne et

61 minutes d’aide domestiqueIII 240 minutes d’aide à la personne et

61 minutes d’aide domestiqueTemps effectivement accordé à Münster :I 24 minutes par jourII 57 minutes par jourIII 84 minutes par jour

6. Aucune évaluation en termes de niveau n’aété effectuée au moment de l’évaluation denos cas-types.

E•2

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ÉTUDES et RÉSULTATS

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■ L'organisation de la prise en charge :prestations en nature et en espèces.

On retrouve dans les six sites étudiésdes services qui offrent des prestations denature similaire : services de soins infir-miers, d'aide à la personne, d'aide ména-gère, d'aide technique pour ce qui concernele maintien à domicile ; foyers logements(à l'exception de Rome), maisons de re-traite, centres de jour, hôpitaux gériatriques,établissements psychiatriques pour ce quiconcerne l'accueil provisoire ou permanenten établissement (tableau 1). C'est en fait

la capacité d'offre de services qui diffèred'un territoire à l'autre : à Barcelone et àRome, le nombre d'heures d'aide à domi-cile est plafonné à 3h par semaine dans lepremier cas, 12h dans le second ; latéléalarme n'existe qu'à titre expérimentalà Rome, les aides techniques sont systé-matiques à Münster, en Ille-et-Vilaine oudans le site du Royaume-Uni… Ces écartsde l'offre se traduisent par des combinai-sons de services différentes pour assurer laprise en charge d'une même situation de dé-pendance.

Il existe également dans tous lespays des prestations en espèces (voirtableau 1), affectées ou non, attribuéespour aider à la prise en charge des per-sonnes âgées dépendantes, mais ellesn'occupent pas la même place dans lesdispositifs de prise en charge.

Ainsi, en France, la détermination dupanier de services – du plan d'aide – passenécessairement par la procédure d'attri-bution de la Prestation spécifique dépen-dance (PSD), et depuis 2002 de l'Allo-cation personnalisée d’autonomie (APA).

les prestations en espècesT•01

Financement Destinataires Objectifs Montant

Indennita diaccompagnamenta (Italie)

Administrationcentrale (impôts)

Personnes dépendantes Financement deservices d’aide ourémunération d’unproche

400 euros / mois

Prestations en espècelocales (Italie)

Régions etcommunes

Personnesdépendantes, endessous d’un certainseuil de revenus.

• Financement deservices d’aide ourémunération d’unproche • Réduire le placementen établissement

Fonction des autorités locales

Attendance Allowance/ Invalid care allowance pourles aidants (Royaume-Uni)

Prestationnationale

Personnes de plus de 65ans, handicapées oumalades qui ont besoind’aide

Attribuée comme unsupplément auxrevenus standards(Income Support etretirement pension)

328 euros/mois pour une aide de jouret de nuit 220 euros/mois pour une aide de jourou de nuit

Direct payments (Royaume-Uni)

Autorités locales Personnes handicapéesde moins de 65 ans etdepuis février 2000,personnes âgées deplus de 65 ans

Community Care DirectPayment Act de 1996permet aux autoritéslocales de remplacer lepanier de services parune somme d’argentglobale pour financerles interventionsnécessaires (procédurequi reste marginalepour le moment)

Dépend de l’évaluation des besoins

Prestation spécifiquedépendance (France)

Conseil général • Versée aux personnesâgées dépendantes deplus de 60 ans • Fonction des revenus ; plafond à 950 eurospour une personne seule1590 euros pour uncouple

Attribuée pour financerun plan d’aide

Fonction du niveau de revenus et du niveau de dépendance

Allocation personnaliséed’autonomie (APA),a remplacé la PSDdepuis janvier 2002

Conseil général Versée aux personnesdépendantes de plus de60 ans

Attribuée pour financerun plan d’aide

Montant proportionnel aux revenus,selon le principe du ticketmodérateur.

Assurance dépendance enespèces (Allemagne)

Cotisations Personne âgéedépendante

Assurance soins delongue durée

Niveau I :204 eurosNiveau II :409 eurosNiveau III :665 euros

Ayuda de soporte a lasfamilias con una personamayor discapacitada(Espagne)

Prestationnationale

Famille de la personneâgée dépendante

Aide aux familleshébergeant unepersonne âgéedépendante

240 à 542 euros par mois

Prestation en espèces(Suède)

Prestationnationale

Membre de la famille Ancien système deprise en charge Entre 158 et 476 euros par mois

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LA PRISE EN CHARGE DES PERSONNES ÂGÉES DÉPENDANTESEN ALLEMAGNE, ESPAGNE, FRANCE, ITALIE, ROYAUME-UNI ET SUÈDE : UNE ÉTUDE DE CAS-TYPES

En Suède, la prestation en espècesn'existe plus et le dispositif de prise encharge des personnes âgées dépendan-tes repose uniquement sur la détermi-nation du besoin, l'élaboration du panierde services et son financement par lesservices municipaux. Dans les autrespays, attribution des prestations finan-cières et détermination du panier de ser-vices constituent des procédures indé-pendantes. Ainsi au Royaume-Uni, toutepersonne qui en fait la demande a le droità une évaluation de ses besoins et à ladétermination des services nécessairesà une bonne prise en charge de sa situa-tion. Dans un deuxième temps, les auto-rités locales gèrent la question du finan-cement et calculent la contribution fi-nancière de chacun. Si la personne enbénéficie, l'Attendance allowance (voirtableau 1), dont l'utilisation n'est pascontrôlée, est alors incluse dans le cal-cul des revenus. La situation est la mêmeItalie avec l'Indennita di acompagna-menta. En Catalogne, on retrouve cettelogique du panier de services, les pres-tations en espèce étant destinées auxmembres de la famille qui hébergent à

domicile une personne âgée dépendante.En Allemagne, la personne âgée a lechoix entre une prestation en nature – le dispositif s'apparente alors au sys-tème français – ou à une prestation enespèces. Dans ce dernier cas, la per-sonne âgée ne peut financer un panierde services aussi fourni que si elle faitle choix de la prestation en nature, maiselle bénéficie d'une totale liberté dansl'utilisation de la somme attribuée. Enoutre, la combinaison des prestations estpossible : si la personne âgée fait lechoix d'une prestation en nature et sil'évaluation de ses besoins est supérieureau coût des services attribués, la per-sonne âgée perçoit la différence en es-pèces. Elle peut alors compléter et fi-nancer les services d'aide nécessaires.

Les réponses concrètesdes différents pays

à des situations-types de dépendance

Dans les six pays, la priorité affichéeest le maintien à domicile des personnesâgées, l'institutionnalisation n'étant pro-posée que dans les cas les plus comple-

xes. Plusieurs facteurs interviennent : leniveau de dépendance, la présence ou nond'un aidant informel et sa capacité à par-ticiper aux tâches de « caring », les pos-sibilités d'aide au financement de ces ser-vices.

C'est à Barcelone et à Rome que lesréponses en termes d'entrée en établisse-ment sont les plus fréquentes. Le plafon-nement du nombre d'heures d'aide à domi-cile – 12h par semaine à Rome et 3h à Bar-celone – rend en effet difficile le maintienà domicile des personnes âgées très dépen-dantes dont le besoin d'aide est importantsi elles ne bénéficient pas aussi d'un sou-tien familial important7. Monsieur T (en-cadré 3), évalué très dépendant dans les sixpays et qui ne peut accomplir seul les actesde la vie quotidienne, se voit ainsi propo-ser à Rome un placement en institution. Lechoix de l'institution vise aussi à soulager

les composants du panier de servicesT•02

7. À Barcelone, la question de l’interventiondes pouvoirs publics ne se pose que dans lamesure où aucun membre de la famille nepeut assurer la prise en charge.

Services médicaux Services d’aide à la personne Accueil provisoire en établissementAllemagne(Münster)

- Soins infirmiers- Soins thérapeutiques- Soins psychiatriques

- Soins d’hygiène- Aide ménagère- Aides techniques- Téléalarme- Portage de repas à domicile- Adaptation du logement- Services de Transports

Centre de jourHôpital de jourHébergement temporaire (surtout durant lapériode estivale)

Espagne(Catalogne)

Soins thérapeutiques(logothérapie)

- Soins d’hygiène- Aide ménagère- Téléalarme- Portage de repas à domicile- Adaptation du logement- Services de transports

Centre de jour et Hébergement temporaire trèsfréquent en théorie (mais soumis auxconditions, limitées de l’offre)

France(Ille-et-Vilaine)

- Aides soignantes(SSIAD)- Soins infirmiers- Soins thérapeutiques

- Soins d’hygiène- Aide ménagère- Aide technique- Adaptation du logement- Téléalarme

Centre de jour et hébergement temporaire rares

Italie (Rome) - Soins infirmiers- Visites du médecin- Spécialistes

- Soins d’hygiène- Aide ménagère

Hébergement temporaire en hôpital gériatriqueet centre de jour très fréquent

Site duRoyaume-Uni

Soins infirmiersDémarches médicales àeffectuer sontmentionnées : évaluationmédicale, psychiatrique…

- Soins d’hygiène- Auxiliaire de vie (suivi et soutienmoral)- Adaptations du logement- Téléalarme- Aides techniques

Centre de jour fréquent

Suède(Stockholm)

Soins infirmiers - Soins d’hygiène (pour une période de1 à 3 mois)- Adaptations du logement- Aides techniques- Téléalarme- Portage de repas à domicile- Services de Transports

Centre de jour et hébergement temporaire n’ontpas été « prescrits » pour nos cas-types

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LA PRISE EN CHARGE DES PERSONNES ÂGÉES DÉPENDANTESEN ALLEMAGNE, ESPAGNE, FRANCE, ITALIE, ROYAUME-UNI ET SUÈDE : UNE ÉTUDE DE CAS-TYPES

ÉTUDES et RÉSULTATS

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Madame T qui s'occupe pour le momentde son mari mais peut de plus en plus diffi-cilement assumer cette charge au quotidien.

Dans les quatre autres sites, la capa-cité d'offre de services financés par lespouvoirs publics est plus forte et donneaux équipes d'évaluation davantage demarge de manœuvre dans le choix dumaintien à domicile.

■ Des paniers de services différents se-lon les pays.La combinaison entre soins d'aide à lapersonne et soins médicaux

Les paniers de services ne font pastoujours mention des soins médicaux né-cessaires à la personne. Ils ne sont doncpas toujours « mixtes » (tableau 2). Lecas de Monsieur T, évalué très dépendantphysiquement et psychiquement dans

Six exemples de cas-types étudiés

• Madame B (cas 2), 79 ans, est veuve depuis peu. Elle a beaucoup de mal à se remettre de saseconde opération du col de fémur gauche. En trois mois, sa situation, déjà préoccupante, s'est eneffet fortement dégradée : à nouveau hospitalisée pour une plaie du gros orteil, elle ne marche désor-mais plus toute seule et reste alitée toute la journée. Sur le plan moral, la situation n'est pas meilleureet Madame B souffre de dépression.

• Madame D (cas 4), âgée de 71 ans, est alcoolique. Elle souffre d'insuffisance hépatique avec unecirrhose évoluée. En outre, elle se remet difficilement d'une fracture du col du fémur qu'elle a eu il y aun an. Dépressive, elle est agressive avec son entourage – son conjoint et sa propre mère, elle-mêmedépendante et en attente d'une place en maison de retraite. Elle a besoin d'aide pour faire sa toilette ouse déplacer.

• Monsieur E (cas 5), 69 ans, vit avec sa femme, 73 ans, autonome. Il a eu un accident cardio-vasculaire qui a provoqué une hémiplégie et une aphasie. Six mois après l'accident, les séquellesrestent très incertaines. Monsieur E se déplace avec un déambulateur et utilise un fauteuil roulant.Totalement dépendant juste après son accident, il parvient partiellement à s'habiller seul, peut assurerle passage du fauteuil à la chaise, mais doit être aidé pour s'installer dans son fauteuil le matin. Ilsemble que Monsieur E prenne certains risques dans la mesure où il évalue encore mal le danger : il aainsi tendance à manger trop vite, à se déplacer et se laver trop vite. Madame E est un soutien perma-nent pour son mari. Mais le temps passant, elle montre des signes d'épuisement.

• Madame G (cas 9), 85 ans, habite chez sa fille unique, enseignante dans une petite ville de province.Cette dernière est divorcée et a un fils de 15 ans qui vit avec les deux femmes. Madame G souffre dela maladie de Parkinson depuis maintenant trois ans. Sujette à de fréquents vertiges, elle a fait uncertain nombre de chutes. Son état s'est beaucoup aggravé : elle ne peut plus communiquer et sembleavoir du mal à comprendre ce qu'on lui dit, elle a de fréquents troubles de concentration et ne peut pasprendre ses médicaments toute seule. Elle a aussi besoin de soins quotidiens pour des escarres.Enfin, elle refuse de boire. Son état exige donc une aide dans touts les actes de la vie quotidienne.

• Monsieur H (cas 10) a 79 ans et vit seul dans son appartement. Il montre les signes d'un début demaladie d'Alzheimer : dépressif, il passe ses après-midi au lit, et n'a aucun intérêt pour ce qui l'entoure.Il est certes cohérent et parvient à s'orienter, mais souffre de pertes de mémoire. Son appartement esten très grand désordre, le ménage ne semble jamais fait.

• Monsieur T (cas 7), 88 ans, vit avec sa femme, âgée de 76 ans dans un grand appartement en centreville. Le couple a eu deux enfants, qui ont une bonne situation professionnelle et vivent dans la mêmeville. Cependant, les relations parents-enfants sont assez conflictuelles. Monsieur T souffre de dégé-nérescence neurologique, il est fortement dépendant psychiquement et physiquement : il ne peut effec-tuer aucune activité de sa vie quotidienne seul. Mme T s'occupe de son mari au quotidien. Elle refused'accepter la dégradation des capacités de son mari, ce qui rend la situation très difficile. Elle estd'ailleurs déprimée et suivie par un psychiatre.

tous les pays, permet d'apprécier cesécarts. Dans le site du Royaume-Uni, lepanier de services proposé à Monsieur Tpréconise non seulement des soins infir-miers, mais aussi des démarches médi-cales complémentaires (évaluation psy-cho-gériatrique, contrôle surdité et incon-tinence). À Stockholm, il n'est fait aucunemention des soins médicaux nécessaires.Cela ne signifie en aucune manière quel'état de Monsieur T ne requiert aucuneintervention médicale, mais que la priseen charge médicale est indépendante del'élaboration du panier de services d'aideà la personne. On retrouve ce même prin-cipe à Barcelone. En revanche, à Rome,les soins médicaux sont très présents dansles paniers de services, mais selon unelogique bien différente du cas anglais. Lepanier de services est à la fois médical et

social et la détermination des services né-cessaires est effectuée par la mêmeéquipe. Le développement d'une offre desoins « intégrés », fondée sur une appro-che globale de la personne âgée, donneen effet au plan d'aide une forte dimen-sion médicale. En outre, les actes médi-caux sont pris en charge financièrementen intégralité par la région. Ils sont doncsouvent proposés pour compléter les ser-vices d'aide à domicile financés par lamunicipalité lorsqu'ils s'avèrent insuffi-sants pour répondre aux besoins de la per-sonne âgée.

L'existence de prises en charge mixtes àdomicile et en centre de jour

Le panier de services peut par ailleursassocier des services de maintien à do-micile et un accueil temporaire en insti-tution. Cette combinaison est particuliè-rement fréquente à Rome et à Barcelone.Madame G, atteinte de la maladie de Par-kinson (encadré 3), a par exemple besoind'aide sur le plan physique comme sur leplan psychologique. Elle est aussi unecharge permanente pour sa fille. Lemaintien à domicile est proposé dans lessix pays, mais dans le site du Royaume-Uni, comme à Barcelone et à Rome,l'équipe d'évaluation suggère aussi unaccueil en centre de jour ou hôpital gé-riatrique, afin de soulager l'aidant infor-mel et de lui libérer du temps. À Barce-lone, la faible capacité de l'offre renddifficile la mise en œuvre effective decette combinaison domicile/établisse-ment. En Ille-et-Vilaine, le coût du cen-tre de jour est à la charge de l'usager, iln'est donc proposé que dans les situa-tions de revenus élevés.

Une palette plus ou moins variée deservices

Monsieur E, qui souffre d'une apha-sie et de certains troubles suite à son ac-cident cardio-vasculaire, est évaluécomme moyennement dépendant dans lessix pays. À Münster, la très large palettede services proposés est significative descapacités d'offre disponibles : servicesd'aide à la personne, mais aussi soins pa-ramédicaux (ergothérapie, physiothéra-pie, logothérapie), adaptation du loge-ment et aides techniques pour faciliter lesdéplacements de Monsieur E dans sonfauteuil roulant, et enfin transports pu-blics gratuits ainsi que dix trajets en vé-

E•3

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hicules spécialisés. L'Ille-et-Vilaine et lesite du Royaume-Uni viennent endeuxième position si l'on s'intéresse à lavariété des services offerts. À Rome, lavariété existe, mais selon une autre logi-que : il s'agit surtout de combiner plu-sieurs éléments (soins médicaux, soinsd'aide à la personne, accueil temporaireen établissement gériatrique) afin d'orga-niser la meilleure prise en charge possi-ble et de pallier les insuffisances de l'of-fre.

Enfin, deux sites présentent des spé-cificités. Au Royaume-Uni, le panier deservices proposés est très détaillé : ainsil'état de dépendance de Madame G né-cessite des soins infirmiers quotidiens, ½heure de soins d'aide à la personne lematin, ½ h le midi, ½ h le soir, ainsi qu'unportage de repas tous les jours. Dans lesautres pays, le nombre d'heures attribuéà Madame G varie de 1h à 2h30 par jour,mais le détail de l'organisation du tempspassé auprès de la personne âgée n'estpas précisé. À Stockholm, la période d'at-tribution des services est limitée à un,deux, ou trois mois, afin d'ajuster régu-lièrement le panier de services à l'évolu-tion des besoins de la personne. MadameG bénéficie d'une visite quotidienne del'aide à domicile qui assure les soins d'hy-giène, et ce, pour une durée d'un mois.

■ Des logiques de prise en charge enfonction des pathologies difficiles àidentifier.

Il est difficile d'identifier des logiquesde traitement en fonction des pathologiessurtout pour la dépendance physique (ta-bleau 3a). Par contre, l’évaluation des casde dépendance psychique présente unecertaine homogénéité (tableau 3b), à l’ex-ception du cas de Monsieur H, Alzhei-mer léger (cas 10).

L'augmentation du niveau de dépen-dance de la personne âgée doit selon toutelogique entraîner une augmentation desservices proposés. A l'exception de Bar-celone, où l'offre de services très limitéene donne aucune marge de manœuvre auxéquipes d'évaluation, le panier de servi-ces est plus fourni pour les cas de dépen-dance élevée. Mais le type de réponseapportée par les pouvoirs publics pourla prise en charge d'une même situationde dépendance varie selon les pays, ellese structure autour des combinaisons deservices différentes.

En Ille-et-Vilaine, plus la personne estdépendante, plus le nombre d'heuresd'aide à domicile est important. Plus lapersonne est dépendante, plus se pose laquestion de l'accueil en établissement defaçon permanente, avec la situation in-termédiaire de l'accueil en centre de jour

ou de l'hébergement temporaire. Dans lessituations proposées, le cas 1, évaluéGIR 4 (dépendance moyenne), bénéficiede 28h d'aide à domicile, le cas 6 évaluéGIR 1 de 90h d'aide à domicile. Le cas 7,évalué GIR 1/GIR 2 se voit proposer unpanier mixte : aide à domicile / accueilde jour et hébergement temporaire.

Dans le site du Royaume-Uni, l'aug-mentation du niveau de dépendance en-traîne une augmentation du nombre d'heu-res d'aide à domicile. Mais à ces heures peuts'ajouter un accueil hebdomadaire en cen-tre de jour dans les cas de dépendance psy-chique. On retrouve cette corrélation entrel'aide apportée et le niveau de dépendanceà Münster dans le cas de la prestation enespèces (montant alloué plus important)comme de la prestation en nature (nombred'heures plus élevé). Le dispositif est trèsformalisé puisque les correspondances en-tre aide et niveau de dépendance sont défi-nies légalement.

À Stockholm, les niveaux de presta-tions sont davantage liés au type de dé-pendance (physique ou psychique). Lespaniers de services sont relativementhomogènes au sein des deux catégories– dépendants physique d'une part, psy-chique d'autre part.

À Rome, l'augmentation de l'offre deservices obéit à des logiques différentes.

évaluation du niveau de dépendance physique des cas-typesselon les sites

T•03a

évaluation du niveau de dépendance psychiques des cas-typesselon les sites

T•03b

* Voir note 5 page 4 de cet article.

Cas 1 Cas 2 Cas 3 Cas 4 Cas 5France (Ille-et-Vilaine) GIR 3 et 4 GIR 2 GIR 4 GIR 4 GIR 3 et 4Italie (Rome) Partiellement

autonomePartiellement autonome Partiellement

autonomePartiellementautonome

Dépendant

Site du Royaume-Uni Moyennne Haute Moyenne Moyenne MoyenneEspagne (Barcelone) Moyenne Moyenne / haute Modérée Modérée ModéréeAllemagne (Münster)* 1 2 0 1 2Suède (Stockholm) Non précisé Non précisé Non précisé Non précisé Non précisé

Cas 6

Alzheimer

Cas 7

Dégénérescenceneurologique

Cas 8

Alzheimer

Cas 9

Parkinson

Cas 10

Alzheimer léger

Cas 11

Attaque

Cas 12

Alzheimeravancé

France (Ille-et-Vilaine) GIR 1 GIR 1 et 2 GIR 2 GIR 2 GIR 6 GIR 2 GIR 2Italie (Rome) Totalement

dépendantTotalementdépendant

Dépendant Partiellementautonome

Dépendant Dépendant Totalementdépendant.

Site du Royaume-Uni Haute Haute Moyenne Moyenne Moyenne Haute HauteEspagne (Barcelone) Haute Haute Haute Haute Modérée à

MoyenneHaute Haute

Allemagne (Münster)* 3 2 2 2 0 1 2Suède (Stockholm) Non précisé Non précisé Non

précisé Non précisé Non précisé Non

précisé Non précisé

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Puisqu'il existe un plafonnement de l'aideà domicile accordée par les services so-ciaux de la municipalité de Rome. L'ac-cueil en centre de jour, et l'hébergementtemporaire en établissements médicali-sés (financés par le secteur de la santé)sont fréquents, notamment dans les casde dépendance élevée.

La contribution financièrede la personne âgée et de sa famille

Dans chacun des pays, la prise encharge de la dépendance par les pouvoirspublics passe aussi par une aide au fi-nancement du panier de services. Quelle

est alors la contribution financière lais-sée à la personne âgée et comment est-elle évaluée ?

La logique dans laquelle s'inscriventles financements des pouvoirs publicsconduit d'abord à distinguer les catégo-ries de population auxquelles une aidefinancière est apportée (et à quelle hau-teur) et celles à qui une contribution fi-nancière, parfois importante, peut êtredemandée.

■ Deux principales logiques de finan-cement.

Deux principales logiques sous-ten-dent l'articulation des financements pu-

blics et des contributions privées8 : unelogique du co-paiement (Suède,Royaume-Uni) et une logique d'aide so-ciale (Espagne, Italie, France, Allemagnedans le cas de la prise en charge munici-pale). Examinons le cas de Madame C,âgée de 81 ans, veuve depuis six ans etsans enfants (cas 3). Elle souffre de dia-bète et a été évaluée moyennement dé-pendante. Le calcul de la contribution fi-nancière de Madame C a été étudié pourdeux situations financières :

• Pour des ressources très faibles, en-tre 487 et 608 euros par mois, Madame Cn'étant pas propriétaire de son logementet possédant peu de patrimoine mobilier.

logiques de financement : seuils d’intervention et population cibleT•04

1. Calcul de la contribution de l’usager :Bénéficiaire : la participation est fonction des revenus d’activité, du capital mobilier et immobilier, et de l’épargne.Le bénéficiaire doit verser l’intégralité de ses revenus au-delà d’un certain plafond qui est fixé en fonction du type de soins et du type derevenus (d’activité, ou épargne).Enfants du bénéficiaire : Participation des enfants au-delà d’un certain plafond.Le plafond est de 1 253 euros pour l’enfant et de 946 euros pour le conjoint de l’enfant.Pour l’épargne et le capital immobilier, ce plafond est de 11 504 euros.Si le fils ou la fille est l’aidant principal, alors l’obligation alimentaire est annulée.

Logique de financement Seuils d’intervention Population cibleSuède(Stockholm)

Co-paiementContribution proportionnelle aux revenus

L’ensemble de la population

Site duRoyaume-Uni

Co-paiement Barème :- Revenus inférieurs à 567 euros : 24,4 euros- Entre 567 euros et 902 euros : 42,7 euros- Revenus entre 902 euros et 1 152 euros : 67 euros- Revenus 1 152 euros et 1 274 euros : 85,4 euros- Revenus entre 1 274 euros et 1 396 euros : 110 euros- Revenus supérieurs à 1 396 euros : 171 euros

L’ensemble de la population

Italie (Rome) Aide sociale - 725 euros pour personne seule - 829 euros pour un couple - 829 euros pour une personne seule avec Indennita di Acc. - 985 euros pour un couple avec Indennita di Acc.

- Catégories sociales les plusdéfavoriséesCatégories intermédiairesexclues du système de priseen charge

Espagne(Barcelone)

Aide sociale - L’accès ou non de la personne âgée aux prestations dusecteur public est déterminé à partir du calcul de ladifférence entre le coût de la prestation et des revenus de lapersonne âgée, ainsi que des revenus soit des enfants etdu conjoint, soit des membres du ménage- Si les montants de la participation financière qui peut êtredemandée à la personne âgée et à ses enfants excèdent lemontant des prestations attribuées, la personne âgéen’aura pas accès aux prestations du système de protectionsociale

- Catégories les plusdéfavorisées

France(Ille-et-Vilaine)

PSD : Aide sociale

APA : Co-paiement (ticketmodérateur)

- Pour la PSD :915 euros pour une personne seule.1 524 euros pour un couple

- Catégories sociales les plusdéfavorisées

L’ensemble de la populationmais montant proportionnelaux revenus

Allemagne(Münster)

CotisationAide sociale

- Assurance dépendance : aucun critère économique- Aide sociale :- Il n’existe pas de seuils prédéterminés- Le calcul de l’aide se fait à partir d’une soustraction entre :- Les besoins mensuels (loyer, dépenses quotidiennes,besoin spécifiques pour personnes dépendantes) et lesrevenus réels du ménage(1)

- Assurance dépendance : toutle monde- Aide sociale: personnesâgées dépendantes les plusdémunies

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• Pour un revenu mensuel supérieur à1 686 euros par mois (retraite d'environ1 067 euros, pension de reversion de sonmari d'un montant d'environ 457 euroset un revenu de placement d'environ305 euros).

En Suède et au Royaume-Uni, la con-tribution de la personne âgée est propor-tionnelle à ses ressources et au coût du pa-nier de services. Le barème de référenceest établi par les municipalités ou autoritéslocales. Ce principe se traduit au Royaume-Uni par de très importantes variations se-lon le lieu de résidence de la personne âgée.En Suède comme au Royaume-Uni, Ma-dame C participe donc au coût de la priseen charge de sa dépendance.

En Italie et en Espagne, la participa-tion financière des personnes âgées re-pose sur la fixation de seuils de revenuspour la prise en charge des services liésà la dépendance (tableau 4). De fait, à

Rome, cette logique exclut du dispositifles personnes les plus aisées pour tout cequi ne relève pas strictement du secteursanitaire. Les seuils de revenus étant re-lativement bas, des catégories intermé-diaires se voient également exclues dusystème d'aide financière. À Barcelone,il n'y a pas de seuils fixes pour détermi-ner l'accès aux prestations du secteurpublic, mais un calcul complexe en fonc-tion du coût de la prise en charge de lapersonne âgée dépendante, de ses res-sources, ainsi que de celles de sa familleou du ménage. Ce mode de calcul en-traîne, comme à Rome, l'exclusion descatégories sociales intermédiaires etaisées. Si ses revenus sont bas, le coûtdu panier de services de Madame C seraentièrement financé par la municipalitéde Rome ; à Barcelone, elle ne finan-cera par elle-même que le portage de re-pas. Si elle a des revenus élevés, Ma-

dame C financera au contraire intégra-lement les services d'aide à domicile quilui sont nécessaires (tableaux 5 et 6).

Dans le cadre de la PSD, en place aumoment de l'étude, la France est elle aussidans un système d'aide sociale, mais lesseuils d'attribution étant plus élevés, laprestation touche une partie plus impor-tante de la population (voir tableaux 6pour Madame C). Avec l'APA, la presta-tion prend un caractère universel, finan-cée sur le mode du co-paiement au-des-sus d'un certain seuil de revenus, selonle principe du ticket modérateur. Mais,dans le cas de ressources faibles, ellen'entraîne aucune participation financièrede l'usager.

L'Allemagne est dans une situationparticulière puisqu'elle cumule un sys-tème très étendu (celui de l'assurancedépendance) et un système complémen-taire, ciblé sur les populations les plusdémunies, l'aide sociale. Aucun critèreéconomique n'intervient dans l'attributiondes prestations de l'assurance dépen-dance, et aucune contribution financièren'est demandée au bénéficiaire au-delà desa cotisation. En revanche, l'aide socialeest attribuée sur des critères de revenus,et le bénéficiaire (ou ses enfants) doitparticiper à leur financement.

■ Des modes de prise en compte diffé-rents des revenus.

Le calcul de la contribution financièrede l'usager se fait par ailleurs à partir d'un« revenu de référence », dont la définitionvarie en fonction des sites (tableau 7).

Les salaires et pensions sont intégrésau calcul de la contribution de l'usagerou du montant de la prestation attribuée.Au Royaume-Uni, l'Attendance Allo-wance, attribuée en fonction du niveaude dépendance de la personne âgée estaussi considérée comme un revenu. Dansles sites étudiés en Espagne, en France,au Royaume-Uni et en Allemagne, lescapitaux financiers et immobiliers sonteux aussi pris en compte, au-delà d'uncertain seuil pour le site du Royaume-Uni, Münster, et Barcelone (mais seule-ment pour l'épargne) ; et selon un pour-centage fixe pour le capital immobilier àBarcelone. À Münster, il prend aussi encompte le capital mobilier.

panier de services proposé à Madame C dans les différents sitesT•05

contribution mensuelle de Madame C au financement du panier de servicesT•06

Panier de servicesStockholm - Soins d’hygiène : 2 visites par semaine pendant 3 mois.

- Aide technique- Téléalarme

Site duRoyaume-Uni

- 1/2h de soins d’hygiène par jour + 1h de toilette complète par semaine- Téléalarme- Aides techniques- Formation pour pb de vue

Rome - Soins infirmiers pour contrôle glycémie (régulièrement)- 2 h d’aide à domicile par jour- Centre de jour pour personnes dépendantes afin de favoriser socialisation(1 mois 2 fois par an)

Barcelone - 3 h / semaine d’aide à domicile- Portage de repas- Téléalarme- Transports publics régionaux gratuits

Ille-et-Vilaine - 1 h d’aide à domicile par jour pendant la semaine- Téléalarme- Aides techniques

Münster - Soins infirmiers (2h30 par semaine)- Aide ménagère- Aide technique- Transports publics- Véhicules spécialisés

Revenus faibles Revenus élevésStockholm 42 euros 148 eurosSite duRoyaume-Uni

42,69 euros 170,74 euros

Rome Aucune contribution Entre 373,20 et 548,82 eurosBarcelone Aucune contribution pour aide à

domicile ; financement portagede repas. 0,40 euros demandépar repas

- 90 euros par mois pour aide àdomicile- 204 euros par an pour téléalarme- 6 pour repas.

Ille-et-Vilaine Aucune contribution Entre 463,45 et 524,42 eurosMünster Aucune contribution

Uniquement coût du repas.Foyer logement : 6 à 10 euros le m2

par mois.

8. Nous mettons ici de côté le cas de l’assu-rance soins de longue durée du système alle-mand spécifique et déjà abordé.

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Dans certains territoires (Barcelone,Münster, le site britannique, et Stoc-kholm), le calcul du revenu de référenceimplique aussi d'évaluer de façon forfai-taire (à Münster) ou au coût réel, les dé-penses incompressibles de la personneâgée (le loyer, impôts locaux, dépensescourantes, etc.) et de les soustraire auxrevenus pris en compte. Ainsi, dans le sitebritannique, les dépenses dites couran-tes comme la consommation d'eau sontsoustraites des revenus de la personneâgée pour construire le « ResidualIncome ».

Dans certains sites, les revenus de lafamille sont eux aussi étudiés au momentdu calcul de la contribution de l'usager.C'est en Catalogne, où les ressources desenfants sont prises en compte au mêmetitre que ceux de la personne âgée, quela demande de participation financière dela famille est la plus forte. Le niveau derevenus des enfants peut même empêcherune personne âgée dépendante d'avoir

accès aux prestations du secteur public.Le cas de Madame G est ici intéressant(encadré 3). Madame G habite chez safille. Dans les deux situations financièresimaginées, elle a de faibles revenus, maisceux de sa fille changent : dans le pre-mier cas, les ressources sont très faibleset ne seront pas prises en compte au mo-ment du calcul de la contribution finan-cière de l'usager ; dans le second, ses re-venus sont importants, et c'est à elle querevient l'intégralité du financement desservices d'aide à domicile.

Les territoires étudiés en Italie,France et Allemagne constituent des si-tuations intermédiaires. Le recours sursuccession et-/-ou l'obligation alimen-taire existent légalement mais n'y sontpas appliqués de façon formelle et sys-tématique. Ainsi à Rome, l'obligationalimentaire ne s'applique qu'à la de-mande de la personne âgée. A Münstercomme en Ille-et-Vilaine9, la participa-tion de la famille n'est demandée que sila personne âgée bénéficie de l'aide so-ciale.

Pour ce qui concerne les sites suédoiset britannique, les revenus des enfants nesont pas pris en compte. En Suède, enréférence au principe selon lequel toutepersonne doit être autonome financière-ment, c'est au système de protection so-

ciale de fournir aide et assistance à lapersonne âgée dépendante, et non pas àsa famille.

C'est dans le site du Royaume-Unique la gestion des besoins est la plus in-dividualisée puisque seuls les revenus dela personne dépendante sont pris encompte, et non les revenus du ménage.Les capitaux immobiliers et financierscommuns sont divisés en deux pour éva-luer les revenus de la personne concer-née. Même dans la situation où le con-joint perçoit une pension importante etla conjointe n'a jamais travaillé, ce sontses revenus à elle et elle seule qui serontpris en considération au moment de lademande d'aide en cas de dépendance.

■ Des avantages fiscaux également di-vers selon les pays.

L'aide financière apportée par lespouvoirs publics peut aussi être une aideplus indirecte, se présentant sous la formed'avantages fiscaux, le plus souvent dansle cadre de l'impôt sur le revenu. Ainsien France, les personnes dépendantes ouhandicapées bénéficient d'une demi-partsupplémentaire et l'emploi d'une aide àdomicile ouvre à son employeur (donc àla personne âgée) le droit à des déduc-tions fiscales. On retrouve ce principe desréductions d'impôt en Allemagne, en

les revenus pris en compteT•07

9. La Prestation spécifique dépendance est sou-mise à récupération sur succession et donationau-dessus d’un plafond de 45 735 euros ; maiscette récupération, véritable frein à la demandede prestation a été supprimée au moment del’élaboration de la nouvelle prestation, l’Allo-cation personnalisée d’autonomie (APA).

Revenus pris en compte Revenus des enfantsStockholm Revenus d’activités

Capital immobilier dans certaines municipalitésAucune prise en compte

Site duRoyaume-Uni

- Revenu de la personne âgée auquel a été soustrait les taxes d’habitation etfactures courantes- Capital immobilier n’est pris en compte que pour les résidences secondaires- L’épargne est prise en compte au-delà de 17 531 euros.- Au-delà de 28 203 euros montant de participation max.Logique très individualisée : les revenus du conjoint ne sont pas pris encompte.

Aucune prise en compte

Rome - Revenus du ménage- L’épargne n’est pas prise en compte- Propriétés immobilières sont évaluées, le domicile principal n’estgénéralement pas pris en compte

- Revenus des enfants sont examinés. Pasde règles fixes- Obligation alimentaire si la personneâgée le demande

Barcelone - Revenus d’activités- Capital immobilier- Épargne

- Revenus d’activité, capital immobilier,épargne des enfants (et éventuellement duménage)- Obligation alimentaire

Ille-et-Vilaine - Les revenus (pensions, capitaux, biens immobiliers) de la personne âgée oudu couple pour la PSD- Les revenus du ménage pour ce qui concerne l’aide ménagère des caissesde retraite

- Pris en compte pour le calcul du tauxhoraire des caisses lorsque les enfantsvivent avec la personne âgée- Recours sur succession pour la PSD (au-delà de 45 800 euros)

Münster - Pour aide sociale uniquement :- Revenus d’activité- Capitaux mobiliers et immobiliers- Épargne

- Revenus d’activité des enfantsuniquement si revenus de la personneâgée insuffisants pour participer à la priseen charge

Page 13: La prise en charge des personnes âgées dépendantes en

ÉTUDES et RÉSULTATS

N° 176 • juin 2002

Directrice de la publication : Mireille ELBAUM • Rédactrice en chef technique : Anne EVANS • Conseiller technique : Gilbert ROTBART • Secrétaire de rédaction : Marie-Hélène BELLEGOU

• Mise en page : Thierry BETTY • Impression : AIT du ministère de la Santé, de la famille et des personnes handicapéesInternet : www.sante.gouv.fr/htm/publication

Reproduction autorisée sous réserve de la mention des sources - ISSN 1146-9129 - CPPAP 0506 B 05791

LA PRISE EN CHARGE DES PERSONNES ÂGÉES DÉPENDANTESEN ALLEMAGNE, ESPAGNE, FRANCE, ITALIE, ROYAUME-UNI ET SUÈDE : UNE ÉTUDE DE CAS-TYPES

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Suède et en Catalogne mais selon unelogique différente : c'est sur le seul cri-tère de dépendance que les personnesâgées bénéficient de cet avantage. EnFrance, la logique est un peu différentepuisque l'objectif n'est pas d'accorder desréductions d'impôts aux personnes âgéesdépendantes, mais aux personnes quiemploient une aide à domicile, dans lecadre d'une mesure incitative à la créa-tion d'emplois.

Le rôle de la famille dans la prise encharge de la personne âgée

La famille reste dans tous les pays unélément fondamental de l'organisation dela prise en charge de la personne âgéedépendante. À Rome comme à Barce-lone, la possibilité ou non pour la familled'aider le parent âgé est un critère déter-minant au moment de l'évaluation desbesoins. C'est à Barcelone que la con-trainte est la plus forte, l'insuffisance del'offre de services rendant parfois impos-sible toute alternative à la prise en chargefamiliale. Au contraire, en Suède, l'inter-vention de l'État est un devoir, et la fa-mille n'est soumise à aucune obligation.Mais, quelle que soit la logique initiale,les situations sont gérées au cas par cas,et les actions mises en œuvre par les pou-voirs publics visent non seulement à gé-rer les situations de dépendance, maisaussi à répondre aux besoins des aidants.

Si l'on considère les deux principauxtypes d'aidants potentiels, le conjoint etles enfants de la personne dépendante,deux aspects sont en général pris encompte : la capacité de la famille à me-ner à bien ces tâches de soin ; la recon-naissance de cette activité de soins.

■ La capacité de la famille à mener àbien les tâches de soins.

Plus la personne âgée est dépen-dante, plus difficile sera la tâche del'aidant informel. Une solution consisteà soulager la tâche des aidants en leurdonnant du temps libre, du temps de

« répit ». C'est dans ce sens que se dé-veloppe l'accueil en centre de jour dansles sites du Royaume-Uni, de l'Allema-gne, de l'Italie, et de l'Espagne. Dans cesdeux derniers territoires, où l'aide infor-melle reste essentielle, le principe del'hébergement temporaire est particuliè-rement développé, et la solution de l'ac-cueil permanent en institution plus fré-quente. À Rome, il est difficile de déga-ger des règles strictes et c'est la gestionau cas par cas qui permet de trouver dessolutions adaptées. Ainsi, dans le cas deMonsieur T, très dépendant, dont lafemme assume au quotidien les tâchesde soins, l'équipe d'évaluation proposele placement en institution afin de sou-lager Madame T, dépressive et éprou-vant de plus en plus de difficultés à as-sumer la prise en charge. À Barcelone,le recours à l'hébergement temporaire etaux centres de jours est plus théoriqueque réel. En effet, les faibles capacitésde l'offre réduisent considérablement lespossibilités d'accueil. L'aide informellereste la variable clef du dispositif deprise en charge de la dépendance de lapersonne âgée. Les enfants sont systé-matiquement sollicités et ce, quelle quesoit la nature des relations avec leurs pa-rents10. En Ille-et-Vilaine, l'accueil encentre de jour étant très coûteux pourl'usager, l'aide du conjoint apparaît aussiincontournable. Le choix de la concen-tration des heures d'aide à domicile surune ou deux demi-journées permet alorsde donner du temps de repos à l'aidant.À Stockholm, les possibilités de place-ment temporaire des personnes âgéesdépendantes existent (que ce soit en cen-tres de jour, ou dans une maison de re-traite pour accorder un répit à l'aidantprincipal), mais, elles n'ont pas été en-visagées dans les cas proposés.

■ La reconnaissance du travail del'aidant.

Cette reconnaissance se traduit de dif-férentes façons : des aides financières, laprise en compte des besoins de l'aidant au

moment de l'élaboration du plan d'aide,des procédures d'évaluation du stress dela famille, l'attribution de congés.

La rémunération de l'aide apportéepar l'aidant informel constitue un premierniveau de reconnaissance : en France, laPSD, et aujourd'hui l’APA, peuvent êtreutilisées pour rémunérer un proche (àl'exception du conjoint) ; à Münster, lescotisations salariales de l'aidant informelsont payées par les collectivités si l'aideest supérieure à 14h par semaine ; à Bar-celone, les aidants qui hébergent une per-sonne âgée dépendante et n'ont pas re-cours à un centre de jour, peuvent béné-ficier d'une prestation en espèce. C'est làune forme de reconnaissance du travailde soins effectué par les enfants.

Au Royaume-Uni, la réflexion surl'aide informelle est particulièrement for-malisée. Le panier de services est définiaussi en fonction des besoins de l'aidant.Outre l'accueil en centre de jour, lesaidants peuvent bénéficier d'une aide fi-nancière et demander une évaluation deleur besoin au moment de la détermina-tion du panier de services. On retrouvece même principe en Suède : aucune con-trainte ne pesant sur la famille, le panierde services intègre les besoins de l'aidantinformel. Il existe en outre des possibili-tés de rémunération de l'aide apportée,si celle-ci dépasse 20h par semaine.

En Italie, il existe des prestations enespèces à l'intention des aidants, maiscréées par les municipalités, elles n'exis-tent pas à Rome. En revanche, s'il a uneactivité professionnelle, l'aidant informelpeut bénéficier de trois jours de congéspar mois.

10. Ainsi dans le cas de Monsieur T, les rela-tions conflictuelles entre les enfants et lesparents sont connues mais il reste du devoirdes enfants de prendre en charge leurs pa-rents