la predation du flamant rose phoenicopterus ruber

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LA PREDATION DU FLAMANT ROSE PHOENICOPTERUS RUBER ROSEUS PAR LE GOELAND LEUCOPHEE LARUS CACHINNANS EN CAMARGUE Tobias SALATHÉ Sta tion Biologique de la Tour du Valat, Le Sambuc, 13200 Arles, France Le comportement prédateur de divers La ridés tel s que l e Goéland argenté (Larus argentatus), le Goéland l eucophée (Larus cachinnans), le Géoland brun (Larus fuscus), Le Goéland marin (Larus marinus) ou la Mouett e rieus e (Larus ridibundus) est connu et a été décrit à maintes reprises (Tinbergen, 1 932 et 1953 ; van Dobben, 1934 ; Amadou, 1958 ; Bergman et Koskimies, 1958 ; P.E. Brown, 1958 ; Drost, 1958 ; Ghigi, 1958 ; Môrzer-Bruyns, 1958 ; Rooth, 1958 ; \Villiamson, 1958 ; Conder, 1959 ; Mylne, 1960 ; Vauk, 1962 ; Kru uk, 1964 ; Milon, 1966 ; Olney, 1967 ; Hatch, 1 970 ; Spaans, 1971 ; Buckley et Bu ckley, 1972 ; Fuchs, 1977 et Camher- lein et Floté, 1979) . Sur les lieux d e rep roduction des oiseaux de s zones litt orales, ce comportement p eut prend re des proportions telles que les po pulations concernées en souf frent éno rmément. Le problème est surtout aigu dans les localités où les eff ectifs de Laridés ont récemment accusé un e augmenta tion impor tante. C'est pour cette raison que, dans dive rses régions, des mesur es ont été prises pour rédui re la taill e de leurs populations. Thoma s (1972) a fait le point sur l es méthod es employées. La Camargue connaît, ell e aussi, d es problème s liés à la pré- sence d es Laridés. Depuis les années tr ente, la Mou ette ri euse et le Goéland l eucophé e ont vu l eurs effecti fs augment er dans de s prop ortions con sidérable s (Blondel et Isenmann, 1973 ; Lebreton e t Isenmann, 1976 et Hafn er, Johnson et Walmsley, 1979). Les d eux espèc es trouv ent un e part importante de leur nourriture sur les dépôts d'or dures du voisinage (Is enmann, 1 978) . Alors que l'aug- menta tion des eff ectifs de mouett es rieuses n' est encor e à l'ori- gine d'aucu n problème g rave, on p eut obs erve r l'influence de la présence du Goéland leucophée sur d'autr es e spèces d'oiseaux (Johnson et I senmann, 1971 ; Blondel et Is enma nn, 1973) . C'est la Reu. Eco/ . (Terre Vie), vol. 37, 1983

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Page 1: LA PREDATION DU FLAMANT ROSE PHOENICOPTERUS RUBER

LA PREDATION DU FLAMANT ROSE PHOENICOPTERUS RUBER ROSEUS

PAR LE GOELAND LEUCOPHEE LARUS CA CHINNANS EN CAMARGUE

Tobias SALATHÉ

Station Biologique de la Tour du Valat, Le Sambuc, 13200 Arles, France

Le comportement prédateur de divers Laridés tels que le Goéland argenté (Larus argentatus) , le Goéland leucophée (Larus cachinnans) , le Géoland brun (Larus fuscus) , Le Goéland marin (Larus marinus) ou la Mouette rieuse (Larus ridibundus) est connu et a été décrit à maintes reprises (Tinbergen, 1 932 et 1953 ; van Dobben, 1 934 ; Amadou, 1 958 ; Bergman et Koskimies, 1 958 ; P.E. Brown, 1 958 ; Drost, 1958 ; Ghigi, 1958 ; Môrzer-Bruyns, 1 958 ; Rooth, 1 958 ; \Villiamson, 1958 ; Conder, 1 959 ; Mylne, 1960 ; Vauk, 1 962 ; Kruuk, 1 964 ; Milon, 1966 ; Olney, 1 967 ; Hatch, 1 970 ; Spaans, 1 971 ; Buckley e t Buckley, 1972 ; Fuchs, 1977 et Camher­lein et Floté, 1 979) . Sur les lieux de reproduction des oiseaux des zones littorales, ce comportement peut prendre des proportions telles que les populations concernées en souffrent énormément. Le problème est surtout aigu dans les localités où les effectifs de Laridés ont récemment accusé une augmentation importante. C'est pour cette r aison que, dans diverses régions, des mesures ont été prises pour réduire la taille de leurs populations. Thomas (1972) a fait le point sur les méthodes employées.

La Camargue connaît, elle aussi, des problèmes liés à la pré­sence des Laridés . Depuis les années trente, la Mouette rieuse et le Goéland leucophée ont vu leurs effectifs augmenter dans des proportions considérables (Blondel et Isenmann, 1973 ; Lebreton et Isenmann, 1 976 et Hafner, Johnson et Walmsley, 1 979) . Les deux espèces trouvent une p art importante de leur nourriture sur les dépôts d'ordures du voisinage (Isenmann, 1978) . Alors que l'aug­mentation des effectifs de mouettes rieuses n'est encore à l'ori­gine d'aucun problème grave, on peut observer l'influence de la présence du Goéland leucophée sur d'autres espèces d'oiseaux (Johnson et Isenmann, 1 971 ; Blondel et Isenmann, 1973) . C'est la

Reu. Eco/. ( Terre Vie), vol . 37, 1983

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raison pour laquelle, depuis 1 960, on procède chaque année en Camargue à une campagne de limitation des effectifs de goélands leucophée (Blondel, 1963) .

La seule colonie d'Europe où les flamants roses nichent régu­lièrement est celle de Camargue. Les œufs, les poussins et les j eunes qui ne sont pas encore en état de voler subissent la préda­tion du Goéland leucophée (Gallet, 1 949 ; Lomont, 1 950 e t 1954 ; Hoffmann, 1955-1964 ; Johnson, 1 966-1 976) . C'est pour mieux connaître l ' impact de cette prédation que nous avons réalisé l 'étude qui fait l'obj et de cet article .

METHODES

a) DÉROULEMENT

Des goélands leucophée adultes nichant sur l'îlot occupé par les flamants, ou dans le voisinage, ont été marqués individuelle­ment au moyen de taches de couleur. En tre le 28 avril et le 3 août 1980 l'îlot a fait l'obj et d'observations régulières à partir d'une cache installée à 400 m. La j ournée (d'une demi-heure avant le lever du soleil j usqu'à une demi-heure après son coucher) a été divisée en 5 périodes de 3 heures. Les observations se sont dérou­lées pendant 90 périodes qui fournissent des informations sur 18,4 % de l'ensemble de la j ournée. Les rythmes d'activité des2 espèces ont été déterminés sur 3 j ours, d'après la méthode de Studer-Thiersch (1972) . Il a également été procédé à quelques observations nocturnes. En fin de saison de repro duction, tous les cadavres et débris de squelettes de j eunes flamants se trouvant sur l'îlot, ainsi que sur les digues avoisinantes, ont été collectés. Pour établir la courbe de croissance des j eunes flamants, nous avons utilisé les données biométriques obtenues sur les j eunes ayan t péri accidentellement au co urs de l'opération de baguage du l °' août 1980.

b) EVALUATION DES RÉSt::LTATS

Il n'a pas été possible d'installer une cache directement sur l'îlot de nidification, les risques de dérangement permanent des flamants en période de reproduction étant trop élevés. La tota­lité des données a donc été obtenue p ar observation ou p ar infor­mation indirecte . De la cache fixe on ne pouvait voi r qu'un côté de l'îlot abritant 7 500 couples nicheurs . L'observateur ne pouvait voir ce qui se passait au centre ou de l 'autre côté de la colonie . Nos données d'observation sont donc incomplètes. Pour estimer l'influence réelle du Goéland leucophée sur le Flamant rose, il a donc fallu introduire des facteurs de correction, qui à leur tour n'ont pu être déterminés que par des méthodes indirectes .

- · 88 -

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DESCRIPTION DE LA SITUA TION EN 1980

a) LE Go1�LAND LEUCOPHÉE

Sur les 100 kilomètres de côte qui vont du Grau-du-Roi à Fos-sur-Mer, le nombre de couples nicheurs a été évalué à 2 500. Ce sont les salins d' Aigues-Mortes, avec 2 000 couples environ, qui suppo rtent la plus forte densité, tandis que les effectifs de l' île de Camargue S·e situent aux alentours de 400 couples (Johnson, corn. or.) . Dans la p artie N.-0. des salines de Salin-de-Giraud, soi t dansun rayon de 5 km autour de l ' î lot de nidification des flamants, une centaine de couples ont niché, dont 3 à moins de 1 km de l'îlot . Un conl rôle des nids sur l'îlo t des flamants lu i-même, au début et après la nidification, a permis de dénombrer 15 nids occupés, dont un nid de remplacement qui ne fut construit qu'en mai (Figure 1 ) .

On peut trouver des goélands sur l'îlot tout au long de l'année. Dans ces nids la ponte a commencé le 2 avril . L'incubation durant en moyenne 28 j ours (lsenmann, 1976) , la première éclosion a donc dû avoir lieu le 1 c .. mai . Les premiers goélands leucophée del'année ont pris leur envol dans la première sem aine de juin . A p artir du l °' j uillet, on pouvai t observer de j eunes goélandsautonomes . D ans le nid de rempl acement sign alé ci-dessus, un adulte couvait encore un œuf stérile le 25 j uin. Il n'a pas été possible de déterminer le succès de reproduction de l'e�pèce.D'après Spitzer (1 978) , il y aurait 1 ,5 j eunes élevés j usqu'à l'envol par couple nicheur. En Camargue, le succès de reproduction doit ê tre du même ordre ou inférieur.

b) LE FLAMANT ROSE

Au moment de la reproduction, il y avait sur le li ttoral médi­terranéen français, entre Perpignan et Marseille, 35 000 flamants, dont 18 000 à l 'intérieur de l'île de Camargue (déncmbrements

o 30 m - -

cache à 400 m

î+

• Le

Pr

F i gure 1 . - L'î lot de nidif icat ion d e s fl amants en 1 980. Pr c= étendue occupée par l e s n ids de f lamants, Le = nids du Goéland leucophée . r = n i d de remplacement.

- 8S· -

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aériens effectués par Alan Johnson) ; 7 500 couples ont niché sur l'îlot (dénombrés par photo aérienne) . A la mi-mars, 600 flamants se tenaient déj à à proximité de ce dernier e t l e 12 avril une cin­quantaine d'oiseaux commençaient à s'y installer. Les premiers œufs furent pondus le 17 avril (Johnson, in litt.) et le 30 avril tous les nids étaient occupés. Les dernières parades e t accouplements furent observés le 12 mai . La première éclosion eut lieu le 22 mai et le 9 j uin la plupart des œufs étaient éclos. A p artir du 20 j uin, les j eunes flamants commencèrent à quitter l 'îlot p ar groupes. Le 26 j uin quelques adultes nichaient encore. Le 30 j uin l'îlot était absolument désert e t tous les j eunes é taient rassemblés dans l 'eau, dans une ou deux crèches. D 'après les dénombrements effectués sur des photographies aériennes p rises le 22 j uillet, i l y avait 3 936 j eunes flamants (A. Johnson) . Si l 'on tient compte du fait qu'il y aencore eu des pertes entre cette date e t l'envol, on arrive à un succès de reproduction de 52 % (en estimant qu'il y a un œuf p ar nid, et en ne tenant pas compte des pontes de remplacement) . Le 5 août, les premiers j eunes de l 'année étaient capables d'effectuer des vols sur de courtes distances. A p artir de la fin août, ils com­mencèrent à s'éloigner.

LA PREDA TION

a) LES DIVERSES MÉTHODES

- PRÉDATION AU NID. Le Goéland leucophée prélève directe­ment œufs et poussins nouvellement éclos dans le nid du Flamant rose. Il peut procéder de deux façons : Il s 'approche en marchant d'un nicheur qui réagit en allongeant le cou, en b aissant l a tête et en hérissant les plumes des épaules e t du dos (Figure 2 A, 1 ) . Il s'agit de l'attitude menaçante décrite p ar B rown (1958) et Kahl (1975) sous le nom de « hooking » (1 ) . De plus en plus excité, le Flamant b alance horizontalement son cou bien tendu ( « neck­swaying » d'après Kahl foc. cil.) (Figure 2 A, 2) . Dès que le Goé­land arrive à portée du bec du Flamant, il · se trouve en quelque sorte entraîné sur le territoire du nid de ce dernier (Swift, 1 960) et cela conduit à une réaction de fait . Ce sont tout d'abord des ébauches de contact des becs qui vont finalement se transformer en vigoureux accrochage des deux becs. Le Goéland va alors tenterd'arracher avec force le Flamant à son nid (Figures 2 A, 3) . S'il y p arvient, il peut, d'un mouvement rapide, extraire l 'œuf oule poussin. A partir de cet instant, le couveur qui est dressé sur ses p attes ne réagit plus (Figure 2 C, cf. aussi Hoffmann, 1 959) . Le comportement du Flamant est touj ours le même, même s 'ils'agit d'un attaquant particulièrement agressif, et on ne remarque

(1 ) Que l'on peut traduire par « cou en crochet » .

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aucune adaptation aux attaques des goélands (d'après quelques observations personnelles et A. Studer-Thiersch, corn. or.) .

L'action se déroule d e façon quasi identique lorsque le Goé­land leucophée attaque en vol (Figure 2 B) , mais le geste de menace du « cou en crochet » disparaît. La seule condition pour que le Goéland réussisse es t qu'il parvienne à faire lever le cou­veur de son nid. En effet, une fois debout, l'oiseau ne défend plus que faiblement son œuf ou son poussin.

A 1

A 2

F i gure 2 A . - Comportement de prédation du Goéland leu cophée sur le Flamant rose .

A . Prédation à partir d u sol : 1 = « cou en crochet » ; 2 = « balancement du cou » ; 3 = accrochage des becs.

- 91 -

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r . .

.

. .

. \_� \

· . . � F i gu re 2 B. - Prédation en v o l : A gauche, v o l de recherch e ;

A d roite , accrochage <le s becs .

PRÉDATION A LA CRÈCHE. Lorsqu'ils atteignent une dizaine de jours, les j eunes flamants se rassemblent par groupes de 50 à 100 individus sensiblement de même .âge . Après 2 à 3 semaines, ces crèches quittent l 'îlo t et se rassemblent dans l 'eau pour se fondre finalement en une seule e t grande crèche . En cas de déran­gement, celle-ci peut se scinder en 2 ou 3 groupes, mais elle se reconstituera à nouveau, au plus tard dans la soirée. Le Goéland

Figure 2 C. - Prélèvement d u contenu du ni<l (voir texte) .

-- 92 -

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va donc exercer sa prédation sur les j eunes flamants de la crèche, �oit sur l'îlot soit dans l 'eau. Il va les blesser en leur assénant des coups de bec sur la tête e t la nuque. Les poussins âgés d'une semaine ou moins sont entièrement dévorés. Les oiseaux un peu plus vieux sont souvent noyés, après quoi le Goéland leur ouvre immédia tement l 'abdomen et commence à d.évorer les intestins, souvent en compagnie d'un congénère (Figure 3) . An fur et à

F i gu re 3 . - Coup l e de goél a n d s leu cophée en tra i n de dévorer un pou ss in de F l amant rose.

mesure que les flamants grandissent, les goélands leucophée ont de plus en plus de difficultés à les capturer, bien qu'ils s'attaquent encore à des flamants dont le poids est le double du leur. Contrai­rement aux rapaces diurnes et nocturnes, ils n'utilisent que leur bec. Les cadavres un peu importants sont dévorés alors qu'ils flottent sur l'eau, ou après avoir été traînés sur le rivage (Figure 4, cf. aussi Hoffmann, 1 962) .

F i gure 4 . - Méthode de transport pour les poussins de flamant s l e s plus l ourds.

- DÉRANGEMENT DE LA CRÈCHE. Les j eunes flamants de la crèche réagissent de façon p articulière à tout survol à basse alti­tude par un Goéland leucophée ou à un atterrissage de ces oiseaux dans leur voisinage : en un éclair des centaines de j eunes flamants se serrent é troitement les uns contre les autres, j usqu'à ce que la crèche constitue une masse compacte. Un comportement iden­tique a été décrit par Buckley et Buckley (1972 et 1976) dans les crèches de sternes royales (Thalasseus maximus) et peut aussi être observé en C amargue chez les canards et les foulques (Fulica atra) lorsqu'ils sont survolés par des busards des roseaux (Circus aeru-

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ginosus) ou des goélands leucophée. Le survol de l a crèche peut entraîner une dispersion des j eunes oiseaux de part et d'autre du prédateur et la crèche se trouve ainsi divisée en deux. Les adultes éventuellement présents ne p araissent p as concernés par l'événe­ment et ne réagissent pas la plupar t du temps. On observe éga­lement la même réaction chez les j eunes oiseaux lorsqu'un Goé­land capture un Flamant dans la crèche .

b) CLASSIFICATION ET DÉFINITION DES DIFFÉRENTS ACTES DE PRÉDATION

L'observation d'un Goéland leucophée avec une proie dans le bec a été comptée comme prédation ré ussie. D ans de nombreux cas il n'a pas été possible d'observer la capture proprement dite. Mais on sait que les œufs de flamants sont ouverts et dévorés dès qu'ils sont prélevés. Dans le cas d'un rapt de poussin, le Goéland commence aussi à le dévorer dès qu'il l 'a tué. Or il est possible de distinguer, même au télescope, un cadavre entamé depuis long­temps d'un cadavre frais.

Lorsqu'un Goéland leucophée ne réussit p as, en dépit de nom­breux efforts, à prélever un œuf ou un j eune oiseau, il s'agit d'un échec de prédation.

D ans tous les cas où il fut difficile de décider s'i l y eut simple« prospection » , ou s'il s'est au contraire agi d'une tentative de capture plus poussée, nous avons considéré qu'il s'agissait d'une tentative de prédation. Tous les survols de l a crèche ayant déclen­ché chez les j eunes flamants la réaction de défense décrite ci­dessus sont également classés dans cette catégorie.

c) ANALYSE DES CAS DE PRÉDATION

Au total 184 actes de prédation ont été observés, soit partielle­ment, soit intégralement. 42,4 % d'entre eux entrent dans la caté­gorie des prédations réussies et 6,5 % dans celle des échecs, tandis que 51,1 % ne sont que des tentatives de prédation. Les données ainsi récoltées sont présentées ci-dessous .

Généralement, le Goéland chasse seul (68,8 % des cas) . Letableau 1 donne le nombre de goélands impliqués dans chaque typed'acte de prédation. Lorsque la tai lle de la proie augmente, les goélands chassent souvent p ar deux ; c'est ainsi que 90 % desœufs, mais 32 % seulement des j eunes flamants ayant dépassé le stade du poussin, ont été dérobés par un seul Goéland.

Un Goéland fait en moyenne 5,9 tentatives (1 à 23, n = 22) pour s'emparer d'un œuf ou d'un j eune Flamant. Le temps qui s'écoule entre les premières manifestations du comportement pré­d ateur et la capture de la proie, ou l'échec, est en moyenne de 3,5 minutes (0,5 à 11 mn, n = 1 8) . Un cas extrême, avec p a rticipa­tion de 9 goélands, a duré pendant des heures (il s'agissa i t d'un j eune relativement grand) .

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TABLEA U 1 Composi'tion des groupes dans les cas de prédation réussie .

a ·- 7 7 , ad . = adulte, i m = imma ture , juv . = juvéni le , pourcentages entre rarenthèscs .

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S'il y a suffisamment de vent, les goélands pratiquent de pré­férence la prédation en vol (vitesse moyenne du vent : 1 2,1 m/s, n = 7) . Ils s'approchent ainsi plus facilement des nids que s'ilsdevaient se frayer un passage en marchant à travers la colonie (vitesse moyenne du vent : 8,4 m./s, n = 9, t = 3,75, p < 0,01 ) . D ansla moitié des cas étudiés (n = 24) seul l'oiseau nicheur s'est dé­fendu activement. Lors de rapts de j eunes flamants dans la crèche, les adultes sont, la plup art du temps, restés indifférents. D'autre part on a pu voir un Goéland essayer de dérober successivement à 6 flamants le contenu de leur nid (Tableau Il) .

TABLEAU I I

Nombre de flamants impliqués par acte de prédation .

F l a mants . . . . . 0 2 3 4 5 6

Accident s . . . . . 4 1 1 3 3 0 2

Pourcentages . . 1 6 , 7 45,8 1 2,5 1 2,5 0 8,il 4 ,2

Nous avons également observé quelques cas où deux tenta­tives de prédation se sont succédées extrêmement rapidement . On a même vu un individu qui, ayant, en l 'espace de 72 minutes, dévoré 4 œufs dont 3 qu'il avait dérobé lui-même, s'est a ttaqué à 1 1 flamants nicheurs et s'est affronté à 2 de ses congénères pour de la nourriture .

Le succès de la prédation varie avec l'âge de la proie : 12,5 % des tentatives de prédation sur les œufs et 14,3 % de celles dirigées contre les j eunes oiseaux furent infructueuses. En période de reproduction, on a noté que le succès de prédation probable était en augmentation en c-e qui concerne les œufs e t en diminution en ce qui concerne les j eunes oiseaux. Ce dernier point montre bien la difficulté croissante qu'a le Goéland à maîtriser les j eunes ciseaux quand leur taille augmente (Tableau Ill) . Les dérange-

TABLEAU III

Variation du succès de prédation du Goéland leucophée.

Périodes

Sont i n d iqués l e s pourcentages cle préclat ion sans résul tat par pél"i ocle d'obscrYa t ion de 1 4 j ours .

n = 90 cas de p1·édat ion (réu s s i e s et san s résultat J .

cl ' observa l ion 2 3 4 5

Œufs . . . . . . . . 21 , 1 1 2 ,5 0,0 0 ,0

Pouss ins . . . . . . 0 ,0 1 7 ,6 25,0

- g;:. --

6

40,0

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TABLEAU IV

Analyse de 36 cas de dérangements de la crèch e de flamants rosesayant provoqué leur réaction de défense .

Mode de dérangement et n ombre de goé lands impl i qués . Les p ourcentages sont i n d iqués entre parenthèses .

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ments de la crèche constituent 38,3 % des « tentatives de préda­tion » (Tableau IV) . A cet égard les j eunes goélands de l 'année ont joué un rôle important (50 % des cas) .

TABLEAU V

Distribution des cas de prédation o bservés .

1 - V = périodes d'ob serva tion de 3 heures (heure de j our) ; 1 - 6 = péri odes d'observation de 1 4 j ours (jour de l 'ann é e ) ; A = prédat i o n réu s s i e ; B = prédation sans succè s ; C = tentative de prédat ion . Sont i n d iqués : les totaux pal" pér iode d'ob servation de 1 4 j ours (à droite) , par pér iode d'observation de 3 heures (en bas)

et pour l 'ensem b l e (en b a s à droite) .

I l A B C A B C

3 3 1 3

I l l A B C

IV A B C

2

V A B C

4

1 - V A B C

3 26 0 20 4 1 1 2 2 1

1 2 2 3 2 1 4 4

f 'l 1 i:: 1 . ' l u " · I 1 . I ' 1 1 = 1 , , ,

17 3 19 13 1 16 39 30

4 1 4 21 5 33 23 2 22 9 59 47

- 98 -

78 12 94 184

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FREQUENCE DE LA PREDA TION

a) VARIATIONS AU COURS DE LA JOL'RNÉE

Le tableau V donne un aperçu de l'ensemble des cas de pré­d ation observés. C'est pendant la période IV que se situe la maj o­rité d'entre eux (32,1 % ) , suivie des périodes V (25,5 % ) , I (21 ,2 % ) , I I (16,3 % ) e t III (4,5 % ) . Les préférences pour certaines périodes de la j ournée sont hautement significatives (x2 = 38,16 ; p < 0,001) .On note une préférence nette pour le début de la soirée et le cré­puscule, tandis que le milieu de la journée est manifestement évité (Figure 5) . Pendant la période Il, Ja plupart des cas de prédation se s i tuent avant 10,00 h. II semble qu'il n'y ait pas de prédationla nuit .

2 , 00 1 , 75

1 , 25 1 ,00

0, 75

0,50

0, 25 B

o,oo_._ _______________________ _

I l Ill IV V F i gure 5 . - D i stribut ion des .: a s de prédati o n sui· l e s 5 périodes j ournalières. L ignes rel ian t les m oyennes : A = prédation réussie , B = prédat ion sans résultat ,

C = tentatiYe de prédat ion .

b) VARIATIONS PENDANT LA PÉRIODE DE REPRODUCTION

Les cas de prédation ne se répartissent pas de façon uniforme sur les 6 p ériodes d'observation de la saison de reproduction. La prédation atteint un m aximum d'i ntensité pendant la période 3, c'est-à-dire entre le 26 mai et le 8 j uin (25,0 % ) , suivie par la période 1 du 28 avril au 11 mai (20,1 % ) , puis la période 6 du7 j uillet au 4 août ( 1 7,4 % ) , les périodes 2 et 4 du 12 au 26 mai et du 9 au 22 j uin (15,2 % ) , e t enfin la période 5, du 23 j uin au 6j uillet (7,1 % ) . Les différences entre périodes sont significatives(x2 = 1 9,67, p < 0,001) . La relation entre les pourcentages des3 catégories de prédation varie très peu au cours des 5 périodes

- 99 -

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de la j ournée. Par contre, ce n'est pas le cas au cours de l a saison de reproduction (Figure 6) . L'augmentation de la prédation r, en­dant la période 6 résulte d'un accroissement important des déran­gements subis par la crèche. Toutes les tentatives de prédation notées pendant les périodes 5 et 6 correspondent à des dérange­ments de la crèche.

100_ %

50_

o_ 1

n = 37 2 28

3 46

4 28

5 13

6 32

��·;$fi D

O cB

Figure 6. - Pourcentages des différent.es catégor ies de prédation au cours de la sa i son de reproduction. A = prédation des œufs réussie , B = prédation des poussins réussie , C = prédation sans résultat, D tentative de prédation.

1 à 6 = périodes d'observation de 14 j ours .

c) ESTIMATION DU NOMBRE GLOBAL D 'ŒUFS ET DE POUSSINS DÉTRUITS

Comme il n'es t pas possible d'avoir une vue d'ensemble de l a colonie, on a procédé à u n e évaluation d e la prédation sur l a portion invisible d e l'îlot en opérant de la m anière suivante. Pour ne p as être constamment importunés p ar les flamants, les goélands dévoren t leurs proies sur les parties libres de l 'îlot (Figure 1 ) . Or, on peut estimer que la moitié des œufs et des j eunes oiseaux sont capturés sur la partie visible de l'îlot . Pour obtenir une esti­mation de la prédation sur l 'ensemble de l'îlot, on a donc multiplié par 2 le nombre de cas de prédation observés. Les observations effectuées à titre de contrôle sur l 'autre face de l 'île (à partir d'une digue distante de 550 m) ne vont p as à l 'encontre de cette estima­tion. De son côté, la crèche a pu être surveillée de telle façon

- 100 -

Page 15: LA PREDATION DU FLAMANT ROSE PHOENICOPTERUS RUBER

qu'aucun rapt n 'a dû p asser inaperçu, la réaction de l'ensemble de la crèche en ce cas étant suffisamment nette pour être touj ours remarquée .

On a calculé, pour chacune des 6 périodes, le nombre moyen de cas de prédation p ar j our, sur la base des données du tableau V (Figure 7) . Conformément à ce qui a été dit plus haut, nous l'avons multiplié par 2 pour les 5 premières périodes (la moi tié est indiquée dans chaque colonne) . Sur la base de ces données nous avons calculé le nombre total d'œufs dérobés et de poussins cap­turés au cours de la période d'observation, soit 98 j ours, ce qui donne 392 œufs et 336 poussins. Ces nombres représentent des minima, car il est probable que certains cas de prédat ion sont p assés inaperçus, à l 'aube et au crépuscule. Au cours de la der­nière semaine d'observation, les goélands n'ont vraisemblablemen t plus réussi à capturer aucun j eune Flamant, si bien que la moyenne pour la sixième période doit représenter la valeur réelle. Le mistral a soufflé pendant 59 % du temps des observations, cequi a peut-être eu pour effet de concentrer l'activité des goélands sur la rive sous le vent de l'ilot, c'est-à-dire du côté de l'obser­vateur.

Au t o tal , on peut cependant évaluer à 800 le nombre d'œufs et de poussins vi c times <le la prérlation en 1 980, et même l'arrondir

N 18 16 1• 12 10 8

4 2

31

3 4

14 avril

Phoenicopterus ruber roseus

6

7 juillet 21 4 août

A B C E F G 1 1 1 1 • --------================:::::l o c e>

<1 1 1 1 1 1 1 1 • -------========= o o o o o c o a o c 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 t > B C G E H

Larus cachinnans

F i gu re 7. - Cycles de re p rnd11ct i on du F l a m a n t rose et du G o é l a n d i eu c ophée e n Ca m a rgue ; r é p a rt i t i o n des c a s rle prédation réu ss i s p enda nt l a pé r i ode de

reprodu c t i o n . 1 à 6 = périodes d'observat i o n . N = n ombre moyen rl e c a s d e p ré d a t i o n par j ournée. E n n o i r = prédati o n d'œufs ;

E n g d s = p r é d a t i o n de poussins . Cycl e s de re produc t i on : A = occup ation de l ' î lot de nidif icat ion, B = dl·but des ponte s , C = début d e s éc lo s i on s , E = dern iers ind iv idus en t ra i n de couver, F = î lot vide, G = p re m i e r s j e u n e s à l 'e1wo l , H :-=: premiers j eunes i n dépenda nts

( v o i r text e ) .

-· 101 - ·

Page 16: LA PREDATION DU FLAMANT ROSE PHOENICOPTERUS RUBER

à 1 000 pour des estimations approximatives . Ceci correspond res­pectivement à 11 % et 13 % du nombre total d'œufs pondus (àraison d'un œuf par couple, pour 7 500 couples, sans tenir comp te des pontes de remplacement) .

RELA TIONS PREDA TEURS - PROIES

a) LE PRÉDATEUR

Nous savons, grâce au marquage individu el, que seuls les goélands nichant sur l 'îlot ont exercé une prédation sur les fla­mants qui s'y reproduisent . A ces 14 couples se sont j oints 5 à 9 individus immatures présents durant toute la période de repro­duction . Dès qu'ils sont devenus indépendants , les j eunes goélands de l 'année ont comm encé à participer aux attaques, mais la parti­cipation de ces deux dernières catégories d'oiseaux à l'ensemble de la prédation a été mineure (Tableau I) .

b) LES PROIES

Il est évident que les nids situés en bordure de la colonie ont été plus attaqués que ceux qui é taient au centre . En fai t , 61,5 % au moins des cas de p rédation se son t produits sur des nids péri­phériques. La densité des nids dans la colonie constitue donc une protection efficace contre la prédation, comme pour les colonies de Laridés nicheurs (Mouette rieuse, Kruuk, 1 964 ; Sterne royale, Buckley et Buckley, 1 972 e t 1 976) .

Dans la crèche, ce sont uniquement les j eunes oiseaux se trou­vant en périphérie qui ont été a t taqués. Nous ne p artageons pas l'opinion de Blasco et al . (1 979) selon laquelle les flamants les plus petits seraient au centre de la crèche, entourés par les i ndi­vidus de plus grande taille. L'agi tation résultant des attaques de la crèche p ar les goélands entraîne presque constamment des changements de place des individus les uns p ar rapport aux autres. Nous pensons plutôt que les individus les plus faibles son t repoussés vers la périphérie par les p lus grands e t l e s p lus forts . D'autre part, nous n'avons j am ais observé d'attaque de j eunes flamants isolés qui, après avoir quit té leurs l ieux de nourrissage, devaient parcourir j usqu'à une cinquantaine de mètres pour rega­gner la crèche.

c) INFLUENCE RÉCIPROQUE

Pendan t la j ournée, la plupart des flamants adultes se repo­sent dans l 'eau, à proximité de l ' îlot , t andis que les goélands se tiennent en bordure de celui-ci . Les rythmes d'activité de chaque espèce restent indépendants l 'un de l 'autre . Pour les goélands la période propice à la prédation est celle qui précède le retour des flamants adultes sur l'îlot (période IV) . Il leur arrive cependant

- 102 -

Page 17: LA PREDATION DU FLAMANT ROSE PHOENICOPTERUS RUBER

aussi de capturer des proies dans des situations défavorables. Alors que les flamants a dultes ne sont que rarement et indivi­duellement influencés p ar le comportement prédateur des goé­lands, la crèche toute entière sera dérangée p ar leur attaque. Elle peut soit se diviser en plusieurs parties, soit se déplacer sur des kilomètres (cf. aussi Hoffmann, 1962 et, pour l'Afrique, avec d'autres prédateurs, Brown, 1958 et Uys et al. , 1963) . Ces déran­gements n'atteignent cependant pas une fréquence telle qu'il soit nécessaire de quantifier leur influence sur le budget énergé­tique des j eunes oiseaux, comme cela a été fait pour la Sarcelle d'hiver (Anas crecca) en Camargue (Tamisier, 1970) .

d) LIENS AVEC y,' ACTIVITÉ REPRODUCTRICE DES DEUX ESPÈCES

La figure 7 montre qu'il y a correspondance entre la quantité de proies disponibles et leur consommation. La prédation des œufs et des poussins de flamants étant ainsi fonction de leur dis­ponibilité, son importance va diminuer progressivement de la fin mai à la fin août. C'est surtout le cas pour ces proies faciles que sont les j eunes poussins qui se font rares à partir de la fin j uin. C'est durant la période 3 que la prédation atteint son maxi­mum d'intensité, car l'offre y est plus abondante et également p arce que les goélands ont alors des besoins alimentaires impor­tants puisqu'ils nourrissent leur progéniture dont le développe­ment est à cette époque déj à très avancé. Il est plus facile aussi de faire lever à cette période les flamants de leurs nids, car l 'approche de l'éclosion et les déplacements des poussins déj à éclos font régner une agitation accrue au sein de la colonie.

Les trois semaines d'avance qu'ont les goélands sur les fla­mants, en ce qui concerne leur cycle reproducteur, représentent un avantage biologique certain. Il ne s'agit cependant pas d'une adaptation spécifique à la prédation du Flamant. Dans tout le b assin méditerranéen le Goéland leucophée a, en effet, une nidi­fication précoce, qu'il y ait ou non des proies potentielles dispo­nibles (quelques observations personnelles et Spitzer, 1978) . D'autre p art, en Camargue, toutes les autres espèces d'oiseaux nichant dans la zone littorale, qu'elles constituent ou non des proies possibles, nichent plus tard que le Goéland leucophée (observations pers. , Impekoven, 1 963 e t Blondel e t Isenmann, 1981) .

LA PLA CE OCCUPEE PAR LE FLAMANT ROSE DANS L'ALIMENTA TION DU GOELAND LEUCOPHEE

Quel rôle j oue le Flamant dans l 'alimentation du Goéland leucophée ? A la fin de la période de reproduction, 10 œufs aban­donnés et 2 œufs couvés ont été ramassés sur l'îlot. Le poids moyen de leur contenu était de 131 ,5 g (variant de 102,4 à 173,3 g) : Après le départ de la colonie, début août, on a pu , ,,aussi dénombrer

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Page 18: LA PREDATION DU FLAMANT ROSE PHOENICOPTERUS RUBER

1 508 œufs abandonnés brisés . Les pertes d'œufs sont donc très importantes chez les flamants. Du fait de l 'agitation intense qui règne au sein de la colonie, il arrive souvent que l'un d'eux roule hors du nid. Les flamants ne le replacent j am ais au nid et i l sera par la suite dévoré par les goélands . La coquille très épai sse (3-4 mm) de ces œufs ne peut pratiquement pas être brisée p ar d'autres oiseaux dans notre région. Le poids du contenu de tous ces œufs est indiqué dans le tableau VI.

TABLEAU VI

Le Flamant en tant que nourriture disponible pour le Goéland leucophée .

Œufs pil lés . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Œufs abandonnés . . . . . . . . . . . .

Cadavres trouvés (88 % ) . . . . . .

Vakur extrapolée 0 00 % ) . . . .

Nombre d'actes

<le prédation

392 * 1 5 0 8

295

336 *

* D'après les données de l a figure 7 .

Biomasse disponible

(kg )

5 2

1 97

1 24

1 4 1

Limites <le confiance

de 99 %

1 0

7 4

8 5

97

84

3 2 1

1 7 9

204

390 1 90 - 609

A ces œufs abandonnés et volés s'aj outent les j eunes oiseaux capturés. On a pu rassembler les cadavres e t les débris squelet­tiques appartenant à 295 individus. La figure 8 en donne l a répar­tition p ar classe de taille, en se b asant sur la longueur du tarso­métatarse. Ceci nous donne un nouvel aperçu du nombre total de j eunes flamants victimes de la prédation et nous permet de faire une comparaison avec les données de la figure 7 : 83 % des j eunesoiseaux ont été victimes d'un Goéland au cours de leur premier mois de vie. Nous ne savons m alheureusement p as combien de cadavres de poussins ont été entièrement dévorés . Malgré cette erreur systématique d'échantiJlonnage, nous considérons que les cadavres trouvés représentent 88 % des 336 j eunes flamants vic­times de la prédation (d'après les données de la figure 7) . A l'aide des renseignements fournis par les flamants morts au cours des opérations de b aguage il a été possible d'établir une corrélation entre la longueur du tarsométatarse e t le poids de l'oiseau (Fi­gure 9) . En général les goélands qui dévorent les j eunes flamants n'en laissent que les os. La comparaison des poids de 105 sque­lettes intacts avec les valeurs extraites de la courbe indique qu'en

- 104 -

Page 19: LA PREDATION DU FLAMANT ROSE PHOENICOPTERUS RUBER

moyenne 78 % (limite de confiance : 99 % : 50-90 %) de la massecorporelle des proies sont mangés par le Goéland . Nous pouvons ainsi calculer la quantité de nourriture représentée par les jeunes flamants capturés (Tableau VI) .

Si l'on considère qu'un Goéland leucophée a besoin de 350 g de nourriture par j our (Kruuk, 1964 ; Spaans, 1971 ; Isenmann, 1978) et que 28 goélands (les 14 couples nicheurs) doivent se nourrir régulièrement pendant 100 j ours, il en ressort que les flamants ne fournissent que 140 g de nourriture par j our et par Goéland, ce qui ne couvre que 40 % sfi1lement des besoins de l'oiseau. I l apparaît donc que les flamants peuvent tout au plus nourrir la moitié des goélands présents sur la colonie.

35 55 75 95 115 135 155 175 195 longueur du tarsometatarsus (mm)

F i gure 8 . . - D i stribut i o n su h·ant les d ifférentes c l a s ses de l o n gueur du tarso­métatarse, des re stes d e j eunes flamants mangés par les goé lands . Les c lasses

d e l o n gueur sont graduées de 5 mm en 5 mm ( n = 2!lf> ) .

DISCUSSION

a) SPÉCIALISATION OU COMPORTEMENT ALIMENTAIREou GOÉLAND LEUCOPHÉE

La prédation d'œufs e t de poussins de flamants par le Goélandleucophée constitue un comportement propre à un petit nombre de goélands. Actuellement cette forme de prédation n'a été obser­vée que dans 2 colonies de flamants importantes, celle de Ca-

- 105 -

Page 20: LA PREDATION DU FLAMANT ROSE PHOENICOPTERUS RUBER

margue e t celle du lac Rezaiyeh en Iran (1 .W.R.B. , 1978) . Bien que les travaux d'Ashtiani ne nous soient p as accessibles, nous admet­trons qu'en Iran comme en Camargue cette prédation ne fait intervenir que les goélands qui nichent dans le voisinage immé­diat des flamants. En Camargue, c'est entre 1957 e t 1960 que cette pression de prédation a été l a plus forte. Hoffmann (1959) a observé en 1957 j usqu'à 100 goélands sur l a colonie de flamants. On ne sait cependant pas quelle était la p art des goélands nicheurs

2400

2200

2000

1800

1600

1400

1200 "' � .. 1000 "D 'i5 a.

800

600

400

200

10

n - 171

y - 0,47 X 1,64

30 50

,:/

70 90 110 longueur du tarsometatarsus Cmm)

(i J 1 ,,"':.

130 150

F i gure 9. - fl.elation entre le po ids corporel du F lamant rose et l a longueur de son tarsométatarse . Coube modèle sch ématique.

- 1 06 -

Page 21: LA PREDATION DU FLAMANT ROSE PHOENICOPTERUS RUBER

locaux dans cette prédation. La colonie de flamants ne représente pour les goélands une ressource alimentaire que pendant une cen­taine de j ours par an, et son « exploitation » nécessite de la part des prédateurs une dépense d'énergie importante. Cette dépense est supportable pour les goélands qui n ichent sur place, car elle leur procure une nourriture d'appoint riche en protéines pendant la période d'élevage de leurs j eunes. De plus, cet appoint se trouve pour ainsi dire « à portée de bec » de leur propre ni d . Pour ceux qui nichent plus loin de la colonie de flamants, ou pour les imma­tures venus d'ailleurs, le bénéfice n'est pas aussi évident ; ils vont devoir résister aux attaques des goélands locaux, ce qui, sur le plan du bilan énergétique, doit représenter un coùt important.

Le compo rtement prédateur du Goéland vis-à-vis du Flamant ne diffère pas fondamentalement de celui des autres Laridés à l 'égard d'autres oiseaux. Ce « généraliste » très adaptable apprend très rapidement à exploiter une nouvell e proie potentielle . Pour s'en convaincre, il suffit de voir avec quelle vitesse les j eunes goélands, dès qu'ils sont devenus autonomes, se me ttent à atta­quer les j eunes flamants .

b) LES MÉCANISMES DE DÉFENSE DU FLAMANT ROSE

En observant la colonie de flamants, on est touj ours frappé par leur absence de réaction devant le comportement agressif des goélands. En général, un Flamant est incapable de se défendre physiquement contre un prédateur quelque peu entreprenant ; adapté à la vie dans un milieu très spécial, il ne possède ni l'ai­sance de vol, ni le bec pointu et puissant, de ses adversaires. Son seul avantage est celui de la taille. Si les flamants nichaient isolément et de façon dispersée (Tinbergen, lmpekoven et Franck, 1 967) , ils ne p arviendraient certainement pas à se dissimuler et à se défendre contre les goélands. Le fait de nicher en immenses colonies réduit certainement, pour le couple de flamants isolés, le risque d'être attaqué, car il est invraisemblable qu'une colonie importante puisse être intégralement pillée par des goél ands. Il est certain que les couples installés en périphérie de la colonie sont beaucoup plus exposés que les autres . Pour se protég·er au m aximum des prédateurs chaque Flamant a intérêt à nicher le plus au centre possible de la colonie (Patterson, 1 965 ; Hamilton, 1 971 ) . En réalité les nids sont aussi rapprochés que possible les uns des autres, chaque oiseau défendant un territoire dont le rayon correspond à la longueur de son cou. Si les nids étaient plus p rès les uns des autres, cela donnerait lieu à d'incessantes dis­putes (Swift, 1 960, et Patterson, 1965 pour les mouettes rieuses) . Mais une colonie ne peut offrir une protection contre les préda­teurs que si elle est dense. A cela il faut aj outer que la synchro­nisation de la nidification est nécessaire, car les nicheurs tardifs se reproduisent en groupes beaucoup plus lâches, ce qui les rend

- 1 07 -

Page 22: LA PREDATION DU FLAMANT ROSE PHOENICOPTERUS RUBER

plus vulnérables. Cette importance de la synchronisation de l'in­cubation et de l'éclosion a déj à été évoquée à plusieurs reprises (Swift, 1960 ; Kruuk, 1964 ; Patterson, 1 965 ; Studer-Thiersch, 1974 ; Emlen et Demong, 1975) ; l a plupart des poussins issus des 7000 couples de notre colonie vont effectivement éclore en l'espace de deux semaines et demie. Les derniers flamants nicheurs quittent souvent leurs œufs avant l'éclosion des poussins (obs. pers. et Lomont, 1954) . On peut faire l a même remarque pour les j eunes oiseaux de la crèche. Chaque poussin cherche à prévenir les risques de capture en pénétrant aussi profondément que possible dans la crèche (Rooth, 1965) .

c) INFLUENCE DU GOÉLAND LEUCOPHÉE SUR LE FLAMANT ROSE

Le succès de reproduction des flamants est variable e t irré­gulier. Au cours des 67 dernières années, l 'espèce a niché 43 fois en Camargue (Johnson, 1975 et corn. or.) . La moyenne du succès dereproduction entre 1944 et 1980 fut de 38,1 % (100 % = un j euneélevé j usqu'à l'envol, par couple et p ar année) . J'ai essayé, à p artir des comptes rendus annuels (Lomont, 1 950 et 1 954 ; Hoffmann, 1955-1964 ; Johnson, 1966-1976 ; Hafner, Johnson et Walmsley, 1979 et 1980) (Figure 10) , d'expliquer l'échec de la repro duction de différentes manières : passage d'avions à b asse altitude ; éro­sion ou inondation de l'îlot de nidification ; forte prédation de la part des goélands ; conditions atmosphériques défavorables entraî­nant une mauvaise synchronisation de la nidification, forts coups de vent provoquant une submersion de la colonie et, finalement, dérangements provoqués par des collectionneurs d'œufs ou des photographes. Les premiers œufs de goélands leucophée n'ont été découverts en Camargue qu'en 1935 (Meylan, 1939) . A p artir decette date l'espèce a vu ses effectifs augmenter dans des propor­tions importantes et dès 1960 on a commencé à en contrôler régu­lièrement ses effectifs. Dans le tableau VII, les années qui se sont écoulées entre 1944 et 1980 ont été divisées en 3 périodes : pé­riode A, au cours de laquelle les effectifs de goélands ont aug­menté lentement ; période B, au cours de laquelle les flamants ont b eaucoup souffert de la prédation des goélands et période Cqui a été marquée par des campagnes de limitation des effectifs de ces derniers. On constate que pendant la période B le succès de reproduction a été extrêmement mauvais, alors que pendant la période A il a été plus élevé que la moyenne. Par contre, si l'on considère la moyenne annuelle des jeunes ayant pris l'envol, la situation est totalement différente. Depuis 1 960 cette moyenne a beaucoup augmenté en dépit d'un succès de reproduction mé­diocre. Ceci peut s'expliquer p ar le fait que l'homme a tout mis en œuvre pour inciter les flamants à nicher. Sur l'îlot érigé en 1 974 l'érosion et l'inondation ne j ouent plus provisoiremen t qu'un rôle m:neur et le niveau d'eau reste constant dans les étangs des

- 108 -

Page 23: LA PREDATION DU FLAMANT ROSE PHOENICOPTERUS RUBER

A H C G E G G E E A,E A G 9000 C A c A A c G

7000 Phoenicopterus ruber roseus

500"_ · 1

3000

1000

0 1944 47 50 53 56 59 62 65 68 71 74 77

Larus cachinnans � 2500

1 500

F i gure 1 O. - Evolution des populations de flamants roses et de goélands leucophée en Camargue, de 1 944 à 1 980.

Flam an ts : en blanc = couples n i cheurs ; en noir = j eunes à l 'envol . Causes pro­bables des échecs dans la reproduction : A = a v i o n s survolant la colonie à basse altitude, G = p re s s i o n de prédat i o n du Goéland, E = éro s i o n du s i te de n i di fi-

cation, C = facteurs c l i matiques, H = pillage d'œufs par l'homme.

G o é land : en blanc = cou p l e s n icheurs entre l e Grau-du-Ro i et Fo s-sur-Mer ; en n o i r = cou p l e s n i cheurs sur l ' i le de Camargue ;

A

B

c

T = début des contrôles annuels (voir le texte ) .

TABLEAU VII

Succes de reproduction de la colonie de flamants rosies en Camargue de 1944 à 1980.

Période

1 944-1 956

1 9 5 7 - 1 960

1 96 1 -1 980

Succès de reproduction en %

44,7

23,7

3 7 ,0

- 109 -·

Nombre de j eunes à l 'envol pn r an

1 358,3

1 1 33,8

1 809,1

Page 24: LA PREDATION DU FLAMANT ROSE PHOENICOPTERUS RUBER

salines où se reproduisent les flamants. Pendant plusieurs années la colonie a été bien surveillée e t les survols à basse altitude se sont raréfiés. Durant toutes ces années la prédation exercée par les goélands est restée stable. Pour les années au cours desquelles il n'y a p as eu de tentative de nidification (1964-1968) , ce ne sont pas les goélands qui ont été responsables de l 'échec, mais l'éros.ion du site et les survols d'avions à basse altitude .

Le Goéland leucophée est responsable de la moitié tout au plus des pertes subies par les flamants pendant leur période de reproduction (1957 et 1959) . Les autres facteurs responsables d'une part importante de la mortalité sont les blessures lors de l'éclo­sion et les maladies contractées p ar les poussins (Gallet , 1 949) , et l'étouffement ou le piétinement de ceux-ci p ar des adultes impru­dents ou effrayés (influence i ndirecte des prédateurs) . En 1980, 40 cadavres de poussins qui n'avaient pas été dévorés ont été ainsi retrouvés à proximité des nids. Chez les j eunes ayant dépassé le stade de poussin et les adultes, la mortalité est très faible, ce que soulignent d'ailleurs Allan (1956) , Uys et al. (1 963) , Rooth (1 965) et Brown et al. (1 963) . On ignore quelle est l ' importance des pertes d'œufs et la part des œufs stériles . Pour 1980 on peut évaluer à environ 2 400 le nombre d'œufs perdus ou non éclos (7 500 couples, 1 000 œufs et j eunes victimes de · la prédation, 100 poussins morts dans d'autres circonstances, 4 000 j eunes ayant pris l'envol) . Ceci nous montre l' importance exacte de la prédation par le Goéland leucophée. Mais, partout où il niche, le Flamant rose est confronté à des prédateurs. Sur le lac Elementeita (Kenya) , c'est le Marabout (Leptopilos crumeniferus) qui cause j usqu'à 76,5 % des pertes(total de la mortalité : 92 % , Brown e t al., 1 973) . Depuis peu, le Pélican blanc (Pelecanus onocrotalus) lui fai t concurrence sur les sites de nidification. Bien d'autres oiseaux et mammifères sont aussi des prédateurs occasionnels ; ceux-ci ont été énumérés par Brown (1958 et 1975) et Uys et a l. (1963) .

En conclusion on peut dire que le Goéland leucophée ne repré­sente actuellemen t aucun danger pour la population camarguaise de flamants roses. II ne fait qu'occuper la place d'un prédateur naturel qui, dans d'autres colonies, serait prise par d'autres espèces. On ne connaît cependant pas les conséquences que pour­rait avoir, sur les flamants et les autres espèces, une augmentation importante de ses effectifs (cf. discussion générale dans Salathé 1981) . Si la situation changeait fondamentalement, il faudrait alors envisager de procéder à une réduction des effec tifs en faisant appel à la méthode décrite par Blondel (1963) .

RESUME

En Camargue le Goéland leucophée pille œufs et poussins de flamants, soit au nid, soit dans les grandes crèches gràce à une

- 1 1 0 -

Page 25: LA PREDATION DU FLAMANT ROSE PHOENICOPTERUS RUBER

technique particulière qui lui permet de faire lever le couveur de son nid. Pour capturer les poussins déj à un peu .âgés, les goélands s'y mettent à 2 ou plus . Lorsqu'un Goéland attaque la crèche, les j eunes flamants réagissent en se serrant j usqu'à constituer une masse compacte, minimisant ainsi les risques de prédation. Parmi les épisodes de prédation observés, 42 % ont réussi, 7 % ontéchoué et 51 % se sont limités à de courtes interactions. Les goé­lands exercent leur prédation de préférence en fin d'après-midi e t avant la tombée du j our. Au cours de la saison de reproduction, la fréquence de la prédation varie en fonction de la disponibilité des proies qui atteint son maximum fin mai/début j uin. Ce sont surtout les goélands qui se reproduisent sur l'îlot de nidification des flamants qui exercent une prédation sur la colonie. Les fla­mants nichant en bo rdure de la colonie, ou dans un groupe moins dense, sont les plus menacés. Le nombre d'œufs et de poussins p rélevés est estimé à 1 1 % au moins des œufs pondus (les pontesde remplacement n'étant p as prises en considérati on) . En outre le Goéland consommerait 32 % des œufs abandonnés par les fla­mants. Mais ce prélèvement ne peut satisfaire que 40 % seulementdes besoins des 14 couples installés sur l'îlot de nidification des flamants.

La prédation du Go éland leucophée sur le Flamant rose n'a été observée qu'en Camargue et sur le lac Rezaiyeh en Iran. Le Flamant n'est guère en mesure de se défendre d irectement, mais la nidification en colonies denses et la synchronisation du cycle reproducteur lui confèrent vraisemblablement une certaine prc­tection.

D ans les conditions actuelles, le Goéland leucophée n'a aucune influence sur la population ouest-méditerranéenne de flamants roses et il ne fait qu'o ccuper la niche d'un prédateur naturel.

SUMMARY

Yellow-legged herring gulls prey on the Greater Flamingo breeding colony in the Camargue, taking both eggs and chicks. They kill young chicks in their nest and flightless young forming large aggregates ( « crèches » ) .

To rob nests the Yellow-legged herring gulls have developped a technique which forces the brooding flamingo to stand up. Once standing the brooding bird no longer defends its nest and the gull can take i ts content. Two or more gulls can cooperate whcn trying to catch larger chicks in a crèche . Such an attack causes young in the crèche to clump together and this may deter p redation. Of the attacks observed 42 % were successful and 7 % unsucce�sful,in spite of the perseverence of the predators. Fifty one percent were only brief interactions, the predators not pursuing their attack.

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Predatory episodes were most numerous during late afternoon until dusk, and behveen the end of May and the beginning of June when all nests held eggs or small chicks. As their size incre ased chicks became progressively more difficult to overcome. All pre­dators were adult gulls nesting on the « Flamingo Island » itself. Attempts by some immature and j uvenile birds were scarce. Mar­ginal and late flamingo nests were more vulnerable to predation than those located in the center of the colony. In the C amargue, the Yellow-legged herring gull breed three weeks before the fla­mingo. The adaptive value of this time-lag between the breeding seasons of the two species is discussed.

The total number of eggs and chicks taken by the gulls is estimated to be a t least 1 1 % of the eggs laid (without taking into account second clutches) . Furthermore 32 % of the flamingo eggs (exclusive second clutches) were lost for other reasons, but eaten by the gulls afterwards. Flamingo eggs and chicks can account for up to 40 % of the food intake of the 14 p airs of Yellow-legged herring gulls breeding on the « Flamingo Island » .

Flamingo predation by Yellow-legged herring gulls is known from the Camargue and Lake Rezaiyeh (Iran) only. Flamingos are very vulnerable to predation but the size of the colony and the close synchronisation of the breeding cycle m ay reduce i ts impact . Under present controlled conditions the Yellow-legged herring gulls do not appear to exert much influence on the population dynamics of the Camargue flamingos .

REMERCIEMENTS

Cette étude a été réalisée grâce à une aide f inancière de l a Basler S t iftung für Biologisch e Forsch ung. Luc Hoffm a n n a bien voulu m ' accueill ir à la Station Biologique de l a Tour du Valat. Alan Johnson m ' a i n troduit dans le domaine des o i seaux de la zone littorale camargu ai se et m'a fait de n ombreu ses suggestio n s .Tout c o m m e Heinz Hafner, Adelheid Studer-Th iersch, Hans Waclcernagel, Paul Isenmann et .Jacques Blondel , i l a l u les d i fférentes versions du m an uscrit et fait des critiques con structives. Chantal Heurteaux a bien voulu se charger de la traducti on du manu scrit origina l . Qu e tous trouvent ici l 'expre ssion de m a reconnai ssance.

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