la monnaie de pont-de-sorgues dans la première moitié du xive siècle

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Marc Bompaire

La monnaie de Pont-de-Sorgues dans la premire moiti du XIVe sicleIn: Revue numismatique, 6e srie - Tome 25, anne 1983 pp. 139-176.

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Citer ce document / Cite this document : Bompaire Marc. La monnaie de Pont-de-Sorgues dans la premire moiti du XIVe sicle. In: Revue numismatique, 6e srie Tome 25, anne 1983 pp. 139-176. doi : 10.3406/numi.1983.1841 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/numi_0484-8942_1983_num_6_25_1841

Marc BOMPAIRE LA MONNAIE DE PONT-DE -SORGUE S DANS LA PREMIRE MOITI DU XIVe SICLE

La prsence d'un atelier montaire dans la petite ville de Pont-deSorgues (aujourd'hui Sorgues) situe prs d'Avignon dans le marquisat de Provence est atteste ds l'poque des comtes de Toulouse qui y frapprent en grandes quantits les deniers raimondins au type du soleil et de la lune. Les comptes d'Alphonse de Poitiers montrent que l'atelier fut plus ou moins actif son poque. Quand les papes entrrent en possession du Comtat venaissin en 1274 ils ne marqurent pas d'intrt particulier pour l'atelier avant Boniface VIII en 1300, et Clment V qui y frapprent des deniers pour satisfaire des besoins locaux. Clment V avait aussi fait fabriquer des gros imits du gros tournois, mais ces pices demeurent trs peu abondantes et il semble qu' aucun moment ces papes d'Avignon qui surent dvelopper une fiscalit rigoureuse ne songrent vraiment tirer parti des revenus d'un atelier montaire. Les produits de la fiscalit n'y furent jamais refondus et la politique montaire de Jean XXII, avec la cration d'un florin d'or qui pouvait prtendre l'universalit, mrite d'tre examine ce point de vue. D'autres circuits taient prvus pour les revenus de la fiscalit pontificale par les compagnies financires et l'poque de Clment VI nous croyons pouvoir discerner une politique montaire plus affirme, mais l'chelle du Comtat seulement. Il faut attendre le temps du Schisme pour que de grandes manuvres montaires se produisent de nouveau en Avignon, mais elles ne portrent gure que sur la monnaie de compte et, seules, les missions de Jean XXII semblent avoir t trs abondantes pour l'or et mme pour l'argent. On considre gnralement que l'atelier montaire fut transfr de Sorgues en Avignon aprs l'achat Revue numismatique, 1983, 6f srie, XXV, p. 139-176

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de la ville par Clment VI en 1348, mais il n'est pas possible de prciser le moment o l'atelier de Pont-de-Sorgues fut dfinitivement ferm. Les sources L'histoire montaire des papes d'Avignon a eu la chance et la malchance d'avoir trouv son historien ds le xvii sicle : le prfet des archives vaticanes, Garampi, avait en effet rassembl la plupart des documents qui subsistaient sur la question1. Par la suite les numismates ont priodiquement redcouvert l'ouvrage et y ont puis les lments qui les intressaient. Ainsi ont procd R. Vallentin en 1893, Castellane en 1906, Martinori en 1907, alors que les historiens retrouvaient et publiaient les documents cits par Garampi : Faucon en 1884, G. Mollat en 1908 qui renvoyait aux publications des lettres secrtes de Coulon et Deprez et signalait des textes nouveaux sur l'organisation de l'atelier. L'intrt que Hirsch et la

1. Voici les principales tudes consacres la question : Giuseppe Garampi, Saggi di osservazioni sul valore dlie antiche monet pontificie, Rome, 1776. Roger Vallentin, Le seigneuriage aux ateliers pontificaux de Sorgues, d Avignon et de Carpentras, RSN, 1893, p. 182-193. Comte de Castellane, Observations sur le classement des premiers florins pontificaux du Comtat Venaissin et d'Avignon, RN, 1906, p. 35-50. Eduardo Martinori, La zecca papale di Ponte dlia Sorga , RIN, XX (1907), p. 215-256. Adrien Blanchet, Obole de Jean XXII , Bolletino italiano di numismatica e di arte dlia medaglia, 1908, p. 66-68. Maurice Faucon, Les arts la cour d'Avignon sous Clment V et Jean XXII, Mlanges d'archologie et d'histoire, 4 (1884), p. 57-130. Guillaume Mollat, Les papes d'Avignon et leur htel des monnaies Sorgues, RN, 1908, p. 252-266. Auguste Coulon, Lettres secrtes et curiales du pape Jean XXII, Paris, 1906. Eugne Deprez, Clment VI, lettres closes, patentes et curiales se rapportant la France, Paris, 1901. Johan Peter Kirsch, Die Rickkehr der Ppste Urban V und Gregor XI von Avignon nach Rom, Paderborn, 1898. Friedrich Schfer, Die Ausgaben der apostolischen Kammer unter Johann XXII und Benedikt XII, Paderborn, 1911. Emil Gller, Die Einnahmen der apostolischen Kammer unter Johann XXII, Paderborn, 1910. L.-H. Labande, La monnaie de Sorgues d'aprs de nouvelles publications , Gazette numismatique franaise, 1908, p. 319-326. Denise van Derveeghde, A propos du monnayage d'or de Jean XXII , Bulletin de l'Institut historique belge de Rome, 1952, p. 391-394. Yves Renouard, Les relations des papes d'Avignon et des compagnies commerciales et bancaires, Paris, 1941. Jean-Baptiste Giard, Le florin d'or au Baptiste et ses imitations en France au xive sicle , Bibliothque de l'Ecole des chartes, CXXV (1967), p. 94-141. Ces tudes seront cites d'aprs le seul nom de l'auteur.

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Grres-Gesellschaft manifestaient en 1908 pour les questions mont aires se retrouve dans l'introduction que leur consacre Schfer l'occasion de la publication de comptes de la Chambre apostolique que Gller et lui-mme firent en 1910 et 1911. En 1952, D. Van Derveeghde compltait la documentation en dcrivant le registre Introitus et exitus 56. Un bilan tait ralis en 1940 par Y. Renouard sur le personnel de l'atelier, et par J.-B. Giard en 1967 sur la question du florin pontifical. Nous n'apportons aucun texte nouveau sur la question, mais il a sembl utile pour l'histoire montaire et conomique de prsenter sous forme de tableau les donnes quantitatives sur la production montaire contenues dans Gller, en essayant auparavant de montrer toutes les indications annexes que l'on peut tirer de ces comptes quant l'organisation administrative et technique de l'atelier ou la politique montaire de Jean XXII. Seule la multiplication de ces points de rfrence chiffrs permettra une approche des volutions conomiques et politiques en matire de monnaie plus sre que celle qui nat de la comparaison des ratios or-argent. Les recettes ordinaires de l'atelier montaire figurent parmi les recettes de diversis de la chambre apostolique, sous la rubrique de senhoria monet Pontis Sorgie2. Mais les quantits de mtal prcieux que le pape confiait l'atelier pour les faire transformer en monnaie, ne faisaient pas l'objet d'un prlvement de seigneuriage du pape et chappaient au circuit ordinaire ; cette transformation, d'autre part, ne constituait pas proprement parler une recette, c'est pourquoi les missions de monnaies qui en rsultent figurent dans le liber de cambio pecunie dcime sexennalis et monet Pontis Sorgie 3, ou dans le registre de receptis a domino nostro papa 4 avec les sommes que le pape fait changer ou monnayer avant de les envoyer aux troupes d'Italie. Cette disposition archivistique montre qu' cette poque l'atelier n'tait pas conu comme devant d'abord transformer en monnaie du pape les produits de la fiscalit (ces sommes taient aussi bien changes que monnayes) ; cela nous apprend aussi qu'il n'y avait pas d'administrat ion montaire spcialise et que le seul contrle a posteriori tait d'ordre comptable.

2. Goller, p. 9 et p. 6. 3. Martinori, document 6, p. 251 {Introitus et exitus 56). 4. Goller, p. 569-577 {Introitus et exitus 142).

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MARC BOMPAIRE Les missions d'argent de 1317-1321

Ces remarques se vrifient particulirement pour ce qui regarde les monnaies d'argent et de billon mises de 1318 1321 Sorgues. Clment V y avait dj battu monnaie, mais la frappe s'tait interrompue et les pices nouvelles avaient une valeur et un type diffrents : Les clmentins prsentaient un revers inspir par les gros tournois, alors que celui des pices nouvelles tait inspir des gillats de Naples et de Provence 5 dont elles prirent le nom ( julhatos argenti sive paparinos) ; ces pices valaient respectivement 10 d. ob. et 16 d. ob. viennois en janvier 1318 6. La premire mission de gillats date du 24 dcembre 1317 7 et le 26 novembre 1317 8 la chambre enregistrait une dpense de 234 florins pro edificatione domorum ubi dbet cudi moneta , ces travaux devaient tre alors achevs et le bail de la monnaie lgrement antrieur. Le bail a t fait au nom du pape par Branger, cardinal vque de Tusculum, oncle du camrier et par devant notaire pontifical. Le premier compte de fabrication cite ces conventiones initas cum dieto magistro 9, en les prsentant comme un contrat notari. La reddition de ce compte fait elle-mme l'objet d'un procs-verbal notari (fecit instrumentum... de dieto computo ) qui sert de quittance pour le matre. Cette procdure de dsignation du matre marque l'indpen dance matre qui pouvait ngocier un contrat alors que les divers du officiers de l'atelier taient dsigns par bref apostolique. Notons cependant qu'en 1344 le bail fut galement pass devant notaire par le camrier, afin surtout d'tablir le mmorial de la prestation de serment du matre10. Diverses mentions permettent de reconstituer les opra tions de contrle de ce monnayage d'argent. La prsence de deux gardes de l'atelier est atteste : ils ont reu du matre une somme qui vient en dduction de ce que celui-ci doit la Chambre apostolique11. Rien n'indique la destination de ces 411. 14 s. t. mais les gages taient souvent pays de cette faon et cette

5. Selon Henri Rolland, Monnaies des comtes de Provence, xir^-xv* sicles, Paris, 1956, p. 137-140, les gillats ne furent mis en Provence, qu'aprs 1330, mais on donnait ce nom aux gros au buste frapps depuis 1315 au moins. 6. Gller, p. 289. 7. Gller, p. 291. 8. Schfer, p. 280. 9. Gller. p. 293. 10. Schfer, p. 144. 11. Gller, p. 291.

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interprtation reste probable mme si cette somme pour les 9 mois que couvre le compte ne correspond pas un compte rond pour l'anne, comme les 50 1. t. que la Chambre versa en 1322 au garde de la monnaie d'or. L'mission des pices frappes, la dlivrance se faisait des marchands12, mais la nature du contrle alors effectu n'est pas prcise. La dlivrance concidait sans doute avec la dlivrance de la bote qui se pratiquait galement en prsence de changeurs et de marchands 13. Ce systme de la bote tait alors d'un usage trs commun : une proportion dtermine des pices frappes tait prise au hasard et mise dans une bote scelle, par le garde. Lors du contrle la bote tait ouverte, les pices comptes, peses et essayes (nous avons une mention d'un essai fait en prsence de marchands et de changeurs par l'essayeur de l'atelier) 14. Ainsi taient dtermins le nombre, le poids et le titre des pices mises. Mais soit qu'il n'y ait pas eu de tolrances ou remdes l'mission soit que les marchands en aient inclus l'incidence dans leurs calculs, ils ne transmettaient la Chambre que le poids du mtal frapp par le matre. La Chambre apostolique demandait au matre de rendre ses comptes et de payer le seigneuriage qu'il devait aprs l'ouverture de chaque bote, de faon pouvoir intervenir, si ncessaire, peu de temps aprs l'mission. Son contrle cependant n'avait rien de technique et restait purement comptable, portant uniquement sur le calcul du seigneuriage. Deux cas seulement font exception : le paiement d'une somme aux gardes et un versement pour des travaux aux forges de l'atelier sont dduits de ce que devait le matre15. En France les dpenses de ce type taient rgulirement avances par le matre, mais Sorgues ces cas demeurent isols ; cela s'explique par la proximit de l'administration de de la caisse centrale qui rend ce type d'assignations inutile. Il y a en effet des exemples inverses : en 1322 les gages du garde de la monnaie d'or ont t verss directement par la Chambre 16, les travaux de prparation de l'atelier la frappe de l'or (amlioration des fermetures...) ont t excuts sous la responsabilit de Pierre de Aula, administrator operum pour la construction du palais de Sorgues de 1319 1324 17 et qui en 1326 fut encore charg d'inspecter les locaux de

12. 13. 14. 15. 16. 17.

Gller, p. 292 sqq. Gller, p. 295. Gller, p. 300. Gller, p. 291. Faucon, p. 83. Faucon, p. 119-121.

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l'atelier et y passa 77 jours. En 1332 c'est encore l'intendant de Sorgues qui reut une somme destine la rfection des murs de l'atelier. Pour la monnaie d'or comme pour celle d'argent les locaux situs dans la partie ancienne du chteau18 taient fournis aux matres par la Chambre, selon les baux de 1344 et 1350 qui prcisent qu'en revanche l'outillage et l'quipement restaient la charge des matres. Le seigneuriage Les seuls lments du bail nous tre assez bien connus concernent le seigneuriage d par le matre la Chambre ( pro jure senhorie seu dominii..., de senhoria quam dbet carrire...19 ). Il diffre pour les deux espces mises, gillat et denier (appel dans les textes paparinus parvus ) dont nous ne connaissons pas les conditions lgales. Le seigneuriage tait valu par marc d'argent fin pour les gillats, mais par marc d'uvre, c'est--dire de mtal alli et travaill pour les deniers ; ce qui inciterait penser que les gillats taient des pices d'argent fin. Cependant la liste de pices d'argent tablie au milieu du sicle par un changeur de Montolieu (Aude) et qui n'est pas exempte d'erreurs, ne prte que 11 d. 18 grains aux julatz del papa 20. Le marc d'argent fin supporte un seigneuriage de 2 s. tournois, en comptant le gillat pour 16 d. viennois ( computatis 2 s. turonensium parvorum pro senhoria cujuslibet marche dicti argenti fini pro quibus dbet solvere paparinum argenti pro 16 d. viennensium ) 21. Ce systme d'valuation ne manque pas de surprendre : il repose sur une monnaie trangre, le tournois, largement rpandue certes, mais qui n'tait pas mme utilise le plus couramment dans les comptes de la Chambre apostolique. Si en 1318 diverses espces dont le viennois sont converties en tournois dans le compte rcapitulatif, en 1319 et 1320 les tournois sont convertis en viennois 22. Le viennois tenait alors la place principale dans les comptes, ce qui justifie que lui soit confi le rle de moyen terme dans le calcul du seigneuriage. On peut constater qu'au taux habituel de conversion du viennois au tournois (5 d. v. pour 4 d. t.) 2 s. t. font 30 d. v., ce qui ne 18. Srhfer, p. 144-146. 19. Gller, p. 291-293. 20. Bibliothque de l'Arsenal, ms. 8315, fol. 4 v. 21. Gller, p. 291. Selon H. Rolland, p. 138, le seigneuriage en Provence tait en 1318 de 2 s. de reforciat par marc d'argent fin frapp en gillats, de 2 d. par marc d'uvre de deniers et de 3 oboles par marc d oboles, ce qui se rapproche des taux de Sorgues puisque le reforciat tait gal au tournois. 22. Gller, p. 290 et 297.

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correspond pas un nombre entier de pices frappes (gillats de 16 d. v.), moins que le titre des pices soit de 11 d. 18 grains ; on aurait alors 2 gillats par marc d'uvre et les 15/16 par marc de fin, soit 2 s. t., mais le dtour par la monnaie viennoise dans le calcul se concevrait encore plus difficilement. Ce mode d'valuation du seigneuriage dont nous ne connaissons pas d'quivalent est d'autant plus curieux que la part du prlvement seigneurial pouvait tout moment tre modifie par des mutations du tournois ou du viennois. Etait-ce un moyen d'y tre sensible et de se prparer ragir rapidement ? 23 Le seul lment de rponse dont nous disposions tient l'attitude du matre, provoque ou encourage par la Chambre peut-tre. Sur dix versements la Chambre, six sont faits en gillats et pour l'appoint en viennois, ce qui tait la pratique habituelle, le premier est fait en gillats et pour le cinquime en agnels et florins d'or et les trois derniers sont faits en florins. Le dtour comptable par le tournois, inutile quand le versement se faisait dans la monnaie frappe se comprend un peu mieux pour des versements en or. Cette facult de payer en or ou en argent permettait au matre ou la Chambre de mieux s'adapter la conjoncture dans ces annes 1320 o les trafics d'exportation d'argent vers l'orient battaient leur plein24.

23. Une clause du bail de 1335 en Provence prvoit que le bail doit tre rengoci si la monnaie franaise est mue, Rolland, op. cit., p. 42. 24. Il faut noter que Guillaume Matre qui fut matre de la monnaie de Sommires (associ Thore dal Poggio, membre d une famille qui s illustra l'atelier de Sorgues) sjourna Paris, du 26 juillet au 27 novembre, comme dput de Montpellier pour dlibrer sur les questions montaires (Jules Viard, Les journaux du trsor de Charles IV, nos 1328, 1393, 1943). Il dposa galement lors de la grande enqute de 1322 en Languedoc sur l'exportation et la fonte des mtaux prcieux en accusant un certain Guillaume Lanfroy d'avoir envoy 100 000 marcs d argent la monnaie du roi Robert, comte de Provence (Arch. Nat., J 1033, pice 26). Il avait d'ailleurs cess de s'occuper lui-mme de l'atelier de Sorgues entre dcembre 1319 et avril 1320, puisque Ricchius Corboli le remplaa alors. La papaut, sinon l'atelier montaire n'tait d'ailleurs sans doute pas sans responsabilits dans cette affaire, puisque le principal accus Jean Palmier et ses associs furent dpositaires entre le 30 janvier 1319 (Schfer, p. 397) et le 7 mars 1320 au plus tard (Schfer, p. 404) des sommes provenant de la dcime leve en France, dans les provinces de Narbonne, Bordeaux, Auch, Lyon, Tours et Bourges, dcime collecte et deportate per collectores rgis Francie . Il y eut au moins 38 000 florins qui furent verss pour la construction de gales Marseille et Narbonne, o rsidait prcisment Pierre Garric, associ et complice de Jean Palmier (Arch. nat., JJ 66, n 715). Les officiers du roi de France qui n'avait pu chapper le transfert de ces fonds, collects en monnaie de billon sans doute, s'taient mus que ce mtal soit fondu et export pour tre converti en florins de la faon la plus avantageuse. Peut-tre ne faut-il donc pas exagrer l'importance de ce trafic qui se termina par une composition, assez leve certes, des coupables, ni surestimer le rle des ratios comme origine et comme moteur des mouvements des mtaux. Sur cette question, voir Robert-Henri Bautier, L'or et l'argent en Occident au dbut du XIVe sicle , Comptes rendus. Acadmie des inscriptions et belles lettres, 1951, p. 169.

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MARC BOMPAIRE Le systme montaire

En tout cas la Chambre n'exigeait pas d'tre paye avec les espces qu'elle faisait frapper, et qui taient probablement destines seulement la circulation locale. Cela laisse entendre que contrairement bien des princes de l'poque, commencer par le roi de France, elle ne mettait pas son honneur n'utiliser que sa monnaie et que la frappe n'tait pas lie une volont d'affirmer sa souverainet. Les mentions de paparini, johannini, avinionenses releves dans les comptes de la Chambre sont extrmement rares dans ces annes 1320 o le viennois tait la monnaie courante pour comptabiliser les menues dpenses et aumnes dans le Comtat. Ces missions montaires n'taient pas non plus guides par le souci du profit puisque, comme l'a montr R. Vallentin, le seigneuriage tait limit un taux de prlvement trs rduit : en 1371 l'or tait frapp sans seigneuriage, en 1393 pour l'or et en 1350 pour la petite monnaie le pape se contentait des remdes et des fautes de fabrication, ce qui prouve une volont de remplir le peuple de monnaie divisionnaire. Le profit ne pouvait pas non plus rsulter de ce que ces pices en imitaient d'autres car elles avaient une valeur intrinsque gale celle de leur modle. Le souci du bien public devait donc l'emporter puisque les frappes d'argent et de billon avaient peu prs cess en France depuis la fin du rgne de Philippe le Bel et que les espces de bonne qualit devaient commencer faire dfaut. Pour confirmer cette hypothse il faudrait connatre les conditions de l'mission car les pices devaient tre alignes sur les espces courantes, franaises ou provenales. Ce fait apparat dj dans le nom et le type des gillats dont les exemplaires conservs psent entre 3,2 g et 3,9 g, alors que les gillats de Naples et de. Provence pesaient autour de 3,90 g25. L'alignement des pices se manifeste mieux encore par l'alignement des cours car les comptes parlent de gillats sans prcision. Le 17 juin 1321 26 on rencontre cependant des carlins de Naples valus 18 d. v. la pice, ce qui est prcisment le cours du gillat cette date. Les indications les plus nombreuses sur les variations de cours du gillat pontifical sont donnes par les comptes de l'atelier lui-mme 25. Philip Grierson, Le gillat ou carlin de Naples Provence, le rayonnement de son type montaire , Catalogue de l'exposition Centenaire de la Socit franaise de numismatique, Paris, 1965, p. 43-56, cite des poids de 3,70 3,95 g pour les pices frappes Naples depuis 1302, et Rolland, op. cit., p. 140, indique une taille de 59 l/16e au marc (3,91 g) et un titre de 11 d. 5 g selon le bail provenal de 1330. 26. Gller, p. 299; de 1318 1327 le gillat tait valu 13 d. reforciats en Provence, selon Rolland, op. cit., p. 138-139.

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puisque le seigneuriage, valu en d. t. au taux de 16 d. v. par gillat est souvent vers en gillats valus leur cours rel par la Chambre qui les reoit. En dcembre 1317 le cours est de 16 d. ob. v., de 17 d. v. en septembre 1318, il passe ensuite 17 d. picte v. en janvier 1319, 21 d. paparins soit 14 d. t. ou 17 d. ob. v. en avril avant de se stabiliser 18 d. v. en janvier et aot 1320 et en aot 1321. Cette volution est parallle celle du prix du marc d'argent ou des gros tournois, telle qu'elle est par ailleurs connue27. Le bail de Guillaume Matre couvre sans doute toute la priode, mme si les deux dernires annes il est associ Richius Corvi, car le taux de conversion du gillat 16 d. v. aurait normalement t rvis pour un nouveau bail. Ce taux tait dj en dcalage avec la ralit lorsqu'il fallut payer les travaux d'amnagement de l'atelier. Faut-il en conclure que le bail tait sensiblement antrieur dcembre 1317, que la hausse dbuta peu aprs ou que ce cours tait artificiel et impos par la Chambre ? Ces variations rapides sont dues sans doute simplement au fait que la pice tait accroche aux gillats dj existants. La reconstitution des calculs du compte de septembre 1318 nous a permis d'tablir que 4 d. t. taient compts pour 5 d. v. et 5 d. v. pour 6 d. paparins, ce qui donne 3 paparins pour 2 tournois, mme si un reliquat de 5 d. paparins est, par approximation compt pour 4 d. v. 28. On s'explique ainsi que Clment VI ait frapp des pices de 3 d. et de 3 oboles. Pourtant si ces quivalences sont restes stables, au moment du bail le gillat de 16 d. v. aurait valu 19,2 d. paparins, ce qui ne fait pas l'amorce d'un systme montaire cohrent, pas plus que le cours de 21 d. donn en janvier 1319 29. Il semble prfrable d'admettre un cours variable en paparins pour le gillat, en cette priode o le gros tournois varia de la mme faon par rapport au denier tournois. Tout se passe comme si le paparin avait t mis pour satisfaire les besoins de menue monnaie de bonne qualit et s'adressait un autre public que le gillat : celui-ci tait li aux variations des autres gillats et le paparin trouvait sa justification dans ses quivalences avec tournois et viennois. Il faut remarquer, en effet, que ces pices frappes en assez faible quantit

27. Gller, p. 291 et Schfer, p. 726 ; Rolland, op. cit., p. 147, confirme que le denier pontifical est d'un tiers plus faible que le denier provenal. 28. Notons que lors du bail de 1330 le gillat est cot 12 d. ob. en Provence, Rolland, op. cit., p. 140. 29. Cette hausse importante et rapide en 1318 ne se marque pas aussi nettement dans les tables de valeur du gros tournois ou du marc d'argent tablies dans le royaume. Elle peut cependant tre rapproche de la hausse du florin en Provence signale par Rolland, op. cit., p. 138; de 13 s. reforciats il passe le 15 janvier 1318 14 s. 8 d., 14 s. 10 d. le 25, 14 s. 1 1 d. le 31 janvier, puis 15 s. le 16 fvrier et 15 s. 3 d. le 10 avril.

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(1 300 marcs environ) ne figurent presque jamais dans les comptes de la Chambre apostolique elle-mme et sont toujours converties en autres espces dans les sommes. Le seigneuriage de 2 d. par marc d'uvre marquait le dsintressement de cette entreprise. Ds 1320 la frappe se ralentit et elle cessa en 1321 avant la reprise des missions de monnaie noire en France. Les missions d'argent de Clment VI Les missions d'argent Sorgues ne furent qu'pisodiques dans la suite selon les documents conservs. Benot XIII ne battit monnaie qu'en Italie. Sous Clment VI, en juillet 1344 30, les matres qui en janvier avaient pris bail pour deux ans la frappe de l'or furent chargs, de faon annexe semble-t-il, d'une mission d'argent. Ils eurent frapper 613 marcs qui taient gards en rserve dans une tour du palais31. C'est tout ce que nous savons de cette mission qui. comportait des gros de 2 s. 4 d. 11 d. 12 grains de loi et de 57 au marc d'Avignon, des demi-gros de 14 d. et de 114 au marc et des monnaies noires de 3 d. 3 d. 18 gr. de loi et de 173,5 au marc, de 3 ob. 2 d. 12 gr. de fin et de 219,33 au marc et enfin des oboles 1 d. 8 gr. de loi et de 398 au marc. Le marc d'argent tait compt 6 livres 10 s. 6 d. d'Avignon et l'on peut calculer les frais de fabrication et le brassage puisque l'mission le marc reprsentait 6 1. 12 s. en pices de 3 oboles, 6 1. 15 s. en gros et en pices de 3 deniers et 7 1. 9 s. en oboles. On peut remarquer que l encore il n'y a pas de relation simple entre les monnaies noires et les gros, ni de vritable systme montaire. Les 613 marcs mis furent frapps pour l'essentiel en demi-gros et le systme devait tre mal adapt puisque en 1351 un nouveau bail32 prescrit la frappe d'espces nouvelles sans qu'il y ait vritablement changement du pied de la monnaie. Le gros de 1351 valait 2 s. pour un titre de 11 d. 12 gr. et une taille de 66,5 au marc d'Avignon (113 pour le demi-gros de 1 s.), on tirait donc 6 1. 19 s. du marc d'argent fin frapp en gros. Le denier de 3 ob. 2 d. 18 gr. de loi tait taill 256,66 au marc et l'obole 1 d. 8 gr. de loi tait taille 398 au marc. Le marc d'argent fin produisait donc 7 1. en deniers et 7 1. 9 s. en oboles. Comme le marc tait achet 6 1. 12 s. pour l'argent blanc et 6 1. Ils. pour l'argent noir et que le seigneuriage tait de 8 d. par

30. Mollat, p. 261, document B, attribu par erreur Clment VII par Schfer, p. *149. 31. Martinori, p. 253. document n 14. 32. Schfer, p. *146.

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marc, le brassage reprsentait 6 s. 4 d. pour les gros, 9 s. pour les deniers et 18 s. pour les oboles. La rpartition des frais tait trs diffrente en France o le brassage ne reprsentait que 2 ou 3 % mais o le seigneuriage atteignait jusqu' 40 % du prix d'mission. Ce fait pourrait appuyer l'hypothse de Renouard que l'atelier tait parfois baill des cranciers de la Chambre qui se remboursaient sur le brassage. Mais par ce bail d'une dure de trois ans les matres s'engageaient frapper 5 000 marcs d'argent. Faut-il voir dans une promesse aussi modeste une condition avantageuse obtenue par les matres ou l'indice d'une production rduite ? En tout cas, le 5 mai 1351, ils obtinrent une ordonnance inspire par les textes analogues, franais ou provenaux, qui interdit l'exportation et la fonte du mtal, tablit des gardes et promet le quart des sommes saisies aux dnonciateurs. Ces mesures dnotent une politique montaire bien diffrente de celle de Jean XXII et une priode o l'organisation de la frappe de la monnaie d'argent tait calque sur celle de la monnaie d'or. Les florins d'or organisation administrative et technique En effet, bien peu de changements interviennent entre les missions d'or de janvier 1344 et d'argent en juillet de la mme anne : mme garde, mmes matres ; Marco Lando de Sienne qui tait tailleur et sententiator de la monnaie d'or devient tailleur et essayeur ( assagium seu probam facere ) de l'mission d'argent 33. Ces termes sont rvlateurs des emprunts de l'atelier de Sorgues celui de Florence o les sententiatores de l'or allaient toujours par deux ou trois alors que l'essayeur ou approbator de l'argent tait parfois unique. Ce Marco Lando ou Rolando, de Sienne, avait t charg ds la premire mission de florins en 1322 de graver les coins34; d'autres documents montrent que cet orfvre qui le pape commanda un calice en 1334 resta actif sous Clment VI 35. Le lancement d'une mission se faisait de mme pour l'or et l'argent comme le montrent les dossiers que l'on peut reconstituer pour 1322 et 1344. Le 22 janvier 1344 le bail est conclu et les matres dsigns pour 33. Le 15 juillet 1344, Mollat, p. 263, document ; il est ce titre charg de certifier la teneur en argent fin du mtal qui est remis aux matres en aot 1344, Martinori, document n 14. 34. Coulon. n1522. 35. Faucon, p. 116.

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deux ans, le 6 fvrier le garde est dsign par bref36, ainsi que le 13 fvrier le tailleur et les sententiatores, pour une dure indtermine {usque ad nostrum beneplacitum )Z1 . Mais comme le soulignait Mollat ces documents font rfrence d'autres actes : les conventiones passes avec les matres, un instrument public sur la garde de la monnaie et la fabrication des coins ( instrument super custodia dicte monet et instrumentorum predictorum fabricatura... dforma, litteris et sculptural) , qui indiquait type, lgende et gravure. Le tailleur gravait la rquisition du garde, selon les types et lgendes qui lui avaient t prescrits. Certaines lettres taient rserves pour tre graves plus tard, en prsence du camrier et du trsorier, au moment o les coins taient remis au garde et aux matres. En 1322 38 cependant le garde tait seul responsable des coins de la monnaie d'or {instrumenta cum quibus cuditur). Cette procdure de contrle du tailleur devait empcher toute fraude et n'a pas son pendant dans l'administration des ateliers franais. Cette procdure nous incite d'autre part, chercher sur les pices conserves des variantes de lgende ou de graphie qui diffrencient les missions et les coins. Nous avons ainsi des dtails sur le travail du tailleur qui d'ailleurs est toujours appel fabricant d'instruments ncessaires la frappe ou sculptor, terme qui se rencontre aussi Florence. Le 15 juillet 1344 39 il reut l'ordre de se tenir la disposition du garde et le 15 aot une dlivrance de pices avait lieu ; de mme, en 1322 l'ordre avait t donn le 10 septembre40 et la premire dlivrance connue date du 24 octobre (c'est sans nul doute la premire effectue puisque les sententiatores n'ont t dsigns que le 22 octobre41). Un dlai d'un mois semble donc ncessaire au lancement d'une mission nouvelle : gravure des coins, convocation des ouvriers, prparation et frappe des pices. En 1322 il s'agit de la premire mission de florins et le dlai a pu tre accru par le temps des ngociations avec Florence (mais celles-ci ont t faites aprs coup surtout), le temps ncessaire la prparation de l'atelier (le compte de ces travaux fut rendu le 24 aot42), et l'arrive d'instruments que le 20 juillet 43, Jean XXII avait envoy 36. 37. 38. 39. 40. 41. 42. 43. Deprez, n 653. Deprez, n" 664-665. Coulon, n 1521. Mollat, p. 263, document Coulon, n 1522. Gller, p. 308. Martinori, p. 250, document n 3. Renouard, p. 408.

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chercher Florence; ils arrivrent le 15 septembre44, moment o commencrent courir les gages du garde dsign le 8 septembre 45, et o la frappe dut dbuter. Cinq jours auraient donc suffi au tailleur pour graver assez de coins. Ce qu'on tait all chercher Florence46 ( duobus pensis seu ponderibus quolibet sex librarum, in diversis peciis necessariis pro fabricatura monet auree ) n'taient pas des coins, comme on l'a cru, mais deux piles pondrales talonnes au poids de Florence selon lequel taient taills les florins. L'une d'entre elles tait probablement garde sous clef pour prvenir toute tentative d'altration ou de rognage et servir uniquement pour les contrles et vrifications au moment de la dlivrance. Il semble que la dcision d'mettre des monnaies ne donnait pas lieu la publication d'une ordonnance 4?, ce qui se comprend pour des pices imitant des monnaies dj prsentes dans la circulation et dont le cours tait bien connu du public et pour un atelier qui n'tait pas aliment par l'apport obligatoire de tout le billon disponible. Le prix d'achat du mtal tait cependant fix dans les conventions passes entre les matres et la Chambre comme en 1344 et 1351 ; un prix tait galement prvu pour le mtal que la Chambre fournissait elle-mme aux matres48. Les matres de la monnaie d'or Les baux de deux et trois ans conservs ne permettent pas de penser comme Mollat qu'il n'y avait pas de bail vritable mais des commissions renouvelables pour chaque mission. C'est ainsi que cela se passait, certes, chaque fois que la Chambre confiait du mtal soit au matre soit un changeur, pour qu'il soit monnay ou chang. Les comptes du seigneuriage montrent une stabilit plus grande de 1322 1334. Du 24 octobre 1322 au 16 octobre 1324 Cionello dal Poggio de Lucques et Pucchino del Drago assurent ensemble toutes les dlivrances de florins sauf la dernire, rendue au nom du seul Cionello. Du 11 dcembre 1324 au 7 septembre 1330 Bincio Carruchi et

44. Martinori, p. 250, document n 4. 45. Coulon, n1521. 46. Martinori, p. 251, document n 4. 47. Ce que nous dsignons sous le nom de bail de 1351 s'intitule en ralit Ordinatio monet cudende in Ponte Sorgie, Schfer, p. *146. 48. Martinori, p. 253, document n 14.

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Ottoviano Bernardini 49 assurent les dlivrances ensemble (ils sont associs, socii, selon une mention du 13 aot 1325), mme s'ils rendent les comptes et assignent les sommes dues la Chambre alternativement jusqu'en dcembre 1326. On peut supposer une reconduction du bail entre les dlivrances de juin et de novembre 1326 puisque le garde Guillaume Ruffi cesse ses fonctions le 9 aot en touchant ses gages pour les onze derniers mois et que Pierre de Aula reoit une mission d'inspection des locaux de l'atelier qui dure 77 jours. A partir du 10 fvrier 1327 Bincio Carruchi assure seul les dlivrances faites avec l'or qu'il fournit, jusqu'au 4 juin 1330, except du 3 novembre 1327 au 30 janvier 1328 o les dlivrances sont faites per magistros de auro ipsorum. Du 22 juin au 7 septembre 1330 les dlivrances sont faites par Ottoviano Bernardini de auro dicti magisti . On peut toutefois supposer un arrangement entre les matres et deux renouvellements du bail pour deux ans, ce qui nous mnerait au 16 mars 1331, date de la premire dlivrance de Cionello dal Poggio et Beto Ciabordeti. C'est l, l'vidence, un nouveau bail puisque le taux de seigneuriage est modifi. Pourtant ds le 3 juin 1331 les dlivrances sont faites par Cionello, de auro ipsius magisti . Mollat et surtout Renouard ont dj insist sur l'unit du milieu auquel appartenaient matres et essayeurs. Ceux-ci ( sententiatores, cognitores ad cognoscendum, diffiniandum et sententiandum aurum, pondus et legem monet ) avaient en effet un rle plus vaste que l'essayeur des ateliers franais. Ils taient responsables du contrle technique de la fabrication et jugeaient ( sententiare ) si les pices pouvaient tre dlivres. Le bail de 1344 prvoit l'examen du titre par deux ou trois sententiatores dsigns par le pape et la prsence d'un ou plusieurs dputs du pape la dlivrance (les mmes peut-tre) et que de chaque dlivrance soit tabli un instrument public. Le matre rendait ses comptes aprs chaque dlivrance sauf en dcembre 1331 o sont rendus les comptes de sept dlivrances faites depuis septembre. Cela incite penser que les sententiatores taient, autant par leur origine sociale que par leurs attributions, les continuateurs des marchands de la priode antrieure et que le systme de contrle n'avait pas vari. Dsigns pour une dure indtermine (et, de fait des missions de 1323 50 et 1322 sont juges par des personnes diffrentes), ils n'taient sans doute pas rmunrs et n'taient pas proprement parler des officiers. 49. Ce dernier devient le \" aot 1355 matre de la monnaie d Avignon pour le comte de Provence, Rolland, op. cit., p. 142. 50. Martinori, p. 251, document n 5 ; les sententiatores sont O. Bernardini et Andrea de Ruspo qui fut matre des monnaies de Provence en 1339, Rolland, op. cit., p. 142.

LA MONNAIE DE PONT-DE-SORGUES Productivit de l'atelier

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La description de l'activit d'un atelier, dlivrance par dlivrance, se rencontre assez rarement dans les documents de cette poque. Examinons donc en dtail les conclusions que l'on peut tirer de ce type de donnes. Les dlivrances d'or vont de 1,75 marc en juin 1329, dans une priode d'activit peu prs nulle (pas d'mission dans les trois mois qui prcdent ni dans l'anne qui suit) 232,5 marcs en fvrier 1326 ou 184 marcs en mai 1328, mais les dlivrances de plus de 150 marcs ou de moins de 30 marcs sont exceptionnelles. La frquence des missions est galement fort variable : elles se succdent au rythme d'une ou deux par mois en gnral dans les priodes d'activit de l'atelier, peine un peu plus rapproches quand la frappe est abondante. Il y a peu de cas o deux dlivrances sont spares par moins de dix jours : du 19 au 21 janvier et du 23 au 30 avril 1331, du 27 fvrier au 3 mars 1332, du 2 au 7 juin 1333 et du 6 au 12 juin 1328. Ces quelques cas permettent d'valuer la productivit de l'atelier01. Elle se situait souvent entre 10 et 15 marcs par jour (2,5 4 kgs, 650 1 000 pices environ) pour atteindre au plus 16 ou 17 marcs (117 marcs frapps entre le 23 et le 30 avril 1331). Encore faut-il supposer que le travail du mtal n'tait pas dj largement entam au moment de la dlivrance prcdente, et l'inverse que lorsque les dlivrances taient plus espaces, tout le mtal n'tait pas travaill dans les quelques jours qui prcdaient l'mission. Ces deux questions qui se ramnent celle de la continuit ou de l'intermittence des frappes dans un atelier du xiv" s. pourraient tre rsolues si l'on savait quand le mtal tait arriv et qui l'avait apport. Cette connaissance, de mme, rendrait peut-tre illusoire la recherche de rythmes saisonniers dans les frappes. On peut cependant constater, mme en tenant compte des sommes que la Chambre prend sur ses rserves pour les faire monnayer, une rduction de la production entre les mois de septembre et de janvier et, sauf en 1331 un lger flchissement en avril, peut-tre li simplement aux ftes religieuses et 51. Rappelons que vers 1300 Saint-Rmy de Provence les dlivrances atteignaient 1 800 2 000 livres par jour avec 40 fournaises et 54 monnayeurs, pour des doubles coronats 3 d. de loi et de 180 au marc. La productivit ne peut gure se dduire du nombre des ouvriers. En effet il n'y a qu une liste en 1352 et tous ceux qui voulaient jouir des privilges du mtier y figurent, qu'ils travaillent activement ou non. Dans cette liste de 54 noms (Mollat, 264, document D) nous avons retrouv trois monnayeurs du serment de l'empire, prsents comme montpellirains Montpellier en 1355 (Bertrand et Guillaume Garnier) et 1358 (Franois Pelt) et deux monnayeurs d'Avignon qui travaillrent pour le comte de Provence et que cite Rolland : Guillaume Veyrier et Pierre Portel.

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aux jours chms 52. Nous avons essay de mettre en rapport avec des changements de baux les principales interruptions de la production, mais ces temps de chmage avaient peut-tre des causes conomiques ou techniques. Ainsi un prlvement trop lev pour le seigneuriage pouvait freiner l'arrive du mtal : la reprise rapide des frappes en mars 1331 aprs une diminution de moiti du taux de seigneuriage pour le nouveau bail en tmoigne ; mais il ne faut pas ngliger les incidences de la politique montaire franaise cette date. L'intrt que le financier qui en est titulaire prend ses fonctions de matre peut aussi expliquer le niveau de la production. Approvisionnement mtallique En effet les comptes montrent que les matres jouaient un rle primordial dans l'approvisionnement, et donc dans la production de l'atelier et donnent quelques indications sur l'origine du mtal. A partir de mars 1326 figure rgulirement dans les comptes une mention du type de auro magistrorum (sauf en mars et avril 1332). Aucun rglement ne contraignait le public porter son or l'atelier. Le niveau de la production dpendait donc de la surface financire du matre et des sommes d'or qui lui passaient entre les mains. Rien ne l'empchait cependant d'acheter de l'or lorsque le cours du march le permettait et lui laissait un bnfice couvrant les frais de fabrication. Le bail de 1344 prcise qu'il devait monnayer tout l'or qui lui tait confi par les marchands. Il distingue d'autre part le mtal qui tait achet par le matre aux marchands et celui que ceux-ci confiaient l'atelier pour qu'il leur soit rendu monnay. Cette opration ncessitait la tenue d'un livre particulier, le papier des marchands , qui est cit dans l'ordonnance du 5 mai 1351. Celle-ci prescrivait au matre d'effectuer ces restitutions sans trop tarder. Rien en revanche n'obligeait le matre monnayer tout ce dont il disposait. La production dpendait donc du bnfice relatif qu'il pouvait esprer de la frappe ou d'autres oprations. Les 3 et 6 juillet 1327 53, par exemple, le matre changea des fragments et des doubles d'or que lui avait remis la Chambre, plutt que de les monnayer. Le taux de change (59 florins le marc de la curie) tait sans doute plus avantageux que le prix d'mission (64 florins au marc

52. Sur le nombre de jours ouvrs dans les ateliers franais, voir A. Blanchet, Comptes de l'atelier de Montreuil-Bonnin 1295-1298, RN, 1907, p. 411-413. 53. Gller, p. 574.

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de Florence), mais il fallait en dduire le seigneuriage, les salaires des monnayeurs et surtout la perte de mtal l'affinage. Mais la cause relle de l'opration rsidait surtout dans le besoin urgent que la Chambre avait de la somme (elle fut envoye en Italie ds le 6 juillet) . Le matre, en tout cas, n'en profita pas pour acheter lui-mme ces 114 marcs car il n'y eut pas dans les mois suivants d'mission de cette importance faite de son or . En septembre 1327 54 la Chambre ne s'adressa plus mme au matre pour changer une somme de doubles mais au changeur Franois Barrai, qui en juin 1328 55 fut mme charg de peser et d'essayer une quantit d'or remise au matre. En mars 1327 56 de mme de la vaisselle d'argent tait vendue un marchand, alors qu'en septembre 57 le matre achetait de la vaisselle la Chambre : 80 marcs d'argent, 42 d'argent dor et 26 marcs d'Avignon d'or, pour 46 florins le marc. La production Les comptes du seigneuriage ne dcrivent pas la totalit de la production montaire. Sans parler du registre de la monnaie de 1323 1334 que personne n'a mentionn depuis Garampi58, divers comptes signalent des dlivrances faites partir de mtal fourni par la Chambre. Ainsi le registre de receptis a domino nostro papa 59 dtaille les sommes envoyes de 1323 1329 pour la reconqute du patrimoine de saint Pierre en Italie et notamment la vaisselle et les pices (doubles de Mir et de Maroc surtout) qui ont t changes, fondues ou converties en monnaie. D'octobre dcembre 1326, 18 000 florins ont t ainsi frapps Sorgues, 9 000 de janvier juillet 1327, 2 500 en juin et juillet 1328. D'autres documents cits par Martinori60 montrent l'existence d'missions qui ne se retrouvent pas dans les comptes de seigneuriage : 5 772 florins en 1330 (provenant de la refonte de florins faibles et contrefaits) 3 462 florins en 1331, 5 724 en 1334 (venant de la fonte de doubles et d'or de paillole, 3 043 florins (46 marcs 1 once 6 deniers au

54. 55. 56. 57. 58. 59. 60.

Gller, p. 575. Gller, p. 576. Gller, p. 573. Gller, p. 575. Martinori, p. 252, document n" 10. Gller, p. 569-577. Martinori, p. 252, documents n* 9 et 10.

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poids d'Avignon) et 7 825 florins (118 marcs 1 once 6 deniers) en 1324, et peut-tre d'autres encore. Il faut rappeler que pour l'ensemble du pontificat fuitfactum cambium et fabricatura, diversis vicibus, de 117 441 duplis... 611 marchis... pour une valeur de 214 709 florins61, les parts du change et de la fabrication n'tant hlas pas prcises. Pour valuer le volume et le rythme de la production il faut donc tenir compte de ces missions. Pour les dlivrances de ce type il apparat que tout l'or tait rendu au pape, dduction faite des frais et du salaire du matre (satisfacto dicto magistro de labore et salario suo pro fabricature et affinatura . En reprenant les comptes dresss pour ces oprations, nous avons pu tablir que ce prlvement s'levait 1/2 florin par marc (0,78 %) ; dans ces frais l'affinage devait entrer pour une large part puisque les doubles titraient entre 20 et 23 carats. Comme le seigneuriage reprsentait 2/5 puis 1/5 de florin par marc (0,62 % ou 31 %), le prlvement total tait de 0,7 ou 0,9 florin (1,1 % ou 1,42 %) et le mtal tait pay 63,1 ou 63,3 florins le marc de Florence, ce qui concorde avec le prix d'achat fix par le bail de 1344, 63 florins le marc. Ce prlvement reste faible par rapport celui qui tait pratiqu en France (2 % 4 % au dbut du XVe s.) et pouvait soutenir la production de ces pices de bonne qualit. Le volume de production est celui d'un atelier important. Montpell ier, exemple, frappa en moyenne 5 500 marcs de Troyes d'argent par par an de 1319 1322 et 25 000 marcs par an en 1323-1324, quand Sorgues avait cess ses missions d'argent62. De 1319 1322, 1 050 marcs d'or taient mis chaque anne Montpellier, rien ensuite jusqu'en 1338. La politique montaire de Jean xxii Ces frappes furent donc suffisamment abondantes pour avoir une incidence conomique, mais ne produisaient qu'un faible seigneuriage ; que reprsentent 400 florins de seigneuriage dans les meilleures annes dans les revenus annuels de la Chambre ? Il ne faut donc pas voir la cration de ce florin une cause financire, besoin d'argent, ni d'ailleurs une volont politique d'affirmer une souverainet temporelle puisqu'il s'agit d'une monnaie exactement aligne sur le florin de Florence. Il faut

61. Gller, p. 571. 62. En Provence de 1335 1337 il est frapp 25 000 marcs d'argent fin en gillats et en deniers, Rolland, op. cit., p. 143.

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y chercher plutt une raison simplement technique, un moyen d'utiliser le mtal non monnay ou les doubles qui encombraient les caisses de la Chambre, sinon la circulation montaire, un moyen d'assainir la masse montaire sans passer forcment par les conditions des changeurs. En juillet 1326 63, par exemple, des doubles du Maroc taient changs au taux de 59 florins 6 gros tournois (un peu moins de 59,5 florins) le marc de la curie alors qu'en octobre 1326, 167 marcs de doubles furent monnays et rendirent 10 031 florins, aprs dduction du brassage, soit un peu plus de 60 florins par marc de la curie. L'opration tait donc avantageuse. Denise Van Derveeghde met en relation les missions montaires des papes d'Avignon et les dpenses militaires pour le paiement des troupes, en appuyant cette hypothse qui ne surprendra aucun historien de la monnaie sur des chiffres assez dmonstratifs. Une politique montaire plus affirme n'apparat que sous Clment VI, nous l'avons vu, pour l'argent avec officiellement la recherche du profit des matres, qui savaient ngocier leurs services. Pour l'or Jean Favier64 a montr comment, l'poque du schisme, les missions taient beaucoup plus rduites et comment la politique montaire fut une politique fiscale et comptable, jouant sur la valeur de compte d'une encaisse ou de fonds recouvrer, plus que sur les caractristiques des espces et sur la masse montaire en circulation. Il faut donc constater qu'en matire montaire Jean XXII fit preuve d'un dsintressement et d'un souci du bien public qui contrastent, avec le portrait que Dante, par exemple, nous en a laiss. Son monnayage n'a que les apparences du monnayage de contrefaon. Le seul document65 o il explique la cration du florin et s'en justifie, devant les Florentins, incrimine l'insuffisance des bonnes frappes florentines et la prolifra tion de pices lgres et de contrefaons, les fameux florins de Pimont (florenos cusos in partibus Pedemontis dissimiles in auri et ponderis veritate... cogerentur recipere et expendere). De fait en 1330 66 une mission esi faite partir de florins de Dauphine et de Pimont refondus. L'enqute et les ordonnances de 1327-1328, publies par Mollat et Schfer67 montrent comment travaillaient les changeurs

63. 64. Paris, 65. 66. 67. 1905,

Gller, p. 571. Jean Favier, Les finances pontificales l'poque du grand schisme d'Occident 1378-1409, 1966, p. 198-201. Mollat, p. 260, document A. Martinori, p. 252, document n 9. Mollat, Les changeurs d'Avignon sous Jean XXII , Mmoires de VAcadmie de Vaucluse, p. 271-279, et Schfer, p. *32-38.

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d'Avignon avec des balances et des poids correspondant au marc et ses divisions et avec des poids talonns sur les pices courantes (florin, florin de Pimont, royal, agnel et gillat d'argent). Elle dmontre aussi l'effort de la Chambre pour contrler et assainir la circulation montaire. Les changeurs ne devaient plus avoir qu'un seul poids de florin et le faire talonner, c'est--dire que les florins de petit poids ou de Pimont n'avaient plus cours que comme des lingots de mtal, pour leur poids. Cet argument du pape n'est cependant pas pleinement convaincant quand l'examen des comptes pontificaux publis montre que la premire mention de 11 floreni auri de cunio Pedis montis date du 25 novembre 68, un mois aprs la premire mission de florins Sorgues. Peut-tre avait-on jusqu'alors pu feindre de les ignorer ou refuser de les recevoir en paiement. Mais de la mme faon les florins de Dauphine crs en 1327 sont cits pour la premire fois le 30 juillet 1328 seulement69. Cours du florin et techniques comptables Ce bref excursus nous aura permis d'illustrer la diversit des indications que peuvent fournir les instruments comptables de la Chambre apostolique sur le plan montaire. Les renseignements les plus abondants concernent bien sr les quivalences montaires et les variations de cours des monnaies, mais nous voudrions montrer, en appelant la critique et la ncessaire prudence dans l'interprtation de documents de types divers, que l'on peut aller plus loin encore en ce sens que ne le font Spufford et Wilkinson70 dans leur recherche d'quivalences montaires. Les comptes du seigneuriage, si l'on reconstitue les calculs qui les fondent, donnent une assez bonne image, par la relative abondance des mentions et leur homognit, de l'volution du cours du florin. Le seigneuriage (l/5e ou 2/5e de florin par marc) est exprim en florins et fractions de florin exprimes en diverses monnaies. Ainsi la dlivrance du 4 mars 1328 porte sur 88 marcs, le seigneuriage est de 35,2 florins verss en 35 florins et 6 s. 3 d. v., un florin vaut donc cinq

68. Gller, p. 309. 69. Gller, p. 508. 70. Le travail en cours est actuellement diffus sous le titre de : Interim listing of the exchange rates ofmedieval Europe. Il reprend et largit l'enqute que Schfer avait limite aux comptes de la Chambre apostolique, p. *39-131. Mais une entreprise aussi ambitieuse se heurte la diversit et l'htrognit des sources, en fonction des lieux et des types de documents.

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fois plus soit 31 s. 3 d. viennois. Ce mode de calcul est critiquable dans la mesure o il porte sur les marges et fait une confiance absolue aux calculs de l'poque et leur transcription. Ces calculs obligeaient souvent des approximations pour les fractions rduites : calculer l'aide de jetons que le seigneuriage de 6 onces 21 deniers d'or quivaut 7 s. 6 d. v. tient au grand art ou du moins une solide exprience, et, de fait le cours du florin que nous tirons de cette mention n'est pas un nombre entier de deniers viennois. L'ordre d'ide peut cependant tre retenu car le calcul sur l'abaque ou le gettoir qui dominait alors ne permettait gure les calculs d'ordre de grandeur, pour contrler un chiffre, sauf recourir au calcul mental. Les mthodes que l'on peut tirer des livres de conseils des changeurs ou comptables du temps sont plutt d'ordre mcanique ou mnmotechnique : ce serait, si le florin vaut 21 s. 8 d. on sait qu'aprs avoir compt un florin par groupe de 5 marcs, le seigneuriage d'un marc vaut 8 s. 8 d., celui d'une once 13 d., et dans un tel cas on devait compter pour celui d'un denier (l/24e d'once) 1 obole (soit l/26e). Il demeure nanmoins que le nuage des valeurs du florin (v. fig. p. 160) ainsi obtenues s'organise autour de quelques valeurs stables, avec des temps de hausse. De 1325 1327 son cours passa lentement de 21 s. 8 d. v. 22 puis 23 s. v., puis brutalement 30 s. et plus, jusqu'en 1330. Ensuite, de 1331 1334 l'valuation avoisine 13 s. 4 d. de coronats noirs71, avec quelques valeurs aberrantes, 12 s. 5 d. 15 s. 10 d., ou d'autres qui restent dans la marge d'erreur imputable aux calculs, 13 s., 13 s. 8 d. Ces valuations en coronats concident avec le bail de Cionello dal Poggio et on peut penser que le choix de cette pice provenale courante (value en 1331, 2 d. v.) mais qui n'tait que peu employe dans les comptes de la Chambre (les gros tournois PO long dominaient comme monnaie de compte selon les versements du trsorier du Comtat) ainsi que la stabilit du taux de conversion pouvaient tre dus des clauses du bail.

71 . Ce cours permettait des calculs assez simples : on comptait 2 s. 8 d. pour le monnayage d'un marc, 4 d. pour celui d'une once, 1 d. pour 6 d. de poids. Avec une valeur de base de 13 s. 4 d., un certain nombre de valeurs diffrentes, qui ne donnent d'ailleurs pas un compte exact en deniers coronats pour le cours du florin alors qu'une correction minime les ramnerait au cours prcis de 13 s. 4 d., peuvent ainsi s'expliquer. Le 9 avril 1331 il doit s'agir de 68 marcs 1/2 once, le 14 juin de 101 Ma. 3 6 d., de 47 Ma. 2 3 d. le 24 fvrier 1334. De faon gnrale les comptes o devraient intervenir des oboles sont arrondis au denier suprieur et, dans un certain nombre de cas on a pu compter le seigneuriage de 1/2 once en plus, ce qui correspond peut-tre une valuation des remdes.

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Auparavant les valuations se faisaient en viennois. Le 7 septembre 1330 le florin est valu 10 s. 3 d. valosiorum , c'est le nom donn par les comptes aux doubles parisis de Charles IV et Philippe VI ; mis depuis 1322 et affaiblis en juillet 1326 la premire mention dans les comptes de la Chambre est du 27 avril 1326 72. Le versement du 24 octobre 1322 avait donn lieu une valuation en gros tournois rond au taux de 12,6 le florin ; le 19 juillet 1324, il en fallait 13, et 14,5 gillats le 5 fvrier 1323. Jusqu'en 1324, le calcul est le plus souvent exprim en denarii ad aurum. L'examen de ces mentions montre qu'il s'agit d'une espce fictive fonde sur le florin, celui-ci vaut 20 s. ou 240 d. ad aurum. Ce systme de compte original permettait des calculs plus srs, exprims en florins et fractions de florin et marquait l'usage d'un talon or. Dans quelques cas est indiqu avec le poids de la dlivrance le nombre de florins mis. On constate alors qu'il tait bien frapp comme Florence, 64 florins au marc, et que les remdes d poids taient faibles puisque dans une dlivrance de 40 marcs les pices sont en moyenne trop lourdes de 0,04 % 73. L'usage du marc de Florence est souvent mentionn. Il nous reste maintenant reconstituer les missions de Sorgues puisque le corpus de Muntoni74 prsente quelques insuffisances. Nous nous sommes appuy sur les pices de Cabinet des mdailles, sur les photographies de Muntoni dont la lecture est fort dlicate et sur les illustrations de divers articles et catalogues75. Tout d'abord Castellane en publiant un denier de Boniface VIII montre qu'en 1300 les monnaies noires, oboles et deniers, sont rformes pour tre alignes sur le nouveau coronat provenal et qu'en 1302, le paparinus novus courait pour un coronat. Nous avons vu comment Jean XXII avait recherch un alignement comparable. On peut donc supposer une permanence de cette monnaie noire dont le type n'volue pratiquement pas au xrv* sicle : tte mitre, avec parfois une amorce de buste ; peut-tre s'agit-il alors de doubles puisque le buste tait rserv aux gros. 72. Goller, p. 491 et 500. 73. A la dlivrance du 17 mars 1324, Gller, p. 317. 74. Francesco Muntoni, Le monet deipapi e degli stati pontifci, Rome, 1972, t. 1 . Cet ouvrage ne donne le poids d'aucune pice, ses lectures, quand les photographies sont assez nettes pour permettre un contrle, sont parfois discutables, mais ce corpus a le mrite d'exister et nous dispense de dresser le catalogue des pices que nous commentons. 75. Les tudes dj cites de Giard, Grierson et Martinori comportent des planches photographiques ; il faut y ajouter les dessins qui ornent les articles de J. Laugier, Monnaies indites ou peu connues des papes et lgats d'Avignon appartenant au cabinet des mdailles de Marseille , Comptes rendus du congrs tenu Avignon en septembre 1882 par la Socitfranaise d'archologie, et de Castellane, Un denier indit du pape Boniface VIII , AV, 1910, XLVII-L.

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On peut en effet noter une assez nette cohrence de type et de lgende pour les pices de mme dnomination. Pour rpartir les pices actuellement conserves entre les diverses espces cites par les textes nous nous sommes donc fonds sur les poids, mais aussi sur les variations de lgendes dont nous avons dj signal toute l'importance. Les types aussi sont bien sr significatifs, et certains dtails, comme la reprsentation de la tiare pontificale ont depuis longtemps retenu l'attention des historiens et des numismates. En rponse la thse de Laugier, Miinz 76 a tabli que la troisime couronne y avait t ajoute par Jean XXII. On peut cependant constater que les monnaies de ce pape portent seulement un bandeau vertical et un bandeau la base de la tiare ; les pices de Clment VI ont en plus un ou deux bandeaux horizontaux ; seules les pices que nous donnons l'mission de 1351 ont les trois bandeaux sans bandeau vertical, qui se retrouvent sur les pices d'Innocent VI et caractrisent ses florins 7?. Pour classer les missions de florins Castellane se fondait sur la graphie du mot Comtat Venaissin dans les missions d'argent : VenfiYSin sous Boniface VIII, venASIfll sous Clment V et Jean XXII et VEHASlni puis VEOESTni sous Clment VI. La question est plus complexe, notamment pour Clment VI, et nous avons repris sous forme de tableau les graphies dont les variantes nous semblent dfinir des dnominations diffrentes autant que reflter une volution. [Tableau Titulatures selon les papes, p. 164.] On peut donc noter, en ce qui concerne l'pigraphie, que sur les pices d'argent ne se rencontrent que les formes m, f\, 6, v jusqu' Jean XXII, M, N, E et V n'apparaissant Sorgues que sous Clment VI. Puisque nous cartons l'hypothse d'une ngligence du graveur, il y eut deux missions de gillats par Jean XXII, l'une avecCOmSet l'autre, bien moins reprsente dans les mdailliers, avec COmiT78. Si, comme nous en sommes persuads, il n'y eut d'autres missions que celles que signalent les documents, il faut mettre le changement de titulature en relation avec un ventuel changement de garde ou de graveur, sur lequel les textes sont muets, de trsorier ou de camrier, ou encore de matre.

76. J. Laugier, Un florin indit d'Avignon, ASFN, 1888, p. 237-239. 77. Sur un florin de Grgoire XI (Muntoni n 13) et un florin Sede vacante (Vente Rossi, 6 dcembre 1880, n 246) il s'agit bien de couronnes et non de simples bandeaux. 78. Muntoni n 7 et 7 variante dont il ne connat que deux exemplaires, celui de Paris, BN, 2464b qui pse 3,87 g et le sien qui est peut-tre le n 17 de l'Auktion XXIV de 1962 Ble ou le n 21 de la vente Ratto du 25 octobre 1962. Le type C0mS est reprsent la Bibl. nat. par les nm 2465, 2466, R 965 712 qui psent 3,85 , 2,98, 3,72 g, par le n 21 de Grierson (3,35 g) et le n7 de Martinori (de 3,11 3,9 g).

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Richius Corvi, en effet, fut responsable de la fabrication, au nom de Guillaume Matre puis pour son compte, partir de 1320 et jusqu' la fin des missions en mai 1321, ce qui s'accorderait avec la relative raret de ces pices, mais l'argument est fragile et la question incertaine. Il est moins hasardeux de reconnatre dans les gillats de Clment VI les pices dcrites dans le bail de 1351 79. Cette attribution admise par Grierson et Muntoni s'appuie sur le poids (pour deux exemplaires seulement, il est vrai) plus lger que celui des exemplaires de l'autre type de gros, et sur les types (croix longue cantonne de clefs) et lgendes ( SIKnTVS PETRVS) des demi-gros qui sont aprs 1352 repris par Innocent VI. Celui-ci cependant a frapp des demi-gros et des oboles80 au type des gros clmentins et avec leur lgende COMES VENESI. Si la continuit des missions d'oboles, atteste dj par l'identit des conditions de frappe en 1344 et 1351, ne doit pas surprendre, le demi-gros publi par Muntoni remet en cause le droulement des missions et montre en tout cas qu'il ne faut pas trop se hter d'associer le passage d'une lgende COMES VENESI une lgende SANT PETRH avec le transfert de l'atelier de Sorgues en Avignon. Les gros au type tournois 81 doivent bien tre les plus anciens puisque le trsor de gros de Lausanne comptait parmi les pices les plus rcentes un gros de Philippe VI et 3 gros de Clment VI. Il faut donc dater ces monnaies de 1344 ou d'une mission antrieure, s'il y en eut. Ces trois gros prsentent 12 oves autour du droit et les graphies SEXT et S ou COMES et il faut sans doute considrer ces varits comme caractristiques des premires missions de Clment VI.

Muntoni n 3 et BN1 Rqui n'en connat que 5 exemplaires et gros ; et pour22 1/2 gros d'Innocent VI 79. Muntoni n 965 720, rogn, (1,45 g) pour le 1/2 Grierson n le (3,40 g) pour le gros ; au mme type, Muntoni n 3 et BN R 965 721 et 722. 80. Muntoni n 5 pour le 1/2 gros, n 6 pour l'obole, mais ces pices sont trs uses et les lgendes en partie illisibles. 81. Type Muntoni n 2 ; Muntoni n 4 pour le 1/2 gros.

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MARC BOMPAIRE Titulatures selon les papes et les espces Boniface VIII Poids COITAT COIT Clment V cLemens conrm Les cot Jean XXII comes m it comes VflAYSin venAsmi 1,16 0,77 2,60 3,85 3,87 0,47 3,30-4.10 1,97 1,15 0,96-1,12 0,48; 0,58 SATITVS SADTS COMES SANT vensi VEISI i PETRH ) PETRVS 3,42 1,45 3,47 3,53 R 965 720 2467 2471a (PI. 212) (PI. 1209) B.N. n" 2464 R 965 714 N 4362 2465 2464 b 2466 a 2470 R 1124 7 7 var. 8 Muntoni n" 1 2

denier obole? gros gillat gillat obole

Clment VI gros CLMGS 1/2 gros CL6MNS double de 1351 double de 1344 denier de 1344 oboie CLEM ES ? CLMS ' CLMS ? cLeMens

venAsinid) ven Asm i ven Asm i )|s vEnesi(2) COMES ' VEnESini

SEXTl/S SEXTVS SEXTVS SESTV sexTvs SGXTS

COMES COMES comes COMES

VENESINI VEnESini VENGSim

gillat CL6M6S 1/2 gillat CLMS Florins

1. Une pice semble porte VEflASI 1 Monnaies et Mdailles , Bale, n 11, 30 septembre 1980, n 1 650. 2. Une pice porte V.M SI, trsor de Lausanne, n 158 : Colin Martin, Un trsor de gros tournois dcouvert Lausanne en 1960, RSN, 1963, 43-112.

LA MONNAIE DE PONT-DE-SORGUES Gros de Clment VI au type tournois SEXT 12 ov 1 COMS venesi 6 RAS POTENS DEYS coMes 6RA POTENS DEIVS COMES RAS POTES DEVS COMES RAS POTES DEVS COMES 6RAS POTES DEV COMES 6RAS POTES DEV COMES 6 RAS POTE DEV 8 COM6S 6RA POTES DEVS COMES S RAS POTES DEVS 10 COMES GRAS POTES DEV SEST

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13 oves

1. 1 exemplaire trsor de Lausanne, n 158. 2. 4 exemplaires BN, R 965 713, 4,04 g. 3. exemplaire BN, R 965 718, 3,76 g. 4. exemplaire BN, 2 469, 3,94 g. 5. 4 exemplaires Muntoni, n 2. 6. exemplaire Vente Poinsignon, Barthold, Baudey, Paris, 22-24 juin 1983, n 596. 7. 1 exemplaire Vente Bourgey, Paris, 15-16-06 1914, n 36. 8. 1 exemplaire BN, R 965 715, 3,75 g. 9. 2 exemplaires BN, 2 468, 3,92 g. 10. 3 exemplaires Vente XXIV, Monnaies et Mdailles, Ble, 16 XI 1962, n 19. Les variantes de la lgende extrieure, 6RAS , ONIPOTE(NS), DE(I)V(S)... ne sont pas plus significatives que les variantes de ponctuation (rosette place avant ou aprs le diffrent des clefs...). Le changement entre 12 ou 13 oves en bordure du droit pourrait tre plus intressant et li un changement de valeur ; mais entre des cours de 28 d. en 1344 et 24 d. en 1351 le rapport serait plutt de 14 12 et surtout toutes ces pices sont de poids sensiblement quivalent. Cependant, mme en s'en tenant aux variantes COMES S SEXT SEST, 12-13 oves, il est impossible de dresser un tableau des lgendes d'o ressorte un enchanement cohrent, rapprochant, par exemple, les nos 1, 4 et 8, 2,5 et 9 ou 3,6 et 10. Ainsi les varits de lgende sont beaucoup trop nombreuses pour correspondre une mission chacune, et les plus apparentes que l'on peut trouver sur la vingtaine d'exemplaires examins ne confirment pas les indications des textes sur les changements d'mission et font plutt penser une seule mission avec des coins diffrents selon les fournaises. Rappelons seulement que la documentation ne permet pas de savoir si avant 1351 82 il y eut d'autres missions de gros que celle de 1344. 82. Il est logique de considrer les pices qui reprennent les types du gillat de Jean XXII comme celles de l'mission de 1351 puisque celles-ci taient proches des gillats provenaux par leurs conditions d'mission. : : :

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II reste classer les monnaies noires en fonction de leurs poids. En 1344, le marc d'Avignon de 234,2 g rendait 398 oboles, (0,59 g), 173 pices de 3 d. (1,35 g) et 219 pices de 3 oboles (1,07 g) dont la frappe tait presque dficitaire et, en consquence, sans doute rduite. En 1351, on en tirait 256 pices de 3 oboles (0,915 g). Ces monnaies sont trop rares et, en gnral, trop mal conserves pour que l'on puisse fonder un classement sur la mtrologie ou les varits graphiques (E ou 6, SEXTVS ou SESTVS). Nous nous contenterons d'opposer les pices de module rduit la tte mitre 83 et avec la croix du revers cantonne d'une paire de clefs qui psent autour de 0,50 g et que nous appellerons oboles, aux pices plus larges et plus lourdes qui prsentent un vritable buste et qui doivent correspondre aux doubles. Sans tenir compte des types dcrits par Poey d'Avant et non retrouvs depuis, on peut distinguer divers types de doubles ; les plus communs pesant entre 0,96 et 1,12 g, prsentent deux rosettes en accostement du buste et, au revers, deux paires de clefs en cantonnement de la croix84, nous inclinerions y voir les doubles de l'mission de 1344 puisque leur lgendeCLeMeS PP SEXTVS , et au revers COMES VEflESini , se rapproche des graphies releves sur les pices d'argent de 1344. Restent une pice qui porte au revers une rosette et une paire de clefs en cantonnement de la croix et dont tous les E ont la forme 85 et une pice de poids inconnu, mais de module assez grand, qui ne porte, au contraire, que des E, uni/, graphie qui devient courante plus tard, et une seule paire de clefs en cantonnement de la croix 86. Peut-tre s'agit-il de doubles de 1351. Les florins L'identit du graveur pour les missions d'or et d'argent de 1322 1344, Marco Lando, aurait pu se traduire dans le style et permettre de rapprocher certains florins des pices d'argent. Mais les types, la forme, et la disposition des lettres, au revers du moins, sont exactement repris

83. Muntoni n 8 qui ne connat que 3 exemplaires dont les lgendes incompltes pourraient la limite renvoyer Clment VII, et Martinori n 17 pesant 0,48 et 0,58 g. 84. Muntoni n 5, Martinori n 13, qui donne ces poids. 85. Muntoni n 6, l encore des lgendes incompltes ne permettent pas d'carter une attribution Clment VII. 86. Muntoni n 7 ; la Bibliothque nationale possde 2 exemplaires (R 1124) pesant 0,94 g et 1,15 g d'une pice prsentant les mmes graphies mais ayant au moins des traces de rosettes en cantonnement de la croix. Peut-tre s'agit-il d'un seul type qui ne prsenterait qu'une variante de graphie avec le double n 6 de Muntoni.

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du modle florentin pour tous les florins anonymes 8T. Le changement de lgende COMES VENESI SANT PETRH a moins de signification que ne le pensait Castellane puisque la lgende COMES VENESI se rencontre chez Innocent VI aussi bien que chez Clment VI et n'est pas lie un transfert de l'atelier de Sorgues Avignon. La tiare qui apparat comme diffrent sur les florins lgende SANT PETRH prsente un bandeau horizontal et un bandeau vertical. Elle est donc comparable aux tiares qui se rencontrent sur les monnaies de Jean XXII et de Clment VI avant 1351 o le bandeau vertical disparat. Les clefs en sautoir qui apparaissent galement comme diffrent sur les florins anonymes peuvent faire l'objet d'une analyse analogue. Sur les pices d'argent elles n'apparaissent, lies la base, que sous Clment VI. Mais sur les gros, comme sur les florins lgende COMES VENESI elles sont lies au droit mais non au revers. On ne peut donc rien conclure du fait qu'elles ne sont pas lies sur les florins lgende SANT PETRH. Ces lments discordants ne donnent rien de dcisif pour la rpartition des deux types entre Jean XXII et Clment VI. Il faut aussi rappeler avec Vallentin et Giard 88 que des textes attribuent Urbain V et Clment VII des florins au type de Jean XXII. Il faudrait donc reprendre toute la numismatique des papes d'Avignon. Notons cependant que Jean XXII et Clment VI ont mis des florins au poids de Florence de 226,36 g (64 au marc de cette ville), alors que l'usage du marc de la Curie de 223,71 g est attest partir d'Urbain V (63 pices au marc pour le florin de la Chambre ou papal, 72 74 au marc pour le florin courant) 89. Le florin de la Chambre de 26 puis 28 s. d'Avignon90, plus lourd et donc plus cher que le florin de Florence91 devait avoir 87. Ces florins ont les lgendes COMES VENSI, COMES VQS , SANT PETRH et SANT PETRVS, Muntoni t. 4, p. 161 n 1 et 2, p. 174, n 1. 88. Roger Vallentin, Les manuscrits de l'avignonnais Gaucher Blgier , iSTV, 1893, p. 274, cite une mission de florins au signe et au type de Jean XXII en 1384 ; Giard, p. 107. La frappe de florins au type de Florence Rome ou Avignon est dduite d'un document cit par Orsini, p. XXXVIII o Florence permet en 1368 au matre de la monnaie pontificale d'en frapper du vivant d'Urbain V, condition qu'ils ne portent pas le mot Florentia , mais une lgende ou une mitre papale assez explicites. Comme on ne connat pas de florin au nom d'Urbain V il est tentant de lui attribuer une partie des florins au Baptiste qui ont la tiare comme diffrent et SANT PETRVS comme lgende pour cette mission qui s'tendit sur moins de deux ans. 89. Muntoni cite parmi d'autres documents le bail du 30 janvier 1364. Un document publi par Kirsch, p. 270, montre que 5 832 florins furent mis, 63 au marc de la curie, partir d'espces anciennes pour lesquelles le matre devait la Chambre 62 florins 2 gros par marc, ce qui laissait 10 gros de 28 d. d'Avignon pour ses frais et bnfices : l'ordonnance de Philippe de Cabassoles (Kirsch, p. 272) atteste cette taille de 63 au marc pour la Curie pour le florin de camera*. 90. L'ordonnance de Philippe de Cabassoles contre qu'on tait pass du cours officiel de 26 s. d'Avignon un cours rel de 28 s., reconnu dans les baux et ordonnances montaires de Clment VII. 91. Il pesait 1/55 de plus et quelques mentions releves par Kirsch, p. XLIII attestent sa surcote.

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logiquement un type diffrent. Les florins courants de 24 s. avaient sans doute aussi un type particulier (nous avons conserv deux types de pices d'or pour Grgoire XI, pesant 3,5 et 3 g92, et quatre pour Clment VII93), mais mme si ce ne fut pas le cas ds leur cration, leur poids les dnoncerait. Les livres de comptes montrent la place que tenaient dans la circulation montaire d'Avignon, et malgr les ordonnances du recteur du Comtat, les florins d'imitation de titre rduit94 (Arles, Orange, Saint-Paul-Trois -Chteaux, Montlimar, Va lence et surtout Provence). Jean Favier a ainsi montr comment le florin de reine de Jeanne de Provence cotait 23 s. 6 d. en 1378 et atteignit l'galit de cours (elle est aussi atteste pour le florin de Languedoc) 95 avec le florin courant de 24 s. en 1383 96. Pourquoi dans de tels cas, si le besoin de numraire tait pressant, n'y aurait-il pas eu de frappes au type du Baptiste de titre rduit, avec par exemple une lgende COMES VENESI, proche du CUmTS PVICE des florins provenaux de 1365 97? En rsum nous considrons qu'il n'y a peut-tre pas eu de modification du type entre Jean XXII et Clment VI qui frappaient des pices aux mmes conditions, alors qu'un type nouveau apparat ds Innocent VI 98, li peut-tre au passage au marc de la Curie, mais que des missions de florins lourds au type du Baptiste ont pu encore pisodiquement avoir lieu. Il reste donc, pour laisser le domaine des hypothses fragiles, se tourner vers les textes et le tmoignage des trsors, bien mis en valeur par J.B. Giard" qui conduit attribuer avec certitude Jean XXII les florins lgende SANT PETRH. Le document A de Mollat100, o Jean

92. Muntoni n 12 et 13 y voit un florin de la Chambre et un florin courant; la lgende X REGT VICIT IMP AT reprise des pices franaises pourrait cependant faire envisager une pice calque sur le franc. 93. Favier, op. cit., p. 199-201, Muntoni, t. 4, p. 143-144, n 1-3. 94. Kirsch, p. 271-273; R. Brun, Annales avignonnaises de 1382 1410 extraites des archives de Datini, Mmoires de l'Institut historique de Provence, 1935-1937. 95. L'ordonnance de Philippe de Cabassoles (Kirsch, p. 271-273), republie par Maurice Prou, RN, 1896, p. 27-32, montre que sous Urbain V la plupart des florins de la rgion couraient pour 24 s. Il manule de mercatura diSaminiato de Ricci dit par Antonia Borlandi, Gnes, 1962, dat des annes 1390 dit, p. 101, qu'en Avignon, on compte a fiorini di camera de 29 s., a fiorini chorrenti de 24 s. e a grossi di g. 12 il fiorino chorrent e a franchi de g. 15 et qu' Montpellier, cette date encore on compte > a grossi de g. 15 il francho e a fiorini de Franca che lli 5 vagliano Fr. 4 , ce qui donne 24 s. au florin de France comme au florin courant. 96. Favier, op. cit., p. 199 fait observer que c'est ce moment que furent frapps l'atelier pontifical des florins courants par Louis d'Anjou et pour lui, Bibl. nat., ms. fr. 27717 (P.O. 1233), n20. 97. Rolland, op. cit., n 82. 98. Muntoni n 1. 99. Giard, p. 106. 100. Mollat, document A, p. 260-261.

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MARC BOMPAIRE

XXII dcrit ses florins, parle de Saint- Jean et du lys comme types, d'une lgende diffrente de celle de Florence du ct du lys (yraagme..., lilioque..., superscriptionem tamen a parte lilii diversam habentem;... certis tamen superscriptione et signo distincta ) ; ce diffrent n'est malheureusement pas dcrit ; Villani 101 parlant de la cration du florin en 1322 dit qu'il n'y avait d'autre diffrent que le nom du pape ct du lys par rapport aux pices de Florence, et, revenant sur le sujet en 1324 il prcise qu'on lisait du ct du Baptiste PAPA JOHANNES, avec une mitre pour diffrent et SANCTUS PETRUS SANCTUS PAULUS du ct du lys. Cette description qui l'vidence ne s'appuyait pas sur des documents officiels, ne peut cependant renvoyer qu'aux pices lgende SANT PETRH. Ces florins doivent donc tre attribus Jean XXII, la reconstitution des autres missions demeurant incertaine. Cet examen des sries montaires nous a bien loigns de Jean XXII, mais il permet de prendre conscience de l'unit de cette numismatique des papes d'Avignon et de ses liens avec les monnaies de la rgion, et aussi de constater que le corpus critique de ces monnaies appuy sur les textes restait faire. Nous esprons avoir contribu clairer le pontificat de Jean XXII au moins. Sa politique montaire a tendu satisfaire le public dans sa diversit : les financiers et le commerce international avec un bon florin, la lgende universelle de Saint-Pierre, le commerce rgional et local et les transactions quotidiennes avec un gillat et des monnaies noires mises au nom du Comtat et avec des types et valeurs commodes. Ces missions sont avec l'mission de gros de Clment VI les seules tre bien reprsentes dans les mdailliers et donc, sans doute, les seules avoir t frappes en abondance. Nous avons aussi cherch exprimer l'essentiel et la substance de ces documents comptables souvent mconnus, afin de rappeler qu'ils ne se rduisent pas aux tableaux, prpars pour une utilisation statistique, que nous en donnons. Ces sries chiffres, en effet, ne peuvent suffire rendre compte des ralits rvles par les comptes de seigneuriage quand les sources complmentaires font dfaut.

101. G. Villani, Histoire de Florence, livre 9, chapitres 169 et 278.

LA MONNAIE DE PONT-DE- SORGUES Comptes du seigneuriage de la monnaie d'or et de Pont de Sorgues ' Date 1322 15-09 24-10 22-12 28-12 Production2 88 Ma* 18 d. 46 Ma 1 61 Ma 6 3 d. 195 Ma 7 21 d. 1323 18-01 3-02 17-02 14-03 26-03 25-04 10-06 10-07 2-08 16-08 24-09 22-10 21-12 48 46 86 90 154 89 43 40 79 35 125 44 60 Ma Ma Ma Ma Ma Ma Ma Ma Ma Ma Ma Ma Ma 7 5 1 7 5 4 3 5 3 6 2 6 2 15 d. 6 d. 12 d. 15 d. 12 d. 9 d. 6 d. 21 d. 9 d. 3 d. 9 d. 88 77 215 109 386 90 28 41 104 76 96 48 30 19 flo. 9 s. ad. aurum 53 flo. 2 gillats 14.5 gillats 36 flo. 7 s. 7 d. viennois 8 s. viennois. 61 flo. 17 s. 6 d. ad aur. 35 flo. 16 s. 4 d. ob. ad aurum 17 flo. 7 s. 6 d. v. 20 s. 8 d. v. 16 flo. 6 s. 3 d. ob. v. 21 s. 5 d. v. 31 flo. 16 s. 3 d. v. 21 s. 8 d. v. 14 flo. 6 s. 10 d. ob. 21 s. 7 d. 50 flo. 2 s. 4 d. v. 21 s. 11 d. v. 17 flo. 20 s. v. 21 s. 9 d. v. 24 flo. 2 s. 2 d. ob. v. 22 s. 1 d. v. Rythme3 67 23 309 Seigneuriage 35 flo.. 9 gros t. 18 flo. 9 s. ad aurum 24 flo. 14 s. a