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La Maîtrise d’Ouvrage Communale au Burundi : c’est possible ! Expériences du Projet d’Appui au Développement Local et à la Participation Citoyenne (PADLPC) Points-clés La stratégie pour que les communes deviennent compétentes en matière de Maîtrise d’ouvrage communale, s’appuie sur deux piliers ; un Fonds d'Appui au Développement Local et du renforcement des capacités. Le renforcement des capacités des administrations communales est indispen- sable. Les capacités clés à développer sont les procédures administratives et financières ainsi que la passation des marchés. En plus de la formation en salle, il faut un coaching rapproché sur le lieu de travail. Ce coaching est dégressif dans le temps en fonction des acquis des communes. Pour faciliter le travail avec les communes, il convient de respecter à 100 % les procédures nationales. De cette manière, les communes maîtrisent les procédures a fortiori pour leurs fonds propres. Le gouvernement doit veiller à l’alignement des procédures, assurer la coordination et la concertation des intervenants dans les communes afin de les amener à recourir à la Maîtrise d’ouvrage communale et en vue de l’harmonisation des approches dans le respect des règles nationales. Le transfert de fonds vers les communes permet la responsabilisation : le versement direct des fonds sur les comptes des communes permet de responsa- biliser le personnel communal et contribue ainsi à une meilleure appropriation des procédures de maîtrise d’ouvrage. La réflexion sur la durabilité du service et notamment sur son entretien est essentielle : Pour réduire les coûts d’entretien-maintenance des infrastructures, il est indispensable d’y réfléchir dès la conception des projets. L’expérience a prouvé qu’une infrastructure de qualité revient moins chère en termes d’entretien et de maintenance. Et mieux on réfléchit à la viabilité et à la manière de réaliser un projet, plus le service rendu sera durable. © CTB Le PADLPC Le Projet d’Appui au Développe- ment Local et à la Participation Citoyenne dans la Province de Cibitoke (PADLPC) est actif dans cette province du nord ouest du Burundi depuis janvier 2011. C’est un projet de décentralisa- tion, mis en œuvre par l’agence belge de développement (CTB) en partenariat avec le Ministère du Développement Communal sous financement de l’État belge. Le projet s’inscrit dans le proces- sus de décentralisation, une prio- rité politique du gouvernement du Burundi. L’équipe du projet appuie localement les six communes de la province : Buganda, Bukina- nyana, Mabayi, Mugina, Murwi et Rugombo. L’objectif du projet est de renforcer les performances des communes pour qu'elles puissent assurer leur mandat. Grâce à ces administrations renforcées, la population de 570.000 habitants aura accès à des services publics de qualité. Une stratégie clé du PADLPC est de mettre en place un dispositif de maîtrise d'ouvrage commu- nale fonctionnel. Grâce à des fonds, comme notamment le Fonds d’Appui au Développement Local (FADL) et récemment le Fonds Commun Éducation (FCE), l’équipe s’emploie à appuyer les communes afin qu’elles s’appro- prient le processus de maîtrise d’ouvrage communale. Dans le but de consolider le dia- logue sur la décentralisation au Burundi, le projet capitalise et partage ses bonnes pratiques. Une responsabilisation réelle des communes par le niveau central, une dose de formation, beaucoup de coaching, des outils standard, des projets concrets à réaliser, autant d’éléments qui permettront aux communes de progresser.

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La Maîtrise d’Ouvrage Communale au Burundi : c’est possible !Expériences du Projet d’Appui au Développement Local et à la Participation Citoyenne (PADLPC)

Points-clés� La stratégie pour que les communes deviennent compétentes en matière de

Maîtrise d’ouvrage communale, s’appuie sur deux piliers ; un Fonds d'Appui au Développement Local et du renforcement des capacités.

Le renforcement des capacités des administrations communales est indispen-sable. Les capacités clés à développer sont les procédures administratives et financières ainsi que la passation des marchés. En plus de la formation en salle, il faut un coaching rapproché sur le lieu de travail. Ce coaching est dégressif dans le temps en fonction des acquis des communes.

� Pour faciliter le travail avec les communes, il convient de respecter à 100 % les procédures nationales. De cette manière, les communes maîtrisent les procédures a fortiori pour leurs fonds propres. Le gouvernement doit veiller à l’alignement des procédures, assurer la coordination et la concertation des intervenants dans les communes afin de les amener à recourir à la Maîtrise d’ouvrage communale et en vue de l’harmonisation des approches dans le respect des règles nationales.

� Le transfert de fonds vers les communes permet la responsabilisation : le versement direct des fonds sur les comptes des communes permet de responsa-biliser le personnel communal et contribue ainsi à une meilleure appropriation des procédures de maîtrise d’ouvrage.

� La réflexion sur la durabilité du service et notamment sur son entretien est essentielle : Pour réduire les coûts d’entretien-maintenance des infrastructures, il est indispensable d’y réfléchir dès la conception des projets. L’expérience a prouvé qu’une infrastructure de qualité revient moins chère en termes d’entretien et de maintenance. Et mieux on réfléchit à la viabilité et à la manière de réaliser un projet, plus le service rendu sera durable.

© CTB

Le PADLPC

Le Projet d’Appui au Développe-ment Local et à la Participation Citoyenne dans la Province de Cibitoke (PADLPC) est actif dans cette province du nord ouest du Burundi depuis janvier 2011. C’est un projet de décentralisa-tion, mis en œuvre par l’agence belge de développement (CTB) en partenariat avec le Ministère du Développement Communal sous financement de l’État belge.

Le projet s’inscrit dans le proces-sus de décentralisation, une prio-rité politique du gouvernement du Burundi. L’équipe du projet appuie localement les six communes de la province : Buganda, Bukina-nyana, Mabayi, Mugina, Murwi et Rugombo. L’objectif du projet est de renforcer les performances des communes pour qu'elles puissent assurer leur mandat. Grâce à ces administrations renforcées, la population de 570.000 habitants aura accès à des services publics de qualité.

Une stratégie clé du PADLPC est de mettre en place un dispositif de maîtrise d'ouvrage commu-nale fonctionnel. Grâce à des fonds, comme notamment le Fonds d’Appui au Développement Local (FADL) et récemment le Fonds Commun Éducation (FCE), l’équipe s’emploie à appuyer les communes afin qu’elles s’appro-prient le processus de maîtrise d’ouvrage communale.

Dans le but de consolider le dia-logue sur la décentralisation au Burundi, le projet capitalise et partage ses bonnes pratiques.

Une responsabilisation réelle des communes par le niveau central, une dose de formation, beaucoup de coaching, des outils standard, des projets concrets à réaliser, autant d’éléments qui permettront aux communes de progresser.

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La Maîtrise d’Ouvrage Communale au Burundi : C’est possible !

Le Fonds d’appui au développement local, premier pilier de la stratégie du PADLPCIl s’agit d’une ligne de crédit disponible pour contribuer au financement des investissements des communes de Cibitoke d’un montant total de 2 569 000 €. Le FADL est géré suivant un manuel de procédures qui a, par ailleurs, très fortement inspiré le nouveau manuel du Fonds national d’investisse-ment communal (FONIC). Il prévoit une dotation triennale pour

chaque commune répartie selon les critères suivants : popula-tion, niveau d’accès aux services de santé, éducation, eau et pistes, et indice du coût des constructions, déterminé sur la base du coût de réalisation d’une salle de classe dans chaque commune. Ainsi, la commune la moins nantie au regard des critères qui précèdent touche une somme plus importante que les communes jugées mieux pourvues en infrastructures au regard des besoins de sa population.

La commune de Buganda vient de rédiger un dossier d’appel d’offres pour les travaux de finitions des écoles sous un financement FONIC-2014 sans aucun appui, ni du FONIC, ni d’un bureau d’études, ni de nous-mêmes. Les membres de la Cellule de Gestion des Marchés Publics ont travaillé sur des modèles de Dossiers d’Appel d’Offres à leur disposition. Le dossier a été transmis à la Direction Nationale Contrôle Marchés Publics pour avis de non-objection. Celle-ci a fait des commentaires mineurs que la commune vient d’intégrer.

Gérard Yamuremye Conseiller provincial en infrastructures du PADLPC

1 | Projet d’appui au développement local et à la participation citoyenne dans la province de Cibitoke, juillet 2011. Manuel des procédures – Fonds d’appui au développement local province de Cibitoke. Cibitoke : PADLPC. Ministère de la Décentralisation et du Développement communal, s.a. Prendre en main le développement de notre commune. Guide de la maîtrise d’ouvrage communale au Burundi. Bujumbura : Ministère de la Décentralisation et du Développement communal.

Liste des abréviationsDAO : Document d’appel d’offresDAP : Document d’avant-projetFADL : Fonds d’appui au développement localFCE : Fonds Commun ÉducationFONIC : Fonds national d’investissement communalMDC : Ministère du Développement communalMOC : Maîtrise d’ouvrage communalePADLPC : Projet d’Appui au Développement Local et à la Participation CitoyennePCDC : Plan communal de développement communautairePTF : Partenaire technique et financier

Maîtrise d’ouvrage communale : termes clés1

Ouvrage : une réalisation, un travail effectué sous contrat. Il peut s’agir de travaux, comme la construction d’une école, de fournitures, par exemple l’achat de chaises pour le bureau communal ou encore de services intellectuels, comme une étude de faisabilité.

Maître d’ouvrage : Personne physique ou morale de droit public ou privé qui est propriétaire d’une réalisation.

Maîtrise d’ouvrage communale : Le pouvoir de décision d’une commune pour promouvoir le développement communal en vertu des compétences et ressources qui lui sont transférées par l’État dans le cadre de la décentralisation. La commune est l’entité de droit public chargée d’assurer la représentation et la défense de ses intérêts, et donc de l’intérêt de ses citoyens, aux stades de la définition, l’élaboration, l’exécution et la réception des prestations, la gestion et maintenance qui font l’objet du marché.

Maître d’œuvre : La personne physique ou morale désignée par le maître d’ouvrage afin d’assurer sa représentation et la défense de ses intérêts. Le maître d’œuvre est recruté pour ses compétences techniques dans le domaine.

Une stratégie en deux composantes pour une véritable maîtrise d’ouvrage communaleLe PADLPC a basé son action sur une stratégie à deux volets, un Fonds d’Appui au Développement Local, le FADL, accompagné d’une panoplie de renforcement des capacités.

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Pour chaque commune, le montant total est très important puisqu’il totalise entre 750 et 830 millions FBU 2 pour les six communes sur 3 ans. En comparaison, le FONIC n’alloue actuellement que 50 millions FBU par an ; quant au Projet d’appui au développement économique et social (PRADECS) de la Banque mondiale sur tout le territoire burundais, il don-nait des enveloppes de 100 millions FBU par an.

Malgré la dotation triennale, les communes ont opté pour fi-nancer de grands projets d’infrastructures et ont ainsi préféré cumuler la dotation sur deux, voire trois ans afin de financer des projets comme l’électrification, les centres de santé, l’ad-duction d’eau potable (plus de 10 km), des écoles, un stade et également certains équipements pour améliorer le travail de l’administration communale.

2 | 2000 FBU = 1 euro.

Les autres financements, c’étaient des miettes. Le FADL, lui, finance des projets consistants.

Nicodème Ndahabonyimana Conseiller technique chargé du développement de la commune de Mabayi

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Tableau 1 : Répartition des dotations triennales par commune (sans bonifications)

Dotation Buganda Bukinanyana Mabayi Mugina Murwi Rugombo Total €

2012 137 828 151 385 140 678 145 444 147 012 152 652 875 000

2013 123 904 136 091 126 465 130 750 132 160 137 230 786 600

2014 111 995 123 011 114 311 118 184 119 458 124 041 711 000

1 euro = 2000 FBU.

Figure 1 : Réalisations des communes (avec le FADL et le FCE) sous maîtrise d’ouvrage communale

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C’est la première fois qu’un bailleur comme le Royaume de Belgique, par le biais du PADLPC et de son fonds, le FADL, respecte à 100 % l’ensemble des procédures nationales telles que décrites dans le code des marchés publics burundais et le manuel de procédures administratives et financières des communes. Même si, au départ, les acteurs communaux n’étaient pas convaincus, les communes apprécient mainte-nant le fait que l’on respecte les procédures nationales et elles réalisent que le FADL n’est pas seulement un moyen de finan-cement des investissements communaux mais aussi un outil de renforcement des capacités des acteurs communaux. En effet, pour pouvoir mobiliser les fonds FADL, un minimum de performances est requis et l’équipe du PADLPC y contribue par un apprentissage par l’action.

Une des obligations liées à l’octroi du financement FADL est la réalisation d’un audit annuel dans les communes. Contrai-rement aux autres audits, dont l’importance reste liée princi-palement à l’opinion de l’auditeur, les résultats des audits des communes de la province de Cibitoke alimentent le plan de renforcement de leurs capacités. En 2013, l’audit financier a montré que quatre des six communes de Cibitoke étaient ca-pables de bien gérer leurs finances conformément aux procé-dures nationales et remplissaient les exigences de partenaires comme le FONIC, le FCE et le PADLPC. À l’issue de cet audit, des feuilles de route ont été mises en place afin de suivre les recommandations des auditeurs.

Une des difficultés majeures rencontrées dans la mise en œuvre du FADL est le fait que les délais nécessaires à la pas-sation des marchés et donc à l’ensemble du processus n’ont pas été pris en compte au départ. On imaginait des dotations triennales en pensant que les infrastructures pourraient être réalisées sur une période d’une année (études, exécution et réception comprises), or il faut le double de temps pour réali-ser convenablement des infrastructures durables.

Faut-il transférer tous les fonds directement sur le compte des communes ?Le manuel des procédures du FADL prévoyait un trans-fert des dotations aux communes. Malheureusement, après évaluation des capacités des communes par les auditeurs, la CTB, dans le cadre de son analyse des risques, a jugé pré-maturé de verser les fonds sur les comptes des communes. Le PADLPC a donc payé directement les factures liées aux dépenses du FADL. Néanmoins, suite à un renforcement des capacités continu et le dernier audit de Buganda et Mabayi ayant été positif, ces deux communes vont recevoir des fonds sur leurs comptes en 2014 pour payer elles-mêmes les pres-tataires. Quant aux autres communes, elles adresseront les demandes de paiement des factures vérifiées par leur soin au PADLPC qui se chargera lui-même de payer directement les prestataires. Cette approche, différente de celle prévue dans le manuel FADL est donc loin de l’approche initialement prévue d’apprentissage par l’action. Par contre, depuis 2014, le FONIC et le FCE transfèrent directement leurs fonds sur les comptes des communes.

Augmenter la performance communale : faut-il utiliser les bonifications ? En complément de la dotation triennale, décaissée en tranches annuelles, chaque commune pouvait bénéficier d’une prime en lien avec l’amélioration de ses performances. Le calcul et le versement des bonifications ont débuté au cours de l’exer-cice budgétaire 2013. Ces bonifications étaient calculées sur la base, d’une part des résultats de l’évaluation nationale des performances et d’autre part en fonction de dix autres indica-teurs prévus dans le manuel FADL.

Les indicateurs du FADL se sont révélés impossibles à mesu-rer ou ne mesuraient pas nécessairement les performances des communes (p. ex. les délais de passation des marchés). Seule l’évaluation des performances nationales a donc été uti-lisée comme base de calcul.

Le montant des bonifications est de 10 % de la dotation an-nuelle, ce qui paraît faible pour engendrer une véritable stimu-lation. Une seule commune n’a pas reçu cette prime car son score était inférieur à 60 points. Entre les autres communes, l’écart maximum de bonifications a été de 2.000 euros pour 8 points d’écart d’évaluation. Cet écart ne permet pas suffisam-ment d’émulation entre les communes et l’objectif pour elles est donc simplement de dépasser les 60 points sans tenter de faire mieux.

La Maîtrise d’Ouvrage Communale au Burundi : C’est possible !

L’audit de 2012 a identifié des manquements ; avec l’audit de 2013, nous avons montré que l’on avait progressé à plus de 90 %.

Moïse Gahedede Comptable de la commune de Buganda

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Désormais, les communes de Cibitoke peuvent être citées parmi celles qui ont des budgets de qualité (p. ex. les fonds des partenaires sont intégrés dans leurs budgets) et une comptabilité bien tenue. L’application des procédures légales (passation des marchés) et la gestion autonome du processus de mobilisation des fonds FADL sont les preuves d’une bonne maîtrise d’ouvrage communale.

Suite à l’expérience de Cibitoke, le Ministère de l’Éducation, par le biais du Fonds Commun Éducation, a décidé d’expé-rimenter la construction de salles de classe sous maîtrise d’ouvrage communale. L’expérience pilote de 2013, sur 20 communes du Burundi, a démontré que les infrastructures étaient construites plus rapidement que par une seule autorité contractante.

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La rédaction des dossiers d’avant-projet n’est plus un problème pour nous. Je ne vois même pas pourquoi le FONIC a encore organisé une séance d’explication de cette étape.

Stréus Bakundukize Conseiller technique chargé du développement de la commune Bukinanyana

Le renforcement des capacités des communes, deuxième pilier de la stratégieUn aspect clé dans l’appui du PADLPC à la maîtrise d’ouvrage communale à Cibitoke concerne le renforcement des capa-cités. Afin de parcourir les différentes étapes de la maîtrise d’ouvrage communale, le PADLPC s’est concentré, les deux premières années, sur la gestion financière des communes et sur le cycle des marchés publics.

Des formations et des ateliers de courte durée (2 à 4 jours) ont d’abord été organisés. Ceux-ci ont permis d’introduire les nouveaux concepts et de prendre connaissance des informa-tions de base. Dans un second temps, on est passé à une formation in situ et un encadrement ou appui-conseil. L’appui-conseil a porté sur un appui de proximité par les assistants techniques du PADLPC. Cet accompagnement est dégres-sif : à mesure qu’elle apprend, la commune réalise certaines étapes de la maîtrise d’ouvrage communale elle-même.

Dans le même temps, le PADLPC a travaillé avec les com-munes sur l’élaboration d’un plan de renforcement des capa-cités qui a ciblé des domaines plus vastes que les précédents. Ce plan traite de la gestion des ressources humaines, de la gestion financière, de la maîtrise d’ouvrage communale, de la gestion de l’information, de la documentation et de l’archi-vage, de la communication avec le citoyen, du partenariat et enfin de la gestion des services publics. Le plan a été élaboré de manière participative et vise l’amélioration de la perfor-mance des communes dans la gestion du service public.

Quelles sont les étapes de la maîtrise d’ouvrage communale ?Quand on parle de la maîtrise d’ouvrage communale, cela ren-voie à la définition, l’élaboration, la réalisation et l’exploitation de services locaux, pilotés par des acteurs locaux.

Comment les communes élaborent-elles leurs projets ?L’élaboration des projets comprend différentes étapes : � l’analyse par la commune du projet qu’elle souhaite réaliser ; � l’étude de faisabilité par un bureau d’études ;� l’élaboration du dossier d’appel d’offres pour les travaux.

L’analyse du projet par la commune se fait en préparant un dossier d’avant-projet (DAP). Ce DAP présente les différentes dispositions techniques, socio-organisationnelles et finan-cières envisagées par la commune pour la réalisation, la mise en service et le fonctionnement de son projet. Actuellement, toutes les communes de la province de Cibitoke sont capables de rédiger des DAP pour des ouvrages courants, notamment les écoles, sans aucun appui extérieur. Elles l’ont prouvé lors de l’élaboration, en 2014, des DAP pour les projets financés par le Fonds national d’investissement communal (FONIC). De fait, le FONIC n’a pas jugé utile de faire de commentaires sup-plémentaires sur leurs documents.

Figure 2 : Étapes de l’élaboration des projets communaux

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La Maîtrise d’Ouvrage Communale au Burundi : C’est possible !

Encadré 1 : Le stade de la commune de Mugina

Lors de la conception du stade de Mugina, le bureau d’études avait prévu un stade pouvant accueillir la Coupe d’Afrique des Nations, avec une salle antidopage et la possibilité de faire un héliport sur la cour de l’école à côté du stade. Le bureau d’études n’avait tout bonne-ment pas demandé à la commune le budget dont elle disposait. Par contre, après cet événement, le bureau d’études et la commune ont travaillé ensemble à plu-sieurs reprises, notamment pour respecter les exigences minimales de la Fédération burundaise de football.

© CTB / Yannis Derbali

Au démarrage du projet PADLPC, les communes devaient choisir dans leur plan de développement, les projets qu’elles voulaient financer grâce au FADL. Le PADLPC n’est pas inter-venu dans ce choix mais il a appuyé les communes dans la définition des projets. Auparavant, le dossier d’avant-projet était considéré par la commune comme un mal nécessaire pour obtenir le financement du projet et non comme un docu-ment qui donne l’occasion de réfléchir à la viabilité du projet et aux modalités de sa réalisation. Les communes voulaient aller vite et le conseiller chargé du développement rédigeait tout seul le document.

Le projet a donc misé sur une analyse de qualité de la part des communes avec de nombreux aller-retour et un certain niveau d’exigence. À titre d’exemple, le DAP pour l’adduction d’eau de Buganda a pris 5 mois de préparation avant sa validation.

Quant aux études de faisabilité qui ont abouti à l’élaboration du dossier d’appel d’offres pour les travaux, le projet a été confronté à un manque de communication entre les communes et le bureau d’études. C’est seulement avec le temps que les deux parties prenantes ont appris à collaborer ensemble. Et c’est tout un apprentissage de la part du bureau d’études qui n’a pas l’habitude de travailler avec les autorités communales.

En prenant conscience de l’importance de l’élaboration d’un projet, les communes de Cibitoke ont formulé des sugges-tions pertinentes sur les études réalisées par les maîtres d’œuvre et elles n’ont plus peur d’analyser et de critiquer le travail des consultants.

Dans la majorité des cas, ce sont les bureaux d’études qui élaborent les dossiers d’appel d’offres. Mais, pour certains marchés, tels que les fournitures de matériel, c’est également le PADLPC qui, dans un premier temps, a élaboré les dossiers et les a partagés avec les membres des Cellules de Gestion de Passation des Marchés Publics en charge de l’élaboration des dossiers d’appel à concurrence. Par la suite, le projet a di-rectement donné aux communes ces modèles précédemment élaborés pour qu’elles puissent les adapter au cas par cas.

Certaines communes adaptent elles-mêmes des dossiers non complexes de mise en concurrence des soumissionnaires, par exemple pour les marchés de fournitures des équipe-ments mobiliers ou les marchés de recrutement des surveil-lants de chantier. Les communes ont seulement besoin d’un appui pour les spécifications techniques.

Comment les communes s’approprient-elles la pas-sation des marchés ?La passation des marchés étant une phase critique pour la réussite d’un projet, le PADLPC a mis un accent particulier sur ce domaine pour permettre aux communes de se l’ap-proprier. À ce jour, les communes de Cibitoke maîtrisent les grandes étapes de passation des marchés publics (publica-tion des dossiers, visite des lieux, ouverture des offres, ana-lyse des offres, information aux soumissionnaires, attribution provisoire, approbation des marchés, notification définitive de marchés) et sont capables de les mener à bien en utilisant les outils à leur disposition.

L’ouverture des offres n’est plus un problème pour nous. Nous pouvons la faire sans aucun appui. Je pense que les bureaux d’études nouvellement recrutés n’auront pas plus de compétences que nos membres des commissions de passation des marchés.

Stréus Bakundukize Conseiller technique chargé du développement de la commune Bukinanyana

Le Conseiller Technique chargé des affaires administratives et social de la commune de Murwi, Salvator Niyubuhungiro, membre de la Commission communale de passation des mar-chés, a déclaré ceci : « Même les yeux fermés, tu me pré-sentes un marché et, en quelques secondes, je peux te dire s’il s’agit d’un marché de travaux, de fournitures ou de services intellectuels avec leurs différents seuils et je suis capable de te dire comment il faut procéder. » Cela montre à quel point la plupart des membres des Commissions de passation de mar-chés maîtrisent la procédure de passation adaptée à chaque type de marché.

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© CTB

Au fur et à mesure que les communes effectuent des exer-cices de passation, les commissions de passation s’appro-prient le processus avec de moins en moins d’accompa-gnement. Ainsi, le niveau de compétences en passation des marchés des communes qui ont eu plus de marchés et celui des communes qui ont eu peu de marchés est différent. Pour tester leur savoir-faire, le projet laisse aux communes le soin de procéder elles-mêmes à la passation des marchés.

Plusieurs exemples nous montrent que l’apprentissage conti-nu aboutit à une amélioration des pratiques.

Le droit à l’erreur pour un meilleur apprentissageDans le cadre du marché de l’alimentation en eau potable Muhungu, la commune a constaté l’oubli d’un poste sur le de-vis quantitatif alors que le DAO était sur le point d’être publié. La commune a vite contacté les soumissionnaires par télé-phone pour les informer de la quantité à modifier sur leur offre. La commune croyait, à tort, qu’une simple information par téléphone suffisait. Constatant cette erreur, le projet a remé-dié à la situation en expliquant à la commune qu’elle devait publier officiellement un Addendum au DAO, conformément à la loi. Dorénavant la commune sait que les messages télé-phoniques ne sont pas valables dans le cadre des marchés publics mais que tout doit être écrit.

Des exemples pour prouver la bonne appropriation des communes en matière de passation des marchés : � La commune de Murwi a passé un marché de fourniture

pour des chaises sans appui, de la préparation du dossier jusqu’à l’attribution du marché, sur base d’un dossier type.

� Les communes de Rugombo et de Mabayi ont parcouru les différentes étapes pour la construction d’un centre de santé, uniquement en collaboration avec le bureau d’étude, maitre d’œuvre.

Ces expériences montrent qu’à l’heure actuelle les communes parviennent sans difficulté à mener à bien des marchés appli-quant des critères semblables à ceux de marchés antérieurs car elles appliquent les modèles connus.

Les exemples de marchés qui ont été passés sans appui du projet ou avec un appui mineur sont nombreux, les plus ré-cents sont les marchés de fournitures et travaux sous finance-ment du FONIC dans le cadre desquels toutes les communes ont passé les marchés avec satisfaction sans aucun appui extérieur, ni du FONIC ni du PADLPC.

D'autre marchés passés sans appui sont, notamment, le re-crutement de maître d’œuvre à Mabayi pour l’adduction d’eau potable.

La stratégie pour renforcer les communes en passation des marchés : Pour arriver au niveau actuel de compétences des com-munes, le projet a mis en avant une stratégie d’appui rappro-ché, d’accompagnement et de coaching. Constatant que le niveau de base des cellules de gestion des marchés publics des communes était bas, deux cycles de formation formelle ont été organisés au profit de tous les membres. La formation n’a pas permis aux communes de développer le savoir-faire dans tous les domaines ; il a fallu des exercices pratiques sur des cas concrets. Grâce aux marchés financés par le FADL et le FCE à partir de 2013, les communes ont pu mettre la théorie en pratique. Lors des premiers exercices, un membre du PADLPC a ac-compagné les séances de passation au niveau de chaque commune en participant à toutes les étapes. En plus de cet accompagnement, des séances de coaching de certains membres des commissions ont aussi été assurées pour ame-ner les différentes commissions à devenir autonomes vis-à-vis de l’appui. Les personnes coachées sont le plus souvent les présidents des commissions d’ouverture, d’analyse et le conseiller technique chargé des questions de développement (point focal des marchés publics dans une commune).

Pour permettre aux commissions de pouvoir travailler de ma-nière autonome c’est à dire sans ou avec un appui limité, des outils ont été proposés et distribués aux communes. Les plus importants sont : le code des marchés publics, le guide pra-tique de gestion des marchés, les canevas types d’ouverture et d’analyse des offres par type de marchés ainsi que des ordinateurs et des imprimantes.

L’accompagnement rapproché ne pouvait pas continuer avec la même intensité durant toute la période car cela ne permettait pas une appropriation par les communes. Pour accélérer cette appropriation, un retrait progressif de l’ac-compagnement rapproché a été adopté. Ainsi, à partir de 2014, les séances d’ouverture et d’analyse ne sont plus obli-gatoirement accompagnées par un membre du personnel de

La confection d’une demande de cotation pour la fourniture de chaises ne constitue vraiment pas un problème pour nous.

Christophe Nkundabagenzi Conseiller technique chargé du développement de la commune de Murwi

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La Maîtrise d’Ouvrage Communale au Burundi : C’est possible !

© CTB

projet et les communes parviennent à produire des rapports acceptables.

Difficultés rencontrées et solutions pour renforcer les communes en passation des marchés : Quelques obstacles ont été rencontrés pendant ce processus, soit au niveau des communes elles-mêmes soit dans le cadre de l’appui technique que le projet apporte aux communes. Comme les communes n’avaient pas l’habitude de passer des marchés, elles ont trouvé ces exercices fatigants, d’où une impatience de voir finalement des résultats concrets (école finie, centre de santé achevé, etc.)

Sachant que les séances d’analyse des offres prennent plu-sieurs jours en fonction du nombre de candidats, les membres des commissions autres que le personnel communal n’étaient pas assidus à ces séances, car ils ne se sentaient visiblement pas motivés. C’est ainsi que la question de la prise en charge des commissions est née. À cette question, la commune s’est heurtée à la règlementation qui l’oblige à déposer tous les frais de vente de dossiers au compte central de l’office burundais des recettes, ne laissant aucun fonds à l’intention des com-munes. Heureusement, le Ministre des Finances et de la plani-fication du développement économique a dérogé à cette règle pour permettre aux communes de récupérer 50 % de cette vente. Les communes ont ainsi pu utiliser ces sommes pour la prise en charge des membres des commissions pendant les séances organisées ainsi que pour les frais de multiplication. Parmi les autres difficultés d’ordre mineur constatées, on peut

notamment citer la lenteur de la passation dans les premiers jours, des offres incomplètes et mal présentées qui rendent la passation fastidieuse, des recours répétitifs des soumission-naires qui ralentissent le processus.

Pour répondre à tous ces obstacles, des solutions ont été proposées et ont donné des résultats immédiats tandis que d’autres étaient envisagées progressivement. À titre d’exemple, pour diminuer la lenteur du processus, il a été proposé d’augmenter les occasions de pratiquer la passa-tion. Ces exercices sont possibles au niveau des communes pour des petits marchés ne disposant pas même d’un fonds des partenaires techniques et financiers, et n’ayant que leurs propres fonds. Concernant la faiblesse des prestataires pour la présentation des offres, il a été proposé d’organiser des séances de renforcement des prestataires. Le programme CTB « marchés publics » a inscrit cette activité dans sa plani-fication. Concernant les recours des soumissionnaires, il n’y a pas eu de solution miracle ; il a fallu montrer aux communes comment analyser les dossiers conformément à la loi et cela a constitué un point d’apprentissage utile aux communes.

En conclusion, les formations théoriques qui ne sont pas complétées par des exercices pratiques ne permettent pas aux communes d’augmenter leur savoir-faire. Plus les cas pratiques de passation se multiplient, plus le savoir-faire des communes s’améliore.

Comment les communes suivent-elles l’exécution des contrats ?L’étape d’exécution comprend plusieurs activités qui per-mettent de concrétiser le projet sur le terrain. En sa qualité de maître d’ouvrage, la commune doit suivre de près cette étape car c’est le moment d’engagement réel du budget relatif au marché. Les activités clés de cette étape sont : le suivi des chantiers, la vérification/le paiement des factures de l’entre-prise et la réception des travaux.

Malgré mon temps limité, je dois passer sur le chantier de Kayange au moins une fois par semaine pour constater l’avancement et les difficultés éventuelles.

Barnabé Hatungimana Membre d’un Comité de suivi de chantier de la commune Buganda

Actuellement, les communes de Cibitoke ont mis en place des comités locaux de suivi pour chaque chantier en cours d’exécution. Il a été constaté que cette étape intéresse par-ticulièrement les communes par rapport aux étapes anté-rieures car elle aboutit à des résultats concrets (une école, un réservoir d’eau potable, etc.). Les conseillers techniques

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chargés du développement et les administrateurs effectuent des visites périodiques de terrain pour constater l’avance-ment des chantiers et participent parfois aux réunions de chantier pour trouver des solutions éventuelles aux pro-blèmes survenus.

Concernant les factures, elles sont vérifiées systématique-ment par l’équipe comptable communale avant de procéder à leur paiement. Pour inciter les communes à une bonne appro-priation et à garantir la traçabilité de leurs réalisations, elles sont amenées à produire des rapports techniques et finan-ciers de l’exécution des marchés qu’elles partagent avec le projet à chaque fin de mois.

Comme aux autres étapes, le PADLPC a fourni aux communes quelques outils nécessaires pour la gestion des marchés (fiches de suivi des contrats, canevas de rapportage technique et financier). Un accompagnement rapproché et individualisé est assuré par l’équipe du projet. Constatant que cet appui lors du suivi des chantiers reste insuffisant, toutes les com-munes ont recruté des maîtres d’œuvre qui les accompagnent techniquement dans cette phase où les membres des comités communaux de suivi ont très peu de compétences.

Cependant, on a observé certains obstacles pour lesquels des solutions ont été identifiées plus ou moins rapidement. Notamment, dans le cas du suivi des chantiers, la faiblesse est que les membres du comité local de suivi mis en place par les communes, ont des problèmes de disponibilité. On a aussi remarqué une mauvaise organisation de certaines entre-prises qui connaissent des retards de livraison des ouvrages. Le rapportage technique accuse des lenteurs et celles-ci sont progressivement rectifiées.

Les obstacles rencontrés ont trouvé des solutions à l’excep-tion du système de comité de suivi local qui reste en cours d’exploration à des fins d’amélioration. Au cours de ce pro-cessus, il a été constaté que les communes suivent avec inté-rêt le bon déroulement des travaux. De multiples visites du chantier par les Administrateurs et les Conseillers techniques de la commune sont effectuées périodiquement.

Les communes sont-elles capables de suivre le paiement des contrats ?Contrairement aux années passées lorsqu’il était difficile de trouver les documents contractuels dans une commune, un comptable communal affirme qu’il suit de près les contrats du FADL et que leur traçabilité est garantie, aussi bien dans les budgets communaux qu’en termes des rapports finan-ciers produits chaque mois. Dorénavant, même les fonds des autres partenaires sont inscrits au budget de la commune.

Les contrats honorent les accords de financement ; leur ges-tion respecte les procédures nationales et les exigences des partenaires. Grâce à l’appui rapproché du projet, la gestion rassure les uns et les autres. Le FCE et le FONIC, qui trans-fèrent des dotations aux communes, sont satisfaits de leur gestion.

© CTB

La gestion des fonds FADL est transparente, les pièces justificatives sont disponibles et les dépenses sont intégrées dans les rapports mensuels.

Étienne Bashemezimana Comptable de la commune de Mabayi

”Concernant le paiement, une certaine lenteur du circuit comp-table s’observe encore dans le traitement des factures. La facturation correspondant au niveau d’avancement des acti-vités (fourniture de services ou travaux) connaît une chaîne de vérification. Au départ, le conseiller technique chargé du développement, vérifie le taux d’avancement et élabore les annexes nécessaires ainsi que la demande de paiement. Le niveau d’avancement doit être conforme aux services facturés. La vérification de la facture se fait à la fois sur les montants facturés et sur les retenues à faire (liquidation).

Il appartient à l’administrateur d’autoriser le paiement mais le comptable peut apporter un avis contraire à un paiement non conforme.

On observe que dans certaines communes, le circuit de fac-turation et de paiement, devient de plus en plus rapide suite à l’accompagnement de l’équipe comptable pour l’aider à tra-vailler en synergie avec le conseiller technique chargé du déve-loppement qui suit les chantiers.

L’enregistrement comptable des fonds FADL suit le manuel des procédures budgétaires et comptables des communes. Néanmoins, d’autres outils de suivi des contrats, comme les formulaires de suivi des contrats, les fiches de suivi des immo-bilisations, le registre des contrats, etc. ne sont pas systémati-quement bien tenus. Certains défis, comme la multiplicité des procédures (une procédure à chaque partenaire) et le circuit de la facture (reçue et vérifiée par la commune mais payée par le projet), rendent difficile la gestion des crédits du Fonds d’Ap-pui au Développement Local.

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La Maîtrise d’Ouvrage Communale au Burundi : C’est possible !

La mobilisation des contributions, telle que prévue dans les accords d’exécution, et le suivi global des accords méritent d’être améliorés ou revus. Toutefois, certaines communes comme la commune de Buganda s’assurent de l’exactitude du montant avant tout enregistrement.

À la différence des fonds des autres partenaires, pour le FADL, le montant de la contribution ne finance pas du tout le coût de l’ouvrage à réaliser. Il finance l’entretien et la maintenance des bâtiments et équipements communaux. Un plan d’entretien et de maintenance devrait être mis en place pour faciliter l’ordon-nancement et le suivi. La gestion des fonds FADL n’a pas res-pecté le manuel FADL dans sa logique de départ de transférer les fonds aux communes. Après deux années d’appui et de renforcement des capacités, la consolidation devrait consister à laisser les communes mettre en pratique leurs compétences de gestion autonome des fonds des partenaires.

La multiplicité des rapports des partenaires, la charge de travail qui augmente, la non-maitrise des outils variés de rapportage ne nous rendent pas la vie facile.

Jean Bosco Ngendakumana Comptable de la commune de Mugina

Le vent a arraché toutes les toitures des écoles de ces deux collines ; tous les ans, c’est la même chose !

Floride Niyibitegeka Administrateur de Bukinanyana

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Le format des rapports financiers des communes est harmo-nisé car il est tiré du manuel de procédures des communes. Le contenu de ce rapport permet de rentrer toutes les infor-mations financières mais chaque partenaire exige un format extra comptable pour lui permettre de visualiser son apport.

Comment rendre plus durables les infrastructures communales ?Les communes de Cibitoke ont compris que pour avoir des in-frastructures durables qui permettent de fournir des services publics, il est nécessaire :� de construire des infrastructures de bonne qualité malgré le

coût qui peut parfois se révéler élevé ; � d’assurer un suivi efficace de l’utilisation de bons matériaux ; � d’entretenir régulièrement ces infrastructures. Cet entretien

nécessite de libérer des fonds soit sur le budget soit grâce à la redevance et de définir des responsabilités pour la ges-tion des infrastructures.

Les toitures des écoles construites grâce au FADL seront de meilleure qualité que celles que nous sommes en train d’installer sur d’autres écoles car actuellement nous avons beaucoup de problèmes avec les tôles BG28.

Patrick Icoyitungiye Conseiller technique chargé du développement de la commune de Rugombo

© CTB / Olivier Stoupy

Tous les ans, de nombreuses toitures sont arrachées par le vent ; elles sont souvent mal posées, les bâtiments sont mal orientés et les matériaux utilisés ne sont pas suffisamment ré-sistants. C’est pourquoi, pour toutes les infrastructures finan-cées par le FADL, une attention très particulière est accordée à l’orientation des bâtiments et à la qualité des matériaux utili-sés pour les toitures. Les tôles BG28 teintées, habituellement utilisées au Burundi, ont été proscrites. Cette attention est renforcée grâce au suivi du maître d’œuvre présent en perma-nence sur les chantiers afin de vérifier la qualité de l’exécution des travaux. Ce maître d’œuvre est un bureau d’ingénieurs qui représente la commune pour défendre ses intérêts. Il élabore en général l’étude de faisabilité pour construire l’ouvrage et il est là pour veiller à la bonne exécution de l’infrastructure. Il est recruté par la commune.

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Encadré 2 : Adduction d’eau dans la commune de Buganda

La commune de Buganda, située dans la plaine de l’Im-bo, prélève toute son eau dans les collines de la com-mune de Murwi. Le réseau d’eau n’était pas entretenu car la Régie communale de l’eau de Buganda pensait ne pas pouvoir intervenir sur la commune de Murwi et la commune de Murwi n’entretenait pas le réseau puisque l’eau ne servait pas ses citoyens mais pour ceux de Buganda. Personne n’entretenant le réseau, celui-ci s’est détérioré avec une perte de plus de 75 % d’eau potable. Afin de réhabiliter son adduction d’eau potable, la commune de Buganda a signé une convention avec la commune de Murwi pour définir les rôles des deux communes dans la gestion de ce réseau d’eau. La régie communale de l’eau de Buganda a donc maintenant le devoir d’intervenir sur le réseau, même dans la com-mune de Murwi. Et elle prévoit également d’augmen-ter la redevance des usagers pour l’utilisation de son adduction car actuellement chaque famille paie 500 BIF par an pour l’utilisation du réseau, or en comparaison un coca coûte 700 BIF.

Suite à leurs mauvaises expériences, toitures abimées après moins d’un an ou encore diminution du débit de l’eau, les communes ont accepté le choix de meilleurs matériaux et ont compris la nécessité d’un suivi rapproché avec un maître d’œuvre. Elles seront totalement convaincues à l’issue de la réception définitive des infrastructures.

Les communes comprennent également la nécessité d’un en-tretien, surtout quand le service est interrompu. La commune de Bukinanyana, ayant collecté toute sa contribution (deman-dée en contrepartie du FADL) destinée à l’entretien-mainte-nance, a sollicité l’appui du projet pour mieux s’acquitter de l’entretien de ses bâtiments. Deux stagiaires ingénieurs, re-crutés par le PADLPC, ont sillonné les collines de la commune pour dresser un état des lieux des infrastructures. Cet état des lieux servira de base à l’établissement du plan d’entre-tien-maintenance.

Nous aussi, nous avons besoin, comme à Bukinanyana, de faire l’état des lieux de nos bâtiments pour savoir par où commencer l’entretien.

Jean Bazira Conseiller technique chargé du développement de la commune de Mugina

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Rappel du cadre légal au Burundi « La commune constitue la base du développement écono-mique et social de la population établie sur son territoire. Ses organes doivent veiller constamment à promouvoir le dévelop-pement communautaire sur tous les plans de ses habitants » 3 ; selon la loi communale du Burundi dans son article 6.

La commune, est donc la première responsable du dévelop-pement de son territoire. Pour ce faire, des travaux d’investis-sements, avec ou sans le soutien des bailleurs, sont réalisés. C’est dans cette logique que la commune assume le rôle de maître d’ouvrage.

Comme nous l’avons vu, des travaux effectués par les com-munes comme maîtres d’ouvrage sont exécutés dans toutes les régions du Burundi. L’état s’est même engagé dans la ré-forme du Fonds National d’Investissement Communal (FONIC). Depuis 2014 les communes passent elles-mêmes les marchés sur financement du FONIC, ce qui n’était pas le cas avant.

En reconnaissant l’importance de la maîtrise d’ouvrage com-munale, il faut maintenant trouver des solutions aux défis res-tant dans ce domaine pour maximiser le potentiel en faveur du développement local.

Les lacunes du cadre légalMalgré la bonne volonté des communes dans le domaine de la maîtrise d’ouvrage communale et les actions prises aujourd’hui, on déplore un grand manque de clarté vis-à-vis de leurs compétences. Tous les cinq ans, les communes du Burundi planifient leurs actions de développement dans des documents connus sous le nom de Plans Communaux de Développement Communautaire (PCDC). La loi communale précise que « la commune assure les services publics répon-dant aux besoins de cette population et qui ne relèvent pas, par leur nature, leur importance ou par détermination de la loi, de la responsabilité directe de l’Etat ».

C’est fort bien, mais dans quelles circonstances la commune a-t-elle les compétences d’agir en tant que maître d’ouvrage ? Quelles sont les responsabilités précises des services décon-centrés de l’État et des administrations communales ? Dans quels domaines la commune peut-elle ou non prendre des ini-tiatives ?. Les communes et les projets des bailleurs en appui opèrent donc dans une zone floue.

Les défis de la maîtrise d’ouvrage communaleLe défi principal aujourd’hui est de vaincre ce manque de clar-té sur les compétences des communes. Même le ministère de tutelle l’a bien compris : dans son plan d’actions triennal 2012-2014 « assurer le transfert effectif de la maîtrise d’ouvrage des investissements dans les domaines relevant de leurs compé-tences » figure comme une action stratégique. Ainsi une loi sur la répartition des compétences est en cour de préparation.

Un autre défi est que la commune fait face à un manque de res-sources financières pour financer ses propres investissements. Aujourd’hui 90 % des fonds propres des communes de Cibi-toke sont alloués au fonctionnement courant de la commune.3 | République du Burundi, 2010. Loi communale. Bujumbura, article 6.

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La CTB, l’agence belge de développement, appuie et encadre des programmes de développement pour le compte de l’État belge et d’autres donneurs d'ordre.

Ont participé et contribué à cette publication Bigirindavyi Jean Bosco,Deweer Thomas,Hermouet Murielle,Nduwimana Salvator,Nsabimana Désiré,Yamuremye Gérard.

Ont apporté un appui technique et de relecture Baltissen Gérard (KIT).

Cette note est publiée sous Licence Creative Commons « by/nc/nd »

ConclusionsLes compétences techniques des communes étant limitées, il est plus facile pour les communes de maîtriser les parties administratives d’un dossier plutôt que les parties techniques spécifiques à un ouvrage. Ce qui est le cas aujourd’hui dans la majorité des communes.

Le PADLPC a constaté que la mise à disposition des communes de ressources humaines ayant des capacités techniques et les compétences nécessaires est indispensable. Néanmoins, rares sont les communes qui trouvent justifié un tel profil de compé-tences. C’est pour cela qu’un transfert des compétences aux communes, doit impérativement s’accompagner d’un transfert des moyens humains.

Comme l’approche de Maîtrise d’ouvrage communale exige des capacités qui ne se retrouvent pas systématiquement dans toutes les communes, le niveau du savoir-faire reste très dif-férent d’une commune à l’autre. La MOC constitue une res-ponsabilité importante dans le cadre de la décentralisation. La manière dont elle est faite est un indicateur de la performance des communes et un signe d’appropriation.

Perspectives à explorerPour le ministère du Développement Communal (MDC)� Le Ministère du Développement Communal (MDC), dans

le cadre du pilotage de la Maîtrise d’ouvrage communale, devrait faire un plaidoyer pour que la loi sur le transfert des compétences soit votée afin de sortir de cette zone de flou et d’avoir une idée claire de la répartition des compétences entre les communes et l’État.

� Le ministère doit réfléchir à la pérennisation des acquis rela-tifs à la Maîtrise d’ouvrage communale déjà obtenus dans les communes appuyés par différents partenaires. En effet

au départ de ces derniers, on court le risque que les acquis soient perdus.

� Le ministère doit s’investir pour généraliser la Maîtrise d’ou-vrage communale dans toutes les communes du pays en visant une harmonisation des bonnes pratiques.

Pour l’Etat burundais� Comme d’autres partenaires ne passent pas par le système

de Maîtrise d’ouvrage communale pour implanter leurs pro-jets dans certaines communes, l’Etat devrait assurer la coor-dination des intervenants dans les communes afin de les amener à recourir à cette approche dans la mise en œuvre des projets d’investissement sur le territoire communal.

Pour les ministères sectoriels� Les ministères sectoriels, doivent travailler avec les com-

munes puisqu’elles connaissent mieux le contexte local. C’est la méthode la plus durable pour leurs services et leurs politiques sectorielles. Il faut mettre à disposition des com-munes des ingénieurs en charge de la Maîtrise d’ouvrage communale. Si cela se révèle impossible, il faut avoir des ingénieurs sur plusieurs communes (intercommunalité). Finalement, il faut prévoir le transfert des fonds sectoriels aux communes. Il en est de même pour les programmes sectoriels de la CTB, ceux-ci doivent s’inscrire dans la logique nationale de la décentralisation.

Pour les communes� La Maîtrise d’ouvrage communale représente un travail long

et difficile mais mène à des résultats concrets (l’effort vaut la peine et les communes sont effectivement capables). Les communes ne doivent pas seulement pratiquer cette approche pour les activités financées par des partenaires financiers mais aussi pour leurs activités financées sur fonds propres.