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LA MALADIE DE MORTON Dr JY COILLARD La maladie de Morton est une pathologie aussi fréquente que mal connue. Elle est, encore aujourd’hui, à l’origine de débats animés entre les médecins sur son diagnostic comme sur son traitement. Historiquement, le roi Georges IV, au milieu du XIXe siècle, fût le premier cas recensé. Quelques années plus tard, Thomas Morton, médecin anglais, décrivit la maladie et lui laissa son nom. Ce n’est pourtant qu’au milieu du XXe siècle que la compréhension de cette maladie a été réellement établie. Origine de la maladie Plusieurs origines ont été longuement discutées. L’hypothèse d’une tumeur bénigne d’un nerf du pied a été largement répandue mais les analyses microscopiques l’ont réfutée. C’est la compression mécanique d’un nerf situé dans le 3ème espace interdigital qui semble en être responsable. En effet, les têtes des 3 ème et 4 ème métatarsiens et les ligaments qui les solidarisent créent un véritable canal inextensible dans lequel le nerf peut se retrouver coincé à l’effort. Le nerf ainsi étranglé gonfle en amont et envoie de faux messages que le patient ressent comme des douleurs intenses. L’analyse microscopique permet de retrouver des lésions nerveuses spécifiques, dégénératives et non tumorales, témoignant de cette compression chronique. Les signes cliniques A l’interrogatoire, les patients décrivent des douleurs sous l’avant pied en un point très précis de type électrique, violentes, voire paroxystiques, avec quelquefois une impression d’insensibilité ou de fourmillements du 3 ème et du 4 ème orteil. Certains décrivent des irradiations douloureuses dans les extrémités de ces orteils ou sur le dos du pied jusqu’à la cheville, d’autres ont l’impression d’une boule douloureuse sous le pied. Ces douleurs apparaissent le pied chaussé, en appui, à la marche ou à la course. Les patients sont contraints de s’arrêter de marcher ou de conduire afin de retirer leur chaussage et leur bas pour les femmes. La mobilisation des orteils fait quelques fois disparaître la douleur. Il s’agit donc de crises douloureuses violentes mais heureusement passagères. Cette simple description des douleurs par le patient oriente rapidement le médecin vers la maladie de Morton.

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LA MALADIE DE MORTON Dr JY COILLARD

La maladie de Morton est une pathologie aussi fréquente que mal connue. Elle est, encore aujourd’hui, à l’origine de débats animés entre les médecins sur son diagnostic comme sur son traitement.

Historiquement, le roi Georges IV, au milieu du XIXe siècle, fût le premier cas recensé. Quelques années plus tard, Thomas Morton, médecin anglais, décrivit la maladie et lui laissa son nom. Ce n’est pourtant qu’au milieu du XXe siècle que la compréhension de cette maladie a été réellement établie.

Origine de la maladie

Plusieurs origines ont été longuement discutées. L’hypothèse d’une tumeur bénigne d’un nerf du pied a été largement répandue mais les analyses microscopiques l’ont réfutée. C’est la compression mécanique d’un nerf situé dans le 3ème espace interdigital qui semble en être responsable.

En effet, les têtes des 3ème et 4ème métatarsiens et les ligaments qui les solidarisent créent un véritable canal inextensible dans lequel le nerf peut se retrouver coincé à l’effort. Le nerf ainsi étranglé gonfle en amont et envoie de faux messages que le patient ressent comme des douleurs intenses. L’analyse microscopique permet de retrouver des lésions nerveuses spécifiques, dégénératives et non tumorales, témoignant de cette compression chronique. Les signes cliniques

A l’interrogatoire, les patients décrivent des douleurs sous l’avant pied en un point très précis de type électrique, violentes, voire paroxystiques, avec quelquefois une impression d’insensibilité ou de fourmillements du 3ème et du 4ème orteil. Certains décrivent des irradiations douloureuses dans les extrémités de ces orteils ou sur le dos du pied jusqu’à la cheville, d’autres ont l’impression d’une boule douloureuse sous le pied. Ces douleurs apparaissent le pied chaussé, en appui, à la marche ou à la course. Les patients sont contraints de s’arrêter de marcher ou de conduire afin de retirer leur chaussage et leur bas pour les femmes. La mobilisation des orteils fait quelques fois disparaître la douleur. Il s’agit donc de crises douloureuses violentes mais heureusement passagères. Cette simple description des douleurs par le patient oriente rapidement le médecin vers la maladie de Morton.

Examen clinique

L’examen effectué par le médecin, centré sur le troisième espace inter digital, doit rechercher à la palpation, le signe de Mulder, caractéristique de la maladie.   Il   s’agit   du   déclic   douloureux   du   nodule   de  Morton   coincé   entre   les   têtes   métatarsiennes   et   les  doigts   du   pra7cien.   On   peut   également   rechercher   un  défaut  de   sensibilité  entre   le  3ème  et   le  4ème  orteil,   signe  d’une  lésion  évoluée.    

Examens radiologiques

La radiographie simple apporte peu d’informations. On peut retrouver, dans des formes historiques, une divergence des orteils repoussés par le volume excessif de la lésion.

L’échographie retrouve elle aussi facilement le nodule, c’est pour nous l’examen de base actuellement. Elle a l’intérêt d’apporter une information dynamique puisqu’en manipulant le pied le radiologue peut voir le nodule de Morton bouger entre les têtes (effet noyau de cerise), en même temps qu’il déclenche une douleur.

L’IRM permet un diagnostic précoce sous la forme d’une petite image visible sans injection. Elle reste cependant un examen cher et difficile d’accès.

Les principes du traitement

La prise en charge est dans un premier temps médicale. Il faut tout d’abord traiter un défaut d’appui du pied qui pourrait être à l’origine d’un excès de contraintes sur un Morton débutant. On soulage la zone gâchette en faisant porter une paire d’orthèses plantaires (semelles) qui modifient les appuis du pied et permettent de diminuer l’appui sous le Morton (évidement sous-lésionnel) en reportant l’appui en arrière de la zone douloureuse (appui rétrocapital). Ces semelles doivent être mises dans des chaussures confortables.

On y associe régulièrement des infiltrations de produits corticoïdes à action locale et retardée.

Notre protocole médical comporte l’association d’une paire d’orthèses plantaires à une série de trois infiltrations réalisées à un mois d’intervalle. Nous revoyons les patients trois mois après la dernière injection, soit six mois après le diagnostic de la maladie de Morton, afin d’évaluer le bénéfice. En cas d’échec du traitement médical et si le patient se sent toujours handicapé dans la vie de tous les jours, on s’oriente alors vers le traitement chirurgical.

Le traitement chirurgical

Le traitement chirurgical peut être de deux types d’orientations différentes: l’une conservatrice, l’autre non conservatrice.

Le traitement conservateur a pour but de libérer le canal dans lequel le nerf est enclavé, sans toucher au nerf malade. On réalise la section ou la résection du ligament entre les têtes métatarsiennes, véritable collier positionné sur la « nuque » du nodule de Morton. Cette libération peut être faite par des méthodes chirurgicales classiques, par chirurgie mini-invasive (certains y associent une ostéotomie (section) de la 4ème tête métatarsienne), ou encore par endoscopie.

Les techniques non conservatrices, consistent en la résection pure et simple du nodule de Morton. Il faut alors couper les 4 branches nerveuses autour du nodule, le retirer complètement et en faire une analyse microscopique.

Ce traitement fait disparaître bien évidemment les douleurs puisque le nodule de Morton est enlevé en totalité. En revanche, il est responsable d’un certain nombre d’effets secondaires ou de complications postopératoires comme les névromes cicatriciels ( repousses nerveuses partielles et très douloureuses), l’insensibilité plus ou moins totale entre les 3ème et 4ème orteils et les troubles de cicatrisation cutanées et fibrose secondaires à l’acte chirurgical. On dit classiquement que les troubles passagers postopératoires peuvent être longs à disparaître et malheureusement peu prévisibles d’une personne à l’autre.

Quoi qu’il en soit, il faut retenir qu’une maladie de Morton se traite médicalement dans 80% des cas avec un très bon résultat et que l’on ne réserve le traitement chirurgical qu’aux formes graves et invalidantes (c'est-à-dire handicapant la vie de tous les jours). Le choix du traitement chirurgical doit se faire en accord avec le chirurgien. Il ne faut cependant pas oublier que l’on ne guérit jamais à 100% d’une maladie de Morton, quel que soit le traitement, le but est de diminuer au maximum les douleurs.

Bibliographie :

Barrett SL. Endoscopic nerve decompression.Clin Podiatr Med Surg 2006 jul ; 23 (3) : 579-95. Review.

Dellon AL. Treatment of Morton's neuroma as a nerve compression. The role for neurolysis. J Am Podiatr Med Assoc 1992 Aug ; 82 (8) : 399-402.

Mulder JD. The causative mechanism in Morton's metatarsalgia. J Bone Joint Surg (Br) 1951 ; 33 : 94-5.

Villas C, Florez B, Alfonso M. Neurectomy versus neurolysis for Morton's neuroma. Foot ankle Int 2008 Jun ; 29 (6) : 578-80.

Date de dernière révision : 4 juillet 2011