la grammaire du noon
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The handle http://hdl.handle.net/1887/52964 holds various files of this Leiden University dissertation. Author: Wane, M.H. Title: Le grammaire du noon Issue Date: 2017-09-19
LA GRAMMAIRE DU NOON
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LOT phone: +31 30 253 6111
Trans 10
3512 JK Utrecht e-mail: [email protected]
The Netherlands http://www.lotschool.nl
Cover illustration: Photo prise lors dâun interview avec un devin. (Face: Mame
Maye, profile: Khadim Ndione)
ISBN: 978-94-6093-246-5
NUR 616
Copyright © 2017: Mohamadou Hamine Wane. All rights reserved.
La grammaire du noon
Proefschrift
ter verkrijging van
de graad van Doctor aan de Universiteit Leiden,
op gezag van Rector Magnificus prof.mr. C.J.J.M. Stolker,
volgens besluit van het College voor Promoties
te verdedigen op dinsdag 19 september 2017
klokke 16:15 uur
door
Mohamadou Hamine Wane
geboren te ThiĂšs, Senegal
in 1975
Promotores: Prof.dr. Maarten Mous
Prof.dr. Momar Cissé (Université Cheikh Anta Diop,
Dakar)
Co-promotor: Dr. Felix K. Ameka
Promotiecommissie: Prof.dr. Johan Rooryck
Prof.dr. Wouter E. A. van Beek (Tilburg University)
Prof.dr. Jenny Doetjes
Dr. Sylvie Voisin (Université Aix Marseille)
Dr. Mily Crevels
Dr. Victoria Nyst
La recherchce, qui est une partie de cet ouvrage, a été financé par Endangered
Languages Documentation Programme (ELDP).
A toute ma famille, surtout Ă ma mĂšre Khady Gueye qui a toujours pris soin de ses
enfants et petits enfants.
Table des matiĂšres
Table des matiĂšres i
Remerciements vii
Table des figures ix
Table des tableaux xi
Table des morphĂšmes xiii
Liste des signes et abréviations xv
1. Introduction 1
1.1. Le peuple noon 1
1.1.1. Localisation géographique et données démographiques 1
1.1.2. Tradition orale 4
1.1.3. Culture et Tradition 9
1.1.4. Economie 9
1.1.5. Religion 10
1.1.6. Education 10
1.1.7. Situation sociolinguistique 10
1.2. Langue noon 11
1.2.1. Classification linguistique 11
1.2.2. Les dialectes du noon 14
1.2.3. Typologie linguistique 14
1.3. Etudes antérieures et méthodologie 14
1.3.1. Etudes antérieures 14
1.3.2. Description du corpus 15
1.3.3. PrĂ©sentation de lâĂ©tude 16
2. La phonologie 19
2.1. Les considérations phonologiques 19
2.2. La description des consonnes 19
2.2.1. Les consonnes glottalisĂ©es [É, É, Ê] 21
2.2.2. Le coup de glotte ['] 22
2.2.3. La sonorisation des consonnes sourdes [p, t, c, k] 23
2.2.4. La consonne [f] en position intervocalique 24
2.2.5. Les consonnes prĂ©nasalisĂ©es [mb, nd, nÉ, ng] 25
2.2.6. Les nasales [m, n, ÉČ] 25
2.2.7. La sonante orale [r] 26
2.2.8. La longueur consonantique 27
2.3. La description des voyelles 30
2.3.1. La longueur vocalique 31
2.4. Quelques rĂšgles phonologiques 31
2.4.1. LâĂ©penthĂšse [n] 32
2.4.2. La suppression de la voyelle 33
2.4.3. La réduction syllabique 34
ii
2.5. Lâharmonie vocalique 34
2.5.1. Lâharmonie vocalique dans le radical 34
2.5.2. Lâharmonie vocalique dans la dĂ©rivation 36
2.6. Lâaccent 37
2.7. Lâintonation 38
3. Le nom 39
3.1. Les lexĂšmes verbo-nominaux 39
3.2. Les lexÚmes nominaux irréguliers 40
3.3. La formation et la dérivation nominale 41
3.3.1. La réduplication 42
3.3.2. La composition 42
3.3.3. La préfixation 44
3.3.4. La suffixation 47
4. La classification nominale 53
4.1. Le premier systĂšme de classes nominales 53
4.2. Le deuxiĂšme systĂšme de classes nominales 61
5. Les pronoms 67
5.1. Les pronoms personnels 67
5.1.1. Les pronoms personnels sujets 67
5.1.2. Les pronoms personnels objets 68
5.2. Les pronoms emphatiques 69
5.2.1. Les pronoms personnels emphatiques 69
5.2.2. Les pronoms emphatiques non humains 72
5.3. Les pronoms comme substituts du nom 74
5.3.1. Les pronoms objets non humains 75
5.4. Les pronoms démonstratifs 76
5.5. Les pronoms interrogatifs 77
5.5.1. Le pronom interrogatif Ée 78
5.5.2. Le pronom interrogatif ye 78
5.5.3. Le pronom interrogatif na ou në 79
5.5.4. Le pronom interrogatif ndaa 80
5.5.5. Le pronom interrogatif yaande 80
5.5.6. Le pronom interrogatif ngande 81
5.5.7. Le pronom interrogatif kere 82
5.5.8. Le pronom interrogatif iñaa tah 82
5.5.9. Le pronom interrrogatif hĂĂnnĂ« 83
5.5.10. Le pronom interrogatif Ciinde 84
5.5.11 Le pronom indĂ©fini CĂlĂs 85
6. La détermination du nom 87
6.1. Lâexpression de lâindĂ©fini 87
6.2. Lâexpression du dĂ©fini 88
6.2.1. Le déictique suffixal 88
iii
6.3. Les déterminants démonstratifs 90
6.3.1. Lâanaphorique mĂ« 94
6.4. Les déterminants qualificatifs 94
6.5. Le numéral 96
6.5.1. Les déterminants numéraux 97
6.6. Les quantifieurs 101
6.6.1. Lâindividualisateur 101
6.6.2. Les totalisateurs ÉĂ©w' et tĂșĂșh 102
6.6.3. Le distributif 103
6.7. La particule haĆ 104
7. Les constructions possessives 105
7.1. La construction possessive par juxtaposition 105
7.2. La construction possessive avec le modifieur gĂ©nitival CĂ«Ć 106
7.3. La construction possessive avec le modifieur génitival Cuu 107
7.4. Les constructions possessives avec les formes pronominales 108
8. Les prépositions et locutions prépositionnelles 115
8.1. La préposition në 115
8.2. La préposition ngë 118
8.2.1. Les locutions prépositionnelles en ngë 120
8.3. La prĂ©position fondĂ«Ć 122
8.4. Les connecteurs Éii et Éalaa 123
9. La dérivation verbale du noon 125
9.1. La dérivation trans-catégorielle 125
9.1.1. Lâadjectiviseur âĂ«' 125
9.1.2. Le dĂ©rivatif âe 128
9.2. La dérivation inter-catégorielle 129
9.2.1. Lâapplicatif âoh 130
9.2.2 La rĂ©ciprocitĂ© âoh 134
9.2.3. Lâantipassif âoh 138
9.2.4. Le causatif âĂ«' 141
9.2.5 Le causatif âlĂ«k 145
9.2.6. La causation sociative ândoh 146
9.2.7. Le bĂ©nĂ©factif âĂ«' 149
9.2.8. Le sĂ©paratif âĂs 150
9.2.9. Le moyen âĂ«k 152
9.2.10. Le passif âĂ«s et âuu 158
9.2.11. LâitĂ©ratif âsiis 163
9.2.12. Le morphĂšme âĂk 164
9.2.13. Lâandatif ânee et ânaas 165
9.3. Quelques combinaisons de dérivations 166
10. Temps, aspect et mode 171
10.1. LâĂ©tude des marqueurs de la conjugaison 171
iv
10.1.1. Les formes verbales simples 171
10.1.2. Les formes verbales complexes 187
10.2. Les marqueurs de la négation 195
11. Idéophones, interjections et routines 199
11.1. Idéophones 199
11.1.1. Les structures phonologique et morphologique des idéophones 199
11.1.2. La structure syntaxique des idéophones 201
11.2. Interjections 206
11.3. Routines 209
11.3.1. Les routines dans les salutations, adieux et conversations 209
11.3.2. Les routines dans les contes et devinettes 214
12. Les diffĂ©rents types dâĂ©noncĂ©s 215
12.1. Les énoncés simples 215
12.1.1. LâĂ©noncĂ© averbal 215
12.1.2. LâĂ©noncĂ© verbal et lâordre des constituants 223
12.2. Les énoncés complexes 227
12.2.1. La coordination 227
12.2.2. Le complementeur an 232
12.2.3. Le conditionnel 233
12.2.4. La proposition complétive 235
12.2.5. La proposition temporelle 236
12.2.6. La proposition causale 238
12.2.7. La proposition de conséquence 239
12.2.8. La proposition de concession 239
12.2.9. La subordonnée relative 240
12.3. LâĂ©noncĂ© injonctif 243
12.4. LâĂ©noncĂ© comparatif 245
12.4.1. Le comparatif de supériorité 246
12.4.2. Le comparatif dâĂ©galitĂ© 247
13. La divination - Les méthodes divinatoires des noons : formes, sens et
expressions 249
13.1. Introduction 249
13.2. Les systÚmes divinatoires au Sénégal 250
13.3. Les méthodes divinatoires des noons et leur sens 257
13.4. La représentation des figures géomantiques 266
13.5. Le mode dâexpression dans la pratique divinatoire 269
13.6. Quelques caractéristiques du discours dans les séances divinatoires 270
13.6.1. Les routines dâinteraction dans les sĂ©ances divinatoires 271
13.6.2. La répétition 272
13.6.3. Les particules Ă©nonciatives 275
13.7. Conclusion 277
Références 279
v
Annexes 289
Summary 301
Nederlandse samenvatting 305
Curriculum Vitae 309
Remerciements
Ce travail est mené avec le concours de plusieurs personnes sans lesquelles je
nâaurai pu le rĂ©aliser. Je voudrais exprimer ma gratitude aux nombreuses personnes
qui mâont apportĂ© leur soutien.
Jâaimerais exprimer toute ma profonde gratitude Ă mes superviseurs : Maarten
Mous, Momar Cissé et Felix Ameka, pour leur extraordinaire soutien tout au long de
ce projet difficile et leurs conseils dâexperts. Votre aide Ă tous les niveaux a
beaucoup contribué à la réalisation de ce travail.
A la communauté noon, particuliÚrement mes informateurs pour leur disponibilité et
leur coopĂ©ration pendant la collecte des donnĂ©es, et Ă lâĂ©quipe technique pour le
travail remarquable dans la collecte et le traitement de données : Khadim Ndione,
HélÚne Ndione, Mbaye Faye, Pascal Déthié Ndione, Jean Joseph Ndione, Fara
Ndione Pathia, Pascal Abdoulaye Gueye, Joachim Ndione, Philip Ndione, Lamine
Diop, Maurice Ndione, GisÚle Tine, Mamadou Fall et Maguette Diamé.
Je voudrais remercier tous les collĂšgues de LUCL qui mâont bien accueilli et mâont
fourni un environnement idĂ©al dans lequel jâai pu mener Ă bien mes travaux de
recherches. Jâexprime ma profonde reconnaissance Ă Maarten Mous et Felix Ameka
qui nâont mĂ©nagĂ© aucun effort Ă rendre agrĂ©able mon sĂ©jour Ă Leiden. Je remercie
toutes les personnes avec qui jâai passĂ© dâagrĂ©ables moments en leur compagnie :
Heleen Smits, Victoria Nyst, Rebecca Voll, Amanda Delgado, Jenia Gutova,
Maarten Kossmann, Angoua Tano, Mulugeta Tsegaye, Nazar Nazarudin, Christian
Rapold et les « Mouhammads » de la mosquée Al Hijra.
A mes collÚgues du lycée de Médina Fall et du département de Linguistique de
lâUCAD pour leurs conseils et encouragements. Je remercie Ibrahima Ndiaye pour
les cartes et Mbaye Camara Dieng pour les observations sur la forme.
Ce projet nâaurait Ă©tĂ© possible sans le support financier de Endangered Languages
Documentation Programme (ELDP) qui mâa permis de conduire Ă bien cette
recherche et participer Ă des formations en Afrique et en Europe.
Je voudrais remercier LUCL pour leur soutien financier pendant mon dernier séjour
Ă Leiden. Je suis trĂšs reconnaissant Ă Maarten Mous, Gea Hakker et Merel van Wijk
pour leur support administratif.
Je voudrais remercier la direction de la coopĂ©ration de lâuniversitĂ© Cheikh Anta
Diop de Dakar pour leur support administratif dans la gestion de la bourse ELDP.
Enfin, je remercie toute ma famille, particuliĂšrement ma femme Yacine Diop et nos
enfants pour leur affectueux soutien moral et leur patience pour mener Ă bien ce
travail pendant ces années.
Table des figures
Figure 1.1 Carte de la région de ThiÚs 2
Figure 1.2 Carte des localités cangin-noon 3
Figure 1.3 Carte des localités saawi-noon et pade-noon 4
Figure 1.4 Carte des localités des sérÚres du Sénégal 5
Figure 1.5 Carte du pays Saafi 8
Figure 13.1 Maison géomantique paire (2 figures géomantiques) 267
Figure 13.2 Maison géomantique paire (4 figures géomantiques) 267
Figure 13.3 Maison géomantique impaire (3 figures géomantiques) 268
Figure 13.4 Maison géomantique impaire (5 figures géomantiques) 268
Figure 13.5 La relation dâinterdĂ©pendance entre le devin, le djinn et la figure 278
Table des tableaux
Tableau 2.1 Les phonĂšmes consonantiques 20
Tableau 2.2 La réalisation des consonantiques 20
Tableau 2.3 La réalisation de la longueur consonantique 28
Tableau 2.4 Les phonĂšmes vocaliques 30
Tableau 2.5 Les voyelles âATR 30
Tableau 2.6 Les voyelles +ATR 30
Tableau 2.7 Les valeurs phonétiques des voyelles 31
Tableau 2.8 Quelques illustrations de la longueur vocalique 31
Tableau 2.9 La réalisation des voyelles au niveau du radical 36
Tableau 4.1 Les marqueurs dâaccord de classes du premier systĂšme de classses
nominales 53
Tableau 4.2 Lâaccord du nom avec les marqueurs de classes 54
Tableau 4.3 Corrélation paire de classes et consonne initiale 60
Tableau 4.4 Les marqueurs dâaccord de classes du deuxiĂšme systĂšme de classes
nominales 61
Tableau 5.1 Les pronoms personnels sujets 67
Tableau 5.2 Les pronoms personnels objets 68
Tableau 5.3 Les pronoms emphatiques non humains 72
Tableau 6.1 Les marqueurs du déictique suffixal sur le nom 88
Tableau 6.2 Les marqueurs du déicitque suffixal sur les autres modifieurs 89
Tableau 6.3 Les déterminants démonstratifs 91
Tableau 6.4 Les déterminants numéraux des nombres deux et trois 98
Tableau 7.1 Les pronoms possessifs avec le modifieur CĂ«Ć 109
Tableau 7.2 Les affixes possessifs 110
Tableau 7.3 Les pronoms possessifs avec le modifieur Cuu 110
Tableau 8.1 Les substantifs de sens temporels 117
Tableau 8.2 Les prépositions et locutions prépositionnelles 120
Tableau 9.1 Les formes verbales avec le dĂ©rivatif âe 129
Tableau 9.2 Les dérivatifs verbaux en noon 130
Tableau 9.3 Les formes verbales réciproques 135
Tableau 9.4 Les formes verbales causatives 142
Tableau 9.5 Les formes verbales causations sociatives 147
Tableau 9.6 Les formes verbales séparatives 150
Tableau 9.7 Les formes verbales moyennes 152
Tableau 9.8 Les formes verbales dâintensitĂ© 165
Tableau 9.9 Lâordre des dĂ©rivatifs 167
Tableau 10.1 Les marques flexionnelles 171
Tableau 12.1 Les coordonnants 227
Tableau 13.1 Les particules Ă©nonciatives 275
Table des morphĂšmes
âaa COND
âaa~Ă« IMPER.SG
âaa DEICT.DIST
âat~Ă«t IMPER.PL
âii DEICT.PROX
âĂ«' CAUS
âlĂ«k CAUS
âĂ«' BENEF
âĂ«' ADJ
âoh APPL
âoh ANTIPASS
âoh NOMS
ândoh CAUS.SOC
âsiis~is ITER
âaat ITER
âĂs SEP
âĂk INTS
âĂ«s PL
âĂ«s PASS
âuu PL
âuu PASS
âĂ«k MOY
ânee AND
ânaas AND
âmun RELAT
âĂ©Ă© VOC
âoo VOC
âĂ«Ć JONC
âmĂ« ANA
kĂ«â INF
kĂ«â DIM
kĂ«â COMM
Éuâ COMM
âe MAN
âĂ« HAB
âan FUT
âĂ«n PARF
âee PAS
ârĂ« NARR
âroo O1SG
âraa O2SG
âre~rĂ« O3SG
ârĂșĂș O1PL.INCL
ârĂĂ O1PL.EXCL
âruu 2PL
âÉĂ« 3PL
âroo POSS.1SG
âfĂ« POSS.2SG
âce POSS.3SG
ârĂșĂș POSS.1PL.INCL
ârĂĂ POSS.1PL.EXCL
âruu POSS.2PL
âÉĂ« POSS.3PL
Liste des signes et abbrĂ©viatons â limite morphĂšmes
- séparation mot composé
* agrammatical
~ variation de formes
[ ] phonétique
représentation
/ / phonémique
représentation
1 premiĂšre personne
2 deuxiĂšme personne
3 troisiĂšme personne
Ă marqueur de classe
nominale
ABS abstrait
ADJ adjectiviseur
ANA anaphore
AND andatif
APPL applicatif
BENEF bénéfactif
CAUS causatif
CAUS.SOC causation sociative
COMM communal
COMP complémenteur
COND marqueur de condition
DEICT déictique
DEM démonstratif
DIM diminutif
DIST distal
DISTR distributif
EXC excessif
EMS emphatique sujet
EMO emphatique objet
EMPH particule emphatique
EXCL exclusif
FUT futur
HAB habituel
IDEO idéophone
IMPER impératif
INCL inclusif
INF infinitif
INJ injonction
INTJ interjection
INTERR interrogation
INTS intensité
ITER itératif
JONC joncteur
LITT littéralement
LOC locatif
MAN maniĂšre
MOY voix moyenne
N nasale
NARR narratif
NEG négatif
NOMS nominalisation
O indice dâobjet (suivi
dâune indication de
personne)
PARF parfait
PAS passé
PASS passif
PERF performatif
PI particule
dâinterrogation
PL pluriel
POSS possessif
PREP préposition générale
PRES présentatif
PROG progressif
RECIPR réciproque
REL relativiseur, ou marque
dâune forme verbale
relative
RELAT relationnel
SEP séparatif
SG singulier
SUGG suggestif
1. Introduction
1.1. Le peuple noon
1.1.1. Localisation géographique et données démographiques
Le peuple noon1 est localisé dans la ville de ThiÚs et ses villages environnants. La
ville de ThiÚs, située à 70 km de Dakar, compte 300 000 habitants selon les estima-
tions officielles de 2012. Les noons reprĂ©sentaient lâessentiel des habitants de la
ville de ThiÚs ; ils vivaient dans les villages situés à la périphérie de la ville. Ils sont
répartis dans trois zones géographiques et portent les noms de leurs zones
dâhabitations (voir figures 1.2, 1.3 et 1.5). Les noons vivant dans la zone Saawi au
nord de la ville de ThiÚs sur la route de Saint-Louis sont appelés saawi-noons. Ils
habitent dans les localités de Diassap, Keur Ndiokoune, Laalane, Thiaoune Diora,
Thiaoune Louwa, NdiobĂšne, Thiafathie, KoudiadiĂšne, Lamlam et Diassa. Dans la
zone de FandĂšne, appelĂ© pade en noon, situĂ© Ă lâest de la ville de ThiĂšs, vivent les
pade-noons. Ils sont répartis dans les localités de Keur Ndiour, Keur Daouda, Keur
Lika, Kioba, Kiniabal, MbayÚne, Fouthie, Diayane sérÚre, Ndiamdioro. Les noons,
qui vivent dans la commune de ThiÚs appelée caañak en noon, sont les cangin-
noons. On les retrouve dans les localités de Nguenth, PognÚne, Grand thialy, Petit
thialy, Thionah sérÚre, Thiapong sérÚre, ThiÚs none, Wango, Dioung, Silmang,
Ndoufak, Ngoumsane, Peykouk sérÚre et Leloh. Le nombre de locuteurs noon
sâĂ©levait Ă 32,900 en 20072. En 2008, nous avons menĂ© une enquĂȘte
sociolinguistique qui nous a permis de constater que le nombre de locuteurs noon a
considérablement diminué, comparé aux estimations données dans Ethnologue.
1 Nom alternatif : none. 2 Source Ethnologue 2009, http:/www.ethnologue.com/.
2 INTRODUCTION
Figure 1.1: Carte de la région de ThiÚs
CHAPITRE 1 3
Figure 1.2: Carte des localités cangin-noon
4 INTTRODUCTION
Figure 1.3: Carte des localités saawi-noon et pade-noon
1.1.2. Tradition orale
La communauté noon, communément appelée sérÚre3 noon, qui occupe la région de
ThiÚs, appartient à la grande famille sérÚre constituée entre autres des sérÚres de
Sine qui occupent les régions de Fatick et Kaolack ; des sérÚres de Baol qui
occupent la région de Diourbel et des sérÚres de Joal qui habitent au sud de la région
de ThiÚs (voire figure 1.4). Bien que leurs langues soient différentes, les sérÚres dans
leur ensemble constituaient une seule communautĂ©. Ils ont conservĂ© jusquâĂ ce jour
les mĂȘmes traditions et pratiques culturelles et rituelles.
3 Noms alternatifs : seereer, serer, sereer
CHAPITRE 1 5
Figure 1.4 : Carte des localités sérÚres de Sénégal
6 INTTRODUCTION
Dans lâhistoire de la grande famille sĂ©rĂšre beaucoup de phĂ©nomĂšnes dâexode se sont
produits à plusieurs reprises, dont certains sont attestés dans la tradition orale et
dâautres dans des textes Ă©crits (PĂ©lissier 1953 ; Ciss 2001 ; Gravand 1983 ; Ndiaye
1991). Les sĂ©rĂšres constituent lâune des plus anciennes populations du SĂ©nĂ©gal.
Partis des rĂ©gions de la vallĂ©e du Nil, Ăgypte-Nubie, ils sont passĂ©s par le Gaabu,
prononcĂ© aussi Kaabu, et se sont arrĂȘtĂ©s au niveau de la vallĂ©e du fleuve SĂ©nĂ©gal,
rĂ©gion qui allait devenir le TĂ©krour. Les sĂ©rĂšres ont vĂ©cu dans lâancien Etat du
TĂ©krour jusquâau 6Ăšme siĂšcle. Le roi de cet Etat sâappelait War diaby Ndiaye. Ils sont
restĂ©s dans le TĂ©krour jusquâĂ lâarrivĂ©e des maures almoravides qui ont collaborĂ©
avec le roi et lâont converti Ă lâislam. Le roi imposa la religion islamique Ă toute la
population. Les sĂ©rĂšres ont rĂ©sistĂ© Ă lâislamisation, refusant de renier les croyances
de leurs AncĂȘtres ; des croyances rythmĂ©es par des libations et autres sacrifices. Ils
recherchĂšrent ainsi une rĂ©gion plus stable oĂč ils pouvaient vivre en paix et garder
leur unité sociale. TrÚs conservateurs, et poussés par le désir ardent de garder leur
indĂ©pendance dâesprit, ils sont partis sur les chemins de lâexode. Cette unitĂ© qui
jusque-lĂ Ă©tait jalousement conservĂ©e, est en train dâĂ©clater.
Le dĂ©part des sĂ©rĂšres de la vallĂ©e du fleuve sâest organisĂ© dâune maniĂšre progressive
et désorganisée. Les liens de parenté ont été un des principaux critÚres de regroupe-
ment. Ce groupe ethnique parti du TĂ©krour, avait une langue commune. Cependant,
au cours des migrations une langue commune Ă©tait difficile Ă sauvegarder. Câest
ainsi que différentes langues ont dû se développer, mais la population sérÚre a gardé
les mĂȘmes pratiques traditionnelles et rituelles. Les sĂ©rĂšres occupent presque toutes
les rĂ©gions du SĂ©nĂ©gal comme lâattestent les noms de localitĂ©s dâorigine sĂ©rĂšre.
Dans la région de Dakar, on retrouve des localités comme Diamniadio, Tengej,
Diokoul. Au nord du Sénégal, dans la région du fleuve et au Fouta-Toro, on retrouve
la localité de Diassap. Dans le sud du Sénégal, on trouve des localités comme
Sindian. Les villages autour de Brin en Casamance portent le nom de Founoun. On
retrouve encore, dans la région de ThiÚs, des localités habitées par des sérÚres noons,
qui portent ces noms. Il sâagit de Sindian, Diokoul, Diasap et Founoun. Aujourdâhui,
les sérÚres sont nombreux dans quatre régions du Sénégal : ThiÚs, Diourbel Fatick et
Kaolack.
Au 18Úme siÚcle, les sérÚres qui sont installés dans la région de ThiÚs ont créé un Etat
sérÚre appelé le pays Saafi. Cet Etat sérÚre était aussi appelé le pays noon qui est
diffĂ©rent de lâactuelle communautĂ© noon. Le terme noon dĂ©signait lâensemble des
sĂ©rĂšres vivant dans la rĂ©gion de ThiĂšs. Selon la tradition orale, lâappellation noon
date du 19Ăšme siĂšcle. Câest un terme wolof qui signifie ennemi en français. Les
sĂ©rĂšres noon combattaient les Blancs et leurs alliĂ©s Wolofs sous lâautoritĂ© de Pinet-
Laprade, gouverneur de lâAOF (1860), contre lâoccupation du pays Saafi. Les
Wolofs les considéraient comme leurs ennemis et les appelaient noon.
CHAPITRE 1 7
Pinet-Laprade (1860) aussi, présentait les noons comme « des hommes farouches,
cruels envers les Ă©trangers ». Fait de massifs de montagnes et de forĂȘts (Gravand
1983), le pays Saafi Ă©tait pratiquement inviolable. Bien quâils aient Ă©tĂ© en sous
nombre par rapport aux autres groupes ethniques, ils avaient assuré leur défense face
Ă lâennemi. Ils se sont toujours isolĂ©s des autres ethnies du SĂ©nĂ©gal et ont aussi su se
maintenir hors de tout brassage culturel et ethnique ; ce qui leur a permis de
conserver une certaine authenticitĂ© dans leur culture. Dâaucuns soutiennent que seul
le groupe Saafi a préservé le caractÚre primitif de ses cultures et traditions, comparé
aux autres ethnies de la grande famille sérÚre.
Le pays Saafi comprenait 6 provinces :
âȘ La province cangin, qui est actuellement la ville de ThiĂšs, comptait 20 vil-
lages. Sa capitale était Caañak.
âȘ La province fandĂšne comptait 10 villages (de Diassap Ă Diassa). Sa capitale
Ă©tait Kusuut.
âȘ La province saafi ou saawi comptait 11 villages. Sa capitale Ă©tait Lamlam.
âȘ La province laalaa ou lehar comptait 17 villages. Sa capitale Ă©tait Kiwi.
âȘ La province de siili ou ndut comptait 18 villages. Sa capitale Ă©tait Tiwil Tan-
gor.
âȘ La province saafĂšne comptait 65 villages, câest la plus grande province. Sa
capitale Ă©tait Diass.
8 INTTRODUCTION
Figure 1.5: Le pays Saafi
Au pays Saafi, il nây avait pas de roi mais plutĂŽt un chef dans chaque province,
appelĂ© ha' kul « chef de province ». Le chef de province cangin sâappelait Amary
Sangane Faye ; le chef de province FandĂšne : Kaagne Diawal Tine ; le chef de
province Saafi : Malick Tine ; le chef de province Lehar : Cadout Tine ; le chef de
province SaafĂšne : Loumboub Dione ; le chef de province Siili : Niawar Ciss. Les
chefs de provinces du pays Saafi ont existĂ© jusquâau 19Ăšme siĂšcle. Ils dirigeaient de
fortes armĂ©es pour combattre lâesclavage et lâinvasion coloniale. Ils prĂ©levaient
aussi un impĂŽt, aux populations qui traversaient leur territoire, sur les productions
agricoles et le commerce. Au niveau des villages, on avait des chefs de village qui
sâappelaient lamane et dans les concessions, des chefs de concession ou de carrĂ© qui
sâappelaient ha' kaan.
Aujourdâhui le pays Saafi nâexiste plus comme un Etat, mais demeure un groupe
dans lequel on retrouve les peuples noon, lehar, ndut, palor et saafĂšne. Les provinces
CHAPITRE 1 9
du pays Saafi sont devenues des communautĂ©s autonomes, chacune dâelles a
dĂ©velopĂ© sa propre langue mais les traditions et pratiques rituelles restent les mĂȘmes.
1.1.3. Culture et Tradition
Ce que lâon dĂ©signe actuellement comme ethnie noon correspond aux provinces
Cangin, FandÚne et Saawi. La communauté noon se distingue par son originalité par
rapport aux autres ethnies sénégalaises. Leurs plus grandes manifestations
culturelles demeurent le mbilim qui est un festival de chants et danses, la
circoncision, les funérailles et la cérémonie collective de divination appelée payaa
(cf. 13.3) qui regroupe les grands maßtres devins de la communauté noon.
Les noons sont toujours fidĂšles Ă la spiritualitĂ© ancestrale ; chez eux, lâĂąme des
AncĂȘtres sanctifiĂ©s reste en interaction avec les vivants depuis leurs demeures
divines. Ils rendent hommage aux AncĂȘtres par des priĂšres mais aussi par des
sacrifices, chants, festivitĂ©s, etc. Chez les noons, lâhomme ne meurt pas
dĂ©finitivement, il regagne lâautre monde avec ses biens. Ce dĂ©part doit ĂȘtre fĂȘtĂ© par
des chants et des danses. Ils vénÚrent les morts et cherchent à gagner leur sympathie.
A lâapproche de la saison des pluies, les devins organisent une sĂ©ance de divination
collective afin dâassurer une bonne pluie et une rĂ©colte abondante.
Le mariage se contractait entre eux, rare Ă©taient les mariages interethniques. Les
noons considÚrent la parenté maternelle comme la plus importante, la parenté
paternelle est une simple parenté à laquelle ne sont rattachées que des obligations
secondaires ou morales. Aujourdâhui, lâexpansion de lâislam et la modernisation ont
fait disparaitre beaucoup de ces pratiques.
1.1.4. Economie
Traditionnellement, les noons sont des paysans, propriétaires terriens. Leur
Ă©conomie repose sur la culture agricole et ils vivent de mil qui constitue leur nour-
riture de base. Lâagriculture, dans les villages, consiste essentiellement Ă la culture
du mil et de lâarachide. Le commerce est une activitĂ© rĂ©cente chez les noons ; il est
pratiqué essentiellement par les femmes. Une spécialité chez les noons est la poterie,
le tissage de paniers et la production de matériels mobiliers à base de troncs et de
branches de palmier.
Aujourdâhui, beaucoup de noons ont quittĂ© leurs villages dâorigine pour vivre
ailleurs dans les grandes villes, surtout Ă Dakar, pour des raisons Ă©conomiques ou
dâĂ©tudes. Parmi eux, de jeunes filles qui travaillent comme domestiques et de jeunes
garçons qui poursuivent leurs études supérieures. Cependant, cette population en
exode reste toujours attachée à son origine. Ces jeunes reviennent souvent dans leurs
localitĂ©s, mĂȘme sâils nây vivent plus, pour des cĂ©rĂ©monies et pratiques rituels.
10 INTTRODUCTION
1.1.5. Religion
Les noons croient Ă lâimmortalitĂ© de lâĂąme et Ă lâincarnation. Ils vĂ©nĂšrent les morts
et font des offrandes au pied des arbres. Aujourdâhui, la religion dominante chez eux
est le christianisme (98%). Une petite minoritĂ© sâest convertie en islam ; ces
convertis sont, dâailleurs, assez souvent soit dĂ©shĂ©ritĂ©s, soit exclus de la
communautĂ©. MalgrĂ© leur conversion Ă lâislam et au christianisme, les noon restent
toujours fidĂšles aux esprits des AncĂȘtres et aux pratiques rituelles.
1.1.6. Education
Aujourdâhui, toutes les localitĂ©s noons ont une Ă©cole française et la plupart des
enfants sont scolarisĂ©s. En ville, on trouve des Ă©coles privĂ©es catholiques oĂč
beaucoup des populations préfÚrent envoyer leurs enfants. Plus de 80% des jeunes
vont Ă lâĂ©cole, mĂȘme si un grand nombre abandonne les Ă©tudes dĂšs lâĂ©cole primaire.
Leurs cadres occupent des postes dans lâadministration mais surtout dans les Ă©coles
privĂ©es catholiques oĂč ils reprĂ©sentent environ 95% du personnel enseignant et
administratif. Le taux dâanalphabĂštes est trĂšs important chez les personnes ĂągĂ©es de
plus 40 ans, environ 75%, du fait quâil nâexistait pas dâĂ©cole dans leurs localitĂ©s.
Dans beaucoup de localités noons, surtout à FandÚne et Diassap, des programmes
dâalphabĂ©tisation en langue noon ont Ă©tĂ© initiĂ©s par des organisations non gouver-
nementales et la mission catholique. Ces populations apprennent Ă lire et Ă Ă©crire
dans leur langue. Cependant, ces programmes nâattirent pas un grand nombre. Ac-
tuellement, la bible est traduite en langue noon et des priĂšres sont faites en langue
noon dans certaines Ă©glises. Des documents (contes, chants, proverbes, etc.) sont
aussi traduits en noon ; des ouvrages pour lire et apprendre le noon ont été aussi
publiés (voire Lopis-Sylla 2010b, Maria Soukka, Heikki Soukka et François Bagne
Ndione 2000, 20014).
1.1.7. Situation sociolinguistique
Bien que les noons vivent, plus ou moins, en communauté dans des villages ou
quartiers de la ville, ils sont parfois en brassage culturel avec dâautres groupes
ethniques. Ceci est plus significatif dans les quartiers de la ville de ThiĂšs oĂč lâon
trouve une trÚs forte communauté wolof. Le résultat de ce brassage est que la
communication se fait en wolof ou en français, selon les situations de
communication : wolof pour la plupart des contacts avec les autres sénégalais,
français dans les services adminstratifs et Ă lâĂ©cole. Par consĂ©quent, toute la
communauté noon est bilingue en wolof-français (Wane 2008).
En 2008, nous avons conduit une enquĂȘte sociolinguistique dans la communautĂ©
noon, qui nous a permis de faire les observations ci-dessous. La communauté noon,
4 http://www.sil.org/resources/archives/51412
CHAPITRE 1 11
bien quâelle soit rĂ©putĂ©e ĂȘtre conservatrice, a tendance Ă abandonner beaucoup de
ses pratiques culturelles et mĂȘme sa langue. Les noons vivant en milieu urbain sont
les plus exposĂ©s Ă cause de lâinfluence des autres ethnies. Le rĂ©sultat de ce mĂ©tissage
culturel est que toute la communication, Ă lâintĂ©rieur et Ă lâextĂ©rieur de la maison, est
en wolof et/ou en français. La communauté noon est composée à majorité de jeunes
et lâusage du wolof et du français est renforcĂ© par la scolarisation : ils vont Ă lâĂ©cole
Ă lâĂąge de 7 ans et commencent Ă apprendre le français.
Dans les mariages mixtes, la langue commune est le wolof (quand un des partenaires
est dâune autre ethnie ou mĂȘme si aucun nâest locuteur wolof). En plus, beaucoup de
locuteurs noon considĂšrent le français comme un atout puisquâil donne au locuteur
un statut privilégié dans la société. Ils encouragent leurs enfants à parler wolof et
surtout français plutÎt que la langue noon. Par conséquent, le nombre de locuteurs
noon a considérablement diminué : seul un petit nombre le parle couramment,
essentiellement des personnes ĂągĂ©es. La langue nâest pas aussi transmise aux
enfants : le wolof est la langue parlĂ©e Ă la maison. Ainsi, beaucoup dâenfants ne
parlent plus la langue noon. Ce changement a été alimenté et entretenu par la
modernisation. La perte de la langue sâest Ă©tendue, pour certains, jusquâĂ la perte de
la culture. La plupart des cĂ©rĂ©monies culturelles noon sont organisĂ©es de la mĂȘme
maniÚre que chez les Wolofs. Par conséquent, nous avons entrepris un projet de
documentation et de description chez la communauté noon, projet financé par
Endangered Languages Documentation Programme (ELDP). Le but de ce projet est
dâabord de collecter un large corpus transcrit et traduit avec des mĂ©tadonnĂ©es afin
que les données sur la langue noon et la culture soient disponibles pour les
générations à venir dans la communauté, mais aussi pour la communauté
scientifique. Ensuite, dâĂ©crire une grammaire du noon dans le cadre dâune thĂšse de
doctorat (cf. 1.3.2).
1.2. La langue noon
1.2.1. Classification linguistique
Pendant longtemps, le terme noon désignait un groupe de communautés sérÚres vi-
vant dans la région de ThiÚs : noon, lehar, ndut, saafÚne, palor. Selon Abbé Boilat
(1850), le terme noon dĂ©signait lâensemble des sĂ©rĂšres de la rĂ©gion de ThiĂšs. En
1865, Pinet-Laprade fut le premier à faire une distinction claire entre les sérÚres
noon et les sérÚres siin dans sa notice sur les sérÚres. Il utilise le terme sérÚre noon
pour dĂ©signer lâensemble des langues des provinces du pays Saafi. Selon Pinet-
Laprade, le groupe sérÚres noon se divise en trois parlers :
Le noon : parlé par les sérÚres de la ville de ThiÚs, FandÚne, Saawi et Lehar
Le palor : parlé par les Siliis et les villages de Sognofil, Ndakhib SÚne,
Boulel, Ouandikhat, Soune, Sandok, Ladou, LĂ©loh et Pout.
12 INTTRODUCTION
Le saafi ou saafĂšne ; parlĂ© par les habitants des villages situĂ©s Ă lâouest de la
Tanma et par ceux de Diobas.
Aujas catégorise les sérÚres en ces termes :
« Les sérÚres se divisent en deux fractions : les sérÚres noon qui habitent
le cercle actuel de ThiÚs, et les sérÚres sine qui ont pour habitat
géographique le pays de Sine et une fraction de celui de Saloum »
(1931:298).
Westermann et Bryan prennent le sérÚre noon, appelé aussi Dyoba, pour un des deux
dialectes sĂ©rĂšres, lâautre Ă©tant le sĂ©rĂšre sine (1952:18). Selon de Tressan, le groupe
sénégalo-guinéen se divise en quatre groupes dont le groupe A qui comprenant le
wolof, le sereer et le diola. La grande famille sérÚre est décrite comme suit :
« Tant du point de vue ethnique que du point de vue linguistique, les sé-
rĂšres ne constituent pas un tout. Il semble quâon doit distinguer deux
groupes de dialectes ; câest ce qui avait incitĂ© Delafosse Ă classer dâune
part le sérÚre, qui, pour lui, était représenté par les dialectes ndiéguem et
kĂ©guem, de lâautre le noon. Je distingue donc ce que jâappellerais les
vrais dialectes serer et les faux dialectes » (de Tressan 1953:150).
Greenberg (1963) classe le sérÚre siin et le sérÚre noon comme membres du groupe
des langues Atlantiques. Segerer (2010), a proposé une classification des langues
atlantiques divisée en deux branches : le Nord propre qui regroupe Fula-Sereer,
Wolof, Tenda, Nyun-Buy, Cangin (noon, palor, ndut, saafi, laalaa) et Jaad-Biafada
et la branche Bak, y compris le groupe Joola, Manjaku, Balanta et Bijogo. Câest en
1966 que le noon est classé comme une langue appartenant à un groupe appelé
Cangin ; un groupe de langues sérÚres distinct par rapport au sérÚre siin. Ce nom a
été donné par Walter Pichl (1966) dans son article « The Cangin group, a language
in Northern Senegal ». Pichl a donné le nom Cangin à un groupe de langues parlées
dans la région de ThiÚs : noon, palor, ndut, laalaa et saafi. Il a soutenu que le groupe
appelé Cangin est clairement distinct du SérÚre, il « propose de ne pas citer les
langues du groupe Cangin comme SERER-Sin et SERER-Noon ou SERER-Ndut,
mais simplement comme SERER et Cangin » (Pichl 1966:12).
Aujourdâhui des discussions et des divergences dâopinion existent encore sur la
dĂ©nomination « langues Cangin » et lâexclusion des sĂ©rĂšres de la rĂ©gion de ThiĂšs de
la grande famille sĂ©rĂšre. Des voix sâĂ©lĂšvent aussi bien chez les membres des com-
munautés sérÚres dans leur ensemble, que chez les linguistes et intellectuels pour
remettre en question ce label « langues Cangin ».
Ciss (2001), spécialiste de la société sérÚre, affirme que « Langue Cangin est un
concept idĂ©ologique ». DâaprĂšs Fall (2005) concernant lâappellation Cangin, « ce
CHAPITRE 1 13
nâest ni la dĂ©nomination de ces parlers par leurs propres locuteurs, ni une
identification de ces groupes par les autres ethnies voisines ».
Nous considérons les sérÚres vivant dans la région de ThiÚs comme appartenant au
groupe Saafi (voire figure 1.5). Chacune des provinces du pays saafi a développé sa
propre langue, ce qui lui fait prendre une sorte dâindĂ©pendance vis Ă vis des autres.
Une identitĂ© culturelle est donc revendiquĂ©e par chaque entitĂ© du fait dâune
différence linguistique. Ainsi, il existe au sein de la grande famille sérÚre : les
sérÚres du groupe Saafi et les sérÚres siin appelés également ndiéguem, appellations
qui prennent en compte les autres sérÚres minoritaires tels que les Ols et les
Niominkas. Nous pensons quâil est plus judicieux et consensuel de donner Ă ce
groupe de langues le nom de groupe Saafi. Cette dénomination rattache les sérÚres
de la région de ThiÚs à la grande famille sérÚre. La dénomination groupe Saafi est
couramment utilisée par les sérÚres de la région de ThiÚs pour se reférer à leur
groupe dâappartenance.
Le groupe saafi regroupe cinq langues :
noon : il est parlé dans les différents quartiers et villages de la ville de ThiÚs ;
laalaa ou lehar5 : il est parlé entre Yindëen et Pambaal, au nord ouest de la
région de ThiÚs, dans le département de Tivaouane ;
saafÚne ou saafi : il est parlé dans la zone de Diass au sud de la région de
ThiĂšs, le long de la cĂŽte entre Diamniadio, Popenguine ;
palor : il est parlé à Pout au Sud-Ouest de la région de ThiÚs ;
ndut : il est parlé dans la commune de Mont-Rolant, au centre ouest et nord-
ouest de la région de ThiÚs.
Gordon Williams et Sara Williams (1993) ont entrepris une Ă©tude sociolinguistique
des cinq langues du groupe Saafi. Les résultats ont montré que :
Les pourcentages non seulement des Ă©tudes lexicostatistiques mais aussi du test
dâintercomprĂ©hension sont en-dessous des valeurs acceptĂ©es ; donc, le groupe Saafi
comprend cinq langues inintelligibles entre elles qui exigent des programmes de
linguistique distincts. Au sein de ce groupe, on trouve des ressemblances lexicales
entre deux paires de langues : le noon et le laalaa, le ndut et le palor (84%). Ces
observations sont notĂ©es : le noon est Ă 68 % dâintelligibilitĂ© du laalaa. Il partage
aussi le mĂȘme lexique avec le laalaa 84% ; 74% avec saafĂšne ou saafi ; 68% avec
ndut et palor ; 22% avec sérÚre-sine.
Du point de vue du lexique et de la morphologie, Drolc (2005) propose dans sa
classification trois branches dans le groupe Saafi : noon et laalaa ; ndut et palor ;
saafi. Ce dernier est diffĂ©rent du terme saafi qui dĂ©signe le groupe. Elle a notĂ© quâil
5 Une petite minorité de la population lehar vit aussi au Sud du sénégal.
14 INTTRODUCTION
y a plus de correspondance entre le saafi et le noon/laalaa quâentre le ndut/palor
(Drolc 2005:13).
1.2.2. Les dialectes du noon
La langue noon comprend trois dialectes : saawi-noon, pade-noon, cangin-noon. Ces
dialectes portent le nom des localitĂ©s oĂč ils sont parlĂ©s (cf. 1.1.1). Les diffĂ©rences
qui existent entre ces différents dialectes sont à la fois lexicales et phonologiques. La
différence sur le plan lexical est trÚs peu significative ; dans la plupart des cas, les
mots des différents dialectes sont connus et reconnus par tous les locuteurs noon. Il
faut aussi noter que toutes les consonnes sonores en pade-noon et saawi-noon sont
représentées en cangin-noon par des consonnes sourdes prénasalisées (cf. 2.2.5). Le
dialecte saawi-noon est trÚs proche du pade-noon. Nous avons noté quelques
diffĂ©rences au niveau lexical entre le saawi-noon et le pade-noon. Le lexique quâils
nâont pas en commun, ils le partagent avec le cangin-noon.
1.2.3. Typologie linguistique
Le noon est une langue agglutinante avec un suffixe comme forme dâaffixe. Les
modifieurs suivent le nom tĂȘte : modifiĂ© + modifieur. Certains modifieurs sont atta-
chĂ©s au nom tĂȘte et dâautres sont sĂ©parĂ©s du nom et peuvent porter un prĂ©fixe de
classe. Lâordre des constituants est SVO. La forme canonique des lexĂšmes est CVC.
Le noon a une double classification nominale : un systĂšme dâaccord Niger-Congo
pour les modifieurs qui sont attachés au nom et un autre systÚme pour les modifieurs
séparés du nom. Le deuxiÚme systÚme de classes nominales est conditionné par les
traits sémantiques humain et diminutif. Il a aussi un accord supplémentaire marqué
par une paire de classes singulier/pluriel pour les noms dâhumains. Le noon possĂšde
aussi une riche dérivation verbale avec un nombre important de dérivatifs verbaux
qui manifestent des changements phonologiques au niveau du radical dûs au
phĂ©nomĂšne de lâharmonie vocalique.
1.3. Etudes antérieures et méthodologie
Cette partie est consacrée aux études antérieures sur le noon, les méthodes utilisées
dans la collecte et le traitement des donnĂ©es, et la prĂ©sentation de lâĂ©tude.
1.3.1. Etudes antérieures
Les études antérieures sur le noon ont été toutes descriptives. La plupart des ou-
vrages ont traité de la phonologie, de la morphologie et de la lexicologie. Lopis-
Sylla (1981) a étudié la phonologie et la morphologie du noon dans sa thÚse de
doctorat qui est revue et publiée en 2010. Une grammaire du noon a été publiée par
Soukka en 2000. Nous avons fait une Ă©tude comparative des dialectes du noon en
mémoire de DEA en 2008.
CHAPITRE 1 15
Des études comparatives sur les langues du groupe Saafi ont porté sur la phonologie
: Aperçu comparatif et synchronique des systÚmes phonologiques et nominaux des
langues Cangin (Diop 1989), L'Ă©volution du systĂšme consonantique des langues
Cangin (Drolc 2005), Glottalisées du seereer-siin, du saafi-saafi et du noon du Sé-
négal (Faye et Dijkstra 2005).
1.3.2. Description du corpus
En 2008, nous avons commencé notre travail de terrain en visitant quelques
quartiers et villages noons de la ville de ThiÚs durant 3 mois. Nous avons étudié les
diffĂ©rents dialectes du noon et les localitĂ©s oĂč ils sont parlĂ©s. Nos premiers
enregistrements Ă©taient essentiellement sur 200 mots en isolation et 100 phrases se
décomposant en syntagmes et énoncés et quelques textes narratifs sur la vie
quotidienne et le degrĂ© dâutilisation du noon par ses propres locuteurs et par rapport
aux autres langues du Sénégal, particuliÚrement le wolof. Ces données ont été
utilisĂ©es dans lâĂ©tude comparative des dialectes du noon (Wane 2008).
Entre 2012 et 2014, nous sommes allé sur le terrain trois fois et avons collecté un
vaste corpus composé de données audio/vidéo et photos pendant 10 mois pour la
documentation du noon. A cette collecte viennent sâajouter nos travaux de
recherches consacrĂ©s Ă la dissertation produite dans le cadre dâun projet de
description et de documentation du noon financé par Endangered Languages
Documentation Programme (ELDP). Nous avons un corpus dâorigine variable,
composé de photos, de contes, de chants, de narrations, de cérémonies culturelles et
traditionnelles, de descriptions, dâinterviews, de conversations, de devinettes, de
proverbes et dâĂ©licitations. Le corpus, qui est une partie de cette thĂšse et qui a servi Ă
son Ă©tude, comprend 25 heures dâenregistrements audio/vidĂ©o. Beaucoup des
données (15 heures) ont été transcrites et traduites en anglais et/ou français
accompagnées de leurs metadonnées en utilisant les programmes informatiques Elan
et Arbil. Certaines ressources ont été déjà archivées et des mises à jour sur les
annotations se font rĂ©guliĂšrement. Elles sont disponibles et peuvent ĂȘtre consultĂ©es.
Il suffit dâavoir un compte utilisateur dans Elar archive6. Certaines ressources
comportant des données sensibles sur les membres de la communauté nécessitent
une demande de requĂȘte. Pour y accĂ©der, il faut adresser une demande dâautorisation
au dépositaire.
Nous avons travaillé avec des informateurs dans les différentes localités noon. Nos
informateurs sont tous nés et ont grandi dans les villages noon, avec comme langue
maternelle le noon : Pascal Déthié Ndione, (77 ans), Mbaye Faye, (75 ans), Jean
Joseph Ndione (63 ans), Khadim Ndione (52 ans), Fara Ndione (43 ans), Pascal
6Elar: https://lat1.lis.soas.ac.uk/ds/asv/?0,
https://wurin.lis.soas.ac.uk/Collection/MPI43301?type=AllFields&page=4
16 INTTRODUCTION
Abdoulaye Gueye (43 ans), Maurice Ndione (36 ans). Notre principal informateur
est Khadim Ndione. Il est musicien et comédien, ce qui a fait de lui une célébrité au
sein de la communauté noon. Il a facilité et notre intégration dans la communauté et
notre travail de terrain. Notre voisinage avec la communauté noon nous a beaucoup
aidé aussi bien dans la collecte de données, que dans nos différentes sessions
dâĂ©licitation. En effet, nous habitons Ă Nguenth et les quartiers voisins sont aussi
habités par la population cangin-noon. Nous travaillions en permanence avec nos
informateurs et dâautres membres de la communautĂ© noon, ce qui a Ă©tĂ© un privilĂšge
afin dâapprofondir nos analyses.
1.3.3. PrĂ©sentation de lâĂ©tude
Notre choix est porté sur le dialecte cangin-noon qui est peu décrit. Il est plus en
danger par rapport aux autres dialectes du noon ; en effet, ses locuteurs vivent
principalement en ville et cohabitent avec dâautres ethnies. En plus, la langue nâest
plus transmise aux enfants. Par conséquent, seules les personnes ùgées la parlent
couramment. Le but de cette Ă©tude est de faire une grammaire descriptive complĂšte
du noon qui, jusquâici, nâa eu droit quâĂ quelques Ă©tudes trop parcellaires. Nous
avons essayé de décrire les mécanismes de fonctionnement de cette langue noon
utilisée par ses locuteurs dans leur vie quotidienne, mais aussi dans des situations
particuliÚres comme les séances de divination. Nous avons utilisé une terminologie
simple afin quâelle soit accessible aux lecteurs, quelles que soient leurs formations
thĂ©oriques en linguistique ; aucune thĂ©orie linguistique nâest privilĂ©giĂ©e. Bien que
cette étude soit descriptive, nous y avons ajouté une analyse des séances divinatoires
chez les noons inspirĂ©e de lâethnographie de la communication. Lâanalyse sâappuie
sur un corpus vaste disponible dans Endangered Languages Archive (ELAR).
La prĂ©sente Ă©tude comprend 8 parties : la premiĂšre partie est consacrĂ©e Ă lâethnie et
Ă la langue, la deuxiĂšme partie porte sur la phonologie. La troisiĂšme partie traite du
systĂšme nominal, y compris le nom, la classification nominale, les pronoms, les
déterminants du nom. Les prépositions ont été étudiées dans la quatriÚme partie. La
cinquiÚme partie est consacrée au systÚme verbal qui prend en compte la
conjugaison et le vaste domaine de la dérivation. La sixiÚme partie traite des
idéophones, interjections et salutations ; la septiÚme partie est consacrée aux
diffĂ©rents types dâĂ©nonĂ©s. La huitiĂšme partie porte et sur la divination chez les noons
et sur quelques caractéristiques du discours dans les séances divinatoires.
Lopis-Sylla (2010) a fait une Ă©tude sur ce quâelle appelle un sous dialecte du cangin-
noon dĂ©signĂ© sous le nom de ngentĂ©7. Nous ne pensons pas quâil existe un sous
dialecte ngentĂ© comme lâa affirmĂ© Lopis-Sylla. AprĂšs avoir visitĂ© la plupart des
quartiers et villages noon, y compris les localitĂ©s oĂč Lopis-Sylla a fait son terrain, et
7 Selon Lopis-Sylla, le sous dialecte ngenté est parlé à Nguenth et Thialy.
CHAPITRE 1 17
aprÚs y avoir travaillé avec des locuteurs noon, nous sommes arrivé à la conclusion
que câest le cangin-noon qui est parlĂ© par tous les locuteurs noon vivant dans la ville
de ThiĂšs (cf. figure 1.3). Dâailleurs, la plupart de nos informateurs vivent dans les
différentes localités de la ville de ThiÚs et utilisent le dialecte cangin-noon.
Certes, nous avons remarqué quelques variantes libres au niveau phonologique
dâune localitĂ© Ă une autre. Mais ces diffĂ©rences se situent au niveau des voyelles /a,
e, i, Ă«, o, u/ oĂč une voyelle est plus utilisĂ©e dans une localitĂ© donnĂ©e par rapport Ă
une autre (cf. 2.3). Les consonnes glottalisĂ©es /É, É/ sont prononcĂ©es Ă la finale
absolue surtout dans les quartiers de Wango, Ngoumsane et Silmang, comme ÉĂ©wÉ
« tout » et kaÉ Â« partir », alors que dans les autres localitĂ©s elles sont remplacĂ©es
respectivement par la postglottalisĂ©e et le coup de glotte /w', '/, comme ÉĂ©w' et ka'.
Aucune diffĂ©rence sur le plan lexical nâest notĂ©e. Nous pensons que ce phĂ©nomĂšne
typique du dialecte cangin-noon est causé par le fait que :
beaucoup de locuteurs noon, qui parlent les dialectes pade-noon et saawi-
noon, ont quittĂ© leurs villages dâorigine et vivent en ville oĂč le cangin-noon
est parlĂ©. Ils communiquent en utilisant leurs dialectes quâils mĂ©langent avec
le dialecte cangin-noon oĂč la diffĂ©rence est essentiellement phonologique.
le dialecte cangin-noon est en danger du fait quâil est dans un environne-
ment dominé par le wolof que ses locuteurs natifs parlent couramment. Par
conséquent, le cangin-noon, qui est peu parlé, est actuellement un mélange de
différents dialectes du noon et du wolof.
Ainsi, nous pensons que ces différences phonologiques ne sont ni importantes ni
significatives pour quâon puisse parler de sous dialectes dans le cangin-noon. Nous
pensons plutĂŽt Ă un seul dialecte avec des variantes libres sur le plan phonologique.
2. La phonologie
Dans ce chapitre, nous présentons un aperçu du systÚme phonologique du noon qui a
été déjà décrit par Lopis-Sylla (2010) et Soukka (2000). Nous avons cependant
essayé de relire de maniÚre critique les travaux de ces derniers, pour ensuite
proposer notre propre analyse.
2.1. Les considérations phonologiques
La langue noon sâest dotĂ©e dâun systĂšme dâĂ©criture officiel Ă caractĂšres latin, vu le
dĂ©cret nË 2005-986 du 21 Octobre 2005 relatif Ă lâorthographe et Ă la sĂ©paration des
mots. Dans cette Ă©tude, les exemples sont Ă©crits en utilisant lâorthographe officielle,
telle quâelle a Ă©tĂ© dĂ©finie par ce dĂ©cret, tant pour les sons que pour le dĂ©coupage des
mots8. LâĂ©criture du noon a Ă©tĂ© construite pour lâessentiel Ă partir de lâalphabet fran-
çais avec les mĂȘmes valeurs phonĂ©matiques. Il existe cependant des phonĂšmes tels
que les consonnes glottalisĂ©s et le coup de glotte /É, É, ÆŽ, '/ qui ne sont pas reprĂ©-
sentĂ©s en français mais que lâon peut retrouver dans certaines langues africaines.
2.2. La description des consonnes
Le noon compte 22 phonĂšmes consonantiques dont 18 consonnes simples et 4 con-
sonnes prénasalisées. Dans la description des consonnes, nous distinguons trois
positions au niveau du radical. Ces positions sont importantes pour différencier les
éléments qui forment le radical.
8 Nous partageons la remarque proposĂ©e par Lopis-Sylla concernant lâorthographe
de lâinfinitif pour lequel le dĂ©cret propose de souder les deux Ă©lĂ©ments, la marque
de lâinfinitif et le radical (kĂ«+radical). Concernant le dialecte du cangin-noon, il
existe un phĂ©nomĂšne de voisement lorsquâune consonne sourde est en position
intervocalique. Cependant, ce phénomÚne ne se produit pas dans le cas de
lâinfinitif. /kĂ«tĂp/ « battre » ne se prononce pas [kĂ«dĂp] mais plutĂŽt [kĂ«tĂp], dâoĂč la
nĂ©cessitĂ© de les sĂ©parer par un trait dâunion / kĂ«âtĂp/.
20 LA PHONOLOGIE
Tableau 2.1 : Inventaire des phonĂšmes consonantiques
Tableau 2.2 : La réalisation des phonÚmes consonantiques
Labiale Alvéolaire Palatale Vélaire Glottale
GlottalisĂ©e É É Ê
Occlusive p t c k Ê
PrĂ©nasalisĂ©e mb nd nÉ ng
Fricative w f s j h
Nasale m n ÉČ
Latérale l
Vibrante r
Orthographe PhonĂšme Initiale Interne Finale Pre-C
É É É w wÊ wÊ
É É É r ~ É Ê Ê
ÆŽ Ê Ê j jÊ jÊ
' Ê Ê Ê Ê Ê
p p p b p p
t t t d t t
c c c É c c
k k k g k k
f f f w f f
s s s s s s
h h h h h h
mb mb mb mb mb mb
nd nd nd nd nd nd
nj nÉ nÉ nÉ Ă± nÉ
ng ng ng ng Ć ng
m m m m m mb
n n n n n nd
ñ ÉČ ÉČ ÉČ ÉČ ÉČÉ
w w w w w w
r r r r Ê Ê
l l l l l l
y j j j j j
CHAPITRE 2 21
2.2.1. Les consonnes glottalisĂ©es [É, É, Ê]
Les glottalisĂ©es [É, É, Ê] apparaissent en position initiale et deviennent en finale
absolue ou suivies dâune consonne en [wÊ, Ê, jÊ] et en position intervocalique [w, r,
j]. Les mĂȘmes observations ont Ă©tĂ© notĂ©es par Lopis-Sylla (2010). La rĂ©alisation des
consonnes glottalisées est illustrée aux exemples ci-dessous.
1. En position initiale (Ă©licitation)
Éo' « personne »
Éesk « endroit »
Ǝaal « homme »
2. En position intervocalique (Ă©licitation) Éew' « Il prend. » ÉewâĂ«n « Il a pris.»
ka' « Il part. » karâĂ«n « Il est parti. »
mey' « Il sort. » meyâĂ«n « Il est sorti. »
3. Suivi dâune consonne (Ă©licitation)
Éew'âpii « Il nâa pas pris. »
ka'âtii « Il nâest pas parti. »
mey'âcii « Il nâest pas sorti. »
La consonne glottalisĂ©e des suffixes bĂ©nĂ©factif et causatif âĂ«' apparaĂźt sous sa forme
sous-jacente É en position intervocalique, comme illustrĂ© Ă lâexemple (4).
4. (Ă©licitation)
a. mari lomĂ«ÉĂ«n moussa ñoo'
mari lomâĂ«'âĂ«n musa ñoo'
Marie acheterâBENEFâPARF Moussa chaussure
Marie a acheté des chaussures pour Moussa.
b. jaan ÉĂ«pĂ«ÉĂ«n oomaanaa
zaan ÉĂ«pâĂ«'âĂ«n oomaaânâaa
Jeanne tĂȘterâCAUSâPARF enfantânâĂž:DEICT.DIST
Jeanne a allaitĂ© lâenfant.
Les phonĂšmes /É, '/ ne sont pas distincts en position finale et se rĂ©alisent comme un
coup de glotte. Nous écrivons la réalisation allophonique en surface plutÎt que le
phonĂšme sous-jacente dans cette prĂ©sente Ă©tude. Par exemple lâorthographe des
deux mots Ă lâexemple (5) est identique.
22 LA PHONOLOGIE
5. (Ă©licitation)
a. te' te'âĂ«n
accepter accepterâPARF
Il accepte. Il a accepté.
b. te' terâĂ«n
tisser tisserâPARF
Il tisse. Il a tissé.
Le mot te' « accepter » a un coup de glotte en tant que phonÚme, alors que le mot te'
« tisser » a un coup de glotte comme la rĂ©alisation de lâimplosive É qui apparaĂźt sous
sa variante r en position intervocalique (cf. au tableau 2.2).
2.2.2. Le coup de glotte [']
En noon, le coup de glotte ['] existe en tant que phonĂšme. Les paires minimales dans
les mots ci-dessous illustrent lâexistence du coup de glotte.
6. (Ă©licitation)
ko' « pilon » koh « dieu »
so' « variété de plantes » sok « semence »
Le coup de glotte en tant que phonĂšme apparaĂźt toujours en position finale et en pre-
pause position suivi dâune consonne ou dâune voyelle, comme lâillustrent les
exemples (7-8).
7. (Ă©licitation)
a. pe'
chĂšvre
Une chĂšvre.
b. pe'-faa
chĂšvreâf:DEICT.DIST
La chĂšvre.
8. (Ă©licitation)
a. Éo'
personne
Une personne.
b. Éo'âaa
personneâĂž:DEICT.DIST
La personne.
CHAPITRE 2 23
Il existe un autre coup de glotte qui est phonĂ©tique, il est prĂ©sent dans les mots Ă
initiale vocalique mais il nâest pas reprĂ©sentĂ© dans lâorthographe parce quâil est
prĂ©visible, (9). Dans les mots Ă finale vocalique, il est reprĂ©sentĂ© dans lâorthographe.
Cependant, il disparaĂźt en pre-pause position suivi dâune consonne ou dâune voyelle,
(10b, c). Dans (10c), il sâest produit une insertion de la nasale /n/ pour Ă©viter la
rencontre de deux voyelles qui nâest pas attestĂ©e en noon.
9. (Ă©licitation)
a. aas [Êaas] « Il entre. »
b. on [Êon] « Il offre. »
10. (Ă©licitation)
a. oomaa'
enfant
Un enfant.
b. oomaaâcaa
enfantâc:DEICT.DIST
Les enfants.
c. oomaaânâaa
enfantâNâĂž:DEICT.DIST
Lâenfant.
Selon Lopis-Sylla (2010), le coup de glotte nâapparaĂźt pas sur les voyelles longues
en position initiale alors quâil apparaĂźt sur toutes les voyelles brĂšves.
Nous nâavons pas notĂ© une absence de coup de glotte avec les voyelles longues en
position initiale. Tous les mots Ă initiale vocalique portent un coup de glotte, mĂȘme
dans les emprunts, comme illustrĂ© Ă lâexemple (11).
11. (Ă©licitation)
a. 'on [Êon] « Il offre. »
b. 'aam [Êaam] « Il verse. »
c. 'oto' [ÊotoÊ] « auto » (Emprunt français)
d. 'Ă«duna' [ÊĂ«dunaÊ] « monde » (Emprunt arabe)
2.2.3. La sonorisation des consonnes sourdes [p, t, c, k]
Les phonĂšmes sonores [b, d, É, g] nâexistent pas en cangin-noon en tant que
phonÚmes, ils apparaissent en distribution complémentaire avec les sourdes. Elles
sont des allophones des consonnes sourdes [p, t, c, k] ; elles deviennent sonores Ă
24 LA PHONOLOGIE
lâintervocalique et aprĂšs les consonnes sonores [l, w, j]. Ici lâorthographe suit la
phonologie, nous représentons les consonnes sourdes qui sont phonétiquement
sonores.
12. Position intervocalique (Ă©licitation) kopa' [kobaÊ] « argent »
Éetii [Éedii] « la femme »
mbecoh [mbeÉoh] « danseur »
kakeey [kageej] « sable »
13. AprĂšs une consonne sonore [l, w, j] (Ă©licitation) peltĂ«k [peldÇk] « fil »
liwcaa [liwÉaa] « les fumiers »
kuuykaa [kuujgaa] « lâadolescente »
2.2.4. La consonne [f] en position intervocalique
Les lexÚmes nominaux avec la consonne [f] en position finale se réalisent en [w] en
position intervocalique. Cependant, nous avons noté quelques irrégularités. En effet,
dans les lexĂšmes Éof et kĂf, la consonne [f] ne change pas.
14. LexĂšmes nominaux f~ w (Ă©licitation)
nof « oreille » nowâaa « lâoreille »
luuf « brousse » luuwâaa « la brousse »
ñiif « sang » ñiiwâaa « le sang »
Éof « toux » Éofâaa « la toux »
kĂf « pousse » kĂfâaa « la pousse »
Il nây a aucun changement de la consonne [f] avec les lexĂšmes verbaux, comme
lâillustre lâexemple (15).
15. (Ă©licitation)
a. liif liifâĂ«n
remplir remplirâPARF
Il remplit. Il a rempli.
b. luf lufâĂ«n
fabriquer.un.tamtam fabriquer.un.tamtamâPARF
Il fabrique un tamtam. Il a fabriqué un tamtam.
CHAPITRE 2 25
Lopis-Sylla a noté « des formes verbales qui connaissent des doublets en [w] »
(2010:66), comme lâillustre lâexemple (16). Elle reconnait tout de mĂȘme quâelles
sont « quasi inusitées » (Ibid.:67).
16. Lopis-Sylla (2010:66) Exemples
kĂ«âmĂșĂșf « fermer le poing » mĂșĂșfâĂ«n ou mĂșuwâĂ«n « Il a fermĂ© le poin. »
kĂ«âÉĂif « appuyer » ÉĂifâĂ«n ou ÉĂiwâĂ«n « Il a appuyĂ©. »
kĂ«âlĂif « remplir » lĂifâĂ«n ou lĂiwâĂ«n « Il a rempli. »
Nous nâavons pas trouvĂ© dans notre corpus une forme verbale oĂč la consonne [f]
devient [w] en position interne. De plus, nos informateurs ont confirmé que cette
transformation nâexiste pas en noon.
2.2.5. Les consonnes prĂ©nasalisĂ©es [mb, nd, nÉ, ng]
Les consonnes prĂ©nasalisĂ©es [mb, nd, nÉ, ng] apparaissent en position initiale et
intervocalique.
17. (Ă©licitation)
mbaay « chien » samboh « mensonge »
ndap « grenier » ëndën « conte »
njec « pintade » panjoh « mariage »
ngoopel « petite plante de baobab » pĂ©Ă©ngĂà « herbe »
La prĂ©nasale [ng] est en distribution complĂ©mentaire avec la nasale [Ć] qui
nâapparaĂźt quâen position finale. Elles sont en situation de mutuelle exclusivitĂ©. Il
sâagit donc de variantes combinatoires ou contextuelles (Lopis-Sylla 2010:52).
18. (Ă©licitation)
a. noĆ nongâii
trou trouâĂ:DEICT.PROX
Trou Le trou
b. saĆ sangâĂ«n
refuser refuser âPARF
Il refuse. Il a refusé.
2.2.6. Les nasales [m, n, ÉČ ]
Les nasales [m, n, ÉČ] apparaissent en position initiale, interne et finale.
19. (Ă©licitation)
a. mĂșĂș' « eau »
26 LA PHONOLOGIE
ngĂłmĂș' « hyĂšne »
lom « Il achÚte. »
b. noh « soleil »
njĂĂnĂ©' « djinn »
on « Il offre. »
c. ñoo' « chaussure »
tëñë' « engrosser »
maañ « durer »
Nous avons noté que les consonnes nasales des mots suivants : am « attraper », son
« ĂȘtre fatiguĂ© », on « peau » et pañ « marier » apparaissent dans leur forme sous-
jacente prĂ©nasale en position intervocalique comme on lâa vu avec noĆ Â« trou » et
saĆ Â« refuser ».
20. (Ă©licitation)
a. am ambâĂ«n
attraper attraperâPARF
Il attrape Il a attrapé.
b. son sondâĂ«n
ĂȘtre.fatiguĂ© ĂȘtre.fatiguĂ©âPARF
Etre fatigué Il est fatigué.
c. pañ panjâĂ«n
marier marierâPARF
Il marie Il a marié.
2.2.7. La sonante orale [r]
Nous avons trouvé quelques mots avec la consonne [r] ; la plupart des mots relevés
sont des mots dâemprunts, comme lâillustre lâexemple (21). La consonne [r] apparaĂźt
en position initiale et intervocalique. Elle a la mĂȘme distribution que la glottalisĂ©e
[É] en position intervocalique, (22) mais elles sont distinctes en position initiale
comme dans raas « fouiller » et Éaak « cacher ».
21. (Ă©licitation)
a. ree' reerâii
diner dinerâĂž:DEICT.PROX
Diner Le diner
CHAPITRE 2 27
b. lĂĂ' lĂĂrâĂ«n
lire lireâPARF
Il lit. Il a lu.
22. (Ă©licitation)
a. ñaa' ñaarâĂ«n
bouder bouderâPARF
Il boude. Il a boudé.
b. ka' karâĂ«n
partir partirâPARF
Il part. Il est parti.
23. (Ă©licitation)
a. lapâpii
monterâNEG
Il nâest pas montĂ©.
b. lĂĂ'âtii
lire-NEG
Il nâa pas lu.
c. ka'âtii
partirâNEG
Il nâest pas parti.
24. (Ă©licitation)
wo' wo'â'ii
parler parlerâNEG
Il parle. Il nâa pas parlĂ©
La glottalisĂ©e [É] (cf. 2.2.1.) devient /r/ en position intervocalique, (22). La consonne
[r] nâapparaĂźt pas en position finale. Dans les mots dâemprunts ree' « diner » (reer en
wolof) et lĂĂ' « lire » (lire en français), le /r/ est une glottalisĂ©e qui apparaĂźt en surface
en /'/ en noon et qui devient /r/ en position intervocalique, (21). Nous avons
remarquĂ© aussi que le [r] du morphĂšme de la nĂ©gation ârii, (cf. 2.2.8.), prend la
forme de la consonne qui le prĂ©cĂšde ou devient [t] aprĂšs la glottalisĂ©e /É/, comme
illustrĂ© Ă lâexemple (23). En finale absolue, il est difficile de distinguer la glottalisĂ©e
/É/ et le coup de glotte /'/ en tant que phonĂšme, (24).
2.2.8. La longueur consonantique
La longueur consonantique est marquée par le redoublement de la consonne finale
du thĂšme verbal. La premiĂšre consonne est celle du verbe et la seconde consonne
28 LA PHONOLOGIE
représente la consonne initiale du suffixe. Ce phénomÚne de longueur consonantique
se produit lorsque certains morphÚmes de structure RV sont attachés au thÚme
verbal.
R est une consonne qui apparaĂźt dans sa forme sous-jacente /r/ prĂ©cĂ©dĂ©e dâune
voyelle, (25) mais apparaßt en surface en assimilant la consonne qui la précÚde, (26).
Ainsi la structure est la suivante :
CVC+RV âCVCCV
25. (Ă©licitation)
erâaaâre koparâii
donnerâIMPER.SGâO3SG argentâĂ:DEICT.PROX
Donne-lui lâargent.
26. (conte03_le champ dâharicots)
fĂ« nupâpiiânâaa fĂ« apâpaa
2SG courirâNEGâNâIMPER.SG 2SG tuerâO2SG
Si tu ne cours pas il te tuera.
Les morphĂšmes de structure RV sont les suivants :
âȘ Narratif : rĂ«
âȘ NĂ©gation : rii
âȘ Les indices de personne : roo, raa, re, rĂșĂș, rĂĂ, ruu
âȘ Les affixes possessifs : roo, rĂșĂș, rĂĂ, ruu
Tableau 2.3 : La réalisation de la longueur consonantique
Consonne précédente RV Exemple Glose
p ârĂ« lapâpĂ« Il monta.
t âre hotâte Il te voit.
c ârĂ« mbecâcĂ« Il chanta.
k âraa Éokâkaa Il te lave.
f âroo hafâfoo Ma tĂȘte.
s ârii aasâsii Il nâest pas rentrĂ©.
h ârii kelohâhii Il nâa pas compris.
l âroo ÆŽaalâloo Mon mari.
m ârĂ« amâmbĂ« Il attrapa.
n âraa onândaa Il tâoffre.
ñ ârii pañâñjii Il nâest pas mariĂ©.
w âre ewâwe Sa mĂšre.
CHAPITRE 2 29
y ârĂ« hayâyĂ« Il vint.
' âruu wo'â'uu Il vous parle.
w' ârĂ« Éew'âpĂ« Il prit.
' (É ) ârii ka'âtii Il nâest pas parti.
y' ârii pay'âcii Il nâa pas soignĂ©.
La longueur consonantique se réalise avec des formes en surface et sous-jacente
avec certaines consonnes. La longueur consonantique des nasales /m n, ñ/ est mar-
quée par leur forme sous-jacente /mb, nd, nj/ comme consonne initiale du suffixe.
27. (Ă©licitation)
a. lom lomâmbii
acheter acheterâNEG
Il achĂšte. Il nâa pas achetĂ©.
b. an anândii
boire boireâNEG
Il boit. Il nâa pas bu.
c. maañ maañânjii
durer durerâNEG
Il dure. Il nâa pas durĂ©.
La consonne [r] du morphĂšme de la nĂ©gation ârii devient /p, t, c/ aprĂšs les con-
sonnes glottalisĂ©s /w', É, y'/, comme illustrĂ© Ă lâexemple (28). La glottalisĂ©e /É/
nâapparaĂźt pas en finale absolue, elle devient un coup de glotte comme dans ka'
« partir ».
28. (Ă©licitation)
a. r â p
Éew'âpii
prendreâNEG
Il nâa pas pris.
b. r â t
ka'âtii
partirâNEG
Il nâest pas parti.
30 LA PHONOLOGIE
c. r â c
mey'âcii
sortirâNEG
Il nâest pas sorti.
2.3. La description des voyelles
Le systÚme vocalique en noon compte 10 voyelles représentées orthographiquement
comme suit : i, e, a, o, u, Ă, Ă©, Ă«, Ăł, Ăș. En plus, il y a une opposition de longueur voca-
lique sauf pour la voyelle /Ă«/ qui nâa pas une voyelle longue.
Deux classes de voyelles qui sont réalisées de maniÚre distincte au niveau du trait
ATR. Ainsi, il y a deux séries de voyelles :
âȘ -ATR : i, e, a, o, u
âȘ +ATR : Ă, Ă©, Ă«, Ăł, Ăș
Certaines voyelles peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme des variantes libres dans certains
mots.
29. (Ă©licitation)
a. Ă~Ă«
pĂ«nĂs~pĂ«nĂ«s « cheval »
b. e~ë ketek~ketëk « arbre »
c. aa~Ă«
aasaa~aasë « entrez »
Les alternances suivantes existent aussi (i ~ Ă, e~ Ă©, a ~ Ă«, u ~Ăș, o ~ Ăł). Elles seront
discutĂ©es dans la partie consacrĂ©e Ă lâharmonie vocalique.
Tableau 2.4 : Les voyelles
Antérieure Centrale Postérieure
fermĂ©e i Ă u Ăș
mi-ouverte e Ă© Ă« o Ăł
ouverte a
Tableau 2.5 : Les voyelles -ATR Tableau 2.6 : Les voyelles +ATR
i u
e o
a
Ăș
Ă© Ăł
Ă«
CHAPITRE 2 31
Tableau 2.7 : Les valeurs phonétiques des voyelles
2.3.1. La longueur vocalique
La longueur vocalique est pertinente et elle est notée uniquement par le
redoublement de la voyelle en position interne. La longueur vocalique nâa pas Ă©tĂ©
attestĂ©e pour la voyelle [Ă«]. Il nâexiste pas de diphtongues en noon.
Tableau 2.8 : Quelques illustrations de la longueur vocalique
Ă kĂm
kĂs
matin
ĂȘtre en friche
ĂĂ kĂĂm
kĂĂs
demander, prier
enlever une Ă©pine
e sek
ken
attendre
porter un pagne
ee seek
keen
fin saison des pluies
tomber
a yak
am
grandir
attraper
aa yaak
aam
aßné
verser
o lok
fol
on
voleur
gicler
offrir
oo look
fool
oon
ventre
courir
avaler
Ăș kĂșm
lĂșk
lavage du riz, mil
queue
ĂșĂș kĂșĂșm
lĂșĂșk
miel
se battre avec plusieurs
personnes
2.4. Quelques rĂšgles phonologiques
Le noon est une langue Ă classes nominales et Ă alternances consonantiques. Il
possÚde une riche morphologie dérivationnelle tant pour le nom que pour le verbe.
La suffixation est sa forme principale dâaffixation.
Orthographe PhonĂšme
i ÉȘ
e É
a a
o É
u Ê
Ă i
Ă© e
Ă« É
Ăł o
Ăș u
32 LA PHONOLOGIE
Les prĂ©fixes sont rares ; ils nâentraĂźnent aucun changement au niveau du radical. La
suffixation, quant Ă elle, entraĂźne des changements phonologiques au niveau du
radical et du suffixe.
2.4.1. LâĂ©penthĂšse [n]
LâĂ©penthĂšse [n] se produit lorsquâun mot ou un suffixe Ă finale vocalique prĂ©cĂšde un
suffixe Ă initiale vocalique. Dans la suffixation, deux voyelles ne peuvent pas ĂȘtre
juxtaposées en noon ; dans ce cas la nasale [n] est insérée entre les voyelles. Les
suffixes Ă initiale vocalique qui entrainent une Ă©penthĂšse sont les suivants :
âȘ Le marqueur du conditionnel âaa
âȘ Le dĂ©ictique suffixal âii/ âaa
âȘ La particule de lâinterrogation âe
âȘ Le marqueur du passĂ© âee suffixĂ© au marqueur du parfait âĂ«n
30. (Ă©licitation) oomaaânâaa karâĂ«n enfantâNâĂ:DEICT.DIST partirâPARF Lâenfant est parti.
31. (conte03_le champ dâharicots) fĂ« nupâpiiânâaa fĂ« apâpĂ«
2SG courirâNEGâNâCOND 2SG tuerâO2SG
Si tu ne cours pas il te tuera.
32. (Ă©licitation) ÉĂ« hay kĂ«âlom mbaalâiiânâe
É:3PL venir INFâacheter moutonâĂ:DEICT.PROXâNâPI
Est-ce quâils achĂšteront le mouton ?
33. (Ă©licitation) Éetâii njĂĂlâeeânâĂ«n
femmeâĂ:DEICT.PROX ĂȘtre.maladeâPASâNâPARF
La femme est malade.
Nous avons notĂ© un phĂ©nomĂšne particulier oĂč deux voyelles sont juxtaposĂ©es sans
que ne se produise une insertion de la nasale [n] mais plutĂŽt une coalescence
vocalique. Cela apparaĂźt lorsque le suffixe andatif ânee prĂ©cĂšde le marqueur de
lâimpĂ©ratif singulier âaa.
34. (Ă©licitation
lom naa maraa'
CHAPITRE 2 33
lomâneeâaa maraa'
acheterâANDâIMPER.SG sel
Va acheter du sel !
2.4.2. La suppression de la voyelle
La suppression de la derniĂšre voyelle des radicaux verbaux dissyllabiques suivis
dâun suffixe dĂ©rivatif ou marque flexionnelle de structure VC est rĂ©guliĂšre en noon,
(34-36). Il existe les structures suivantes :
CVCVC+VC CVCCVC
CVC+(VC)+VC CVC(VC)C
35. (Ă©licitation)
ÆŽaalâii yii kolkoh pade
ÆŽaalâii yii kolĂ«kâoh pade
hommeâĂž:DEICT.PROX y:DEM.PROX leverâAPPL FandĂšne
Cet homme vient de FandĂšne
36. (séance02_ séance de divination collective)
malkat faraffii
malakâat farafâfii
regarderâIMPER.PL mortâf:DEM.PROX
Regarde le mort.
37. (Ă©licitation)
haffë miskën
hafâfĂ« misĂ«kâĂ«n
tĂȘteâPOSS.2SG avoir.malâPARF
Tu as mal Ă la tĂȘte
Lorsquâun ou plusieurs dĂ©rivatifs sont attachĂ©s Ă un radical monosyllabique, la
voyelle du dérivatif qui précÚde la marque flexionnelle est aussi supprimée, (38-40).
La voyelle supprimĂ©e est toujours une voyelle brĂšve mais les autres peuvent ĂȘtre
brĂšves ou longues.
38. (récit01_sociolinguistique)
wo'sënndaa
wo'âĂ«sâĂ«nândaa
parlerâPLâPARFâO2SG
Ils tâont dit.
34 LA PHONOLOGIE
39. (séance02_séance de divination collective)
feekÉaaroo kanakcii
feekâĂ«Éâaaâroo kanakâcii
frapperâBENEFâIMPER.SGâO1SG deuxâc:DEICT.PROX
Frappe pour les deux (figures géomantiques) pour moi.
40. (conte04_oncle Lion)
oomaacii Éara ñamaatsoo
oomaaâcii Éara ñamâaatâisâoo
enfantâc:DEICT.PROX rien mangerâITER âITER âNEG
Les enfants nâont rien encore mangĂ©.
2.4.3. La réduction syllabique
La rĂ©duction syllabique sâapplique Ă des mots disyllabiques dont la deuxiĂšme
syllabe est âoh, ce dernier est supprimĂ© lorsquâil est suivi dâune marque flexionnelle.
Ainsi, la derniÚre syllabe, considérée comme la syllabe faible, est supprimée.
41. (Ă©licitation)
Éuu unĂ«n
Éuu unohâĂ«n
2PL comprendreâPARF
Vous avez compris.
42. (Ă©licitation)
fë kelën
fĂ« kelohâĂ«n
2SG entendreâPARF
Tu as entendu.
2.5. Lâharmonie vocalique
Lâharmonie vocalique existe en noon. Elle est basĂ©e sur la distinction des voyelles
[±ATR]. Lâharmonie vocalique sâopĂšre Ă deux niveaux : dans le radical et la
dérivation.
2.5.1. Lâharmonie vocalique dans le radical
Dans les radicaux disyllabiques, il peut y avoir deux séries de voyelles selon le trait
ATR :
âȘ MĂȘme sĂ©rie de voyelles [âATR] (voyelles identiques ou diffĂ©rentes)
âȘ MĂȘme sĂ©rie de voyelles [+ATR] (voyelles identiques ou diffĂ©rentes)
CHAPITRE 2 35
Lâharmonie vocalique basĂ©e sur la mĂȘme sĂ©rie de voyelles [âATR]
43. Voyelle identiques (Ă©licitation)
perem langue
sebeey ĂȘtre vilain
alak haricot
fayaĆ lit
malak regarder
maraa' sel
kataas canari
kohnok viande
njokon doigt
honoh interdire
sokoñ fagot de bois
njutut ĂȘtre petit
44. voyelles différentes (élicitation)
keloh entendre
enoh vache
fenoo derriĂšre
meekis demander
henpus plaie cicatrisée
oomaa' enfant
mbonda liĂšvre
unoh comprendre
Lâharmonie vocalique est basĂ©e sur la mĂȘme sĂ©rie de voyelles [+ATR]
44. Voyelles identiques (Ă©licitation)
fĂkĂĂ visage
njëpël couteau
lëwës couvrir, renverser
pënëk sommeil
pënës cheval
yëwën beaucoup
sĂșkĂșrĂ«k sâĂ©couter
kĂșlĂșĆ flacon
45. Voyelles différentes (élicitation)
ndĂĂkĂ«l chanter en acapela
mĂsĂ«k avoir mal
tĂimbĂ«' rechercher
36 LA PHONOLOGIE
ndĂĂgĂłm devinette
kĂlĂłk mariage
pĂ©Ă©ngĂĂ herbe
lĂ«ptĂn rincer
fókën testicule
kóndëk pleurer
ngĂłmĂș' hyĂšne
2.5.2. Lâharmonie vocalique dans la dĂ©rivation
La suffixation est la forme principale dâaffixation en noon. La prĂ©fixation nâentraĂźne
aucun changement au niveau du radical. Les radicaux verbaux subissent une
harmonie vocalique avec les dérivatifs de structure VC qui ont une voyelle [+ATR].
Câest une harmonie vocalique rĂ©gressive parce que la voyelle du dĂ©rivatif [+ATR]
change la voyelle [-ATR] du radical qui devient [+ATR]. Les dérivatifs qui
entrainent des changements phonologiques au niveau du radical sont le sĂ©paratif âĂs
et le causatif âĂ«'.
Tableau 2.9 : La réalisation des voyelles au niveau du radical
e Ă©
a Ă«
u Ăș
o Ăł
46. Le sĂ©paratif âĂs (Ă©licitation)
pok « attacher » pĂłkâĂs « dĂ©tacher »
laĆ Â« fermer » lĂ«ngâĂs « ouvrir »
kun « couvrir » kĂșnâĂs « dĂ©couvrir »
cap « boutonner » cĂ«pâĂs « dĂ©boutonner »
47. Le causatif âĂ«' (Ă©licitation)
mey' « sortir » mĂ©yâĂ«' « faire sortir »
ñam « manger » ñëmâĂ«' « nourrir »
yoon « apprendre » yóónâĂ«' « enseigner »
Lâharmonie vocalique dans la suffixation nâest pas rĂ©guliĂšre en noon. Nous avons
notĂ© des suffixes dĂ©rivatifs avec une voyelle [+ATR] qui nâentraine aucun
changement au niveau du radical.
Les suffixes dérivatifs avec les voyelles [+ATR] non dominants.
âȘ Le rĂ©flĂ©chi âĂ«k
CHAPITRE 2 37
âȘ Le bĂ©nĂ©factif âĂ«'
âȘ Le passif âĂ«s
âȘ Lâintensif âĂk
48. (Ă©licitattion)
faan « coucher » faanâĂ«k « se coucher »
lom « acheter » lomâĂ«' « acheter pour quelquâun »
feek « frapper » feekâĂ«s « ĂȘtre frappĂ© »
ñam « manger » ñamâĂk « manger sans arrĂȘt »
2.6. Lâaccent
Lâaccent se manifeste par une augmentation de lâintensitĂ© vocalique. Il assume un
rÎle démarcatif et permet aux interlocuteurs de saisir les frontiÚres entre les mots.
Dans les travaux antérieurs, il a été noté des analyses différentes sur la position de
lâaccent principal, mais aussi sur lâaccent secondaire (voire Lopis-Sylla 2010 et
Soukka 2000). Nous avons notĂ© lâaccent principal par une apostrophe (â) ; il tombe
systématiquement sur la premiÚre syllabe, (49a, b, c).
49. (Ă©licitation)
a. âmalak « regarder »
âcĂ«ngĂ«n « ver »
b. âñëkĂ«tĂ«k « prendre le petit dĂ©jeuner »
âwĂștĂșwa' « hier »
c. âkĂ«sĂșkĂșrĂ«k « sâĂ©couter »
âsamsapiinĂ«' « rythme musical mbilim »
Nous nâavons pas notĂ© dâaccent secondaire sur les mots plurisyllabiques comme
lâont dĂ©crit Lopis-Sylla (2010) et Soukka (2000), mais plutĂŽt un ton sur la syllabe
pénultiÚme des mots plurisyllabiques comme illustré ci-dessous. Ce qui nous
pousserait Ă dire que lâaccent est diffĂ©rent du ton.
__ ___ __
âsupĂ«ÉĂ«k « se transformer »
38 LA PHONOLOGIE
___ ______
___
âsamsapiinĂ«' « variĂ©tĂ© de danse mbilim »
Concernant lâaccent principal, Lopis-Sylla (2010:103) a fait le constat suivant : « il
tombe toujours sur la premiĂšre syllable ». Mais elle note aussi la prĂ©sence dâun
accent secondaire sur la syllabe pénultiÚme des mots plurisyllabiques (2010:104).
Soukka (2000) a un point de vue diffĂ©rent. Dans sa description, lâaccent principal
tombe toujours sur la syllabe pĂ©nultiĂšme et quâil y a une exception avec les mots
avec trois syllabes oĂč lâaccent se trouve sur la prĂ©miĂšre syllable ; les mots avec
quatre syllabes ont, eux, un accent secondaire sur la premiĂšre syllabe (Soukka
2000:41). Quant au ton, selon Soukka, il tombe aussi sur la syllabe pénultiÚme.
« The occurrence of the high pitch is predictable and it falls on the
penultimate syllable of the word » (Soukka 2000:42).
Nous considĂ©rons lâaccent principal dĂ©crit par Soukka comme un ton. Ainsi, nous
nâavons notĂ© quâun seul accent sur la premiĂšre syllabe et un ton sur la syllabe
pénultiÚme du mot. Pour conclure, il est difficile pour nous de déterminer avec
certitude la prĂ©sence dâun accent secondaire avec les donnĂ©es dont nous disposons
actuellement. Ainsi, nous estimons que lâaccent en noon mĂ©rite une Ă©tude plus
approfondie.
2.7. Lâintonation
En ce qui concerne le systĂšme intonatif, nous conservons les patrons intonatifs (Haut
- Bas). LâĂ©noncĂ© dĂ©claratif a une intonation basse et plate, (50), lâĂ©noncĂ© exclamatif
a une intonation haute et plate, (51), et lâĂ©noncĂ© interrogatif a une intonation mon-
tante, (52).
50. Enoncé déclaratif (élicitation)
më ndëk gran caali [ B B ]
1SG habiter grand Thialy
Jâhabite Ă Grand Thialy.
51. EnoncĂ© exclamatif (conte03_le champ dâharicots)
yoosĂ«kâaa kakeey [ H H ]
descendreâIMPER.SG terre
Descends (en bas) !
52. EnoncĂ© interrogatif (conte03_le champ dâharicots)
ÉĂșĂș tĂșmâan ye [ B H ]
1PL.INCL faireâFUT quoi
Que ferions-nous ?
3. Le nom
Le nom en noon apparaĂźt sous une forme simple constituĂ©e dâun lexĂšme et dâune
forme complexe composĂ©e de deux lexĂšmes ou dâun lexĂšme avec une dĂ©rivation.
Les noms simples sont constituĂ©s de lexĂšmes nominaux aptes Ă sâassocier quâĂ des
formes nominales, et des lexĂšmes verbo-nominaux. Selon Lopis-Sylla (2010:128),
« un lexÚme bivalent verbo-nominal (VN) est apte à assumer a) la
fonction prédicative verbale (FPV) dans un énoncé verbal, b) les
fonctions non prédicatives (FnP) dans les énoncés verbaux et nominaux,
et c) la fonction prédicative dans un énoncé nominal (FPN) ».
Concernant les lexĂšmes nominaux, ils ne sâassocient quâĂ des modalitĂ©s nominales
(Lopis-Sylla 2010:127) ou des modifieurs gĂ©nitivaux, comme lâillustre lâexemple
(1). Dans (1a) le nom ne porte pas dâaffixes, il peut renvoyer aussi bien au singulier
quâau pluriel (cf. 6.1).
1. (Ă©licitation)
a. pe'
chĂšvre
Une chĂšvre/des chĂšvres.
b. pe'âfii
chĂšvreâf:DEICT.PROX
La chĂšvre.
c. pe'âfĂ«Ćângoo
chĂšvreâf:JONCâPOSS.1SG
Ma chĂšvre.
3.1. Les lexĂšmes verbo-nominaux
Les lexĂšmes verbo nominaux fonctionnent comme des verbes ou des noms. Ils
peuvent porter des suffixes verbaux ou des affixes de nom.
2. (Ă©licitation)
pay' « Il soigne. » payâii « la guĂ©rison, la divination »
teek « Il nomme. » teekâii « le nom »
mbec « Il danse. » mbecâii « la danse »
ÆŽen « Il rit. » ÆŽenâii « le rire »
kondĂ«k « Il pleure. » kondĂ«kâii « le pleur »
waak « Il pond. » waakâii « lâĆuf »
kaan « Il meurt. » kaanâii « la mort »
40 LE NOM
3. (récit02_mbilim)
mĂ« teekâĂ«s hatimnjon mĂ« wëñânjĂ«
1SG nommerâPASS Khadim_Njon 1SG ĂȘtre.plusâNARR
kĂ«âunohâĂ«s nĂ« teekâĂ«Ć risar
INFâconnaitreâPASS avec nommerâĂž:JONC Richard
Je mâappelle Khadim Ndione, je suis plus connu sous le nom de Richard.
4. (Ă©licitation)
a. ÆŽaalâaa yaa payâĂ«n Éukulâaa
hommeâĂž:DEICT.DIST y:DEICT.DIST guĂ©rirâPARF maladieâĂž:DEICT.DIST
Cet homme a guéri la maladie.
b. ÉĂĂ tĂșmâee payâaa wĂștĂșwaa'
1PL.EXCL faireâPAS guĂ©rirâĂž:DEICT.DIST hier
Nous avons organisé une séance collective de divination hier.
Dans les exemples (3-4a), les lexĂšmes verbo-nominaux teek et pay' fonctionnent
comme des verbes : ils portent des suffixes verbaux. Dans (3-4b), les verbo-
nominaux teek et pay' portent des affixes du nom ; par conséquent, ils se comportent
comme un nom. Le verbo-nominal teek Ă lâexemple (3) est suffixĂ© au joncteur âĂ«Ć, il
fonctionne ainsi comme un nom. Le lexĂšme verbo-nominal pay' est un terme
gĂ©nĂ©rique qui peut renvoyer Ă la divination lorsquâil fonctionne comme un nom.
Cependant, lorsquâil prend le dĂ©ictique suffixal âaa il renvoie Ă une sĂ©ance de
divination spĂ©cifique qui est la sĂ©ance de divination collective oĂč plusieurs devins
participent.
3.2. Les lexÚmes nominaux irréguliers
Les lexĂšmes nominaux irrĂ©guliers Éo' « personne » et ÉetĂ«w' « femme » sont des
noms qui ont une valeur générique. Ils peuvent porter un marqueur de classe spé-
ciale pour les humains Éâ, comme lâillustre lâexemple (5). Cependant, le marqueur
Éâ est rarement employĂ©. Les noms Éo' et ÉetĂ«w' portent aussi les marqueurs de la
paire de classe Ăž/c. En effet, ils appartienent Ă cette classe, (6). Mais ils sâemploient
le plus souvent sans marqueur de classe avec une valeur dâindĂ©fini, (7).
5. (récit01_sociolinguistique)
panjâohâcaa ÆŽaalâcaa nĂ«
marierâNOMSâc:DEICT.DIST hommeâc:DEICT.DIST avec
ÉetĂ«w'âÉaa aasâĂ«kâohâuuânâĂ«n
femmeâÉ:DEICT.DIST entrerâMOYâRECIPRâPLâNâPARF
Les mariages entre les hommes et les femmes sont mixtes.
CHAPITRE 3 41
6. (Ă©licitation)
Éetiâcaa toonâuuânâĂ«n pe'âcaa
femmeâc:DEICT.DIST vendreâPLâNâPARF chĂšvreâc:DEICT.DIST
Les femmes ont vendu les chĂšvres.
7. (conte_la fille et le djinn)
Éo' wo' an ndiimĂ« hay kĂ«âtaamâsiis kot
personne parler COMP maintenant venir INFâaccompagnerâITER pied
Quelquâun dit : « Maintenant elle va bientĂŽt revenir (chez elle) ».
Lorsque les noms Éo' et ÉetĂ«w' prennent une valeur spĂ©cifique, ils apparaissent sous
deux formes diffĂ©rentes. Le nom Éo' a les formes Éuy au singulier et Éuw au pluriel.
Le nom ÉetĂ«w' prĂ©sente aussi les formes Éet au singulier et Éeti au pluriel. Ces
formes irrĂ©guliĂšres portent toujours un dĂ©ictique suffixal. Le marqueur de classe âĂž,
associĂ© aux marqueurs dĂ©ictiques âii ou âaa, peut avoir une valeur de singulier avec
les noms Éuy et Éet, (8, 9), mais aussi une valeur de pluriel avec le nom Éuw qui
renvoie Ă un groupe dâindividus, comme Ă lâexemple (10).
8. (conte02_la fille et le djinn)
Éuyâaa le'â'ii ndoomĂ« an fĂ« panjâĂ«kâan
personneâĂž:DEICT.DIST arriverâNEG pas.encore COMP 2SG marierâMOYâFUT
nĂ«âre
avecâO3SG
La personne n'est pas encore arrivée et tu dis que tu te marieras avec elle.
9. (conte01_le troupeau de la vieille femme)
ÉĂ« ngoyâohâee nĂ« Éetâii
É:3PL agripperâAPPLâPAS avec femmeâĂž:DEICT.PROX
nĂ« towuâtaa
avec t:enfantât:DEICT.DIST
Ils sâagrippĂšrent avec la femme et les enfants.
10. (récit01_sociolinguistique)
Éuwâii uyaay waalâcaa hen
personneâĂž:DEICT.PROX Ă©loigner wolofâc:DEICT.DIST juste
Les gens sâĂ©loignaient tout simplement des wolofs.
3.3. La formation et la dérivation nominale
En noon diffĂ©rents procĂ©dĂ©s sont attestĂ©s dans la structure des noms. Ils peuvent ĂȘtre
formĂ©s par combinaison dâunitĂ©s lexicales ou par dĂ©rivation (crĂ©ation dâun nouveau
42 LE NOM
nom par lâajout dâun affixe). Nous avons prĂ©fĂ©rĂ© sĂ©parer les mots composĂ©s par un
trait dâunion.
3.3.1. La réduplication
La rĂ©duplication se fait par la rĂ©pĂ©tition complĂšte dâun lexĂšme. Les lexĂšmes
rĂ©dupliquĂ©s ne portent pas dâaffixes du nom, (11-12b, 13). Ce procĂ©dĂ© a une
connotation péjorative ou excessive. Il est souvent utilisé avec un ton sacarstique.
11. (Ă©licitation)
waal « wolof » waal~waal « sacré wolof »
cangin « (sérÚre) cangin » cangin~cangin « sacré (sérÚre) cangin »
teroh « tisserand » teroh~teroh « sacré tisserand »
kaloh « chasseur » kaloh~kaloh « sacré chasseur »
anoh « ivrogne » anoh~anoh « sacré ivrogne »
neehoh « dormeur neehoh~neehoh « sacré dormeur »
12. (Ă©licitation)
a. zan anâohâii
Jean boireâAGâĂž:DEICT.PROX
Jean est lâ ivrogne.
b. zan anâoh~anâoh
Jean boireâAG~PEJ
Jean est un sacré ivrogne.
13. (Ă©licitation)
ÉĂ«rĂ« en waal~waal
É:EMS.3PL ĂȘtre wolof~PEJ
Ce sont de sacrés wolofs.
3.3.2. La composition
Les noms composés sont formés à partir de deux lexÚmes nominaux, de lexÚmes
nominaux et verbaux, de lexĂšmes nominaux et verbo-nominaux. Le premier terme
est celui qui rĂ©git lâaccord. Le sens du nom nâest pas forcĂ©ment prĂ©visible Ă partir du
sens des éléments qui le composent. Les noms composés koh-wis « demain » et noh-
soos « soir » sont devenus des formes grammaticalisées : kowis et nosoos.
Les noms formés à partir de lexÚmes nominaux.
14. (Ă©licitation)
a. ngel-ala' « hiler de forme dâhirondelle »
hirondelle-houe
CHAPITRE 3 43
b. ngel-tak « plante de kinkeliba de petite taille »
hirondelle-kinkeliba
c. mboos-tuuy' « toilettes »
derriĂšre-case
d. saal-waas « carrefour »
croisement-chemin
e. has-Ǝaal « devin, voyant »
Ćil-homme
f. kun-tĂșĂșy' « sommet dâune case »
chapeau-case
g. cuunë-enoh « papillon »
Ăąme-vache
h. cooh-maara' « variĂ©tĂ© dâinsecte »
éléphant-sel
i. ngelem-koh « variĂ©tĂ© dâinsecte »
chameau-dieu
j. caam-koh « coccinelle »
grand.parent-dieu
k. nof-pënës « borasse »
oreille-cheval
l. sel-mĂșĂș' « cigogne »
oiseau-eau
m. kuuf-niroh « variĂ©tĂ© dâoiseau »
jouet-berger
Les noms formés à partir de lexÚmes nominaux et verbaux
15. (Ă©licitation)
a. koh-wis « demain, aube »
dieu-lever
b. noh-soos « soir »
44 LE NOM
soleil-refroidir
c. haf-misĂ«k « maux de tĂȘte »
tĂȘte-avoir.mal
d. look-misëk « maux de ventre »
ventre-avoir.mal
e. look-nup « diarrhée »
ventre-courir
Le nom formĂ© Ă partir dâun lexĂšme nominal et verbo-nominal.
16. (Ă©licitation)
ñiin-kaan
mois-mourir « fin du mois »
3.3.3. La préfixation
La prĂ©fixation est marquĂ©e par le morphĂšme kĂ«â qui peut ĂȘtre attachĂ© Ă un lexĂšme
verbal ou Ă un lexĂšme nominal. Le morphĂšme kĂ«â est un prĂ©fixe de classe nominal
(cf. 4.1), il peut avoir différentes fonctions : infinitif, diminutif et communal.
- La marque de lâinfinitif kĂ«â
La marque de lâinfinitif kĂ«â est prĂ©fixĂ©e Ă un lexĂšme verbal pour crĂ©er une forme
verbale non finie. En noon, la forme verbale non finie peut assumer les mĂȘmes rĂŽles
syntaxiques quâun constituant nominal comme le montrent les exemples (17-18).
Les auxiliaires sont aussi suivis de la forme verbale non finie (19-20). Dans
lâexemple (19), Éam « paix » est un terme en wolof dont les locuteurs cangin-noon
utilisent la mĂȘme prononciation.
17. (Ă©licitation)
kĂ«ânjaĆ mĂn kĂ«ânjafee'
INFâapprendre pouvour INFâĂȘtre.difficile
Apprendre peut ĂȘtre difficile.
18. (Ă©licitation)
ÉĂșĂș waa' kĂ«âligĂ©Ă©y
1PL.INCL vouloir INFâtravailler
Nous voulons travailler.
CHAPITRE 3 45
19. (séance02_séance divination collective)
Éamâii hay kĂ«âlaak
paixâĂž:DEICT.PROX venir INFâavoir
Il y aura la paix.
20. (Ă©licitation)
oomaa' ÉetĂ«w' ÆŽah kĂ«âmbec
enfant femme aller INFâdanser
La fille va danser.
- Le diminutif kĂ«â
Le dimunitif kĂ«â (pluriel tĂ«â) peut ĂȘtre prĂ©fixĂ© Ă des nominaux.
21. (Ă©licitation)
a. oomaa' « enfant »
kĂ«âoomaa' « petit enfant »
tĂ«âoomaa' « petits enfants »
b. njëpël « couteau »
kĂ«ânjĂ«pĂ«l « petit couteau »
tĂ«ânjĂ«pĂ«l « petits couteaux »
c. pe' « chÚvre »
kĂ«âpe' « petite chĂšvre »
tĂ«âpe' « petites chĂšvres »
22. (conte02_la fille et le djinn)
ley mĂĂs ÉalâlĂ« kĂ«âlĂ«ptĂn Éen kĂ«âhenpus
trouver lait commencerâNARR INFârincer un k:DIMâcicatrice
ngaa ngë
NEG PREP
Elle prit du lait et commença Ă rinçer. Il nây avait pas la plus petite cicatrice.
Le diminutif kĂ«â alterne avec le morphĂšme njĂ«â qui a aussi une valeur de diminutif.
Il est prĂ©fixĂ© uniquement Ă des noms. La prĂ©fixation avec le morphĂšme njĂ«â est un
procédé rare en noon.
23. (Ă©licitation)
njĂ«âoomaa' « petit enfant »
njĂ«âkot « petit pied »
njĂ«âpĂ«nĂs « petit cheval »
46 LE NOM
24. (conte03_le champ dâharicots)
njĂ«âpĂ«nĂsânjĂ«Ć Éaap njii Éee
nj:DIMâchevalânj:JONC papa nj:DEM.PROX É:PRES
Éanâeeâraa njĂ« Ée
prĂȘterâPASâO2SG nj:O3SG É:qui
Ce petit cheval de papa, qui te lâa prĂȘtĂ© ?
- Le communal kĂ«â
Le communal kĂ«â peut ĂȘtre prĂ©fixĂ© Ă des noms pour exprimer des aspects
dâinanimĂ©s relatifs Ă la communautĂ©. Lorsquâil est prĂ©fixĂ© Ă une communautĂ©, il
renvoie à la langue parlée par cette communauté comme en (25-26, 30).
25. (Ă©licitation)
waal « communautĂ© wolof » kĂ«âwaal « langue wolof »
noon « communautĂ© noon » kĂ«ânoon « langue noon »
26. (récit01_sociolinguistique)
kĂ«ânoonâkii Éeskâii ÉĂĂ enâoh
k:COMMânoonâk:DEICT.PROX endroitâĂž:DEICT.PROX 1PL.EXCL ĂȘtreâAPPL
ÉĂ« yĂ«wĂ«nâsiisâsii
REL ĂȘtre.beaucoupâITERâNEG
La langue noon, dans lâendroit oĂč nous sommes, nâest plus parlĂ©e.
27. (récit01_sociolinguistique)
il fóó ÉĂi wo' wo'âeenâaa tuuhâÉĂ«
il faut 1PL.EXCL parler parlerâMANâĂž:DEICT.PROX toutâÉ:3PL
kelohâĂ«n maanam ÉĂi wo' kĂ«âwaal
comprendreâ PARF câest.Ă .dire 1PL.EXCL parler k:COMMâwolof
Il faut que nous parlions la langue que tout le monde comprenne, câest-Ă -dire que
nous parlions wolof.
Lorsquâil est prĂ©fixĂ© Ă un patronyme, il renvoie Ă la concession ou Ă la maison occu-
pée par les personnes qui portent ce patronyme. Le patronyme, préfixé au communal
kĂ«â, est toujours rĂ©dupliquĂ© et ne porte pas un dĂ©ictique suffixal, (28-29). Pour ex-
primer des personnes vivant dans une zone géographique, le noon utilise le commu-
nal Éu prĂ©fixĂ© Ă des noms qui renvoient Ă une localisation, (30-32). Le communal Éu
est formĂ© dâun marqueur dâaccord de classe pluriel humain É +u.
28. (Ă©licitation)
njon « patronyme ndione »
kĂ«ânjonânjon « concession des ndiones »
CHAPITRE 3 47
*kĂ«ânjon « concession des ndiones »
*kĂ«ânjonânjonâkii « la concession des ndiones »
29. (Ă©licitation)
paskal karâĂ«n kĂ«âfay~fay
Pascal partirâPARF k:COMMâfaye~LOC
Pascal est parti chez la famille Faye.
30. (récit01_sociolinguistique)
waa mĂ« yorâeeâÉĂ« kĂ«ânoonâkĂ«Ć Éuâpade
quand 1SG tenirâPASâO3PL k:COMMânoonâk:JONC É:COMMâFandĂšne
kĂ«ânoonâkĂ«Ć Éuâlaalan kĂ«ânoonâkĂ«Ć
k:COMMânoonâk:JONC É:COMMâLaalane k:COMMânoonâk:JONC
ÉuâjuuĆ semblerâPASâPARF INFâĂȘtre.diffĂ©rent
É:COMMâDioung saamâeeânĂ«n kĂ«âwuute
Quand jâĂ©tais leur tuteur, le noon des habitants de FandĂšne, le noon des habitants de
Laalaane et le noon des habitants de Dioung, semblaient ĂȘtre diffĂ©rents.
31. (récit01_sociolinguistique)
kĂ«âñam nĂ« kĂm waaâmĂ« Éuâpade wo'âee
INFâmanger avec matin w:DEM.DISTâANA É:COMMâFandĂšne parlerâPAS
yĂ«' kĂ«âñëkĂ«tĂ«k mee Éuâcees wo'âĂ«sâee
INTJ INFâprendre.le.petit.dĂ©jeuner mais É:COMMâThiĂšs parlerâPLâPAS
kĂ«ândekko'
INFâprendre.le.petit.dĂ©jeuner
Petit dĂ©jeĂ»ner, cela les habitants de fandĂšne disaient këñëkĂ«tĂ«k, nâest-ce pas ? Mais
les habitants de ThiÚs disaient këndekko'.
32. (interview05-séance02_séance divination collective)
ogust fĂ« hayâĂ«n ngĂ« payâii wate
August 2SG venirâPARF PREP guĂ©rirâĂž:DEICT.PROX aujourdâhui
fĂ«rĂ« yungâĂ«' ÉuâCaawun ndii
f:EMS.3SG sâasseoirâBENEF É:COMMâThiaoune ici
August, tu es venu aujourdâhui assister Ă la sĂ©ance de divination. Câest toi qui reprĂ©-
sentes les habitants de Thiaoune.
3.3.4. La suffixation
Le noon possÚde un riche systÚme de suffixes dérivationnels. Ces suffixes qui ont
des valeurs trÚs diverses, mettent en jeu différentes catégories grammaticales. Les
suffixes dérivatifs sont attachés à un lexÚme verbal pour former des noms.
48 LE NOM
- Le dĂ©rivatif âoh
Le dĂ©rivatif âoh peut ĂȘtre suffixĂ© Ă un verbe dâaction pour former des noms dâagents
qui dĂ©signent lâactivitĂ© exercĂ©e par une personne.
33. (Ă©licitation)
a. hul « cultiver » hulâoh « cultivateur »
b. pay' « guĂ©rir » payâoh « guĂ©risseur-sorcier, devin »
c. nii' « Ă©lever » niirâoh « Ă©leveur, berger »
d. tip « battre » tipâoh « batteur de tambour »
34. (interview01_divination)
ndah kĂ«âen payâoh enâĂ« ÆŽaal doĆ
est.ce.que INFâĂȘtre guĂ©rirâNOMS ĂȘtreâHAB homme seulement
wala mĂn kĂ«âen ÉetĂ«w'
ou pouvoir INFâĂȘtre femme
Est-ce que pour ĂȘtre devin, il faut seulement ĂȘtre un homme ou une femme peut
lâĂȘtre ?
- Le dĂ©rivatif âlaat
Ce dĂ©rivatif âlaat permet de former des noms abstraits Ă partir dâun lexĂšme verbal.
35. (Ă©licitation)
a. new' « ĂȘtre bon » newâlaat « dĂ©lices »
b. tam « ĂȘtre chaud » tamâlaat « chaleur »
c. soos « ĂȘtre froid » soosâlaat « fraicheur »
d. kow' « ĂȘtre acide » kowâlaat « aigreur »
e. hoo' « ĂȘtre haut » hooâlaat « hauteur »
f. lohoy' « ĂȘtre petit » lohoyâlaat « petitesse »
g. sooy « se perdre » sooyâlaat « perte »
36. (récit01_sociolinguistique)
waaâmĂ« mbok ngĂ« iñâaa tah
w:DEM.DISTâANA faire.partie PREP choseâĂž:DEICT.DIST cause
kĂ«ânoon saamâĂ«n kĂ«âsooy' njutut
k:COMMânoon semblerâPARF INFâse.perdre ĂȘtre.petit
ngĂ« Éeskâii Éuwâii enâoh
PREP endroitâĂ:DEICT.PROX personneâĂž:DEICT.PROX ĂȘtreâAPPL
ÉĂ« ngĂ« Éuuy' cees ee sooyâlaatâĂ«Ć waaâmĂ«
REL PREP intĂ©rieur ThiĂšs et perdreâABSâJONC w:DEM.DISTâANA
Cela est la raison pour laquelle la langue noon semble se perdre petit Ă petit Ă l'en-
droit oĂč nous sommes Ă ThiĂšs, et câest cela qui explique sa perte.
CHAPITRE 3 49
37. (Ă©licitation)
tamâlaatâĂ«Ć nohâii misĂ«kâĂ«n
ĂȘtre.chaudâABSâJONC soleilâĂž:DEICT.PROX avoir.malâPARF
La chaleur du soleil fait mal.
- Le dĂ©rivatif âoo'
Le dĂ©rivatif âoo' suffixĂ© Ă un verbe permet dâexprimer des nominalisations
locatives. Le coup de glotte du dĂ©rivatif âoo' devient [r] en position intervocalique,
comme le montre lâexemple (39).
38. (Ă©licitation)
a. an « boire » anâoo' « endroit oĂč se trouve un rĂ©cipient dâeau
utilisĂ© pour boire ou endroit oĂč on boit de
lâalcool »
b. tĂk « cuisiner » tĂkâoo' « cuisine »
c. yoon « apprendre » yoonâoo' « atelier »
39. (Ă©licitation)
awa yii tĂk haawe ngĂ« tĂkâoorâaa
Awa y:DEM.PROX cuisiner couscous PREP cuisinerâLOCâĂž:DEICT.DIST
Awa est en train de préparer du couscous dans la cuisine
- Le dĂ©rivatif âah
Le dĂ©rivatif âah nâest pas productif en noon, il est suffixĂ© aux lexĂšmes verbaux ñam
« manger » et an « boir ». Il permet de former des noms qui renvoient Ă lâaliment ou
la boisson.
40. (Ă©licitation)
a. ñam « manger »
ñamâah « aliment, nourriture »
b. an « boire »
anâah « boisson »
41. (Ă©licitation)
anâahâii soosâĂ«n
boireâNOMSâĂž:DEICT.PROX ĂȘtre.froidâPARF
La boisson est froide.
50 LE NOM
- Le dĂ©rivatif âeen
Le dĂ©rivatif âeen permet de dĂ©crire la maniĂšre dont une action se dĂ©roule. Dans
lâexemple (43), le terme yooh signifie « rouge » dans les dialectes saawi-noon et
pade-noon, alors quâen cangin-noon, câest un idiome considĂ©rĂ© comme une insulte.
42. (Ă©licitation)
a. wo' « Il parle. » wo'âeen « maniĂšre de parler »
b. tĂĂn « Il marche. » tĂĂnâeen « maniĂšre de marcher, dĂ©marche »
c. ñam « Il mange. » ñamâeen « maniĂšre de manger »
d. Éaas « Il insulte. » Éaasâeen « une forme dâinsulte »
43. (récit01_sociolinguistique)
yooh enâĂ« Éaasâeen ngĂ« Éak kulâlĂĂ
yooh ĂȘtreâHAB insulte MAN PREP cĂŽtĂ© villageâPOSS.1PL.EXCL
yooh est une insulte dans notre village.
- Le dĂ©rivatif âmun
Le dĂ©rivatif âmun est attachĂ© Ă des noms de parentĂ© pour marquer une relation de
parenté. Les noms de parenté noon dérivés ne portent pas un déictique suffixal ; par
exemple la forme *eewâii « la maman » est incorrecte. Il est suffixĂ© Ă âmun pour
porter un dĂ©ictique suffixal comme eewâmunâii « la maman ».
44. (Ă©licitation)
eewâmun « maman »
paamâmun « papa »
fĂĂlâmun « ami »
tikohâmun « cadet, cadette »
yaakâmun « aĂźnĂ© »
Éajeenâmun « tante »
taanamâmun « oncle »
45. (Ă©licitation)
fĂ«rĂ enâan paamâmunâii
EMS.2SG ĂȘtreâFUT pĂšreâRELATâĂž:DEICT.PROX
Ce sera toi le papa.
Le suffixe âmun est supprimĂ© dans les constructions possessives parce quâil ne se
combine pas avec les affixes possessifs. Lâexemple (46b) est agrammatical.
CHAPITRE 3 51
46. (Ă©licitation)
a. tikohâĂ«Ćângoo yĂ«âÆŽaal teekâĂ« alber
cadetâJONC âPOSS.3SG y:JONCâhomme nommerâHAB Alber
Mon petit frĂšre sâappelle Albert.
b. *tikohâmunâĂ«Ćângoo
cadetâRELATâCL.JONCâPOSS.3SG
Mon petit frĂšre
- Les dĂ©rivatifs âĂ©Ă© et âoo
Le dĂ©rivatif âĂ©Ă© et âoo sont des morphĂšmes vocatifs, ils sont ajoutĂ©s Ă un nom
propre ou Ă un nom commun de personne. Ils marquent un sentiment dâaffection ou
de respect mais aussi un sentiment de dĂ©tresse ou de dĂ©ception. Lâexemple (49)
exprime un sentiment de déception envers les jeunes qui abandonnent leur culture.
47. (séance02_séance de divination collective)
ngomakâoo tumâaa ndaĆ
NgomakâVOC faireâIMPER.SG doucement
Oh Ngomack, fais doucement !
48. (Ă©licitation)
laminâĂ©Ă© fĂ« ÆŽah ngande
LamineâVOC 2SG aller oĂč
Mon cher Lamine, oĂč vas-tu ?
49. (chant02_mbilim)
cĂĂcâĂ©Ă© yaayâĂ©Ă© oomaaâcaa
grand.mĂšreâVOC mamanâVOC enfantâc:DEICT.DIST
Éaa lĂ©y'
É:DEM.DIST ĂȘtre.perplexe
Oh grand-mĂšre, oh maman, les enfants sont perplexes.
4. La classification nominale
La langue noon possĂšde des vestiges dâun systĂšme particulier de classification no-
minale. Les travaux sur le noon ont peu documenté cette complexité du systÚme de
classification. Le noon possĂšde une double classification nominale : un systĂšme
dâaccord Niger-Congo pour les modifieurs qui sont attachĂ©s au nom et un autre
systÚme pour les modifieurs séparés du nom. Le deuxiÚme systÚme de classes nomi-
nales est basé sur les traits humain et diminutif. Il a aussi un accord supplémentaire
marqué par une paire de classes singulier/pluriel et basé sur le trait humain.
Nous avons essayĂ© dâentreprendre dans cette Ă©tude une description complĂšte du
systÚme de classification nominale et de faire apparaitre les irrégularités et lacunes
des travaux actuellement disponibles sur ce sujet.
4.1. Le premier systĂšme de classes nominales
Le premier systĂšme de classes nominales est identique au systĂšme dâaccord des
langues du groupe Niger-Congo. Tous les noms sont répartis en un nombre
déterminé de paires de classes qui sont marquées par une motivation sémantique
partielle et un appariement singulier/pluriel. Ainsi, on compte six paires de
marqueurs dâaccord de classes singulier/pluriel qui sont prĂ©sentĂ©es dans le tableau
4.1 : Ăž/c, f/c, m/c, k/t, p/t, nj/t. Lâappariement singulier/pluriel se rĂ©alise par un
marqueur dâaccord de classe ou par une alternance consonantique.
Tableau 4.1 : Les marqueurs dâaccord de classes du premier systĂšme de classes no-
minales.
Singulier Pluriel
Ăž
c f
m
k
t p
nj
54 LA CLASSIFICATION NOMINALE
Tableau 4.2 : Lâaccord des noms avec les marqueurs dâaccord de classes
Ăž/c ÆŽaalâii
ÆŽaalâcii
lâhomme
les hommes
f/c enohâfii
enohâcii
la vache
les vaches
m/c moonâmii
moonâcii
la larme
les larmes
k/t ketĂ«kâkii
tetĂ«kâtii
lâarbre
les arbres
p/t peehâpii
teehâtii
la graine
les graines
n/t njokonânjii
tokonâtii
le doigt
les doigts
Nous prĂ©sentons lâaccord entre le nom et ses modifieurs avec les six paires de
classes dans les exemples suivants.
1. Paire de classes Ăž/c (Ă©licitation)
a. ÉetâĂ«Ć lamin
femme âĂž:JONC Lamine
La femme de Lamine.
b. ÉetiâcĂ«Ć lamin
femmeâc:JONC Lamine
Les femmes de Lamine.
2. Paire de classes f/c (Ă©licitation)
a. mbaayâfĂ«Ć nirâohâii
chienâf:JONC Ă©leverâNOMSâĂž:DEICT.PROX
Le chien du berger.
b. mbaayâcĂ«Ć nirâohâii
chienâc:JONC Ă©leverâNOMSâĂž:DEICT.PROX
Les chiens du berger.
CHAPITRE 4 55
3. Paire de classes m/c (Ă©licitation)
a. mĂșĂșâmĂ«Ć gĂ©ecâmii
eauâm:JONC merâm:DEICT.PROX
Lâeau de la mer.
b. mĂșĂșâcĂ«Ć gĂ©ecâcii
eauâm:JONC merâc:DEICT.PROX
Les eaux des mers.
4. Paire de classes k/t (Ă©licitation)
a. kanuâkĂ«Ć Éetâii
k:calebasseâk:JONC femmeâĂž:DEICT.PROX
La calebasse de la femme.
b. tanuâtĂ«Ć Éetâii
t:calebasse ât:JONC femmeâĂž:DEICT.PROX
Les calebasses de la femme.
5. Paire de classes p/t (Ă©licitation)
a. pĂșĂș'âpĂ«Ć ketĂ«kâkii
p:feuille.p:JONC k:arbreâk:DEICT.PROX
La feuille de lâarbre.
b. tĂșĂș'âtĂ«Ć ketĂ«kâkii
t:feuilleât:JONC k:arbreâk:DEICT.PROX
Les feuilles de lâarbre.
6. Paire de classes nj/t (Ă©licitation)
a. njokonânjĂ«Ć yahâii
nj:doigtânj:JONC mainâĂž:DEICT.PROX
Le doigt de la main.
b. tokonâtĂ«Ć yahâii
t:doigtât:JONC mainâĂž:DEICT.PROX
Les doigts de la main.
Je considÚre 2 traits dans la classification des noms en noon : sémantique et mor-
phologique.
1) SĂ©mantique
La paire de classe Ăž/c regroupe tous les noms dâhumains, y compris les noms
dâagents dĂ©rivĂ©s de verbe. La plupart des noms des parties du corps appartiennent
56 LA CLASSIFICATION NOMINALE
aussi à cette paire de classe. La paire de classe Þ/c est une classe par défaut puisque
lâon y trouve aussi les noms nouveaux et dâusage commun en wolof.
7. Noms renvoyant Ă des humains (Ă©licitation)
Éo' personne
ÉetĂ«w' femme
ÆŽaal homme
eew mĂšre
cĂĂc grand.mĂšre
Éajeen tante
taanam oncle
moroom ami
yaak aßné
tikoh cadet
oomaa' enfant
fĂĂli' jeune homme
niroh berger
payoh devin
huloh cultivateur
8. Parties du corps (Ă©licitation)
has Ćil
poc jambe
kot pied
ÆŽii' genou
yah main
haf tĂȘte
look ventre
mbĂĂĆ dos
suuĆ coude
nof oreille
yiim menton
mungul joue
pol lĂšvre
mboos fessse
9. Noms nouveaux (Ă©licitation)
ordinatë' ordinateur
portapël (téléphone) portable
oto' voiture
ekol Ă©cole
CHAPITRE 4 57
10. Noms dâusage commun en wolof (Ă©licitation)
gaal pirogue
mbok parent
jën poisson
mbaam Ăąne
ndëk ville, village
ngelem chameau
Nous avons relevé deux noms avec un trait humain kowu' « enfant » et kuuy' «
adolescente » qui appartiennent à la paire de classe k/t. Le nom kowu' est un terme
±humain, il nâest pas seulement rĂ©servĂ© aux humains mais peut renvoyer Ă des noms
animĂ©s ou inanimĂ©s non humains, comme illustrĂ© Ă lâexemple (11). Le terme kuuy'
désigne une fille adolescente, il est souvent combiné avec le nom oomaa', comme
dans oomaa' kuuy', Ă lâexemple (12).
11. (Ă©licitation)
a. kowuâkĂ«Ć Éetâii
enfantâk:JONC femmeâĂž:DEICT.PROX
Lâenfant de la femme
b. kowuâkĂ«Ć mbaalâii
enfantâk:JONC moutonâĂž:DEICT.PROX
Le petit du mouton (Litt. Lâenfant du mouton.)
c. kowuâkĂ«Ć Éohâii
enfantâk:JONC baobabâĂž:DEICT.PROX
Le fruit du baobab (Litt. Lâenfant du baobab.).
12. (chant02_mbilim)
oomaa' kuuyâkaa tĂșĂșh wate
enfant k:adolescenteâk:DEICT.DIST tout aujourdâhui
nak kĂ«âlĂ©yâcĂ« yaa
ainsi k:DIMâtourmentâPOSS.3SG y:DEM.DIST
lĂ©Ă©fâĂ«k an waa' kĂ«âen tuwaa'
Ă©claicirâMOY COMP vouloir INFâĂȘtre blanc
Aujourdâhui toute petite jeune fille avec ses tourments, elle s'Ă©claircit (la peau) et dit
quâelle veut ĂȘtre un blanc.
58 LA CLASSIFICATION NOMINALE
Dans la paire de classes f/c se trouvent la plupart des noms dâanimaux.
13. (Ă©licitation)
enoh vache
pe' chĂšvre
mbaay chien
saañ rat
cëwuu mouche
pĂ©Ă©nĂĂ singe
pënës cheval
cooh éléphant
peeñ écureuil
La paire de classes m/c regroupe tous les liquides ou ce qui est relatif aux liquides.
14. (Ă©licitation)
mĂșĂș' eau
miis lait
mesip sauce
moon larme
mbóós vin de palme
metos salive
meek urine
gééc mer
maara' sel
maleey sable
Il est intĂ©ressant de voir que gĂ©Ă©c « mer » dâusage commun en wolof appartient Ă la
paire de classes m/c. En effet, il ne rĂ©pond pas au critĂšre des noms dâusage commun
en wolof qui appartiennent Ă la paire de classe Ăž/c.
La paire de classes marqueur dâaccord p/t regroupe des noms de plantes ou dĂ©rivĂ©s
de plantes.
15. (Ă©licitation)
pooh mil
pĂșĂș' feuille
peeh graine
pëltëk fil
La paire de classe nj/t regroupe des noms qui ont une valeur de diminutif. Câest une
classe productive puisquâelle peut alterner avec la consonne initiale des noms de la
CHAPITRE 4 59
paire de classe k/t. Nous nâavons relĂ©vĂ© quâun seul nom avec une consonne initiale
njâ, njokon (pl. tokon) « doigt ». Tous les autres noms, avec la consonne initiale njâ,
manifestent une alternance consonnantique avec la classe k. Nous discuterons de
lâalternance consonnantique dans la partie consacrĂ©e au trait morphologique.
16. (Ă©licitation)
a. njâokon « doigt » *kâokon
b. njâĂșlĂșĆ Â« petite jarre » kâĂșlĂșĆ Â« jarre »
c. njâataas « petit canari » kâataas « canari »
d. njâoko' « petit pilon » kâoko' « pillon »
Le trait sĂ©mantique est partiel, il sâagit dâune tendance. En effet, tous les noms
dâanimaux nâappartiennent pas Ă la mĂȘme paire de classes, mais aussi les noms qui
renvoient aux humains nâappartiennent pas non plus Ă la mĂȘme paire de classes. Par
exemple kowu' « enfant », kuuy' « adolescente » appartiennent à la paire de classes
k/t.
2) Morphologique
Lâappartenance de certains noms Ă une classe est dĂ©finie Ă travers des procĂ©dĂ©s
morphologiques tels que lâalternance consonantique et la prĂ©fixation. Les noms qui
appartiennent Ă la paire de classes k/t peuvent alterner avec la paire de classes nj/t
qui a un trait sémantique de diminutif. Nous avons relevé un seul nom njokon
« doigt » appartenant Ă la paire de classes nj/t qui nâalterne pas avec la paire de
classe k/t : *kokon.
17. (Ă©licitation)
a. kâanuâkii « la calebasse » njâanuânjii « la petite calebasse »
b. kâataasâkii « le canari » njâataasânjii « le petit canari »
c. kâĂșlĂșĆâkii « la jarre » njĂșlĂșĆânjii « la petite jarre »
d. kâokoâkii « le pilon » njâokoânjii « le petit pilon »
Les noms prĂ©fixĂ©s avec le diminutif et le communal kĂ« â appartiennent aussi Ă la
paire de classe k/t.
18. (Ă©licitation)
a. kĂ«âkotâkii le petit pied
b. kĂ«âkĂșmĂșnâkii le petit nez
c. kĂ«âoomaaâkii le petit enfant
d. kĂ«âwaalâkii la (langue) wolof
e. kĂ«ânoonâkii la (langue) noon
60 LA CLASSIFICATION NOMINALE
Tableau 4.3 : Corrélation paire de classes et consonne initiale
Classe Consonne initiale
m/c m
k/t k/t
p/t p/t
nj nj
Les noms des paires de classes (m/c, k/t, p/t, nj/t) prĂ©sentent des vestiges figĂ©s dâun
état ancien de préfixes nominaux de classe et une alternance consonnantique dans la
distinction singulier/pluriel mais aussi dans lâexpression du diminutif comme illustrĂ©
Ă l exemple (18). Nous nâavons trouvĂ© que deux noms dâhumains kowu' « enfant » et
kuuy' « adolescente » qui présentent un préfixe nominal de classe figé exprimant le
diminutif. En effet, ces noms expriment une notion de diminutif.
19. (Ă©licitation)
a. mâĂșĂș' eau
b. kâetĂ«k pl. tâetĂ«k « arbre »
c. kâowu' pl. tâowu' « enfant »
d. pâĂșĂș' pl. tâĂșĂș' « feuille »
e. njâokon pl. tâokon « doigt »
f. kâanu' pl. tâanu' « calebasse »
g njâanu' « petite calebasse »
Seule la paire de classes m/c ne se réalise pas par une alternance consonnantique ; il
nây a aucun changement de forme du mot. Mais le m comme consonne initiale des
mots appartenant Ă la paire m/c pourrait ĂȘte considĂ©rĂ© comme un ancien prĂ©fixe
nominal de classe. En effet, tous les noms qui renvoient aux liquides ou relatifs aux
liquides appartiennent Ă cette paire de classes. Lâusage du marqueur de classe pluriel
c avec les noms de la paire de classes m/c nâest pas courant. Il est seulement utilisĂ©
dans des situations particuliĂšres et exprime une valeur de masse (plutĂŽt que
dâespĂšces dĂ©nombrables). Par exemple, maraa « sel » est utilisĂ© uniquement au
singulier maraaâmii « le sel » ; il serait incorrect de dire *maraaâcii « les sels ».
Cependant, le terme mĂșĂș' « eau » peut ĂȘtre utilisĂ© avec un marqueur de classe pluriel
mĂșĂșâcii « les eaux » pour dĂ©signer une quantitĂ© importante dâeau ou diffĂ©rentes
variĂ©tĂ©s dâeaux.
Autre trait morphologique dans la classification nominale, tous les lexĂšmes verbo-
nominaux appartiennent Ă la paire de classes Ăž/c. Cependant, la forme verbale non
finie, qui est marquĂ©e morphologiquement par le prĂ©fixe kĂ«â, Ă©quivaut Ă un consti-
tuant nominal (cf. 3.3.3.).
CHAPITRE 4 61
20. (Ă©licitation)
a. pay' « Il guĂ©rit. » payâii « la guĂ©rision »
b. mbec « Il danse. » mbecâii « la danse »
c. teek « Il nomme. » teekâii « le nom
d. ÆŽen « Il rit. » ÆŽenâii « le rire »
4.2. Le deuxiĂšme systĂšme de classes nominales
Le deuxiÚme systÚme de classes nominales est différent du systÚme de classes
nominales Niger-Congo. Câest un systĂšme dâaccord pour les modifieurs sĂ©parĂ©s du
nom. Les marqueurs dâaccord du deuxiĂšme systĂšme de classes nominales entrent
dans la construction des pronoms et dĂ©terminants. Ils peuvent ĂȘtre aussi prĂ©fixĂ©s aux
modifieurs Ă lâaide dâun joncteur ou suffixĂ©s aux modifieurs avec un dĂ©ictique
suffixal. Le deuxiÚme systÚme de classes nominales est basé sur les traits
sémantiques humain et diminutif. Les noms qui renvoient aux humains ont leurs
modifieurs qui sâaccordent avec un marqueur dâaccord supplĂ©mentaire y au singulier
et É au pluriel.
Tableau 4.4 : Les marqueurs dâaccord de classes du deuxiĂšme systĂšme de classes
nominales
±humain ±Diminutif Marqueurs sur les autres modifieurs
singulier pluriel
+humain
-diminutif
y É
-humain
w
c f
m
±humain ±diminutif k
t -humain -diminutif p
nj
21. (Ă©licitation)
Éetâii yĂ«ânjofâyii
femmeâĂž:DEICT.PROX y:JONCâĂȘtre.bonây:DEICT.PROX
La gentille femme.
22. (Ă©licitation)
ÆŽaalâcii ÉĂ«âyakâÉii
hommeâc:DEICT.PROX É:JONCâgrandirâÉ:DEICT.PROX
Les grands hommes.
62 LA CLASSIFICATION NOMINALE
23. (Ă©licitation)
payâohâii yii teekâĂ« zan
guĂ©rirâNOMSâĂž:DEICT.PROX y:DEM.PROX nommerâHAB Jean
Ce devin sâappelle Jean.
24. (Ă©licitation)
Éuyâii yiinde
personneâĂž:DEICT.PROX y:quelle
Quelle personne ?
25. (récit01_sociolinguistique)
oomaaâcaa ÉĂ«âÆŽaalâÉaa nĂ«
enfantâc:DEICT.DIST É:JONCâhommeâÉ:DEICT.DIST avec
ÉĂ«âÉetĂ«wâÉaa panjâohâuuânâĂ«n
É:JONCâfemmeâÉ:DEICT.DIST marierâRECIPRâPLâNâPARF
Les garçons et les filles se sont mariés.
Dans les exemples (21-25), les noms se référant à des humains sont suffixés aux
marqueurs dâaccord du premier systĂšme de classes nominales, alors que les
modifieurs sĂ©parĂ©s du nom portent des marqueurs dâaccord du deuxiĂšme systĂšme de
classes nominales. La paire de classe k/t est une classe ±humain, on y retrouve
seulement des noms dâhumains et dâinanimĂ©s, (26-28).
26. (Ă©licitation)
kowuâkii kĂ«âmoorâĂ«'âkii
k:enfantâk:DEICT.PROX k:JONCâĂȘtre.joliâk:DEICT.DIST
Le joli enfant.
27. (Ă©licitation)
tuuyâtii tĂ«âmoorâĂ«'âtii
t:adolescenteât:DEICT.PROX t:JONCâĂȘtre.joliât:DEICT.PROX
Les belles adolescentes.
28. (Ă©licitation)
ketĂ«kâkii kĂ«âhoo'âkii
k:arbreâk:DEICT.PROX k:JONCâĂȘtre.longâk:DEICT.PROX
Le long arbre.
Les marqueurs dâaccord des deux systĂšmes sont identiques pour les noms dâhumains
appartenant Ă la paire de classe k/t. Les noms dâhumain kowu' « enfant » et kuuy
« adolescente » appartiennent à cette paire de classes. Ils portent les marqueurs
CHAPITRE 4 63
dâaccord k au singulier et t au pluriel au niveau des modifieurs, comme illustrĂ©s aux
exemples (26-28).
En ce qui concerne le trait diminutif, il domine le trait humain pour les noms
dâhumains mais aussi le marqueur dâaccord de classes des noms dâanimĂ©s non hu-
mains. Les noms dâhumains sâaccordent avec le marqueur de diminutif k et nj et non
pas avec les marqueurs dâaccord de classes humaines y au singulier et É au pluriel,
comme en (29b-c, 30b).
29. (Ă©licitation)
a. oomaaânâii yĂ«ânjofâyii
enfantâNâĂž:DEICT.PROX y:JONCâĂȘtre.bonây: Ăž:DEICT.PROX
Le gentil enfant.
b. kĂ«âoomaaâkii kĂ«ânjofâkii
k:DIMâenfantâkâDEICT.PROX k:JONCâĂȘtre.bonâkâDEICT.PROX
Le gentil petit enfant.
c. njĂ«âoomaaânjii njĂ«ânjofânjii
nj:DIMâenfantânjâDEICT.PROX nj:JONCâĂȘtre.bonânjâDEICT.PROX
Le gentil petit enfant.
30. (Ă©licitation)
a. oomaaâcii ÉĂ«ânjofâÉii
enfantâc:DEICT.PROX É:ĂȘtre.bonâÉ:DEICT.PROX
Les gentils enfants.
b. tĂ«âoomaaâtii tĂ«ânjofâtii
t:DIMâenfantât:DEICT.PROX t:ĂȘtre.bonât:DEICT.PROX
Les gentils petits enfants.
Les noms animĂ©s non humains et dâinanimĂ©s se comportent de la mĂȘme maniĂšre
dans tous les deux systĂšmes, (31-33).
31. (Ă©licitation)
mĂ« ÉĂ©yâĂ«n enohâfii fii
1SG amener vacheâf:DEICT.PROX f:DEM.PROX
Jâai amenĂ© cette vache.
64 LA CLASSIFICATION NOMINALE
32. (Ă©licitation)
a. pĂ«nĂ«sâfii fii
chevalâf:DEICT.PROX f:DEM.PROX
Ce cheval.
b. njĂ«âpĂ«nĂ«sânjii njii
nj:DIMâchevalânj:DEICT.PROX nj:DEM.PROX
Ce petit cheval.
33. (Ă©licitation)
mĂĂsâmii mĂ«âsoosâmii
laitâm:DEICT.PROX m:JONCâĂȘtre.froidâm:DEICT.PROX
Le lait froid.
Dans lâexemple (32b) le marqueur du diminutif domine le marqueur de classe no-
minale. Le marqueur dâaccord de classe Ăž dans le premier systĂšme de classes nomi-
nales devient w dans le deuxiĂšme systĂšme de classes nominales, comme lâillustre
lâexemple (34).
34. (Ă©licitation)
mbaalâii wĂ«âyakâwii
moutonâĂž:DEICT.PROX w:JONCâgrandirâw:DEICT.PROX
Le gros mouton.
Dans les travaux précédents sur le noon (Lopis-Sylla 2010 et Soukka 2000), nous
avons noté des irrégularités et insuffisances dans la description de la classification
nominale en noon. Dans la description des classes nominales présentée par Lopis-
Sylla (2010), les deux systĂšmes de classes nominales apparaissent sous un seul
systĂšme. Selon Lopis-Sylla un seul nom appartient Ă la paire de classes y/É. « Le
seul nom relevĂ© est le nom Éo' signifiant « personne, ĂȘtre humain » (Ibid. 2010:154).
On retrouve dans la description des classes nominales de Lopis-Sylla les deux
formes Éo'âii et Éuyâii. Lopis-Sylla (2010:154) considĂšre la forme Éuyâii comme
une transformation de Éoâyii oĂč la consonne [o] aurait subi une assimilation par [i].
DiĂšye (2011) dans sa description du systĂšme nominal du laalaa, une langue proche
du noon, considĂšre le nom Éo' « personne » comme Ă©tant le seul nom appartenant Ă
la paire de classe y/É.
Nous avons constaté que dans la description du systÚme nominal de DiÚye (2011) et
dans celle de Lopis-Sylla (2010) les deux systÚmes sont fusionnés en un seul
systĂšme. Une telle description est Ă lâorigine de la paire de classes y/É oĂč lâon
retrouve un seul nom Éo' mais aussi une confusion des marqueurs dâaccord sur le
CHAPITRE 4 65
nom et ses modifieurs. Dans leurs descriptions, la paire de classes y/É nâapparaĂźt pas
sur le nom mais plutÎt sur les modifieurs séparés du nom. DiÚye (2011:84) pense
quâelles sâamuĂŻssent mais rĂ©apparaissent au niveau des modifieurs sĂ©parĂ©s du nom.
Nous ne considĂ©rons pas le nom Éo' appartenant Ă la paire de classes y/É. Les
marqueurs de classe qui sont employĂ©s avec le nom Éo' sont ceux de la paire de
classes Ăž/c. Par exemple, on retrouve les formes Éo'âii « la personne » et Éo'âcii «
les personnes ». Il peut aussi porter le marqueur de classe du pluriel É pour donner la
forme Éo'âÉii « les hommes » qui est rarement utilisĂ©e. Le nom Éo' est utilisĂ© le plus
souvent sans marqueur de classe pour désigner une personne ou employé comme un
pronom indĂ©fini Éo' hayĂ«n « une personne est venue ou quelquâun est arrivĂ© ». Le
nom Éo' est un nom irrĂ©gulier qui renvoie Ă un ĂȘtre humain ou Ă une personne. Il a
deux formes distinctes lorsquâil a une valeur spĂ©cifique Éuy au singulier et Éuw au
pluriel. Ils portent le marqueur de classe Ăž : Éuyâii « la personne » et Éuwâii « les
personnes ».
Une autre remarque dans la description de Lopis-Sylla (2010), câest lâappartenance
du nom ÉetĂ«w' « femme » Ă la paire de classe : Ăž/c. Dans notre description, les noms
ÉetĂ«w' et Éo' appartiennent Ă la mĂȘme paire de classes : Ăž/c. Le nom ÉetĂ«w' est aussi
un nom irrĂ©gulier qui a une valeur gĂ©nĂ©rique tout comme Éo'. Il renvoie Ă la femme
dâune maniĂšre gĂ©nĂ©rale et peut porter le marqueur É, comme ÉetĂ«w'âÉii « les
femmes » pour désigner toutes les femmes, mais cet emploi est aussi rare. Il peut
prendre une valeur spĂ©cifique et prĂ©senter deux formes distinctes, Éet au singulier et
Éeti au pluriel. Elles portent les marqueurs de la paire de classes Ăž/c, comme
lâillustre lâexemple (50).
50. (Ă©licitation)
Éetâii « la femme » Éetiâcii « les femmes »
Dans lâĂ©tude de Lopis-Sylla (2010), les noms Éo' et ÉetĂ«w' appartiennent
respectivement aux paires de classes y/É et Ăž/c alors quâils appartiennent tous les
deux Ă la paire de classes Ăž/c dans notre description des classes nominales. LâĂ©tude
des classes nominales dans DiÚye (2011) et Lopis-Sylla (2010) est présentée en un
seul seul systÚme. Une telle description ne montre pas clairement les différents
marqueurs dâaccord du nom et leur rĂŽle au niveau du syntagme nominal selon les
traits sémantiques humain et diminutif.
Soukka (2000) dans sa description de la classification nominale présente deux
systĂšmes de classes nominales : un systĂšme de classes nominales et un systĂšme
dâaccord.
66 LA CLASSIFICATION NOMINALE
« All nouns in Noon belong to one of the 6 classes which have separate
forms in singular, and are represented by 2 plural forms » (Soukka
2000:61).
« However there are several occasions where the initial consonant of a
determining affix differs from the one of the definite suffix of the noun.
It would be more appropriate to call these agreement markers since, in
addition to merely marking noun class of the determined noun, they
also show agreement with certain semantic aspects of the noun,
primarily the animate and the diminutive » (Ibid.:65).
Les termes utilisés par Soukka pour distinguer ces deux systÚmes de classification
nominale peuvent favoriser une confusion dans sa description. En effet, un systĂšme
de classes nominales est basĂ© sur un systĂšme dâaccord qui est un critĂšre relatif aux
classes nominales. Le marqueur nominal de classe est aussi un marqueur dâaccord. Il
est donc important de remarquer quâil est impossible de dissocier un marqueur
nominal de classe et un marqueur dâaccord. En effet, lâidentification de classe est
essentiellement basĂ©e sur lâaccord. Ainsi, nous pensons que le noon possĂšde deux
types de marqueurs dâaccord qui appartiennent Ă deux systĂšmes de classes
nominales différentes.
En ce qui concerne le deuxiĂšme systĂšme de classes nominales, Soukka (2000:64) le
considÚre comme un systÚme marqué par les traits sémantiques animé et diminutif.
Nous préférons ne pas utiliser le terme animé comme critÚre sémantique dans le
deuxiĂšme systĂšme de classes nominales puisque les noms dâanimĂ©s non humains
appartiennent Ă une classe distincte des humains. Ainsi, nous pensons que le
deuxiÚme systÚme de classes nominales est conditionné par les traits sémantiques
humain et diminutif.
5. Les pronoms
Les pronoms assument les fonctions imparties aux constituants nominaux. En noon,
les pronoms sont souvent formĂ©s Ă partir des marqueurs dâaccord du nom. Dans
cette partie, nous discuterons des pronoms personnels, emphatiques, démonstratifs,
interrogatifs et indéfinis.
5.1. Les pronoms personnels
Les pronoms personnels peuvent ĂȘtre rĂ©partis en deux groupes :
Les pronoms personnels sujets
Les pronoms personnels emphatiques
5.1.1. Les pronoms personnels sujets
Les pronoms personnels sujets occupent les mĂȘmes positions syntaxiques que des
noms propres ou des constituants nominaux. Ils sont caractérisés selon la distinction
entre le locuteur (1Ăšre personne), le destinataire (2Ăšme personne). Ils peuvent ĂȘtre aussi
classés en un systÚme de deux oppositions croisées ; une opposition entre 1Úre et 2Úme
personne et une opposition entre singulier et pluriel (Lopis-Sylla 2010).
La 1Ăšre personne du pluriel possĂšde deux formes comme le montrent les exemples
(2-3).
Inclusif : le destinataire est inclus dans le discours (moi+toi).
Exclusif : le destinataire est exclu du discours (moi+eux).
Tableau 5.1 : Les pronoms personnels sujets
SG PL
1Ăšre mĂ« ÉĂșĂș (INCL)
ÉĂĂ (EXCL)
2Ăšme fĂ« Éuu
1. (Ă©licitation)
më ndëk gran caali
1SG habiter grand Thialy
Jâhabite Ă Grand Thialy.
2. (récit01_sociolinguistique)
ÉĂĂ wo' kĂ«âwaal
1PL.EXCL parler k:COMMâwolof
Nous parlons wolof.
68 LES PRONOMS
3. (conte03_le champ dâharicots)
ÉĂșĂș tĂșmâan ye
1PL.INCL faireâFUT quoi
Que ferions-nous ?
5.1.2. Les pronoms personnels objets
Les pronoms personnels objets sont des indices pronominaux suffixés au verbe dont
ils reprĂ©sentent lâobjet. Ils ont la structure RV ; la consonne [r], qui est la forme
sous-jacente des indices pronominaux, apparaĂźt aprĂšs une voyelle, comme Ă (4).
Tableau 5.2 : Les pronoms personnels objet
4. (Ă©licitation)
zaan wo'âeeâre keehâaa
Jeanne parlerâPASâO3SG vĂ©ritĂ©âDEICT.DIST
Jeanne lui a dit la vérité
Lorsquâil apparaĂźt aprĂšs une consonne, il se produit une longueur consonantique par
une assimilation avec la consonne prĂ©cĂ©dente, (5-6). Dans lâexemple (6), la longueur
consonantique de la nasale [n] se réalise avec sa forme sous-jacente [nd]. La 3Úme
personne du pluriel ÉĂ« « ils/elles », est formĂ©e dâun marqueur dâaccord humain É et
le suffixe âĂ«, comme Ă lâexemple (7).
5. (conte03_le champ dâharicots)
fĂ« nupâpiiânâaa yĂ« apâpaa
2SG courirâNEGâN âCOND y:3SG tuerâO2SG
Si tu ne cours pas il te tuera.
6. (séance02_séance de divination collective)
wo'âuuânâĂ«nânduu ÉĂĂ wo'â'ii ndii teek ken
parlerâPLâNâPARFâO2PL 1PL.EXCL parlerâNEG ici nommer personne
Personne Indice objet
1SG âroo
2SG âraa
3SG âre
1PL.INCL ârĂșĂș
1PL.EXCL ârĂĂ
2PL âruu
3PL âÉĂ«
CHAPITRE 5 69
ÉĂĂ kĂĂm Éam
1PL.EXCL prier paix
On vous a dit de ne pas citer le nom de personne ici. Nous prions pour la paix.
7. (récit02_mbilim)
saafiâcii cĂĂc koh onâÉĂ« mbilim
saafiâc:DEICT.PROX grand.parent dieu offrirâÉ:O3PL mbilim
Câest au groupe sĂ©rĂšre saafi que Dieu a offert mbilim.
5.2. Les pronoms emphatiques
5.2.1. Les pronoms personnels emphatiques
Il existe deux séries de pronoms personnels emphatiques en noon. Les pronoms
personnels emphatiques de la série 1 et ceux de la série 2.
- Les pronoms personnels emphatiques de la série 1
Les pronoms personnels emphatiques de la sĂ©rie 1 peuvent ĂȘtre rĂ©partis en deux
groupes. Le premier groupe est constitué des pronoms de 1Úre et 2Úme personne du
singulier, de 3Ăšme personne du singulier et du pluriel. Ils sont formĂ©s Ă partir dâun
marqueur dâaccord et le marqueur âĂ«rĂ«. Les pronoms de 3Ăšme personne sont formĂ©s
de marqueurs de classes humaines y (sg) et É (pl).
8. (Ă©licition)
mĂ«rĂ« koo'âte
m:EMS.1SG Ă©leverâO3SG
Câest moi son tuteur. (Litt. câest moi qui lâĂ©lĂšve)
9. (séance02_séance de divination collective)
nookaâcaa fĂ«rĂ« yorâee
plumeâc:DEICT.DIST f:EMS.2SG tenirâPAS
Les plumes, câest toi qui (les) avais.
10. (interview01_séance02_séance de divination collective)
yĂ«rĂ« enâee heljuuf yĂ«rĂ« enâee
y:EMS.3SG ĂȘtreâPAS Khel_Diouf y:EMS.3SG ĂȘtreâPAS
nĂ«ârĂĂ kĂ«âtĂșm saawalâii
avecâO1PL.EXCL INFâfaire rĂ©unionâĂž:DEICT.PROX
CâĂ©tait lui Khel Diouf. Câest lui qui Ă©tait avec nous pour faire lâinterview.
11. (interview02_divination)
ÉĂ«rĂ« en payâohâcaa
É:EMS.3PL ĂȘtre guĂ©rirâNOMSâc:DEICT.DIST
Ce sont eux qui sont les devins.
70 LES PRONOMS
Dans le deuxiĂšme groupe se trouvent les pronoms de 1Ăšre et 2Ăšme personne du pluriel.
Ils sont formés à partir du pronom personnel sujet combinés avec le pronom
emphatique ÉĂ«rĂ«, (12). Les pronoms personnels emphatiques sont utilisĂ©s pour
marquer une insistance
12. (Ă©licitation)
ÉĂĂ ÉĂ«rĂ« wo' kĂ«ânoon
1PL.EXCL É:EMS.3PL parler COMMânoon
Câest nous qui parlons noon.
Nous avons noté une alternance phonologique du marqueur emphatique qui est
soumise Ă lâharmonie vocalique. La forme emphatique âĂrĂ se suffixe aux
marqueurs dâaccord (w, f, y, É) qui seraient des prĂ©fixes de classes dominĂ©s par le
trait ATR, comme Ă (13-14).
13. (Ă©licitation)
yĂrĂ feekâĂ«n kowuâkĂ«Ćângoo
y:EMS.3SG frapperâPARF k:enfantâk:JONCâPOSS.1SG
Câest toi qui a frappĂ© mon enfant.
14. (interview02_séance02_séance de divination collective)
ÉĂșĂș jitoâee ngĂ« cees me wate fĂ«
2PL.INCL devancerâPAS PREP thiĂšs mais aujourdâhui 2SG
malakâaa ÉĂșĂș ÉĂrĂ muucee ÉoĆ
regarderâCOND 2PL.INCL É:EMS.3PL ĂȘtre.derriĂšre seulement
Nous Ă©tions les premiers Ă ThiĂšs mais maintenant si tu vois câest nous qui sommes
derniers seulement.
- Les pronoms personnels emphatiques de la série 2
Les pronoms emphatiques de la sĂ©rie 2 peuvent ĂȘtre aussi rĂ©partis en deux groupes.
Le premier groupe est constitué de pronoms de 1Úre et 2Úme personne du singulier :
meh « moi » et foh « toi ». Dans le deuxiÚme groupe se trouvent les pronoms de 1Úre
et 2Ăšme personne du pluriel. Ces derniers ont les mĂȘmes formes que les pronoms
personnels sujets. Les pronoms personnels emphatiques de la série 2 sont utilisés
dans lâinteraction communincative pour marquer lâinsistance ou le contraste (Lopis-
Sylla 2010:189). Ils peuvent constituer eux-mĂȘmes un Ă©noncĂ© en rĂ©ponse Ă une
question que lâon peut interprĂšter comme une demande de prĂ©cision, (15-17).
CHAPITRE 5 71
15. (Ă©licitation)
a. Question
Éee ÉewâĂ«n mbaalâaa Ée
É:PRES prendreâPARF moutonâĂž:DEICT.DIST É:qui
Qui a pris le mouton ?
b. RĂ©ponse
meh
EMS.1SG
Moi
16. (Ă©licitation)
a. Question
Éee karâan pade Ée
É:PRES partirâFUT fandĂšne É:qui
Qui partira Ă FandĂšne ?
b. RĂ©ponse
foh
EMS.2SG
Toi
17. (Ă©licitation)
a. Question
Éee lĂ«ngâĂsâĂ«n halâii Ée
É:PRES fermerâSEPâPARF porteâĂž:DEICT.PROX É:qui
Qui a ouvert la porte ?
b. RĂ©ponse
ÉĂĂ
EMS.1PL.EXCL
Nous
Lorsquâils sont combinĂ©s Ă un pronom personnel sujet ou Ă un pronom emphatique
de la sĂ©rie 1, ils peuvent ĂȘtre isolĂ©s ; il se produit ainsi une focalisation du sujet, (18-
20).
18. (récit01_mbilim)
meh mĂ« teekâĂ« hatim
EMS.1SG 1SG nommerâHAB Khadim
Moi, je mâappelle Khadim.
72 LES PRONOMS
19. (Ă©licitation)
Éuu Éuu ÆŽeek
EMS.2PL 2PL chanter
Vous, vous chantez.
20. (Ă©licitation)
foh fĂ«rĂ« ÆŽah pade
EMS.2SG f:EMS.2SG aller FandĂšne
Toi, câest toi qui vas Ă FandĂšne.
Concernant les pronoms personnels emphatiques, nous avons trouvĂ© la mĂȘme
interprétation dans Lopis-Sylla (2010:188) qui reconnaßt les deux séries de pronoms
personnels emphatiques.
Soukka (2000) a fait aussi la mĂȘme analyse pour les pronoms personnels empha-
tiques de la série 1 mais considÚre ceux de la série 2 comme des pronoms allocutifs
qui peuvent porter le fricatif [h] pour marquer une insistance.
« The allocutive pronouns can function independently, as the sole
constituent of a clause (âŠ) when the allocutive pronoun is stressed :the
pronoun may be followed by the fricative [h] » (Soukka 2000:106).
Nous ne pensons pas que tous les pronoms personnels de la sĂ©rie 2 puissent ĂȘtre
suivis du fricatif [h]. Nous ne lâavons notĂ© que pour les pronoms de 1Ăšre et 2Ăšme
personne singulier meh et foh, et nous pensons quâils sont des formes particuliĂšres
par rapport aux autres pronoms.
5.2.2. Les pronoms emphatiques non humains
Les pronoms emphatiques non humains sont formĂ©s Ă partir dâun marqueur dâaccord
du deuxiĂšme systĂšme de classes nominales et le suffixe âĂ«rĂ« (cf. 5.2.1).
Tableau 5.3 : les pronoms emphatiques non humains
Pronoms emphatiques non humains
Marqueur dâaccord Suffixe
w/c
f/c
m/c âĂ«rĂ«
k/t
p/t
nj/t
CHAPITRE 5 73
21. (interview02_divination)
atohâii wĂ«rĂ« en kuperâĂ«Ć
pierreâĂž:DEICT.PROX w:EMS.3SG ĂȘtre couvercleâĂž:JONC
payâaa ee wĂ«rĂ« kĂșnâĂ«
guĂ©rirâĂž:DEICT.DIST et w:EMS.3SG ĂȘtre.couvertâCAUS
payâaa aa' wĂ«
guĂ©rirâĂž:DEICT.DIST protĂ©gr w:O3SG
Câest la pierre qui symbolise la fin de la sĂ©ance divinatoire. Câest elle qui couvre la
séance divinatoire et la protÚge.
22. (interview02_divination)
caamâmboo ÉetĂ«w' nak yĂ«rĂ« enâee katolik
grang.parent femme ainsi y:EMS.3SG ĂȘtreâPAS catholique
wĂ«rĂ« waral sah mĂ« teekâohâĂ«sâĂ«
w:EMS.3SG causer ainsi 1SG nommerâAPPLâPASâHAB
paskalabdulaygëy
Pascal_Abdulaye_Gueye
Ma grand mĂšre Ă©tait ainsi catholique, câest cela qui fait quâon mâappelle alors Pascal
Abdoulaye Gueye.
23. (séance01_divination)
wĂrĂ en pay' wii njalbĂ«' mĂn wĂ«
w:EMS.3SG ĂȘtre divination w:DEM:Ăž:DEICT.PROX devin pouvoir w:O3SG
Câest cela (la) divination, ceci, un devin le peut.
24. (Ă©licitation)
fĂ« hotâĂ«n pe'âfaa fĂ«rĂ« ñamâĂ«n
2SG voirâPARF chĂšvreâf:DEICT.DIST f:EMS.3SG mangerâPARF
maalâaa
rizâĂž:DEICT.DIST
Tu as vu la chĂšvre, câest elle qui a mangĂ© le riz.
25. (récit02_mbilim)
kĂ«rĂ« tah mbilim ÆŽuĆângĂ« ngĂ« yumsaan
k:EMS.3SG causer mbilim asseoirâNARR PREP yumsaan
Câest pourquoi le mbilim est basĂ© sur yumsaan.
Les pronoms emphatiques non humains renvoient à un référent déjà mentionné dans
le discours. Dans lâexemple (25), le terme yumsaan dĂ©signe une variĂ©tĂ© de danse
mbilim.
74 LES PRONOMS
5.3. Les pronoms comme substituts du nom
En noon, les pronoms comme substituts du nom sont formĂ©s dâun marqueur
dâaccord du deuxiĂšme systĂšme de classes nominales et le suffixe âĂ«. Les marqueurs
dâaccord pour les humains sont y et É. Pour les noms animĂ©s non humains et
inanimés, les marqueurs des deux systÚmes sont identiques.
26. (récit01_sociolinguistique)
oomaaâcaa osi karâuuânâĂ«n Éii
enfantâc:DEICT.DIST aussi partirâPL âN âPARF jusquâĂ
njangâuuânâĂ«n ekolâaa ÉĂ« ka'
apprendreâPL âNâPARF Ă©coleâĂž:DICT.DIST É:3PL partir
kĂ«ânjaĆ ekolâaa ÉĂ« le'âaa
INFâapprendre Ă©coleâĂž:DICT.DIST É:3PL arriverâCOND
ÉĂ« aasâĂ«kâoh nĂ« towuâwaalâtaa
É:3PL entrerâMOY âRECIPR avec t:enfantâwolofât:DEICT.DIST
Les enfants aussi allaient Ă lâĂ©cole pour apprendre. Sâils vont Ă lâĂ©cole pour ap-
prendre, ils cohabitent avec les enfants wolofs.
27. (Ă©licitation)
mbaayâfii karâĂ«n luuwâaa fĂ« kaal mbonda
chienâf:DEICT.PROX partirâPARF brousseâĂž:DEICT.DIST f:3SG chasse liĂšvre
Le chien est parti en brousse, il chasse des liĂšvres.
28. (conte01_le troupeau de la vieille femme)
Éaal yaa nup ngĂ« Éuuy' luuwâaa
hyĂšne y:DEM.DIST fuir PREP intĂ©rieur brousseâĂž:DEICT.DIST
Éii hotâtĂ« noĆ Éoh yĂ« aasâsĂ« ngĂ«
jusquâĂ voirâNARR trou baobab y:3SG entreâNARR PREP
HyĂšne sâenfuit dans la forĂȘt, jusquâĂ ce quâil voie un trou de baobab et y entre.
29. (séance02_séance de divination collective)
fĂ« hotâĂ«n kĂ«yĂtâcii ndii cĂ« ñuusâĂ«n
2SG voirâPARF papierâc:DEICT.PROX ici c:3PL ĂȘtre.sombreâPARF
Tu as vu les papiers ici, ils sont sombres.
30. (conte03_le champ dâharicots)
yoosĂ«kâkĂ« ngĂ« pĂ«nĂ«sâfĂ«Ćânge
descendreâNARR PREP chevalâf:JONC âPOSS.3SG
yĂ« ÉalâlĂ« kĂ«âley mĂșĂș'
y:3SG commencerâNARR INFâchercher eau
Il descendit de son cheval puis elle chercha aussitĂŽt de lâeau.
CHAPITRE 5 75
31. (séance02_séance de divination collective)
Éuwâii Éii ÉĂ«rĂ« sĂșĂșs
personneâĂž:DEICT.PROX É:DEM.PROX É:EMS.3PL noir
aawâĂ«s kĂ«âheeñâohânaas
dirigerâPL INFâbattreâRECIPRâAND
Ce sont ces personnes qui sont en noir, ils vont se battre.
32. (conte01_le troupeau de la vieille femme)
Éaal hay kĂ«âhay koorâĂ«kâkĂ« pe'âfaa
hyĂšne venir INFâvenir porterâMOY âNARR chĂšvreâf :DEICT.DIST
ÉewâpĂ« ÉaakâkĂ« ngĂ« tĂșĂșy'âce
prendreâNARR garderâNARR PREP caseâPOSS.3SG
DĂšs quâhyĂšne arriva, il prit la chĂšvre et la garda dans sa case.
33. (interview02_divination)
en fë hay ngë naah wate en
ĂȘtre 2SG venir PREP guĂ©risseur aujourdâhui ĂȘtre
unohâooânaa hayâyaa kĂ«âwo' fĂ« yor tasiyon
savoirâNEGâNâCOND venirâO2SG INFâparler 2SG tenir tension
Si tu viens chez un guĂ©risseur qui ne sây connait pas, il te dira que tu as une tension.
Les substituts du nom permettent de reprendre un référent déjà introduit dans le
discours. Dans les contes, les noms dâanimaux sont souvent personnifiĂ©s, comme en
(28). Lâemploi des pronoms de 3Ăšme personne pour les humains yĂ« et ÉĂ« nâest pas
obligatoire sauf si deux référents distincts sont introduits dans le discours, comme
lâillustre lâexemple (30) oĂč câest lâhomme qui est descendu du cheval et que câest la
femme qui est allĂ© chercher de lâeau. Lorsque le rĂ©fĂšrent est dĂ©jĂ mentionnĂ© (ou
explicité) dans le discours, il devient optionnel : il est possible de construire un
énoncé verbal sans le sujet si ce dernier est un pronom, comme le montrent les
exemples (31-33).
5.3.1. Les pronoms objets non humains
Les pronoms objets non humains ont les mĂȘmes formes que les substituts du nom se
référant aux animés non humains et inanimés (cf. 5.3.). Ils sont postposés au verbe.
34. (séance01_ séance de divination individuelle)
wĂrĂ en pay' wii njalbĂ«' mĂn wĂ«
w: EMS:3SG ĂȘtre guĂ©rir w:DEM.PROX devin pouvoir w:O3SG
Câest cela (la) divination, ceci un devin le peut.
76 LES PRONOMS
35. (Ă©licitation)
zan ambâĂ«n mbaayâfaa ee feekâĂ«n fĂ«
Jean attraperâPARF chienâf:DEICT.DIST et frapperâPARF f:O3SG
Jean a attrapĂ© le chien et il lâa frappĂ©.
36. (Ă©licitation)
oomaaâcaa hayândohâuuânâĂ«n tĂșĂșâtaa
enfantâc:DEICT.DIST venirâCAUS.SOCâPLâNâPARF feuillesât:DEICT.DIST
ee mbaalâaa ñamâĂ«n tĂ«
et moutonâĂ:DEICT.DIST mangerâPARF t:O3PL
Les enfants ont amenĂ© les feuilles (dâarbres) et le mouton les a mangĂ©es.
37. (conte03_le champ dâharicots)
njĂ«âpĂ«nĂsânjĂ«Ć Éaap njii Éee Éanâeeâraa
nj:DIMâchevalânj:JONC papa nj:DEM.PROX É:PRES prĂȘterâPASâO2SG
njĂ« Ée
nj:O3SG qui
Ce petit cheval de papa, qui te lâa prĂȘtĂ© ?
5.4. Les pronoms démonstratifs
Les pronoms dĂ©monstratifs sont formĂ©s Ă partir dâun marqueur dâaccord du
deuxiĂšme systĂšme de classes nominales et dâun marqueur dĂ©ictique âii (proche) ou â
aa (éloigné). Les pronoms démonstratifs sont dominés par les traits humain et
diminutif (cf. 4.2.) Ils permettent de situer le rĂ©fĂ©rent dans lâespace et dans le temps ;
ils aident aussi à montrer que le référent a été déjà introduit dans la situation
dâĂ©nonciation.
38. (séance02_séance de divination collective)
mey' ngĂ« hen iñâaa karam yii mey'
sortir PREP juste choseâĂž:DEICT.DIST instant y:DEM.PROX sortir
Il est sorti tout simplement, depuis un instant celui-ci sort.
39. (séance02_séance de divination collective)
iñâii kĂ«âapâoh nde Éii
choseâĂž:DEICT.PROX INFâtuerâRECIPR EMPH É:DEM.PROX
hay kĂ«âapoh
venir INFâtuerâRECIPR
Câest une vraie tuerie, ceux-ci vont se tuer.
40. (séance02_séance de divination collective)
wii mĂnâoo kĂ«âñaak wii
w:DEM.PROX pouvoirâNEG INFâĂ©viter w:DEM.PROX
CHAPITRE 5 77
faaw laak laakâoo soluson laakâoo ngĂ«
IDEO avoir avoirâNEG solution avoirâNEG PREP
Ceci ne peut ĂȘtre Ă©vitĂ©, ceci se produira forcĂ©ment. Il nây pas de solution, il nây en a
pas.
41. (séance02_séance de divination collective)
pareâaa Éuu han kĂ«âlijĂ«nte cii tes ÉĂ«
terminerâCOND 2PL venir.juste.de INFârĂ©soudre c:DEM.PROX rester REL
Si on termine, nous allons ensuite résoudre ceux-ci qui restent.
42. (Ă©licitation)
alber karâĂ«n yoonâaa yaa hul hareen
Albert partirâPARF champâĂ:DEICT.DIST y:DEM.DIST cultiver arachide
Albert est parti au champ. Celui-lĂ cultive des arachides.
43. (Ă©licitation)
a. kuuyâkaa hayâĂ«n
adolescentâk:DEICT.DIST venirâPARF
Lâadolescente est venue.
b. kaa hayâĂ«n
k:DEM.DIST venirâPARF
Celle-lĂ est venue.
44. (Ă©licitation)
a. kĂ«âoomaaâkaa pokâĂ«n mbaamâaa
k:DIMâenfantâk:DEICT.DIST attacherâPARF ĂąneâĂž:DEICT.DIST
Le petit enfant a attachĂ© lâĂąne.
b. kaa pokâĂ«n mbaamâaa
k:DEM.DIST attacherâPARF ĂąneâĂž:DEICT.DIST
Celui-lĂ a attachĂ© lâĂąne.
Le nom kuuy « adolescente » appartient à la paire de classe k qui est une classe
±humain, comme lâillustre lâexemple (43). Dans lâexemple (44), le diminutif domine
le trait humain.
5.5. Les pronoms interrogatifs
Dans les pronoms interrogatifs en noon, on peut observer une distinction du trait
humain. Le pronom interrogatif Ée « qui » est utilisĂ© pour se rĂ©fĂ©rer Ă des humains,
alors que ye « quoi » sâemploie pour se rĂ©fĂ©rer Ă des noms non humains. Dâautres
pronoms interrogatifs sont formĂ©s Ă partir dâun marqueur dâaccord et un suffixe.
78 LES PRONOMS
5.5.1. Le pronom interrogatif Ée
Le pronom interrogatif Ée « qui » est formĂ© avec le marqueur dâaccord pour les
humains É. Il renvoie Ă lâidentification dâune personne. Il peut aussi sâaccompagner
de la particule du prĂ©sentatif Éee qui joue le rĂŽle de sujet dans lâĂ©noncĂ©, (47-48).
45. (Ă©licitation)
fĂ« wo' nĂ« Ée
2SG parler avec É:qui
Avec qui parles-tu ?
46. (Ă©licitation)
hulâohâii yii Ée
cultiverâNOMSâĂž:DEICT.PROX y:DEM.PROX É:qui
Ce cultivateur, qui est-ce ?
47. (conte03_le champ dâharicots)
njĂ«âpĂ«nĂsânjĂ«Ć Éaap njii Éee
DIMâchevalânj:JONC papa nj:DEM.PROX É:PRES
Éanâeeâraa njĂ« Ée
prĂȘterâPASâO2SG nj:O3SG É:qui
Ce petit cheval de papa, qui te lâa prĂȘtĂ© ?
48. (interview02_divination)
Éee njom kĂ«âen payâoh Ée
É:PRES devoir INFâĂȘtre guĂ©rirâNOMS É:qui
Qui doit ĂȘre un devin ?
5.5.2. Le pronom interrogatif ye
Le pronom interrogatif ye « quoi » permet dâidentifier un objet non humain.
49. (Ă©licitation)
a. iñâii ye
choseâĂž:DEICT.PROX quoi
Quâest-ce que câest ?
b. iñâii ordinatĂ«râii
choseâĂž:DEICT.PROX ordinateurâĂž:DEICT.PROX
Câest lâordinateur.
CHAPITRE 5 79
50. (conte03_le champ dâharicots)
a. ÉĂșĂș tĂșmâan ye
1PL.INCL faireâFUT quoi
Que ferons-nous ?
b. mĂ« wo' an hay ÉĂșĂș ÆŽahâat
1SG parler COMP venir 1PL.INCL allerâIMPER.PL
Jâai dit : « Viens, nous partons ».
51. (Ă©licitation)
a. fë heel ngë caali ye
2SG chercher PREP Thialy quoi
Quâest-ce que tu cherches Ă Thialy ?
b. mĂ« heel pe'âcĂ«Ćângoo
1SG chercher chĂšvreâc:JONCâPOSS.1SG
Je cherche mes chĂšvres.
5.5.3. Le pronom interrogatif na ou në
Les pronoms interrogatifs na et në « comment » sont des variantes libres, ils
permettent de demander une spécification.
52. (Ă©licitation)
a. fĂ« tĂșm na
2SG faire comment
Comment vas-tu ?
b. mĂ« yeeâmĂ«
1SG y:PRESâANA
Je vais bien. (Littéralement : me voilà .)
53. (Ă©licitation)
a. ÆŽaalâii yii yĂ« teekâĂ« na
hommeâĂž:DEICT.PROX y:DEM.PROX y:3SG nommerâHAB comment
Cet homme, comment sâappelle-t-il ?
b. ÆŽaalâii yii teekâĂ« risar
hommeâĂž:DEICT.PROX y:DEM.PROX nommerâHAB Richard
Cet homme sâappelle Richard.
80 LES PRONOMS
54. (Ă©licitation)
a. ñamâahâii man nĂ«
mangerâNOMSâĂž:DEICT.PROX ressembler comment
Comment est le repas ?
b. ñamâahâii neehâĂ«n
mangerâNOMSâĂž:DEICT.PROX ĂȘtre.dĂ©licieuxâPARF
Le repas est délicieux.
5.5.4. Le pronom interrogatif ndaa
Le pronom interrogatif ndaa « maniÚre » est utilisé pour demander la maniÚre dont
une chose est rĂ©alisĂ©e. En dâautres termes, il permet de faire une description.
55. (interview02_divination)
ndaa maleeyâmaa ambâĂ«sâĂ« ÉĂ« ndaa
maniĂšre sableâm:DEICT.DIST attraperâPASSâHAB REL maniĂšre
teekâĂ« wĂ« ÉĂ«
nommerâHAB w:O3SG REL
Comment est attrapĂ© le sable ? Comment lâappelle-t-on ?
56. (Ă©licitation)
ndaa fĂ« hay kĂ«âtĂșm waaâmĂ«
maniĂšre 2SG venir INFâfaire w:DEM.DISTâANA
Comment feras-tu cela ?
Lâexemple (55) est une question posĂ©e Ă un devin pour quâil montre comment tenir
le sable durant la séance de divination et comment il peut donner un nom à cela.
5.5.5. Le pronom interrogatif yaande
Le pronom interrogatif yaande « oĂč » permet de demander la localisation dans
lâespace oĂč se trouve le rĂ©fĂ©rent. Il se construit dans un Ă©noncĂ© nominal.
57. (Ă©licitation)
a. yaande oomaaâcaa
oĂč enfantâc:DEICT.DIST
OĂč sont les enfants ?
b. oomaaâcaa enâĂ«s ngĂ« tĂșĂșyâaa
enfantâc:DEICT.DIST ĂȘtreâPL PREP chambreâĂž:DEICT.DIST
Les enfants sont dans la chambre.
CHAPITRE 5 81
58. (séance02_séance de divination collective)
a. yaande nookaâcaa
oĂč plumeâc:DEICT.DIST
OĂč sont les plumes ?
b. nookaâcaa fĂ«rĂ« yorâee
plumeâc:DEICT.DIST f:EMS.2SG tenirâPAS
Les plumes, câest toi qui (les) avais.
5.5.6. Le pronom interrogatif ngande
Le pronom interrogatif ngande « oĂč » est utilisĂ© pour demander la localisation,
lâorigine ou la destination du rĂ©fĂ©rent.
59. (Ă©licitation)
a. fë en ngande
2SG ĂȘtre oĂč
OĂč es-tu ?
b. mĂ« en ngĂ« kaan fĂĂli'â'oo
1SG ĂȘtre PREP maison amiâPOSS.1SG
Je suis chez mon ami.
60. (Ă©licitation)
a. ÆŽaalâcii Éii ÆŽah ngande
hommeâc:DEICT.PROX É:DEM.PROX aller oĂč
OĂč vont ces hommes ?
b. Éii ÆŽah yoonâcaa
É:DEM.PROX aller champâc:DEICT.DIST
Ils vont aux champs.
61. (Ă©licitation)
a. Éuu kolkâoh ngande
2PL leverâAPPL oĂč
DâoĂč venez-vous ?
b. ÉĂĂ kolkâoh silmaĆ
1PL.EXCL leverâAPPL Silmang
Nous venons de Silmang.
82 LES PRONOMS
5.5.7. Le pronom interrogatif kere
Le pronom interrogatif kere « quand » permet de demander le moment oĂč un Ă©vĂš-
ment sâest produit.
62. (Ă©licitation)
a. fĂ« hayâan kere
2SG venirâFUT quand
Quand viendras-tu ?
b. më hay kuwis
1SG venir demain
Je viendrai demain.
63. (Ă©licitation)
a. alber kaanâee kere
albert mourirâPAS quand
Quand est mort Albert ?
b. alber kaanâee wĂștĂșwa'
Albert mourirâPAS hier
Albert est mort hier.
5.5.8. Le pronom interrogatif iñaa tah
Le pronom interrogatif iñaa tah « pourquoi » est une expression formée par iñ
« chose » suffixĂ© au marqueur dĂ©icitique âaa et le verbe tah « causer » Il permet de
demander la raison pour laquelle un Ă©vĂšnement sâest produit.
64. (Ă©licitation)
a. iñâaa tah oomaaâcaa
choseâĂž:DEICT.DIST causer enfantâc:DEICT.DIST
wo'âĂ«sâsii kĂ«ânoon
parlerâPL.NEG k:COMMânoon
Pourquoi les enfants ne parlent-ils pas noon ?
b. lak ÉĂ« waa'âtii wĂ«
parce.que É:3PL vouloirâNEG w:O3SG
Parce quâils ne le veulent pas.
CHAPITRE 5 83
65. (Ă©licitation)
a. iñâaa tah fĂ« faanâĂ«k
choseâĂž:DEICT.DIST causer 2SG coucherâMOY
Pourquoi es-tu couché ?
b. lak mĂ« pĂ«nĂ«kâĂ«n
parce.que 1SG avoir.sommeilâPARF
Parce que jâai sommeil.
5.5.9. Le pronom interrrogatif hĂĂnnĂ«
Le pronom interrogatif hinnĂ« « combien » pourrait ĂȘtre une forme grammaticalisĂ©e
de hĂĂn « ĂȘtre Ă©gal » et lâinterrogatif nĂ« « comment ». Il permet de demander le prix
et le nombre.
66. (Ă©licittation)
a. mbaalâii hĂĂnnĂ«
moutonâĂž:DEICT.PROX combien
Combien coûte le mouton ?
b. njĂșnĂĂ ÉaĆkeh kanak
mille dix deux
Vingt mille francs.
67. (Ă©licitation)
a. fĂ« toonâoh kilo maal hĂĂnnĂ«
2SG vendreâAPPL kilo riz combien
Combien vendez-vous un kilo de riz ?
b. mĂ« toonâoh wĂ« ÉaĆkeh nĂkĂs
1SG vendreâAPPL w:O3SG dix quatre
Je le vends Ă 200 francs.
68. (Ă©licitation)
a. Éo' hĂĂnnĂ« ngĂ« tĂșĂșyâii
personne combien PREP chambreâĂž:DEICT.PROX
Combien de personnes se trouvent dans la chambre ?
b. laakâĂ«n Éo' Éahaay ngĂ« tĂșĂșyâii
avoirâPARF personne É:trois PREP chambreâĂž:DEICT.PROX
Il y a trois personnes dans la chambre.
84 LES PRONOMS
69. (Ă©licitation)
a. pe' hĂĂnnĂ«
chĂšvre combien
Combien de chĂšvres ?
b. pe' cĂ«âÉaĆkeh
chĂšvre c:JONCâdix
Dix chĂšvres.
Dans les exemples (66-67) le nombre dans le systÚme numéral est interprété
diffĂ©remment dans le systĂšme monĂ©taire. Le nombre njĂșnĂĂ correspond Ă cinq mille
francs et le nombre ÉaĆkeh correspond Ă cinquante francs dans le systĂšme monĂ©taire
(cf. 6.3. Le numéral).
5.5.10. Le pronom interrogatif Ciinde
Le pronom interrogatif Ciinde est formĂ© Ă partir dâun marqueur dâaccord du
deuxiĂšme systĂšme de classes nominales (cf. 4.2.) et le suffixe âiinde. Il est utilisĂ©
pour demander Ă lâallocutaire dâopĂ©rer un choix parmi plusieurs rĂ©fĂ©rents.
70. (Ă©licitation)
a. fĂ« malak Éuwâii Éiinde
2SG regarder personneâĂž:DEICT.PROX É:lequel
Quelles personnes regardes-tu ?
b. mĂ« malak Éuwâii enâĂ«s kĂ«âmbec ÉĂ«
1SG regarder personneâĂž:DEICT.PROX ĂȘtreâPL INFâdanser REL
Je regarde les personnes qui dansent.
71. (Ă©licitation)
a. payâohâii ngĂș' ketĂ«kâkii kiinde
guĂ©rirâNOMSâĂž:DEICT.PROX couper arbreâk:DEICT.PROX k:lequel
Quel arbre coupe le devin ?
b. yii ngĂș' Éoh
y:DEM.PROX couper baobab
Il coupe un baobab.
72. (Ă©licitation)
a. fĂ« hotâĂ«n otoânâii wii
2SG voirâPAR autoâNâĂž:DEICT.PROX w:DEMâĂž:DEICT.PROX
Tu as vu cette voiture.
CHAPITRE 5 85
b. wiinde
w:lequel
Laquelle ?
c. wii Éak ketĂ«kâkii
w:DEM.PROX cĂŽtĂ© arbreâk:DECIT.PROX
Celle qui est Ă cĂŽtĂ© de lâarbre.
5.5.11 Le pronom indĂ©fini CĂlĂs
Le pronom indĂ©fini CĂlĂs est formĂ© Ă partir dâun marqueur dâaccord du deuxiĂšme
systĂšme de classes nominales (cf. 4.2) et le suffixe ĂlĂs. Il est traduit en français par
« autre ».
73. (Ă©licittion)
hatim laakâĂ«n kaan fĂĂnóó waarâĂ«n fĂlĂs
Khadim avoirâPARF maison f:un vouloirâPARF f:autre
Khadim a une maison, il veut une autre.
74. (Ă©licitation)
Éewâaa mĂșĂșâmii mii
prendreâIMPER.SG eauâm:DEICT.PROX m:DEM.PROX
erâaaâroo mĂlĂs
donnerâIMPER.SGâO1SG m:autre
Prends cette eau et donne-moi une autre.
75. (rĂ©cit01âsociolinguistique)
ÉĂĂnóóâÉaa kolkâohâĂ«sâee pade ÉĂlĂsâÉaa
É:unâÉ:DEICT.DIST leverâAPPLâPLâPAS FandĂšne É:autreâÉ:DEICT.DIST
kolkâohâĂ«sâee laalaa ee mĂ« yorâeeâÉĂ«
leverâAPPLâPL âPAS Laalane et 1SG tenirâPASâÉ:O3PL
Les uns venaient de FandĂšne, les autres venaient de Laalane et jâĂ©tais leur tuteur.
6. La détermination du nom
Cette partie est consacrée aux différents types de marquage qui permettent
dâidentifier un nom prĂ©cis dans la situation de rĂ©fĂ©rence. Le nom peut ĂȘtre employĂ©
sans affixes pour exprimer lâindĂ©fini, il peut aussi ĂȘtre marquĂ© par un dĂ©ictique
suffixal ou suivi par des déterminants démonstratif, anaphorique, qualificatif et
numéral.
6.1. Lâexpression de lâindĂ©fini
Lâexpression de lâindĂ©fini est marquĂ©e par un nom sans suffixes. Les noms sans
suffixes appartenant aux paires de classes (Ăž/c, f/c, m/c) peuvent renvoyer aussi bien
au singulier quâau pluriel si rien dans le contexte nâindique la pluralitĂ© du rĂ©fĂ©rent,
comme illustrĂ© Ă lâexemple (1). Cependant, les noms des paires de classes (k/t, p/t,
nj/t) sont marquĂ©s par une alternance de marqueur dâaccord de singulier ou pluriel.
dans la distinction du nombre singulier/pluriel, comme lâillustre lâexemple (2).
1. (Ă©licitation)
mĂ« hotâĂ«n oomaa'
1SG voirâPARF enfant
Jâai vu un enfant/des enfants.
2. (Ă©licitation)
a. hulâohâaa ÉewâĂ«n pesoh
cultiverâNOMSâĂž:DEICT.DIST prendreâPARF p:graine
Le cultivateur a pris une graine.
b. hulâohâcaa ÉewâuuânâĂ«n tesoh
cultiverâNOMSâc:DEICT.DIST prendreâPLâNâPARF t:graine
Les cultivateurs ont pris des graines.
Lâexpression de lâindĂ©fini peut aussi avoir une valeur de gĂ©nĂ©rique qui prĂ©cise la
spécification du référent dans le discours, comme en (3-6). Le nom en valeur
générique, qui appartient aux paires de classes (k/t, p/t, nj/t), ne porte pas un
marqueur dâaccord du pluriel, comme lâillustre lâexemple (3). Lâexemple (4) est une
illustration du conflit de gĂ©nĂ©ration entre les jeunes et les vieux. Dans lâexemple (5),
le lexĂšme pay' est un verbo-nominal, câest un terme Ă valeur gĂ©nĂ©rique qui renvoie Ă
la divination.
3. (Ă©licitation)
mĂ« waarâĂ«n ketĂ«k
1SG vouloirâPARF k:arbre
Jâaime lâarbre.
88 LA DETERMINATION DU NOM
4. (chant01_mbilim)
yaak wo'âsiisâsii oomaa' keloh oomaa' malak wate
aĂźnĂ© parlerâITERâNEG enfant Ă©couter enfant regarder aujourdâhui
iñâaa new'âpĂ«
choseâĂž:DEICT.DIST ĂȘtre.nouveauâNARR
Les jeunes nâobeissent pas aux vieux. Aujourdâhui les jeunes suivent la mode.
5. (séance01_divination)
pay' tĂșmâĂ«sâsĂ« anee
guĂ©rir faireâPASSâNARR maniĂšre
La divination est pratiquée de cette maniÚre.
6.2. Lâexpression du dĂ©fini
6.2.1. Le déictique suffixal
Le nom peut ĂȘtre marquĂ© par un dĂ©ictique suffixal qui est formĂ© dâun marqueur
dâaccord des deux systĂšmes de classes nominales et un marqueur dĂ©ictique. Il donne
au nom auquel il est suffixé une valeur spécifique. Les marqueurs déictiques entrent
dans la construction des déterminants du nom. Ils se présentent comme illustrés ci-
dessous.
âii (Il indique que le rĂ©fĂ©rent est proche dans lâespace et le temps.)
âaa (Il indique que le rĂ©fĂ©rent est Ă©loignĂ© dans lâespace et le
temps. Il permet aussi dâindiquer que le rĂ©fĂ©rent a Ă©tĂ© dĂ©jĂ introduit dans
la situation dâĂ©nonciation. )
Tableau 6.1 : Les marqueurs du dĂ©ictique suffixal sur le nom tĂȘte
Marqueur dâaccord de classe Marqueur dĂ©ictique
Ăž/c
f/c
m/c âii/âaa
k/t
p/t
nj/t
CHAPITRE 6 89
Tableau 6.2 : Les marqueurs du déictique suffixal sur les autres modifieurs
±humain ±Diminutif Marqueurs
dâaccord
Marqueurs
déictiques
+humain
-diminutif
ÆŽ /É
âii/âaa
-humain
w/c
f/c
m/c
±humain ±diminutif k/t
-humain
-diminutif
p/t
nj/t
6. (Ă©licitation)
oomaaânâii yĂ«ânjofĂ«'âyii
enfantâNâĂž:DEICT.PROX y:JONCâĂȘtre.bonâADJây:DEICT.PROX
Le gentil enfant.
7. (Ă©licitation)
kĂ«âoomaaâkii kĂ«ânjofâĂ«'âkii
k:DIMâenfantâk:DEICT.PROX k:JONCâĂȘtre.bonâADJâk:DEICT.PROX
Le gentil petit enfant.
Le nom tout comme ses modifieurs peuvent porter un déictique suffixal. Le
marqueur dâaccord du dĂ©ictique suffixal, qui est attachĂ© au nom, appartient au
premier systÚme de classes nominales. Cependant, celui des modifieurs séparés du
nom, appartient au deuxiÚme systÚme de classes nominales qui est marqué par une
distinction des traits humain et diminutif, comme lâillustrent les exemples (6-7).
Les marqueurs du déictique suffixal sont attachés au nom. En effet, il se produit un
phénomÚne de sonorisation qui affecte les consonnes sourdes des classes nominales
[p, k, c, t] en position intervocalique ou lorsquâelles sont prĂ©cĂ©dĂ©es des consonnes [l,
w, j] ; elles deviennent sonores (cf. 2.2.3.).
8. (Ă©licitation)
pĂșĂșâpii [puubii] « la feuille »
kowuâkii [kÉwugii] « lâenfant »
ÆŽaalâcii [ÊaalÉii] « les hommes »
liwâcii [liwÉii] « les fumiers »
tuuyâtii [tuujdii] « les jeunes filles »
90 LA DETERMINATION DU NOM
9. (récit01_sociolinguistique)
kĂ«ânoonâkii Éeskâii Éii
k:COMMânoonâk:DEICT.PROX endroitâĂž:DEICT.PROX 1PL.EXCL
enâoh ÉĂ« yewĂ«nâsiisâsii
ĂȘtreâAPPL REL ĂȘtre.beaucoupâITERâNEG
La (langue) noon est peu parlĂ©e dans lâendroit oĂč nous sommes.
10. (Ă©licitation)
mbaayâfii fĂ«âyakâfii
chienâf:DEICT f:JONCâgrandirâf:DEICT.PROX
Le grand chien.
11. (Ă©licitation)
ketĂ«kâkii kĂ«âyakâkii
k:arbreâk:DEICT.PROX k:JONCâgrandirâk:DEICT.PROX
Le grand arbre.
12. (conte01_le troupeau de la vieille femme)
pe'âfaa faanâĂ«kâkĂ« ngĂ« mboos tĂșĂșyâaa
chĂšvreâf:DEICT.DIST coucherâMOYâNARR PREP derriĂšre caseâĂž:DEICT.DIST
La chĂšvre se coucha dans l'enclos.
13. (récit01_sociolinguistique)
oomaaâcaa ÉĂ«âÆŽaalâÉaa nĂ«
enfantâc:DEICT.DIST É:JONCâhommeâÉ:DEICT.DIST avec
ÉĂ«âÉetĂ«wâÉaa panjâohâuuânâĂ«n
É:JONCâfemmeâÉ:DEICT.DIST marierâRECIPRâPLâNâPARF
Les jeunes garçons et les jeunes filles se sont mariés.
6.3. Les déterminants démonstratifs
Les pronoms démonstratifs (cf.5.2.) peuvent fonctionner comme des déterminants
dĂ©monstratifs. Les dĂ©terminants dĂ©monstratifs ont dâautres marqueurs dĂ©ictiques
supplémentaires qui mettent en jeu une distinction par rapport à la distance. Ces
marqueurs portent un marqueur spatial y : âaay et âĂșĂșy, âĂșĂșyee, ce dernier porte un
suffixe supplĂ©mentaire âee pour marquer une distance plus importante. Le marqueur
dĂ©ictique âĂșĂș existe seulement dans les dialectes pade-noon et saawi-noon qui ont
une distinction ternaire (proche de lâĂ©nonciateur âii, proche de lâallocutaire âĂșĂș et
distant des interlocuteurs âaa). Le cangin-noon aurait rĂ©duit son sytĂšme ternaire de
démonstratifs en un systÚme binaire proche et éloigné des interlocuteurs.
âii (proche des interlocuteurs)
âaa (Ă©loignĂ© des interlocuteurs)
CHAPITRE 6 91
âaay (distant des interlocuteurs degrĂ© 1)
âĂșĂșy (distant des interlocuteurs degrĂ© 2)
âĂșĂșyâee (distant des interlocuteurs degrĂ© 3)
Tableau 6.3 : Les déterminants démonstratifs
Marq
ueu
r
dâacco
rd
Po
sition
1
Po
sition
2
Po
sition
3
Po
sition
4
Po
sition
5
y/É
âii
âaa
âaay
âĂșĂșy
âĂșĂșyâee
w/c
f/c
m/c
k/t
p/t
nj/t
Les déterminants démonstratifs sont séparés du nom qui porte toujours un déictique
suffixal. Ainsi, le noon possÚde cinq déterminants démonstratifs pour désigner un
référent en précisant sa localisation par rapport aux interlocuteurs, comme illustré
aux exemples (14-22).
14. (Ă©licitation)
a. kaanâfii fii
maisonâf:DEM.PROX f:DEM.PROX
Cette maison-ci.
b. kaanâfaa faa
maisonâf:DEM.DIST f:DEM.DIST
Cette maison-lĂ .
c. kaanâfaa faay
maisonâf:DEM.DIST f:DEM.SPAT
Cette maison lĂ -bas.
d. kaanâfaa fĂșĂșy
maisonâf:DEM.DIST f:DEM.SPAT
Cette maison loin lĂ -bas.
92 LA DETERMINATION DU NOM
e. kaanâfaa fĂșĂșyee
maisonâf:DEM.DIST f:DEM.SPAT
Cette maison trĂšs loin lĂ -bas.
15. (Ă©licitation)
Éetâii yii teekâĂ« zaan
femmeâĂž:DEICT.PROX y:DEM.PROX nommerâHAB Jeanne
Cette femme-ci sâappelle Jeanne.
16. (Ă©licitation)
kuuyâkii kii
k:adolescenteâk:DEICT.PROX k:DEM:PROX
Cette adolescente-ci.
17. (interview02_divination)
pur Éamâii wii laak malkat
pour paixâĂž:DEICT.PROX w:DEM.PROX avoir regarderâIMPER.PL
gaalâii wii
pirogueâĂž:DEICT.PROX w:DEM.PROX
Pour quâil y ait cette paix regardons cette figure (gĂ©omantique).
18. (interview02_divination)
sobeâcii cii mĂnâoo kĂ«âyah pay'
impuretĂ©âc:DEICT.PROX c:DEICT.PROX pouvoirâNEG INFâgater guĂ©rir
Ces impuretés ne peuvent pas gùter (la) divination.
19. (conte03_le champ dâharicots)
kĂ«âpĂ«nĂ«sâkii kii kuu Éaap fĂ«
k:DIMâchevalâk:DEICT.PROX k:DEM.PROX k:JONC papa 2SG
ka'âtĂ« fĂ« Éew'âpĂ«
partirâNARR 2SG prendreâNARR
Le petit cheval de mon papa, tu es parti, tu (lâ) as pris.
20. (Ă©licitation)
ÆŽaalâaa ngĂș' ketĂ«kâkaa kaay
hommeâĂž:DEICT.DIST couper k:arbreâĂž:DEICT.PROX k:DEM.SPAT
Lâhomme coupe cet arbre lĂ -bas.
21. (Ă©licitation)
fĂ« heel Éo' ngĂ« kaanâfaa fĂșĂșy
2SG chercher personne PREP maisonâf:DEICT.DIST f:DEM.SPAT
Tu cherches une personne dans cette maison loin lĂ -bas.
CHAPITRE 6 93
22. (Ă©licitation)
tesohâtaa tĂșĂșyee fĂ« hot ÉĂ«
t:grainesât:DEICT.DIST t:DEM.DIST 2SG voir REL
laakâuuânâĂ«n tikiis tĂ«âtanak
avoirâPLâN âPARF t:annĂ©e t:JONCât:deux
Ces graines trĂšs loin lĂ -bas, que tu vois, ont deux ans.
Lopis-Sylla (2010) nâa pas fait de distinction entre les dĂ©ictiques âaay et âĂșĂșy ; elle
les considĂšre comme des variantes libres (Ibid.:215-217). Nous ne pensons pas
quâils soient des variantes libres. Nous considĂ©rons ces dĂ©ictiques distincts par
rapport Ă la distance, ils expriment une variation dans la distance selon nos
informateurs.
Le dĂ©terminant dĂ©monstratif peut avoir une fonction prĂ©dicative. Lorsquâil est
suffixĂ© Ă un dĂ©ictique proximal âii, il peut avoir une valeur de progressif ou de
prospectif, comme illustrĂ© Ă lâexemple (23).
23. (Ă©licitation)
Éetâii yii Éok oomaaânâii
femmeâĂž:DEICT.PROX y:DEM.PROX laver enfantâNâĂž:DEICT.PROX
La femme est en train de laver lâenfant [progressif]
La femme va laver lâenfant [prospectif]
24. (conte04_oncle Lion)
Éaal yii ngalaañâĂ«k nĂ« tamaaâĂ«Ćânge rek
hyĂšne y:DEM.PROX amuserâMOY avec tamtamâĂž:JONCâPOSSâ3SG seulement
HyĂšne sâamuse seulement avec son tam-tam.
25. (conte03_le champ dâharicots)
Éuunâii yii Éey mbaamâii
fourmiliĂšreâĂž:DEICT.PROX y:DEM.PROX amener ĂąneâĂž:DEICT.PROX
nĂ« sĂ«fâcii
avec chargeâc:DEICT.PROX
Les fourmis amĂšnent l'Ăąne et les provisions.
26. (Ă©licitation)
mbaalâcii cii ñam pĂ©Ă©ngĂĂ
moutonâc:DEICT.PROX c:DEM.PROX manger herbe
Les moutons sont en train de manger des herbes.
94 LA DETERMINATION DU NOM
Dans les contes, les animaux peuvent ĂȘtre personnifiĂ©s, comme en (24-25). Lorsque
le dĂ©monstratif est suffixĂ© Ă un dĂ©ictique distal âaa, il peut renvoyer Ă une action
Ă©loignĂ©e dans lâespace ou dans le temps, comme Ă lâexemple (27).
27. (chant02_mbilim)
oomaaâcaa Éaa lĂ©y'
enfantâc:DEICT.DIST É:DEM.DIST tourmenter
Les enfants sont tourmentés.
6.3.1. Lâanaphorique mĂ«
Le marqueur anaphorique mĂ« peut ĂȘtre attachĂ© au dĂ©terminant dĂ©monstratif et per-
mettre de renvoyer Ă un rĂ©fĂ©rent dĂ©jĂ introduit dans la situation dâĂ©nonciation.
Dans lâexemple (28), lâexpression « attraper lâeau » fait rĂ©fĂ©rence au pouvoir
mystique quâun devin possĂšde pour empĂ©cher la pluie de tomber.
28. (Ă©licitation)
payâohâaa ambâĂ«n mĂșĂșâmaa
guĂ©rirâNOMSâĂž:DEICT.DIST attraperâPARF eauâm:DEICT.DIST
mĂșĂșâmaa maaâmĂ« ÉaakâuuânâĂ«n
eauâm:DEICT.DIST m:DEM.DISTâANA cacherâPASS âNâPARF
ngĂ« mboos Éoh
PREP derriĂšre baobab
Le devin a attrapĂ© lâeau. Cette eau-lĂ est cachĂ©e sous un baobab.
29. (conte02_la fille et le djinn)
guugâaa yaaâmĂ« nak ÉalâlĂ« kĂ«âwo'
vieuxâĂž:DEICT.DIST y:DEM.DISTâANA ainsi commencerâNARR INFâparler
an iñâaa en ngĂ« Éew' mĂ« hay kĂ«âunoh
COMP choseâĂž:DEICT.DIST ĂȘtre PREP tout 1SG venir INFâsavoir
Ce vieux-lĂ dit ainsi : « Tout ce quâil en est, je saurai ».
30. (conte03_le champ dâharicots)
tĂșmâmbĂ« hen Éii mbesâcaa caaâmĂ«
faireâNARR juste jusqu'Ă jourâc:DEICT.DIST c:DEM.DISTâANA
yĂ« neehâee
y:3SG dormirâPAS
Il faisait ainsi pendant ces jours-lĂ quâil dormait.
6.4. Les déterminants qualificatifs
En noon, les adjectifs sont des lexĂšmes adjectivo-verbaux, ils peuvent ĂȘtre des
dĂ©pendants du nom ou en fonction prĂ©dicative, comme lâillustre lâexemple (31). Les
CHAPITRE 6 95
dĂ©terminants qualificatifs sont postposĂ©s au nom et sont construits Ă lâaide dâun
joncteur qui porte un marqueur dâaccord du deuxiĂšme systĂšme de classes nominales
(cf. 4.2.). Le joncteur est prĂ©fixĂ© au dĂ©pendant du nom et permet dâintroduire
différents types de dépendants dans la construction du constituant nominal. Les
dĂ©terminants qualificatifs peuvent soit porter lâadjectiviseur âĂ«' soit ĂȘtre employĂ©s
seuls (cf. 9.1.1.) Aucune diffĂ©rence nâest notĂ©e dans les deux types de construction,
comme illustré à (32).
31. (Ă©licitation)
a. oomaaânâii yĂ«âyakâyii
enfantâNâĂž:DEICT.PROX y:JONCâgrandirây:DEICT.PROX
Le grand enfant.
b. oomaaânâii yakâĂ«n
enfantâNâĂž:DEICT.PROX grandirâPARF
Lâenfant est grand.
32. (Ă©licitation)
a. ÆŽaal yĂ«ânjofâĂ«'
homme y:JONCâĂȘtre.bonâADJ
Un homme gentil.
b. ÆŽaal yĂ«ânjof
homme y:JONCâĂȘtre.bon
Un homme gentil.
33. (récit01_sociolinguistique)
ÉĂĂ wo'â'Ă« kulĂ«' wĂ«âcĂșĂșngâĂ«'
1PL.EXCL parlerâNARR couleur W:JONCâĂȘtre rougeâADJ
Nous disons couleur rouge.
34. (Ă©licitation)
oomaaânâii yĂ«ânjututâĂ«'âyii njofâĂ«n
enfantâNâĂž:DEICT.PROX y:JONCâĂȘtre.petitâADJây:DEICT.PROX ĂȘtre.bonâPARF
Le petit enfant est gentil.
35. (Ă©licitation)
iñâii oto' wĂ«âas
choseâĂž:DEICT.PROX voiture w:JONCâĂȘtre.nouveau
C'est une voiture neuve.
96 LA DETERMINATION DU NOM
6.5. Le numéral
Le systÚme numéral en noon est quinaire et décimal, les numéraux commencent de 1
à 5 et à partir de 6 on additionne un numéral en recommençant à partir de un. Il
existe aussi des lexÚmes numéraux de base pour 10, 100, 1000.
36. (Ă©licitation)
wĂĂnóó 1
kanak 2
kaahay 3
nĂkĂs 4
yĂștĂșs 5
ÉaĆkeh 10
tééméé'9 100
njĂșnĂĂ' 1000
Les autres numéraux sont des constituants répartis en deux groupes : les syntagmes
juxtaposés et les syntagmes coordinatifs (Lopis-Sylla 2010:242).
- Les syntagmes complétifs juxtaposés
Ils sont formés par juxtaposition avec les numéraux de base. Cette opération
correspond Ă une multiplication (10x2= 20).
37. (Ă©licitation)
ÉaĆkeh kanak 20
ÉaĆkeh kaahay 30
ÉaĆkeh nĂkĂs 40
ÉaĆkeh yĂștĂșs 50
tééméé' kanak 200
njĂșnĂĂ' kaahay 3000
- Les constituants coordinatifs
Les constituants coordinatifs sont reliés par un coordinateur additif në « avec ».
Cette opération correspond à une addition (5+1= 6)
38. (Ă©licitation)
yĂștĂșs nĂ« wĂĂnóó 6
yĂștĂșs nĂ« kanak 7
yĂștĂșs nĂ« kaahay 8
yĂștĂșs nĂ« nĂkĂs 9
9 La variante libre tĂĂmĂĂ' est aussi utilisĂ©e chez les locuteurs noon.
CHAPITRE 6 97
ÉaĆkeh nĂ« wĂĂnóó 11
ÉaĆkeh nĂ« yĂștĂșs nĂ« wĂĂnóó 16
Le nombre 52 ÉaĆkeh yĂștĂșs nĂ« kanak (10x5)+2 a la mĂȘme construction que le
nombre 70 ÉaĆkeh yĂștĂșs nĂ« kanak 10x(5+2). Pour Ă©viter la confusion, les locuteurs
noon utilisent le numĂ©ral ordinal tĂk ngĂ« qui, littĂ©ralement, signifie « poser sur ou
ajouter » dans la construction du nombre 52. Ainsi, on dira ÉaĆkeh yĂștĂșs tĂk ngĂ«
kanak pour le nombre 52. Pour le nombre 70, on dira ÉaĆkeh yĂștĂșs nĂ« kanak.
Certains locuteurs noon utilisent aussi la forme yĂșt au lieu de yĂștĂșs dans la
construction du nombre 70. Ainsi, pour Ă©viter la confusion, ils diront ÉaĆkeh yĂșt nĂ«
kanak qui correspond au nombre 70 et ÉaĆkeh yĂștĂșs nĂ« kanak pour le nombre 52.
Les locuteurs noons ont parfois des difficultés pour compter au-delà de cinquante.
Ils utilisent souvent des termes dâusage commun en wolof. Ceci pourrait expliquer
les différentes interprétations des nombres 52 et 70.
LâinterprĂ©tation de certains nombres dans le systĂšme numĂ©ral est diffĂ©rente dans le
systĂšme monĂ©taire bien que les locuteurs noon utilisent les mĂȘmes nombres, comme
lâillustrent les exemples (39-40).
SystÚme numéral SystÚme monétaire
ÉaĆkeh 10 50 francs
tééméé' 100 500 francs
njĂșnĂĂ' 1000 5000 francs
39. (Ă©licitation)
mbaalâii en ngĂ« hurmbĂ«lâii caalâlĂ« njĂșnĂĂ'
moutonâĂž:DEICT.PROX ĂȘtre PREP enclosâĂž:DEICT.PROX couterâNARR mille
Le mouton qui est dans l'enclos coûte cinq mille francs.
40. (Ă©licitation)
mĂ« lomâohâĂ«n maalâii ÉaĆkeh nĂkĂs
1SG acheterâAPPLâPARF rizâĂž:DEICT.PROX dix quatre
Jâai achetĂ© le riz Ă 200 francs.
6.5.1. Les déterminants numéraux
Les numéraux sont des formes indépendantes mais ils peuvent fonctionner comme
des dĂ©terminants. Ils sâaccordent alors avec le nom quâils dĂ©terminent en portant un
marqueur dâaccord du deuxiĂšme systĂšme de classes nominales (cf. 4.2.). Les
dĂ©terminants numĂ©raux sont soumis Ă lâaccord de classe, ils peuvent porter un
prĂ©fixe de classe ou ĂȘtre contruits Ă lâaide dâun joncteur. Les dĂ©terminants numĂ©raux
wĂĂnóó « un », kanak « deux » et kahaay « trois » portent un prĂ©fixe de classe du
98 LA DETERMINATION DU NOM
nom quâils dĂ©terminent selon les traits humains et diminutif. Le dĂ©terminant numĂ©ral
wĂĂnóó porte le marqueur dâaccord du nom quâil dĂ©termine et sâaccorde aussi au
singulier comme au pluriel, (41-43).
41. (conte01_le troupeau de la vieille femme)
yĂ« lookâkĂ« pe'âcaa Éii tesâsĂ«
y:3SG volerâNARR chĂšvreâc:DEICT.DIST jusqu'Ă resterâNARR
pe' fĂĂnóó
chĂšvre f:un
Il volait les chĂšvres jusquâĂ ce qu'il en reste une.
42. (interview02_divination)
ñiindâaa wo'âĂ«sâsĂ« avril ÉĂĂ yuĆ
moisâĂž:DEICT.PROX parlerâPASSâNARR avril 1PL.EXCL sâasseoir
ngĂ« ndii nĂ« payâoh yĂĂnóó wo'âĂ«sâsĂ« paskal
PREP ici avec guĂ©rirâNOMS y:un parlerâPASSâNARR Pascal
Câest le mois dâavril, nous sommes ici avec un devin appelĂ© Pascal.
43. (récit01_sociolinguistique)
ÉĂĂnóóâÉaa kolĂ«kâohâĂ«sâee pade ÉĂlĂsâÉaa
É:unâÉ:DEICT.DIST leverâAPPLâPLâPAS FandĂšne É:autreâÉ:DEICT.DIST
kolĂ«kâohâĂ«sâee laalaa ee mĂ« yorâeeâÉĂ«
leverâAPPLâPL âPAS Laalaane et 1SG tenirâPASâO3PL
Les uns venaient de FandĂšne, les autres venaient de Laalane et jâĂ©tais leur tuteur.
Les déterminants numéraux kanak « deux » et kahaay « trois » portent le marqueur
dâaccord pluriel humain É pour les noms dâhumains, comme en (44-45).
Tableau 6.4 : Les déterminants numéraux deux et trois
±humain ±Diminutif nombre 2 nombre 3
+humain -diminutif Éanak Éahaay
-humain -diminutif kanak kahaay
±humain ±diminutif tanak tahaay
44. (Ă©licitation)
Éo' Éanak hayâuuânâĂ«n
personne É:deux venirâPLâNâPARF
Deux personnes sont venues.
CHAPITRE 6 99
45. (Ă©licitation)
oomaa' Éanak mey' hen
enfant É:deux sortir juste
Deux enfants viennent de sortir.
46. (Ă©licitation)
ÉĂșĂș hotâĂ«n payâoh Éahaay
1PL.INCL voirâPARF guĂ©rirâNOMS É:trois
Nous avons vu trois devins.
47. (Ă©licitation)
ÉĂĂ lomâĂ«n pe' kanak
1PL.EXCL acheterâPARF chĂšvre k:deux
Nous avons acheté deux chÚvres.
48. (Ă©licitation)
laakâĂ«n ndap kahaay
avoirâPARF grenier k:trois
Il y a trois greniers.
49. (Ă©licitation)
a. yii ngĂș' tetĂ«k tanak
y:DEM.PROX couper t:arbre t:deux
Il est en train de couper deux arbres.
b. yii ngĂș' tetĂ«k tahaay
y:DEM.PROX couper t:arbre t:trois
Il est en train de couper trois arbres.
50. (Ă©licitation)
a. tĂ«âoomaa' tanak
t:DIMâenfant t:deux
Deux petits enfants.
b. tĂ«âoomaa' tahaay
t:DIMâenfant t:trois
Trois petits enfants.
Pour les noms dâanimĂ©s non humains et dâinanimĂ©s, le marqueur dâaccord est k au
lieu de c qui est le marqueur dâaccord pluriel de ces noms, (47-48). Pour les noms
portant le préfixe nominal de classe pluriel t ou le diminutif të, les numéraux kanak
et kahaay sont soumis Ă lâaccord de classe, comme en (49-50).
100 LA DETERMINATION DU NOM
Les dĂ©terminants numĂ©raux Ă partir du nombre 4 sont construits Ă lâaide dâun jonc-
teur qui porte un marqueur dâaccord prĂ©fixĂ© au dĂ©terminant numĂ©ral.
51. (Ă©licitation)
enoh cĂ«ânĂkĂs
vache c:JONCâquatre
Quatre vaches.
52. (Ă©licitation)
kaan cĂ«âÉaĆkeh yĂștĂșs
maison c:JONCâdix cinq
Cinquante maisons.
53. (Ă©licitation)
ketĂ«kâkii fĂ« hot ÉĂ« laakâĂ«n tikiis
k:arbreâk:DEICT.PROX 2SG voir REL avoirâPARF t:annĂ©e
tĂ«âtĂ©Ă©mĂ©Ă©' nĂ« tĂ«âÉaĆkeh kanak
t:JONCâcent avec t:JONCâdix deux
Lâarbre que tu vois, a cent vingt ans.
54. (Ă©licitation)
laakâĂ«n Éo' ÉĂ«âdaĆkeh yĂștĂșs nĂ« ÉĂ«âyĂștĂșs
avoirâPARF personne É:JONCâdix cinq avec É:JONCâcinq
Il y a cinquante cinq personnes.
55. (Ă©licitation)
naah yĂștĂșs nĂ« Éanak karâunânâĂ«n
guĂ©risseur cinq avec É:deux partirâPLâNâPARF
Sept guérisseurs sont partis.
56. (Ă©licitation)
alber yii toon kaanâcii kanakâcii
Albert y:DEM.PROX vendre maisonâc:DEICT.PROX deuxâc:DEICT.PROX
Albert vend les deux maisons.
57. (Ă©licitation)
Éetiâcii ÉahaayâÉii moorâuuânâĂ«n
femmeâc:DEICT.PROX É:troisâÉ:DEICT.PROX ĂȘtre.joliâPLâNâPARF
Les trois femmes sont belles.
Il faut noter que dans les syntagmes complétifs juxtaposés, seul le premier détermi-
nant numĂ©ral porte un joncteur, comme lâillustre lâexemple (52). Cependant, dans
CHAPITRE 6 101
les syntagmes coordinatifs, chacun des déterminants numéraux porte un joncteur,
(53-54). Les dĂ©terminants numĂ©raux wĂĂnóó, kanak et kahaay sâaccordent aussi avec
le nom quâils dĂ©terminent dans les syntagmes coordinatifs, comme illustrĂ© Ă (55).
Lorsque le nom porte un déictique suffixal, le déterminant numéral porte aussi un
déictique suffixal, (56-57).
6.6. Les quantifieurs
Les quantifieurs en noon sont des déterminants qui permettent de quantifier le nom
quâils dĂ©terminent.
6.6.1. Lâindividualisateur
Lâindividualisateur correspond au dĂ©terminant numĂ©ral wĂĂnóó « un ». Il sâaccorde
avec le nom quâil dĂ©termine en portant son marqueur dâaccord (cf. 6.4.1.).
58. (Ă©licitation)
kaan fĂĂnóó tamâĂ«n
maison f:un brulerâPARF
Une maison est brûlée
59. (interview02_divination)
fĂ« hot ketĂ«k kĂĂnóó pay' fasoĆ ÉaĆkeh
2SG voir k:arbre k:un guérir façon dix
caa mbokâkii
c:DEM.DIST ressemblerâNEG
Tu vois un arbre qui guérit dix sortes (de maladie) différentes.
60. (Ă©licitation)
yĂĂnóó ngĂ«ârĂĂ karâĂ«n
y:un PREPâO1PL.EXCL partirâPARF
Un parmi nous est parti.
61. (conte01_le troupeau de la vieille femme)
pe'âcaa mey' par yĂinoo~yĂĂnóó
chĂšvreâc:DEICT.DIST sortir par y:un~DISTR
Les chĂšvres sortent une par une.
Dans lâexemple (61), les animaux sont personnifiĂ©s dans les contes et par
consĂ©quent ils portent un marqueur dâaccord humain.
102 LA DETERMINATION DU NOM
6.6.2. Les totalisateurs ÉĂ©w' et tĂșĂșh
Les totalisateurs ÉĂ©w' « tout » et tĂșĂșh « tout » sont postposĂ©s au nom quâils dĂ©termi-
nent et sont invariables. Ils renvoient Ă la totalitĂ© des Ă©lĂ©ments dâun ensemble ou Ă
un élément en entier.
62. (Ă©licitation)
Éetiâcaa ÉĂ©w' nee'âĂ«n mĂșĂș' ngĂ« loosâii
femmeâc:DEICT.DIST tout puiserâPARF eau PREP puitsâĂž:DEICT.PROX
Toutes les femmes ont puisĂ© de lâeau au puits.
63. (conte03_le champ dâharicots)
nupâpĂ« ngĂ« luuwâaa hafâaa
courirâNARR PREP brousseâĂž:DEICT.PROX tĂȘteâĂž:DEICT.PROX
ÉĂ©w' leehâĂ«n
tout finirâPARF
Il courut vers la forĂȘt, toute sa tĂȘte fut brĂ»lĂ©e.
64. (conte01_le troupeau de la vieille femme)
Éaal ÉewâĂ«n pe'âcĂ«Ćângoo
hyĂšne prendreâPARF chĂšvreâc:JONCâPOSS.1SG
tĂșĂșh namâĂ«n
tout mangerâPARF
HyÚne a pris toutes mes chÚvres et (les) a mangées.
65. (conte04_oncle Lion)
ÉĂ« hot towuâtĂ«Ć taan ngaynde tĂșĂșh njĂĂlâĂ«n
É:3PL voir t:enfantsât:JONC oncle lion tout ĂȘtre.maladeâPARF
Ils voient que les enfants dâoncle Lion sont tous malades.
Les totalisateurs ÉĂ©w' et tĂșĂșh peuvent ĂȘtre placĂ©s aprĂšs un pronom. Ils portent alors
un indice de personne du pronom quâil dĂ©termine. Le pronom suivi du totalisateur a
une fonction de focalisation (66-67). Le totalisateur ÉĂ©w' peut ĂȘtre suffixĂ© aux
indices de personne 1Ăšme, 2Ăšme et 3Ăšme personne du pluriel, (67) alors que tĂșĂșh porte
seulement lâindice de troisiĂšme personne du pluriel ÉĂ« (66b). Certains locuteurs
noon affirment que tĂșĂșh est un emprunt du français.
66. (Ă©licitation)
a. ÉĂĂ ÉĂ©wâpĂĂ ÉĂĂ ÆŽah pade
1PL.EXCL toutâ1PL.EXCL 1PL.EXCL aller FandĂšne
Nous tous, nous allons Ă FandĂšne.
CHAPITRE 6 103
b. ÉĂĂ tĂșĂșhâÉĂ« ÉĂĂ ÆŽah pade
1PL.EXCL toutâÉ:3PL 1PL.EXCL aller FandĂšne
Nous tous, nous allons tous Ă FandĂšne.
67. (Ă©licitation)
Éuu ÉĂ©wâpuu Éuu wo' kĂ«ânoon
2PL toutâ2PL 2PL parler k:COMMânoon
Vous tous, vous parlez noon.
6.6.3. Le distributif
Le distributif peut se manifester par redoublement du quantifieur, comme Ă (68).
68. (Ă©licitation)
aasâat yĂĂnóó~yĂĂnóó
entrerâIMPER.SG y:un~DISTR
Entrez un par un.
Le distributif peut ĂȘtre aussi un constituant syntaxique fonctionnant comme un dĂ©-
pendant du nom. Il sâagit dâune construction avec les quantifieurs Éew' et tĂșĂșh reliĂ©s
au nom par le verbe en « ĂȘtre », (69-70) ou par une relativisation, (71-72). Dans
lâexemple (70), Éamono est un terme wolof dont la prononciation est la mĂȘme chez
les locuteurs cangin-noon.
69. (Ă©licitation)
mĂ« hay kĂ«âon [oomaa' en tĂșĂșh] kayĂt
1SG venir INFâoffrir enfant ĂȘtre tout feuille
Jâoffrirai Ă chaque enfant un cahier.
70. (interview02_divination)
[mbesâaa en Éew'] ngĂ« iñâaa hayâee ngĂ«
jourâĂž:DEICT.DIST ĂȘtre tout PREP choseâĂž:DEICT.DIST venirâPAS PREP
Éuuy' Éamono ÉĂ« pay' mĂ« yaaka' mon karâohâhĂ«
intĂ©rieur Ă©poque REL guĂ©rir 1SG croire EMPH partirâAPPLâNARR
ngĂ« Éok iñâaa waaâmĂ«
PREP haut choseâĂž:DEICT.DIST w:DEM.DSITâANA
Chaque jour quâune chose se produit dans la vie, je crois alors quâune sĂ©ance divi-
natoire va ĂȘtre organisĂ©e sur cela.
71. (conte01_le troupeau de la vieille femme)
[wahto yĂ« ka' ÉĂ©w'] yĂ« Éew' ngĂ« pe'âcĂ«Ć
heure y:3SG partir tout y:3SG prendre PREP chĂšvreâc:JONC
104 LA DETERMINATION DU NOM
yaakorâaa
vieille.femmeâĂž:DEICT.DIST
A chaque fois qu'il part il prend quelques chĂšvres de la vieille femme.
72. (Ă©licitation)
[ketĂ«kâkaa fĂ« hot Éew'] yĂ«wĂ«n soloo hen
k:arbreâk:DEICT.DIST 2 SG voir tout ĂȘtre.beaucoup vertu juste
Lâarbre, que tu vois, a justement beaucoup de vertus.
6.7. La particule haĆ
La particule haĆ est toujours attachĂ©e Ă un affixe possessif. Elle est sĂ©parĂ©e du nom
ou du pronom quâelle dĂ©termine en se plaçant Ă lâextĂ©rieur du constituant nominal.
Elle correspond en français Ă seul ou soi-mĂȘme.
73. (Ă©licitation)
ÆŽaalâaa taam haĆâce
hommeâĂž:DEICT.DIST accompagner seulâPOSS.3SG
Lâhomme part seul.
74. (Ă©licitation)
mĂ« ÆŽeekâee mbilim haĆângoo
1SG chanterâPAS mbilim seulâPOSS.1SG
Je chantais mbilim tout seul.
75. (Ă©licitation)
Éuu tĂșmâan wĂ« haĆânguu
2PL faireâFUT w:O3SG seulâPOSS.2PL
Vous le ferez vous-mĂȘme.
7. Les constructions possessives
Les constructions possessives peuvent ĂȘtre marquĂ©es par une simple juxtaposition de
deux lexÚmes nominaux ou par différentes formes de marquage pour exprimer des
relations de possession et de parenté.
7.1. La construction possessive par juxtaposition
La construction possessive par juxtaposition opĂšre une distinction entre une relation
de possession à valeur générique et une relation de possession à valeur spécifique.
Lâordre des Ă©lĂ©ments dans la construction par juxtaposition est tĂȘte + dĂ©pendant. Le
nom tĂȘte a un sens gĂ©nĂ©rique qui nâimplique aucune restriction, comme illustrĂ© Ă
(1a-e). Dans une relation de possession Ă valeur spĂ©cifique, le nom tĂȘte est attachĂ© Ă
un modifieur génitival qui porte un préfixe nominal de classe comme en (2a-c). Le
dĂ©pendant peut aussi porter une marque de dĂ©termination. Mais il nâest possible que
lorsque le nom tĂȘte est attachĂ© Ă un modifieur gĂ©nitival (2c).
1. (Ă©licitation)
a. kun tĂșĂșy'
chapeau case
Un sommet de case.
b. noĆ Éoh
trou baobab
Un trou de baobab.
c. on mbaal
peau mouton
Une peau de mouton.
d. wak pambe'
Ćuf poule
Un Ćuf de poule.
e. ĂșĂșf noon
pagne noon
Un pagne de noon. (Pagne traditionnel chez les noons.)
2. (Ă©licitation)
a. wakâĂ«Ć pambe'
ĆufâĂž:JONC poule
LâĆuf de poule.
106 LES CONSTRUCTIONS POSSESSIVES
b. wakâcĂ«Ć pambe'
Ćufâc:JONC poule
Les Ćufs de poule.
c. wakâĂ«Ć pambeâfii
ĆufâĂž:JONC pouleâf:DEICT.PROX
LâĆuf de la poule
d. *wak pambeâfii
Ćuf pouleâf:DEICT.PROX
Un Ćuf de la poule.
7.2. La construction possessive avec le modifieur gĂ©nitival CĂ«Ć
Dans ce type de construction, le nom tĂȘte est attachĂ© Ă un modifieur gĂ©nitival CĂ«Ć
qui porte un préfixe nominal de classe. La consonne [C] correspond à un marqueur
dâaccord de classe du premier systĂšme de classes nominales (cf. 4.1). Cette cons-
truction ne manifeste aucune distinction du trait ± animé du possesseur.
3. (Ă©licitation)
ÆŽaalâĂ«Ć zaan
hommeâĂž:JONC jeanne
Le mari de Jeanne.
4. (conte02_la fille et le djinn)
ÉĂ« le'â'Ă« ngĂ« mboosâĂ«Ć Éohâaa
É:3PL arriverâNARR PREP derriĂšreâĂž:JONC baobabâĂž:DEICT.PROX
Ils arrivĂšrent sous le baobab.
5. (conte03_le champ dâharicots)
ÉalâlĂ« kĂ«âkayâĂ«k nĂ« luukâĂ«Ć
commencerâNARR INF âaccrocherâMOY avec queueâĂž:JON
mbamâaa
ĂąneâĂž:DEICT.DIST
Il commença Ă sâaccrocher Ă la queue de lâĂąne.
6. (récit01_sociolinguistique)
waa mĂ« yorâeeâÉĂ« kĂ«ânoonâkĂ«Ć Éuâpade
quand 1SG tenirâPASâO3.PL k:COMMânoonâk:JONC É:COMMâFandĂšne
kĂ«ânoonâkĂ«Ć Éuâlaalan kĂ«ânoonâkĂ«Ć
k:COMMânoonâk:JONC É:COMMâLaalane k:COMMânoonâk:JONC
CHAPITRE 7 107
ÉuâjuuĆ saamâeeânâĂ«n kĂ«âwuute
É:COMMâDioung semblerâPASâNâPARF INFâĂȘtre.diffĂ©rent
Quand jâĂ©tais leur tuteur, le noon des habitants de FandĂšne, le noon des habitants de
Laalaane et le noon des habitants de Dioung semblaient ĂȘtre diffĂ©rents.
7. (conte03_le champ dâharicots)
alakâcĂ«Ć mbonda ÉalâlĂ« kĂ«âlim
haricotâc:JONC liĂšvre commencerâNARR INFâgermer
alakâcĂ«Ć Éaal uurârĂ«
haricotâc:JONC hyĂšne gaterâNARR
Les haricots du liĂšvre commencĂšrent Ă germer, les haricots de lâhyĂšne se gĂątĂšrent.
7.3. La construction possessive avec le modifieur génitival Cuu
La construction possessive avec le modifieur génitival Cuu est marquée par les traits
humain et diminutif. La consonne [C] correspond au marqueur dâaccord du
deuxiÚme systÚme de classes nominales qui est un marquage du dépendant du nom.
Le modifieur gĂ©nitival Cuu est suivi dâun dĂ©pendant du nom qui renvoie uniquement
Ă des noms dâhumains, (8-10). Le nom tĂȘte porte toujours un dĂ©ictique suffixal.
8. (Ă©licitation)
Éetâii yuu risar
femmeâĂž:DEICT.PROX y:JONC Richard
La femme de Richard.
9. (Ă©licitation)
oomaaâcaa Éuu risar
enfantsâc:Ăž:DEICT.PROX É:JONC Richard
Les enfants de Richard.
10. (Ă©licitation)
kaanâfii fuu lamin
maisonâf:DEICT.PROX f:JONC Lamine
La maison de Lamine.
La construction possessive avec le modifieur génitival Cuu est plus utilisée dans les
dialectes pade-noon et saawi-noon que dans le dialecte cangin-noon. Les locuteurs
cangin-noon prĂ©fĂšrent employer le modifieur gĂ©nitival CĂ«Ć. Il faut noter aussi quâil
serait incorrect de combiner les modifieurs gĂ©nititvaux CĂ«Ć et Cuu dans un mĂȘme
énoncé (11c).
108 LES CONSTRUCTIONS POSSESSIVES
11. (Ă©licitation)
a. kaanâfĂ«Ć zan
maisonâf:JONC Jean
La maison de Jean.
b. kaanâfii fuu zan
maisonâf:DEICT.PROX f:JONC Jean
La maison de Jean.
c. *kaanâfĂ«Ć fuu zan
maisonâf:JONC f:JONC Jean
La maison de Jean.
7.4. Les constructions possessives avec les formes pronominales
Les constructions possessives peuvent ĂȘtre marquĂ©es par un indice de personne ou
dâun affixe possessif attachĂ© aux modifieurs gĂ©nitivaux CĂ«Ć et Cuu. Le modifieur
gĂ©nitival CĂ«Ć peut ĂȘtre employĂ© comme un dĂ©terminant possessif qui sâattache Ă un
nom tĂȘte. Il porte un indice de personne attachĂ© au nom tĂȘte.
12. (conte04_oncle Lion)
Éew'âpĂ« kĂ«ânjĂ«pĂ«lâkĂ«Ćânge
prendreâNARR k:DIMâcouteauâk:JONCâPOSS.3SG
Il prit son petit couteau
13. (conte04_oncle Lion)
towuâtĂ«Ćângaa njĂĂlâĂ«n mbam all
t:enfantsât:JONCâPOSS.2SG ĂȘtre.maladeâPARF Ăąne brousse
siinâcĂ«Ćânge aasâsii Éuuy'
genciveâc:JONCâPOSS.3SG entrerâNEG interieur
Tes enfants sont malades et lâĂąne sauvage sourit.
14. (récit01_sociolinguistique)
ÉĂĂ nakâee kĂ«âwo' wo'âeenâĂ«ĆângĂĂ
1PL.EXCL ĂȘtre.en.trainâPAS INFâparler parlerâMANâĂž:JONCâPOSS.1PL.EXCL
Nous parlions notre langue.
15. (Ă©licitation)
kaanâfĂ«ĆâÉĂ« moorâĂ«n
maisonâf:JONCâPOSS.3PL ĂȘtre.joliâPARF
Leur maison est jolie.
CHAPITRE 7 109
Les indices de personne ont une consonne initiale [r] qui est sa forme sous-jacente.
Elle apparait lorsquâelle suit une voyelle. Lorsquâelle est prĂ©cĂ©dĂ©e dâune consonne
elle est assimilée ; il se produit ainsi une longueur consonantique (cf. 5.1.2.). Par
exemple CĂ«Ć + roo donne CĂ«Ćângoo ; La nasale [Ć] est une variante combinatoire de
la prénasale [ng]. Elle apparaßt en finale absolue ou aprÚs une consonne (cf. 2.2.5.
Les prĂ©nasales). Dans lâexemple (15) lâindice de la 3Ăšme personne pluriel est ÉĂ«. Le
modifieur gĂ©nitival CĂ«Ć attachĂ© Ă un indice de personne peut ĂȘtre aussi une forme
pronominale autonome.
Tableau 7.1 : les pronoms possessifs avec le modifieur gĂ©nitival CĂ«Ć
Personne Formes pronominale
1SG CĂ«Ćângoo
2SG CĂ«Ćângaa
3SG CĂ«Ćânge
1PL.INCL CĂ«ĆângĂșĂș
1PL.EXCL CĂ«ĆângĂĂ
2PL CĂ«Ćânguu
3PL CĂ«ĆâÉĂ«
16. (Ă©licitation)
a. portabël wiinde
portable w:quel
Quel (téléphone) portable ?
b. wĂ«Ćângaa
w:JONCâPOSS.2SG
Le tien.
17. (conte02_la fille et le djinn)
wo' an mĂ« wo'âeeâruu yii yĂ«rĂ«
parler COMP 1SG parlerâPASâO2PL y:DEM.PROX y:EMS.3SG
yĂ«Ćângoo
y:JONCâPOSS.1SG
Elle dit : « Je vous avais dit que câest celui-ci le mien ».
18. (Ă©licitation)
mbaalâcĂ«ĆâÉĂ« karâuuânâĂ«n luuwâaa
moutonâc:JONCâPOSS.3PL partirâPL âN âPARF brousseâĂž:DEICT.PROX
cĂ«Ćânguu pokâĂ«sâeeânâĂ«n
c:JONCâPOSS.2PL attacherâPASSâPASâNâPARF
Leurs moutons sont partis en brousse, les vÎtres ont été attachés.
110 LES CONSTRUCTIONS POSSESSIVES
Le modifieur génitival Cuu peut porter un affixe possessif. Les affixes possessifs ont
les mĂȘmes formes que les indices de personne Ă lâexception des pronoms de 2Ăšme et
3Úme personne du singulier. Le modifieur génitival Cuu est toujours séparé du nom
tĂȘte.
Tableau 7.2 : Les affixes possessifs
Personne Affixe possessif
1SG âroo
2SG âfĂ«
3SG âce
1PL.INCL ârĂșĂș
1PL.EXCL ârĂĂ
2PL âruu
3PL âÉĂ«
19. (Ă©licitation)
Éetâii yii yuuâroo
femmeâĂž:DEICT.PROX y:DEM.PROX y:JONCâPOSS.1SG
Cette femme est la mienne.
20. (Ă©licitation)
kaanâfii fii fuuâce
maisonâf:DEICT.PROX f:DEM.PROX f:JONC âPOSS.3SG
Cette maison est la tienne.
21. (Ă©licitation)
yoonâcii cuuâÉĂ«
champâc:DEICT.PROX c:JONCâPOSS.3PL
Les champs sont les leurs.
Le modifieur gĂ©nitival Cuu attachĂ© Ă un affixe possessif peut ĂȘtre aussi une forme
pronominale autonome.
Tableau 7.3 : les pronoms possessifs avec le modifieur génétival Cuu
Personne Forme pronominale
1SG Cuuâroo
2SG CuuâfĂ«
3SG Cuuâce
1PL.INCL CuuângĂșĂș
1PL.EXCL CuuângĂĂ
CHAPITRE 7 111
2PL Cuuânguu
3PL CuuâÉĂ«
22. (conte03_le champ dâharicots)
Éaal an ÉuuâfĂ« kaanândii
hyĂšne COMP É:JONC.POSS.2SG mourirâNEG
HyÚne dit : « Les tiens ne sont pas morts ».
23. (conte03_le champ dâharicots)
Éaal eew'âpĂ« cuuâce ÉaakâkĂ«
hyĂšne cueillirâNARR c:JONCâPOSS.3SG garderâNARR
HyĂšne cueillit les siens et les garda.
24. (Ă©licitation)
a. kaan fiinde
maison f:quel
Quelle maison ?
b. fuuâfĂ«
f:JONCâPOSS.2SG
La tienne.
Dâautres types de construction possessive sont notĂ©s avec les affixes possessifs atta-
chés à des noms qui manifestent certains traits sémantiques. Ce sont des noms de
parenté, des parties du corps et des noms appartenant à la sphÚre personnelle du
possesseur.
25. (conte03_le champ dâharicots)
mbonda ÉalâlĂ« kĂ«âpĂșkâĂs eewâce
liĂšvre commencerâNARR INFâattacherâSEP mĂšreâPOSS.3SG
LiÚvre commença à détacher sa mÚre.
26. (Ă©licitation)
paamâfĂ« karâĂ«n yoonâcaa
papaâPOSS.2SG partirâPARF champâc:DEICT.DIST
Ton papa est parti aux champs.
27. (Ă©licitation)
ÆŽaalâloo laakâĂ«n yop pe'
hommeâPOSS.1SG avoirâPARF troupeau chĂšvre
Mon mari a un troupeau de chĂšvres.
112 LES CONSTRUCTIONS POSSESSIVES
28. (Ă©licitation)
hafâfoo misĂ«kâĂ«n
tĂȘteâPOSS.SG avoir.malâPARF
Jâai mal Ă la tĂȘte. (Litt. Ma tĂȘte a mal.)
29. (rĂ©cit01 âsociolinguistique)
yooh enâĂ« Éaasâeen ngĂ« Éak kulâlĂĂ
yooh ĂȘtreâHAB insulterâMAN PREP cĂŽtĂ© villageâPOSS.1PL.EXCL
Le terme yooh est une insulte dans notre village.
30. (récit01_sociolinguistique)
waa-mĂ« sah laakâeeânâĂ«n ngĂ« kaanândoo
w:DEM.DISTâANA ainsi avoirâPASâNâPARF PREP maisonâPOSS.1SG
Cela avait existé chez moi.
31. (conte02_la fille et le djinn)
ÆŽaalâĂ«Ćângoo kowuâkĂ«Ćângoo
hommeâĂž:JONCâPOSS.1SG k:enfantâk:JONCâPOSS.1SG
mungambay ÉangâĂ«n
Mounga_Mbaye gagnerâPARF
Mon mari, mon enfant, Mounga Mbaye a gagné.
Dans lâexemple (30), kaanâroo devient kaanândoo. En effet, la consonne initiale de
lâaffixe possessif [r] est toujours assimilĂ©e Ă la consonne qui la prĂ©cĂšde. La longueur
consonnantique de la nasale [n] se manifeste par une prénasale [nd] qui est sa forme
sous-jacente. Il faut noter que ces noms peuvent aussi ĂȘtre construits avec le modi-
fieur gĂ©nitival CĂ«Ć qui est plus utilisĂ© dans le dialecte cangin-noon, (31).
Nous avons noté des constructions possessives particuliÚres avec le modifieur
génitival Cuu qui sont devenues des formes grammaticalisées, (32-34). Ces types de
constructions renvoient aux repas de la journée. La consonne [C] correspond au
marqueur dâaccord du pluriel câ qui renvoie aux aliments qui composent le repas.
32. (Ă©licitation)
cuukĂm
cuu kĂm
c:JONC matin
Petit déjeuner. (litt. Ceux du matin)
CHAPITRE 7 113
33. (Ă©licitation)
cuunoh
cuu noh
c:JONC soleil
DĂ©jeuner (Litt. Ceux de midi)
34. (Ă©licitation)
cuuniin
cuu niin
c:JONC soir
DĂźner (Litt. Ceux du soir.)
8. Les prépositions et locutions prépositionnelles
Le noon a quelques prépositions dont certaines sont des formes complexes dérivées
de substantifs de sens temporel ou locatif.
8.1. La préposition në
La prĂ©position nĂ« « avec, et » permet dâintroduire des participants dans les rĂŽles,
comme comitatif et instrumental. La préposition në à valeur de comitatif est em-
ployĂ©e avec certains verbes dans des constructions du type accompagner quelquâun
ou aller avec, (1-2).
1. (interview05_séance02_séance de divination collective)
ogust fĂ« hayâĂ«n ngĂ« payâii wate
August 2SG venirâPARF PREP guĂ©rirâĂž:DEICT.PROX aujourdâhui
fĂrĂ yungâĂ«' ÉuâCaawun ndii
f:EMS.3SG sâasseoirâBENEF É:COMMâThiaoune ici
fĂ« taamâmbĂ« nĂ« gĂșĂșge' ngoomak
2SG accompagnerâNARR avec vieux Ngoomak
Auguste, tu es venu Ă la sĂ©ance divinatoire aujourdâhui. Câest toi qui reprĂ©sentes les
habitants de Thiaoune. Tu accompagnes vieux Ngoomak.
2. (Ă©licitation)
ami hayâĂ«n nĂ« ÆŽaalâle
Ami venirâPARF avec hommeâPOSS.3SG
Ami est venu avec son mari.
Elle peut aussi relier des pronoms et se suffixer Ă un indice pronominal, (3-4).
Lâordre des pronoms est : -Ă©nonciateur -allocutaire -autre (qui renvoie Ă la 3Ăšme per-
sonne), comme Ă (4).
3. (Ă©licitation)
fĂ« nĂ«âre hay kĂ«âÆŽeek
2SG avecâ3SG venir INFâchanter
Lui et toi allez chanter.
4. (Ă©licitation)
mĂ« nĂ«âraa nĂ«âÉĂ« kelohâĂ«n kĂ«ânoon
1SG avecâ2SG avecâ3PL entendreâPARF k:COMMânoon
Eux, toi et moi comprenons noon.
Dans les exemples (5-6), les obliques de sens comitatif peuvent ĂȘtre interprĂ©tĂ©s
comme exprimant une possession, le possédé est combiné avec la préposition në.
116 LES PROPOSITIONS ET LOCUTIONS PREPOSITIONNELLES
Dans la construction réciproque de type discontinu, la préposition në permet
dâintroduire un participant, (7). La prĂ©position nĂ« peut avoir une valeur
dâinstrumental. Elle se combine avec lâapplicatif âoh Ă valeur instrumental et permet
dâintroduire un participant qui joue le rĂŽle dâinstrument, comme Ă (8-9), (cf. 9.2.1.).
5. (Ă©licitation)
a. ÆŽaalâlaa nĂ« Éam
hommeâPOSS.2SG avec paix
Ton mari va bien ? (i.e. Ton mari a la paix.)
b. yaa nĂ« Éam
y:DEM.DIST avec paix
Il va bien.
6. (séance02_ séance de divination collective)
ñaalÉokâaa iñâcaa nĂ«
acacia.ataxacanthaâĂž:DEICT.DIST choseâc:DEICT.DIST avec
lupâcaa
Ă©pineâc:Ăž:DEICT.DIST
Lâacacia ataxacantha câest ce qui a des Ă©pines.
7. (récit02_mbilim)
noon waarâeeârii kĂ«âpanjâoh nĂ« Éo' yĂlĂs
noon vouloirâPASâNEG INFâmarierâRECIPR avec homme y:autre
ÉĂ« panjâohâee kĂ«âhafâÉĂ«
É:3PL marierâRECIPRâPAS k:COMMâtĂȘteâPOSS.3PL
Un noon ne voulait pas se marier avec une autre personne (dâune ethnie diffĂ©rente).
Ils se mariaient entre eux.
8. (interview01_mbilim)
noon nakâee kĂ«âtipâoh mbiliim nĂ« haan
noon ĂȘtre.en.trainâPAS INFâbattreâAPPL mbilim avec tambour
Un noon jouait du mbilim avec un tambour.
9. (Ă©licitation)
mii ngĂșrâoh kohnohâkii nĂ« njĂ«pĂ«l
1SG.PROG.PROX couperâAPPL viandeâk:DEICT.PROX avec couteau
Je coupe la viande avec un couteau.
La préposition në peut avoir aussi une fonction additive pour relier des constituants
nominaux, (10-11). Avec plusieurs participants, la préposition në ne peut introduire
que le dernier participant, (11).
CHAPITRE 8 117
10. (séance02_séance de divination collective)
ambâohâii nĂ« feekâohâii
attraperâNOMSâĂž:DEICT.PROX avec frapperâNOMSâĂž:DEICT.PROX
mbokâĂ«sâsoo
ĂȘtre.parentâPLâNEG
Lâattrapeur et le batteur ne sont pas les mĂȘmes.
11. (conte04_oncle Lion)
Éaal ÉalâlĂ« kĂ«âakiâoh mbonda taan ngaynde
hyĂšne commencerâNARR INFâmĂ©langerâRECIPR liĂšvre oncle lion
nĂ« towuâtaa tĂșĂșh
et t:enfantât:DEICT.DIST tout
HyĂšne se faufila aussitĂŽt entre liĂšvre, oncle Lion et tous les enfants.
La prĂ©position nĂ« peut aussi avoir une valeur temporelle lorsquâelle se combine avec
des substantifs de sens temporel.
Tableau 8.1 : Les substantifs de sens temporel
Substantif glose
kĂm matin
nosoos soir
wek nuit
wate aujourdâhui
wĂștĂșwa' hier
kuwis demain
lah hivernage
sek saison sĂšche
12. (récit01_mbilim)
mbilim wĂștĂșwa' nĂ« wate kul kĂ«ânoon
mbilim hier avec aujourdâhui village k:COMMânoon
senerasonâĂ«Ć mĂ« mĂnâĂ«n kĂ«âwo' an
generationâĂž:JONC 1SG pouvoirâPARF INFâparler COMP
sosant ÉĂ«rĂ« wëñ kĂ«âsoosândohâsiis
soixane É:EMPH.3PL ĂȘtreâplus INFâcrĂ©erâCAUS.SOCâITER
mbilim ngĂ« kul kĂ«ânoon
mbilim PREP village k:COMMânoon
Mbilim dâhier Ă aujourdâhui dans la communautĂ© noon, la gĂ©nĂ©ration, je peux dire
des (années) soixante, ce sont eux, tous ensemble, qui ont revalorisé mbilim dans la
communauté noon.
118 LES PROPOSITIONS ET LOCUTIONS PREPOSITIONNELLES
13. (Ă©licitation)
mii ÆŽah nguint kuwis nĂ« kĂm
1SG.PROG.PROX aller Nguinth demain avec matin
Je vais Ă Nguinth demain matin.
14. (interview01_mbilim)
mbilim enâee nĂ« sek
mbilim ĂȘtreâPAS avec saison.sĂšche
Mbilim était organisé pendant la saison sÚche.
La prĂ©position nĂ« peut se combiner avec le verbe en « ĂȘtre » pour former une locu-
tion verbale comparable au français ĂȘtre en train suivi dâune forme verbale non finie
(cf. 10.1.2), comme lâillustre lâexemple (15b).
15. (Ă©licitation)
a. më an
1SG boire
Je bois.
a. mĂ« en nĂ« kĂ«âan
1SG ĂȘtre avec INFâboire
Je suis en train de boire.
8.2. La préposition ngë
La préposition ngë « dans, sur, à , en » est trÚs utilisée en noon avec ces fonctions de
locatif, temporel et partitif. La prĂ©position ngĂ« permet dâexprimer une localisation
spatiale, (16-20) mais aussi une localisation temporelle, (21-22).
16. (récit01_mbilim)
mĂ« ÆŽeekâoh mbilim ngĂ« kul kĂ«ânoon
1SG chanterâNOMS mbilim PREP village k:COMMânoon
Je suis chanteur mbilim dans la communauté noon.
17. (séance02_séance de divination collective)
ekâaa wĂ« ngĂ« nongâii
mettreâIMPER.SG w:O3SG PREP trouâĂž:DEICT.PROX
Mets-le dans le trou.
18. (interview02_divination)
fĂ« lap ngĂ« kanohâkaaânâaa
2SG monter PREP calebasseâk:DEICT.DISTâNâCOND
CHAPITRE 8 119
kanohâkaa tĂșmâoo Éara
calebasseâk:DEICT.DIST faireâNEG rien
Si tu montes sur la calebasse, la calebasse ne fera rien (= ne va pas se casser).
19. (conte03_le champ dâharicots)
Éuu le' ngĂ« Éuuâraaânâaa Éuu mĂn
2PL arriver PREP roiâĂž:DEICT.PROX 2PL pouvoir
kĂ«âtoon eewâunâcĂ«Ćânguu
INFâvendre mĂšreâRELATâc:JONCâPOSS.2PL
Si nous arrivons chez le roi, nous pourrons vendre nos mĂšres.
20. (conte03_le champ dâharicots)
mbonda cuuâce ndaaây mĂ« ka' ngĂ« mbonda
liĂšvre c:JONCâPOSS.3SG lĂ basâSPAT 1SG partir PREP liĂšvre
LiĂšvre, les siens sont lĂ -bas, je pars chez liĂšvre.
21. (Ă©licitation)
mari kaanâee ngĂ« 2012
Marie mourirâPAS PREP 2012
Marie est morte en 2012.
22. (Ă©licitation)
Éuu ÆŽah daka' ngĂ« noel
2PL aller dakar PREP noël
Vous partez à Dakar à noël.
23. (conte01_le troupeau de la vieille femme)
yĂ« Éew' ngĂ« pe'âcĂ«Ć yaakorâaa
3SG prendre PREP chĂšvreâc:JON vieille.femmeâĂž:DEICT.PROX
Il en a pris (des chĂšvres de la vieille femme).
24. (séance02_séance de divination collective)
mĂ« laakâee mbusâaa mĂ« heel ngĂ«
1SG avoirâPAS sachetâCOND 1SG chercher PREP
tĂșĂș'âtii
t:feuilleât:Ăž:DEICT.PROX
Si jâavais un sachet jâen chercherais (des feuilles).
25. (interview02_divination)
fĂ« tiis Éii wuu'âtaa ngĂ« nak iñâaa
2SG nettoyer jusquâĂ ĂȘtre.sĂ»r.deâO2SG PREP ainsi choseâĂž:DEICT.DIST
fĂ« waa' ngĂ« ÉĂ« setâĂ«n kaarema
2SG vouloir PREP REL ĂȘtre.propreâPARF carrĂ©ment
120 LES PROPOSITIONS ET LOCUTIONS PREPOSITIONNELLES
setâĂ«nâaa fĂ« han kĂ«âÉew'
ĂȘtre.propreâPARFâCOND 2SG venir.juste.de INFâprendre
halenâii fĂ« hotâtaa ngĂ«
tesson.de.canariâĂž:DEICT.PROX 2SG voirâNARR PREP
ndii Éii wate
ici jusquâĂ aujourdâhui
Tu nettoies jusquâĂ ce que tu (en) sois sĂ»r que ce que tu (en) veux est propre
complĂštement. Si câest propre tu prends ensuite le tesson de canari que tu vois ici
jusquâĂ maintenant.
Dans les exemples (19-20), la prĂ©position ngĂ« a le sens de « chez » lorsquâelle
introduit un nom de personne qui fait rĂ©fĂ©rence Ă lâendroit oĂč la personne demeure.
La prĂ©position ngĂ« a aussi une fonction partitive dans le sens de en pour se rĂ©fĂ©rer Ă
une partie dâun ensemble, (23-24). La prĂ©position ngĂ« Ă fonction partitive peut ĂȘtre
combinĂ©e avec le verbe wuu' « ĂȘtre sĂ»r » et waa' « vouloir » pour former des
locutions verbales, comme lâillustre lâexemple (25).
8.2.1. Les locutions prépositionnelles en ngë
La préposition ngë peut se combiner avec des substantifs à sens locatif ou des noms
des parties du corps pour former des locutions prépositionnelles qui sont des formes
grammaticalisées.
Tableau 8.2 : Les propositions et locutions prépositionnelles
Substantif Glose Locution prépo-
sitionnelle
Glose
ÉĂșĂșy' intĂ©rieur ngĂ« ÉĂșĂșy' dedans, Ă lâintĂ©rieur
fooĆ extĂ©rieur ngĂ« fooĆ dehors, Ă lâextĂ©rieur
filtoh bas ngë filtoh en bas, en dessous
kakeey sol ngë kakeey en bas, en dessous
Éok haut ngĂ« Éok sur, au dessus, en haut
fenoo' derriÚre ngë fenoo' derriÚre
leelo' milieu ngë leelo' au milieu
fĂkĂĂ' visage ngĂ« fĂkĂĂ' devant
mboos fesse ngë mboos sous
Éak flanc ngĂ« Éak Ă cĂŽtĂ©
yah main ngë yah à cÎté
26. (conte01_le troupeau de la vieille femme)
Éaal yaa nup ngĂ« Éuuy' luuwâaa
hyĂšne y:DEM.DIST courir PREP intĂ©rieur brousseâĂž:DEICT.DIST
CHAPITRE 8 121
Éii hot noĆ Éoh yĂ« aasâsĂ« ngĂ«
jusquâĂ voir trou baobab y:3SG enterâNARR PREP
HyĂšne courrait Ă lâintĂ©rieur de la brousse jusquâĂ ce quâelle voie un trou de baobab
et y entra.
27. (interview02_divination)
fĂ« hayâaa nak fĂ« han kĂ«âÉew'
2SG venirâCOND ainsi 2SG venir.juste.de INFâprendre
mĂșĂșâmaa fĂ« iif ngĂ« Éok atohâaa
eauâm:DEICT.DIST 2SG verser PREP haut pierreâĂž:DEICT.DIST
Si tu arrives ainsi, tu prends ensuite lâeau et tu (la) verses sur la pierre.
28. (conte04_oncle Lion)
taan ngaynde kĂ«âac anee kĂ«âac anee
oncle lion INFâcreuser maniĂšre INFâcreuser maniĂšre
waa kakeeyâfĂ«ĆângĂ« ngĂ« fenoo'
quand solâf:JONC âPOSS.3SG PREP derriĂšre
Oncle Lion se mettait Ă creuser pendant longtemps pendant que ses fesses Ă©taient
derriĂšre.
29. (Ă©licitation)
ngĂ« filtoh tapalâii laakâĂ«n mbaayâfii
PREP bas tableâĂž:DEICT.PROX avoirâPARF chienâf:DEICT.PROX
En dessous de la table, il y a un chien.
Les locutions prĂ©positionnelles apparaissent Ă la fin de lâĂ©noncĂ© mais elles peuvent
aussi ĂȘtre en tĂȘte dâĂ©noncĂ© pour marquer une focalisation du terme oblique, (29). Les
locutions prépositionnelles formées à partir des noms des parties du corps expriment
un repérage spatial de proximité.
30. (conte01_le troupeau de la vieille femme)
pe'âfaa faanâĂ«kâkĂ« ngĂ« mboos tĂșĂșyâaa
chĂšvreâf:DEICT.DIST coucherâMOY âNARR PREP fesse caseâĂžDEICT.DIST
La chĂšvre se coucha sous la case.
31. (Ă©licitation)
Éuu hĂĂndâohâee ngĂ« fĂkĂĂ' ekolâaa
2PL ĂȘtre.Ă©galâRECIPRâPAS PREP visage Ă©coleâĂž:DEICT.DIST
Vous vous Ă©tiez rencontrĂ©s devant lâĂ©cole.
122 LES PROPOSITIONS ET LOCUTIONS PREPOSITIONNELLES
32. (Ă©licitation)
Éetâii yii yuĆ ngĂ« yah ñam
femmeâĂž:DEICT.PROX y:Ăž:DEICT.PROX sâasseoir PREP main manger
La femme est assise Ă droite.
Le substantif kakeey « sol » peut aussi désigner la partie postérieure du corps, (29).
La locution prĂ©positionnelle ngĂ« yah « Ă cĂŽtĂ© » se combine avec les termes seĆ
« gauche » et ñam « manger » pour désigner les positions à gauche et à droite,
comme Ă lâexemple, (32) oĂč yah ñam traduit par main droite reprĂ©sente la main qui
sert Ă manger.
8.3. La prĂ©position fondĂ«Ć
La prĂ©position fondĂ«Ć Â« comme » permet dâĂ©tablir une relation de ressemblance
exprimĂ©e par le verbe. La prĂ©position fondĂ«Ć peut ĂȘtre suivie dâun constituant nomi-
nal, (33-35) ou dâun constituant verbal, (36-37).
33. (Ă©licitation)
oomaaânâi fool fondĂ«Ć Ées
enfantâNâĂž:DEICT.PROX courir comme flĂšche
Lâenfant court comme une flĂšche.
34. (Ă©licitation)
fĂ« wo' fondĂ«Ć njawol
2SG parler comme perroquet
Tu parles comme un perroquet.
35. (séance02_séance de divination collective)
wate ÉĂșĂș mĂn kĂ«âlaak ndam
aujourdâhui 1PL.INCL pouvoir INFâavoir glorifier
fondĂ«Ć wii paaf ÉĂ«
comme w:DEM.PROX avant REL
Aujourdâhui nous pouvons avoir un succĂšs comme la derniĂšre fois.
36. (Ă©licitation)
zan tip fondĂ«Ć ndaa paamâmbĂ« tipâee
Jean battre comme maniĂšre pĂšreâPOSS.3SG battreâPAS
Jean bat (le tambour) comme (la maniĂšre dont) son pĂšre (le) battait.
37. (interview01_divination)
fĂ« mĂn kĂ«âpay' hew laak fondĂ«Ć fĂ« ÆŽah
2SG pouvoir INFâguĂ©rir cĂ©rĂ©monie avoir comme 2SG aller
CHAPITRE 8 123
kĂ«âonâoh kowuâfĂ« wala Éo' ÆŽah kĂ«âpañ
INFâoffrirâANTIPASS k:enfantâPOSS.3SG ou homme aller INFâmarier
kowuâfĂ«
k:enfantâPOSS.3SG
Tu peux consulter un devin sâil y a une cĂ©rĂ©monie, comme (quand) tu donnes en
mariage ton enfant ou quand quelquâun marie ton enfant.
8.4. Les connecteurs Éii et Éalaa
Les connecteurs Éii « jusquâà » et Éalaa « avant » sont des prĂ©positions temporelles
(cf.11.2.3). Les connecteurs Éii et Éalaa sont suivis dâun adverbe de temps, (38-41)
ou dâun substantif de sens temporel, (42-43). Lâexemple (39) est une routine utilisĂ©e
dans les adieux.
38. (séance02_ séance de divination collective)
Éamâii mĂnâoo kĂ«âlaak Éii wate
paixâĂž:DEICT.PROX pouvoirâNEG INFâavoir jusquâĂ aujourdâhui
La paix ne peut pas se rĂ©aliser jusquâĂ prĂ©sent.
39. (Ă©licitation)
Éii kuwis
jusquâĂ demain
A demain.
40. (Ă©licitation)
eewâwoo hay kĂ«âsoof kaan Éalaa ÉaÉa'
mĂšreâPOSS.1SG venir INFârentrer maison avant mercredi
Ma mĂšre rentrera Ă la maison avant mercredi.
41. (Ă©licitation)
heleen panjâĂ«kâan Éalaa ngaac
Helene marierâMOY âFUT avant annĂ©e.prochaine
Helene se mariera avant lâannĂ©e prochaine.
42. (Ă©licitation)
hulâohâcaa tiis yoonâcaa
cultiverâNOMSâc:DEICT.DIST nettoyer champâc:DEICT.DIST
Éalaa lahâaa
avant hivernageâĂž:DEICT.DIST
Les cultivateurs nettoient les champs avant lâhivernage.
124 LES PROPOSITIONS ET LOCUTIONS PREPOSITIONNELLES
43. (Ă©licitation)
Éuu seek Éii sekâaa
2PL attendre jusquâĂ saison.sĂšcheâĂž:DEICT.DIST
Vous attendez (jusquâĂ ) la saison sĂšche.
9. La dérivation verbale du noon
La dérivation en noon est trÚs riche. La langue compte un nombre important de
dérivatifs verbaux. La suffixation est la principale marque de dérivation. Il peut y
avoir une combinaison de deux à trois dérivatifs qui peuvent apparaßtre dans la base
verbale. En outre, des changements phonologiques sont notés dûs au phénomÚne de
lâharmonie vocalique qui se manifeste aussi dans les suffixes dĂ©rivationnels. Les
positions des dĂ©rivatifs ne sont pas fixes, mais on peut remarquer que le sĂ©paratif â
Ăs, et le causatif âĂ«' sont toujours proches de la base verbale, mĂȘme si dâautres
dérivatifs sont ajoutés.
Nous présenterons notre analyse sur la dérivation verbale avec nos propres données
puis nous discuterons les divergences dâanalyses notĂ©es dans les travaux antĂ©rieurs.
Nous distinguons deux types de dérivations : la dérivation trans-catégorielle et la
dérivation inter-catégorielle.
9.1. La dérivation trans-catégorielle
La dérivation trans-catégorielle consiste à changer une catégorie grammaticale
(verbe â nom ; nom â verbe) au moyen des suffixes dĂ©rivatifs âĂ«' et âe.
9.1.1. Lâadjectiviseur âĂ«'
Le dĂ©rivatif âĂ«' est un adjectiviseur, terme que nous empruntons Ă Creissels (cf.
2006a:77-79). Câest un morphĂšme qui sâadjoint Ă des constituants verbaux pour
former des dépendants adjectivaux.
« Il nây a pas de terme consacrĂ© pour dĂ©signer les marques dâune telle
opération, et on ne peut pas les analyser comme dérivatifs formateurs
dâadjectifs, car le constituant auquel elles sâajoutent garde la structure
interne dâun constituant nominal » (Creissels, 2006a:77).
Lâadjectiviseur âĂ«' est diffĂ©rent du causatif âĂ«', il nâassigne aucune fonction causa-
tive au verbe. Les deux morphĂšmes ont des formes identiques mais des fonctions
diffĂ©rentes. Lâadjectiviseur âĂ«' ne porte pas de flexion verbale et nâentraine aucun
changement au niveau de lâharmonie vocalique comme en (1).
1. (Ă©licitation)
mĂșĂș mĂ«âsoosâĂ«'
eau m:JONCâĂȘtre.froideâADJ
Une eau froide.
126 LA DERIVATION VERBALE
2. (Ă©licitation)
Éetâii sóósâĂ«ÉâĂ«n mĂșĂșâmii
femmeâĂž:DEICT.PROX ĂȘtre.froideâCAUSâPARF eauâm:DEICT.PROX
La femme a refroidi lâeau.
Dans lâexemple (2), le causatif âĂ«' porte une flexion verbale et entraine des change-
ments phonologiques de la voyelle de la forme verbale au niveau de lâharmonie
vocalique. Le coup de glotte du causatif devient une glottalisĂ©e [É] en position inter-
vocalique. Ainsi, les exemples (1-2) montrent clairement que les dérivatifs de
lâadjectiviseur et du causatif sont distincts.
Lâadjectiviseur âĂ«' porte sur des lexĂšmes adjectivo-verbaux ; il permet de
transformer un constituant verbal en un dĂ©pendant adjectival. Lâadjectiviseur âĂ«'
peut ĂȘtre omis sans consĂ©quence par rapport Ă la transformation dâun constituant
verbal en un dépendant adjectival, mais les lexÚmes adjectivo-verbaux sont toujours
postposĂ©s au nom tĂȘte et sont prĂ©fixĂ©s Ă un joncteur qui porte un marqueur dâaccord
du deuxiÚme systÚme de classes nominales qui est un marquage dépendant du nom
(3-5). Lorsque le nom tĂȘte porte une marque de dĂ©termination, le lexĂšme adjectivo-
verbal porte aussi une marque de dĂ©termination comme en (6-7). Les noms tĂȘte dans
les exemples (6-7) appartiennent Ă la mĂȘme paire de classe Ăž/c dans le premier
systÚme de classes nominales. Mais au niveau des modifieurs séparés du nom, ils
appartiennent Ă des paires de classes distinctes dans le deuxiĂšme systĂšme de classes
nominales.
3. (Ă©licitation)
oomaa' yĂ«ânjofâĂ«'
enfant y:JONCâĂȘtre.gentilâADJ
Un gentil enfant
4. (Ă©licitation)
waas wĂ«âhoorâĂ«'
chemin w:JONCâĂȘtre.longâPARF
Un long chemin.
5. (Ă©licitation)
kaan fĂ«âmoorâĂ«'
maison f:JONC âĂȘtre.joliâADJ
Une jolie maison.
CHAPITRE 9 127
6. (Ă©licitation)
Éetâii yĂ«âmoorâĂ«'âyii
femmeâĂž:DEICT.PROX y:JONCâĂȘtre.joliâADJâyâDEICT.PROX
La belle femme.
7. (Ă©licitation)
ordinatĂ«râii wĂ«âasâĂ«'âwii
ordinateurâĂž:DEICT.PROX w:JONCâĂȘtre.neufâADJâw:DEICT.PROX
Lâordinateur neuf.
Lâadjectiviseur âĂ«' peut ĂȘtre suffixĂ© Ă certains lexĂšmes verbo-nominaux, surtout Ă
des noms de couleur, pour former des syntagmes adjectivaux, (8). Ces lexĂšmes
verbo-nominaux peuvent fonctionner à la fois comme nom et verbe, tout dépend du
marquage flexionnel. Ils ont une polysémie réguliÚre qui renvoie à la couleur. Dans
lâexemple (9), le lexĂšme verbo-nominal sĂșĂșs « ĂȘtre noir » fonctionne comme un
nom, alors quâen (10), il fonctionne comme un verbe. Nous prĂ©fĂ©rons gloser les
lexÚmes verbo-nominaux comme des verbes. Nous avons noté quelques irrégularités
avec les lexĂšmes verbo-nominaux : yaanaw « ĂȘtre jaune » et hĂlĂ' « ĂȘtre vert » ne
portent pas lâadjectiviseur âĂ«', (11-13).
8. (récit01_socio-linguistique)
ÉĂĂ wo'â'Ă« kulĂ«' wĂ«âcĂșĂșngâĂ«'
1PL.EXCL parlerâNARR couleur w:JONCâĂȘtre.rougeâADJ
Nous disons couleur rouge.
9. (séance01_ séance de divination individuelle)
fĂ« malkâĂ«n sĂșĂșsâii
2SG voirâPARF ĂȘtre.noireâĂž:DEICT.PROX
Tu vois le noir.
10. (interview01_divination)
waaye enândii an maleeyâmii sĂșĂșsâĂ«n rek
mais ĂȘtreâNEG COMP sableâm:DEICT.PROX ĂȘtre.noirâPARF seulement
aa' iñâaa maleeyâmaa sĂșĂșsâĂ«ÉâĂ«n
INTJ choseâĂž:DEICT.PROX sableâm:DEICT.DIST ĂȘtre.noireâCAUS âPARF
Mais ce nâest pas de dire que le sable est noir seulement. Ah, pourquoi le sable noir-
cit ?
11. (interview01_divination)
naal wĂ«âyaanaw wala naal wĂ«âsĂșĂșsâĂ«' nĂĂk
vache w:JONCâĂȘtre.blanc ou vache w:JONCâĂȘtre.noirâADJ IDEO
Une vache jaune ou une vache dâun noir trĂšs sombre.
128 LA DERIVATION VERBALE
12. (conte03_le champ dâharicots)
leyâyĂ« pĂ«nĂ«s fĂ«âyaanaw Éeer
trouverâNARR cheval f:JONCâĂȘtre.blanc IDEO
Il trouva un cheval dâun blanc trĂšs Ă©clatant, trĂšs blanc.
13. (Ă©licitation)
ketĂ«kâkii laakâĂ«n tĂșĂș' tĂ«âhĂlĂ'
k:arbreâk:DEICT.PROX avoirâPARF t:feuille t:JONCâvert
Lâarbre a des feuilles vertes.
Nous avons notĂ© diffĂ©rentes interprĂ©tations concernant lâadjectiviseur âĂ«' dans les
travaux antĂ©rieurs. Lopis-Sylla interprĂšte lâadjectiviseur âĂ«' comme un causatif qui
renvoie à « lâidĂ©e de transformer, rendre, mettre dans un Ă©tat diffĂ©rent de lâĂ©tat ori-
ginel » (2010:175).
Nous ne pensons pas que lâadjectiviseur âĂ«' puisse ĂȘtre interprĂ©tĂ© comme un
causatif. Dâabord, sa prĂ©sence nâest pas nĂ©cessaire Ă la formation de syntagmes
adjectivaux. Alors que la présence du causatif est obligatoire dans les constructions
causatives. En plus le causatif âĂ«' entraĂźne des changements phonologiques sur la
voyelle -ATR de la base verbale qui devient +ATR, ce qui nâest pas le cas pour
lâadjectiviseur âĂ«'.
Soukka (2000:58) utilise le terme « adjectiviser » pour dĂ©signer le dĂ©rivatif âĂ«' dans
le sens de dérivatifs qui forment des adjectifs à partir de lexÚmes verbaux. Dans le
dialecte pade-noon, la forme de lâadjectiviseur est âi'. Selon Soukka, lâadjectiviseur
âi' entraĂźne une transformation de la voyelle âATR du lexĂšme verbal en une voyelle
+ATR.
Le terme « adjectiviser » utilisé par Soukka ne correspond pas au terme « adjectivi-
seur » que nous avons proposĂ© dans notre travail. En effet, il ne sâagit pas dâun
dĂ©rivatif formateur dâadjectifs mais plutĂŽt dâun dĂ©rivatif qui permet de transformer
un constituant verbal en un dépendant adjectival. Nous pensons que le terme «
adjectiviseur » proposĂ© par Creissels (2006) est appropriĂ© pour ce type dâopĂ©ration.
Enfin, nous ne pensons pas que lâadjectiviseur entraĂźne une transformation de la
voyelle -ATR du lexĂšme verbal en une voyelle +ATR. En effet, nous nâavons notĂ©
aucun changement phonologique au niveau de lâharmmonie vocalique. La mĂȘme
remarque a été faite dans Lopis-Sylla (2010:174-175).
9.1.2. Le dĂ©rivatif âe
Le dĂ©rivatif âe permet de former des bases verbales Ă partir de noms rĂ©fĂ©rant Ă des
humains comme hommes, femmes et noms de caste. Il permet dâexprimer la ressem-
blance ou le comportement dâune personne. La prĂ©sence de lâadverbe hen « juste »
CHAPITRE 9 129
est obligatoire dans les Ă©noncĂ©s avec le dĂ©rivatif âe. Il permet dâexprimer une mo-
dalité de précision.
Tableau 9.1 : Les formes verbales avec le dĂ©rivatif âe
LexÚme Glose Forme dérivée Glose
ÆŽaal homme ÆŽaalâe ressembler Ă un homme
ÉetĂ«w' femme Éetewâe ressembler Ă une femme,
ĂȘtre effĂ©minĂ©
huul griot huulâe ressembler Ă un griot
14. (Ă©licitation)
ÆŽaalâii ÉetĂ«wâe hen
hommeâĂž:DEICT.PROX femmeâMAN juste
Cet homme ressemble Ă une femme
15. (Ă©licitation)
Éetâii ÆŽaalâe hen
femmeâĂž:DEICT.PROX hommeâMAN juste
La femme ressemble Ă un homme.
16. (Ă©licitation)
zan huulâe hen
Jean griotâMAN juste
Jean ressemble Ă un griot.
9.2. La dérivation inter-catégorielle
La dérivation inter-catégorielle est trÚs productive. Le tableau ci-dessous regroupe
lâensemble des dĂ©rivatifs du noon selon les deux sources consacrĂ©es Ă ce sujet, ainsi
que notre propre analyse. Il y a parfois des différences dialectales mais le sens reste
le mĂȘme.
130 LA DERIVATION VERBALE
Tableau 9.2 : Les dérivatifs verbaux en noon
DĂ©rivatifs verbaux Lopis-Sylla (2010) Soukka (2000)
âĂs (sĂ©paratif) inversif inversif
âsiis~âis,âaat (itĂ©ratif) rĂ©pĂ©tition (deux fois) rĂ©pĂ©titif, intensif
âyoh rĂ©pĂ©tition (plusieurs reprises) -
âĂk (intensif) dĂ©prĂ©ciatif, excessif -
âĂ«'10 (bĂ©nĂ©factif) bĂ©nĂ©factif bĂ©nĂ©factif
âĂ«'11 (causatif direct) causatif transitif
âlĂ«k12 (causatif indirect) causatif factitif
âlĂ«koh (causatif+applicatif) causatif impliquant aide ou obliga-
tion
-
âoh (applicatif, antipassif, rĂ©cipro-
cité)
origine, instrumental, réciprocité pluractionnel
(réciprocité, duratif),
instrumental, locatif
âĂ«k13(moyen) rĂ©flĂ©chi rĂ©flĂ©chi
ânee, ânaas (andatif) dĂ©placement pour accomplir une
action
distal
âĂ«s14 (pluriel, passif)
âuu (pluriel, passif)
passif
passif
passif, pluriel
passif
ândoh15 (causation sociative
simultanéité apportatif
9.2.1. Lâapplicatif âoh
Lâapplicatif âoh a pour fonction dâajouter un argument qui ne pourrait exister dans
la construction non dĂ©rivĂ©e. Lâargument ajoutĂ© dans la construction applicative peut
avoir des rÎles sémantiques tels que : prix (17b), locatif (18) et instrumental (19).
Dans lâexemple (18b), le nombre njĂșnĂĂ' « mille » Ă©quivaut Ă cinq mille dans le sys-
tĂšme monĂ©taire. Lâexemple (18c) est aggrammatical. En effet, un nouveau partici-
pant ne pourrait ĂȘtre introduit sans la prĂ©sence de lâapplicatif oh.
10 âĂÉ en pade-noon 11 âĂÉ en pade-noon 12 âluk en pade-noon 13 âuk en pade-noon 14 âus en pade-noon 15 âdoh en pade-noon
CHAPITRE 9 131
17. (Ă©licitation)
a. ÉĂĂ toon pe'âfii
1PL.EXCL vendre chĂšvreâf:DEICT.PROX
Nous vendons la chĂšvre
b. ÉĂĂ toonâoh pe'âfii njĂșnĂĂ'
1PL.EXCL vendreâAPPL chĂšvreâf:DEICT.PROX mille
Nous vendons la chĂšvre Ă cinq mille francs
c. *ÉĂĂ toon pe'âfii njĂșnĂĂ'
1PL.EXCL vendre chĂšvreâf:DEICT.PROX mille
Nous vendons la chĂšvre Ă cinq mille francs.
18. (Ă©licitation)
zan lomâohâĂ«n mbaalâaa Éak caali
Jean acheterâAPPLâPARF moutonâĂž:DEICT.DIST cĂŽtĂ© Thialy
Jean a achté le mouton du cÎté de Thialy.
19. (Ă©licitation)
ÉĂà ñamâoh haawĂ« nĂ« yahâii
1PL.EXCL mangerâAPPL couscous avec mainâĂž:DEICT.PROX
Nous mangeons du couscous avec la main.
Lâemploi du locatif âoh
Lâapplicatif âoh peut sâemployer comme un morphĂšme locatif ; il permet
dâintroduire un argument locatif pour indiquer lâorigine, (20), la destination, (21) ou
la localisation, (22).
20. (description01_plantes)
koo'âkii kolkâoh ndii ketĂ«kâkii
k:graineâk:DEICT.PROX leverâAPPL ici k:arbreâk:DEICT.PROX
teekâĂ« mbaañâaa
nommerâHAB mbaañâĂž:DEICT.DIST
Le fruit vient dâici, lâarbre sâappelle le mbaañ.
21. (conte04_oncle Lion)
malakâaa iñâaa ÉĂĂ hayâoh
regardeâIMPER.SG choseâĂž:DEICT.DIST 1PL.EXCL venirâAPPL
ndii towuâtĂ«Ćângaa njĂĂlâĂ«n
ici t:enfantât:JONCâPOSS.2SG ĂȘtre.maladeâPARF
Regarde, depuis que nous sommes venus ici tes enfants sont malades.
132 LA DERIVATION VERBALE
22. (récit01_sociolinguistique)
kĂ«ânoonâkii Éeskâii ÉĂĂ enâoh
k:COMMânoonâk:DEICT.PROX endroitâĂž:DEICT.PROX 1PL.EXCL ĂȘtreâAPPL
ÉĂ« yĂ«wĂ«nâsiisâsii
REL ĂȘtre.beaucoupâITERâNEG
Le noon, dans l'endroit oĂč nous sommes, nâest pas beaucoup parlĂ©.
Dans lâexemple (20), le terme mbaañ dĂ©signe une variĂ©tĂ© de plante. Avec les verbes
de mouvement, le locatif âoh est assignĂ© au complĂ©ment locatif le rĂŽle dâorigine ou
de destination, (21).
Le locatif âoh joue essentiellement un rĂŽle discursif, sa prĂ©sence permet uniquement
de focaliser le complĂ©ment locatif, (23b, 24). Il nây aucune modification sur la va-
lence verbale. Dans lâexemple (23a), la prĂ©position ngĂ« nâest pas nĂ©cessaire. Par
contre, dans la forme dérivée, sa présence est obligatoire, (23b).
23. (Ă©licitation)
a. më en ngë kaan lamin
1SG ĂȘtre PREP maison Lamine
Je suis chez Lamine.
b. mĂ« enâoh ngĂ« kaan lamin
1SG ĂȘtreâAPPL PREP maison Lamine
Je suis chez Lamine.
24. (séance02_ séance de divination collective)
njole tee fĂ« hayâohâoo ndii hayâaa ndii
njole SUGG 2SG venirâAPPLâNEG ici venirâIMPER.SG ici
Njole, ne viens-tu pas ici ? Viens ici.
Lâapplicatif âoh est restreint sur le plan syntaxique, le verbe dĂ©rivĂ© est suivi dâun
syntagme prépositionel (25) sauf si un locatif adverbial est adjoint à la construction
(26-27) ou un complément locatif antéposé dans une construction relative en posi-
tion de focus (28-29). La construction applicative est nécessaire pour focaliser le
complĂ©ment locatif dans une relative. Lâexemple (27) est une routine qui est utilisĂ©e
pour marquer la fin dâun conte.
25. (Ă©licitation)
mĂ« meyâoh ngĂ« tĂșĂșyâii
1SG sortirâAPPL PREP chambreâĂž:DEICT.PROX
Je sors de la chambre.
CHAPITRE 9 133
26. (conte03_le champ dâharicots)
arâii enâoh ndii Éuu sookâat yoon alak
famineâĂž:DEICT.PROX ĂȘtreâAPPL ici 2PL semerâIMPER.PL champ haricot
La famine sâest installĂ©e, semons (un champ de) du haricot.
27. (conte03_le champ dâharicots)
mĂ« foñâohâeeâÉĂ« ndaaâmĂ«
1SG abandonnerâAPPLâPASâO3PL lĂ -basâANA
Ce fut la fin. (Litt. Je les ai laissés là -bas.)
28. (conte03_le champ dâharicots)
Éeskâaa yĂ« wo'âohâee nĂ« eewâce ÉĂ«
endroitâĂž:DEICT.DIST y:3SG parlerâAPPLâPAS avec mĂšreâPOSS.3SG REL
A lâendroit quâil a indiquĂ© Ă sa mĂšre.
29. (interview01_divination)
wahto' ÉĂ« karâoh ngĂ« ÉĂ©w' Éalaa kolkâohâĂ«sâaa
heure É:PL partirâAPLL PREP tout avant leverâAPPLâPLâCOND
hay kĂ«âtĂ©wâĂ«' naalâaa
venir INFâprĂ©senterâCAUS vacheâĂž:DEICT.DIST
ÉĂ« ÆŽah kĂ«âonâĂ«s
É:3PL aller INFâoffrirâPASS
Chaque fois quâils partent, avant quâils ne quittent, ils montreront la vache qui leur
sera offerte.
- Lâemploi de lâinstrumentalâoh
Lâapplicatif âoh a un rĂŽle sĂ©mantique dâinstrument. Le verbe dĂ©rivĂ© est suivi dâun
syntagme prepositionnel. Lâapplicatif âoh est obligatoire parce quâil est le seul
moyen dâintĂ©grer un participant dit instrument qui est introduit par la prĂ©position
instrumentale në « avec » dans la construction.
30. (Ă©licitation)
a. zan ñam haawë'
Jean manger couscous
Jean mange du couscous.
b. zan ñamâoh haawĂ« nĂ« kutu'
Jean mangerâAPPL couscous avec cuiller
Jean mange du couscous avec une cuiller.
134 LA DERIVATION VERBALE
31. (Ă©licitation)
a. ÆŽaalâii tĂĂn
hommeâĂž:DEICT.PROX marche
Lâhomme marche.
b. ÆŽaalâii tĂĂndâoh nĂ« ÉeekĂ«'
hommeâĂž:DEICT.PROX marcheâAPPL avec bĂ©quille
Lâhomme marche avec des bĂ©quilles.
32. (Ă©licitation)
a. awa tĂk cuunohâii
Awa prĂ©parer dĂ©jeunerâĂž:DEICT.PROX
Awa prépare le déjeuner
b. awa tĂkâoh cuunohâii nĂ« sokoñ
Awa prĂ©parerâAPPL dĂ©jeunerâĂž:DEICT.PROX avec bois.de.chauffe
Awa prépare le déjeuner avec du bois de chauffe.
c. *awa tĂk cuunohâii nĂ« sokoñ
awa prĂ©parer dĂ©jeunerâĂž:DEICT.PROX avec bois.de.chauffe
Awa prépare le repas avec du bois de chauffe.
Dans lâexemple (31), la nasale [n] apparaĂźt sous sa forme sous-jacente [nd] en posi-
tion intervocalique. Lâexemple (32c) est agrammatical parce que le syntagme prĂ©-
positionnel exige lâemploi de lâapplicatif.
9.2.2 La rĂ©ciprocitĂ© âoh
La rĂ©ciprocitĂ© âoh est formellement identique Ă lâapplicatif âoh mais ces deux dĂ©ri-
vatifs sont diffĂ©rents sur le plan syntaxique et sĂ©mantique. Il sâagit tout simplement
dâun phĂ©nomĂšme dâhomophonie. Les exemples (33, 43) montrent clairement que ces
deux morphĂšmes sont diffĂ©rents. Il est aussi diffĂ©rent du dĂ©rivatif agentif âoh
comme le montrent lâexemple (35). La rĂ©ciprocitĂ© âoh renvoie ou Ă des actions
faites mutuellement par au moins deux participants (33-34b) ou Ă des actions
collectives (35).
33. (Ă©licitation)
oomaaâcaa heeñâohâohâĂ«s nĂ« ndo'
enfantsâc:DEICT.DIST battreâRECIPRâAPPLâPL avec bĂąton
Les enfants se battent avec des bĂątons.
CHAPITRE 9 135
34. (Ă©licitation)
a. zan yaa waa' mari
Jean y:DEM.DIST vouloir Marie
Jean aime Marie.
b. zan nĂ« mari Éaa waarâoh
Jean avec Marie É:DEM.DIST vouloirâRECIPR
Jean et Marie sâaiment.
35. (récit01_sociolinguistique)
keemĂ« panjâohâcaa ÆŽaalâcaa
maintenant marierâNOMSâcâDEICT.DIST hommeâc:DEICT.DIST
nĂ« Éetew'âÉaa aasâĂ«kâohâuuânâĂ«n
avec femmeâÉ:DEICT.DIST entrerâMOYâRECIPRâPLâNâPARF
Maintenant les mariages entre les hommes et les femmes sont mixtes.
Tableau 9.3 : Les formes verbales réciproques
LexÚme Glose Forme dérivée Glose
pañ marier panjâoh se marier
wa' partager warâoh se partager
waa' vouloir waarâoh se vouloir, sâaimer
hĂĂn ĂȘtre Ă©gal hĂĂndâoh se rencontrer
wo' parler wo'âoh se disputer
heeñ battre heeñâoh se battre
ap tuer apâoh sâentretuer, massacrer
maas ĂȘtre tĂ©moin maasâoh participer
Les constructions rĂ©ciproques peuvent ĂȘtre de type simple oĂč les deux participants
apparaissent en fonction sujet. Dans ce cas, le verbe porte les marques du pluriel âĂ«s
(pluriel inaccompli), (36) ou âuu (pluriel accompli), (37a). Dans une construction
discontinue, le verbe a un sujet au singulier et un des participants apparaĂźt dans un
syntagme prépositionnel introduit par la préposition në « avec », (34b, 37b).
36. (Ă©licitation)
oomaaâcaa fiicâohâĂ«s
enfantâc:DEICT.DIST battreâRECIPRâPL
Les enfants se battent.
136 LA DERIVATION VERBALE
37. (Ă©licitation)
a. alber nĂ« Éetiâce wo'âohâuuânâĂ«n
Alber avec femmeâPOSS.3SG parlerâRECIPRâPLâNâPARF
Albert et sa femme se sont disputés.
b. alber wo'âohâĂ«n nĂ« Éetiâce
alber parlerâRECIPRâPARF avec femmeâPOSS.3SG
Albert sâest disputĂ© avec sa femme.
La notion de réciprocité est caractérisée par une pluralité de relations. Cependant,
cette pluralité des relations englobe une catégorie sémantique plus large pouvant
mĂȘme avoir une valeur pluractionnelle. Maslova (2007:336) a proposĂ© un sens plus
large de la réciprocité.
« The reciprocal belongs to a wide range of complex event structures that
assign the same type of participation in the event to multiple participants.
Apart from the reciprocal, this type of event structure subsumes the so-
ciative (collective), the distributive, the converse (chaining), the competi-
tive, etc ».
La rĂ©ciprocitĂ© âoh peut avoir une valeur pluractionnelle mettant en jeu une pluralitĂ©
dâactions ou de participants. LâĂ©vĂ©nement peut ĂȘtre rĂ©alisĂ© par plusieurs agents
simultanĂ©ment, un agent sur plus dâun participant, ou Ă plusieurs reprises. Le plurac-
tionnel est diffĂ©rent de lâaccord du verbe en nombre comme le montrent les
exemples (35-36, 37a) qui peuvent avoir le sens de pluralité des actions. Les
exemples (38-40) peuvent avoir une lecture de pluractionnel dans le sens que
beaucoup de participants sont mis en jeu. Lâexemple (38) illustre une discussion
pendant une sĂ©ance de divination oĂč chacun des devins interprĂšte ce quâil a observĂ©.
Le terme njutut dans lâexemple (38) est un lexĂšme verbo-nominal employĂ© ici
comme un nom.
38. (séance02_séance de divination collective)
ÉĂșĂș ñaarâoh njutut
1PL.INCL discuterâRECIPR ĂȘtre.petit
Nous discutons un peu.
39. (conte04_oncle Lion)
Éaal ÉalâlĂ« kĂ«âakiâoh mbonda
hyĂšne commencerâNARR INFâmĂ©langerâRECIPR liĂšvre
taan ngaynde nĂ« towuâtaa tĂșĂșh
oncle lion et t:enfantât:DEICT.DIST tout
HyĂšne se faufila aussitĂŽt entre liĂšvre, oncle Lion et tous les enfants.
CHAPITRE 9 137
Lâemploi du pluractionnel est plus explicite au niveau du verbe par un double mar-
quage. Il existe différentes constructions pour exprimer la pluralité des actions.
40. a. série de verbes (élicitation)
awa mbec kĂ«âmbec ngĂ« mbilimâaa
Awa danser INFâdanser PREP mbilimâĂž:DEICT.DIST
Awa danse beaucoup au mbilim.
41. b. construction adjectivale (Ă©licitation)
awa mbec cĂ«âyĂ«wĂ«n ngĂ« mbilimâaa
Awa danser c:JONCâĂȘtre.beaucoup PREP mbilimâĂž:DEICT.DIST
Awa danse beaucoup au mbilim.
42. c. opération morphologique (élicitation)
awa mbecâĂkâoh ngĂ« mbilimâaa
Awa danserâEXCâRECIPRP PREP mbilimâĂž:DEICT.PROX
Awa danse beaucoup au mbilim.
Nous nous intéressons dans cette étude-ci aux opérations morphologiques qui
consistent Ă combiner la rĂ©ciprocitĂ© âoh aux suffixes : itĂ©ratif âis ou âsiis, (43),
excessif, âĂk (44). Dans lâexemple (43), nous avons un triple marquage sur le verbe.
Et mieux encore, nous avons une combinaison de deux morphÚmes, réciprocité et
applicatif âoh, qui montrent encore une fois quâils sont distincts. Lâapplicatif âoh est
obligatoire pour ajouter un autre argument de type instrument.
43. (Ă©licitation)
mĂ« tĂkâisâohâoh maaalâii avec sokoñ
1SG cuisinerâITER âRECIPRâAPPL rizâĂž:DEICT.PROX nĂ« bois.de.chauffe
Je prépare toujours le riz avec du bois de chauffe.
44. (interview02_divination)
fĂ« malkâĂkâohâĂ«n iñâaaâmĂ« ketĂ«k
2SG regarderâEXCâRECIPRâPARF choseâĂž:DEICT.PROX âANA K:arbre
Tu as observé cela des arbres.
Il peut y avoir un rapprochement entre les notions de réciprocité et de pluractionnel
dans le sens de pluralité des actions. En effet, certaines constructions réciproques
peuvent avoir une lecture de pluractionnel. Dans Soukka (2000:161-162), le
dĂ©rivatif âoh est dĂ©crit comme un pluractionnel ayant deux fonctions distincts :
duratif et réciprocité. Cela pourrait aussi renforcer le rapprochement entre récipro-
cité et pluractionnel.
138 LA DERIVATION VERBALE
9.2.3. Lâantipassif âoh
Lâantipassif âoh est de forme identique Ă lâapplicatif âoh et Ă la rĂ©ciprocitĂ© âoh. Ces
trois morphĂšmes âoh sont distincts de par leurs rĂŽles sĂ©mantiques et syntaxiques.
Lâantipassif âoh contrairement Ă lâapplicatif âoh est une opĂ©ration sur la valence
verbale qui entraĂźne une destitution de lâunique objet dans la construction transitive
ou de lâobjet bĂ©nĂ©ficiaire dans la construction ditransitive. Lâantipassif âoh en noon
a pour fonction une valeur dâindĂ©termination : le destinataire reste indĂ©terminĂ©.
Nous avons relĂ©vĂ© quelques verbes bivalents qui peuvent ĂȘtre combinĂ©s avec
lâantipassif âoh, dâoĂč un emploi intransitif du verbe transitif.
45. (Ă©licitation)
Éow « Il mord. »
malak « Il regarde. »
feek « Il frappe. »
Éey « Il appelle. »
kañ « Il porte le patronyme. »
46. (Ă©licitation)
a. mbaayâfii fii Éow oomaaânâii
chienâf:DEICT.PROX f:DEM.PROX mordre enfantâNâĂž:DEICT.PROX
Le chien mord lâenfant.
b. mbaayâfaa fii Éowâoh
chienâf:DEICT.DIST f:DEM.PROX mordreâANTIPASS
Le chien mord.
47. (Ă©licitation)
a. póól yii malak Éuwâii
Paul y:DEM.PROX regarder personneâĂž:DEICT.PROX
Paul regarde la foule.
b. póól yii malakâoh
Paul y:DEM.PROX regarderâANTIPASS
Paul est curieux. (Litt. Paul regarde.)
48. (Ă©licitation)
a. zon feekâĂ«n mari
John frapperâPARF Marie
John a frappé Marie.
CHAPITRE 9 139
b. jon feekâohâĂ«n
John frapperâANTIPASSâPARF
John a frappé.
49. (Ă©licitation)
a. mii Éeyâyaa
1SG.PROG.PROX appelerâO2SG
Je tâappelle.
b. mii ÉeyâÉâoh
1SG.PROG.PROX appelerâCAUSâANTIPASS
Je fais des appels. (Litt. Jâappelle.)
50. (Ă©licitation)
a. mii këñâĂ«' paamâmboo
1SG.PROG.PROX porter.le.patronymeâCAUS pĂšreâPOSS.1SG
Je salue mon pĂšre.
b. mii këñâĂ«Éâoh
1SG.PROG.PROX porter.le.patronymeâCAUSâANTIPASS
Je fais des salutations.
51. (interview02_divination)
paskal rek ÉĂĂ Ăsâsaa fĂ«
Pascal seulement 1PL.EXCL laisserâO2SG 2SG
këñâÉâoh fĂ« wo' hafâfĂ«
porter.le.patronymeâCAUSâANTIPASS 2SG parler tĂȘteâPOSS.2SG
Pascal, nous te laissons maintenant faire des salutations et te présenter.
Lâantipassif âoh entraine obligatoirement la destitution de lâobjet rĂ©cepteur, comme
lâillustrent les exemples (46b, 47b, 48b, 49b, 50b, 51). Il peut ĂȘtre combinĂ© avec
certains verbes dĂ©rivĂ©s Ă causatif, (49b, 50b, 51, 55b). Le causatif âĂ«' nâentraine pas
une augmentation de la valence mais une réorganisation syntaxique des participants.
Dans les exemples (50b-51), le verbe kañ se traduit par porter le patronyme. Par
exemple, pour demander le nom de famille de quelquâun, on pose la question fĂ«
kañës ye « quel est ton nom de famille ? ». La voyelle du verbe kañ est assimilée par
le causatif âĂ«'. La forme dĂ©rivĂ©e këñë' se traduit par saluer. Lâemploi du patronyme
est la salutation la plus communément employée au Sénégal : les salutations sont
faites en utilisant les noms de famille.
Lâantipassif âoh peut ĂȘtre employĂ© avec des verbes trivalents ; il vise ainsi Ă
destituer le bĂ©nĂ©ficiaire qui ne peut ĂȘtre converti dâoblique.
140 LA DERIVATION VERBALE
52. (Ă©licitation)
a. më e' lamin kopa'
1SG donner Lamin argent
Je donne de lâargent Ă Lamine.
b. mĂ« erâoh kopa'
1SG donnerâANTIPASS argent
Je donne de lâargent.
c. *lamin mĂ« erâoh kopa'
Lamin 1SG donnerâANTIPASS argent
Câest Lamine Ă qui je donne de lâargent.
53. (Ă©licitation)
a. alber on musa awa
Alber offrir Moussa Awa
Albert donne Awa (en mariage) Ă Moussa.
b. alber onâoh awa
alber offrirâANTIPASS Awa
Albert donne Awa (en marriage).
54. (Ă©licitation)
a. mĂ« Éanâeeâraa sakâaa
1SG prĂȘterâPASâO2SG sacâĂž:DEICT.DIST
Je tâai prĂȘtĂ© le sac.
b. mĂ« Éanâohâee sakâaa
1SG prĂȘterâANTIPASSâPAS sacâĂž:DEICT.DIST
Jâai prĂȘtĂ© le sac.
55. (Ă©licitation)
a. moris njĂ«ĆâĂ«râuu kĂ«ânoon
Maurice apprendreâCAUSâO2PL k:COMMânoon
Maurice vous enseigne le noon.
b. moris njĂ«ĆâĂ«râoh kĂ«ânoon
Maurice apprendreâCAUSâANTIPASS k:COMMânoon
Maurice enseigne le noon.
CHAPITRE 9 141
56. (interview01_divination)
njalbĂ«âcĂ«Ć ndĂ«kâaa ÉĂ« unoh hen an fĂ«
devinâc:JONC villageâĂž:DEICT.DIST REL savoir juste COMP 2SG
erâoh yĂ«rĂ« erâoh Éiw kat
donnerâANTIPASS y:EMS.3SG donnerâANTIPASS quelquâun EMPH
Les devins du village savent, ils diront que tu as fais un don (de sacrifice humain).
Câest lui qui a vraiment fait un don de sacrifice humain.
Dans les formes dérivées (52.b, 53.b, 54.b, 55.b, 56), les participants qui ont un rÎle
sĂ©mantique de bĂ©nĂ©ficiaire sont destituĂ©s et ne peuvent ĂȘtre rĂ©cupĂ©rĂ©s sous forme de
focalisation comme illustrĂ© en (52.c). Dans lâexemple (52.b, 56), le coup de glotte
du verbe e' « donner » devient [r] en position intervocalique. Dans une construction
ditransitive, les deux objets peuvent ĂȘtre destituĂ©s, mais la destitution de lâobjet
(thĂšme) est optionnelle, comme câest le cas Ă (56). Cependant, lâobjet au rĂŽle de
bénéficiaire est toujours destitué dans la forme dérivée.
Remarques générales
Le dĂ©rivatif âoh apparaĂźt sous des formes identiques mais diffĂ©rentes de par leurs
fonctions et rĂŽles syntaxiques. Nous pensons que les diffĂ©rents morphĂšmes âoh ne
sont que des coĂŻncidences de formes. Ainsi, nous considĂ©rons trois morphĂšmes âoh
distincts : (1) lâapplicatif qui inclut des rĂŽles sĂ©mantiques tels que le locatif et
lâinstrument ; (2) la rĂ©ciprocitĂ©, y compris le rĂŽle sĂ©mantique pluractionnel ; (3)
lâantipassif qui a pour fonction de destituer lâobjet. Compte tenu des diffĂ©rentes
fonctions et rĂŽles syntaxiques du dĂ©rivatif âoh, nous envisageons de mener une
étude précise et détaillée de ce morphÚme pour mieux éclairer cette complexité dans
des travaux ultérieurs.
9.2.4. Le causatif âĂ«'
Le causatif âĂ«' est un dĂ©rivatif dominant dans lâharmonie vocalique ; il entraĂźne des
changements phonologiques avec les verbes qui ont une voyelle [-ATR] (cf. 2.5.2.).
Il assimile la voyelle du radical et ce dernier devient [+ATR], comme lâillustrent les
exemples (57-59.b). Il faut noter quâavec un radical qui a une voyelle [+ATR] la
diffĂ©rence ne peut ĂȘtre distinguĂ©e, (58-58.b). Le coup de glotte du causatif âĂ«' de-
vient une consonne glottalisée en position intervocalique, (58-59.b).
57. (conte03_le champ dâharicots)
tĂ«mâĂ«' mĂșĂșâmaa Éii ÉalâlĂ«
ĂȘtre.chaudâCAUS eauâm:DEICT.PROX jusqu'Ă commencerâNARR
kĂ«âtamâoh jiir
INFâĂȘtre.chaudâRECIPR IDEO
Il bouille lâeau jusqu'Ă ce quâelle soit (bouillie) Ă gros bouillons
142 LA DERIVATION VERBALE
58. (conte03_le champ dâharicots)
hafâce ÉĂ©yâĂ«ÉâĂ«kâĂ«n kĂ«âkuluĆ
tĂȘteâPOSS.3SG amenerâCAUSâMOYâPARF k:DIMâk:jarre
kuumâkĂ«Ćânge
k:mielâk:JONCâPOSS.3SG
Il porta sur la tĂȘte sa petite jarre de miel.
59. (Ă©licitation)
a. maleeyâmaa sĂșĂșsâĂ«n
sableâm:DEICT.DIST ĂȘtre.noireâPARF
Le sable est noir.
b. payâohâaa sĂșĂșsâĂ«ÉâĂ«n maleeyâmaa
guĂ©rirâNOMS âĂž:DEICT.DIST ĂȘtre.noireâCAUSâPARF sableâm:DEICT.DIST
Le devin noircit le sable.
Le causatif âĂ«' sâapplique Ă un nombre limitĂ© de verbes dâactions dont le sens des
formes dĂ©rivĂ©es peut ĂȘtre diffĂ©rent de celui de leurs formes non dĂ©rivĂ©es. Il nây a
aucune restriction pour les verbes intransitifs qui deviennent transitifs. Cela
sâexplique par le fait que la construction causative, avec un sĂ©mantisme de causation
directe, est restreinte avec les verbes transitifs, et est trĂšs productive avec les verbes
intransitifs.
Tableau 9.4 : Les formes verbales causatives
LexÚme Glose Forme dérivée Glose
Éap tĂ©ter ÉĂ«pâĂ«' allaiter
Éew' prendre ÉĂ©wâĂ«' soulever
yoon apprendre yóónâĂ«' enseigner
ñam manger ñëmâĂ«' nourrir
lap monter lĂ«pâĂ«' monter
leeh finir lĂ©ehâĂ«' finir
mey' sortir mĂ©yâĂ«' faire sortir
hew se passer, se produire hĂ«wâĂ«' prĂ©parer, fabriquer
taañ ĂȘtre enceinte tëñâĂ«' engrosser
lawĂ«y ĂȘtre humide lĂ«wĂ«yâĂ«' humidifier, humecter
soos ĂȘtre froid sóósâĂ«' refroidir
tam ĂȘtre chaud tĂ«mâĂ«' bouillir
CHAPITRE 9 143
Le causatif âĂ«' est une causation directe ; il peut augmenter la valence en
introduisant un causateur agentif qui est impliquĂ© dans lâĂ©vĂšnement, en contrĂŽlant
directement le causataire patientif. Le sujet de la construction non dérivée à (60a-
63a) est maintenu dans la construction causative. Sur le plan sémantique, il a un
statut de causataire.
60. (Ă©licitation)
a. oomaaânâii Éap
enfantâNâĂž:DEICT.PROX tĂ©ter
Lâenfant tĂ©te.
b. Éetâii ÉĂ«pâĂ«' oomaaânâii
femmeâĂž:DEICT.PROX tĂ©terâCAUS enfantâĂž:DEICT.PROX
La femme allaite lâenfant.
61. (Ă©licitation)
a. mbaayâfaa meyâĂ«n
chienâf:DEICT.DIST sortirâPARF
Le chien est sorti.
a. zaan mĂ©yâĂ«ÉâĂ«n mbaayâfaa
Jeanne sortirâCAUSâPARF chienâf:DEICT.DIST
Jeanne a fait sortir le chien.
62. (Ă©licitation)
a. Éetâii taañâĂ«n
femmeâĂž:DEICT.PROX ĂȘtre.enceinteâPARF
La femme est enceinte.
b. joasim tëñâĂ«ÉâĂ«n Éetâii
Joachim ĂȘtre.enceinteâCAUSâPARF femmeâĂž:DEICT.PROX
Joachim a engrossé la femme.
63. (Ă©licitation)
a. oomaaânâaa ñam maalâii
enfantâNâĂž:DEICT.DIST manger rizâĂž:DEICT.PROX
Lâenfant mange le riz.
b. Éetâii ñëmâĂ«'
femmeâĂž:DEICT.PROX mangerâCAUS
144 LA DERIVATION VERBALE
oomaaânâii maalâii
enfantâNâĂž:DEICT.PROX rizâĂž:DEICT.PROX
La femme donne Ă lâenfant Ă manger le riz.
Le causatif âĂ«' peut aussi impliquer un changement du rĂŽle sĂ©mantique du sujet
original qui a un statut de causateur dans la construction causative.
64. (Ă©licitation)
a. omar Éew' tapalâii
Omar prendre tableâĂž:DEICT.PROX
Omar prend la table.
b. omar ÉĂ©wâĂ«' tapalâii
Omar prendreâCAUS tableâĂž:DEICT.PROX
Omar soulĂšve la table.
65. (Ă©licitation)
a. antuwan yoon kĂ«ânoonâkii
Antoine apprendre k:COMMânoonâk:DEICT.PROX
Antoine apprend le noon.
b. antuwan yóónâĂ«' kĂ«ânoonâkii
Antoine apprendreâCAUS k:COMMânoonâk:DEICT.PROX
Antoine enseigne le noon.
Lopis-Sylla (2010:137) a analysĂ© aussi le dĂ©rivatif âĂ«' comme un causatif qui
« implique lâexistence dâun nominal reprĂ©sentant celui Ă qui le sujet fait faire
lâaction ou que le sujet met dans tel ou tel Ă©tat ». Dans le dialecte pade-noon, le
causatifâĂ«' correspond Ă âĂÉ que Soukka (2000), dĂ©crit comme un morphĂšme
transitif.
« The function of âĂÉ is that of increasing the valency of the verb. It
adds an argument to the predicate, making the verb either transitive or
ditransitive » (Soukka 2000:162-163).
Nous ne pensons pas que le dĂ©rivatif âĂ«' soit un morphĂšme transitif. Certes, il peut
avoir une valeur de transitivisation. En effet, le verbe intransitif devient transitif,
(61-62) et le verbe transitif devient ditransitif, (63). Cependant, un verbe transitif
peut porter le causatif âĂ«' sans quâil soit un argument supplĂ©mentaire ajoutĂ©, mais
une simple réorganisation du rÎle sémantique du sujet, (64b-65b).
CHAPITRE 9 145
9.2.5 Le causatif âlĂ«k
Le causatif âlĂ«k permet de donner au sujet un rĂŽle sĂ©mantique de causateur. Il ex-
prime une causation indirecte. En effet, le causateur contrĂŽle indirectement lâaction
du causataire agentif.
66. (Ă©licitation)
a. Éetâii naaw kultiâcii
femmeâĂž:DEICT.PROX laver habitâc:DEICT.PROX
La femme lave les habits.
b. Éetâii naawâlĂ«k kultiâcii
femmeâĂž:DEICT.PROX laverâCAUS habitâc:DEICT.PROX
La femme fait laver les habits.
67. (elicitation)
a. awa tĂk cuunohâii
Awa cuisiner dĂ©jeunerâĂž:DEICT.PROX
Awa prépare le déjeuner.
b. awa tĂkâlĂ«k cuunohâii
Awa cuisinerâCAUS dĂ©jeunerâĂž:DEICT.PROX
Awa fait préparer le déjeuner.
c. awa tĂkâlĂ«kâoh mari cuunohâii
Awa cuisinerâCAUSâAPPL Marie dĂ©jeunerâĂž:DEICT.PROX
Awa fait préparer à Marie le déjeuner
Le causatif âlĂ«k peut ĂȘtre combinĂ© avec lâapplicatif âoh pour introduire un nouveau
participant qui peut recevoir un rÎle sémantique distinct. Cela implique deux partici-
pants agentifs : un causateur agentif et un causataire agentif, (67c, 68b, 69-70).
68. (Ă©licitation)
a. oomaaânâii fool
enfantâNâĂž:DEICT.PROX courir
Lâenfant court.
b. ÆŽaalâii foolâlĂ«kâoh oomaaânâii
hommeâĂž:DEICT.PROX courirâCAUSâAPPL enfantâNâĂž:DEICT.PROX
Lâhomme fait courir lâenfant.
146 LA DERIVATION VERBALE
69. (Ă©licitation)
tipâohâcii mbecâlĂ«kâoh Éetiâcii
battreâNOMSâc:DEICT.PROX danserâCAUSâAPPL femmeâc:DEICT.PROX
Les batteurs (de tambour) font danser les femmes.
70. (Ă©licitation)
payâohâii hotâlĂ«kâoh zan
guĂ©rirâNOMSâĂž:DEICT.PROX voirâCAUSâAPPL Jean
iñâaa heel ÉĂ«
choseâĂž:DEICT.DIST chercher REL
Le devin fait des prĂ©dictions pour Jean. (Litt. Le devin fait voir Ă Jean ce quâil
cherche.)
Lopis-Sylla (2010 :138) dĂ©crit le causatif âlĂ«k et lâapplicatif âoh comme un seul
morphĂšme âlĂ«koh exprimant une idĂ©e dâaide ou dâobligation. La consonne [k] de-
vient sonore en position intervocalique, Lopis-Sylla prĂ©fĂšre lâĂ©crire phonologique-
ment ainsi : âlĂ«goh.
Nous ne pensons pas que les dĂ©rivatifs âlĂ«k et âoh puissent ĂȘtre interprĂ©tĂ©s comme
un seul morphĂšme. En effet, lâapplicatif âoh est ajoutĂ© au causatif âlĂ«k pour
introduire un participant qui peut recevoir les rÎles sémantiques de causateur ou
causataire. En plus ce nâest pas cette combinaison qui exprime une valeur
dâobligation mais plutĂŽt le causatif âlĂ«k qui peut avoir les valeurs dâordre ou de
conseil.
9.2.6. La causation sociative ândoh
La causation sociative est une catégorie sémantique de la causation introduite par
Kulikov (2001) et Dixon (2000) dans leurs Ă©tudes typologiques sur la causation. Une
étude approfondie sur la sémantique de la causation a été faite par Shibatani et Par-
deshi (2002) qui considÚrent la causation sociative comme une catégorie intermé-
diaire entre causation directe et causation indirecte.
Dans une causation sociative le causateur rĂ©alise la mĂȘme action que le causataire.
On pourrait parler dâun chevauchement spatio-temporel entre lâaction du causateur
et celle du causataire. Shibatani & Pardeshi (2002) ont identifié trois types de
constructions sociatives : (i) action jointe, le causateur et le causataire réalisent tous
les deux la mĂȘme action ; (ii) assistive, le causateur aide le causataire sans pourtant
faire la mĂȘme action ; (iii) supervision, le causateur supervise simplement lâaction
du causataire.
Le noon a un morphĂšme ândoh qui exprime une causation sociative. Le morphĂšme
ândoh est une combinaison des dĂ©rivatifs âĂ«' (causatif) et âoh (applicatif). Ces
dérivatifs sont devenus une forme gelée et apparaissent comme un seul morphÚme.
CHAPITRE 9 147
Il sâest produit des changements phonologiques avec les deux dĂ©rivatifs Ă«' âoh. Le
coup de glotte [Ê] du causatif âĂ«' apparaĂźt en position finale absolue. En position
intervocalique, il devient une consonne glottalisĂ©e [É]. Lorsque deux dĂ©rivatifs
verbaux sont combinés, la voyelle du premier suffixe à initiale vocalique tombe ; ce
qui donnerait la forme Éâoh. La consonne glottalisĂ©e /É/ devient une forme simple
/d/ ; dâoĂč la forme âdoh quâon retrouve dans le dialecte pade-noon. Alors comme il
nâexiste pas dans le dialecte cangin-noon la consonne sourde /d/, celle-ci devient une
consonne prĂ©nasalisĂ©e /nd/ ; ce qui pourrait expliquer la forme ândoh.
Le morphĂšme ândoh est trĂšs souvent suffixĂ© Ă des verbes de mouvement dĂ©ictiques
et exprime le sens de « amener avec soi ». Il renvoie aussi à « faire quelque chose
simultanément ».
Tableau 9.5 : les formes verbales causation sociatives
LexÚme Glose Forme dérivée Glose
hay venir hayândoh amener
ÆŽah aller ÆŽahândoh emporter
ÉĂ©y amener ÉĂ©yândoh amener, apporter
tĂĂn marcher tĂĂnândoh marcher ensemble
71. (conte03_le champ dâharicots)
erâĂ«n eewâcĂ« Éuundâii Éii
donnerâPARF mĂšreâPOSS.3SG provisionâĂž:DEICT.PROX jusqu'Ă
yaa ÆŽahândoh
y:DEM.DIST allerâCAUS.SOC
Il a donnĂ© Ă sa mĂšre les provisions pour quâelle (les) emmĂšne.
72. (Ă©licitation)
waa yĂ« enâee kĂ«âyah ÉĂ«
quand y:3SG ĂȘtreâPAS INFâaller REL
ÉĂ©yândohâeeânâĂ«n kowuâkii
amenerâCAUS.SOCâPASâNâPARF k:enfantâk:DEICT.PROX
Quand il partait il avait amenĂ© avec lui lâenfant.
73. (Ă©licitation)
musa mey'ândoh Éetiâce
Moussa sortirâCAUS.SOC femmeâPOSS.3SG
Moussa fait sortir sa femme en sortant avec elle.
148 LA DERIVATION VERBALE
74. (interview01_divination)
mĂ« hayândoh fĂkĂĂâfĂ«Ć mammbay
1SG venirâCAUS.SOC visageâf:JONC Mame_Mbaye
mĂ« wo' nĂ«âraa
1SG parler avecâO2SG
Je me transforme en Mame Mbaye et je parle avec toi. (Litt. je viens avec le visage
de Mame Mbaye et je parle avec toi.)
75. (Ă©licitation)
ministĂ«râii hayâeeânâĂ«n nguint wo'
ministerâĂž:DEICT.PROX venirâPASâNâPARF Nguinth parler
an hayâyĂĂ kĂ«âamândoh
COMP venirâ1PL.EXCL INFâattraperâCAUS.SOC
Le ministre Ă©tait venu Ă Nguinth, il dit quâil nous aidera.
76. (séance02_séance de divination collective)
amândohâaaârĂ«
attraperâCAUS.SOCâIMPER.SGâO3SG
Aide-le !
Le verbe ÉĂ©y « amener » a une valeur causative. Lorsquâil porte le dĂ©rivatif ndoh, il
exprime lâidĂ©e dâaccompagner. Dans lâexemple (72), le causateur a provoquĂ© la
venue de lâenfant, tout en venant avec lui. Dans lâexemple (74), un devin explique
comment un djinn peut se transformer et se prĂ©senter devant quelquâun en prenant la
forme dâun de ses amis ou dâun proche. Dans (75-76), le morphĂšme ândoh est
combiné avec le verbe am « attraper » qui se traduit par « aider, assister ». Il permet
dâexprimer une causation de type assistive. Le causateur contribue Ă lâaction sans
pour autant faire la mĂȘme action ; dâoĂč son rĂŽle sĂ©mantique de bĂ©nĂ©ficiaire.Dans les
exemples (77-79), les actions sont rĂ©alisĂ©es par plusieurs actants en mĂȘme temps et
au mĂȘme lieu : ils expriment des actions conjointes.
77. (Ă©licitation)
yaakâcaa toosândohâuuânâĂ«n ngĂ«
aĂźnĂ©âc:DEICT.DIST cracherâCAUS.SOCâPLâNâPARF PREP
Éuuy' kanuâkii
intĂ©rieur k:calebasseâk:DEICT.PROX
Les vieux ont tous crachĂ© ensemble Ă lâintĂ©rieur de la calebasse.
78. (Ă©licitation)
ÉĂ« ñamândohâuuânâĂ«n haawĂ«'
É:3PL mangerâCAUS.SOCâPLâNâPARF couscous
Ils ont tous mangé ensemble du couscous.
CHAPITRE 9 149
79. (Ă©licitation)
fĂ« hot Éo' fĂ« mbecândoh nĂ«âreânâaa
2SG voir personne 2SG danserâCAUS.SOC avecâO3SGâNâCOND
fë mbec
2SG danser
Si tu trouves quelquâun avec qui danser, tu danses.
Soukka (2000) interprĂšte le dĂ©rivatif âdoh comme un morphĂšme « apportatif » en ne
lâassociant quâĂ des verbes de mouvement.
« The use of the suffix âdoh is restricted to a small group of verbs and
in all these the suffix gives the verb a signification of movement when
something is brought from one place to another ». (Soukka 2000:170)
Le dĂ©rivatif ândoh nâest pas limitĂ© aux verbes de mouvement. Il peut ĂȘtre associĂ© Ă
des verbes intransitifs et transitifs qui peuvent ĂȘtre interprĂštĂ©s comme des actions
jointes, comme lâillustrent les exemples 77-79).
Nous avons constatĂ© que le dĂ©rivatifândoh exprime un type de construction
causative diffĂ©rent dâune causation rĂ©guliĂšre. Cette particularitĂ© sâexplique par le fait
que le causateur fait faire lâaction tout en y prenant une part active. Dans la
littérature, la causation sociative est présentée comme une extension sémantique des
constructions causatives réguliÚres (Shibatani & Pardeshi 2002 ; Kulikov 2001).
Typologiquement, il est intĂ©ressant dâobserver que dans des langues de lâAmĂ©rique
du Sud et le wolof (Guillaume & Rose 2010), oĂč le marqueur de causation sociative
existe, il est associé à des marqueurs applicatifs. Cette proximité du causatif et de
lâapplicatif est Ă lâorigine de ce phĂ©nomĂšne de syncrĂ©tisme causatif/applicatif
proposĂ© par Shibatani & Pardeshi 2002). Le mĂȘme phĂ©nomĂšne peut ĂȘtre observĂ©
dans la langue noon qui en est une parfaite illustration de ce syncrétisme
causatif/applicatif puisque son marqueur de causation sociative est le fusionnement
de dérivatifs causatif/applicatif.
9.2.7. Le bĂ©nĂ©factif âĂ«'
Le morphĂšme bĂ©nĂ©factif âĂ«' est distinct du causatif âĂ«', ces deux morphĂšmes sont
phonologiquement distints dans leur comportement, comme le montre lâexemple
(80). Le bĂ©nĂ©factif âĂ«' nâentraĂźne aucun changement phonologique au niveau du
radical contrairement au causatif âĂ«' qui change la voyelle -ATR du radical en une
voyelle +ATR. Le bĂ©nĂ©factif âĂ«' augmente la valence en ajoutant un argument qui a
le rÎle sémantique de bénéficiaire.
150 LA DERIVATION VERBALE
80. (Ă©licitation)
musa mĂ©yĂ«ÉĂ«n oomaanaa mbaayfaa
mousa mĂ©yâĂ«'âĂ«ÉâĂ«n oomaaânâaa
Moussa sortirâCAUSâBENEFâPARF enfantâNâĂž:DEICT.DIST
mbaayâfaa
chienâf:DEICT.DIST
Moussa a fait sortir le chien pour lâenfant.
81. (Ă©licitation)
a. mbaayâfii kaal mbonda
chienâf:DECIT.PROX chasser liĂšvre
Le chien chasse un liĂšvre.
b. mbaayâfii kaalâĂ«' risar mbonda
chienâf:DECIT.PROX chasserâBENEF Richard liĂšvre
Le chien chasse un liĂšvre pour Richard.
82. (Ă©licitation)
fĂ« laak Éuyâaa yungâaa
2SG avoir hommeâĂž:DEICT.DIST asseoirâCOND
pokâĂ«Éâaaâroo hafâaa
briserâBENEFâIMPER.SGâO1SG tĂȘteâĂž:DEICT.DIST
anâĂ«Éâaaâroo yuurâaa
boireâBENEFâIMP.SGâO1SG cerveauâĂž:DEICT.DIST
Si tu trouves une personne assise, brise la tĂȘte pour moi et bois le cerveau pour moi.
Dans les exemples (80, 82), le coup de glotte du bĂ©nĂ©factif âĂ«' devient une consonne
glottalisée en position intervocalique.
9.2.8. Le sĂ©paratif âĂs
Le sĂ©paratif âĂs apparaĂźt dans peu de verbes. Il change la voyelle [-ATR] de la base
verbale en une voyelle [+ATR]. Le sĂ©paratif dĂ©note la notion de causer ou dâopĂ©rer
une séparation.
Tableau 9.6 : Les verbes dérivés séparatifs
LexÚme Glose Forme dérivée Glose
pok attacher pĂłkâĂs dĂ©tacher
tof poser tĂșfâĂs enlever
laĆ fermer lĂ«ngâĂs ouvrir
laaĆ cuisiner lĂ«ngâĂs retirer du feu
CHAPITRE 9 151
cap boutonner cĂ«pâĂs dĂ©boutonner
wiñ sĂ©cher le linge wĂñâĂs retirer le linge
kun couvrir kĂșnâĂs dĂ©couvrir
83. (Ă©licitation)
a. hatim pokâĂ«n mbaayâfii
Khadim attacherâPARF chienâf:DEICT.PROX
Khadim a attaché le chien.
b. hatim pĂłkâĂsâĂ«n mbaayâfii
Khadim attacherâSEPâPARF chienâf:DEICT.PROX
Khadim a détaché le chien.
83. (Ă©licitation)
a. zaan wĂñ
Jeanne sĂ©cher.le.lingeâSEP
Jeanne sĂšche le linge.
b. zaan wĂñâĂs
Jeanne sĂ©cher.le.lingeâSEP
Jeanne retire le linge.
84. (conte03_le champ dâharicots)
yĂ« uyaayâcĂ« rek mbonda ÉalâlĂ«
y:3SG Ă©loignerâNARR seulement liĂšvre commencerâNARR
kĂ«âpĂłkâĂs eewâce
INFâattacherâSEP mĂšreâPOSS.3SG
DĂšs quâil s'Ă©loigna, liĂšvre dĂ©tacha sa mĂšre.
85. (conte03_le champ dâharicots)
mbonda ĂĂsâsĂ« Éii laaĆângĂ« yĂ« lĂ«ngâĂs
hyĂšne laisserâNARR jusquâĂ cuisinerâNARR y:3SG cuisinerâSEP
kĂ«âñam rek mbonda Éalâsiis kĂ«âhay
INFâmanger seulement liĂšvre commencerâITER INFâvenir
LiĂšvre attendit jusqu'Ă ce qu'il cuisine. Au moment oĂč il retirait le repas du feu pour
manger, liĂšvre arriva Ă nouveau.
Dans lâexemple (85), la voyelle longue du verbe laaĆ Â« cuisiner », suffixĂ© au sĂ©para-
tif âĂs, devient une voyelle brĂšve parce que la longueur vocalique de la voyelle /Ă«/
nâest pas attestĂ©e en noon.
152 LA DERIVATION VERBALE
9.2.9. Le moyen âĂ«k
Le moyen âĂ«k peut avoir un emploi de type rĂ©flĂ©chi pour donner des formes verbales
se -V en français. Il opÚre sur la valence du verbe en formant des verbes intransitifs
Ă partir de verbes transitifs. Ainsi, le sujet assume les rĂŽles sĂ©mantiques dâagentif et
de patientif. Cependant, le moyen âĂ«k peut avoir dâautres emplois avec des fonctions
sémantiques différentes qui ne sont pas de type réfléchi.
Tableau 9.7 : Les formes verbales moyennes
LexÚme Glose Forme dérivée Glose
faan coucher faanâĂ«k se coucher
Éok laver ÉokâĂ«k se laver
pok attacher pokâĂ«k sâattacher
Éaak cacher ÉaakâĂ«k se cacher
ndunĆ tresser ndungâĂ«k se tresser
kolĂ«k lever kolĂ«kâĂ«k se lever
fooc curer foocâĂ«k se curer les dents
oc gratter ocâĂ«k se gratter
ñiin moucher ñiindâĂ«k se moucher
ek habiller ekâĂ«k sâhabiller
supĂ«' transformer supĂ«ÉâĂ«k se transformer
mbooy perdre mbooyâĂ«k se perdre
fii' traĂźner fiiÉâĂ«k se trainer les
fesses
ÆŽip semer, planter ÆŽipâĂ«k sautiller
ngalaañ jouer ngalaañâĂ«k sâamuser
wóó' ĂȘtre sur wóórâĂ«k ĂȘtre sĂ»r de soi
koo' porter, Ă©lever koorâĂ«k porter sur soi,
Ă©lever quelquâun
ndam glorifier ndamâĂ«k se glorifier
Éan prĂȘter ÉanâĂ«k emprunter
CHAPITRE 9 153
86. (Ă©licitation)
a. mari Éok kowuâkii
Marie laver k:enfantâk:DEICT.PROX
Marie lave lâenfant.
b. mari ÉokâĂ«k
Marie laverâMOY
Marie se lave.
87. (Ă©licitation)
a. simon Éaak portabalâii
Simon cacher portableâĂž:DEICT.PROX
Simon cache le portable.
b. simon ÉaakâĂ«k
Simon cacherâMOY
Simon se cache.
88. (séance02_séance de divination collective)
iñâii faanâĂ«k ndaay Éuu malkâĂ«n
choseâĂž:DEICT.PROX coucherâMOY lĂ .bas.SPAT 2PL regarderâPARF
wĂ«ânâe
w:O3SGâNâPI
Lc chose qui se couche loin lĂ -bas, est-ce que vous lâavez regardĂ© ?
Les constructions avec le moyen âĂ«k nâimpliquent pas toujours une opĂ©ration sur la
valence verbale comme illustrĂ© Ă lâexemple (89). Elles peuvent avoir diffĂ©rentes
fonctions sĂ©mantiques conformes avec lâĂ©tude typologique du moyen de Kemmer
(1993) rĂ©visĂ©e par Mous & Qorro (2000). Le moyen âĂ«k apparaĂźt dans diffĂ©rents
types de verbes identifiés par Kemmer : actions corporelles, cognition et émotion.
89. (Ă©licitation)
a. paskal Éan risar pĂ«nĂ«sâfii
Pascal prĂȘter Richard chevalâf:DEICT.PROX
Pascal prĂȘte Ă Richard le cheval.
b. paskal ÉanâĂ«k risar pĂ«nĂ«sâfii
Pascal prĂȘterâMOY Richard chevalâf:DEICT.PROX
Pascal emprunte Ă Richard le cheval.
154 LA DERIVATION VERBALE
- Les actions corporelles
Les actions corporelles peuvent ĂȘtre exprimĂ©es par des formes dĂ©rivĂ©es avec le
moyen âĂ«k pour marquer les activitĂ©s ou la position du corps (cf. tableau 9.7).
90. (conte03_le champ dâharicots)
ngaynde supĂ«ÉâĂ«kâkĂ« pĂ«nĂs mbonda lapâpĂ«
lion transformerâMOYâNARR cheval liĂšvre monterâNARR
Lion se transforma en cheval et l'hyĂšne (le) monta.
91. (conte03_le champ dâharicots)
mbonda ÉalâlĂ« kĂ«âfiiÉâĂ«k ngĂ« koñâĂ«Ć tĂșĂșy
hyĂšne commencerâNARR INFâtraĂźnerâMOY PREP coinâĂž:JONC chambre
LiĂšvre commença Ă se traĂźner les fesses au coin dâune case.
92. (chant02)
yaa lĂ©Ă©fâĂ«k an waa' kĂ«âen tuwaa'
y:DEM.DIST Ă©claicirâMOY COMP vouloir INFâĂȘtre personne.blanche
Celle-lĂ s'Ă©claircit la peau et dit quâelle veut ĂȘtre une femme blanche.
93. (conte03_le champ dâharicots)
mbonda ÆŽipâĂ«kâkĂ« an ÉĂșĂș ÆŽahâat kaan
liĂšvre semerâMOYâNARR COMP 1PL.INCL allerâIMPER.PL maison
LiÚvre sautilla et dit : « Rentrons à la maison ».
94. (conte03_le champ dâharicots)
leyâyĂ« pĂ«nĂ«s fĂ«âyaanaw Éeer ekâĂ«kâkĂ«
trouverâNARR cheval f:JONCâĂȘtre.blanc IDEO habillerâMOYâNARR
kultiâcĂ«Ćânge
habitâc:JONCâPOSS.3SG
Il trouva un cheval trĂšs blanc et porta ses vĂȘtements.
95. (Ă©licitation)
koh huuw hen ee ngortaala laakâoo
dieu ĂȘtre.nuageux juste et Ngor_Taala avoirâNEG
ndaaâmĂ« ÉaakâĂ«kâoo hen
lĂ .basâANA cacherâMOYâNEG juste
Le ciel est nuageux et lĂ -bas Ngor Taala n'a pas d'endroit oĂč s'abriter.
96. (conte03_le champ dâharicots)
Éaal ÉalâlĂ« kĂ«âkoorâĂ«k kĂ«âmbaa'âkaa
hyĂšne commencerâNARR INFâporterâMOY k:DIMâcaseâk:DEICT.DIST
HyĂšne commença Ă porter la petite case (sur la tĂȘte).
CHAPITRE 9 155
97. (conte04_oncle Lion)
feek mbaam all Éii mbaam all laarâĂ«kâkĂ«
frapper Ăąne brousse jusquâĂ Ăąne brousse Ă©talerâMOYâNARR
Il battit lâĂąne sauvage jusquâĂ ce lâĂąne sauvage se couchĂąt sur le ventre.
98. (séance02_séance de divination collective)
iñâii faanâĂ«k ndaay Éuu
choseâĂž:DEI CT.PROX coucherâMOY lĂ .bas.SPAT 2PL
malkâĂ«n wĂ«ânâe
regarderâPARF w:O3SGâNâPI
Ce qui sâest couchĂ© loin lĂ -bas, est-ce que vous lâavez regardĂ© ?
- Les activités cognitives et émotives
Certaines formes verbales moyennes peuvent exprimer des activités cognitives ou
Ă©motives, (cf. tableau 9.7).
99. (conte03_le champ dâharicots)
Éaal yii ngalaañâĂ«k nĂ« tamaâĂ«Ćânge
hyĂšne y:DEM.PROX jouerâMOY avec tambourâĂž:JONCâPOSS.3SG
rek
seulement
HyĂšne sâamuse ainsi avec son tambour.
100. (chant02_mbilim)
oomaa' tĂĂnândĂ« wate ndamâĂ«kâohâhĂ« wĂ«
enfant marcherâNARR aujourdâhui glorifierâMOYâRECIPRâNARR w:O3SG
Les enfants arrivent au point aujourdâhui oĂč il s'en glorifient.
101. (conte02_la fille et le djinn)
enâee oomaa' en ngĂ« oomaa' moo' kĂ«âmoo'
ĂȘtreâPAS enfant ĂȘtre PREP enfant ĂȘtre.joli INF.ĂȘtre.joli
Éii wóórâĂ«kâkĂ« hafâce
jusqu'Ă avoir.confianceâMOYâNARR tĂȘteâPOSS.3SG
Il en Ă©tait une fois une fille, une fille si belle qu'elle Ă©tait fiĂšre dâelle-mĂȘme.
Ils existent certains verbes formés avec le dérivatif moyen dont les bases verbales ne
sont pas attestées. Nous les considérons comme des formes moyennes gelées.
102. (Ă©licitation)
*hoow' hoowâĂ«k « passer la journĂ©e »
*suku sukurâĂ«k « sâĂ©couter, se comprendre »
*Éoy ÉoyâĂ«k « retourner, rentrer »
156 LA DERIVATION VERBALE
*mis misëk « avoir mal, souffrir »
*hal hĂ«lĂ«ÉâĂ«k « sympathiser »
*hiin hĂĂnĂ«ÉâĂ«k « jouer, sâamuser)
koon « pleurer » kóónĂ«ÉâĂ«k « pleurer »
yoos « puits » yóósâĂ«k « descendre »
103. (récit01_sociolinguistique)
yaa en Éew' hay kĂ«âsukurĂ«k moroomâce
y:DEM.DIST ĂȘtre tout venir INFâsâĂ©couter camaradeâPOSS.3SG
Tout un chacun pourra se comprendre.
104. (conte04_oncle Lion)
ÉĂ« hĂ«lÉĂ«kâohâhĂ« Éii leehâhĂ« an
É:3PL sympathiserâRECIPRâNARR jusqu'Ă finirâNARR COMP
oomaaâcii gĂ«câcii kĂ«âñamâe
enfantâc:DEICT.PROX rester.longtempsâNEG INFâmangerâPI
AprĂšs quâils sympathisĂšrent, ils demandĂšrent : « est-ce que les enfants ne sont pas
restés longtemps sans manger ? »
105. (Ă©licitation)
siikâii wii koon
coqâĂž:DEI CT.PROX w:DEM.PROX pleurer
Le coq chante.
106. (Ă©licitation)
a. oomaaânâii yii kóónâĂ«ÉâĂ«k
enfantâNâĂž:DEICT.PROX y:DEM.PROX pleurerâCAUSâMOY
Lâenfant pleure.
b. *oomaaânâii yii koon
enfantâNâĂž:DEI CT.PROX y:DEM.PROX pleurer
Lâenfant pleure
107. (conte03_le champ dâharicots)
yoosĂ«kâkĂ« ngĂ« pĂ«nĂ«sâfĂ«ĆângĂ« yĂ«
descendreâNARR PREP chevalâf:JONCâPOSS.3SG y:3SG
ÉalâlĂ« kĂ«âley mĂșĂș
commencerâNARR INFâchercher eau
Il descendit de son cheval puis elle chercha aussitĂŽt de l'eau.
Dans les formes verbales hĂ«lĂ«ÉĂ«k « sympatiser » et hĂĂnĂ«ÉĂ«k « jouer, sâamuser », le
dĂ©rivatif moyen est toujours combinĂ© avec le causatif âĂ«'. La base verbale, koon
CHAPITRE 9 157
« pleurer » est seulement utilisée avec certains animaux comme le coq, (105), alors
que pour les humains, la forme moyenne kóónĂ«ÉĂ«k, qui est une combinaison des
dĂ©rivatifs causatif et moyen, est utilisĂ©e, (106a). Il nâexiste pas de base verbale pour
le nom yoos ; câest un lexĂšme nominal qui se transforme en base verbale avec une
forme moyenne gelées, (107).
Certains emplois de forme moyenne rĂ©sultent dâune combinaison avec le causatif âĂ«'
qui entraĂźne une assimilation de la voyelle du lexĂšme verbal. Avec ces verbes,
lâemploi de forme moyenne ne pourrait se rĂ©aliser quâavec la combinaison du cau-
satif suivi du dĂ©rivatif moyen. Par exemple, les verbes ÉĂ©y « amener » et fool « cou-
rir », ne peuvent avoir un emploi de type moyen que lorsque le dérivatif moyen est
combiné avec le causatif (108-110).
108. (Ă©licitation)
ÉĂ©y « amener » ÉĂ©yâĂ«ÉâĂ«k « amener avec soi »
fool « courir » fóólâĂ«ÉâĂ«k « sautiller »
109. (conte04_oncle Lion)
hafâce ÉĂ©yâĂ«ÉâĂ«kâĂ«n kĂ«âkuluĆ
tĂȘteâPOSS.3SG amenerâCAUSâMOYâPARF k:DIMâk:jarre
kuumâkĂ«Ćânge
k:mielâk:JONCâPOSS.3SG
Il porta sur la tĂȘte sa petite jarre de miel.
110. (conte04_oncle Lion)
towuâtaa fóólâĂ«ÉâĂ«kâkĂ«
t:enfantsât:DEICT.DIST courirâCAUSâMOYâNARR
Les enfants sautillĂšrent.
Dâautres formes moyennes sont contruites avec la combinaison du moyen âĂ«k et la
rĂ©ciprocitĂ© âoh qui a une valeur de pluralitĂ© des actions.
111. (Ă©licitation)
aas « entrer » aasâĂ«kâoh « cohabiter »
meekis « demander » meekisâĂ«kâoh « chercher »
yaah « gĂąter » yaahâĂ«kâoh « dĂ©truire »
112. (Ă©licitation)
ÉĂ« aasâĂ«kâoh nĂ« towuâwaalâtaa
É:3PL entrerâMOYâRECIPR avec t:enfantsâwolofât:DEICT.DIST
Ils se mélangent avec les enfants wolofs.
158 LA DERIVATION VERBALE
113. (Ă©licitation)
a. mĂ« meekisâĂ«kâoh zon
1SG demanderâMOYâRECIPR John
Je cherche John.
b. më meekis zon
1SG demander John
Je demande John (une question).
114. (Ă©licitation)
zan yaahâĂ«kâohâĂ«n portabalâii
Jean gĂąterâMOYâRECIPRâPARF portableâĂž:DEI CT.PROX
Jean a détruit le portable.
La forme non dĂ©rivĂ©e du verbe meekis « demander » sâemploie lorsque lâon pose
une question (113b).
9.2.10. Le passif âĂ«s et âuu
Le passif est marquĂ© par les dĂ©rivatifs âĂ«s et âuu. Le passif âuu est seulement utlisĂ©
lorsque le verbe porte la marque du parfait âĂ«n, alors que le passif âĂ«s est utilisĂ©
avec les autres temps. Les dĂ©rivatifs du passif et les marques du pluriel inaccompli â
Ă«s et inaccompli âuu ont des formes identiques. Il est parfois difficile de distinguer
le passif et les marques du pluriel lorsque le sujet de lâĂ©noncĂ© est au pluriel, comme
le montrent les exemples (115-116). Il pourrait y avoir un fusionnement du passif et
des marques du pluriel. Dans la construction passive, les marques du pluriel ne
peuvent ĂȘtre suffixĂ©es Ă la forme dĂ©rivĂ©e, comme lâillustrent les exemples (115c,
116c). Cependant, dans les constructions avec un auxiliaire, les dérivatifs du passif
et du pluriel peuvent ĂȘtre distinguĂ©s, (117b).
115. (Ă©licitation)
a. yaakâcii feekâĂ«s oomaaâcii
aĂźnĂ©âc:DEICT.PROX frapperâPL enfantâc:DEICT.PROX
Les adultes frappent les enfants.
b. oomaaâcii feekâĂ«s
enfantâc:DEICT.PROX frapperâPASS
Les enfants sont frappés.
c. *oomaaâcii feekâĂ«sâĂ«s
enfantâc:DEICT.PROX frapperâPLâPASS
Les enfants sont frappés.
CHAPITRE 9 159
116. (Ă©licitation)
a. ÆŽaalâcaa ngĂșrâuuânâĂ«n tetĂ«kâtaa
hommeâc:DEICT.DIST couperâPLâNâPARF t:arbreât:DEICT.DIST
Les hommes ont coupé les arbres.
b. tetĂ«kâtaa ngĂșrâuuânâĂ«n
t:arbreât:DEICT.DIST couperâPASSâNâPARF
Les arbres ont été coupés.
c. *tetĂ«kâtaa ngĂșrâuuâuuânâĂ«n
t:arbreât:DEICT.DIST couperâPLâPASSâNâPARF
Les arbres ont été coupés
117. (Ă©licitation)
a. oomaaâcii hayâĂ«s kĂ«âpok pe'âcii
enfantâc:DEICT.PROX venirâPL INFâattacher chĂšvreâc:DEICT.PROX
Les enfants vont attacher les chĂšvres.
b. pe'âcii hayâĂ«s kĂ«âpokâĂ«s
chĂšvreâc:DEICT.PROX venirâPL INFâattacherâPASS
Les chĂšvres vont ĂȘtre attachĂ©es.
Dans les constructions passives, les rÎles sémantiques assignés au verbe ne changent
pas. Mais il y a un rĂ©amĂ©nagement syntaxique de ces rĂŽles. Lâobjet de lâĂ©noncĂ© de-
vient sujet et le sujet agentif est supprimé, comme le montrent les exemples (118-
122).
118. (Ă©licitation)
a. samba ap enohâfii
samba tuer vacheâf:DEICT.PROX
Samba tue la vache.
b. enohâfii apâĂ«s
vacheâf:DEICT.PROX tuerâPASS
La vache est tuée.
c. *enohâfii apâĂ«s samba
vacheâf:DEICT.PROX tuerâPASS Samba
La vache est tuée par Samba.
160 LA DERIVATION VERBALE
d. enohâfii samba ap fĂ«
vacheâf:DEICT.PROX Samba tuer f:O3SG
La vache que Samba tue. (Litt. La vache, Samba la tue.)
119. (Ă©licitation)
a. zan toon enohâfii
Jean vendre vacheâf:DEICT.PROX
Jean vend les vaches
b. enohâfii toonâĂ«s
vacheâf:DEICT.PROX vendreâPASS
La vache est vendue.
120. (Ă©licitation)
a. ÆŽaalâii hay kĂ«âpok enohâfii
hommeâĂž:DEICT.PROX venir INFâattacher vacheâf:DEICT.PROX
Lâhomme attachera la vache.
b. enohâfii hay kĂ«âpokâĂ«s
vacheâf:DEICT.PROX venir INFâattacherâPASS
La vache sera attachée.
121. (Ă©licitation)
a. alber feekâee oomaaânâaa
Albert frapperâPAS enfantâNâĂž:DEICT.DIST
Albert a frappĂ© lâenfant.
b. oomaaânâaa feekâĂ«sâee
enfantâNâĂž:DEICT.DIST frapperâPASSâPAS
Lâenfant a Ă©tĂ© frappĂ©.
122. (Ă©licitation)
a. ÆŽaalâaa ambâĂ«n pe'âfaa
hommeâĂž:DEICT.DIST attraperâPARF chĂšvreâf:DEICT.DIST
Lâhomme a attrapĂ© la chĂšvre.
b. pe'âfaa ambâuuânâĂ«n
chĂšvreâf:DEICT.DIST attraperâPASSâNâPARF
La chÚvre a été attrapée.
Dans lâexemple (118d), la focalisation de lâobjet permet de rĂ©cupĂ©rer lâagent mais
cela nâest possible que dans la construction non dĂ©rivĂ©e. Dans les constructions avec
un auxiliaire, le dérivatif du passif porte sur la forme verbale non finie, (117b,
120b).
CHAPITRE 9 161
- Le passif et la construction ditransitive
Dans une construction passive Ă objet multiples, chacun des objets peut ĂȘtre promu
au statut de sujet et lâautre objet est maintenu dans son statut dâobjet. La
construction devient transitive parce que le sujet est supprimé. Le destinataire est
toujours proche du verbe suivi de lâobjet qui reprĂ©sente le thĂšme.
123. (Ă©licitaion)
a. moris onâĂ«n fatu manguânâaa
Maurice offrirâPARF Fatou mangueâNâĂž:DEICT.DIST
Maurice a offert la mangue Ă Fatou.
b. fatu onâuuânâĂ«n manguânâaa
Fatou offrirâPASSâNâPARF mangueâNâĂž:DEICT.DIST
A Fatou a été offerte la mangue.
c. manguânâaa onâuuânâĂ«n fatu
mangueâNâĂž:DEICT.DIST offrirâPASSâNâPARF Fatou
La mangue a été offerte à Fatou.
Nous avons observé quelques restrictions dans la passivisation des deux objets
lorsquâils sont exprimĂ©s par des formes pronominales. Seul lâobjet qui reprĂ©sente le
destinateur peut ĂȘtre promu au statut de sujet syntaxique dans la construction
passive, (124b, 125c). Le thĂšme ne peut pas ĂȘtre passivĂ© parce que la forme dĂ©rivĂ©e
ne porte pas dâindices de personne, (124c). Cependant, le thĂšme peut ĂȘtre topicalisĂ©
dans la construction passive sâil nâest pas une forme pronominale (124d). Lâexemple
(125d) est agrammatical parce que le thĂšme exprimĂ© par lâindice objet wĂ« ne peut
pas ĂȘtre topicalisĂ©.
124. (Ă©licitation)
a. paamâmboo erâĂ«nândoo saakâii
pĂšreâPOSS.1SG donnerâPARFâO1SG sacâĂž:DEICT.PROX
Mon pĂšre mâa donnĂ© le sac.
b. mĂ« erâuuânâĂ«n saakâii
1SG donnerâPASSâNâPARF sacâĂž:DEICT.PROX
On mâa donnĂ© le sac. (Litt. A moi a Ă©tĂ© donnĂ© le sac.)
c. *saakâii erâuuânâĂ«nândoo
sacâĂž:DEICT.PROX donnerâPASSâNâPARFâO1SG
Le sac mâa Ă©tĂ© donnĂ©.
162 LA DERIVATION VERBALE
d. saakâii mĂ« erâuuânâĂ«n
sacâĂž:DEICT.PROX 1SG donnerâPASSâNâPARF
Le sac mâa Ă©tĂ© donnĂ©. (Litt. Le sac quâon mâa donnĂ©.)
125. (Ă©licitation)
a. ÆŽaalâii onâĂ«nândaa kopa'
hommeâĂž:DEICT.PROX offrirâPARFâO2SG argent
Lâhomme tâa offert de lâargent.
b. ÆŽaalâii onâĂ«nândaa wĂ«
hommeâĂž:DEICT.PROX offrirâPARFâO2SG w:O3SG
Lâhomme te lâa offert.
c. fĂ« onâuuânâĂ«n wĂ«
2SG offrirâPASSâNâPARF w:O3SG
On te lâa offert. (Litt. A toi lâa Ă©tĂ© offert.)
d.*wĂ« fĂ« onâuuânâĂ«n
w:O3SG 2SG offrirâPASSâNâPARF
On te lâa offert. (Litt. le tâa Ă©tĂ© offert.)
Le passif peut ĂȘtre utilisĂ© avec certains verbes comme le lexĂšme verbo-nominal teek
« nom, nommer » et le verbe kañ « porter le patronyme » pour exprimer lâidentitĂ©
dâune personne, (126-128). Cette construction pourrait sâexpliquer par le fait que le
nom ou le nom de famille ne peut pas ĂȘtre donnĂ© par soi-mĂȘme.
126. (récit02_mbilim)
mĂ« teekâĂ«s hatimnjon mĂ« wëñânjĂ«
1SG nommerâPASS Khadim_Ndione 1SG ĂȘtre.plusâNARR
kĂ«âunohâĂ«s ngĂ« teekâĂ«Ć risar
INFâconnaitreâPASS PREP nommerâĂž:JONC Richard
Je mâappelle Khadim Ndione, je suis plus connu sous le nom de Richard (Litt. Je
suis nommĂ© KhadimâŠ)
127. (Ă©licitation)
a. fĂ« teekâĂ«s na
2SG nomâPASS comment
Comment tâappelles-tu ?
b. mĂ« teekâĂ«s zan
1SG nomâPASS Jean
Je mâappelle Jean.
CHAPITRE 9 163
128. (Ă©licitation)
a. fĂ« kañâĂ«s na
2SG porter.le.patronymeâPASS comment
Quel est ton nom de famille ?
b. mĂ« kañâĂ«s njon
1SG porter.le.patronymeâPASS Ndione
Mon nom de famille est Ndione. (Litt. je porte le patronyme ndione).
9.2.11. LâitĂ©ratif âsiis
LâitĂ©ratif est marquĂ© par âsiis, il peut ĂȘtre suffixĂ© Ă tous les lexĂšmes verbaux. Il
permet dâexprimer la rĂ©pĂ©tition dâun Ă©vĂšnement.
129. (conte03_le champ dâharicots)
mbonda aasâsĂ« ñamâmbĂ« kowis yĂ« tĂșmâsiis ÉĂ«
liĂšvre entrerâNARR mangerâNARR demain y:3SG faireâITER REL
LiĂšvre entra puis mangea. Le lendemain il refait de mĂȘme.
130. (séance02_séance de divination collective)
gaalâii wee hayâsiisâĂ«n nĂ« farafâfii
pirogueâĂž:DEICT.PROX w:PRES venirâITERâPARF avec mortâf:DEICT.PROX
Voici la figure (géomantique)qui est revenue avec le mort.
131. (séance02_séance de divination collective)
fĂ« paasâaa kay laakâsiisâsoo ñariñ
2SG enleverâCOND EMPH avoirâITERâNEG utilitĂ©
Si tu l'enlĂšves alors il nây aura plus d'efficacitĂ©.
132. (conte04_oncle Lion)
Éo' mĂnâsiisâsii kĂ«âñëmâĂ«'âÉĂ«
personne pouvoirâITERâNEG INFâmangerâCAUSâO3PL
Personne ne peut plus leur donner Ă manger.
Dans lâexemple (130), le terme pirogue renvoie Ă la figure gĂ©omantique tracĂ©e dans
la sĂ©ance. LâitĂ©ratif peut ĂȘtre suffixĂ© aux morphĂšmes de nĂ©gation âroo ou ârii (cf.
2.2.8.) pour signifier « ne plus », (131-132)
LâitĂ©ratif âis du pade-cangin est souvent utilisĂ© en cangin-noon mais surtout
lorsquâil est suffixĂ© au morphĂšme de rĂ©ciprocitĂ© âoh pour marquer la pluralitĂ© des
actions, (133). Le morphĂšme âis est diffĂ©rent du sĂ©paratif âĂs qui a une voyelle
[+ATR] (cf. 8.2.8.). LâitĂ©ratif âaat dâusage commun en wolof est aussi employĂ©,
164 LA DERIVATION VERBALE
(134), il peut ĂȘtre attachĂ© aux morphĂšmes âsiis ou âis pour signifier plusieurs fois
(135).
133. (Ă©licitation)
mĂ« ñamâisâoh haawĂ« nĂ« nosoos
1SG mangerâITER âRECIPR couscous avec soir
Je mange toujours du couscous le soir.
134. (conte04_oncle Lion)
taan ngaynde ambâaatâtĂ« ngĂ« lamâaa
oncle lion attraperâITERâNARR PREP jambeâĂž:DEICT.DIST
tĂșmâmbĂ« cĂ«Ă«pĂĂt
faireâNARR IDEO
Oncle Lion en attrapa encore la jambe et coupa un morceau avec force.
135. (Ă©liciation)
ÆŽaalâii anâisâaat
hommeâĂž:DEICT.PROX boireâITERâITER
Lâhomme boit plusieurs fois.
Selon Lopis-Sylla (2010:135), le dĂ©rivatif âsiis a le sens dâune action rĂ©pĂ©tĂ©e deux
fois et quâil est identique au nom siis « jumeau ».
Nous ne pensons pas que le sens de lâitĂ©ratif âsiis soit limitĂ© Ă une action rĂ©pĂ©tĂ©e
deux fois. En noon, pour spĂ©cifier le nombre de fois que lâaction est rĂ©pĂ©tĂ©e, on
emploie le mot mbes « jour » associé à un numéral. Le mot mbes a le sens de fois
dans ce type de construction, comme le montrent les exemples (136-137).
136. (Ă©licitation)
awa mbecâĂ«n mbes kanak
Awa danserâPARF jour deux
Awa a dansé deux fois.
137. (Ă©licitation)
Éuu ÆŽah ekolâaa mbes yĂștĂșs
2PL aller Ă©coleâĂž:DEICT.DIST jour cinq
Vous allez Ă lâĂ©cole cinq fois.
9.2.12. Le dĂ©rivatif âĂk
Le dĂ©rivatif âĂk suffixĂ© Ă un verbe ne change pas la voyelle de la base verbale bien
quâil y ait une voyelle [+ATR]. Il a le sens dâexcessif et de dĂ©prĂ©ciatif. Dans
CHAPITRE 9 165
lâexemple (138), la nasale [n] apparaĂźt dans sa forme sous-jacente [nd] en position
intervocalique.
Tableau 9.8 : les formes verbales dâintensitĂ©
LexÚme Glose Formes dérivée Glose
ñam manger ñamâĂk grignoter
wo' parler wo'âĂk bavarder, parloter
tĂin marcher tĂĂndâĂk se promener, trainer
138. (Ă©licitation)
a. tikohâfĂ« tĂĂn ngĂ« waasâii
cadetâPOSS.2SG marcher PREP rueâĂž:DEICT.PROX
Ton petit frĂšre marche dans la rue.
b. tikohâfĂ« tĂĂndâĂk ngĂ« waasâii
cadetâPOSS.2SG marcherâEXC PREP rueâĂž:DEICT.PROX
Ton petit frĂšre traine dans la rue.
139. (Ă©licitation)
a. oomaaânâaa ñam
enfantâNâĂž:DEICT.DIST manger
Lâenfant mange.
b. oomaaânâaa ñamâĂk
enfantâNâĂž:DEICT.DIST mangerâEXC
Lâenfant grignote.
9.2.13. Lâandatif ânee et ânaas
Les dĂ©rivatifs ânee et ânaas sont suffixĂ©s Ă des formes verbales non finies. Ils peu-
vent ĂȘtre aussi associĂ©s Ă des verbes de mouvement pour ajouter une information sur
la trajectoire selon un repérage déictique spatial effectué depuis le moment
dâĂ©nonciation. Les dĂ©rivatifs ânee et ânaas expriment lâidĂ©e de mouvement vers le
lieu oĂč lâaction va se produire. Le mouvement est toujours antĂ©rieur Ă lâaction. Dans
les exemples (141-143), lâĂ©nonciateur est en mouvement dans la direction du
référent par rapport à son emplacement.
140. (conte03_le champ dâharicots)
ÉĂșĂș mĂn kĂ«âtoon eewâĂ«ĆângĂșĂș
1PL.INCL pouvoir INFâvendre mĂšreâĂž:JONCâPOSS.1PL.INCL
166 LA DERIVATION VERBALE
ÉĂșĂș mĂn kĂ«âlomâohânee Éuund
1PL.INCL pouvoir INFâacheterâAPPLâAND provisions
Nous pouvons vendre notre mĂšre. Nous pouvons aller acheter des provisions.
141. (séance02_ séance divination collective)
Éuu nu'âaa Éuu e'
2PL prendre.une.poignĂ©eâCOND 2PL donner
Éuyâaa ka' Éii uyaay kĂ«ânjafânaas
personneâĂž:DEICT.DIST partir jusquâĂ Ă©loigner INFâjeterâAND
Si vous prenez une poignĂ©e (de sable) vous la donnez Ă quelquâun. Il sâĂ©loigne loin
pour aller (la) jeter.
142. (séance02_séance divination collective)
Éuwâii Éii ÉĂ«rĂ« sĂșĂșs
personneâĂž:DEICT.PROX É:DEM.PROX É:EMS.3PL ĂȘtre.noir
aawâĂ«s kĂ«âheeñâohânaas
dirigerâPL INFâbattreâRECIPRâAND
Ces personnes-lĂ qui sont en noire vont se battre.
143. (conte04_oncle Lion)
ÉĂ« ÉalâlĂ« kĂ«âwo' an ÉĂșĂș
É:3PL commencerâNARR INFâparler COMP 1PL.INCL
ÆŽahâat kĂ«âwaakânee towuâtĂ«Ć taan ngaynde
allerâIMPER.PL INFâvisiterâAND t:enfantsât:JONC oncle lion
Ils dirent aussitĂŽt : « Allons rendre visite aux enfants de lâoncle Lion. »
Lâandatif nee (et naas) est beaucoup plus complexe quâil a Ă©tĂ© dĂ©crit dans Lopis-
Sylla (2010:136) qui affirme quâil exprime lâidĂ©e de mouvement, et dans Soukka
(2000:172) qui lâinterprĂšte comme un morphĂšme distal impliquant lâidĂ©e de mou-
vement. Nous pensons quâen plus de ces diffĂ©rentes interprĂ©tations, les dĂ©rivatifs â
nee et ânaas ont aussi une fonction relative Ă un repĂ©rage dĂ©ictique spatial.
9.3. Quelques combinaisons de dérivations
Dans cette section, nous allons prĂ©senter lâordre des dĂ©rivatifs au niveau du verbe et
des différentes combinaisons de dérivations possibles et discuter les restrictions en
fonction de leur ordre. Le sens de ces combinaisons est prévisible et facile à déduire.
Lâordre des dĂ©rivatifs est le suivant.
CHAPITRE 9 167
Tableau 9.9 : Lâordre des dĂ©rivatifs
âĂs sĂ©paratif
âĂ«' causatif
âsiis itĂ©ratif
âlĂ«k causatif
âĂ«k moyen
âoh applicatif, rĂ©ciproque
ândoh causation sociative
âĂ«' bĂ©nĂ©factif
âsiis itĂ©ratif
ânee,ânaas andatif
âĂ«s,âuu passif
Les dĂ©rivatifs causatif âĂ«' et sĂ©paratif âĂs sont toujours placĂ©s au plus prĂšs de la base
verbale. Ils ont des voyelles [+ATR] et entraĂźnent des changements phonologiques
de la voyelle de la base verbale au niveau de lâharmonie vocalique. Le passif âĂ«s (et
âuu) et lâandatif ânaas (et ânee) se placent toujours en derniĂšre position lorsque
dâautres dĂ©rivatifs sont suffixĂ©s au verbe. Les autres suffixes dĂ©rivationnels nâont
pas de position fixe, ils peuvent se placer prĂšs du verbe ou aprĂšs une autre
dérivation. Il peut y avoir deux à trois dérivatifs suffixés à la base verbale.
Cependant, il existe quelques restrictions de combinaisons. Par exemple, la
causation sociative ândoh est incompatible avec le bĂ©nĂ©factif âĂ«' et la rĂ©ciprocitĂ© â
oh. Il en va de mĂȘme pour le causatif âlĂ«k et le moyen âĂ«k.
Causatif direct et causatif indirect (âĂ«'âlĂ«k)
Le causatif direct âĂ«' peut ĂȘtre combinĂ© Ă un causatif indirect âlĂ«k. Les deux
dĂ©rivatifs causatifs peuvent ĂȘtre combinĂ©s lorsque le causatif direct porte sur certains
verbes transitifs qui vont avoir un sens causatif dans leurs formes dérivées ou sur des
verbes intransitifs.
Causatif direct et moyen (âĂ«'âĂ«k)
La combinaison du causatif direct âĂ«' avec le moyen âĂ«k permet dâavoir certaines
formes verbales de type moyen. Ces verbes ne peuvent pas porter le dérivatif moyen
sans la présence du causatif.
Causatif direct et antipassif (âĂ«'âoh)
Des constructions antipassives ne peuvent se réaliser avec certains verbes que
lorsquâils sont des formes dĂ©rivĂ©es Ă causatif, ce qui donne une combinaison du
causatif direct âĂ«' et de lâantipassif âoh.
168 LA DERIVATION VERBALE
Causatif indirect et applicatif (âlĂ«kâoh)
Le causatif indirect âlĂ«k combinĂ© Ă lâapplicatif âoh permet dâintroduire un nouveau
participant qui va avoir le rÎle sémantique de causataire agentif.
Causation sociative et applicatif (ândohâoh)
La causation sociative ândoh peut ĂȘtre combinĂ©e avec lâapplicatif âoh qui a un rĂŽle
sĂ©mantique dâinstrument.
144. (Ă©licitation)
Éuu tĂĂnândohâoh nĂ« ÉeekĂ«'
2PL marcherâCAUS.SOCâAPPL avec bĂ©quille
Vous marchez ensemble avec des béquilles.
Andatif et passif (ânaasâĂ«s)
Lâandatif ânaas peut ĂȘtre combinĂ© au passif âĂ«s. Ce dernier se place toujours aprĂšs
lâandatif ânaas.
145. (Ă©licitation)
pe'âfii ÆŽah kĂ«âpokânaasâĂ«s
chĂšvreâf:DEICT.PROX aller INFâattacherâANDâPASS
La chĂšvre va ĂȘtre attachĂ©e.
Moyen et rĂ©ciprocitĂ© (âĂ«kâoh)
La combinaison du dĂ©rivatif moyen âĂ«k et du dĂ©rivatif rĂ©ciprocitĂ© âoh permet
dâexprimer une interrelation entre des Ă©lĂ©ments diffĂ©rents dâun mĂȘme systĂšme.
Excessif et rĂ©ciprocitĂ© (âĂkâoh)
La combinaison des morphĂšmes dâexcessif âĂk et de rĂ©ciprocitĂ© âoh permet
dâexprimer une pluralitĂ© dâactions dâune maniĂšre excessive.
ItĂ©ratif et rĂ©ciprocitĂ© (âisâoh ou âsiisâoh)
LâitĂ©ratif âis ou âsiis peut ĂȘtre combinĂ© Ă la rĂ©ciprocitĂ© âoh en se plaçant plus prĂšs
du verbe pour exprime la pluralité des actions.
Cependant, lorsquâil se place aprĂšs la rĂ©ciprocitĂ© âoh, il exprime tout simplement
une répétition.
ItĂ©ratif, rĂ©ciprocitĂ© et applicatif (âsiisâohâoh)
LâitĂ©ratif âis combinĂ© avec la rĂ©ciprocitĂ© âoh, exprime la pluralitĂ© des actions.
Lâapplicatif âoh permet dâajouter un argument appliquĂ© dit instrument.
CHAPITRE 9 169
Causatif, applicatif et applicatif (âĂ«'âohâoh)
Le causatif direct âĂ«' peut ĂȘtre combinĂ© avec deux dĂ©rivatifs applicatifs âoh dont le
second a une fonction sĂ©mantique dâinstrument.
146. (Ă©licitation)
mĂ« tĂ«mâĂ«ÉâohâohâĂ«n zan mĂșĂș nĂ« gas
1SG ĂȘtre.chaudâCAUSâAPPLâAPPLPARF Jean eau avec gaz
Jâai chauffĂ© de lâeau avec le gaz Ă Jean
Causatif direct, causatif indirect et bĂ©nĂ©factif (âĂ«'âlĂ«kâĂ«')
Le bĂ©nĂ©factif âĂ«' se place toujours avec les morphĂšmes causatifs ; il permet dâajouter
un argument bénéficiaire.
147. (Ă©licitation)
zan sóósâĂ«'âlĂ«kâĂ«' mari mĂșĂșâmii
Jean ĂȘtre.froidâCAUSâCAUSâBENEF Marie eauâm:DEICT.PROX
Jean fait refroidir de lâeau pour Mary.
10. Temps, aspect et mode
Le systĂšme verbal du noon est un systĂšme aspecto-temporel : tous les marqueurs de
la conjugaison, Ă lâexception du narratif et de lâhabituel, sont repĂ©rĂ©s par rapport au
moment de lâĂ©nonciation. Il comprend des formes verbales et des auxiliaires. Les
marqueurs de la conjugaison sont suffixés au verbe.
La structure canonique est CVC. Cependant, il existe dâautres structures.
Structure LexĂšme Glose
CVC hot voir
VC on donner
VVC aam verser
CVCVC nĂ«wĂs diminuer
CVCCVC mëlkës gouter
Les formes verbales mĂ«lkĂ«s, nĂ«wĂs sont des formes dĂ©rivĂ©es. Cependant, leurs suf-
fixes sont gelés aux radicaux.
Tableau 10.1 : Les marques flexionnelles
Tem
ps
par
déf
aut
Par
fait
Pas
sé
Fu
tur
Nar
rati
f
Hab
itu
el
Imp
Ă©rat
if
NĂ©g
atif
non marquĂ© âĂ«n âee
âeeânâĂ«n
âan ârĂ« âĂ« âaa~âĂ« (sg)
âa~âĂ«t (pl)
âoo
ârii
10.1. LâĂ©tude des marqueurs de la conjugaison
Nous prĂ©sentons dâabord les diffĂ©rentes valeurs aspecto-temporelles et modales des
formes simples, puis les formes composĂ©es avec les marqueurs de lâinaccompli et
les auxiliaires.
10.1.1. Les formes verbales simples
Dans cette partie, nous présentons les différents marqueurs verbaux puis nous
discutons leurs emplois. Les formes verbales simples sont composĂ©es dâun radical
auquel est suffixĂ© un marqueur verbal, Ă lâexception dâune forme non marquĂ©e
correspondant à un temps par défaut.
- Le marqueur du parfait âĂ«n
Le marqueur âĂ«n est un morphĂšme aspectuel. Il permet de viser le rĂ©sultat de
lâĂ©vĂšnement au moment de lâĂ©nonciation plutĂŽt que de le situer sur lâaxe du temps
172 TEMPS, ASPECT ET MODE
comme câest le cas du marqueur du passĂ© âee qui sera plus tard lâobjet de notre
discussion. La distinction entre les marqueurs du parfait et du passé est illustrée aux
exemples (1-6).
1. (séance02_ séance de divination collective)
yaande pongoy fĂ« hotâĂ«n wĂ«
oĂč pongoy 2SG voirâPARF w:O3SG
OĂč est le pongoy ? Tu lâas vu ?
2. (recit01_sociolinguistique)
keemĂ« panjâohâcaa ÆŽaalâcaa
maintenant mariageâNOMSâc:DEICT.DIST hommeâc:DEICT.DIST
nĂ« ÉetĂ«w'âÉaa aasâĂ«kâohâuuânâĂ«n
avec femme âÉ:DEICT.DIST entrerâMOY âRECIPRâPLâNâPARF
Maintenant les mariages entre les hommes et les femmes sont mixtes.
3. (interview01_divination)
waaye enândii an maleeyâmii sĂșĂșsâĂ«n rek
mais ĂȘtreâNEG COMP sableâm:DEICT.PROX ĂȘtre.noirâPARF seulement
a' iñâaa maleeyâmaa sĂșĂșsâĂ«ÉâĂ«n
INTJ choseâĂž:DEICT.DIST sableâm:DEICT.DIST ĂȘtre.noireâCAUSâPARF
Mais ce nâest pas assez de dire que le sable est noir. Ah, pourquoi le sable noircit ?
4. (conte01_le troupeau de la vieille femme)
yaakorâaa wo'â'Ă« ngaynde an
vieille.femmeâĂž:DEICT.DIST parlerâNARR lion COMP
mĂ« ndey mĂ« laakâee pe' Éaal ÉewâĂ«n
1SG EMPH 1SG avoirâPAS chĂšvre hyĂšne prendreâPARF
pe'âcĂ«Ćângoo ñamâĂ«n tĂșĂșh
chĂšvreâc:JONCâPOSS.1SG mangerâPARF tout
La vieille femme dit au lion : « Moi, j'avais des chÚvres. HyÚne a pris mes chÚvres et
il les a toutes mangées ».
5. (récit01_sociolinguistique)
kooyaa' waa ÉĂșĂș enâee kĂ«âoomaa' ÉĂ« ÉĂșĂș
autrefois quand 1PL.INCL ĂȘtreâPAS k:DIMâenfant REL 1PL.INCL
upâee kĂ«âwo' kĂ«ânoon
ĂȘtre.plusâPAS INFâparler k:COMMânoon
Autrefois, quand nous Ă©tions de petits enfants, la plupart dâentre-nous parlaient
noon.
CHAPITRE 10 173
6. (Ă©licitation)
a. alber karâĂ«n pade
Albert partirâPARF FandĂšne
Albert est parti Ă FandĂšne.
b. alber karâee pade wĂștĂșwaa'
Albert partirâPAS FandĂšne hier
Albert est parti Ă FandĂšne.
c. *alber karâĂ«n pade wĂștĂșwaa'
Albert partirâPARF FandĂšne hier
Albert est parti Ă FandĂšne hier.
Dans les exemples (1-4), le marqueur du parfait âĂ«n permet de prĂ©senter le rĂ©sultat
dâun Ă©vĂšnement antĂ©rieur qui est pertinent au moment de lâĂ©nonciation, alors que
dans (4-5), le marqueur du passĂ© âee montre que lâĂ©vĂšnement est complĂ©tement
achevĂ© au passĂ©. Dans lâexemple (1), le terme pongoy est une variĂ©tĂ© de plante
utilisĂ©e dans une sĂ©ance divinatoire. Dans lâexemple (6a), Albert est parti Ă FandĂšne
implique que Albert nâest pas ici en ce moment, ce qui nâest pas le cas pour (6b). En
effet, lâĂ©vĂšnement est situĂ© Ă un moment prĂ©cis au passĂ© ; en plus rien nâexclut quâil
puisse ĂȘtre ici en ce moment. Lâexemple (6c) est incorrect parce que le marqueur du
parfait est incompatible avec le complément de temps.
Lâemploi du parfait avec les verbes dâaction est diffĂ©rent de celui avec les verbes
dâĂ©tat. Le parfait combinĂ© avec un verbe dâaction a une valeur dâaspect rĂ©trospectif ;
lâaction sâest produite Ă un moment antĂ©rieur mais son rĂ©sultat est pertinent au mo-
ment de lâĂ©nonciation, comme le montrent les exemples (1-4). Les verbes dâĂ©tat
combinĂ© au morphĂšme du parfait situent lâĂ©vĂšnement, qui nâest pas terminĂ©, par
rapport au moment de lâĂ©nonciation, comme aux exemples (7-11). Pour situer
lâĂ©vĂšnement au passĂ© au moment de lâĂ©nonciation, les verbes dâĂ©tat sont suffixĂ©s au
marqueur du passĂ© âee combinĂ© avec le marqueur du parfait âĂ«n, comme lâillustre
lâexemple (12). Lâinsertion de la nasale [n] entre les deux marqueurs permet dâĂ©viter
la rencontre des deux voyelles, (cf. 2.4.1.).
7. (conte03_le champ dâharicots)
Éaal kĂ«âÆŽah kĂ«âÆŽah an ndii ÉaahâĂ«nâe
hyĂšne INFâaller INFâaller COMP ici ĂȘtre.bonâPARFâPI
HyĂšne continua Ă avancer, et lui dit : « est-ce que câest bon ici ? »
8. (récit01_sociolinguistique)
mĂ« contanâĂ«n ngĂ« iñâii fĂ«
1SG ĂȘtre.contentâPARF PREP choseâĂž:DEICT.PROX 2SG
174 TEMPS, ASPECT ET MODE
meekisâĂ«kâoh ÉĂ«
demanderâMOYâRECIPR REL
Je suis content de ce que tu cherches (Ă savoir).
9. (Ă©licitation)
ÆŽaalâii yii mbuumĂ«râĂ«n
hommeâĂž:DEICT.PROX y:DEM.PROX ĂȘtre.aveugleâPARF
Cet homme est aveugle.
10. (Ă©licitation)
oomaaâcĂ«Ćângaa njofâuuânâĂ«n
enfantâc:JONCâPOSS.2SG ĂȘtre.bonâPLâNâPARF
Tes enfants sont gentils.
11. (Ă©licitation)
mĂ« soondâĂ«n wate
1SG ĂȘtre.fatiguĂ©âPARF aujourdâhui
Je suis fatiguĂ© aujourdâhui.
12. (Ă©licitation)
mĂ« soondâeeânâĂ«n wĂștĂșwaa'
1SG ĂȘtre.fatiguĂ©âPASâNâPARF hier
JâĂ©tais fatiguĂ© hier.
Lâemploi du parfait avec certains verbes dâĂ©tat marque la distinction entre une pro-
priété ou un état permanent et un état non permanent. Dans les exemples (13, 15),
les verbes portant le marqueur du parfait, permettent dâexprimer une propriĂ©tĂ© ou un
Ă©tat permanent, alors que dans les exemples (14, 16), les verbes ne portant pas de
marqueurs verbaux, expriment une propriété temporaire.
13. (conte02_la fille et le djinn)
wo' an mĂ« Éaal mĂ« hay kĂ«âpanjâĂ«k
parler COMP 1SG EMPH 1SG venir INFâmarierâMOY
mĂ« waarâĂ«n ÆŽaal
1SG vouloirâPARF homme
Elle dit: « Moi, je me marierai. Jâaime un homme ».
14. (séance02_séance de divination collective)
ÉĂșĂș waa' Éam laak ngĂ«leeki~leeki
1PL.INCL vouloir paix avoir PREP maintenant~INTS
Nous voulons quâil y ait la paix tout de suite.
CHAPITRE 10 175
15. (Ă©licitation)
hatim mĂnâĂ«n kĂ«âÆŽeek
Khadim pouvoirâPARF INFâchanter
Khadim chante bien. (Litt. Khadim sait chanter.)
16. (séance02_séance de divination collective)
wate ÉĂșĂș mĂn kĂ«âlaak ndam fondĂ«Ć
aujourdâhui 1PL.INCL pouvoir INFâavoir glorifier comme
wii paaf ÉĂ«
w:DEM.PROX avant REL
Aujourdâhui nous pouvons avoir un succĂšs comme la derniĂšre fois.
La locution Éii leehĂ«n « jusquâĂ finir » combinĂ©e avec le marqueur du parfait ajoute
une valeur dâaspect complĂ©tif ; lâĂ©vĂšnement est arrivĂ© Ă son terme, comme le mon-
trent les exemples (17-18). Les verbes dâĂ©tat sont incompatibles avec la locution Éii
leehĂ«n, comme Ă lâexemple (19) qui est incorrect.
17. (conte03_le champ dâharicots)
kom alakâcĂ«Ćângoo mĂ« ñamâĂ«n Éii
comme haricotâc:JONCâPOSS.1SG 1SG mangerâPARF jusquâĂ
leehâĂ«n mbonda cuuâcĂ« ndaay mĂ« ka'
finirâPARF liĂšvre c:ONCâPOSS.3SG lĂ .bas.SPAT 1SG partir
ngë mbonda
PREP liĂšvre
Comme jâai fini de manger mes haricots. Ceux du liĂšvre sont loin lĂ -bas, je pars
chez liĂšvre.
18. (conte02_la fille et le djinn)
ÉĂ« komase'â'Ă« kĂ«âwo' njĂĂnĂ© sukurĂ«kâĂ«n
É:3PL commencerâNARR INFâparler djinn Ă©couterâPARF
Éii leehâĂ«n taak
jusquâĂ finirâPARF IDEO
Ils commencÚrent à raconter et le djinn a écouté jusqu'à la fin.
19. (Ă©licitation)
mĂ« soondâĂ«n Éii leehâĂ«n
1SG ĂȘtre.fatiguĂ©âPARF jusquâĂ finirâPARF
Jâai fini dâĂȘtre fatiguĂ©.
Le morphĂšme du passĂ© âee
Le morphĂšme âee fait rĂ©fĂ©rence Ă un Ă©vĂšnement rĂ©volu qui sâest produit Ă un mo-
ment spĂ©cifique du passĂ© (20-22). Le complĂ©ment spĂ©cifiant le moment oĂč
176 TEMPS, ASPECT ET MODE
lâĂ©vĂšnement sâest produit peut ĂȘtre omis dans le discours parce quâil est toujours
explicite (23-24).
20. (chant02_mbilim)
Éamono wĂ«njâĂ«n yah iñâaa honohâĂ«sâee
Ă©poque ĂȘtre.plusâPARF main choseâĂž:DEICT.DIST interdireâPASSâPAS
ngĂ« coosaan wĂștĂșwaa' ÉĂ« oomaa' tĂĂnândĂ« wate
PREP tradition hier REL enfant marcherâNARR aujourdâhui
ndamâĂ«kâohâhĂ« wĂ«
glorifierâMOYâRECIPRâNARR w:O3SG
Les temps sont durs. Jadis ce qui Ă©tait interdit par la tradition, les jeunes le
pratiquent et sâen glorifient aujourd'hui.
21. (récit01_sociolinguistique)
kooyaa' waa ÉĂșĂș enâee kĂ«âoomaa' ÉĂ«
autrefois quand 1PL.INCL ĂȘtreâPAS k:DIMâenfant REL
ÉĂșĂș upâee kĂ«âwo' kĂ«ânoon
1PL.INCL ĂȘtre.plusâPAS INFâparler k:COMMânoon
iñâaa tah Éuwâaa wo'âee
choseâĂž:DEICT.DIST causer personneâĂž:DEICT.DIST parlerâPAS
kĂ«ânoon ÉĂ«
k:COMMânoon REL
Autrefois, quand nous Ă©tions de petits enfants, nous parlions plus noon, câest pour-
quoi les gens parlaient noon.
22. (Ă©licitation)
kĂ«sah zon hulâee pooh
annĂ©e.derniĂšre John cultiverâPAS p:mil
LâannĂ©e derniĂšre John a cultivĂ© du mil.
23. (interview03_séance de divination collective)
iñâii mĂ« tĂșm wate ÉĂ« mĂ«
choseâĂž:DEICT.PROX 1SG faire aujourdâhui REL 1SG
Éewâohâee wĂ« ngĂ« yaakâcaa
prendreâAPPLâPAS w:O3SG PREP grandâc:DEICT.DIST
Ce que jâai rĂ©alisĂ© aujourdâhui, je lâai hĂ©ritĂ© des ancĂȘtres.
24. (récit01_sociolinguistique)
laakâeeânâĂ«n oomaaâcaa hayâĂ«sâee kĂ«ânjang
avoirâPASâNâPARF enfantâc:DEICT.DIST venirâPLâPAS INFâapprendre
ÉĂĂnóóâÉaa kolkâohâĂ«sâee ngĂ« pade
É:unâÉ:DEICT.DIST leverâAPPLâPLâPAS PREP FandĂšne
CHAPITRE 10 177
ÉĂllĂsâÉaa kolĂ«kâohâĂ«sâee laalaan mĂ«
É:autreâÉ:DEICT.DIST leverâAPPLâPLâPAS Laalane 1SG
yorâeeâÉĂ«
tenirâPASâÉ:O3PL
Il y avait eu des enfants qui venaient pour apprendre. Les uns venaient de FandĂšne,
les autres de Laalane, et jâĂ©tais leur tuteur.
Dans la narration, le marqueur du passĂ© âee permet de dĂ©crire la scĂšne qui sert de
dĂ©cor aux Ă©vĂšnements en contraste avec le marqueur du narratif ârĂ« qui exprime la
succession des Ă©vĂšnements. Dans les contes, la formule dâintroduction, formĂ©e du
verbe en « ĂȘtre » et du marqueur du passĂ© âee, permet de marquer la rupture avec le
présent et de situer le conte dans un monde imaginaire.
25. (conte01_le troupeau de la vieille femme)
enâee Éaal nĂ« mbuuñ yaakorâaa
ĂȘtreâPAS hyĂšne avec liĂšvre vieille.femmeâĂž:DEICT.DIST
laakâee yop pe' Éaal amâmbĂ«
avoirâPAS troupeau chĂšvre hyĂšne attraperâNARR
yaakorâaa yaa kuf
vieille.femmeâĂž:DEICT.DIST y:DEM.DIST tromper
Il Ă©tait une fois hyĂšne et liĂšvre. La vieille femme avait un troupeau de chĂšvre et
hyĂšne nâarrĂȘta pas de tromper la vieille.
26. (conte02_la fille et le djinn)
enâee oomaa' en ngĂ« oomaa' moo' kĂ«âmoo'
ĂȘtreâPAS enfant ĂȘtre PREP enfant ĂȘtre.joli INFâĂȘtre.joli
Éii woorâĂ«n hafâcĂ« wo' an
jusqu'Ă avoir.confianceâPARF tĂȘteâPOSS.3SG parler COMP
mĂ« Éaal mĂ« hay kĂ«âpanjâĂ«k mĂ« waarâĂ«n
1SG EMPH 1SG venir INFâmarierâMOY 1SG vouloirâPARF
ÆŽaal waaye mĂ« waarâĂ«n ÆŽaalâaa
homme mais 1SG vouloirâPARF hommeâĂž:DEICT.DIST
yaa laakâoo henpus
y:DEM.DIST avoirâNEG cicatrice
Il en Ă©tait une fille, la fille Ă©tait si belle qu'elle Ă©tait fiĂšre dâelle-mĂȘme. Elle dit :
« Moi, je veux me marier, je veux un homme. Mais je veux un mari qui nâa pas de
cicatrice ».
27. (conte04_oncle Lion)
waaâmĂ« enâee Éaal nĂ« mbonda nĂ«
w:DEM:DEICT.DISTâANA ĂȘtreâPAS hyĂšne avec liĂšvre avec
178 TEMPS, ASPECT ET MODE
mbam all kelohâĂ«n towuâtĂ«Ć taan ngaynde
Ăąne brousse entendreâPARF t:enfantsât:JONC oncle lion
njĂĂlâĂ«n ÉĂ« ÉalâlĂ« kĂ«âwo' an
ĂȘtre.maladeâPARF É:3PL commencerâNARR INFâparler COMP
ÉĂșĂș ÆŽaat kĂ«âwaakânee towuâtĂ«Ć taan ngaynde
1PL.INCL aller:IMPER.PL INFâvisiterâAND t:enfantsât:JONC oncle lion
Il Ă©tait une fois lâhyĂšne, le liĂšvre et lâĂąne sauvage. Ils ont appris que les enfants de
lâoncle Lion sont malades. Ils dirent aussitĂŽt : « Allons rendre visite aux enfants de
lâoncle Lion ».
Les verbes dâĂ©tat qui renvoient Ă une propriĂ©tĂ© ou Ă un Ă©tat permanent sont incom-
patibles avec le morphĂšme du passĂ© âee.
28. (Ă©licitation)
kuuyâkaa moor âee
k:jeune.filleâk:DEICT.DIST ĂȘtre.beauâPAS
La femme Ă©tait belle
- Le morphĂšme du passĂ© âeeânâĂ«n
Le marqueur du passĂ© âeeânâĂ«n est une combinaison des morphĂšmes du passĂ© âee
et du parfait âĂ«n. La consonne [n] est insĂ©rĂ©e entre les deux marqueurs pour Ă©viter la
rencontre des deux voyelles. Le marqueur âeeânâĂ«n est un suffixe aspecto-temporel,
lâeffet de cette combinaison permet de dĂ©crire le rĂ©sultat dâun Ă©vĂšnement passĂ© par
rapport au moment de lâĂ©nonciation, comme le montrent les exemples (12, 24, 29-
31). Par contraste, le parfait renvoie Ă lâĂ©tat rĂ©sultant par rapport au moment de
lâĂ©nonciation. Le marqueur du passĂ© âeeânâĂ«n sâemploie principalement dans des
propositions oĂč deux actions se dĂ©roulent lâune aprĂšs lâautre. Lâaction antĂ©rieure
porte la marque la marque du passĂ© âeeânâĂ«n.
29. (Ă©licitation)
mĂ« unohâeeânâĂ«n fĂ« panjâĂ«kâĂ«n
1SG savoirâPASâNâPARF 2SG marierâMOYâPARF
Jâavais su que tu es mariĂ©
30. (Ă©licitation)
fĂ« hotâeeânâĂ«n oomaaânâaa mĂ« wo'âeeâraa
2SG voirâPASâNâPARF enfantâNâĂž:DEICT.DIST 1SG parlerâPASâO2SG
Est-ce que tu avais vu lâenfant dont je te parlais ?
Lâemploi du marqueur passĂ© âeeânâĂ«n avec les verbes dâaction est moins frĂ©quent
dans des énoncés indépendants. Son emploi permet de décrire un évÚnement qui ne
prĂ©sente aucune relation avec le prĂ©sent et qui peut ĂȘtre Ă©loignĂ© dans le temps,
comme Ă lâexemple (31). Il existe une distinction entre lâemploi des marqueurs du
CHAPITRE 10 179
passĂ© âeeânâĂ«n et âee. Ce dernier sâemploie pour dĂ©terminer le moment oĂč
lâĂ©vĂšnement sâest produit dans le passĂ©, alors que le marqueur âeeânâĂ«n ne permet
pas dâexprimer le moment de la rĂ©alisation de lâĂ©vĂšnement, ce qui montre
lâimpossibilitĂ© de le combiner avec le complĂ©ment de temps, comme Ă lâexemple
(32b).
31. (Ă©licitation)
zon hĂșlâeeânâĂ«n pooh
John cultivar âPAS âN âPARF p:mil
John avait cultivé du mil.
32. (Ă©licitation)
a. wĂștĂșwaa' zon karâee pade
hier John partirâPAS FandĂšne
Hier John Ă©tait parti Ă FandĂšne.
b. *wĂștĂșwaa' zon karâeeânâĂ«n pade
hier zohn partirâPASâNâPARF FandĂšne
Hier John Ă©tait parti Ă FandĂšne.
Les verbes dâĂ©tat sont employĂ©s avec le marqueur âeeâenâĂ«n. Il permet dâexprimer
le passage dâun Ă©tat A Ă un Ă©tat B ; il a une valeur de passĂ©. Dans les exemples (33b,
34, 35), lâĂ©tat auquel il fait rĂ©fĂ©rence est antĂ©rieur Ă lâĂ©tat actuel ; par exemple (33b)
pourrait ĂȘtre rĂ©interprĂ©tĂ© comme, le cultivateur Ă©tait fatiguĂ© mais maintenant il ne
lâest plus.
33. (Ă©licitation)
a. hĂșlâohâaa soondâĂ«n
cultiverâNOMSâĂž:DEICT.DIST ĂȘtre.fatiguerâPARF
Le cultivateur est fatigué.
b. hĂșlâohâaa soondâeeânâĂ«n
cultiverâNOMSâĂž:DEICT.DIST ĂȘtre.fatiguerâPASâNâPARF
Le cultivateur était fatigué.
34. (Ă©licitation)
zan hayâyii lak njĂĂlâeeânâĂ«n
Jean venirâNEG parce.que ĂȘtre.maladeâPASâNâPARF
Jean nâest pas venu parce quâil Ă©tait malade.
180 TEMPS, ASPECT ET MODE
- Le marqueur du futur âan
Le marqueur du futur âan permet de situer un Ă©vĂšnement dans un avenir proche ou
lointain. Lâexpression du futur avec le marqueur âan sâemploie aussi lorsquâon a
lâintention de faire quelque chose.
35. (Ă©licitation)
mari karâan daka' kuwis
Marie partirâFUT Dakar demain
Marie partira Ă Dakar demain
36. (Ă©licitaion)
Éetiâroo hayâan ngaac
femmeâPOSS.1SG venirâFUT annĂ©e.prochaine
Ma femme viendra lâannĂ©e prochaine
37. (conte02_la fille et le djinn)
yeey Éaap yaa ndaay mĂ«
maman papa y:DEM.DIST lĂ .bas.SPAT 1SG
panjâĂ«kâan nĂ«âre
marierâMOYâFUT avecâO3SG
Maman, papa, celui qui est lĂ -bas, je me mariai avec lui.
38. (conte03_le champ dâharicots)
mbonda ÉalâlĂ« kĂ«âwo' an ndaa Éaal
liĂšvre commencerâNARR INFâparler COMP maniĂšre EMPH
ÉĂșĂș tĂșmâan anee ÉĂșĂș ÆŽah-at kaan
1PL.INCL faireâFUT façon 1PL.INCL aller.IMPER.PL maison
Éuurâaa
roiâĂž:DEICT.DIST
LiĂšvre dit aussitĂŽt : « Puisque câest ainsi, nous ferons ceci. Allons chez le roi ».
- Le marqueur du narratif ârĂ«
Le narratif sâemploie avec le marqueur ârĂ« ; R est une consonne qui est assimilĂ©e Ă
la consonne qui la précÚde (cf. 2.2.8.). Le narratif est employé dans les contes et
rĂ©cits. Dans les contes, en dehors de la phrase introductive avec le verbe en « ĂȘtre »
au passé, la plupart des verbes qui suivent portent le marqueur du narratif.
39. (conte01_le troupeau de la vieille femme)
enâee Éaal nĂ« mbuuñ yaakorâaa
ĂȘtreâPAS hyĂšne avec liĂšvre vieille.femme âĂž:DEICT.DIST
laakâee yop pe' Éaal amâmbĂ«
avoirâPAS troupeau chĂšvre hyĂšne attraperâNARR
CHAPITRE 10 181
yaakorâaa yaa kuf waxto' yĂ« ka'
vieille.femmeâĂž:DEICT.DIST y:DEM.DIST tromper heure y:3SG partir
yĂ« Éew'âpĂ« ngĂ« pe'âcĂ«Ć yaakorâaa
y:3SG prendreâNARR PREP chĂšvreâc:JONC vieille.femmeâĂž:DEICT.DIST
yĂ« lookâkĂ« pe'âcaa Éii tesâsĂ«
y:3SG volerâNARR chĂšvreâc:DEICT.DIST jusquâĂ resterâNARR
pe' fĂĂnóó
chĂšvre f:un
C'Ă©tait lâhyĂšne et le liĂšvre. La vieille femme avait un troupeau de chĂšvre. LâhyĂšne
continua Ă tromper la vieille. Chaque fois quâil vint, il prit des chĂšvres de la vieille
femme. Il volait les chĂšvres jusquâĂ ce qu'il en reste une.
40. (conte01_le troupeau de la vieille femme)
Éaal hay kĂ«âhay rek Éew'âpĂ« pe'âfaa
hyĂšne venir INFâvenir seulement prendreâNARR chĂšvreâf:DEICT.DIST
koorâĂ«kâkĂ« ÉaakâkĂ« ngĂ« tĂșĂșy'âce
porterâMOYâNARR cacherâNARR PREP caseâPOSS.3SG
DĂšs que lâhyĂšne est venue, il prit la chĂšvre, la porta sur la tĂȘte et la cacha dans sa
case.
41. (recit01_sociolinguistique)
kĂ«ânoon le'âaa wo'âĂ«sâsĂ« yĂ«wĂ«n
COMMânoon arriverâCOND parlerâPASSâNARR ĂȘtre.beaucoup
ngĂ« ÉĂșuy' njawatâcii
PREP intĂ©rieur familleâc:DEICT.PROX
Il faut que le noon soit beaucoup parlé au sein des familles.
42. (Ă©licitation)
mbaalâii en ngĂ« hurmbĂ«lâii
moutonâĂž:DEICT.DIST ĂȘtre PREP enclosâĂž:DEICT.PROX
caalâlĂ« njĂșĂșnĂ nĂkĂs
couterâNARR mille quatre
Le mouton, qui est dans lâenclos, coĂ»te vingt mille.
-Le marqueur de lâhabituel âĂ«
Le marqueur de lâhabituel âĂ« est diffĂ©rent du narratif ârĂ«. Comme illustrĂ© Ă
lâexemple (43a), il entraĂźne un voisement de la consonne /k/ en [g]. En effet, les oc-
clusives sourdes deviennent sonores en position intervocalique, (cf. 2.2.3.). La con-
sonne /r/ du narratif ârĂ« est une forme sous-jacente qui sâassimile toujours Ă la
consonne qui la précÚde, (43.b).
182 TEMPS, ASPECT ET MODE
43. (Ă©licitation)
a. pambeâfii wakâĂ« wak
pouleâf:DEICT.PROX pondreâHAB Ćuf
La poule pond des Ćufs.
b. pambeâfii wakâkĂ« wak
pouleâf:DEICT.PROX pondreâNARR Ćuf
La poule pond des Ćufs.
Le marqueur âĂ« exprime lâhabituel prĂ©sent. Il permet de dĂ©crire une situation habi-
tuelle ou une situation qui est vraie avant, pendant et aprĂšs le moment de
lâĂ©nonciation.
44. (récit01_mbilim)
mĂ« tipâĂ« gita'
1SG battreâHAB guitare
Je joue de la guitare. (Litt. Jâai lâhabitude de jouer de la guitare.)
45. (récit01_mbilim)
saafenâcii mbecâĂ«sâĂ« nĂ« galan wĂĂnóó
safĂšneâc:DEICT.PROX. danserâPLâHAB avec rythme w:un
Les safĂšnes dansent avec un seul rythme.
46. (Ă©licitation)
feetâaa en ÉĂ©w' ÉĂĂ tipâĂ« mbilim
fĂȘteâĂž:DEICT.DIST ĂȘtre tout 1PL.EXCL batterâHAB mbilim
Pendant chaque fĂȘte nous organisons un mbilim.
47. (récit01_sociolinguistique)
yook enâĂ« Éaasâeen ngĂ« Éak kulâlĂĂ
yook ĂȘtreâHAB insulteâMAN PREP cotĂ© villageâPOSS.1PL.EXCL
Le terme yook est une insulte dans notre village.
48. (Ă©licitation)
nohâii kolkâohâĂ« ngĂ« peenku
soleilâĂž:DEICT.PROX leverâAPPLâHAB PREP Est
Le soleil se lĂšve Ă lâEst.
49. (Ă©licitation)
zĂ«n ndĂ«kâohâĂ« ngĂ« mĂșĂș'
poisson habiterâAPPL PREP eau
Le poisson vit dans lâeau.
CHAPITRE 10 183
50. (conte02_la fille et le djinn)
njĂĂnĂ© teekâĂ« baymadjahate
djinn nomâHAB Baye_Madiakhate
Le djinn sâappelle Baye MadiakhatĂ©.
Lâhabituel passĂ© se construit avec les auxiliaires Éaan et mee' suffixĂ©s du morphĂšme
passĂ© âee, (51-52).
51. (interview02_séance02_séance de divination collective)
ngĂ« Éuuy' payâii ndii yaa cosaan
PREP intĂ©rieur guĂ©rirâĂž:DEICT.PROX ici y:DEM.DIST tradition
iñâaa noonâcaa meerâee kĂ«âtĂșm ÉĂ«
choseâĂž:DEICT.DIST noonâc:DEICT.DIST avoir.lâhabitudeâPAS INFâfaire REL
Dans la sĂ©ance divination, cela est (la) tradition, les noons avaient lâhabitude de (la)
faire.
52. (Ă©licitation)
kooyaa' oomaaâcaa Éaanâee
autrefois enfantâc:DEICT.DIST avoir.lâhabitudeâPAS
kĂ«âsukurĂ«k yaakâcaa
INFâĂ©couter grandâc:DEICT.DIST
Autrefois, les enfants avaient lâhabitude dâĂ©couter les vieux.
La forme verbale non marquée
La forme verbale non marquĂ©e sâemploie uniquement avec des verbes dâaction ; les
verbes dâĂ©tat portent toujours un marqueur de conjugaison. Lâemploi de la forme
verbale non marquée représente le présent qui est un temps par défaut. Il peut indi-
quer différentes époques du temps : présent-passé-futur.
53. Une action en cours (Ă©licitation)
mĂ« an mĂșĂșâmii
1SG boire eauâm:DEICT.PROX
Je bois de lâeau. (=Je suis en train de boire de lâeau.)
54. Une action dans un avenir proche (Ă©licitation)
oomaanâii lom maraa'
enfantâĂž:DEICT.PROX acheter sel
Lâenfant achĂšte du sel. (=Lâenfant va acheter du sel.)
184 TEMPS, ASPECT ET MODE
55. Une action habituelle (Ă©licitation)
abdu hĂșl hareen
Abdu cultiver arachide
Abdou cultive de lâarachide. (=Abdou Ă lâhabitude de cultiver lâarachide.)
56. Une vérité générale (élicitation)
noonâcii wo' kĂ«ânoon
noonâc:DEICT.PROX parler k:COMMânoon
Les noons parlent (la langue) noon.
Ce type de prĂ©sent peut ĂȘtre aussi utilisĂ© dans un contexte au passĂ© pour accentuer
telle ou telle action et la distinguer des autres actions du récit au passé, comme le
montrent les exemples (57-58). On peut lâappeler aussi prĂ©sent de narration ou prĂ©-
sent historique.
57. (conte02_la fille et le djinn)
ndaaâmĂ« nak ÉĂ« ÆŽuĆ njutut njĂĂnĂ©
lĂ .basâANA ainsi É:3PL sâasseoir ĂȘtre.petit djinn
ÉalâlĂ« kĂ«âsĂșpĂ«ÉâĂ«k
commencerâNARR INFâtransformerâMOY
Ah lĂ -bas, ils sâasseyaient un peu, puis le djinn se transforma aussitĂŽt.
58. (conte04_oncle ion)
ÉĂ« feek mbonda Éii maañânjĂ«
É:3PL frapper liĂšvre jusqu'Ă durerâNARR
Ils frappaient liĂšvre pendant longtemps.
Le prĂ©sent qui renvoie au moment de lâĂ©nonciation est employĂ© pour rĂ©pondre Ă des
questions, comme illustrés aux exemples (59-60).
59. Question (Ă©licitation)
a. Question fĂ« tĂșm ye
2SG faire quoi
Quâest-ce que tu fais ?
b. Réponse më ñam
1SG manger
Je mange.
60. (Ă©licitation)
a. Question alber wo' nĂ« Ée
Albert parler avec É:qui
Avec qui Albert parle-t-il ?
CHAPITRE 10 185
b. RĂ©ponse alber wo' nĂ« Éetiâce
Albert parler avec femmeâPOSS.3SG
Albert parle avec sa femme.
- Les marqueurs de lâimpĂ©ratif âaa (sg) et âat (pl)
Les marqeurs de lâimpĂ©ratif sont âaa au singulier lorsquâon sâadresse Ă une personne
et âat au pluriel lorsquâon sâadresse Ă plusieurs personnes, comme lâillustrent les
exemples (61-62). Il existe aussi les variantes libres âĂ« (sg) et âĂ«t (pl), (63, 64-65).
Ces variantes sont employées sans distinction par les locuteurs, comme le montre
lâexemple (63) oĂč le locuteur utilise les deux variantes dans un mĂȘme Ă©noncĂ©. Les
marqeurs de lâimpĂ©ratif permettent de donner une instruction ou dâexprimer un dĂ©-
sir.
61. (Ă©licitation)
a. foolâaa
courirâIMPER.SG
Cours !
b. foolâat
entrerâIMPER.PL
Courez !
62. (Ă©licitation)
somâaaâroo ngortaala
secourirâIMPER.SGâO3SG Ngor_Taala
Aide-moi Ngor Taala !
63. (séance02_séance de divination collective)
foolâĂ« gaawâaa hen
courirâIMPER.SG ĂȘtre.rapideâIMPER.SG juste
Cours ! Fais vite !
64. (séance02_séance de divination collective)
muufâĂ« muufâĂ«
saisirâIMPER.SG saisirâIMPER.SG
Saisis, saisis !
65. (seance02_divination)
li'âĂ«t wĂ« hen
renverserâIMPER.PL w:O3SG juste
Renversez-le tout simplement !
186 TEMPS, ASPECT ET MODE
Le morphĂšme de lâimpĂ©ratif pluriel âat peut sâemployer avec la premiĂšre personne
du pluriel inclusive ÉĂșĂș « nous ». Ce type de construction est un impĂ©ratif pluriel oĂč
le locuteur suggĂšre Ă lâallocutaire dâexĂ©cuter une action oĂč lui-mĂȘme participe.
66. (récit01_sociolinguistique)
ÉĂșĂș wo'âat kĂ«âwaal
1PL.INCL parlerâIMPER.PL k:COMMâwolof
Parlons wolof.
67. (conte03_le champ dâharicots)
ÉĂșĂș sookâat yoon alak
1PL.INCL semerâIMPER.PL champ haricot
Cultivons un champ dâharicots.
68. (chant01_mbilim)
ÉĂșĂș pesâat heetâii
1PL.INCL vivreâIMPER.PL raceâĂž:DEICT.PROX
Vivons la tradition.
LâimpĂ©ratif Ă la forme nĂ©gative se construit avec le marqueur de lâinjonctif kaa et un
verbe qui porte un marqueur de lâimpĂ©ratif. Il exprime une injonction. Il faut noter
que lorsque lâinjonction est adressĂ©e Ă une seule personne le marqueur de lâimpĂ©ratif
singulier âaa nâest pas obligatoire, comme le montre lâexemple (71).
69. (séance02_séance de divination collective)
kaa li'âĂ« ñooâfĂ«
INJ renverserâIMPER.SG chaussureâPOSS.3SG
yungâaa ngĂ« ÉokâcĂ«
asseoirâIMPER.SG PREP hautâPOSS.3SG
Ne couvre pas (avec) ta chaussure, assois-toi sur lui.
70. (séance02_séance de divination collective)
kaa ÉĂ©wâĂ«râĂ«t
INJ prendreâCAUSâIMPER.PL
Ne soulevez pas !
71. (séance02_séance de divination collective)
kaa tĂșm wĂ«
INJ faire w:O3SG
Ne le fais pas !
CHAPITRE 10 187
10.1.2. Les formes verbales complexes
Les formes verbales complexes sont composées morphologiquement de deux élé-
ments : une particule, le verbe en « ĂȘtre » ou un auxiliaire, et une forme verbale non
finie.
- La construction avec le démonstratif
Le dĂ©monstratif a une fonction prĂ©dicative lorsquâil est suivi dâune forme verbale.
Lorsque le dĂ©monstratif porte le dĂ©ictique proximal âii, il assigne au verbe une va-
leur de progressif/prospectif comme illustrĂ© Ă lâexemple (72). LâinterprĂ©tation rĂ©fĂ©-
rentielle dépend du contexte situationnel. Le démonstratif portant le déictique distal
âaa permet dâexprimer une action en cours au passĂ© comme aux exemples (75-76).
72. (Ă©licitation)
awa yii tĂk haawe'
Awa y:DEM.PROX préparer couscous
Awa prépare du couscous.
Awa est en train de préparer du couscous. [Progressif]
Awa va préparer du couscous. [Prospectif]
73. (Ă©licitation)
pe'âfii fii ñam pĂșĂș'
chĂšvreâf:DEICT.PROX f:DEM.PROX manger p:feuille
La chĂšvre est en train de manger des feuilles.
74. (Ă©licitation)
ketĂ«kâkii kii ngĂșrâĂ«s
k:arbre âk:DEICT.PROX k:DEM.PROX couperâPASS
Lâarbre est en train dâĂȘtre coupĂ©.
75. (Ă©licitation)
oomaaâcaa Éaa neeh
enfantâc:DEICT.DIST É:DEM.DIST dormir
Les enfants Ă©taient en train de dormir.
76. (conte01_le troupeau de la vieille femme)
Éaal yaa nup ngĂ« ÉĂșĂșy' luuwâaa
hyĂšne y:DEM.DIST fuir PREP intĂ©rieur forĂȘtâĂž:DEICT.DIST
HyĂšne Ă©tait en train de sâenfuir Ă lâintĂ©rieur de la forĂȘt.
Les pronoms allocutifs 1Ăšre, 2Ăšme et 3Ăšme personne singulier et 3Ăšme personne pluriel
peuvent ĂȘtre combinĂ©s avec le dĂ©monstratif proximal pour donner les transforma-
tions suivantes :
188 TEMPS, ASPECT ET MODE
1SG mii <më+yii>
2SG fii <fë+yii>
3SG yii <yë+yii>
3PL Éii <ÉĂ«+yii>
Cette combinaison a une valeur de progressif ; elle renvoie Ă une action en cours au
moment de lâĂ©nonciation.
77. (séance02_séance de divination collective)
fii ap Éuwâii
2SG.PROG.PROX tuer personneâĂž:DEICT.PROX
karâaa Éii ndaay fenoo'
partirâIMPER.SG jusquâĂ lĂ .bas.SPAT derriĂšre
Tu es en train de tuer les personnes. Eloigne-toi derriĂšre.
78. (Ă©licitation)
mii tiis tĂșĂșyâii
1SG.PROG.PROX nettoyer chambre âĂž:DEICT.PROX
Je suis en train de nettoyer la chambre.
79. (Ă©licitation)
Éii wo'
É:3PL.PROG.PROX parler
Ils sont en train de parler.
- La construction avec le verbe en « ĂȘtre »
La construction avec le verbe en « ĂȘtre » combinĂ© avec la prĂ©position nĂ« « avec »
forme une locution verbale comparable au français ĂȘtre en train. Cette locution est
suivie dâune forme verbale non finie. Elle a une valeur de progressif. En effet, elle
permet dâexprimer le dĂ©roulement dâune action au moment de lâĂ©nonciation
lorsquâelle ne porte pas un marqueur verbal, (80-82). Lorsque le verbe en porte la
marque du passĂ© âee, il fait rĂ©fĂ©rence Ă une action en cours dans le passsĂ©, comme
aux exemples (83-84).
80. (séance02_séance de divination collective)
yooâmĂ« en nĂ« kĂ«ânup
y:PRESâANA ĂȘtre avec INFâfuir
Celui-lĂ est en train de fuir.
81. (séance02_séance de divination collective)
nohâii en nĂ« kĂ«âÆŽah
soleilâĂž:DEICT.PROX ĂȘtre avec INFâaller
Le soleil est en train de disparaitre.
CHAPITRE 10 189
82. (séance02_séance de divination collective)
ÉĂ«rĂ« en nĂ« kĂ«âpolitik
É:EMS.3PL ĂȘtre avec INFâfaire.politique
Ce sont eux qui sont en train de faire de la politique.
83. (Ă©licitation)
zaan enâee nĂ« kĂ«âÉok oomaaânâaa
Jeanne ĂȘtreâPAS avec INFâlaver enfantâNâĂž:DEICT.DIST
Jeanne Ă©tait en train de laver lâenfant.
84. (interview02_divination)
kon mĂ« enâeeâraa nĂ« kĂ«âtektal njutut
donc 1SG ĂȘtreâPASâO2SG avec INFâmontrer ĂȘtre.petit
ngĂ« ketĂ«k mĂ« woñânjoo kĂ«âyaatal Éal
PREP k:arbre 1SG refuserâNEG INFâdeveloper vraiment
Donc jâĂ©tais en train de te montrer un peu de plantes, je ne voulais pas developper.
- La construction avec le verbe am « attraper »
Le verbe am « attrapper », combiné avec une forme verbale finie, a le sens de conti-
nuer. Ce type de construction a une fonction durative. Lâobjet est toujours placĂ©
avant le verbe principal. La construction sérielle avec le verbe am « attrapper » est
différente des autres types de constructions parce que les deux énoncés ne peuvent
pas ĂȘtre sĂ©parĂ©s : ils reprĂ©sentent une seule action. Il a le sens de « continuer » et il a
une fonction durative, (85-86).
85. (conte01_le troupeau de la vieille femme)
Éaal amâmbĂ« yaakorâaa
hyĂšne attraperâNARR vieille.femmeâĂž:DEICT.DIST
yaa kuf
y:DEM: DEICT.DIST tromper
L'hyĂšne continua Ă tromper la vieille femme.
86. (Ă©licitation)
Éetâii am kowuâkĂ«Ćângaa
femmeâĂž:DEICT.PROX attraper k:enfantâk:JONC-POSS.2SG
yii feek
y:PROG.PROX frapper
La femme continue de frapper son enfant.
190 TEMPS, ASPECT ET MODE
- La construction avec les auxiliaires
Les auxiliaires peuvent se combiner avec des déverbaux qui peuvent fonctionner
comme des verbes indépendants avec des constituants nominaux. La combinaison
auxiliaire + dĂ©verbal permet dâexprimer des notions aspectuelles.
- Lâauxiliaire nak « ĂȘtre en train »
Lâauxiliaire nak permet dâexprimer une action en cours. Il se traduit en français par
« ĂȘtre en train ». Lâauxiliaire nak peut porter le marqqueur du passĂ© âee pour
exprimer une action en cours au passé, (87-88).
87. (Ă©licitation)
Éetâii nak kĂ«âtĂk
femmeâĂž:DEICT.PROX ĂȘtre.en.train INFâcuisiner
La femme est en train de cuisiner.
88. (récit01_sociolinguistique)
waaâmĂ« tah Éii ÉĂĂ nakâee
w:DEM.DIST âANA causer jusquâĂ 1PL.EXCL ĂȘtre.entrainâPAS
kĂ«âwo' wo'âeenâĂ«ĆângĂĂ kĂ«ânoon
INFâparler parlerâMANâJONCâPOSS.1PL.EXCL k:COMMânoon
Cela est la raison pour la quelle nous Ă©tions en train de parler notre langue noon
89. (Ă©licitation)
moris nakâeeânâĂ«n kĂ«âfeek zan
Maurice ĂȘtre.en.trainâPASâNâPARF INFâfrapper Jean
Maurice Ă©tait en train de frapper Jean
- Lâauxiliaire Éal « commencer »
Lâauxiliaire Éal « commencer, faire quelque chose aussitĂŽt » est un verbe aspectuel
qui permet de situer lâĂ©vĂ©nement dans son dĂ©roulement. Il est employĂ© dans la nar-
ration et il porte toujours le morphĂšme du narratif, (90-92).
90. (conte02_la fille et le djinn)
gĂșĂșge' ÉalâlĂ« kĂ«âÉew' sokoñâcĂ«Ćânge
vieux commencerâNARR INFâprendre bois.de.chauffeâc:.JONCâPOSS.3SG
koorâĂ«kâkĂ« hayâyĂ« kaan
porterâRECIPRâNARR venirâNARR maison
Le vieux prit aussitĂŽt son bois de chauffe, (le) porta sur la tĂȘte et rentra Ă la maison.
91. (conte02_la fille et le djinn)
ÉĂ« ÉalâlĂ« kĂ«âlap pĂ«nĂ«sâfaa ÉĂ«
É:3PL commencerâNARR INF âmonter chevalâf:DEICT.DIST É:3PL
CHAPITRE 10 191
ÉalâlĂ« kĂ«âÆŽah
commencer INFâaller
Ils montĂšrent aussitĂŽt le cheval et ils partirent aussitĂŽt.
92. (conte03_le champ dâharicots)
alakâcĂ«Ć mbonda ÉalâlĂ« kĂ«âlim alakâcĂ«Ć
haricotâc:JONC liĂšvre commencerâNARR INF âgermer haricotâc:JONC
Éaal ÉĂșĂșĆângĂ«
hyĂšne gĂąterâNARR
Les haricots de liĂšvre commencĂšrent Ă germer et les haricots dâhyĂšne se gĂątĂšrent.
- Lâauxiliaire han « venir juste de »
Lâauxiliaire han « venir juste de » permet de montrer une action au passĂ© qui sâest
produite Ă un moment relativement rĂ©cent par rapport au moment de lâĂ©nonciation,
comme aux exemples (93-94).
93. (séance02_séance de divination collective)
fë han kë hay
2SG venir.juste.de INFâvenir
Tu viens juste dâarriver.
94. (séance02_séance de divination collective)
fĂ« han kĂ«âle' acca aasâĂ«
2SG venir.juste.de INF âarriver INTJ entrerâIMPER.SG
erâaaârĂ« palas
donnerâO2SGâIMPER.SG place
Tu viens juste dâarriver. Vas-y, entre ! Donne-lui une place.
Lâauxiliaire han signifie aussi une relation de succession dans lâĂ©vĂšnement quâil
introduit comme postérieur à celui qui le précÚde, et dans ce cas il veut dire, faire
quelque chose ensuite, comme aux exemples (95-96)
95. (interview02_séance de divination collective)
fĂ« tiis Éii wuu'âtaa ngĂ« nak iñâaa
2SG nettoyer jusquâĂ ĂȘtre.sĂ»r.deâO2SG PREP ainsi choseâĂž:DEICT.DIST
fĂ« waa' ngĂ« ÉĂ« setâĂ«n kaarema
2SG vouloir PREP REL ĂȘtre.propreâPARF carrĂ©ment
setâĂ«nâaa fĂ« han kĂ«âÉew'
ĂȘtre.propreâPARF âCOND 2SG venir.juste.de INFâprendre
halenâii fĂ« hotâtĂ« ngĂ«
tesson.de.canariâĂž:DEICT.PROX 2SG voirâNARR PREP
192 TEMPS, ASPECT ET MODE
ndii Éii wate
ici jusquâĂ aujourdâhui
Tu nettoies jusquâĂ ce que tu sois sĂ»r que câest comme tu le voulais. Si câest propre,
tu prends ensuite le tesson de canari que tu vois ici (jusquâĂ maintenant).
96. (interview02_divination)
fĂ« hayâaa nak fĂ« han kĂ«âÉew' mĂșĂșâmaa
2SG venirâCOND ainsi 2SG venir.juste.de INFâprendre eauâm:DEICT.DIST
Si tu arrives ainsi, tu prends ensuite lâeau.
- Lâauxiliaire mee' « avoir lâhabitude »
Lâauxiliaire mee' « avoir lâhabitude » permet dâexprimer une habitude. Lorsquâil
porte le morphĂšme du parfait âĂ«n, il exprime un prĂ©sent habituel, (97-98). Le passĂ©
habituel sâexprime avec lâauxiliaire mee' portant le morphĂšme âee ou âeeânâĂ«n, (99-
100). Le coup de glotte de lâauxiliaire mee' devient [r] en position intervocalique,
(cf. 2.2.1).
97. (Ă©licitation)
yaakâkoo meerâĂ«n kĂ«âñamâoh nĂ« yah
aĂźnĂ©âPOSS.1SG avoir.lâhabitudeâPARF INFâmangerâAPPL avec main
Mon grand frĂšre a lâhabitude de manger avec la main.
98. (Ă©licitation)
hatim meerâĂ«n kĂ«âÆŽeek mbilim
Khadim avoir.lâhabitudeâPARF INFâchanter mbilim
Khadim a lâhabitude de chanter mbilim.
99. (interview02_séance02_séance de divination collective)
ndaa noonâcaa meerâee kĂ«âtĂșm ÉĂ«
maniĂšre noonâc:DEICT.DIST avoir.lâhabitudeâPASS INFâfaire REL
ÉĂĂ tĂșmâĂ«n iñâaa waaâmĂ«
1PL.EXCL faireâPARF choseâĂž:DEICT.DIST w:DEM.DIST âANA
Comme les noon avaient lâhabitude de faire, nous faisons cela de mĂȘme.
100. (récit01_mbilim)
mbilim wĂștĂșwaa' yaakâcaa meerâeeânâĂ«n
mbilim hier aĂźnĂ©âc:DEICT.DIST avoir.lâhabitudeâPAS âN âPARF
kĂ«âÆŽeek
INFâchanter
Mbilim, autrefois les anciens avaient lâhabitude de (la) chanter.
CHAPITRE 10 193
- Les auxiliaires Éaay et Éaaw « avoir lâhabitude »
Les auxiliaires Éaay et Éaaw « avoir lâhabitude » sont uniquement suffixĂ©s avec le
marqueur du passĂ© âee. Ils permettent dâexprimer un passĂ© habituel.
101. (interview02_divination)
fĂ« malak sahâaa yĂ«wĂ«n iñâaa
2SG regarder ainsiâCOND ĂȘtre.beaucoup choseâĂž:DEICT.DIST
cĂĂcâaa yĂ«Ćâgoo Éaayâee
grand.parentâĂž:DEICT.DIST y :JONC âPOSS.1SG avoir.lâhabitudeâPAS
kĂ«âlikĂ«y mĂ« likĂ«yâyoo ÉĂ«
INFâtravailler 1SG travaillerâNEG REL
Si tu regardes bien la maniĂšre dont mon grand-pĂšre avait lâhabitude de travailler, je
ne travaille pas ainsi.
102. (interview02_divination)
yĂ«rĂ« Éaayâee kĂ«âwo' nĂ« ay njĂĂnĂ©
y:EMPH.3SG avoir.lâhabitudeâPAS INF âparler avec des djinn
Câest elle qui avait lâhabitude de parler avec des djinns.
103. (Ă©licitation)
kooyaa' oomaaâcaa Éaawâee
autrefois enfantâc:DEICT.DIST avoir.lâhabitudeâPAS
kĂ«âsukurĂ«k yaakâcaa
INF âĂ©couter aĂźnĂ©âc:DEICT.DIST
Autrefois, les enfants avaient lâhabitude dâĂ©couter les vieux.
- Les auxiliaires hay « venir » et Ǝah « aller »
Les auxiliaires hay « venir » et Ǝah « aller » peuvent aussi fonctionner comme des
verbes de mouvement suivis de constituants nominaux, comme le montrent les
exemples (104-107). Lorsquâils sont suivis dâun dĂ©verbal, ils peuvent exprimer un
futur, comme lâillustre lâexemple (108). Cette construction exprimant un futur que
lâon trouve dans beaucoup de langues rĂ©sulte de la grammaticalisation des verbes
aller ou venir (Creissels 2006a:186)
104. (conte03_le champ dâharicots)
mbonda hayâyĂ« lĂ«wĂ«sâsĂ« alakâcaa ñamâmbĂ«
liĂšvre venirâNARR enleverâNARR haricotâc:DEICT.DIST mangerâNARR
LiĂšvre vint, enleva les haricots et mangea.
194 TEMPS, ASPECT ET MODE
105. (séance02_séance de divination collective)
gaalâii wee hayâsiisâĂ«n nĂ« farafâfii
pirogueâĂž:DEICT.PROX w:PRES venirâITER âPARF avec mortâf:DEICT.PROX
Voici la figure (géomantique) qui est revenue avec le mort.
106. (séance02_séance de divination collective)
mĂ« ÆŽah ngande
1SG aller oĂč
Je vais oĂč ?
107. (conte04_oncle Lion)
mbonda aaw anee yĂ« ÆŽah waasâce
liĂšvre diriger façon y:3SG aller cheminâPOSS.3SG
LiĂšvre prit alors la fuite.
108. (séance02_séance de divination collective)
iñâii kĂ«âapâoh ndey Éii
choseâĂž:DEICT.PROX INFâtuerâRECIPR EMPH É:DEM.PROX
hay kĂ«âapâoh ÆŽah kĂ«âapâoh
venir INFâtuerâRECIPR aller INFâtuerâRECIPR
Ceci est vraiment un massacre. Ceux-ci sâentretueront, ils vont sâentretuer.
Lâauxiliaire hay suivi dâun dĂ©verbal permet dâexprimer un Ă©vĂšnement qui va se
dérouler dans un avenir plus ou moins proche.
109. (séance02_séance de divination collective)
faraf hay kĂ«âmey'
mort venir INFâsortir
Un mort sortira.
110. (Ă©licitation)
Éuu hay kĂ«âka' caañaak kuwis
2PL venir INFâpartir ThiĂšs demain
Vous partirez Ă ThiĂšs demain.
111. (conte03_le champ dâharicots)
mĂ« hay kĂ«âsupĂ«ÉâĂ«k pĂ«nĂ«s fĂ« lapâpoo
1SG venir INFâtransformerâMOY cheval 3SG monterâO1SG
Je me transformerai en cheval et tu me monteras.
Lâauxiliaire ÆŽah « aller » permet de prĂ©senter une occurrence de procĂšs joints au
moment de lâĂ©nonciation.
CHAPITRE 10 195
112. (interview02_divination)
fĂ« ÆŽah kĂ«âwo' ngĂ« kul kĂ«ânoon ye
2SG aller INFâparler PREP village kĂ«âCOMMânoon quoi
Que vas-tu dire au peuple noon ?
113. (Ă©licitation)
seekâaa mĂ« ÆŽah kĂ«âhay nĂ«âraa
attendreâIMPER.SG 1SG aller PREFâvenir avecâO2SG
Attends, je vais venir avec toi.
114. (conte03_le champ dâharicots)
ÉĂ« ÆŽah kĂ«âtoon eewâunâcĂ«ĆâÉĂ«
É:3PL aller INFâvendre mĂšreâRELAT.c:JONCâÉ:O3PL
Ils vont vendre leur mĂšre.
10.2. Les marqueurs de la négation
Les marqueurs de la négation en noon sont des suffixes verbaux qui apparaissent
sous deux formes : âoo et ârii. Le marqueur de nĂ©gation ârii est une forme sous-
jacente ; La consonne [r] est assimilée à la consonne finale du radical (cf.2.2.8.). Les
deux marqueurs de nĂ©gation ont des fonctions distinctes, comme lâillustre lâexemple
(115) qui peut avoir une double construction nĂ©gative. Lâexemple (115a.) dĂ©crit un
Ă©tat permanent ; lâenfant est incapable de parler. Lâexemple (115b.), câest une
question de choix, lâĂ©vĂšnement est dĂ©crit comme Ă©tant temporaire. Le marqueur âoo
nâest pas associĂ© aux morphĂšmes aspecto-temporels, il est employĂ© pour dĂ©crire un
Ă©tat permanent ou une qualitĂ©, (116-118). Le marqueur ârii est associĂ© aux mor-
phĂšmes aspecto-temporels, il transforme le verbe Ă un moment particulier Ă la forme
négative, (119-122).
115. (Ă©licitation)
a. Affirmative kowuâkii wo'
k:enfantâk:DEICT.PROX parler
Lâenfant parle.
b. NĂ©gatif kowuâkii wo'âoo
k:enfantâk:DEICT.PROX parlerâNEG
Lâenfant ne parle pas. (Lâenfant ne parle pas, parce quâil est muet.)
c. NĂ©gatif kowuâkii wo'â'ii
k:enfantâk:DEICT.PRO parlerâNEG
Lâenfant ne parle pas. (Lâenfant ne parle pas, parce quâil ne veut
pas.)
196 TEMPS, ASPECT ET MODE
116. (Ă©licitation)
Éo' ñamâoo atoh
personne mangerâNEG pierre
Personne ne mange des pierres.
117. (conte02_la fille et le djinn)
mĂ« waarâĂ«n ÆŽaal yaa laakâoo henpus
1SG vouloirâPARF homme y:DEM.DIST avoirâNEG cicatrice
Je veux un mari qui nâa pas de cicatrice.
118. (récit01_sociolinguistique)
towuâwaalâtaa kelohâĂ«sâoo kĂ«ânoon
t:enfantsâwolofât:DEICT.DIST comprendreâPLâNEG k:COMMânoon
Les enfants wolofs ne comprennent pas noons.
119. (Ă©licitation)
a. Affirmatif ÆŽaalâaa ngĂșrâee ketĂ«kâkaa
hommeâĂž:DEICT.DIST couperâPAS k:arbreâk:DEICT.DIST
Lâhomme a coupĂ© lâarbre.
b. NĂ©gatif ÆŽaalâaa ngĂșrâeeârii ketĂ«kâkaa
hommeâĂž:DEICT.DIST couperâPAS âNEG k:arbreâk:DEICT.DIST
Lâhomme nâa pas coupĂ© lâarbre.
120. (Ă©licitation)
a. Affirmatif fĂ« karâeeânâĂ«n ndĂ«kâaa
2SG partirâPAS âN âPARF villageâĂž:DEICT.DIST
Tu Ă©tais parti au village.
b. NĂ©gatif fĂ« karâeeârii ndĂ«kâaa
2SG partirâPASâNEG villageâĂž:DEICT.DIST
Tu nâĂ©tais pas parti au village.
121. (Ă©licitation)
a. Affirmatif zan njofâĂ«n
Jean ĂȘtre.bonâPARF
Jean est gentil.
b. NĂ©gatif zan njofâfii
Jean ĂȘtre.bonâNEG
Jean nâest pas gentil.
CHAPITRE 10 197
122. (Ă©licitation)
a. Affirmatif ÉĂĂ hay kĂ«âka'
1PL.EXCL venir INFâpartir
Nous partirons.
b. NĂ©gatif ÉĂĂ hayâyii kĂ«âka'
1PL.EXCL venirâNEG INFâpartir
Nous ne partirons pas.
Le marqueur de nĂ©gation âoo peut avoir la mĂȘme valeur que le marqueur ârii
lorsquâil est construit avec certains adverbes de nĂ©gation comme Éara « rien », fen
« nulle part ».
123. (Ă©licitation)
a. ÆŽaalâaa hotâoo
hommeâĂž:DEICT.DIST voirâNEG
Lâhomme ne voit pas. (= Lâhomme est aveugle.)
b. ÆŽaalâaa hotâoo Éara
hommeâĂž:DEICT.DIST voirâNEG rien
Lâhomme ne voit rien (=Lâhomme ne voit pas pour le moment. (Ă©tat tempo-
raire)).
124. (conte04_oncle Lion)
oomaaâcii Éara ñamâaatâsâoo
enfantâc:DEICT.PROX rien mangerâITER âNEG
Les enfants nâont rien mangĂ© encore.
125. (séance02_séance de divination collective)
yahâii Éara mee Éuu waa' kĂ«âligĂ©Ă©y
gĂąterâNEG rien mais 2PL vouloir INFâtravailler
Rien nâest gĂątĂ© mais nous devons travailler.
126. (Ă©licitation)
a. oomaaâcaa karâĂ«sâoo fen
enfantâc:DEICT.DIST partirâPL âNEG nulle.part
Les enfants ne partent nulle part.
b. oomaaâcaa karâĂ«sâsii fen
enfantâc:DEICT.DIST partirâPL âNEG nulle.part
Les enfants ne sont partis nulle part.
198 TEMPS, ASPECT ET MODE
Lâexemple (123a) dĂ©crit un Ă©tat permanent, alors que dans les exemples (123b, 124-
126) lâadverbe de nĂ©gation permet de dĂ©crire une situation temporelle. Lâadverbe
peut ĂȘtre suivi du verbe pour marquer une certaine insistance, comme Ă lâexempe
(124).
11. Idéophones, interjections et routines
11.1. Idéophones
Cette partie est consacrĂ©e ux idĂ©ophones en noon. Il sâagit dâidentifier les
idéophones sous leurs formes diverses, et de voir les différents procédés qui entre en
jeu dans leur réalisation. Les idéophones sont des mots phonosémantiques et
expressifs visant à dépeindre une sensation. Par exemple, une couleur, une odeur, un
mouvement, un son ou une intensité (Doke 1935). Pour ce qui est de la discussion
sur les idéophones, Dingemanse constitue, dans une perspectitive cross-linguistique,
une référence importante sur cette question (voire références bibliographiques).
Dingemanse (2011a:25) définit les idéophones comme « marked words that depict
sensory imagery ».
En noon, les idéophones se réfÚrent à des mots présentant des caractéristiques
phonologiques, morphologiques et syntaxiques exceptionnelles qui apparaissent
avec des verbes spĂ©cifiques ou constituĂ©s Ă eux seuls en Ă©noncĂ©. Câest un
phĂ©nomĂšne que lâon trouve dans beaucoup de langues du monde comme lâa affirmĂ©
Dingemanse (2014:387) :
« They stand out from other words, for instance through their special
phonotactics and their susceptibility to expressive morphology like
lengthening and reduplication ».
Nous avons relevĂ© une liste dâidĂ©ophones surtout dans les contes et devinettes qui
peuvent ĂȘtre divisĂ©s en deux groupes : le premier groupe est constituĂ© dâidĂ©ophones
qui servent à intensifier le procÚs. Ils dépendent de verbes et ne modifient que des
verbes particuliers ou quelques verbes de sens voisin. Dans le deuxiĂšme groupe, les
idéophones sont des lexÚmes prédicatifs formant des prédicats complexes. Ils ne
portent aucune marque flexionnelle.
11.1.1. Les structures phonologique et morphologique des idéo-phones
Les idĂ©ophones sont constituĂ©s dâun ou de trois syllabes ; ils ont une structure
particuliÚre marquée par une longueur vocalique et une réduplication.
La structure des idéophones en noon est la suivante.
CVVC ou CVVCVVC
1. (Ă©licitation)
Éeer trĂšs blanc
ÆŽĂĂr Ă gros bouillons
lool marque une intensité
faaw marque une intensité
200 IDEOPHONES, INTERJECTIONS ET ROUTINES
yuur verser dâun coup
cëëp faire un saut
taareet dâun seul coup
jĂ«Ă«pĂĂt couper violemment un morceau
fĂ«Ă«pĂĂt couper violemment un morceau
weeleeleel crier beaucop et fort
riitiitiit courir avec allure et force
La particularitĂ© des idĂ©ophones en noon, câest quâil nâexiste pas dâautres mots de
structures CVVC en dehors des idĂ©ophones. En plus, il nâexiste pas de longueur
vocalique avec la voyelle [ë] en dehors des idéophones. Nous avons noté aussi
quelques marquages morphologiques et prosodiques. Un changement de voyelle est
noté avec certains idéophones, par exemple :
- Éeer prononcĂ© aussi comme Éiir ou Éuur
- yuur prononcé aussi comme yuul
- cĂ«Ă«pĂ«Ă«t prononcĂ© aussi comme jĂ«Ă«pĂĂt
- fĂ«Ă«pĂ«Ă«t prononcĂ© aussi comme fĂ«Ă«pĂĂt
MalgrĂ© la longueur vocalique des idĂ©ophones, il est possible dâajouter autant de
voyelles que lâon veut pour marquer de maniĂšre significative lâintensitĂ©, comme le
montre lâexemple (1).
2. (conte01_le troupeau de la vieille femme)
laak yop pe' wii ngë muuuuut
avoir troupeau chĂšvre w:DEM.PROX PREP IDEO
Il y avait un troupeau de chĂšvres surabondant.
Autre phĂ©nomĂšne notĂ© dans les idĂ©ophones est la rĂ©duplication ; elle peut ĂȘtre
partielle ou totale, comme lâillustre lâexemple (3). La rĂ©duplication concerne
essentiellement les idéophones qui fonctionnent comme des lexÚmes prédicatifs
avec une notion « dâexpressivitĂ© dans la prĂ©sentation de lâĂ©vĂšnement ou de lâĂ©tat
auquel il est fait référence » (Creissels 2006a:258).
3. (Ă©licitation)
a. weeleeleel crier beaucoup et fort
b. yuuruuruur verser Ă plusieurs reprises
c. riitiitiit courir avec allure et force
d. cĂ«Ă«pĂĂ~cĂ«Ă«pĂĂ faire de petits sauts
Les idéophones trisyllabiques sont formés par une réduplication partielle de la
premiĂšre syllabe. La troisiĂšme syllabe est obligatoire en (3a-c), mais la reprise de la
syllabe nâest pas limitĂ©e Ă trois syllabes. DâaprĂšs Dingemanse (2015:949) ce procĂ©dĂ©
est « a familiar fact of expressive morphology in ideophones ». LâidĂ©ophone yuur
CHAPITRE 11 201
« verser dâun coup » est partiellement rĂ©dupliquĂ© pour former lâidĂ©ophone
yuuruuruur « verser à plusieurs reprises ». Pour les idéophones weeleeleel « crier
beaucoup et fort » et riitiitiit « courir avec allure et force », les bases weel et riit
nâont pas de sens en noon en dehors de leurs formes rĂ©dupliquĂ©es. En (3d),
lâidĂ©ophone cĂ«Ă«pĂĂ~cĂ«Ă«pĂà « faire de petits sauts » est une rĂ©duplication totale de
lâidĂ©ophone cĂ«Ă«p « faire un saut ». Elle constitue un seul mot parce que la copie ne
peut ĂȘtre supprimĂ©e. Une voyelle longue est insĂ©rĂ©e entre les deux Ă©lĂ©ments ; elle est
aussi répétée dans la copie.
11.1.2. La structure syntaxique des idéophones
Sur le plan syntaxique, trois types de construction peuvent ĂȘtre notĂ©s avec les idĂ©o-
phones : certains idĂ©ophones ont comme fonction adverbe prĂ©cĂ©dĂ© dâun verbe.
Dâautres sont des lexĂšmes prĂ©dicatifs dĂ©pourvus de marqueur de conjugaison. Ces
derniers peuvent ĂȘtre combinĂ©s avec un verbe support.
- idéophone
- verbe+idéophone
- verbe support+idéophone
Les idéophones ayant comme fonction adverbe sont des dépendants de verbes. Ils
peuvent exprimer lâintensitĂ© et la maniĂšre. Le sens est exprimĂ© deux fois : dans le
verbe et dans lâidĂ©ophone ; lâidĂ©ophone exprime Ă la fois lâĂ©tat ou lâaction du verbe
et son intensitĂ©. Chaque idĂ©ophone est prĂ©cĂ©dĂ© dâun verbe spĂ©cifique, (4-9).
4. (Ă©licitation)
tam ÆŽĂĂr bouillir Ă gros bouillons
leeh taak finir complĂštement
pok ÉiiĆ attacher trĂšs solidement
yaanaw Éeer ĂȘtre dâun blanc trĂšs Ă©clatant
sĂșĂșs nĂĂk ĂȘtre dâun noir trĂšs sombre
liif muut remplir surabondamment
lim taareet germer dâun seul coup
moo' lool ĂȘtre dâune beautĂ© stupĂ©fiante
sapey' lool ĂȘtre dâune laideur stupĂ©fiante
tes lool rester suffisamment beaucoup
yĂ«wĂ«n lool ĂȘtre suffisamment beaucoup
3. (conte02_la fille et le djinn)
njĂĂnĂ© sukurĂ«kâkĂ« Éii leehâhĂ« taak
djinn Ă©couterâNARR jusquâĂ finirâNARR IDEO
Le djinn Ă©couta jusquâĂ la fin. (Litt. Le djiin Ă©couta jusquâĂ ce quâil finisse
complĂštement.)
202 IDEOPHONES, INTERJECTIONS ET ROUTINES
4. (conte03_le champ dâharicots)
tĂ«mâĂ«' mĂșĂșâmaa Éii ÉalâlĂ«
ĂȘtre.chaudâCAUS eauâm:DEICT.DIST jusqu'Ă commencerâNARR
kĂ«âtamâoh ÆŽĂĂr
INFâĂȘtre.chaudâRECIPR IDEO
Il bouillit lâeau jusqu'Ă ce quâelle ait commencĂ© Ă faire de gros bouillons.
5. (conte03_le champ dâharicots)
alakâcĂ«Ć mbonda ÉalâlĂ« kĂ«âlim taareet
haricotâc:JONC liĂšvre commencerâNARR INFâgermer IDEO
cuu Éaal uurâĂ«n
c:JONC hyĂšne gĂąterâPARF
Les haricots de liĂšvre germĂšrent aussitĂŽt dâun seul coup et ceux dâhyĂšne se gĂątĂšrent.
6. (devinette01_P.D.Ndione)
Question
a. Question pokâĂ«kâĂ«n ÉiiĆ ee karâoo hare
attacherâMOY âPARF IDEO et partirâNEG guerre
Il sâest attachĂ© trĂšs solidement mais il nâest pas parti Ă la guerre.
b. Réponse wërë nof caawis
EMS.3SG oreille tige.de.maĂŻs
Ce sont des feuilles de maĂŻs.
7. (conte02_la fille et le djinn)
leyâyĂ« pĂ«nĂ«s fĂ«âyaanaw Éeer
trouverâNARR cheval f:JONCâĂȘtre.blanc IDEO
Il trouva un cheval dâun blanc trĂšs Ă©clatant.
8. (interview01_divination)
naal wĂ«âsĂșĂșsâĂ«' nĂĂk
vache w:JONCâĂȘtre.noirâADJ IDEO
Une vache dâun noir trĂšs sombre.
9. (Ă©licitation)
katasâkii liifâĂ«n muut nĂ« mĂșĂș'
k:canariâk:DEICT.PROX remplirâPARF IDEO avec eau
Le canari est rempli surabondamment dâeau.
10. (Ă©licitation)
kuuyâkii moorâĂ«n lool
k:adolescenteâk:DEICT.PROX ĂȘtre.joliâPARF IDEO
Cette adolescente est dâune beautĂ© stupĂ©fiante.
CHAPITRE 11 203
11. (Ă©licitation)
Éetâii yii sapeyâĂ«n lool
femmeâĂž:DEICT.PROX y:DEM.PROX ĂȘtre.vilainâPARF IDEO
Cette femme est dâune laideur stupĂ©fiante.
12. (séance02_séance de divination collective)
Éamâii tesâĂ«n lool hay kĂ«âmisĂ«k
paixâĂž:DEICT.PROX resterâPARF IDEO venir INFâavoir.mal
La paix, il en reste suffisamment beaucoup, ce sera difficile.
13. (Ă©licitation)
mĂ« laakâĂ«n kopa' yĂ«wĂ«n lool
1SG avoirâPARF argent ĂȘtre.beaucoup IDEO
Jâai suffisamment (beaucoup) dâargent.
14. (Ă©licitation)
faaw fĂ« hay kĂ«âwo'
IDEO 2SG venir INFâparler
Tu parleras forcément.
15. (séance2_séance de divination collective)
kakeeyâfaa koh caaci koh sen
sableâf:DEICT.DIST dieu grand.pĂšre dieu tout.puissant
tewâĂ«'âtĂĂ lĂ©p luhum faaw
ĂȘtre.prĂ©sentâCAUS âO1PL.EXCL tout complot IDEO
Dieu du sable, grand-pĂšre dieu, dieu tout-puissant, montre-nous clairement toutes les
sortes de complots.
LâidĂ©ophone muut modifie le verbe liif « remplir », comme Ă lâexemple (9), mais il a
Ă©tĂ© omis dans lâexemple (2). La phrase correcte est wii liifĂ«n ngĂ« muuuuut. En effet,
muut sâutilise exclusivement avec liif. LâidĂ©ophone lool peut cependant, modifier
quelques catégories de verbes de sens voisin, comme aux exemples (10-13).
LâidĂ©ophone lool permet de montrer que lâĂ©vĂšnement a atteint son degrĂ© extrĂȘme.
Par exemple, dans lâexemple (12), les devins sont dans une situation extrĂȘme pour
rĂ©ussir la sĂ©ance divinatoire Ă cause des nombreux obstacles quâils rencontrent.
LâidĂ©ophone faaw est diffĂ©rent des autres idĂ©ophones. En effet, il peut se placer en
dĂ©but ou en fin dâĂ©noncĂ©. Il ne modifie pas le verbe mais plutĂŽt lâĂ©noncĂ©. Il exprime
une obligation forte et renvoie Ă une situation qui ne sâest pas encore produite,
comme aux exemples (14-15).
Dâautres idĂ©ophones sont des lexĂšmes prĂ©dicatifs, ils fonctionnent comme des
verbes dĂ©pourvus de marqueur de conjugaison et ils ne sont pas suivis dâobjet.
204 IDEOPHONES, INTERJECTIONS ET ROUTINES
16. (Ă©licitation)
gaañ ĂȘtre surabondamment
meeĆ disparaĂźtre soudainement
tëël apparaßtre soudainement
cëëp faire un saut
yuul verser dâun coup
yuuruuruur verser Ă plusieurs reprises
riitiitiit sâenfuir vite
weeleeleel crier fort
cĂ«Ă«pĂĂ~cĂ«Ă«pĂĂ faire de petits sauts
cĂ«Ă«pĂĂt couper violemment un morceau
fëëpëët couper violemment un morceau
17. (Devinette_P.D. Ndione)
a. Question saalâcaa gaañ ee
brancheâc:DEICT.DIST IDEO.ĂȘtre.surabondamment et
lapâohâĂ«sâoo
monterâAPPLâPASS âNEG
Les branches sont surabondantes et elles ne sont pas montées.
b. Réponse wërë pooh
w:EMS.3SG mil
Câest du mil.
18. (conte03_le champ dâharicots)
ambâoh but Éii but falaasâsĂ«
attraperâAPPL bout jusquâĂ bout balancerâNARR
sapĂ«sâcaa yuul
fleur âc:DEICT.DIST IDEO.verser
Il attrapa de bout en bout et se mit Ă balancer (les branches), les fleurs tombaient.
19. (Ă©licitation)
oomaaâcii cĂ«Ă«pĂĂ~cĂ«Ă«pĂĂ
enfantâc:DEICT.PROX IDEO.faire.un.saut~INTS
Les enfants sursautent.
20. (conte03_le champ dâharicots)
ÉalâlĂ« kĂ«âÆŽiiw ngĂ« nowâaa yuuruuruur
commencerâNARR INFâverser PREP oreilleâĂž:DEICT.DIST IDEO.verser
Éaal ÉalâlĂ« kĂ«âkoorâĂ«k kĂ«âmbaaâkaa
hyĂšne commencerâNARR INFâporterâMOY k:DIMâcaseâk:DEICT.DIST
CHAPITRE 11 205
riitiitiit ngĂ« luuwâaa
IDEO.sâenfuir PREP brousseâĂž:DEICT.DIST
Il versa aussitĂŽt dans lâoreille. Il versa Ă plusieurs reprises. HyĂšne souleva la petite
case et sâenfuit rapidement dans la brousse.
21. (conte03_le champ dâharicots)
yii ÉalâlĂ« kĂ«âweleeleel foolâĂ«
y:DEM.PROX commencerâNARR INF âIDEO.crier courirâIMPER.SG
Éuunâii yii ÉĂ©y mbaamâii
fourmilliĂšreâĂž:DEICT.PROX y:DEM.PROX amener ĂąneâĂž:DEICT.PROX
nĂ« sĂ«fâcii
avec chargeâc:DEICT.PROX
Celui-ci cria aussitĂŽt fort : « cours, les fourmis sont en train dâamener lâĂąne et les
provisions ».
22. (conte03_le champ dâharicots)
yĂ« ÉalâlĂ« kĂ«âenâsiis mbeeĆ
3SG commencerâNARR INFâĂȘtreâITER IDEO.disparaĂźtre
Il disparait aussitĂŽt Ă nouveau.
23. (Ă©licitation)
selâfii en tĂ«Ă«l
oiseauâf:DEICT.PROX ĂȘtre IDEO.apparaĂźtre
Lâoiseau apparaĂźt soudainement.
24. (conte04_oncle Lion)
Éeskâii taan ngaynde Éaalâoh ndaa rek
endroitâĂž:DEICT.PROX oncle lion pencherâAPPL lĂ .bas seulement
Éaal dalâlĂ« kĂ«âtĂșm an fĂ«Ă«pĂ«Ă«t
hyĂšne commencerâNARR INFâfaire COMP IDEO.couper
LĂ oĂč oncle Lion sâest penchĂ©, hyĂšne coupa aussitĂŽt un morceau violemment.
25. (conte04_oncle Lion)
taan ngaynde ambâaatâtĂ« ngĂ« poocâaa
oncle lion attraperâITER âNARR PREP jambe âĂž:DEICT.DIST
tĂșmâmbĂ« cĂ«Ă«pĂ«Ă«t
faireâNARR IDEO.couper
Oncle Lion attrapa encore la jambe et coupa violemment un morceau.
Dans lâexemple (21), lâidĂ©ophone est nominalisĂ©, il est prĂ©cĂ©dĂ© de lâauxiliaire Éal
« commencer » qui permet de situer le dĂ©roulement de lâaction. Les idĂ©ophones
mbeeĆ, tĂ«Ă«l, fĂ«Ă«pĂ«Ă«t et cĂ«Ă«pĂ«Ă«t fonctionnent dans une construction Ă verbe support.
206 IDEOPHONES, INTERJECTIONS ET ROUTINES
Ils sont introduits par les verbes en « ĂȘtre » et tĂșm « faire » pour mettre en relief leur
nature performative (Dingemanse 2013), comme aux exemples (22-25).
11.2. Interjections
Les interjections constituent une classe fermée de mots et n'ont pas de relation
syntaxique avec les autres. Ils peuvent ĂȘtre en dĂ©but dâĂ©noncĂ© ou reprĂ©senter, eux-
mĂȘmes, des Ă©noncĂ©s. ConsidĂ©rons les trois fonctions des interjections identifiĂ©es par
Ameka (1992).
a) fonction Ă©motive ou expressive (exprime lâĂ©tat mental et Ă©motionnel du locuteur)
b) fonction phatique (entretenir la communication)
c) fonction conative (orienté vers le destinataire)
En noon, les interjections peuvent ĂȘtre classĂ©es selon leurs fonctions sĂ©mantiques
(Soukka, 2000 :232).
1) expression dâĂ©motion
2) réponse ou réaction dans une conversation
3) chasser des animaux ou des personnes.
Les interjections suivantes sont classĂ©es comme expression dâĂ©motion.
26. (Ă©licitation)
ëëy', wóóy exprime une frayeur ou une douleur
hii, aa', waaw, wuu' exprime une surprise, une admiration
27. (Ă©licitation)
wóóy fĂ« pĂșnâĂ«nândaa
INTJ 2SG blesser.Ă .une.plaieâPARF âO2SG
Oh, tu mâas blessĂ© Ă la plaie !
28. (conte04_oncle Lion)
taan ngaynde wo' an hii an mbonda wuu' fii
oncle lion parler COMP INTJ COMP liĂšvre INTJ f:DEM.PROX
Oncle Lion dit : « Ah ! LiÚvre. Ah ! Ceci. »
29. (conte02_la fille et le djinn)
an hĂ«' waaw Éo' le'â'ii ndoomĂ« sah an fĂ«
COMP INTJ INTJ personne arriverâNEG pas.encore ainsi COMP 2SG
panjâĂ«kâan nĂ«âre
marierâMOYâFUT avecâO3SG
IL dit : « Heu ! Waaw ! Personne nâest encore arrivĂ© et tu dis que tu te marieras avec
lui ».
CHAPITRE 11 207
Les interjections suivantes sont employées comme une réponse ou une réaction dans
la conversation.
30. (Ă©licitation)
eey oui, dâaccord (accepter un offre, une idĂ©e)
yĂ«' ok, nâest ce pas, (le locuteur attire lâattention de lâinterlocuteur ou
sâattend Ă une confirmation)
óó non (interdire quelquâun dâaccomplir quelque chose ou un mode
dâavertissement)
óó~óó non (donner une réponse négative, rejeter un offre, une idée)
hĂ«' sâemploie lorsquâon est sceptique Ă une information
hĂ«'~hĂ«' câest vrai (partager lâavis de lâinterlocuteur)
yóów et yaa oui (répondre à un appel)
Ă©Ă©y sâemploie lorsquâon appelle une personne
30. (Ă©licitation)
a. Locuteur fĂ« ÆŽeek mbilim yĂ«'
2SG chanter mbilim INTJ
Tu chantes mbilim, nâest-ce pas ?
b. Lâinterlocuteur óó
non
Non
31. (récit01_sociolinguistique)
mee Éuwâii cees yĂ«' wo'âĂ«sâsĂ«
mais personneâĂž:DEICT.PROX ThiĂšs INTJ parlerâPL âNARR
kĂ«ândeko'
INFâprendre.le.petit.dĂ©jeĂ»ner
Mais les gens de ThiĂšs, disent kĂ«ndeko' « prendre le petit dĂ©jeĂ»ner », nâest-ce pas ?
32. (séance02_séance de divination collective)
Ă©Ă©y noonâcii mbokâuuânâĂ«n ngĂ«ânoo
INTJ noon âc:DEICT.PROX faire.partieâPL âN âPARF PREPâPI.ou
Hey, est-ce que les noons en font partie ou pas ?
33. (Ă©licitation)
Ă©Ă©y mari fĂ« ÆŽah ngande
INTJ Marie 2SG aller oĂč
Hey Marie, oĂč vas-tu ?
Les interjections vocatives permettent dâattirer lâattention de lâinterlocuteur et peu-
vent ĂȘtre suivies du nom de lâinterlocuteur pour attirer son attention, comme
208 IDEOPHONES, INTERJECTIONS ET ROUTINES
lâillustrent les exemples (32-33). Dans lâexemple (32), le connecteur âoo « ou » et la
particule de lâinterrogatif âe sont fusionnĂ©s et il sâest produit un phĂ©nomĂšne
dâassimilation.
Certaines interjections sont complexes (óó~óó, hë'~hë', ankay) parce que formées de
deux éléments. Les interjections óó~óó, hë'~hë' sont des réduplications qui peuvent
entraĂźner un changement de sens du mot. Lâinterjection óó « non » est un mode
dâavertissement pour empĂȘcher quelquâun de rĂ©aliser une action. La rĂ©duplication
óó~óó « non, non non » est employée pour donner une réponse négative par opposi-
tion Ă eey « oui » qui donne une rĂ©ponse positive. Lâinterjection hĂ«' est employĂ©e
lorsquâon reçoit une information dont on est sceptique. La rĂ©duplication hĂ«'~hĂ«'
permet de lever le doute pour confirmer une information.
34. (conte03_le champ dâharicots)
mĂ« hay mĂ« ÉimbĂ«lâlaa mbonda an óóâóó ĂĂsâaa
1SG venir 1SG aiderâO2SG liĂšvre COMP INTJ~NEG laisserâIMPER.SG
hen rek
juste seulement
Je viens tâaider. LiĂšvre rĂ©pondit : « non non laisse ainsi ».
35. (Ă©licitation)
a. Locuteur franswa
François
François
b. Lâinterlocuteur yóów
oui
Oui
36. (Ă©licitation)
a. Locuteur fĂ« karâan dakarâe
2SG partirâFUT DakarâPI
Partiras-tu Ă Dakar ?
b. Lâinterlocuteur eey
oui
Oui
Les interjections ci-dessous sont classées comme conatives. Elles sont accompa-
gnées par un geste de la main, en faisant un mouvement de la main vers le haut.
Lâinterjection et le geste peuvent ĂȘtre rĂ©pĂ©tĂ©s autant de fois quâon le dĂ©sire.
CHAPITRE 11 209
37. (Ă©licitation)
kees pour chasser la volaille
acca et acc pour chasser un animal
Lâinterjection acca, acc est employĂ©e pour chasser un animal. Cependant,
lâinterjection acca peut sâemployer avec des personnes comme un signal pour com-
mencer une chose. Elle se construit avec des phrases de type impĂ©ratif oĂč lâon
indique lâaction que doit accomplir lâinterlocuteur. Lorsquâelle constitue un Ă©noncĂ©,
elle a un sens pĂ©joratif comme illustrĂ© Ă lâexemple (38). Lâinterjection acc est
employée uniquement pour les animaux.
36. (Ă©licitation)
acca ÉĂșĂș ÆŽahâat
INTJ 1PL.INCL allerâIMPER.PL
Maintenant, Allons-y !
37. (Ă©licitation)
acca ñamâaa
INTJ mangerâIMPER.SG
Maintenant, mange !
38. (Ă©licitation)
acca
INTJ
Va-tâ-en ! DĂ©gage !
La plupart des interjections citées, à quelques exceptions (comme yóów, yaa, óó),
sont utilisées par des locuteurs de cultures différentes au Sénégal avec des
interférences culturelles étroites.
11.3. Routines
Les routines en noon sont des expressions et des formules de priÚres utilisées cou-
ramment dans les salutations, les conversations, les contes et les devinettes. Les
routines peuvent ĂȘtre constituĂ©es dâun seul mot ou de plusieurs mots. Dans cette
partie nous présenterons les différentes routines utilisées chez les noon.
11.3.1. Les routines dans les salutations, adieux et conversations
Les routines dans les salutations, adieux et conversations sont des modes
dâexpression utilisĂ©es par des personnes dans leur interaction quotidienne.
Les salutations constituent un signal avant toute conversation. Chez les noons,
comme dans toutes les différentes communautés du Sénégal, les salutations jouent
210 IDEOPHONES, INTERJECTIONS ET ROUTINES
un rĂŽle important dans lâinteraction quotidienne entre les personnes. Elles sont
considĂ©rĂ©es comme une marque de respect et dâaffection. Beaucoup de personnes
refuseraient mĂȘme de rĂ©pondre Ă leurs interlocuteurs si elles nâont pas Ă©tĂ© saluĂ©es.
Les salutations ont lieu lorsquâon rencontre une personne connue ou inconnue,
lorsquâon rend visite Ă des proches ou voisins, etc.
Chez les noons, les salutations sont basées sur des rÚgles socioculturelles et reli-
gieuses. Il existe différentes formes et expressions utilisées dans les salutations selon
lâĂąge, le sexe, mais aussi les moments de la journĂ©e. Par exemple, le jeune doit tou-
jours initier les salutations devant une personne plus ùgée tout comme la femme à un
homme adulte. La femme salue en faisant une génuflexion en signe de respect et
câest systĂ©matique lorsquâelle salue ses parents, son mari ou les membres de sa belle
famille. Le visiteur initie les salutations tout comme la personne debout ou en mou-
vement qui sâadresse Ă une personne assise. La salutation la plus commune chez les
noon est fĂ« tĂșm na « comment vas-tu » Cependant, un jeune nâemploie jamais cette
forme de salutations lorsquâil sâadresse Ă un adulte.
39. (Ă©licitation)
a. Locuteur fĂ« tĂșm na
2SG faire comment
Comment vas-tu ? (Litt. Tu fais comment ?
b. Lâinterlocuteur mii yeeâmĂ«
1SG.PROG.PROX y:PRES âANA
Je vais bien. (Litt. Moi me voici)
Lâusage du patronyme est souvent un mode de salutations chez les noon, mĂȘme si ce
nâest pas dâusage trĂšs courant, contrairement aux Wolofs chez qui lâusage du
patronyme est la forme de salutations la plus répandue. Les salutations commencent
toujours par lâusage du patronyme qui, lui seul, suffit comme forme de salutation,
comme illustré aux exemples (40). Les patronymes Ndione et Faye sont trÚs
communs chez les noons. Chaque locuteur utilise le patronyme de son vis-Ă -vis et le
patronyme peut ĂȘtre rĂ©pĂ©tĂ© plusieurs fois, parfois entrecoupĂ©es pour demander des
nouvelles de son interlocuteur.
40. (Ă©licitation)
a. Locuteur njon
Ndione
Ndione
b. Lâinterlocuteur fay
Faye
Faye
CHAPITRE 11 211
Dâautres formes de salutations sont utilisĂ©es en demandant des nouvelles des
membres de la famille. Le pronom dĂ©monstratif peut ĂȘtre omis, comme aux
exemples (41-42).
41. (Ă©licitation)
a. Locuteur yaa nĂ« Éam
y:DEM.DIST avec paix
Comment va-t-il ? (Litt. Lui avec paix.)
b. Lâinterlocuteur nĂ« Éam
avec paix
Il va bien.
42. (Ă©licitation)
a. Locuteur oomaaâcaa nĂ« Éam
enfantâc:DEICT.DIST avec paix
Les enfants vont-ils bien ?
b. Lâinterlocuteur Éaa nĂ« Éam
É:DEM.DIST avec paix
Ils vont bien.
43. (Ă©licitation)
a. Locuteur Éuâkaanândaa nĂ« Éam
É:COMMâmaisonâPOSS.2SG avec paix
Comment va la famille ? (Litt. Ceux de ta maison avec
paix.)
b. Lâinterlocuteur nĂ« Éam
avec paix
Ils vont bien ?
Certaines salutations en noon sont réparties en fonction des moments de la journée.
Elles sont formĂ©es dâun verbe suffixĂ© des marqueurs de lâimpĂ©ratif âaa (sg)
lorsquâon sâadresse Ă une seule personne et âat (pl) pour un groupe de personnes. Le
dérivatif qui précÚde la marque flexionnelle est supprimé (cf. 2.4.2.), comme
lâillustrent les exemples (41-43). Les formes de salutations peuvent ĂȘtre suivies de
termes dâadresse surtout lorsquâon salue les parents ou les membres de la famille. Il
existe une distinction selon les locuteurs noon entre les salutations howkaa et ñaa-
lopaa « bonjour ». Selon les locuteurs cangin-noon, ñaalopaa est utilisĂ© aprĂšs lâaube
jusquâau lever du soleil et howkaa au lever du soleil jusquâau moment oĂč le soleil
est au zĂ©nith. Par contre, nous nâavons pas trouvĂ© la base de wĂ«ltaa mais il pourrait
ĂȘtre une forme gelĂ©e composĂ©e dâun verbe et dâun marqueur de lâimpĂ©ratif. En noon,
212 IDEOPHONES, INTERJECTIONS ET ROUTINES
lâapparition des rayons du soleil se dit sañaal : ce qui laisse croire quâon peut le
rapprocher de ñaalopaa dont nous ne pouvons retracer lâorigine. Sur le plan
religieux, les noons de confession musulmane commencent leurs salutations par As
salaamu aalaykum « que la paix soit avec vous », qui vient des enseignements
islamiques.
44. (Ă©licitation)
wĂ«ltaa bonjour (Ă lâaube)
howkaa et ñaalopaa bonjour (au moment oĂč le soleil se lĂšve jusquâĂ midi)
yaarnaa bonjour (au moment oĂč le soleil est au zenith jusquâau
coucher du soleil)
hĂ«wraa bonsoir (au coucher du soleil jusquâĂ lâaube)
45. (Ă©licitation)
howkaa eewwoo
howâĂ«kâaa eewâwoo
passer.la.journĂ©eâMOYâIMPER.SG mĂšreâPOSS.1SG
Bonjour maman.
44. (interview01_sociolinguistique)
yaarnat mbokcii
yaarâĂ«nâat mbokâcii
le.soleil.se.coucheâPARF âIMPER.PL parentâc:DEICT.PROX
Bonsoir les parents.
45. (Ă©licitation)
hëwërat
hĂ«wâĂ«'âat
passer.la.nuitâCAUSâIMPER.PL
Bonsoir.
Les adieux sont des expressions utilisées pour se séparer de son interlocuteur ou
prendre congĂ© de lui. Ils peuvent ĂȘtre constituĂ©s dâun Ă©noncĂ©, comme en (46). Dans
lâexemple (47), lâexpression Éii kuwis « Ă demain » peut ĂȘtre utilisĂ©e lorsquâon a
lâintention de se revoir, mĂȘme si ce nâest pas demain (le lendemain de la salutation).
Le locuteur comme lâinterlocuteur peuvent lâemployer comme une forme dâadieu.
Les adieux en noon sont rarement utilisés chez les jeunes ; ils ont tendance à utiliser
les termes ciao et bye.
CHAPITRE 11 213
46. (Ă©licitation)
a. Locuteur mii ÆŽah
1SG.PROG.PROX aller
Je pars. (i.e. au revoir)
b. Lâinterlocuteur ÉaahâĂ«n
ĂȘtre.bonâPARF
Dâaccord. (Litt. Câest bon.)
47. (Ă©licitation)
Éii kuwis nĂ« Éam new' koh
jusquâĂ demain avec paix ĂȘtre.bon dieu
Au revoir, sâil plaĂźt Ă Dieu (Liit. JusquâĂ demain en paix sâil plait Ă Dieu.)
Dans la conversation, nous avons noté quelques routines utilisées par les locuteurs
noon en sâadressant Ă lâallocutaire. Les expressions colkaa et colkat sont des formes
verbales composĂ©es colĂ«k « encourager » suivies des morphĂšmes de lâimpĂ©ratif âaa
(sg) âat (pl). La derniĂšre voyelle de la base verbale est supprimĂ©e (cf. 2.4.2.). Elles
sont des expressions comme signe dâencouragement ou de motivation. Par exemple
si câest une seule personne, on dit colkaa et sâil sâagit de plusieurs personnes on dit
colkat. Elles sont aussi employées pour présenter ses condoloéances à la famille
dĂ©funte. Lâexpressison wĂ«Ă«'âtaa ngĂ« « que tu sois sĂ»r de » est utlisĂ©e pour attirer
lâattention de lâallocutaire sur le fait quâil doit ĂȘtre convaincu de lâimportance ou de
la gravitĂ© dâune chose, (48). Le terme haraam « interdire » dâorigine arabe
sâemploie pour dĂ©mentir quelquâun ou attester un faux jugement. On ajoute souvent
le mot koh « dieu » pour marquer une insistance comme dans haram koh qui veut
dire littĂ©ralement Dieu lâinterdit, comme lâillustre lâexemple (49b).
48. (interview02_divination)
fĂ« huwâĂ«Éâis fĂ« feek fĂ« niis Éii
2SG produireâCAUSâITER 2SG faire 2SG enlever jusquâĂ
wuu'âtaa ngĂ« nak iñâaa fĂ« waa'
ĂȘtre.sĂ»râO2SG PREP ainsi choseâĂž:DEICT.DIST 2SG vouloir
ngĂ« ÉĂ« setâĂ«n
PREP REL ĂȘtre.propreâPARF
Tu (le) refais, tu frappes, tu nettoies jusquâĂ ce tu sois sĂ»r que ce que tu en veux est
atteint.
49. (Ă©licitation)
a. Locuteur fĂ«rĂ« ÉewâĂ«n portapalâaa
EMS.2SG prendreâparf portableâĂž:DEICT.DIST
Câest toi qui as pris le (tĂ©lĂ©phone) portable.
214 IDEOPHONES, INTERJECTIONS ET ROUTINES
b. Lâinterlocuteur haram koh
interdire dieu
Ce nâest pas vrai ! / Câest faux !
11.3.2. Les routines dans les contes et devinettes
Nous avons noté quelques routines dans les contes et devinettes. Ces routines
interactionelles se déroulent entre le narrateur et son public. Dans les contes, il ya
des routines marquant le début et la fin. Le début du conte peut commencer par la
répétition du terme ëndën « conte » ou par les expressions liw', lëpet, enee ngë,
enndĂ« ngĂ« comme le montre lâexemple (51). Les termes liw' et lĂ«pet sont des
expressions qui veulent dire respectivement je vous raconte un conte, raconte nous
un conte. La fin du conte est exprimĂ©e par lâexpression mĂ« foñoh ndaamĂ«, comme Ă
lâexemple (52).
50. (conte03_le champ dâharicots)
Ă«ndĂ«n Ă«ndĂ«n an Éaal yuĆ hen Éii Éen Éamano
conte conte COMP hyĂšne asseoir juste jusquâĂ un Ă©poque
Éaal ÉalâlĂ« kĂ«âwo' an mbonda an
hyĂšne commencerâNARR INF âparler COMP liĂšvre COMP
arâii enâoh ndii Éuu sookâat yoon alak
famineâDEICT.PROX ĂȘtreâAPPL ici 2PL semerâIMPER.PL champ haricot
Il était une fois, hyÚne était restée pendant trÚs longtemps, puis dit à LiÚvre : « La
famine sâest installĂ©e, semons un champ de haricots ».
51. (conte05_la famille kanak)
a. Narrateur lĂw' (Je vous raconte un conte.)
b. Répondeur lepët (Raconte nous un conte.)
a. Narrateur enâee ngĂ«
ĂȘtreâPAS PREP
Il Ă©tait une fois.
b. RĂ©pondeur enândĂ« ngĂ«
ĂȘtreâNARR PREP
Il fut une fois.
52. (conte 03_le champ dâharicots)
mĂ« foñâohâeeâÉĂ« ndaaâmĂ«
1SG abandonnerâAPPLâPASâO3PL lĂ .basâANA
Ce fut la fin. (Litt. Je les ai abandonnés là -bas.)
12. Les diffĂ©rents types dâĂ©noncĂ©s
Dans ce chapitre, nous prĂ©sentons les Ă©noncĂ©s simples qui comprennent lâĂ©noncĂ©
averbal et lâĂ©noncĂ© verbal et les Ă©noncĂ©s complexes contituĂ©s dâĂ©noncĂ©s verbaux qui
peuvent ĂȘtre consĂ©cutifs ou reliĂ©s par un connecteur.
12.1. Les énoncés simples
Les Ă©noncĂ©s simples peuvent ĂȘtre rĂ©partis en Ă©noncĂ© averbal et Ă©noncĂ© verbal.
LâĂ©noncĂ© averbal peut ĂȘtre constituĂ© de constituants nominaux ou dâun constituant
nominal et un prĂ©dicat. LâĂ©noncĂ© verbal peut ĂȘtre constituĂ© dâun constituant nominal
et un constituant verbal.
12.1.1. LâĂ©noncĂ© averbal
LâĂ©noncĂ© averbal peut comporter des constructions Ă©quative, existentielle, prĂ©senta-
tionnelle de localisation.
- La construction Ă©quative
La construction Ă©quative est formĂ©e par une simple juxtaposition dâun sujet suivi
dâun prĂ©dicat. Ce type dâĂ©noncĂ© est utilisĂ© pour exprimer la spĂ©cification, (1-8).
Comparons lâexemple (4), dans la construction avec le verbe en « ĂȘtre » en (4b) : il
est utilisé dans une comédie ou un divertissement dans lequel une personne joue le
rĂŽle de devin. Dans cette construction, lâobjet doit ĂȘtre marquĂ© par un dĂ©ictique
suffixal et la prĂ©sence du verbe en « ĂȘtre » est obligatoire. Dans lâexemple (4c), le
verbe en porte un morphĂšme grammatical verbal. Cette construction permet
dâexprimer le passage dâun Ă©tat Ă un autre. Par exemple, cet homme nâĂ©tait pas
connu dans les pratiques divinatoires avant. Ce type dâĂ©noncĂ© peut ĂȘtre utilisĂ© dâune
maniĂšre sarcastique lorsquâon attribue une fausse identitĂ© Ă quelquâun.
1. (Ă©licitation)
më waal
2SG wolof
Je suis wolof.
2. (Ă©licitation)
pier sereer noon
Pierre sérÚre noon
Pierre est sérÚre noon.
3. (récit01_mbilim)
mĂ« ÆŽeekâoh mbilim ngĂ« kul kĂ«ânoon
1SG chanterâNOMS mbilim PREP village k:COMMânoon
Je suis chanteur mbilim dans la communauté noon.
216 LES DIFFERENTS TYPES DâENONCES
4. (Ă©licitation)
a. paskal payâoh
Pascal guĂ©rirâNOMS
Pascal est un devin.
b. pascal en payâohâii
Pascal ĂȘtre guĂ©rirâNOMSâĂž:DEICT.PROX
Pascal est le devin.
c. pascal enâĂ«n payâoh
Pascal ĂȘtreâPARF guĂ©rirâNOMS
Pascal est devenu devin.
LâĂ©noncĂ© Ă©quatif peut se construire aussi avec les dĂ©ictiques textuels iñii et iñaa.
Ainsi, les déictiques textuels sont formés par le terme iñ « chose » et les marqueurs
dĂ©ictiques proximal âii et distal âaa. Le dĂ©ictique textuel inii renvoie Ă une rĂ©fĂ©rence
cataphorique et inaa renvoie Ă une rĂ©fĂ©rence anaphorique. Les rĂ©fĂ©rences quâils
dĂ©signent peuvent ĂȘtre des noms animĂ©s non humains ou des inanimĂ©s. Les
dĂ©ictiques textuels jouent alors le rĂŽle de focus dans lâĂ©noncĂ© Ă©quatif. Le dĂ©ictique
textuel porte la marque du pluriel lorsque lâĂ©lĂ©ment auquel il renvoie est au pluriel,
(6). Lâexemple (8) illustre un devin qui montre un objet magique appelĂ© salmbĂ«
quâil tient dans sa main
5. (séance01_divination)
iñâii sĂșĂșs
choseâĂž:DEICT.PROX noir
Câest du noir.
6. (Ă©licitation)
a. Question iñâcii ye
choseâc:DEICT.PROX quoi
Que sont-ils ?
b. RĂ©ponse iñâcii mbaal
choseâc:DEICT.PROX mouton
Ce sont des moutons.
7. (devinette02_M.R.Ndione)
a. Question kotâaa awâwoo ngĂ« suus
piedâĂž:DEICT.DIST dirigerâNEG PREP louche
CHAPITRE 12 217
ee yĂ« liifâfoo suus
et y:3SG remplirâNEG louche
Le pied ne peut pas se tenir dans une louche et lui-mĂȘme ne peut
pas remplir une louche.
b. RĂ©ponse iñâaa koh sel
choseâĂž:DEICT.DIST dieu oiseau
Câest koh sel. (koh sel est une variĂ©tĂ© dâoiseau)
8. (séance01_séance de divination individuelle)
iñâii wii salmbĂ«'
choseâĂž:DEICT.PROX w:DEM.PROX salmbĂ«'
Ceci câest est un salmbĂ«.
- La construction existentielle
Les verbes en « ĂȘtre » et laak « avoir » peuvent ĂȘtre employĂ©s dans une construction
existentielle. Ils sont utilisĂ©s comme des prĂ©dicats existentiels. Le verbe en « ĂȘtre »
est employé dans une construction impersonnelle et il se place toujours en début
dâĂ©noncĂ©. Il permet alors dâintroduire un participant, comme aux exemples (9-15).
Les exemples (9-13) illustrent une séance divinatoire dans laquelle les devins
cherchent à trouver des réponses dans les figures géomantiques, (cf. 13.3). Dans les
contes, la phrase introductrice se construit avec le verbe en portant la marque du
passĂ© qui permet de situer le conte dans un monde imaginaire, comme lâillustrent les
exemples (14-15).
9. (séance02_séance de divination collective)
en waalâaa foñâat nĂ« waalâcii en
ĂȘtre wolofâCOND abandonnerâIMPER.PL PREP wolofâCOND ĂȘtre
noonâaa naasâatâte
noonâCOND enleverâIMPER.PLâO3SG
Sâil est wolof, laissez-le avec les wolofs. Sâil est noon, enlevez-le.
10. (séance02_séance de divination collective)
naasâat hen tĂșĂșh en ngĂ« noonâaa naasâat
enleverâIMPER.PL juste tout ĂȘtre PREP noonâCOND enleverâIMPER.PL
en ngĂ« waalâaa naasâat
ĂȘtre PREP wolofâCOND enlever âIMPER.PL
Enlevez tout systĂ©matiquement. Si câest chez des noons, enlevez. Si câest chez des
wolofs, enlevez.
11. (séance02_séance de divination collective)
en aksidaaânâaa meyâaa ndii en heñâohâaa
ĂȘtre accidentâNâCOND sortirâIMPER.SG ici ĂȘtre battreâNOMSâ COND
218 LES DIFFERENTS TYPES DâENONCES
meyâaa ndii
sortirâIMPER.SG ici
Sâil y a un accident, sors (dâici). Sâil y a une bagarre sors (dâici).
12. (séance02_séance de divination collective)
enâan Éamâaa ÆŽah kĂ«âenâoh ngĂ« Éuwâaa
ĂȘtreâFUT paixâCOND aller INFâĂȘtreâAPPL PREP hommeâĂž:DEICT.DIST
ÆŽah kĂ«âwoote ngĂ« hafâÉĂ« tewâÉâaaâroo ndii
aller INFâvoter PREP tĂȘteâPOSS.3PL ĂȘtre.prĂ©sentâCAUSâO1SG ici
Sâil y aura la paix et que les gens vont aller voter en personne, montre (le)-moi ici.
13. (séance02_séance de divination collective)
en hay kĂ«âlaak Éamâaa koh tewâĂ«' ndii
ĂȘtre venir INFâavoir paixâCOND dieu ĂȘtre.prĂ©sentâCAUS ici
Sâil y aura paix, dieu montre-(le) ici.
14. (conte03_le champ dâharicots)
enâee oomaa' en ngĂ« oomaa'
ĂȘtreâPAS enfant ĂȘtre PREP enfant
moo' kĂ«âmoo' Éii wolĂ«kâkĂ« hafâcĂ«
ĂȘtre.joli INFâĂȘtre.joli jusquâĂ avoir.confianceâNARR tĂȘteâPOSS.3SG
CâĂ©tait une fille, une fille si belle qu'elle Ă©tait fiĂšre dâelle-mĂȘme.
15. (conte02_le troupeau de la vieille femme)
enâee Éaal nĂ« mbuuñ yaakorâaa laakâee
ĂȘtreâPAS hyĂšne avec liĂšvre vieille.femmeâĂž:DEICT.DIST avoirâPAS
yop pe' Éaal amâmbĂ« yaakorâaa
troupeau chĂšvre hyĂšne attraperâNARR vieille.femmeâĂž:DEICT.DIST
yaa kuf
y:DEM.DIST tromper
Il Ă©tait une fois hyĂšne et liĂšvre. La vieille femme avait un troupeau de chĂšvres et
hyĂšne nâarrĂȘta pas de tromper la vieille femme.
Le verbe laak « avoir » est polysémique : il peut avoir le sens lexical de « avoir,
posséder » dans une construction verbale, comme aux exemples (16-18). Cependant,
lâemploi existentiel de ce verbe de possession est marquĂ© par une construction im-
personelle (19-25). Il a le sens de « existence ». Il arrive parfois que le participant
soit topicalisĂ© et donc placĂ© en tĂȘte dâĂ©noncĂ© comme aux exemples (24-25).
Lâexemple (20) est une illustration du dĂ©roulement de la sĂ©ance divinatoire.
CHAPITRE 12 219
16. (Ă©licitation)
Éetâii laakâĂ«n oomaa' ÉĂ«âyĂ«wĂ«n
femmeâĂž:DEICT.PROX avoirâPARF enfant É:JONCâĂȘtre.beaucoup
La femme a beaucoup dâenfants.
17. (Ă©licitation)
Éuu namâĂ«n mbaalâaa Éuu laakâee
2PL mangerâPARF moutonâĂž:DEICT.DIST 2PL avoirâPAS
ngĂ« kaanâfaa
PREP maisonâf:DEICT.DIST
Vous avez mangé le mouton que vous aviez dans la maison.
18. (séance02_séance de divination collective)
kaa njaf ngĂ« Éokâkoo mĂ« laakâoo mbok waal
INJ jeter PREP hautâPOSS.O1SG 1SG avoirâNEG parent wolof
Ne le jette pas sur moi, je nâai pas de parent wolof.
19. (Ă©licitation)
laakâĂ«n oomaa' ngĂ« Éuuy' tĂșĂșyâii
avoirâPARF enfant PREP intĂ©rieur chambreâĂž:DEICT.PROX
Il y a des enfants Ă lâintĂ©rieur de la chambre.
20. (séance02_séance de divination collective)
laakâĂ«n yaa amâmbĂ« nĂ« yaa feekâkĂ«
avoirâPARF y:DEM.DIST attraperâNARR avec y:DEM.DIST frapperâNARR
Éuwâaa wo'â'Ă«
personneâĂž:DEICT.DIST parlerâNARR
Quâil y ait quelquâun qui attrape et quelquâun qui frappe, les gens parlent.
21. (séance02_séance de divination collective)
laakâĂ«n ndii Éam
avoirâPARF ici paix
Il y a paix ici.
22. (récit01_sociolinguistique)
laakâeeânâĂ«n oomaaâcaa hayâĂ«sâee kĂ«ânjang
avoirâPASâNâPARF enfantâc:DEICT.DIST venirâPLâPAS INFâapprendre
Il y avait des enfants qui venaient apprendre.
23. (séance02_séance de divination collective)
a. Devin 1 laakâoo soolisoo' laakâoo ngĂ«
avoirâNEG solution' avoirâNEG PREP
Il nây a pas de solution, il nây en a pas.
220 LES DIFFERENTS TYPES DâENONCES
b. Devin 2 ahankay hay kĂ«âlaak
bien.sur venir INFâavoir
Bien sûr, il y (en) aura.
24. (séance02_séance de divination collective)
soolisoo' laakâoo ngĂ«
solution' avoirâNEG PREP
Une solution, il nây (en) pas.
25. (séance02_séance de divination collective)
kĂ«âapâoh laakâaa Éamâii fĂ« wo' ÉĂ«
INFâtuerâNOMS avoirâCOND paixâĂž:DEICT.PROX 2SG parler REL
laakâsiisâsii
avoirâITERâNEG
Un carnage, sâil y (en) a, la paix dont tu parles nâexistera plus.
- La particule de négation ngaa
La particule de négation ngaa est utilisée dans une construction existentielle. Elle
permet de nier lâexistence dâune entitĂ© par rapport Ă un lieu supposĂ©.
26. (séance02_séance de divination collective)
Éam ngaa ndii
paix NEG ici
Il nây a pas de paix ici.
27. (conte02_la fille et le djinn)
Éen kĂ«âhenpus ngaa ngĂ«
un DIMâcicatrice NEG PREP
Il nây aucune cicatrice.
28. (Ă©licitation)
ken ngaa ngë
personne NEG PREP
Il nây a personne.
- La construction présentationnelle
La construction présentationnelle peut se réaliser au moyen de la particule du pré-
sentatif ou du démonstratif. Il y a une ressemblance de forme entre la particule du
prĂ©sentatif et le dĂ©monstratif, ce dernier porte un marqueur dĂ©ictique proximal âii ou
distal âaa. Cependant, il nây a aucun marquage de position avec la particule du prĂ©-
sentatif puisque le participant quâelle introduit est toujours proche. En plus, dans une
construction présentationnelle N + Particule Présentatif, le nom porte toujours un
marqueur déictique proximal.
CHAPITRE 12 221
La particule du prĂ©sentatif est formĂ©e dâune concorde du morphĂšme prĂ©sentatif âee.
Elle permet alors dâintroduire un nouveau participant dans le discours.
29. (séance02_séance de divination collective)
gaalâii wee
pirogueâĂž:DEICT.PROX w:PRES
Voici la figure (géomantique) !
30. (Ă©licitation)
Éetâii yee
femmeâĂž:DEICT.PROX w:PRES
Voici la femme !
31. (Ă©licitation)
ketĂ«kâkii kee
arbreâk:DEICT.PROX k:PRES
Voici lâarbre !
32. (Ă©licitation)
fiili'â'oo yee nĂ« ÉetiâcĂ«
amiâPOSS.1SG y:PRES avec femmeâPOSS.3SG
Voici mon ami et sa femme !
33. (séance02_séance de divination collective)
wĂ«Ćângoo wee
w:JONCâPOSS.1SG w:PRES
Voici le mien ! (Litt. Le mien est voici.)
34. (séance02_séance de divination collective)
gaalâii wee wii
pirogueâĂž:DEICT.PROX w:PRES w:DEM.PROX
La figure (géomantique), la voici.
35. (séance02_séance de divination collective)
noonâcii Éee Éii
noonâc:DEICT.PROX É:PRES É:DEM.PROX
Les noons, les voici.
36. (séance02_séance de divination collective)
Éamâii weeâmĂ«
paixâĂž:DEICT.PROX w:PRESâANA
La paix, la voici.
222 LES DIFFERENTS TYPES DâENONCES
37. (Ă©licitation)
a. Question fĂ« tĂșm na
2SG faire comment
Comment vas-tu ?
b. RĂ©ponse mĂ« yeeâmĂ«
1SG y:PRES âANA
Je vais bien. (Litt. Me voici.)
Dans les exemples (29, 34), le terme gal « pirogue » est le nom donné à la figure
géomantique tracée par le devin pendant une séance divinatoire. La particule du
prĂ©sentatif suivie dâun dĂ©monstratif a une fonction de topicalisation. Ainsi, elle
renvoie Ă un participant dĂ©jĂ mentionnĂ©, comme lâillustrent les exemples (34-35).
Par ailleurs, lâanaphorique mĂ« (cf. 6.3.1.) peut ĂȘtre suffixĂ© Ă la particule du
présentatif. Il permet aussi de renvoyer à un participant déjà mentionné, (36-37). Le
prĂ©sentatif suffixĂ© Ă lâanaphorique a aussi une fonction de topicalisation comme le
prĂ©sentatif suivi du dĂ©monstratif. Lâexemple (36) est une illustration des devins qui
recherchaient la paix qui est finalement apparue dans une figure géomantique.
Lâexemple (37b) est une routine utilisĂ©e dans les salutations.
- La construction de localisation
Dans une construction de localisation, le déterminant démonstratif peut avoir une
fonction prédicative (cf. 6.3.). Il est combiné avec un constituant prépositionnel lo-
catif. Il faut noter que, dans la chaine parlĂ©e, le dĂ©monstratif nâest pas sĂ©parĂ© de la
préposition, ces deux éléments sont fusionnés entrainant un changement morpholo-
gique pour former un prédicat complexe, comme illustré aux exemples (38a, 39a,
40-42).
38. (Ă©licitation)
a. ÆŽaalâii yĂ«Ć yoonâii
hommeâĂž:DEICT.PROX y:DEM.PREP champâĂž:DEICT.PROX
Lâhomme est dans le champ.
b. ÆŽaalâii yii ngĂ« yoonâii
hommeâĂž:DEICT.PROX y:DEM.PROX PREP champâĂž:DEICT.PROX
Lâhomme est dans le champ.
39. (Ă©licitation)
a. oomaaânâaa yĂ«Ć fooĆ
enfantâNâĂž:DEICT.DIST y:DEM.PREP extĂ©rieur
Lâenfant est dehors.
CHAPITRE 12 223
b. oomaaânâaa yaa ngĂ« fooĆ
enfantâNâĂž:DEICT.DIST y:DEM.DIST PREP extĂ©rieur
Lâenfant est au dehors.
40. (Ă©licitation)
fayaĆâfii fĂ«Ć Éuuy' tĂșĂșyâii
litâf:DEICT.PROX f:DEM.PREP intĂ©rieur chambreâĂž:DEICT.PROX
Le lit est Ă lâintĂ©rieur de la chambre.
41. (séance02_séance de divination collective)
nimĂ«râii wĂ«Ć
numĂ©roâĂž:DEICT.PROX w:DEM.PREP
portapalâĂ«Ćângoo ee portabalâii ÆŽiimâĂ«n
portableâĂž:JONCâPOSS.1SG et numĂ©roâĂž:DEICT.PROX Ă©teindreâPARF
Le numéro est dans mon (téléphone) portable et le portable est éteint.
42. (séance02_séance de divination collective)
yaañisâaa wĂ«Ć ndaay
houeâĂž:DEICT.DIST w:DEM.PREP lĂ .bas.SPAT
La houe est loin lĂ -bas.
12.1.2. LâĂ©noncĂ© verbal et lâordre des constituants
LâĂ©noncĂ© verbal se construit avec un constituant nominal et un constituant verbal.
Lâordre des constituants dans lâĂ©noncĂ© verbal est SVO, (43-48). Il peut varier dans
les constructions avec les indices objets. Ces derniers sont placés avant le verbe, ce
qui donne S AUXâO/O V, comme aux exemples (49-53).
43. (interview01_mbilim)
noon nakâee kĂ«âtipâoh mbilim nĂ« haan
noon ĂȘtre.entrainâPAS INFâbattreâAPPL mbilim avec tambour
Un noon jouait mbilim avec un tambour.
44. (conte04_oncle Lion)
taan ngaynde supĂ«ÉâĂ«kâkĂ« pĂ«nĂs
oncle lion transformerâMOYâNARR cheval
Oncle Lion se transforma en cheval.
45. (séance02_séance de divination collective)
lupâcii laakâĂ«n njariñ
Ă©pinesâc:DEICT.PROX avoirâPARF vertu
Les Ă©pines ont des vertus.
224 LES DIFFERENTS TYPES DâENONCES
46. (conte01_le troupeau de la vieille femme)
yĂ« lookâkĂ« pe'âcaa
3SG volerâNARR chĂšvreâc:DEICT.DIST
Il vola les chĂšvres.
47. (Ă©licitation)
rasel hay kĂ«âÉew' zon
Rachel venir INFâappeler John
Rachel appellera John.
48. (interview02_séance de divination colllective)
fĂ« tĂșmâĂ«'âtoo demonstrason wĂĂnóó ndaa
2SG faireâBENEFâO1SG demonstration w:un maniĂšre
tuwaa'âcaa wĂ« wo' ÉĂ«
blancâc:DEICT.DIST w:O3SG parler REL
Tu me fais une démonstration comme on le dit en fançais. (Litt. Tu fais une dé-
monstration pour moi comme les blancs le disent.)
49. (conte03_le champ dâharicots)
mĂ« hayâyĂ« kĂ«âsakĂ«' pehee
1SG venirâO3SG INFâtendre piĂšge
Je lui tendrai un piĂšge.
50. (conte01_le troupeau de la vieille femme)
mĂ« hayâyaaârĂ« kĂ«âam
1SG venirâO2SGâO3SG INFâattraper
Je te lâattraperai.
51. (récit02_mbilim)
saafiâcii cĂĂc koh onâÉĂ« mbilim
saafiâc:DEICT.PROX grand.parent dieu offrirâÉ:O3PL mbilim
Le peuple sérÚre saafi, grand pÚre dieu leur a offert mbilim.
52. (interview02_divination)
halenâii wii leklek ÉĂĂ
tesson.de.canariâĂž:DEICT.PROX w:DEM.PROX parfois 1PL.EXCL
hot wë ngë pay'
voir w:O3SG PREP guérir
Ce tesson de canari, nous le voyons parfois dans une séance divinatoire.
53. (récit02_mbilim)
mbilim ÆŽaakâcaa meerâeeânâĂ«n
mbilim hommeâc:DEICT.DIST avoir.lâhabitudeâPASâNâPARF
CHAPITRE 12 225
wĂ« kĂ«âtip
w:O3SG INF âbattre
Mbilim, les vieux avaient lâhabitude de le jouer.
Les indices objet +humain sont toujours attachés aux auxiliaires (cf. 5.1.2.), comme
lâillustrent les exemples (49-50). Lâobjet peut ĂȘtre aussi en dĂ©but dâĂ©noncĂ© pour
marquer la focalisation : il est repris par un indice objet placĂ© avant le verbe Ă
lâinfinitif, (51-53).
- Le sujet
Dans un énoncé verbal, le constituant nominal assumant le rÎle syntaxique de sujet
peut ĂȘtre un nom, un groupe nominal ou un pronom (voire les exemples ci-dessus).
Les pronoms de 3Ăšme personne sujet yĂ« « il/elle » et ÉĂ« « ils/elles » peuvent
sâanalyser comme des substituts de noms se rĂ©fĂ©rant Ă des ĂȘtres animĂ©s (cf. 5.3.). Ils
jouent un rÎle discursif de focus et marquent une continuation du référent tout au
long du discours, comme lâillustrent les exemples (54-55).
54. (conte04_oncle Lion)
waaâmĂ« enâee Éaal nĂ« mbonda nĂ« mbaam all
w:DEM.DISTâANA ĂȘtreâPAS hyĂšne avec liĂšvre avec Ăąne brousse
kelohâĂ«n towuâtĂ«Ć taan ngaynde njĂĂlâĂ«n
entendreâPARF t:enfantât:JONC oncle lion ĂȘtre.maladeâPARF
ÉĂ« ka'âtĂ« Éii ÉĂ« le'â'Ă« Éeskâaa
É:3PL partirâNARR jusqu'Ă É:3PL arriverâNARR endroitâĂž:DEICT.DIST
ÉĂ« hot towuâtĂ«Ć taan ngaynde tĂșĂșh njĂĂlâĂ«n
É:3PL voir t:enfantât:JONC oncle lion tout ĂȘtre.maladeâPARF
CâĂ©tait lâhyĂšne, le liĂšvre et lâĂąne sauvage qui apprirent que les enfants dâoncle Lion
sont malades. Ils partirent (jusquâĂ ce quâils arrivĂšrent) Ă lâendroit. Ils trouvĂšrent que
les enfants dâoncle Lion sont malades.
55. (conte01_le troupeau de la vieille femme)
Éaal amâmbĂ« yaakorâaa yaa kuf
hyĂšne attraperâNARR vieille.femmeâĂž:DEICT.DIST y:DEM.DIST tromper
waxto' yĂ« ka' ÉĂ©w' yĂ« Éew' ngĂ« pe'âcĂ«Ć
heure y:3SG partir tout y:3SG prendre PREP chĂšvreâc:JONC
yaakorâaa yĂ« lookâkĂ« pe'âcaa
vieille.femmeâĂž:DEICT.DIST y:3SG volerâNARR chĂšvrâc:DEICT.DIST
HyĂšne continua Ă tromper la vieille femme. A chaque fois qu'elle part, elle prend des
chĂšvres de la vieille femme. Il volait les chĂšvres.
En outre, les pronoms de 3Ăšme personne permettent aussi de reprendre le participant
le plus saillant dĂ©jĂ introduit parmi dâautres dans le discours, (56). La 3Ăšme personne
sujet est souvent omis lorsque le référent est contextuellement saillant, (57-60).
226 LES DIFFERENTS TYPES DâENONCES
Lâexemple (60) illustre le dĂ©roulement dâune sĂ©ance divinatoire dont les devins ne
sont pas satisfaits des résultats.
56. (conte04_oncle Lion)
mbonda hayâyĂ« wo' taan ngaynde an mĂ« hotâĂ«n
liĂšvre venirâNARR parler oncle lion COMP 1SG voirâPARF
Éaal yĂ« en ngĂ« kĂlĂłkâĂ«Ć pĂ«lâcaa
hyĂšne y:3SG ĂȘtre PREP mariageâĂž:JONC peulâc:DEICT.DIST
Lievre vint et dit Ă oncle Lion : « Jâai vu hyĂšne, elle se trouve au mariage des
peuls ».
57. (séance02_séance de divination collective)
koo'ânaasâĂ« eey hay kĂ«âka'
Ă©leverâANDâIMPER.SG oui venir INFâpartir
Va soulever ! Oui, il va partir.
58. (séance02_séance de divination collective)
Éii hay kĂ«âapâoh ÆŽah kĂ«âapâoh nde
É:DEM.PROX venir INFâtuerâRECIPR aller INFâtuerâRECIPR EMPH
Ceux-ci vont se tuer, ils vont vraiment se tuer.
59. (séance02_séance de divination collective)
hay kĂ«âunoh hanaa aalâlii
venir INFâsavoir peut.ĂȘtre oublierâNEG
Il va savoir peut-ĂȘtre, il nâoublie pas.
60. (séance02_séance de divination collective)
taane hen waaye Éaahâhii
ĂȘtre.passable juste mais ĂȘtre.bonâNEG
Il est juste passable (mais) il nâest pas bien.
En noon, le sujet dans les expressions météorologiques (Eriksen et al. 2010) est koh
« dieu », comme lâillustre lâexemple (61a). Mais il est souvent omis parce quâĂ©tant
toujours prévisible, (61b, 62-64).
61. (Ă©licitation)
a. koh huuwâĂ«n
dieu ĂȘtre.nuageuxâPARF
Le ciel est nuageux. (Litt. Dieu est nuageux)
b. huuwâĂ«n
ĂȘtre.nuageuxâPARF
Il fait un temps nuageux.
CHAPITRE 12 227
62. (Ă©licitation)
tamâĂ«n
ĂȘtre.chaudâPARF
Il fait chaud.
63. (Ă©licitation)
urusâĂ«n
faire.du.ventâPARF
Il fait du vent.
64. (Ă©licitation)
tawâĂ«n
pleuvoirâPARF
Il pleut.
12.2. Les énoncés complexes
Les Ă©noncĂ©s complexes sont constituĂ©s dâune sĂ©quence dâĂ©noncĂ©s verbaux qui peu-
vent ĂȘtre reliĂ©s par un connecteur.
12.2.1. La coordination
La coordination est une opération par laquelle plusieurs énoncés sont en relation
pour former un Ă©noncĂ© complexe. Elle peut ĂȘtre marquĂ©e par un coordonnant qui
relie les deux énoncés. Dans cette partie, nous présentons chacun des coordonnants
et leurs fonctions sémantiques.
Tableau 12.1 : Les coordonnants
LexĂšme Glose
waaya, waaye mais
wala, mbaa ou
ee et
- Les coordonnants waaye, waaya
Les coordonnants waaye et waaya « mais » sont des variantes libres, ils permettent
lâopposition dâune mĂȘme rĂ©alitĂ©.
65. (interview02_divination)
hotâĂ«Ćângoo koh yĂ«rĂ« onândoo wĂ« waaye ketĂ«k
voirâJONCâPOSS.1SG dieu y:EMS.3SG offrirâO1SG w:O3SG mais arbre
mĂ« njangâoh wĂ« ngĂ« cĂĂcâaa
1SG apprendreâAPPL w:O3SG PREP grand.mĂšreâĂž:DEICT.DIST
228 LES DIFFERENTS TYPES DâENONCES
yĂ«Ćângoo
y:JONCâPOSS.3SG.
Ma vision, câest dieu qui me lâa donnĂ©e mais le pouvoir des plantes, je lâai acquis de
ma grand-mĂšre.
66. (séance02_séance de divination collective)
noo mey' ngĂ« hen waaye enândii yĂ« ambâee wĂ«
non sortir PREP juste mais ĂȘtreâNEG y:3SG attraperâPAS w:O3SG
Non, il est juste sorti mais ce nâest pas ce que tu pensais.
67. (conte02_la fille et le djinn)
mĂ« waarâĂ«n ÆŽaal waaye mĂ« waarâĂ«n ÆŽaal
1SG vouloirâPARF homme mais 1SG vouloirâPARF homme
yii laakâoo henpus
y:DEM:DEICT.PROX avoirâNEG cicatrice
Je veux me marier mais je veux un mari qui nâa pas de cicatrice.
68. (séance02_séance de divination collective)
mĂ« saĆângii waaya mĂ« hotâĂ«nândii wĂ« ÉĂ«
1SG refuserâNEG mais 1SG voirâPARFâNEG w:O3SG REL
Je ne refuse pas (ce que tu dis) mais je ne le vois pas (comme ça).
- Les coordonnants wala, mbaa
Les coordonnants wala et mbaa « ou » permettent de relier deux énoncés représen-
tant une possibilité de choix.
69. (interview01_divination)
lookâaa misĂ«k wala lookâaa nup
ventreâĂž:DEICT.DIST avoir.mal ou ventreâĂž:DEICT.DIST courir
Il a mal au ventre ou il a la diarrhée.
70. (interview01_divination)
fĂ« mĂn kĂ«âpay' hew laak fondĂ«Ć fĂ« ÆŽah
2SG pouvoir INFâguĂ©rir cĂ©rĂ©monie avoir comme 2SG aller
kĂ«âonâoh kowuâfĂ« wala Éo' ÆŽah kĂ«âpañ
INFâoffrirâANTIPASS k:enfantâPOSS.3SG ou homme aller INFâmarier
kowuâfĂ« ee laakâĂ«n Éo' waa' kĂ«âsanga' wala
k:enfantâPOSS.3SG et avoirâPARF homme vouloir INFâdĂ©truire ou
laakâĂ«n Éo' waa' kĂ«âhayândoh nĂ« saaysaay
avoirâPARF homme vouloir INFâvenirâCAUS.SOC avec malveillant
CHAPITRE 12 229
ngĂ« Éuuy' Éeskâaa ngĂ« hewâaa
PREP intĂ©rieur endroitâĂž:DEICT.DIST PREP cĂ©rĂ©monieâĂž:DEICT.DIST
Tu peux consulter un devin sâil y a une cĂ©rĂ©monie, comme quand tu donnes en
mariage ton enfant ou quelquâun marie ton enfant ou quand il y a des personnes qui
veulent vous faire du mal ou des personnes qui viennent avec des esprits
malveillants dans le lieu oĂč se dĂ©roule la cĂ©rĂ©monie.
71. (interview02_divination)
enâĂ«n kĂ«âpĂ«nĂ«k mbaa sah kolkâohâoo Éii
ĂȘtreâPARF INF âavoir.sommeil ou ainsi leverâAPPLâNEG jusquâĂ
hewâaa paaf
cĂ©rĂ©monieâĂž:DEICT.DIST passer
Il peut avoir sommeil (ou bien) il ne bouge pas jusquâaprĂšs la cĂ©rĂ©monie.
72. (interview02_divination)
eskĂ« sah mbes wĂĂnóó hay kĂ«ândoy mbaa ay
est-ce.que ainsi jour w:un venir INFâsuffire ou beaucoup
tis hay kĂ«ândoy
t:annĂ©e venir INFâsuffire
Est-ce quâun jour suffira ou faudra-t-il des annĂ©es ?
Lâexemple (71) illustre un devin qui explique comment une personne malveillante
peut gùter une cérémonie. En (72), un devin fait allusion à une question concernant
la divination qui représente selon lui un sujet vaste. Le coordonnant mbaa relie
seulement des Ă©noncĂ©s verbaux alors que le coordonnant wala peut sâutiliser pour
relier des Ă©noncĂ©s verbaux mais aussi des constituants nominaux, comme lâillustre
lâexemple (73) oĂč lâĂ©noncĂ© a pour tĂȘte une forme verbale non finie.
73. (interview01_divination)
kĂ«âen payâoh enâĂ« ÆŽaal doĆ wala ÉetĂ«w'
INFâĂȘtre guĂ©rirâNOMS ĂȘtreâHAB homme donc ou femme
mĂn kĂ«âen
pouvoir INFâĂȘtre
Pour ĂȘtre un devin, il faut simplement ĂȘtre un homme ou une femme ?
- Le coordonnant ee
Le coordonnant ee « et » permet de relier des énoncés verbaux. Il a une fonction
additive.
74. (interview02_divination)
pay' moom Éaanjâoo ee musanândii kĂ«âÉaañ
guĂ©rir EMPH ĂȘtre.enlevĂ©âNEG et produireâNEG INFâĂȘtre.enlevĂ©
La pratique de la divination ne sâarrĂȘtera pas et elle ne va jamais sâarrĂȘter.
230 LES DIFFERENTS TYPES DâENONCES
75. (interview01_divination)
a. Question eskĂ« Éo' mĂnâĂ«n kĂ«âhot ee mĂnâoo
est-ce.que homme pouvoirâPARF INFâvoir et pouvoirâNEG
kĂ«âpuu'
INFâvoler
Est-ce quâune personne peut avoir une vision mystique et ne pas
pouvoir sâenvoler ?
b. RĂ©ponse Éo' mĂnâĂ«n kĂ«âhot ee mĂnâoo
personne pouvoirâPARF INFâvoir et pouvoirâNEG
kĂ«âpuu'
INFâvoler
Une personne peut avoir une vision mystique et ne pas pouvoir
sâenvoler.
76. (interview01_séance02_séance de divination collective)
ngĂ« Éuuy' payâii ndey yaa cosaan
PREP intĂ©rieur guĂ©rirâĂž:DEICT.PROX EMPH y:DEM.DIST tradition
ee iñâaa noonâcaa meerâee
et choseâĂž:DEICT.DIST noonâc:DEICT.DIST avoir.lâhabitudeâPAS
kĂ«âtĂșm ÉĂ«
INFâfaire REL
En ce qui concerne la divination, câest la tradition et câest que les noons faisaient.
77. (Ă©licitation)
koh huuw hen ee ngortaala laakâoo ndaaâmĂ«
dieu ĂȘtre.nuageux juste et Ngor_Taala avoirâNEG lĂ .basâANA
ÉaakâĂ«kâoo hen
cacherâMOYâNEG juste
Le ciel est nuageux et Ngor Taala n'a pas d'endroit oĂč s'abriter.
Lâexemple (75) dĂ©crit le pouvoir dâun devin qui doit ĂȘtre capable dâavoir une vision
et de sâenvoler dans les airs, alors que certains devins ont seulement la vision mys-
tique mais incapable de sâenvoler. Dans lâexemple (77), le coordonnant ee exprime
une valeur argumentative de conséquence.
Dâabord, le coordonnant ee ne relie que des Ă©noncĂ©s verbaux (cf. exemples dessus),
les constituants nominaux sont coordonnés par la préposition në « avec », comme le
montre lâexemple (78).
78. (récit01_sociolinguistique)
keemĂ« panjâohâcaa ÆŽaalâcaa nĂ«
maintenant mariageâNOMSâc:DEICT.DIST hommeâc:DEICT.DIST avec
CHAPITRE 12 231
Éetew'âcaa aasâĂ«kâohâuuânâĂ«n
femmeâc:DEICT.DIST entrerâMOYâPLâNâPARF
Maintenant les mariages entre les hommes et les femmes sont mixtes.
Ensuite, le coordonnant ee peut ĂȘtre omis, il en rĂ©sulte un enchaĂźnement dâĂ©noncĂ©s
verbaux qui ne comportent aucune marque de coordination. Lâomission du
coordonnant ee a une fonction discursive ; câest un procĂ©dĂ© utilisĂ© dans le rĂ©cit pour
mettre en séquence des évÚnements successifs.
79. (conte03_le champ dâharicots)
mbonda hayâyĂ« lĂ«wĂ«sâsĂ« alakâcaa ñamâmbĂ«
liĂšvre venirâNARR ouvrirâNARR haricotâc:DEICT.DIST mangerâNARR
LiĂšvre arriva, ouvrit les haricots et mangea.
80. (conte01_le troupeau de la vieille femme)
ngaynde Éew'âpĂ« tĂșĂșyâaa lĂ«wĂ«sâsĂ«
lion prendreâNARR caseâĂž:DEICT.DIST renverserâNARR
Éew'âpĂ«ârĂ« ÉĂ©yâyĂ«ârĂ«
prendreâNARRâO3SG amenerâNARRâO3SG
Lion attrapa la case, la renversa, la prit et lâamena.
81. (séance02_séance de divination collective)
mĂ« ek pusâii ngĂ« portapal wĂlĂsâaa
1SG mettre puceâĂž:DEICT.PROX PREP portable w:autreâĂž:DEICT.DIST
mĂ« mey'ândoh nimoorâii
1SG sortirâCAUS.SOC numĂ©roâĂž:DEICT.PROX
Je mets la puce dans lâautre tĂ©lĂ©phone portable et je sors le numĂ©ro en mĂȘme temps.
82. (conte03_le champ dâharicots)
mĂ« hay mĂ« ÉimbĂ«lâlaa
1SG venir 1SG aiderâO2SG
Je viens tâaider. (Litt. Je viens et je tâaide.)
Enfin, le coordonnant ee est sĂ©mantiquement neutre et lâinterprĂ©tation peut ĂȘtre de
diffĂ©rentes relations sĂ©mantiques entre les Ă©noncĂ©s. Ainsi, il peut avoir la mĂȘme
valeur que waaye ou waaya « mais », comme lâillustrent les exemples (83-84). En
effet, il permet de mettre en valeur lâinformation supplĂ©mentaire dans un rapport
dâopposition, (CissĂ© 2005:62).
83. (séance02_séance de divination collective)
yĂ« keenâohâan yah ñam keenâohâhoo yah seĆ
y:3SG tomberâAPPLâFUT main manger tomberâAPPLâFUT main gauche
Il va tomber Ă droite (mais) il ne va pas tomber Ă gauche.
232 LES DIFFERENTS TYPES DâENONCES
84. (séance02_séance de divination collective)
otoânâii fĂ« hot wĂ« wooâmĂ« maañâoo
autoâNâĂž:DEICT.PROX 2SG voir w:O3SG w:PRESâANA durerâNEG
fĂ« hay kĂ«âkeloh aksida' kĂșmĂșn kaanâoo ngĂ«
2SG venir INFâentendre accident nez mourirâNEG PREP
La voiture que tu vois, sous peu tu entendras parler dâun accident mais il nây aura
aucune victime.
12.2.2. Le complementeur an
Le complementeur an se combine avec les verbes wo' « parler » au discours direct et
indirect. Il se place à la fin de la premiÚre unité phrastique et marque ainsi la pause.
Il permet donc dâintroduire le discours fait par le rĂ©fĂ©rent du sujet.
85. (conte03_le champ dâharicots)
mbonda wo' an ngĂłmĂș ngĂłmĂș ndĂ©yâaa yoonâĂ«Ć
liĂšvre parler COMP hyĂšne hyĂšne avancerâIMPER.SG champâJONC
Éuurâii fĂkĂĂ'
roiâĂž:DEICT.PROX visage
LiÚvre dit : « HyÚne avance, le champ du roi est devant ».
86. (séance02_séance de divination collective)
bukar wo' an unohâaa iñâaa fĂ«
Boucar parler COMP savoirâIMPER.SG choseâĂž:DEICT.DIST 2SG
venir INFâfrapper
hay kĂ« âfeek
Boucar dit : « Saches ce que tu frapperas ».
87. (conte04_oncle Lion)
ÉĂ« ÉalâlĂ« kĂ«âwo' an Éuu ÆŽah
É:3PL commencerâNARR INFâparler COMP 2PL.INCL aller
kĂ«âwaakânee towuâtĂ«Ć taan ngaynde
INFâvisiterâAND t:enfantât:JONC oncle lion
Ils dirent aussitĂŽt : « Nous allons rendre visite aux enfants dâoncle Lion ».
88. (Ă©licitation)
ami wo' an karâĂ«n pade
Ami parler COMP partirâPARF FandĂšne
Ami dit quâelle est partie Ă FandĂšne.
Le complĂ©menteur an peut se construire aussi avec le verbe tĂșm « faire » pour intro-
duire le discours fait par le rĂ©fĂ©rent du sujet, comme lâillustre lâexemple (89). Dans
CHAPITRE 12 233
lâexemple (89), le verbe tĂșm « faire » permet dâexprimer le discours rĂ©alisĂ© sous la
forme dâune chanson.
89. (conte02_la fille et le djinn)
ndaaâmĂ« nak yĂ« ÉalâlĂ« kĂ«âtĂșmâsiis an
lĂ .basâANA alors y:3SG commencerâNARR INFâfaireâITER COMP
ÉangâĂ«n ÉangâĂ«n mungambay ÉangâĂ«n gĂșĂșge'
gagnerâPARF gagnerâPARF Mounga_Mbaye gagnerâPARF vieux
ÉalâlĂ« kĂ«âtĂșm an fatumakumba baymadjahate
commencerâNARR INFâfaire COMP Fatou_Macoumba Baye_Madiakhate
ĂĂsâatâtoo mĂ« talâliiâruu
laisseâIMPER.PLâO1SG 1SG avoir.le.tempsâNEGâO2PL
De lĂ -bas, elle chanta ainsi Ă nouveau :
- « Il a gagné, il a gagné Mounga Mbaye a gagné ».
- Le vieux répliqua aussitÎt : « Fatou Macoumba, Baye Madiakhate, laissez moi, je
n'ai pas de temps pour vous ».
Le complĂ©menteur an peut ĂȘtre employĂ© seul sans un verbe pour introduire le dis-
cours, comme lâillustre lâexemple (90).
90. (conte03_le champ dâharicots)
mbonda ÆŽipâĂ«kâkĂ« an ÉĂșĂș ÆŽahâat kaan Éaal
liĂšvre sauterâMOYâNARR COMP 1PL.INCL allerâIMPER.PL maison hyĂšne
an ÉuuâfĂ« kaanândii an ĂĂsâatâÉĂ«
COMP É :JONCâPOSS.2SG mourirâNEG COMP laisserâIMPER.PLâÉ:O3PL
mĂ« mĂnâoo Éara ngĂ« ÉĂșĂș ÆŽahâat
1SG pouvoirâNEG rien PREP 1PL.INCL allerâIMPER.PL
LiĂšvre sursauta et dit :
- « Rentrons à la maison ».
- HyÚne répondit : « Les tiens ne sont pas morts ».
- Il dit : « Laisse-les, je n'y peux rien, allons ».
12.2.3. Le conditionnel
Le conditionnel se construit avec le marqueur de condition âaa qui est toujours
suffixĂ© au dernier Ă©lĂ©ment de la proposition, quâil soit un verbe, (91-93) ou un nom,
(94-95). Le marqueur de condition âaa permet dâexprimer une relation de condition
ou dâhypothĂšse.
91. (séance02_séance de divination collective)
ÉĂĂ feekâaa ÉĂĂ ikâkaa
1PL.EXCL frapperâCOND 1PL.EXCL renvoyerâO2SG
Si nous frappons, nous te renvoyerons.
234 LES DIFFERENTS TYPES DâENONCES
92. (conte03_le champ dâharicots)
fĂ« nupâpiiânâaa yĂ« apâpaa
2SG courirâNEGâNâCOND y:3SG tuerâO2SG
Si tu ne cours pas, il te tuera.
93. séance02_séance de divination collective)
kĂ«âapâoh laakâaa Éamâii fĂ« wo' ÉĂ«
INFâtuerâRECIPR avoirâCOND paixâĂž:DEICT.PROX 2SG parler REL
laakâsisâsii
avoirâITERâNEG
Sâil y a un massacre, il nây aura plus la paix dont tu parles.
94. (interview02_divination)
fĂ« lap ngĂ« kanohâkaaânâaa kanokâkaa
2SG monter PREP calebasseâk:DEICT.DISTâNâCOND calebasseâk:DEICT.DIST
tĂșmâoo Éara
faireâNEG rien
Si tu montes sur la calebasse, la calebasse ne va rien faire (= ne se cassera pas).
95. (séance01_divination)
an lahâii nĂ« Éamâaa koh
COMP hivernageâĂž:DEICT.PROX avec paixâCOND dieu
ĂȘtre.prĂ©sentâCAUSâO1SG ici
tewâĂ«'âtoo ndii
Si lâhivernage est paisible, dieu montre-(le) moi ici.
Lâexemple (91) illustre comment une sĂ©ance divinatoire se pratique. De ce fait, les
devins vont frapper le sable pour voir si ce quâils voient correspond Ă la priĂšre faite
par un des leurs.
Pour exprimer lâirrĂ©el, seul le verbe de la proposition au conditionnel porte la
marque du passé.
96. (conte04_oncle Lion)
fĂ« le'âee ngĂ« keeñâcaaânâaa wëñ kĂ«ânew'
2SG arriverâPAS PREP foieâc:DEICT.DISTâNâCOND ĂȘtre.plus INFâĂȘtre.bon
Si tu atteignais le foie, ce serait meilleur.
97. (Ă©licitation)
moris laakâee koparâaa lom mbaalâaa
Maurice avoirâPAS argentâCOND acheter moutonâĂž:DEICT.DIST
Si Maurice avait de lâargent, il achĂšterait le mouton.
CHAPITRE 12 235
12.2.4. La proposition complétive
La proposition complĂ©tive se construit avec la prĂ©position Éii « jusquâà », (cf. 8.4),
qui apparait toujours en apodose, (cf. 10.1.1.). Elle introduit une unité phrastique, en
position de complémenteur, qui permet de fixer la limite du déroulement de
lâĂ©vĂšnement. En effet, le verbe, dans lâunitĂ© phrastique, peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme
nâĂ©tant pas une forme flĂ©chie. Il peut apparaitre sans flexion verbale, (98-99) ou
portant le marqueur du narratif, (100-101).
98. (séance02_séance de divination collective)
gaalâcii cii cĂ«re njom kĂ«ânetoyaas
pirogueâc:DEICT.PROX c:DEM:Ăž:DEICT.PROX c:EMS.3PL devoir INFânettoyer
Éii set
jusquâĂ ĂȘtre.propre
Ce sont ces figures-ci quâil faut nettoyer jusquâĂ ce quâelles soient propres.
99. (conte02_la fille et le djinn)
ÉĂ« yuĆângĂ« Éii cuunohâii hay kĂ«âle'
É:3PL sâasseoirâNARR jusqu'Ă dĂ©jeunerâĂž:DEICT.PROX venir INFâarriver
Éaal yaa nup ngĂ« ÉĂșĂșy' luuwâaa
hyĂšne y:DEM:DEICT.DIST fuir PREP intĂ©rieur brousseâĂž:DEICT.DIST
Éii hotâtĂ« noĆ Éoh yĂ« aasâsĂ« ngĂ«
jusquâĂ voirâNARR trou baobab y:3SG entrerâNARR PREP
Ils restĂšrent (lĂ -bas) jusqu'Ă l'heure du dĂ©jeuner, hyĂšne sâenfuit Ă lâintĂ©rieur de la
forĂȘt jusquâĂ ce quâil ait vu un trou de baobab et quâil y soit entrĂ©.
100. (conte01_le troupeau de la vieille femme)
yĂ« lookâkĂ« pe'âcaa Éii resterâNARR chĂšvre f:un
y:3SG volerâNARR chĂšvreâc:DEICT.DIST jusqu'Ă tesâsĂ« pe' fĂĂnóó
Il volait les chĂšvres jusqu'Ă ce qu'il nâen reste quâune seule
101. (conte04_oncle Lion)
ÉĂ« ka'âtĂ« Éii ÉĂ« le'â'Ă« Éeskâaa
É:3PL PartirâNARR jusqu'Ă É:3PL arriverâNARR endroitâĂž:DEICT.DIST
Ils partirent jusquâĂ (ce quâils arrivĂšrent Ă ) lâendroit.
Dans les exemples (102-103), la prĂ©position Éii est suivie dâun constituant nominal
de sens temporel. Elle peut se placer en apodose comme en protase dans lâĂ©noncĂ©,
(cf. 8.4).
236 LES DIFFERENTS TYPES DâENONCES
102. (séance02_séance de divination collective)
Éamâii mĂnâoo kĂ«âlaak Éii wate
paixâĂž:DEICT.PROX pouvoirâNEG INFâavoir jusquâĂ aujourdâhui
Il nâa pas la paix jusquâĂ prĂ©sent.
103. (séance02_séance de divination collective)
Éii wate waalâcii ÉĂ«rĂ«âÉĂ«
jusquâĂ aujourdâhui wolofâc:DEICT.PROX É:EMOâ3PL
JusquâĂ maintenant les Wolofs, ce sont eux.
12.2.5. La proposition temporelle
La proposition temporelle se construit avec les prĂ©positions Éalaa « avant » et waa
« quand » qui permettent dâexprimer une relation temporelle entre deux Ă©vĂšnements.
- La prĂ©position Éalaa
La prĂ©position Éalaa « avant » se construit avec le marqueur de condition âaa. Elle
permet dâintroduire une unitĂ© phrastique qui exprime une relation dâantĂ©rioritĂ©.
104. (interview02_divination)
Éalaa fĂ« anâaa fĂ« ndungĂ«l wĂ« njutut
avant 2SG boireâCOND 2SG refroidir w:O3SG ĂȘtre.petit
Avant que tu ne boives, tu le refroidis un peu.
105. (interview02_divination)
Éalaa fĂ« payâaa fĂ« njomâĂ«n kĂ«âunoh Éukulâaa
avant 2SG guĂ©rirâCOND 2SG devoirâPARF INFâsavoir maladieâĂž:DEICT.DIST
hĂĂndâoh Éuyâaa ÉĂ«
mesurerâRECIPR personneâĂž:DEICT.DIST REL
Avant que tu guérisses (la maladie), tu dois connaßtre la maladie dont souffre la per-
sonne.
106. (conte01_le troupeau de la vieille femme)
Éalaa fĂ« tĂșm ndawalâaa fĂ« hay kĂ«âÆŽeek
avant 2SG faire viandeâCOND 2SG venir INFâchanter
Avant que tu en fasses (la viande) un repas, tu chanteras.
Par ailleurs, lâunitĂ© phrastique introduite par la prĂ©position Éalaa peut aussi se placer
en seconde position dans lâĂ©noncĂ©, (107).
CHAPITRE 12 237
107. (séance02_divination)
ÉĂĂ wahtaanâeeânâĂ«n ngĂ« kaan Éalaa ÉĂĂ hayâaa
1PL.EXCL discuterâPASâNâPARF PREP maison avant 1PL.EXCL venirâCOND
Nous en avions discuté à la maison avant que nous ne venions.
- La préposition waa
La préposition waa « quand » introduit une unité phrastique qui marque le moment
de la rĂ©alisation dâun Ă©vĂšnement au passĂ©.
108. (récit01_sociolinguistique)
kooyaa' waa ÉĂșĂș enâee kĂ«âoomaa' ÉĂ« ÉĂșĂș
autretefois quand 1PL.INCL ĂȘtreâPAS k:DIMâenfant REL 1PL.INCL
upâee kĂ«âwo' kĂ«ânoon
ĂȘtre.plusâPAS INFâparler k:COMMânoon
Autrefois, quand nous Ă©tions de petits enfants, la plupart dâentre-nous parlaient
noon.
109. (récit01_sociolinguistique)
waa mĂ« yoroâeeâÉĂ« Éuâpade kĂ«ânoonâkĂ«Ć
quand 1SG tenirâPASâÉ:OPL É:COMMâFandĂšne k:COMMânoonâk:JONC
Éuâlaalan kĂ«ânoonâkĂ«Ć ÉuâjuuĆ
É:COMMâLaalane k:COMMânoonâk:JONC É:COMMâDioung
saamâeeânâĂ«n kĂ«âwuute
semblerâPASâNâPARF INFâĂȘtre.diffĂ©rent
Quand jâĂ©tais leur tuteur, le noon des habitants de FandĂšne, le noon des habitants de
Laalaane et le noon des habitants de Dioung, semblaient ĂȘtre diffĂ©rents.
110. (Ă©licitation)
moris karâeeânĂ«n waa mĂ« hayâee ÉĂ«
Maurice partirâPASâPARF quand 1SG allerâPAS REL
Maurice était (déjà ) parti quand je suis arrivé.
111. (conte02_la fille et le djinn)
waa njĂĂnĂ© supĂ«tâĂ«kâkĂ« Éii enândĂ« cuundehâfaa
quand djinn transformerâMOYâNARR jusqu'Ă ĂȘtreâNARR boaâf:DEICT.DIST
ken unohâoo ndaa hĂĂn kĂ«âyak ÉĂ«
personne savoirâNEG maniĂšre mesurer INFâgrandir REL
Quand le djinn se transforma en boa, personne ne put décrire sa grande taille.
En plus, le verbe, dans lâunitĂ© phrastique, peut ĂȘtre employĂ© sans marqueur de
conjugaison. En effet, lâĂ©vĂšnement est toujours situĂ© au passĂ©, (112).
238 LES DIFFERENTS TYPES DâENONCES
112. (Ă©licitation)
waa ÉĂĂ ka' ngĂ« waango ÉĂ« enâeeânâĂ«n
quand 1PL.EXCL partir PREP Waango REL ĂȘtreâPASâNâPARF
kĂ«ângalaañâĂ«k
INFâamuserâMOY
Quand nous allions Ă Waango, il sâamusait.
LâunitĂ© phrastique introduite par le connecteur waa nâa pas de position fixe ; elle
peut ĂȘtre en premiĂšre ou deuxiĂšme position dans lâĂ©noncĂ©.
12.2.6. La proposition causale
La proposition causale se construit avec les connecteurs lak, ndah « parce que » ; ce
dernier est dâusage commun en wolof. Les connecteurs lak et ndah permettent
dâexprimer une relation de cause Ă effet. Ils introduisent une justification de
lâĂ©noncĂ© qui les prĂ©cĂšde.
113. (Ă©licitation)
zan hayâyii ngĂ« saawalâaa lak njĂĂlâĂ«n
Jean venirâNEG PREP rĂ©unionâĂž:DEICT.DIST parce.que ĂȘtre.maladeâPARF
Jean ne vient pas Ă la rĂ©union parce quâil est malade.
114. (interview02_divination)
uungĂ« doĆ wĂ«rĂ« tikâĂ«sâoo ngĂ« Éok pay'
arbre.de.satan seulement w:EMS.3SG poserâPASSâNEG PREP haut guĂ©rir
ndah pokâĂ« pay' hen
parce.que briserâHAB guĂ©rir juste
Câest seulement lâarbre de satan qui nâest pas posĂ© sur le tas de sable parce quâil
détruit la séance divinatoire.
115. (interview02_divination)
fĂ« wo'â'ĂĂ njutut Éal ngĂ« hafâfoo ndah
2SG parlerâO1PL.EXCL ĂȘtre.petit aussi PREP tĂȘteâPOSS.1SG parce.que
fĂ« payâoh Éew'âÉĂ« unohâuuânâĂ«n
2SG guĂ©rirâNOMS toutâÉ:3PL savoirâPLâNâPARF
iñâaaâmĂ«
choseâĂž:DEICT.DISTâANA
Tu nous parles aussi un peu de toi parce que tu es un devin et tout le monde sait cela.
116. (interview02_divination)
mĂ« nĂĂkĂ«sâsii ngĂ« ndah laakâĂ«n mĂ« pes
1SG craindreâNEG PREP parce.que avoirâPARF 1SG vivre
Je nây crains rien parce que câest ce que je vis.
CHAPITRE 12 239
12.2.7. La proposition de conséquence
La proposition de conséquence se construit avec le connecteur kon « donc » qui est
dâusage commun en wolof. Il permet dâintroduire une consĂ©quence logique par
rapport à ce qui précÚde.
117. (séance02_séance de divination collective)
mĂ« ÆŽah ngande kon mĂ« yungâsiis
1SG aller oĂč donc 1SG asseoirâITER
Je vais oĂč donc, je me rassois.
118. (interview02_divination)
kon waaâmĂ« mĂ« meekĂ«sâĂ«kâohâhaa leerâĂ«n
donc w:DEMâANA 1SG demanderâMOYâRECIPRâO2SG ĂȘtre.clairâPARF
Donc, ce que je te demandais, câest clair.
La proposition de consĂ©quence peut se placer en dĂ©but dâĂ©noncĂ© entraĂźnant un en-
chĂąssement, câest-Ă -dire que la proposition mĂ« meekĂ«sĂ«kohhaa est enchĂąssĂ©e dans la
proposition introduite par kon, comme lâillustre lâexemple (118).
12.2.8. La proposition de concession
La subordonnĂ©e de concession est introduite par le connecteur luu « mĂȘme si, bien
que ». Il permet dâĂ©tablir une relation concessive.
119. (interview02_séance02_séance de divination collective)
luu enândii Éara sah ÉamâĂ«Ć ndĂ«kâii
mĂȘme.si ĂȘtreâNEG rien ainsi paixâĂž:JONC villageâĂž:DEICT.PROX
wĂ«rĂ« tah Éo' ndii kĂ«âyuĆ
w:EMS.3SG causer personne ici INFâsâasseoir
Bien que ce ne soit rien, la paix pour le pays est une raison pour laquelle on est pré-
sent ici.
120. (interview02_divination)
luu enândii ngĂ« pay' sah halen nam
mĂȘme.si ĂȘtreâNEG PREP guĂ©rir ainsi tesson.de.canari paraĂźtre
kĂ«âÉaah hen
INFâĂȘtre.bon juste
Bien quâils ne soient pas utilisĂ©s dans la divination, les tessons de canari ont des
bienfaits.
121. (interview02_divination)
luu fĂ« kaanâeeânĂ«n fĂ« hay kĂ«âfoñ
mĂȘme.si 2SG mourirâPASâPARF 2SG venir INF âabandonner
240 LES DIFFERENTS TYPES DâENONCES
mooromâfĂ« ndii
prochainâPOSS.2SG ici
MĂȘme si tu mourais, tu laisserais ton prochain ici.
En outre, le connecteur luu est souvent suivi dâune construction existentielle avec le
verbe en « ĂȘtre », (119-120). Dans lâexemple (121), un devin explique que la
pratique divinatoire va toujours exister et, que mĂȘme si un devin mourait, un autre
prendrait la relĂšve.
12.2.9. La proposition relative
La proposition relative se construit avec le relativiseur ÉĂ« qui a une fonction de
subordonnant parce quâil permet de marquer lâenchĂąssement de la relative dans le
constituant nominal.
122. (Ă©licitation)
Éetâii mĂ« wo'âeeâraa ÉĂ« teekâĂ« kodu
femmeâĂž:DEICT.PROX 1SG parlerâPAS âO2SG REL nommerâHAB Codou
La femme, dont je te parlais, sâappelle Codou.
123. (Ă©licitation)
kuuyâkii en kĂ«âmbec ÉĂ« ndĂ«k waango'
k:enfantâk:DEICT.PROX ĂȘtre INFâdanser REL habiter Wango
La fille, qui est en train de danser, habite Ă Wango.
124. (Ă©licitation)
saakâii mĂ« erâĂ«s ÉĂ« moorâĂ«n
sacâĂž:DEICT.PROX 1SG donnerâPASS REL ĂȘtre.beauâPARF
Le sac, quâon mâa donnĂ©, est joli.
125. (conte02_la fille et le djinn)
yaaâmĂ« mĂ« hot ÉĂ« hay
y:DEM:DEICT.DISTâANA 1SG voir REL venir
kĂ«âtaamâsiisâoo kot
INF âaccompagnerâITERâNEG pied
Celle-lĂ , que j'ai vue, ne retournera jamais.
La proposition relative a une valeur déterminative ; elle est essentielle pour identifier
lâĂ©lĂ©ment caractĂ©risĂ©. Par exemple, la suppression de la proposition mĂ« wo'eeraa ÉĂ«
Ă (122) ne permet pas dâidentifier le sujet de la proposition. Ainsi, on ne pourra pas
identifier la fille qui sâappelle Codou.
Par contre, le relativiseur ÉĂ« se place toujours Ă la fin de lâunitĂ© phrastique. Il peut
ĂȘtre omis lorsque le nom ou le pronom quâil dĂ©termine a une fonction sujet, comme
CHAPITRE 12 241
lâillustrent les exemples (126.b, 127). Cependant, il est obligatoire lorsquâil se place
en position finale dans lâĂ©noncĂ©, (128-129).
126. (Ă©licitation)
a. ÆŽaalâii en ngĂ« seeroâfĂ« ÉĂ« tikohâhoo
hommerâĂž:DEICT.PROX ĂȘtre PREP cotĂ©âPOSS.2SG REL frĂšreâPOSS.1SG
Lâhomme, qui est Ă cĂŽtĂ© de toi, est mon frĂšre.
b. ÆŽaalâii en ngĂ« seeroâfĂ« tikohâhoo
hommeâĂž:DEICT.PROX ĂȘtre PREP cotĂ©âPOSS.2SG frĂšreâPOSS.1SG
Lâhomme, qui est Ă cĂŽtĂ© de toi, est mon frĂšre.
127. (Ă©licitation)
mbaalâii en ngĂ« hurmbĂ«lâii caalâlĂ«
moutonâĂž:DEICT.PROX ĂȘtre PREP enclosâĂž:DEICT.PROX couterâNARR
njĂșĂșnĂ nĂkĂs
mille quatre
Le mouton, qui est dans lâenclos, coĂ»te 20 000 (Francs).
128. (Ă©licitation)
moris on kohnokâkii Éuwâaa
Maurice offrir viandeâk:DEICT.PROX personneâĂž:DEICT.DIST
laakâoo ÉĂ«
avoirâNEG REL
Maurice offre de la viande aux pauvres. (Litt. Maurice offre de la viande aux per-
sonnes qui nâont rien.)
129. (récit01_sociolinguistique)
mĂ« contanâĂ«n ngĂ« iñâii fĂ«
1SG ĂȘtre.contentâPARF PREP choseâĂž:DEICT.PROX 2SG
meekisâĂ«kâoh ÉĂ«
demanderâMOY âRECIPR REL
Je suis content de ce que tu cherches (Ă savoir).
En plus, le relativiseur ÉĂ« permet aussi de construire des propositions
circonstancielles qui sont introduites par Éesk que lâon peut traduire par « quand, au
moment oĂč, lĂ oĂč » et ndaa « de la façon dont, comme ». Dans lâexemple (132), le
terme Éesk peut aussi bien exprimer une relation temporelle que locative.
130. (Ă©licitation)
hatim hayâeeânĂ«n Éeskâii mĂ« ÆŽahâee ÉĂ«
Khadim venirâPAS âPARF endroitâĂž:DEICT.PROX 1SG allerâPAS REL
Khadim Ă©tait venu quand je partais.
242 LES DIFFERENTS TYPES DâENONCES
131. (récit01_sociolinguistique)
kĂ«ânoon saamâĂ«n kĂ«âsooy' njutut ngĂ«
k:COMMânoon semblerâPARF INFâse.perdre ĂȘtre.petit PREP
Éeskâii Éuwâii enâoh ÉĂ«
endroitâĂž:DEICT.PROX personneâĂž:DEICT.PROX ĂȘtreâAPLL REL
Le noon semble se perdre petit Ă petit lĂ oĂč les gens vivent.
132. (récit01_sociolinguistique)
kĂ«ânoonâkii Éeskâii ÉĂĂ enâoh
k:COMMânoonâk:DEICT.PROX endroitâĂž:DEICT.PROX 1PL.EXCL ĂȘtreâLOC
ÉĂ« yĂ«wĂ«nâsiisâsii
REL ĂȘtre.beaucoupâITERâNEG
La langue noon, au moment oĂč nous sommes, est peu parlĂ©e.
133. (interview02_séance02_séance de divination collective)
ndaa noonâcaa meerâee kĂ«âtĂșm ÉĂ« Éii
maniĂšre noonâc:DEICT.DIST avoir.lâhabitudeâPAS INFâfaire REL 1PL.EXCL
tĂșmâĂ«n iñâaa waaâmĂ«
faireâPARF choseâĂž:DEICT.DIST w:DEM:DEICT.DISTâANA
Nous faisons cela de la façon dont les noons avaient lâhabitude de le faire
En effet, la position des propositions dans lâĂ©noncĂ© dĂ©pend du connecteur qui lui est
associé. Les propositions introduites par les connecteurs suivants apparaissent en
position initiale dans lâĂ©noncĂ© :
Éalaa « avant »
waa « quand »
luu « bien que, mĂȘme si »
Dâune part, les propositions introduites par waa et Éalaa peuvent se placer en
seconde position, mais ils apparaissent de prĂ©fĂ©rence en dĂ©but dâĂ©noncĂ©. Les
propositions introduites par les connecteurs suivants apparaissent en seconde
position dans lâĂ©noncĂ© :
Éii « jusquâà »
ndah, lak « parce que »
kon « donc »
Dâautre part, la proposition introduite par kon « donc » peut apparaitre en position
initiale dans lâĂ©noncĂ©. Cependant, il se produit un enchĂąssement, comme le montre
lâexemple. (118). Alors, le relativiseur ÉĂ« peut se placer en premiĂšre ou deuxiĂšme
position dans lâĂ©noncĂ© mais il a une position fixe dans la subordonnĂ©e. En effet, il se
place en position finale.
CHAPITRE 12 243
12.3. LâĂ©noncĂ© injonctif
Lâinjonction est dĂ©finie de la maniĂšre suivante par Calvet (2014) : « Toute attitude
énonciative destinée à obtenir de l'interlocuteur qu'il se comporte selon le désir du
locuteur, qu'il s'agisse d'un ordre ou d'une défense. »
LâĂ©noncĂ© injonctif (ou impĂ©ratif nĂ©gatif) se construit avec le marqueur de lâinjonctif
kaa et un verbe qui porte les marqueurs de lâimpĂ©ratif âaa, âĂ« (sg) et âat, âĂ«t (pl).
Ces marqueurs de lâimpĂ©ratif sont des variantes libres (cf. 10.1.1.). Nous avons notĂ©
deux types dâinjonctions : une injonction stricte et une injonction tempĂ©rĂ©e (CissĂ©,
2005). Dans lâĂ©noncĂ© injonctif de type strict, le locuteur a le pouvoir de donner un
ordre ou dâempĂȘcher la rĂ©alisation dâun Ă©vĂšnement.
134. (Ă©licitation)
a. meyâaa
sortirâIMPER.SG
Sors !
b. kaa meyâaa
INJ sortirâIMPER.SG
Ne sors pas !
135. (Ă©licitation)
a. hayâĂ«
venirâIMPER.SG
Venez !
b. kaa hayâĂ«t
INJ venirâIMPER.SG
Ne venez pas !
136. (séance02_séance de divination collective)
wĂ« wo'âĂ«nânduu Éuu am gaalâaa
1SG parlerâPARFâO2PL 2PL attraper pirogueâĂž:DEICT.DIST
ambâĂ«t hen rek kaa wo'âat ken
attraperâIMPER.PL juste seulement INJ parlerâIMPER.PL personne
Je vous ai dit que vous tenez la figure (gĂ©omantique). Tenez seulement. Ne parlez Ă
personne.
En outre, le marqueur de lâimpĂ©ratif âaa peut ĂȘtre omis lorsque lâinjonction est
adressée à une seule personne, (137-139).
244 LES DIFFERENTS TYPES DâENONCES
137. (séance02_séance de divination collective)
kaa gaaw tĂșmâat ndaĆ~ndaĆ rek
INJ ĂȘtre.rapide faireâIMPER.SG doucement~INTS seulement
Ne te précipite pas, fais doucement seulement.
138. (séance02_séance de divination collective)
kaa njaf ngĂ« Éokâkoo mĂ« laakâoo mbok waal
INJ jeter PREP hautâPOSS.O1SG 1SG avoirâNEG parent wolof
Ne le jette pas sur moi, je nâai pas de parent wolof
139. (séance02_séance de divination collective)
kaa ac kaa ac pusâaa wĂ« hen
INJ creuser INJ creuser pousserâIMPER.SG w:O3SG juste
Ne creuse pas ! Ne creuse pas ! SoulĂšve-le seulement !
Par contre, lâinjonction tempĂ©rĂ©e est marquĂ©e par une absence dâautoritĂ©, elle a une
valeur de suggestion. Le locuteur peut suggĂ©rer ou recommander Ă lâallocutaire de
réaliser une chose, (140-144).
140. (Ă©licitation)
Éo' yĂĂnóó hayâaa
homme y:un arriverâIMPER.SG
Que quelquâun vienne.
141. (séance02_séance de divination collective)
laakâĂ«t yaa ambâĂ«t yaa
avoirâIMPER.PL y:DEM:DEICT.DIST attraperâIMPER.PL y:DEM: DIST
feekâĂ«t ee Éuwâaa wo'â'Ă«
frapperâIMPER.PL et personneâĂž:DEICT.DIST parlerâNARR
Quâil y ait quelquâun qui attrape, quelquâun qui frappe et que les gens parlent.
142. (récit01_sociolinguistique)
Éuu wo'âat kĂ«âwaal
2PL parlerâIMPER.PL k:COMM âwolof
Parlons wolof.
143. (conte03_le champ dâharicots)
an arâii enâoh ndii ÉĂșĂș sookâat
COMP famineâĂž:DEICT.PROX ĂȘtreâAPPL ici 1PL.INCL semerâIMPER.PL
yoon alak
champ haricot
Il dit : « La famine sâest installĂ©e, semons un champ de haricots. »
CHAPITRE 12 245
144. (conte03_le champ dâharicots)
Éaal Éuu ÆŽahâat yoon cuunĂ«-enohâcaa
hyĂšne 2PL allerâIMPER.PL champ ame-vacheâc:DEICT.DIST
Éaa lĂ©ehâĂ«' alakâcaa tĂșĂșh
É:DEM:DEICT.DIST finirâCAUS haricotâc:DEICT.DIST tout
HyÚne, allons au champ, les papillons sont en train de détruire tous les haricots.
LâĂ©noncĂ© injonctif peut se construire aussi avec le verbe le' « arriver » qui porte le
marqueur de la condition âaa suivi dâun Ă©noncĂ© impĂ©ratif (145-146) ou dĂ©claratif
(147-148). Ce type de construction permet dâexprimer un souhait.
145. (Ă©licitation)
Éo' en tuuh le'âaa hĂĂnândohâĂ« kop
homme ĂȘtre tout arriverâCOND mesurerâCAUS.SOCâIMPER.SG tasse
Que chacun amĂšne une tasse.
146. (conte04_oncle Lion)
laa seekâaaâroo ngĂ« Éeskâii
arriver.COND attendreâIMPER.SG âO1SG PREP endroitâĂž:DEICT.PROX
ndii ngaa uyaay
ici NEG Ă©loigner
Il faut que tu mâattendes ici (et) ne tâĂ©loigne pas.
147. (Ă©licitation)
laa fĂ« hay ngĂ« kaanândoo
arriver.COND 2SG venir PREP maisonâPOSS.1SG
Il faut que tu viennes chez moi.
148. (récit01_sociolinguistique)
kĂ«ânoon le'âaa wo'âĂ«sâsĂ« yĂ«wĂ«n
k:COMMânoon arriverâCOND parlerâPASSâNARR ĂȘtre.beaucoup
La langue noon, il faut quâelle soit beaucoup parlĂ©e.
Par ailleurs, le verbe le' « arriver » est généralement fusionné avec le marqueur de la
condition âaa dans le discours, comme illustrĂ© aux exemples (146-147). Dans les
exemples (147-148), il y a un sujet dans la construction impérative. Le sujet dans
lâexemple (148) est topicalisĂ©.
12.4. LâĂ©noncĂ© comparatif
LâĂ©noncĂ© comparatif se construit avec le verbe de sens comparatif wĂ«n « ĂȘtre plus
que » et la prĂ©position fondĂ«Ć Â« comme ».
246 LES DIFFERENTS TYPES DâENONCES
12.4.1. Le comparatif de supériorité
Le comparatif de supĂ©rioritĂ© se construit avec le verbe wĂ«n « ĂȘtre plus que ». Le
comparé est suivi du standard wën puis du comparant, et enfin du point de comparai-
son. En effet, le standard wĂ«n permet dâĂ©tablir une relation de supĂ©rioritĂ©.
149. (Ă©licitation)
zan wëñ kĂ«âÆŽeek mari mbilim
Jean ĂȘtre.plus INFâchanter Marie mbilim
Jean chante mbilim mieux que Marie.
150. (Ă©licitation)
mĂ« wëñânjaa kĂ«âwo' kĂ«âwaal
1SG ĂȘtre.plusâO2SG INFâparler k:COMMâwolof
Je parle wolof mieux que toi.
Dans lâexemple (150), le comparant qui est un indice de personne, est attachĂ© au
standard. Le point de comparaison peut ĂȘtre parfois implicite, comme dans les
exemples (151-154). Lâexemple (153) est une expression utilisĂ©e lorsquâun malheur
arrive à une personne à cause de sa cupidité.
151. (Ă©licitation)
moodu wëñ kĂ«âhoo' muusa
Modou ĂȘtre.plus INFâĂȘtre.long Moussa
Modou est plus long que Moussa.
152. (Ă©licitation)
zan wëñânjaa kĂ«âyak
Jean ĂȘtre.plusâO2SG INFâgrandir
Jean est plus grand que toi.
153. (conte01_le troupeau de la vieille)
lookâĂ«Ćânge wëñânje Éoole
ventreâJONCâPOSS.3SG ĂȘtre.plusâO3SG force
Sa cupidité lui a porté préjudice. (Litt. Son ventre est plus fort que lui)
154. (conte04_oncle Lion)
fĂ« le'â'ee ngĂ« keeñâcaaânaa wëñ kĂ«ânew'
2SG arriverâPAS PREP foieâc:DEICT.DISTâCOND ĂȘtre.plus INFâĂȘtre.bon
Si tu arrivais au foie, ce serait mieux.
CHAPITRE 12 247
12.4.2. La comparatif dâĂ©galitĂ©
Le comparatif dâĂ©galitĂ© se construit avec la pĂ©position fondĂ«Ć Â« comme » qui permet
dâĂ©tablir une relation de ressemblance.
155. (séance02_séance de divination collective)
wate ÉĂșĂș mĂn kĂ«âlaak ndam fondĂ«Ć
aujourdâhui 1PL.INCL pouvoir INFâavoir glorifier comme
wii paaf ÉĂ«
w:DEM.PROX avant REL
Aujourdâhui, nous pouvons avoir un succĂšs comme la derniĂšre fois.
156. (Ă©licitation)
awa mbec fondĂ«Ć eewâwĂ« njĂ«ngâĂ«ÉâeeârĂ«
awa danser comme mĂšre-POSS.3SG apprendreâCAUSâPASâO3SG
Awa danse comme sa mÚre lui a enseigné.
13. La divination : Les méthodes divinatoires des noons :
formes, sens et expressions
13.1. Introduction
« Le propre de lâhomme, câest aussi de pĂ©nĂ©trer son avenir, de prĂ©voir le
futur, de savoir de quoi il retourne, de se projeter hors du présent. Cette
volontĂ© de se libĂ©rer de la prison quâest le train-train quotidien demeure aussi
vieille que le monde. Câest sans doute cette curiositĂ©, une des caractĂ©ristiques
fondamentales de lâespĂšce humaine qui reste Ă lâorigine de la science, celle-ci
se définissant comme un ensemble de connaissances véritables, obtenues soit
par lâobservation, soit par expĂ©rience permettant de prĂ©voir afin de pouvoir »
(Samb 1978:1).
La divination est pratiquée par toutes les sociétés anciennes ou modernes à travers
des mĂ©thodes variĂ©es et sous des noms diffĂ©rents : lâastrologie depuis les Babylo-
niens, les oracles de Delphes et de Pythie, la planche dâOuija, la voyance,
lâhoroscope et bien dâautres mĂ©thodes de divination.
Bien que les méthodes divinatoires soient différentes et parfois centrés sur les so-
ciĂ©tĂ©s, elles puisent leur essence dans la magie et reposent sur un pacte dâalliance
avec les djinns. Dans ce chapitre consacré aux pratiques divinatoires chez les noons,
nous proposons de prĂ©senter dâabord un aperçu des systĂšmes divinatoires pratiquĂ©s
au Sénégal, ensuite les méthodes divinatoires des noons et leur sens en particulier.
Enfin, nous étudierons quelques caractéristiques du discours tenu dans les séances
divinatoires.
Cette étude de la divination chez les noons, est basée sur nos propres observations
au cours des sĂ©ances divinatoires, sur lâintĂ©rĂȘt que nous portons, en tant que
chercheur, sur la question, sur des conversations et commentaires avec des devins et
sur des témoignages de personnes qui ont consulté des devins.
La divination est largement définie comme :
« Art de deviner, de découvrir ce qui est ignoré ou caché en sortant des
voies ordinaires de la connaissance par le recours à des procédés occultes,
à des pratiques magiques ; en particulier, art de prédire les événements
futurs16 ».
« The method of obtaining knowledge of the unknown or the future by
means of omens » (Melton 2001).
16 http://www.le-trésor-de-la-langue.fr/définition/divination
250 LA DIVINATION - LES METHODES DIVINATOIRES DES NOONS :
FORMES, SENS ET EXPRESSIONS
« The seeming control or foresight of natural forces by ritual invocation
of supernatural agencies as well as the belief that men can coerce nature
by the use of certain rights, formulas and actions » (Readerâs Digest Great
Encyclopedic Dictionary 1975)
La divination, dans notre étude, fait référence à :
La technique dâacquĂ©rir des connaissances sur lâavenir et sur des choses cachĂ©es par
des rituels occultes afin de réaliser des prouesses (paranormales).
13.2. Les systÚmes divinatoires au Sénégal
Le Sénégal est un pays à majorité musulmane. Cependant, une bonne partie de la
population pratique la voyance et y croit comme elle croit à la divination, malgré les
injonctions de lâislam contre toutes pratiques divinatoires. Les systĂšmes divinatoires
au SĂ©nĂ©gal ont suscitĂ© beaucoup dâintĂ©rĂȘts chez les chercheurs. Zempleni (1966) a
consacré une étude sur le ndëp, une pratique divinatoire chez les lébous, (voire
infra). Amar Samb (1978) et Ibrahima Sow (2009) ont aussi décrit les pratiques
divinatoires les plus usuelles au Sénégal.
Depuis quelques années, la voyance et les pratiques divinatoires sont répandues de
façon systématique, et les médias ont beaucoup contribué à ce phénomÚne. Nous
allons essayer dans cette partie, dont lâobjectif nâest pas dâentreprendre une Ă©tude
exhaustive, de présenter les systÚmes divinatoires les plus pratiqués au Sénégal par
les « marchands dâavenir » qui attirent de nombreux clients venant de toutes les
catégories sociales.
- La voyance par les cauris : tani
La voyance par les cauris est appelée tani en wolof, elle est la plus répandue. Les
cauris (Cypraea moneta), appelés pitaaw en wolof, sont une variété de coquillages
provenant des Ăźles Maldives et de lâIndo-Pacifique. Les cauris Ă©taient utilisĂ©s comme
monnaie en Afrique de lâOuest, notamment Ă lâĂ©poque des grands empires du
Ghana, du Mali et du SonghaĂŻ (Samb 1978). Aujourdâhui, les cauris sont utilisĂ©s
comme medium et objets de divination (voire Graw 2007). Les cauris sont composés
de deux faces : une face bombée, appelée face masculine et une face ouverte,
appelée face féminine. Ibrahima Sow (2009) a fait une description trÚs intéressante
de la divination par les cauris en essayant de prĂ©senter une esquisse dâinitiation et
dâinterprĂ©tation de certains positionnements des cauris.
Les cauristes, gĂ©nĂ©ralement des femmes, sâestiment dotĂ©s dâun pouvoir divin. Les
cauris sont disposés dans un van en bambou. Le consultant prend un cauris, susurre
lâobjet de sa visite, puis le jette sur le van en bambou qui contient les cauris. La cau-
riste mélange tous les cauris avec la paume de la main et commence à interpréter les
CHAPITRE 13 251
cauris selon la position et la trajectoire. A la fin de la séance divinatoire, la cauriste
demande souvent aux consultants de faire des sacrifices soit pour Ă©loigner un mal,
soit pour attirer un bien. Les consultants viennent pour lire (connaĂźtre) leur avenir,
ils sont Ă la recherche de la rĂ©ussite acadĂ©mique ou professionnelle, de lâargent, de
lâamour, etc. Les thĂšmes les plus rĂ©currents pendant les consultations tournent
autour de : amour, argent, maladie et voyage.
- La voyance astrologique : gisaane
La voyance astrologique est appelée gisaane en wolof ; le fait de dire la bonne
aventure selon Diouf (2003:147). Le terme gisaane est un mot composé du verbe gis
« voir » et du suffixe de causation sociative âaane veut dire littĂ©ralement « aider Ă
voir ». Le voyant est appelé gisaanekat. La voyance est la pratique divinatoire la
plus médiatisée au Sénégal. Elle est répandue de façon systématique et trÚs présente
dans les radios, tĂ©lĂ©visions et centres dâappel dĂ©diĂ©s Ă la voyance. Nous pouvons
citer comme exemple Safir FM qui est une radio spécialisée dans la voyance en
direct au Sénégal.
Le voyant ou medium demande le nom et la date de naissance du consultant et ce
dernier expose lâobjet de sa consultation qui est gĂ©nĂ©ralement sur les activitĂ©s so-
ciales ou Ă©conomiques : une femme qui veut garder son mari et qui ne veut pas avoir
une coépouse, un homme qui veut épouser une femme, une personne malade qui
veut guĂ©rir, un chĂŽmeur qui cherche un travail, la liste nâest pas exhaustive.
- La géomancie « musulmane » : asrar
La géomancie musulmane est appelée Asrar qui est un mot arabe signifiant « se-
crets ». Cette pratique divinatoire est trÚs répandue dans le monde Arabe et dans les
pays à majorité musulmane. Elle est pratiquée par les soufis qui constituent un cou-
rant Ă©sotĂ©rique et initiatique dans lâislam. Cette science occulte sâest inspirĂ© de
lâouvrage Sirr al-asrar « The secret of secrets », connu en Europe sous le nom de
« The Secretum secretorum ». Lâorigine de cet ouvrage reste inconnu bien que cer-
tains historiens, dont J. Ruska (Al-Razi's Buch Geheimnis der Geheimnisse, 1937,
rĂ©Ă©d. 1973), lâattribuent Ă Ibn Zakariya al-Razi (Rhazes, 865-925). Lâouvrage traite
de politique, dâalchimie, dâastrologie, de physiognomie, de magie et de mĂ©decine.
Un autre ouvrage Les EpĂźtres des IkhwÄn as-SafÄ Â« les EpĂźtres des frĂšres de la
puretĂ© » est prĂ©sentĂ© comme le premier compendium de lâĂ©sotĂ©risme musulman17.
Lâouvrage, sous la forme dâun roman Ă©pistolaire, est composĂ© de 51 Ă©pĂźtres. Il est
attribué à plusieurs auteurs de la doctrine ismaïlienne au 10Úme siÚcle et traite entre
autres de philosophie, de religion, de numĂ©rologie, dâastrologie et dâalchimie. Selon
Yves Marquet, dans son ouvrage18, cité par Lory (2006), la pensée pythagoricienne
17 users.skynet.be/turba/pdf/Ikhwan.pdf, consultĂ© le 11 Sept. 2014) 18 Les « FrĂšres de la puretĂ© », pythagoriciens de lâIslam-La marque du pythagorisme
dans la rĂ©daction des EpĂźtres des IkhwÄn as-SafÄâ
252 LA DIVINATION - LES METHODES DIVINATOIRES DES NOONS :
FORMES, SENS ET EXPRESSIONS
est présente dans les Epitres, notamment dans les épßtres 1 (la numérologie), 2 (la
géométrie) et 5 (la musique).
Aujourdâhui, la magie, dans la sociĂ©tĂ© musulmane, est essentiellement basĂ©e sur les
Epitres des frÚres de la pureté. On retrouve, dans la pratique rituelle de Asrar, des
aspects religieux, philosophique, astrologique, numérologie, alchimique et magique.
Lâapprentissage de Asrar est acquis avec un maĂźtre spirituel par un enseignement
mystique appelĂ© Tasawouf par lequel le disciple apprend lâastrologie, la
numĂ©rologie et lâalchimie qui sont la base de cette science occulte. A la fin de cet
enseignement, le disciple acquiert une clairvoyance, une maitrise spirituelle et une
forme de sainteté. Il lui est octroyé le titre de « marabout » et lui est autorisé la
prĂ©dication et la lieutenance. Le marabout peut sâadonner aux pratiques Asrar, il
peut faire des prédictions, fabriquer des talismans et soigner des malades. Il
sâautoproclame pouvoir guĂ©rir toutes sortes de maladies avec son pouvoir mystique.
Pendant la consultation, le marabout prescripteur connu sous le nom de seriñu taria,
demande le nom et prénom du client, sa date de naissance et le nom de sa maman.
On retrouve cet intĂ©rĂȘt de la lignĂ©e maternelle dans les pratiques divinatoires. Ainsi,
les informations obtenues seront reproduites sous la forme de textes talismaniques
appelés haatim en wolof ; un mot emprunté à la langue Arabe khatm « sceau ». Les
textes talismaniques sont représentés par des figures géométriques dont les plus
cĂ©lĂšbres sont lâĂ©toile de David appelĂ© khaatim-u-soulayman « le seau de Soulay-
mane » et les carrés magiques « islamiques » dont Al-Buni, un des grand maßtres du
soufisme, sâest fait spĂ©cialiste (HamĂšs 2013:201).
Les textes talismaniques sont composés de chiffres et de textes coraniques. Les
chiffres correspondent aux valeurs numériques du nom du consultant et de celui de
sa mĂšre, et de sa date de naissance. Les textes coraniques sont des extraits ou un mot
du Coran dont le sens correspond Ă la demande du consultant : victoire, amour,
réussite, richesse, guérison, fécondité, etc. Selon Al-Buni, les textes coraniques ont
une autre forme dâinterprĂ©tation qui nâest pas accessible Ă la logique rationnelle,
cette connaissance sécrÚte est réservée aux initiés.
La combinaison des textes coraniques et des chiffres est un travail ésotérique qui
agit sur la personne et influence son aura. Le marabout prescripteur, aprĂšs avoir
terminé le texte talismanique, effectue un rituel qui consiste à faire des incantations
afin quâil puisse avoir un pouvoir magique. En effet, le texte talismanique seul ne
peut pas faire effet sans le rituel. Le talisman est porté sous la forme de ceinture,
bracelet ou collier appelé tééré en wolof.
CHAPITRE 13 253
- La retraite spirituelle : halwa
La retraite spirituelle est appelĂ©e halwa, câest un mot dâorigine arabe halwatu qui
signifie « ĂȘtre solitaire ». Câest une sĂ©ance divinatoire pratiquĂ©e par les soufis. Elle
consiste Ă sâenfermer dans un endroit obscur Ă©clairĂ© par des bougies pendant un ou
plusieurs jours pour faire des incantations. Dans lâouvrage, La pratique du
soufisme : quatorze petits traités de Najm al-Din Kubra, la retraite spirituelle est
ainsi définie :
« La retraite est le fait de se retrancher de la création en direction du
crĂ©ateur, car elle est le voyage de lâĂąme vers le cĆur, du cĆur vers
lâesprit, de lâesprit vers la consciente secrĂšte et de la consciente vers le
créateur » (Lory 2002:275-276).
La pratique de la retraite spirituelle est Ă lâorigine de la prolifĂ©ration des sectes pan-
théistes au Sénégal dont le crédo est Dieu est en tout et tout est Dieu. Le panthéisme
est issu de la pensée hindoue qui considÚre que toute la créature est divine. Alors,
tout Ă©lĂ©ment de la nature ĂȘtre source de culte. La retraite spirituelle engendre parfois
des conséquences désastreuses. En effet, le marabout invoque des noms de djinns et
à un moment donné une créature mystérieuse se présente ce qui peut le rendre fou
ou lui faire perdre la vie.
- La tige parlante : géndal
La tige parlante appelée géndal en wolof est une séance divinatoire pour trouver le
coupable dâun vol. Le marabout-sorcier tient une tige en bambou et les prĂ©sumĂ©s
coupables rangés en fer à cheval. Il fait des incantations, la tige se penche vers la
direction du coupable. Cette divination est encore pratiquée de nos jours.
- La séance divinatoire : ndëp
La sĂ©ance divinatoire ndĂ«p en wolof est un rituel dâexorcisme. Elle est pratiquĂ©e par
la communauté lébou vivant majoritairement à Dakar. Selon Zempleni (1966), le
rituel du ndëp est comparable au vodou haïtien, candomblé Brésilien, zar éthiopien.
Les lĂ©bous pratiquent le culte des ancĂȘtres, ils ont la conviction que lâĂąme du dĂ©funt
survit aprĂšs la mort sous la forme dâun animal pour protĂ©ger sa lignĂ©e. Les lĂ©bous,
comme lâensemble des communautĂ©s sĂ©rĂšres, partagent les mĂȘmes croyances et
pratiques du culte des ancĂȘtres. Chaque famille possĂšde un animal totem appelĂ©
tuur, par exemple la tortue pour les patronymes « Mbengue », lâĂąne pour les
« BÚgne », le serpent pour les « Soumbare ». Il existe aussi de grands totems asso-
ciés à des villes et considérés comme le djinn protecteur : Maam19 Kumba Lambay
(Rufisque), Maam Kumba BaĆ (Saint Louis), Maam Njare (Yoff), Leuk Daur
19 Maam signifie grand-pĂšre ou grand-mĂšre en wolof. Il renvoie Ă lâancĂȘtre,
particuliÚrement à la grand-mÚre. En effet, les « tuurs » sont désignés comme des
femmes.
254 LA DIVINATION - LES METHODES DIVINATOIRES DES NOONS :
FORMES, SENS ET EXPRESSIONS
Mbaye (Dakar), Maam Kumba Castel (Gorée). Des cérémonies rituelles appelées
tuur-u sont organisées spécialement destinées à ces tuurs. Selon Ngom (2003:9),
« Câest une cĂ©rĂ©monie annuelle, organisĂ©e Ă lâintention du tuur protecteur
dâun village, dâune ville. Lâachat de lâanimal est assurĂ© par une cotisation
collective. Les offrandes sont effectuées dans les sites ou « maison » du
tuur. Le repas est consommé par toute la collectivité. On observe ce type
de rituel chez les lĂ©bous de Rufisque, Bargny, Thiaroye sur Mer oĂč on
Ă©gorge chaque Tamxarit « fĂȘte de fin d'annĂ©e musulmane » un bĆuf Ă la
mer ».
Les tuurs peuvent provoquer des maladies psychosomatiques Ă un individu ou Ă des
individus lorsque lâalliance a Ă©tĂ© violĂ©e ou quand ils sont offensĂ©s Ă la suite de
lâoccupation de leurs « domiciles ». Ainsi, une sĂ©ance de ndĂ«p est organisĂ©e pour
réparer le préjudice afin que le possédé puisse guérir.
La séance de ndëp comprend 7 phases (Zempleni 1966) :
1. La consultation et le diagnostic : seet
Cette phase est consacrĂ©e Ă consulter les tuurs afin dâavoir des informations sur le
tuur responsable de cette maladie et le rituel à entreprendre. Elle est dirigée par la
prĂȘtresse de la sĂ©ance appelĂ©e ndĂ«p-kat ou borom tuur « propriĂ©taire du totem ».
2. Le commencement : saj
Il se dĂ©roule un samedi soir ou mardi soir Ă la suite de lâautorisation des tuurs
appelĂ©e taagu. La prĂȘtresse souffle du lait caillĂ© ou de la mixture de mil et de plantes
sur le malade, des chants et danses sâensuivent.
3. Les mesures : natt
Selon Zempleni (1966), les mesures consistent à « prendre les composantes de la
personne, morceler l'unité de celle-ci pour la mettre sous contrÎle et la manipuler
ensuite ». Les parties du corps du malade sont mesurées avec le mil. Le malade peut
nommer le rab 20 en Ă©tat de transe ou en rĂȘve.
4. Lâensevelissement symbolique : bukuto
Le malade sâĂ©tend sur le cĂŽtĂ© droit de lâanimal ligotĂ©. Il est couvert de pagne de
couleurs. Cette phase permet de transfĂ©rer le rab sur lâanimal.
5. Le sacrifice : rey
Le sacrifice de lâanimal est la phase la plus importante. Lâobjectif est de rĂ©intĂ©grer le
malade dans le groupe par une alliance avec le rab.
20 Rab, animal en wolof, représente le démon qui possÚde une personne.
CHAPITRE 13 255
6. La construction de lâautel21 : samp
Un « domicile » appelé xamb en wolof est construit pour le rab afin de le fixer.
Câest aussi le lieu oĂč se dĂ©roulent les Ă©changes avec le rab. On dĂ©pose rĂ©guliĂšrement
du lait, du sang dans le « domicile » du rab oĂč on peut trouver, entre autres, de petits
pilons, canaris et pierres (cf. photo 1).
7. La séance publique de possession : ndëp
Cette derniÚre phase du ndëp est marquée par la présence de toute la communauté
pour accompagner le malade. Elle est composée de chants, danses et transes. Les
chants composés représentent le chant-devise des tuurs. En voici quelques illustra-
tions en langue wolof citées par Ngom (2003:8).
Maam Ngeesu mbul walli na ragal bu ko dĂšgg daw.
Mbott mbottan mi ci guy gi loo koy doye ?
Lekk.
Loolu ñorul baaxul loo koy doye ?
Lekk.
Sangomar riir na, Ndella Diouf la Sangomar riir
Maam Ngeesu de Mbul y a assisté, le peureux qui l'entend s'enfuit
Le Mbott mbottaan (fleur) qui est sur le baobab qu'allez-vous en faire ?
Manger.
II n'est pas mûr, il n'est pas bon, qu'allez-vous en faire ?
Manger.
Sangomaar gronde, c'est Ndella Diouf que Sangomar gronde.
- La cérémonie divinatoire des sérÚres du Sine : xooy
La cĂ©rĂ©monie divinatoire des sĂ©rĂšres du Sine est appĂ©lĂ©e xooy, câest une sĂ©ance
divinatoire publique organisée chaque année par la communauté sérÚre du Sine, une
région au centre du sénégal. Selon Mahécor Diouf, conservateur de la maison royale
de Diakhao à Fatick, la cérémonie de xooy est initiée au 18Úme siÚcle par le roi Bouca
Thylas Diouf de Diadiel, 39Úme roi du Sine. Il réunissait les grands maßtres devins
appelés saltigé22, qui sont appelés à se prononcer, en autres, sur la saison des pluies
et les activités économiques, sociales et politiques.23
21 Cf. photo 1 (dans lâannexe) 22 Nous prĂ©fĂ©rons lâĂ©criture saltigĂ© plutĂŽt que saltiguĂ©. Nous pensons que câest une
maladresse de transcription qui peut entrainer une confusion dans la lecture. Le
terme saltiguĂ© est une transcription de la langue française oĂč le phonĂšme [g] sâĂ©crit
en (gu) devant les voyelles /i, e/. 23https://inventairefatick.cr-poitou-charentes.fr/index.php/IVRAF_FA_ 0008_:_
khoy_cérémonie, (visité le 24/09/2014)
256 LA DIVINATION - LES METHODES DIVINATOIRES DES NOONS :
FORMES, SENS ET EXPRESSIONS
Selon un de nos informateurs, Pascal Déthié Ndione, le terme saltigé est formé de
sal « croisĂ©e », tik « poser » et âĂ« (morphĂšme aspectuel) qui vent dire littĂ©ralement
celui qui pose (un objet magique) dans un carrefour. Le saltigé était celui qui
possédait des pouvoirs mystiques. Les voyageurs demandaient au saltigé de leur
indiquer le chemin à emprunter pour se protéger contre tout maléfice. Le saltigé
prenait son fĂ©tiche et le planter au niveau dâun carrefour, la direction oĂč se penchait
lâobjet magique Ă©tait considĂ©rĂ©e comme le chemin le plus sĂ»r Ă prendre oĂč tout
danger est neutralisĂ©. Dâautres pensent que saltigĂ© vient de la langue mandingue et
signifierait « maßtre de la route », en référence aux éleveurs peuls.
« At first glance, this expression, borrowed from the Mandingo language
and meaning « master of the road », refers to the herders or tenders of the
flocks, the traditional activity of Fulani chiefs » (Mwakikagile 2010:163).
Aujourdâhui, la cĂ©rĂ©monie du xooy est annuelle, elle se dĂ©roule au mois de juin au
centre Malango de Fatick crĂ©Ă© depuis 1971 par le gynĂ©co-obstĂ©tricien dâorigine
béninoise, Dr Eric Gbodossou. Le centre « Malango » est un centre de médecine et
de traditions africaines abritant aussi des guérisseurs traditionnels du sine qui
consultent et soignent des patients souffrant de diverses maladies.
La cérémonie du xooy se déroule pendant une longue veillée nocturne. Les saltigés
de la communautĂ© sĂ©rĂšre du sine invitent dâautres devins des diffĂ©rentes commu-
nautĂ©s du SĂ©nĂ©gal Ă participer Ă la cĂ©rĂ©monie. Ils sâhabillent de vĂȘtements particu-
liers entourés de talisman et de bonnets particuliers. Ils se succÚdent sur scÚne
devant un grand public pour se prononcer sur lâavenir du pays et sur dâĂ©ventuels
fléaux pouvant affecter la population, (photo 2)24. Les saltigés, en face de la tribune
officielle oĂč se trouvent les autoritĂ©s administratives, font prĂ©valoir leurs
connaissances mystiques sous le rythme des tambours. DâaprĂšs Faye (2002), la
cérémonie de xooy est marquée par une véritable démonstration de forces mystiques
et de dĂ©clarations contradictoires. « Câest cette instance, lieu dâannonce et de
conjuration par excellence des catastrophes à venir (surmortalité imputée aux bandes
dâanthropophages, invasion de sauterelles, inondations, Ă©pidĂ©mies, cycles de
sĂ©cheresse et autres formes dâagression ou de subversion), qui se charge de la
rĂ©gulation de lâordre cosmique et de lâordre social Ă lâĂ©chelle de la « nation » ou de
la province » (Faye 2000:165-166).
< Photo 2: Les saltigés25 >
24 Toutes les photos dans cette section sont dans lâannexe. 25 http://www.vipeoples.net/Recrudescence-des-meurtres-au-Senegal-Les-Saltigues-
Khoy-recommandent-des-sacrifices_a30858.html (visité le 24 Février 2017)
CHAPITRE 13 257
Leurs prédictions effrayantes font nager le public en plein mélodrame : des accidents
mortels, dĂ©cĂšs dâune haute personnalitĂ©, des inondations, des Ă©lections sanglantes, la
liste nâest pas exhaustive.
Pour illustration, voici quelques prédictions de saltigés :
« Je vois des nuages sombres, des accidents de la route dans la commu-
nauté rurale de Niakhar 26 ».
« Personne ne peut rien contre moi. Je nâai pas besoin de talisman ni
dâeau bĂ©nite. Parmi les saltigĂ©s qui sont lĂ , certains ne connaissent abso-
lument rien. Câest moi qui le dis, et je nâai pas peur de vous. Qui ose me
dire quand les premiĂšres pluies tomberont ? Il va pleuvoir le 26 juin, puis
le 28, câest moi qui ouvre le robinet. Le mil sera abondant. Il y aura des
inondations partout au SĂ©nĂ©gal. Je mâappelle FodĂ© Diouf, nĂ© le 9 dĂ©-
cembre 1978. Celui qui me cherche me trouve, et je vais anéantir celui
qui essaie de me mettre les bùtons dans les roues27 ».
A la fin de la cĂ©rĂ©monie du xooy, des sacrifices et offrandes sont recommandĂ©s Ă
toutes les communautés du Sénégal pour conjurer les prédictions effrayantes. La
cérémonie divinatoire du xooy est un évÚnement annuel, elle est classée patrimoine
culturel national et patrimoine culturel et immatĂ©riel de lâUnesco en 2013.
13.3. Les méthodes divinatoires des noons et leur sens
La divination des noons est une forme de divination par la terre, appelée géomancie,
trĂšs rĂ©pandue en Afrique, de la cĂŽte atlantique Ă lâocean Indien (Kassibo 1992:541).
Elle est considérée comme la premiÚre forme de divination apparue en Afrique
(Kassibo 1992), mais aussi « le plus intellectuel de tous les procédes utilisés »
Thomas et Luneau (1977:105) cité dans Sow (2009). On la trouve chez les Saba au
Tchad appelé gara (Vincent 1966), au Soudan elle est appelé ramli ; au Mali chez
les Bambara on le nomme turu ; au sénégal chez les peuls, ramlu (Sow 2009) et
chez les noons pay'. DâaprĂšs Kassibo (1992:542),
« La science du sable sâest teintĂ©e dâune coloration originale qui sâest
traduite par un foisonnement dâĂ©coles dont les praticiens, en laissant libre
cours Ă leur imagination, ont incontestablement contribuĂ© Ă
lâenrichissement grĂące Ă une adaptation fĂ©conde aux rĂ©alites qui Ă©taient
les leurs ».
26 http://www.seneweb.com/news/Société/séances-de-divination-pluie-de-malheurs-
sur-le-senegal-selon-les-saltigues_n_46237.html (visité le 09 Septembre 2014). 27 http://afiavi.free.fr/afiavimagazine/spip.php?article1409 (visité le 09 Septembre.
2014).
258 LA DIVINATION - LES METHODES DIVINATOIRES DES NOONS :
FORMES, SENS ET EXPRESSIONS
Les noons utilisent le sable dans la séance divinatoire. Ils considÚrent le sable
comme le symbole de la terre-mĂšre, tĂ©moin de toute lâhistoire de lâhumanitĂ©. La
pratique de la divination par le sable, est comprise comme une demande adressĂ©e Ă
la terre pour la prier de livrer ses secrets. Le sable permet de lire le destin dans les
moindres détails. Au Sénégal, le sable est remplacé par le papier utilisé comme
support pour la création des « maisons » géomantiques. Cependant, les noons
conservent toujours la pratique de la divination par le sable.
Les pratiques divinatoires sont rĂ©servĂ©es Ă un groupe dâĂ©lites, dotĂ©s de pouvoirs
occultes au sein de la communauté, et appelés naah, payoh ou njalbe' en noon. Le
terme payoh et njalbe' peuvent dĂ©signer aussi bien un devin quâun devin-guĂ©risseur,
alors que le terme naah « guérisseur » désigne un herboriste. Le terme saltige est
souvent utilisĂ© pour dĂ©signer les devins noons puisquâil constitue le terme gĂ©nĂ©rique
le plus connu pour désigner un devin.
Chez les noons, les pratiques divinatoires occupent une place cruciale ; elles sont
associées à toutes leurs activités culturelles : naissance, circoncision, mariage, décÚs.
DâaprĂšs Peek (1991:37),
« An understanding pervades african societies that the true reasons for all
events can be known, but sufficicent knowledge is seldom available
through mundane means of inquiry; therefore, divination is employed to
ensure that all relevant information is brought forward before action is
taken ».
Le recours Ă un devin chez les noons, Ă lâinstar des autres sociĂ©tĂ©s africaines, est une
Ă©tape importante avant dâentreprendre une quelconque dĂ©cision. Les maladies et
décÚs sont considérés comme liés à des forces mystiques auxquels une séance
divinatoire devient obligatoire afin de déterminer les causes. Par exemple chez les
noons lorsquâune personne meurt dâune maniĂšre Ă©trange, cette mort est attribuĂ©e Ă
des sorciers appelĂ©s luun « mangeur dâĂąme ». Les devins se rĂ©unissent pour tenter de
ramener lâĂąme du dĂ©funt. Un devin dĂ©clare avoir ressuscitĂ© un mort dont lâĂąme a Ă©tĂ©
« mangée » par un sorcier.
Selon les devins noons, lâacquisition des connaissances occultes est hĂ©rĂ©ditaire ; un
membre de la famille est dĂ©positaire de ces connaissances. Lâesprit de lâancĂȘtre
revient toujours pour réincarner un membre de sa famille. Il existe aussi des rites
initiatiques appelé lël pour la transmission de la « science » mystique et les tradi-
tions sacrĂ©es de la communautĂ© qui reposent sur lâĂ©soterisme et le symbolisme
(Kassibo 1992). DâaprĂšs Mame Mbaye, un de nos consultants et devins de la
communautĂ© noon, pendant la pĂ©riode dâinitiation, on met des sĂ©crĂ©tions purulentes
de chien appelĂ© nako' mbaay dans les cils des initiĂ©s afin quâils puissent accroĂźtre
CHAPITRE 13 259
leur vision occulte. Lorsque nous Ă©tions enfant, nous entendions les adultes dire que
les sécrétions purulentes des chiens permettent de voir les djinns la nuit si on les
mettait dans les cils. Des pratiques simillaires sont notĂ©es dans dâautres sociĂ©tĂ©s
africaines. En effet, certaines parties du corps des animaux comme le chien sont
utilisĂ©es par les devins afin dâaccroĂźtre leur sens olfactif. Selon (de Heusch 1985:31-
32), « Initiation of Hamba and Tetela diviners includes eating a dogâs heart to
enhance their olfactory abilities ».
Les noons pratiquent diffĂ©rentes formes de sĂ©ances de divination selon lâobjectif
recherché et son importance : la séance de thérapie, la séance de voyance et la
séance divinatoire collective.
- La sĂ©ance de thĂ©rapie : kĂ«Éok
kĂ«Éok, littĂ©ralement se laver, est un terme composĂ© du prĂ©fixe de lâinfinitif kĂ«â et du
verbe Éok « laver ». La sĂ©ance de thĂ©rapie kĂ«Éok est une sĂ©ance divinatoire qui
permet de guérir un patient par un bain rituel en ayant recours aux esprits des
ancĂȘtres. Les noons pratiquent le culte des ancĂȘtres, ils ont toujours Ă©tĂ© hostiles aux
religions rĂ©vĂ©lĂ©es. Aujourdâhui, bien que beaucoup dâentre eux soient convertis Ă
lâislam et au christianisme, ils restent fidĂšles aux esprits des ancĂȘtres et continuent Ă
les vénérer. Ils construisent des autels composés de petits canaris et de pierres pour
fixer les esprits des ancĂȘtres, (photo 1). Ils y dĂ©posent rĂ©guliĂšrement des offrandes ;
du lait, du sang et de la viande des animaux sacrifiés (cf. 1.1.5).
< Photo 1: un autel >
Le guérisseur procÚde à une séance de voyance pour diagnostiquer la maladie. Puis
il compose diffĂ©rentes plantes et en fait une infusion. Le malade va lâutiliser pour
son bain rituel et en faire sa boisson. Nous avons rencontrĂ© une femme guĂ©risseur Ă
FandÚne, un village noon, qui soigne des femmes stériles. Ses patientes prennent un
bain rituel en portant un pagne. Le pagne est suspendu sur les branches dâun palmier
habitĂ© par lâesprit dâun ancĂȘtre portant le nom de TabasĂ«k Diouf (photos 9-10). La
femme guĂ©risseuse pratique quotidiennement un rituel de fĂ©conditĂ© autour de lâarbre
dont elle a hĂ©ritĂ© de sa belle sĆur.
« Cet arbre fait partie de la tradition, il apporte de la joie et du bonheur
dans la famille. Il soigne les femmes stĂ©riles et protĂšge les enfants. Câest
moi qui prends soin de lâarbre. Jâai hĂ©ritĂ© ce pouvoir de ma belle-sĆur qui
lâa hĂ©ritĂ© de ma belle-mĂšre. Lorsque lâarbre devient vieux il va dĂ©signer
son successeur avant de mourir » (Wane 2014).
< Photo 9: rituel thérapeutique 1a >
< Photo 10: rituel thérapeutique 1b >
260 LA DIVINATION - LES METHODES DIVINATOIRES DES NOONS :
FORMES, SENS ET EXPRESSIONS
Le rituel commence par des salutations puis elle présente la lignée matrimoniale de
lâesprit. Et comme notre prĂ©sence dĂ©rangeait, elle sâexcuse auprĂšs de lâesprit et
justifie notre présence.
« Bonjour grand-mĂšre TabasĂ«k, nous avons des visiteurs aujourdâhui, ils
ne sont pas lĂ pour vous ennuyer. Ne fait pas de mal Ă leurs familles ni Ă
leur biens » (Wane 2014).
La sĂ©ance continue, elle tourne autour de lâarbre en aspergeant sur les branches de
lâeau mĂ©langĂ©e avec de la farine et un fruit de lâarbre tout en glorifiant lâesprit.
« Tabasëk, tu es la mÚre de Jeeh Diouf, tu es le pÚre de Jeeh Diouf nous
vous remercions pour tout le bien que vous faites pour nous » (Wane
2014).
Cet arbre est sacrĂ©, personne ne sây approche. La guĂ©risseuse est la seule Ă
communiquer avec lâesprit qui sây trouve et Ă faire le rituel. Elle mâa confiĂ© que si
une femme coupe une feuille ou une branche de lâarbre, elle sera stĂ©rile et sâil sâagit
dâun homme, il ne sera pas affectĂ© directement mais sa femme (ou sa fille)
deviendra stérile. La séance de thérapie est aussi une pratique divinatoire, constituée
dâun rituel religieux dâalliance avec les esprits des ancĂȘtres et la mĂ©decine
traditionnelle par lâusage de plantes mĂ©dicinales pour prĂ©venir, diagnostiquer et
soigner les maladies.
- La séance de voyance privée : këmalak
këmalak qui signifie littéralement « regarder », est un terme composé du préfixe kë-
et du lexÚme verbal malak « regarder ». La séance de voyance këmalak est une
sĂ©ance privĂ©e oĂč le client se prĂ©sente chez le divin pour se faire lire le destin. Le
devin reçoit les clients dans une chambre dâun dĂ©sordre indescriptible, (photo 3). Le
client peut demander un travail, de lâargent, un voyage ou toutes choses relatives Ă
son succĂšs. Le devin met du sable dans un van en bambou ou sur du papier, (photos
4-7). Dâautres Ă©lĂ©ments peuvent ĂȘtre mis sur le sable ou Ă cĂŽtĂ©, par exemple du vin,
une plante ou un objet magique pour acroĂźtre le sens olfactif du devin (photos 6, 8).
< Photo 3: chambre dâun devin-guĂ©risseur >
< Photo 4: un devin crée des « maisons » géomantiques >
< Photo 5: un devin interpréte les figures géomantiques (a) >
< Photo 6: un devin interpréte les figures géomantiques (b) >
< Photo 7: un devin interpréte les figures géomantiques (c) >
CHAPITRE 13 261
< Photo 8: Les figures dans les « maisons » géomantiques avec une bouteille
dâalcool >
Au dĂ©but de la sĂ©ance de voyance, le devin trace un demi-cercle autour dâun tas de
sable du cÎté gauche et un autre du cÎté droit. Il attrape le sable pour créer une
« maison » gĂ©omantique. La « maison » est le lieu de reprĂ©sentation et dâexpression
de la figure géomantique. Sans la « maison », les figures géomantiques ne peuvent
pas livrer de messages. Ensuite, il tape le sable avec la paume de la main pour faire
des figures gĂ©omantiques quâil appelle gal « pirogue ». La figure gĂ©omantique
correspond Ă la forme de la main apposĂ©e sur le sable. A lâintĂ©rieur de ces figures
gĂ©omantiques, apparaissent des « signes noirs » appelĂ©s sĂșĂșs qui permettent au
devin dâinterprĂ©ter le message livrĂ© par les figures. Les « signes noirs » symbolisent
la présence du djinn qui communique avec le devin. Le nombre de figures
géomantiques varie entre 2 à 5 et leur utilisation dépend de la nature de la séance
divinatoire. Nous avons remarqué que pour la séance privée, les devins utilisent des
figures géomantiques impaires (3 ou 5) et une combinaison des figures
géomantiques paires et impaires (2, 3, 4, 5) pour la séance collective. Par exemple,
dans (photo 4-5), trois figures gĂ©omantiques sont formĂ©es, le devin va procĂ©der Ă
trois demandes. Dans la figure géomantique 1, il prie koh « dieu », qui représente
une divinitĂ© suprĂȘme chez les sĂ©rĂšres, de lui montrer ce que le consultant demande.
Ils considÚrent cette divinité comme le membre fondateur de leur lignage. Ils
demandent son aide en utilisant les termes comme caaci « ancĂȘtre » ou sen qui est
un patronyme sérÚre mais qui signifie aussi « tout-puissant », selon les sérÚres. Dans
la figure géomantique 2, il prie koh « dieu » de lui montrer si la demande du
consultant ne va pas se réaliser. La figure géomantique 3 représente le juge qui va
confirmer ou consolider le résultat. Le devin crée un duel entre les deux figures
géomantiques pour vérifier deux hypothÚses et obtenir une confirmation avec la
figure géomantique 3 qui est le juge. La figure géomantique 3 représente, selon le
devin, koh « dieu » qui confirme le message livré par les figures géomantiques.
LâinterprĂ©tation des diffĂ©rentes figures gĂ©omantiques est illustrĂ©e Ă lâexemple (1).
1. (commentaire_séance de divination)
a. koh caaci koh sen iñâii
dieu grandâparent dieu tout.puissant choseâĂž:DEICT.PROX
mĂ« meekisâĂ«kâoh en waa' ngĂ«ânâaa
1SG demanderâMOYâRECIPR ĂȘtre vouloir PREPâNâCOND
tĂ©wâĂ«Éâaaâroo
ĂȘtre.prĂ©sentâCAUSâIMPER.SGâO1SG
Dieu grand-pĂšre, dieu tout-puissant, ce que je cherche (Ă savoir) si tu le veux,
présente-(le) moi ici.
b. kolaw' muk en laak iñâaa enândii
feux.de.brousse jamais ĂȘtre avoir choseâĂž:DEICT.DIST ĂȘtreâNEG
262 LA DIVINATION - LES METHODES DIVINATOIRES DES NOONS :
FORMES, SENS ET EXPRESSIONS
ngĂ«ânaa koh tewâĂ«'âtoo ici
PREPâNâCOND dieu ĂȘtre.prĂ©sentâCAUSâO1SG ndii
Malédiction ! Si jamais, il ne va se produire, dieu, montre-(le) moi.
c. kakeyâfaa koh caaci sen
sableâf:DEICT.DIST dieu grand-parent tout-puissant
tĂ©wâĂ«'âtĂĂ lĂ©p luhum faaw
ĂȘtre.prĂ©sentâCAUSâO1PL.EXCL tout complot IDEO
Dieu du sable, dieu tout-puissant, montre-nous toutes les sortes de complots.
d. iñâii ÉĂĂ heel ÉĂ« hayâoo
choseâĂž:DEICT.DIST 1PL.EXCL chercher REL avoirâNEG
kĂ«âlaak muk ndii laakâĂ«nândii koh seedeâaa
INFâavoir jamais ici avoirâPARFâNEG dieu tĂ©moignerâIMPER.SG
wë ndii
w:O3SG ici
Si ce que nous cherchons ne peut pas se produire, si jamais il ne va pas se produire,
dieu, confirme-le ici.
LâinterprĂ©tation des figures gĂ©omantiques par les devins est trĂšs subtile du fait de
son caractÚre mystique. Les figures géomantiques symbolisent des entités animées
ou inanimĂ©es ; elles sont mobiles et peuvent ĂȘtre influencĂ©es, Ă lâexception de la
figure géomantique qui représente koh « dieu », le juge ; elle est stable et invariante.
Les devins peuvent voir Ă travers les figures gĂ©omantiques le dĂ©roulement dâune
scĂšne grĂące Ă leur vision mystique. Au cours dâune sĂ©ance divinatoire, un devin
décrit une figure géomantique, comme illustrée dans son interprétation.
« Ceux-ci sont des papiers suspects. Ils sont en train de les faire dispa-
raitre. Celui-là est en train de fuir avec les papiers » (Wane 2014).
- La séance divinatoire collective : payaa
La séance divinatoire collective est appelée payaa qui signifie littéralement la divi-
nation. Le terme payaa qui est composé du nom pay' « guérir » et de la marque du
dĂ©ictique suffixal âaa, montre la spĂ©cificitĂ© de cette sĂ©ance divinatoire. Câest un
évÚnement trÚs important pour la communauté noon. En effet, elle permet
dâidentifier des tentatives de sorcellerie et dâapporter des solutions. Selon les noons,
câest une force de dĂ©fense contre toute intention malveillante. La sĂ©ance divinatoire
collective est organisée pour les cérémonies de mariage, de décÚs ou marquant la
naissance dâun enfant afin de protĂ©ger les membres de la communautĂ© noon contre
toutes les attaques dâun esprit malveillant. Les devins se rĂ©unissent aussi pour une
sĂ©ance divinatoire collective Ă lâapproche de la saison des pluies ou lorsque la pluie
est « retenue » par un devin. En 1990, une séance de divination avait permis
CHAPITRE 13 263
dâidentifier un devin qui avait « retenu » la pluie dans le village de Laalane. Les
devins ont dĂ©terrĂ© le jarre oĂč il avait « gardĂ© la pluie ». La pluie tomba aussitĂŽt que
le jarre fut retrouvĂ© et brisĂ©. Le coupable a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© par la police et il a payĂ© une
amende avant dâĂȘtre libĂ©rĂ©.
Le temps et lâespace sont des Ă©lĂ©ments importants dans la divination. Selon Peek
(1991:17), « the location of the divination event in time and space also serves to
establish and maintain its liminality ». Chez les noons, la séance divinatoire
collective se dĂ©roule sous un arbre, generalement dans un champ. En effet, lâombre
dâun arbre est un lieu de refuge contre les rayons de soleil qui peuvent compromettre
la réussite de la seance.
DiffĂ©rents acteurs participent Ă la sĂ©ance divinatoire : les devins et les djinns, Ă
travers les figures géomantiques, sont les acteurs clés. Le temps est aussi un facteur
important. Par exemple, ils choisissent un jour oĂč il y a du vent puisque le vent est
un acteur pendant la séance. En effet, il permet de transporter de loin les esprits
nuisibles qui sont neutralisés.
Avant le début de la séance, la pierre est enlevée, le sable surélevé, un trou est
creusĂ© pour quâon y jette les esprits malveillants et les plantes « magiques » afin de
neutraliser ou faire périr un ennemi, (photo 21). Les femmes et les enfants ne sont
pas autorisés à y assister car selon les devins, ils ne peuvent pas garder de secrets.
Les devins forment un cercle autour du tas de sable. Chacun dâentre eux va
introduire un bĂątonnet dans le sable. Ils sont pieds nus, y compris lâassistance (photo
12). Les participants sont les représentants de chaque concession ou des notables de
la communauté. Ils ne se prononcent pas au cours de la séance divinatoire, mais ils
ne peuvent intervenir que lorsquâon les y autorise. Par exemple, on peut leur
demander de faire une priĂšre ou dâapporter un objet. Un participant a Ă©tĂ© rĂ©primandĂ©
par un devin lorsquâil a voulu donner son avis au cours de la sĂ©ance.
« Fais doucement, ce sont seulement les devins qui parlent » (Wane 2014).
< Photo 11: lieu aménagé pour la séance divinatoire collective >
< Photo 12: lâassistance lors de la sĂ©ance divinatoire collective >
< Photo 21: symbole marquant la fin de la séance divinatoire >
La séance divinatoire collective est présidée par un maßtre de scéance qui rappelle
lâordre du jour, fait des recommendation et donne le signal. Au cours de la sĂ©ance, il
est interdit de mentionner des noms de personnes ou de lieux. Ils utilisent ainsi des
codes ou des paraboles. Lors de la séance divinatoire en prélude aux élections prési-
dentielles de 2012, deux noms de codes ont Ă©tĂ© utilisĂ© kuluĆ Â« jarre » et suus
« grosse cuiller » désignant respectivement les deux candidats aux élections
presidentielles : Abdoulaye Wade (président sortant) et Macky Sall (actuel
264 LA DIVINATION - LES METHODES DIVINATOIRES DES NOONS :
FORMES, SENS ET EXPRESSIONS
prĂ©sident). Cette sĂ©ance avait une connotation politique dont lâobjectif Ă©tait de faire
gagner Macky Sall. Les noms de codes utilisés au cours de la séance divinatoire sont
significatifs. Selon les devins, la cuiller va vider le jarre de son contenu. En dâautres
termes, Macky Sall allait remporter les Ă©lections.
La séance est répartie en séquences : formule de priÚre marquant le début, création
des figures géomantiques, interprétations, solutions et protection.
- PriÚre marquant le début de la séance
Le maßtre de séance commence par une priÚre. Un devin peut prendre une pincée de
sable et murmurer une priÚre ; il peut aussi mettre une pincée de sable dans une
feuille de pommier de Sodome, appelĂ© aussi lâarbre de Satan, puis la remettre Ă une
personne parmi les assistants pour quâelle formule une priĂšre, (photo 13). Cette
priÚre, qui est une routine, consiste à se protéger contre tout esprit malveillant dont
lâobjectif est de nuire aux personnes prĂ©sentes Ă la sĂ©ance ou de faire Ă©chouer la
sĂ©ance elle-mĂȘme. A la fin de la priĂšre, le devin souffle sur la pincĂ©e de sable et la
verse sur le tas de sable.
< Photo 13: PriĂšre dâouverture de la sĂ©ance divinatoire >
- Création de « maisons » géomantiques
Dabord, un devin (devin 1) attrape le sable avec la main pour créer les « maisons »
gĂ©omantiques oĂč vont loger les figures gĂ©omantiques, (photos 14-15). Il murmure
des priÚres incantatoires pendant la création des « maisons géomantiques ».
< Photo 14 : Création de « maisons » géomantiques pendant la séance divinatoire
collective >
< Photo 15: « maisons » géomantiques >
- Création des figures géomantiques
Ensuite, un autre devin (devin 2) tape chaque « maison » géomantique avec la
paume de la main pour former les figures géomantiques, (photo 16). Le devin
formule des priĂšres dans chaque figure gĂ©omantique afin que chacune dâelles livre
un message prĂ©cis, comme lâillustrent les exemples (1-3).
< Photo 16: création des figures dans les « maisons » géomantiques pendant dans la
séance divinatoire collective >
2. (séance02_séance de divination collective)
koh caaci koh sen iñâii
dieu grand.parent dieu tout.puissant choseâĂž:DEICT.PROX
CHAPITRE 13 265
mĂ« heel ÉĂ« tewâĂ«'âtoo ndii
1SG chercher REL ĂȘtre.prĂ©sentâCAUSâO1SG ici
Dieu grand-parent, dieu tout-puissant, ce que je cherche montre-(le) moi ici.
3. (séance02_séance de divination collective)
en an Éamâaa ÆŽah kĂ«âenâoh ngĂ«
ĂȘtre COMP paixâCOND aller INFâĂȘtreâAPPL PREP
Éuwâaa ÆŽah kĂ«âwoote ngĂ«
personneâĂž:DEICT.DIST aller INFâĂ©lire PREP
kĂ«âhafâÉĂ« tewâaaâroo ndii
k:COMMâtĂȘteâPOSS.É:3PL ĂȘtre.prĂ©sentâIMPER.SG ici
Sâil nây a pas de paix chez les personnes qui vont participer aux Ă©lections, montre-
(le)-moi ici.
- Interprétation des figures géomantiques
Les devins observent les figures géomantiques puis ils commencent à interpréter ce
quâils voient dans chacune dâelles. AprĂšs quâils ont fini dâinterprĂ©ter, le devin qui
avait fait la demande sâadresse au public pour rĂ©vĂ©ler ce quâil avait demandĂ©. Les
devins comparent ce qui a Ă©tĂ© demandĂ© et ce quâils ont vu chacune des figures
gĂ©omantiques. Sâils ne sont pas convaincus, ils effacent les figures gĂ©omantiques et
les reprennent Ă nouveau. Lorsquâils sâentendent sur une interprĂ©tation, ils passent Ă
lâĂ©tape suivante qui consiste Ă mener une action appropriĂ©e par rapport Ă ce quâils
ont trouvé.
La phase de dĂ©codage et dâinterprĂ©tations des figures gĂ©omantiques est trĂšs
houleuse, elle peut ĂȘtre marquĂ©e par un chevauchement de paroles et
dâinterprĂ©tations contradictoires. Ils se coupent la parole et parlent tous en mĂȘme
temps. Au cours de la séance divinatoire, une figure géomantique a révélé une mort
et ils ont effacĂ© toutes les autres. Ils ont divisĂ© en deux la figure gĂ©omantique oĂč se
trouve le mort pour lâidentifier. Lorsquâils ont trouvĂ© que ce nâĂ©tait pas un membre
de leur communauté, certains ont voulu ignorer la figure géomantique et continuer la
sĂ©ance car ce nâĂ©tait pas leur objectif. Dâautres ont suggĂ©rĂ© de la prendre en compte
pour sauver une vie. CâĂ©tait un moment de fortes Ă©motions parce quâils faisaient face
à un adversaire puissant. Ils devaient le faire périr afin de sauver la vie de la
personne mais aussi de pouvoir continuer la séance. En voici une illustration des
interprétations des devins pendant la séance divinatoire collective (Wane 2014) :
Devin 1 Cette personne-lĂ va mourir.
Devin 2 La mort nâest pas notre objectif.
Devin 3 Regarde si c'est un sérÚre ou pas.
Devin 4 ArrĂȘtons-le !
Devin 3 Soulevez-la !
Devin 5 Si on ne l'enlĂšve pas jusqu'Ă ce qu'il parte, on ne pourra pas travailler dans
266 LA DIVINATION - LES METHODES DIVINATOIRES DES NOONS :
FORMES, SENS ET EXPRESSIONS
de bonnes conditions.
Devin 4 La prochaine fois, tu l'Ă©crases avec le pied aprĂšs tu tires dessus.
Devin 6 Couvre-le avec une chaussure.
Devin 3 Ne le couvre pas avec une chaussure, assois-toi sur lui.
Devin 6 Renverse-le.
Devin 7 Tenez-le par la ceinture.
Devin 1 Assois-toi sur lui.
AprÚs plusieurs tentatives, les devins ont finalement réussi à neutraliser leur adver-
saire. Ils lâont pris puis lâont enveloppĂ© dans une feuille de pommier de Sodome
avant de le brûler (photos 17-20).
< Photo 17: esprit malveillant enveloppé 1a >
< Photo18: esprit malveillant enveloppé 1b >
< Photo19: esprit malveillant brûlé 1a >
< Photo 20: esprit malveillant brûlé 1b >
La séance divinatoire est joviale mais aussi marquée par une certaine émotion
surtout quand il sâagit de faire pĂ©rir un ennemi ou se protĂ©ger contre les mauvaises
intentions dâun esprit puissant. Elle va plus loin que la recherche des choses occultes
puisquâelle peut servir Ă rĂ©soudre des problĂšmes et combattre un ennemi.
La fin de la séance divinatoire est symbolisée par la pierre posée sur le tas de sable.
Il est aussi une arme de protection et de défense contre tout esprit malveillant qui a
lâintention de dĂ©truire le travail qui a Ă©tĂ© fait. La pierre restera sur le tas de sable
jusquâĂ la prochaine sĂ©ance (photo 21).
13.4. La représentation des figures géomantiques
La représentation des figures géomantiques dans le systÚme divinatoire chez les
noons est trĂšs complexe. Leurs modes dâexpressions demeurent Ă©sotĂ©riques.
Cependant, nous avons essayé de comprendre leurs techniques divinatoires et avons
tenté de reconstituer leur mode de fonctionnement suite à nos observations au cours
des séances divinatoires, aux discussions que nous avons eues avec des devins et les
commentaires quâils nous ont fournis.
Les figures géomantiques livrent un message en fonction de la demande exprimée
par le devin par rapport Ă son milieu. Elles prĂ©sentent des hypothĂšses qui vont ĂȘtre
interprĂ©tĂ©es par les devins. La prĂ©cision de lâinformation proposĂ©e par le devin
CHAPITRE 13 267
dépend de son pouvoir ésotérique, son intuition et sa sagesse. Les figures
géomantiques sont tracées en paires ou impaires. Les figures géomantiques paires (2
et 4) sont considérées comme des figures de clarification. Elles permettent de
vérifier deux hypothÚses ou une figure géomantique qui livre un message équivoque.
Par exemple, dÚs le début de la séance divinatoire concernant les élections
présidentielles 2012, les devins ont tracé deux figures géomantiques pour vérifier
lâexistence ou non de violence (photo 14). Au cours de la sĂ©ance, une figure
gĂ©omantique rĂ©vĂšle du sang, tous les devins lâont identifiĂ©e, mais diffĂ©rentes
interprétations ont été proposées (Wane 2014) :
« Devin 1 : La voiture, la voiture, non non, tu vois la voiture là -bas qui
rentre dans la foule. Elle va les heurter. Tu as vu la voiture là -bas. Eh ça,
câest un accident ».
Devin 2 : Je ne refuse pas ce que tu as dit mais je ne le vois pas comme
ça. Ce sera une bataille de gourdin ou de fusil. Divisons la figure
(gĂ©omantique) en deux parties pour voir si câest un accident ou une
bataille ».
Les deux figures géomantiques sont les témoins (Kassibo 1992:553); ils représentent
deux thĂšmes distincts (Fig. 13.1). Par exemple, le devin va demander : si câest un
accident, quâil apparaisse dans la figure gĂ©omantique 1, si câest une bataille, quâelle
apparaisse dans la figure géomantique 2. Chacune des figures géomantiques va
livrer un message et câest au devin de juger entre les deux figures gĂ©omantiques. Il
est toujours difficile dâinterprĂ©ter deux figures gĂ©omantiques sans quâil nây ait une
ambiguïté ou un double sens. Alors, le devin efface les figures géomantiques et
recommence. Sâil nâest pas satisfait, il trace 4 figures gĂ©omantiques (Fig. 13.2), les
deux autres figures ajoutées sont une reproduction des deux premiÚres figures
tracées. Par exemple, les deux figures géomantiques vont représenter les thÚmes et
elles vont livrer leurs messages dans chacune des deux autres.
Fig. 13.1 Fig. 13.2
268 LA DIVINATION - LES METHODES DIVINATOIRES DES NOONS :
FORMES, SENS ET EXPRESSIONS
Les figures géomantiques impaires (3 et 5) donnent la clé à la séance divinatoire.
Elles permettent de trouver des choses cachées mais aussi de les comprendre et de
les résoudre (voire fig. 13.3, 13.4). Les figures géomantiques impaires sont une
redistribution des figures paires oĂč une nouvelle figure gĂ©omantique est tracĂ©e
représentant celle du juge. Cette figure est appelée koh « dieu » ; elle juge et
prononce la sentence.
Fig. 13.3 Fig. 13.4
Lâensemble des figures gĂ©omantiques dans le systĂšme divinatoire des noons se
résume en 3 figures en fonction de leurs caractÚres symboliques. Les différentes
combinaisons de figures gĂ©omantiques peuvent ĂȘtre reprĂ©sentĂ©es ainsi :
(Figure 13.1) 1-1Ë
(Figure 13.2) 1-1Ë-2-2Ë
(Figure 13.3) 1-1Ë-3
(Figure 13.4) 1-1Ë-2-2Ë-3
La figure gĂ©omantique 1 est le lieu oĂč le devin fait la demande. Elle reprĂ©sente la
demande formulée par le devin. Cette figure est caractérise par une instabilité.
Autrement dit, tout ce qui est placée dans cette figure est exposé à des tribulations.
La figure gĂ©omantique 2 est le lieu oĂč se manifeste la rĂ©ponse mais aussi lâarĂšne oĂč
les devins sâaffrontent aux esprits malveillants. Elle est stable et mobile. Elle subit
des influences par rapport Ă son milieu. Par exemple, elle livre un fait qui peut nâĂȘtre
effectif quâaprĂšs lâavoir protĂ©gĂ©e contre dâautres forces qui empĂȘchent sa rĂ©alisation.
« Cette figure (géomantique) là -bas ne peut trouver son chemin il faut
qu'il rencontre des difficultés » (Wane 2014).
3
CHAPITRE 13 269
La figure géomantique 3 représente koh « dieu », elle est stable et invariante. Elle est
considérée comme le juge. Elle confirme un message livré par une figure
géomantique et prononce la sentence.
13.5. Le mode dâexpression dans la pratique divinatoire
La mode dâexpression dans la divination a une dimension Ă©sotĂ©rique marquĂ©e par
une interaction mutuelle de forces visible et invisible que sont le devin et le djinn.
Lors des séances divinatoires le devin est en contact permanent avec des forces
invisibles (djinn). Selon Beek and Peek (2015:9),
« Diviners are never « alone ». At the very least diviners engage in
dialogue with spiritual entities as well as their « spirit doubles ». Often
their work is only made possible by the incorporation of these special
powers or beings ».
Les figures gĂ©omantiques symbolisent le lieu dâinteraction entre le devin et le djinn.
Le devin et les figures gĂ©omantiques sâinfluencent mutuellement et se modifient
chacun en conséquence. Ils sont émetteurs et récepteurs, ils envoient des messages et
ils en reçoivent. Cependant, leur mode dâexpression est diffĂ©rent et se manifeste
sous diverses formes en fonction de leurs interactions. Deux types de
communication peuvent ĂȘtre notĂ©s : une communication non-verbale (devin-figures
et djinn-devin) et une communication verbale (devin-djinn).
La communication non verbale est caractĂ©risĂ©e par lâapparence de la scĂšne, une sĂ©rie
de rituels visibles dans lâinteraction entre le devin et les figures gĂ©omantiques, mais
aussi tout un jeu de gestes et dâexpressions faciales. Les devins sâassoient autour
dâun tas de sable dans lequel ils tracent les figures gĂ©omantiques et un trou qui leur
sert de dépotoir. Ils utilisent aussi des plantes et des objets « magiques » à divers
usages. La figure gĂ©omantique est le lieu dâexpression et dâĂ©change entre le devin et
le djinn. Il sera donc fondamental pour le devin dâobtenir la coopĂ©ration du djinn qui
se traduit aussi par la main apposĂ©e sur le sable. Câest aussi une marque de
confirmation du pacte dâalliance qui les unit. Les messages livrĂ©s par les figures
géomantiques sont manipulés par le djinn et le devin réagit en fonction des
informations obtenues. Les figures géomantiques livrent parfois des messages qui
peuvent ĂȘtre un esprit malveillant ou des scĂšnes de violence. Par exemple, au cours
de la séance divinatoire, un esprit malveillant apparait dans une figure géomantique,
les devins ont procĂ©dĂ© Ă diffĂ©rentes tentatives afin de le faire pĂ©rir. Ils ont dâabord
allumĂ© du feu Ă lâintĂ©rieur de la figure gĂ©omantique, ensuite un devin est assis sur
elle, puis un autre lui donne un coup de pied, un autre lui met un chapeau pour le
rendre aveugle. Finalement, ils ont rĂ©ussi Ă lâattraper et lâattacher puis le brĂ»ler.
CâĂ©tait une scĂšne indescriptible, on se croyait ĂȘtre dans une arĂšne oĂč se livrait un
combat « mortel » entre les devins et les figures géomantiques. A la fin de la séance,
la pierre est posée sur le tas de sable symbolisant la fin, mais aussi une arme pour
protĂ©ger la sĂ©ance divinatoire jusquâĂ la prochaine sĂ©ance. Ces rituels constituent un
270 LA DIVINATION - LES METHODES DIVINATOIRES DES NOONS :
FORMES, SENS ET EXPRESSIONS
systÚme élaboré appelé techniques divinatoires, que le devin exécute afin de réaliser
des exploits surnaturels.
La communication verbale est caractérisée par les formules incantatoires prononcées
par le devin afin dâobtenir la faveur du djinn, comme lâillustre lâexemple (4). Le
devin va demander lâaide du djinn qui lui apporte des rĂ©ponses Ă sa demande. Câest
sur la demande du devin que le djinn apparait dans les figures géomantiques
caractérisées par la transformation du sable qui devient noir. Le djinn apporte des
réponses au devin qui sont matérialisées dans les figures géomantiques, mais aussi
lâinspire Ă pouvoir interprĂ©ter les messages. Ainsi, la communication du djinn au
devin se manifeste par des signes observables grĂące Ă une vision occulte et par une
source dâinspiration.
4. (séance01_séance de divination individuelle)
en lahâaa nĂ« Éamâaa koh
ĂȘtre hivernageâĂž:DEICT.DIST avec paixâCOND dieu
tĂ©wâĂ«'âtoo ndii
ĂȘtre.prĂ©sentâCAUSâO1SG ici
Si lâhivernage doit se passer en paix, dieu montre (le)-moi ici
13.6. Quelques caractéristiques du discours dans les séances divi-
natoires
Nous essayons dâanalyser ici quelques caractĂ©ristiques du discours dans les sĂ©ances
divinatoires. Le discours dans les séances divinatoires se distingue par des routines,
des répétitions, des références, des déictiques et des tournures agrammaticales.
Le discours est marqué par différentes situations de communication selon les types
de séances divinatoires. Le discours dans une séance thérapeutique se distingue par
une séquence monologique : le thérapeute se présente seul ou avec son patient dans
un autel et communique avec les esprits. Le discours dans la séance divinatoire
privée est marqué par des séquences monologique et dialogique. Cependant, la com-
munication entre le devin et son patient est trĂšs stricte : le patient donne son appro-
bation en acquiesçant aux affirmations du devin par un signe de tĂȘte ou par une
interjection hĂ«'~hĂ«' « oui, dâaccord ». La sĂ©ance divinatoire collective est marquĂ©e
par un discours hétérogÚne combinant différents types de séquences : monologique,
dialogique et commentative. La séance collective se distingue par une communica-
tion de groupe, un dialogue entre plusieurs participants qui parlent simultanément et
se coupent la parole ; il nây a pas dâintervalles entre les tours de paroles.
CHAPITRE 13 271
13.6.1. Les routines dâinteraction dans les sĂ©ances divinatoires
La pratique divinatoire rĂ©vĂšle plusieurs routines dâinteraction, considĂ©rĂ©es comme
des actes communicatifs, qui expliquent son mode de fonctionnement. Les routines
sont utilisées dans des situations de communication non-verbale et verbale et elles
marquent les différentes phases de la séance divinatoire.
Les routines dans la communication non-verbale sont exĂ©cutĂ©es dâune maniĂšre syn-
chronisée et elles suivent un ordre précis tout au long de la séance divinatoire. Parmi
ces routines, on peut citer la pierre, symbole de protection, qui est chargée de la
défense de la séance divinatoire collective. La pierre retirée du tas de sable marque
le début de la séance ; elle donne le signal aux devins de former un cercle autour du
sable. Il sâensuit une pincĂ©e de sable dans laquelle une priĂšre est dite puis elle est
répandue sur le tas de sable. En ce qui concerne la séance divinatoire privée, la
pincée de sable dans laquelle le client va formuler une priÚre marque le début.
Ensuite le devin va « construire les maisons géomantiques » pour les figures. Le
devin forme de petits tas de sable appelés « maisons » géomantiques puis avec la
paume de la main, il va tracer les figures gĂ©omantiques dans chacune dâelles. Dans
une séance divinatoire collective, celui qui « construit les maisons géomantiques»
est différent de celui qui trace les figures géomantiques. Les messages livrés par les
figures gĂ©omantiques se manifestent par lâapparition dâune couche noire. La phase
dâinterprĂ©tation des messages livrĂ©s, est marquĂ©e par le « pointage » des figures
géomantiques accompagné de paroles et de repositionnements. Le devin montre du
doigt une figure géomantique et établit la référence entre la figure et son
commentaire afin dâattirer lâattention des autres devins pour une observation
conjointe. La fin de la séance divinatoire collective est marquée par la pierre qui est
posée sur le tas de sable. La pierre symbolise aussi la réussite de la séance
divinatoire parce quâelle est chargĂ©e de protĂ©ger le travail qui a Ă©tĂ© fait. On peut
noter un systĂšme de coordination entre les gestes et la parole tout au long de la
séance divinatoire.
Les routines dans la communication verbale sont des expressions conventionnelles
utilisĂ©es dans la sĂ©ance divinatoire. Les noons croient Ă une divinitĂ© suprĂȘme quâils
appellent koh « dieu » et sollicitent son assistance dans les séances divinatoires.
Lorsque le devin trace les figures géomantiques, il demande à koh de lui montrer
dans chacune dâelles ce quâil veut savoir en prononçant la formule koh tĂ©wĂ«'too ndii
« dieu montre-moi ici ». Le devin peut aussi couvrir la divinitĂ© dâĂ©loges avec les
termes koh caaci, koh sen « dieu grand-parent, dieu tout-puissant ». En ce qui
concerne la figure géomantique attribuée à koh, qui va juger et confirmer les
messages livrés par les autres, le devin utilise la formule koh seedeaa wë ndii « dieu
donne ton verdict ici ».
272 LA DIVINATION - LES METHODES DIVINATOIRES DES NOONS :
FORMES, SENS ET EXPRESSIONS
5. (séance02_séance de divination collective)
mĂ« wo'ee moon tĂ©wâĂ«Éâaaâroo
1SG parlerâPAS EMPH ĂȘtre.prĂ©sentâCAUSâIMPER.SGâO1SG
ndii an laak Éam hay kĂ«âmey' ngĂ«
ici COMP avoir paix venir INFâsortir PREP
wooteânâaa tĂ©wâĂ«Éâaaâroo ndii
Ă©lectionâNâĂž:DEICT.DIST ĂȘtre.prĂ©sentâCAUSâIMPER.SGâO1SG ici
Moi, jâavais dit, dieu montre-moi, ici sâil y a paix dans les Ă©lections, montre-moi ici.
6. (sĂ©ance02 âdivination)
kolaw' tĂșmâaa hen ngĂ«
feux.de.brousse faireâIMPER.SG juste PREP
Éuyâaa en fĂ«ânaa fĂ« tam
personneâĂž:DEICT.DIST ĂȘtre 2SGâNâCOND 2SG bruler
Malédiction ! Maudit sois-tu, qui que tu sois !
Lâexemple (5) est une illustration des formules utilisĂ©es dans lâinterprĂ©tation des
figures géomantiques. En (6), le terme kolaw' « feux de brousse » est utilisée dans
les figures gĂ©omantiques oĂč apparait un esprit malveillant. Câest une routine qui
permet dâĂ©prouver un esprit malveillant qui pourrait empĂȘcher la rĂ©alisation de la
demande du devin. Ce dernier jette la malédiction sur cet esprit en prononçant
kolaw'. Le devin est presque en transe lorsquâil utilise cette routine qui sâemploie
uniquement dans des cas exeptionnels, par exemple lorsquâun esprit malveillant
apparaßt dans une figure géomantique et que le devin veut le neutraliser.
13.6.2. La répétition
Dans la sĂ©ance divinatoire, la rĂ©pĂ©tition abonde dans le discours. Câest un phĂ©no-
mÚne récurrent dans le discours divinatoire, elle est utilisée pour différentes raisons :
décrire des faits avec insistance, prendre un tour de parole, distribution, convaincre,
etc.
« Communicative reinforcement pertains to a common function of repeti-
tion: speakers often repeat themselves in order to make sure that their
message has been transmitted successfully. Communicative reinforce-
ment may be necessary to overcome background noise, to achieve turn-
aking in a conversation, to ensure the hearers attention, or for many other
reasons » (Gil 2005:34).
Nous allons étudier, dans cette partie, les différentes formes et constructions de
répétition et leur sens.
CHAPITRE 13 273
- La répétition nominale
Nous prĂ©sentons ici la rĂ©pĂ©tition dâordre lexical concernant des mots, des syntagmes
et des morphĂšmes. Nous prĂ©fĂ©rons lâappeler une rĂ©pĂ©tition dâordre lexical, tel que
proposé par Roméo (2010). En effet, elle ne se limite pas seulement au nom.
« Il mâa dĂšs lors semblĂ© prĂ©fĂ©rable de parler de rĂ©pĂ©tition dâordre
lexical plutÎt que de répétition simplement lexicale car il faut
englober non seulement la répétition de mots, mais également
celle de morphÚmes présente dans les dérivés ou de syntagmes ; il
sâagit donc dâune rĂ©pĂ©tition morpho-lexico-syntagmatique »
(Roméo 2010:50).
La rĂ©pĂ©tition est marquĂ©e par une rĂ©duplication qui a une valeur dâintensitĂ©, comme
lâillustrent les exemples (7-9).
7. (séance02_séance de divination collective)
kaa gaaw tĂșmâaa ndaĆ~ndaĆ rek
INJ prĂ©cipiter faireâIMPER.SG doucement~INTS seulement
Ne te précipite pas, fais trÚs doucement (tout simplement).
8. (séance01_divination)
lahâii hay kĂ«âlaak ndok~ndok
hivernageâĂž:DEICT.PROX venir INFâavoir problĂšme~INTS
Lâhivernage va avoir de sĂ©rieux problĂšmes.
9. (séance02_séance de divination collective)
Éuu waa' Éam laak ngĂ« leeki~leeki
2PL vouloir paix avoir PREP maintenant~INTS
Vous voulez quâil y ait paix tout de suite.
10. (séance02_séance de divination collective)
tĂșmâaa ndaĆ rek payâohâcii
faireâIMPER.SG doucement seulement guĂ©rirâAGâc:DEICT.PROX
ÉĂ«rĂ« nĂ« kĂ«âwo' tĂșmâaa ndaĆ
É:EMS avec INFâparler faireâIMPER.SG doucement
Fais attention (seulement), ce sont les devins qui parlent, fais attention.
11. (séance02_séance de divination collective)
aa' erâaaâroo trwasiemâii
INTJ donnerâIMPER.SGâO1SG troisiĂšmeâĂž:DEICT.PROX
wii wii wii lelooânâii
w:DEM.PROX w:DEM.PROX w:DEM.PROX milieuâNâĂž:DEICT.PROX
274 LA DIVINATION - LES METHODES DIVINATOIRES DES NOONS :
FORMES, SENS ET EXPRESSIONS
ndii noo' noo' wii eey ndaaâmĂ«
ici noo' noo' w:DEM.PROX oui la.bĂ sâANA
Ah donne-moi ce troisiĂšme-ci, celui-ci, celui-ci, celui-ci, le milieu, ici, non non,
celui-ci, oui, lĂ -bas.
Lâexemple (10) illustre un assistant qui a Ă©tĂ© rĂ©primandĂ© par un devin pour avoir pris
la parole, ici il nây a pas dâexpression dâintensitĂ©. Lâexpression tumaa ndaĆ Â« fais
doucement » exprime parfois un avertissement quâon peut aussi traduire par « fais
attention ». La répétition peut se réaliser sur plusieurs copies dont le nombre de
copies peut augmenter jusquâĂ ce que lâattention soit portĂ©e sur lâidĂ©e exprimĂ©e.
Dans les exemples (11), la rĂ©pĂ©tition permet dâajouter une intensitĂ© Ă lâidĂ©e qui est
exprimĂ©e mais aussi dâattirer lâattention de lâautre.
- La rĂ©pĂ©tition dâĂ©noncĂ©
La rĂ©pĂ©tition peut porter sur une partie de lâĂ©noncĂ© ou lâĂ©noncĂ© tout entier. Elle
permet de créer une emphase.
12. (séance02_séance de divination collective)
iñâii Éii wate enândii enândii Éara
choseâĂž:DEICT.PROX jusquâĂ aujourdâhui ĂȘtreâNEG ĂȘtreâNEG rien
Rien nâest encore rĂ©alisĂ© jusque-lĂ , rien nâest encore rĂ©alisĂ© jusque-lĂ .
13. (séance02_séance de divination collective)
kaa li' wĂ« ñafa' yungâaa ngĂ«
INJ couvrir w:O3SG chaussure asseoirâIMPER.SG PREP
ÉokâcĂ« mbay yungâaa ngĂ« ÉokâcĂ«
hautâPOSS.3SG Mbaye asseoirâIMPER.SG PREP dessusâPOSS.3SG
yungâaa ngĂ« ÉokâcĂ«
asseoirâIMPER.SG PREP dessusâPOSS.3SG
Ne le couvre pas de chaussures, assois-toi sur lui, Mbaye, assois-toi sur lui, assois-
toi sur lui.
14. (séance02_séance de divination collective)
Éamâii wii sah tesâĂ«n Éamâii
paixâĂž:DEICT.PROX w:DEM.PROX ainsi resterâPARF paixâĂž:DEICT.PROX
wii sah tesâĂ«n
w:DEM.PROX ainsi resterâPARF
Cette paix en fait, Il nây en a pas encore. Cette paix en fait, il nây en a pas encore.
CHAPITRE 13 275
15. (séance02)
faraf hay kĂ«âmey' faraf hay kĂ«âmey'
cadavre venir INFâsortir cadavre venir INFâsortir
Un cadavre va sortir, un cadavre va sortir.
13.6.3. Les particules Ă©nonciatives
Dans cette partie, nous essayons dâĂ©tudier quelques particules Ă©nonciatives (Ameka,
1998) dont certaines ont été déjà présentées (cf. 11).
Tableau 13.1 : Les particules Ă©nonciatives
Particule Ă©nonciative Fonction
âoo particule vocative dâappel
kay, kañ, sah, ndé, dé,
moom
particule dâemphatique
tee particule de suggestion
hen particule de restriction
mon particule performative
- Le vocatif âoo
La particule vocative âoo est uniquement suffixĂ©e Ă des noms de personne, elle
exprime la compassion ou lâironie envers lâallocutaire.
16. (séance02_séance de divination collective)
ngomakâoo tumâaa ndaĆ
NgomakâVOC faireâIMPER.SG doucement
Oh Ngomack, fais doucement !
17. (séance02_ séance de divination collective)
amarâoo malakâaa onâaa amar yĂ« malak
AmarâVOC regarderâIMPER.SG offrirâIMPER.SG Amar y:3SG regarder
Oh Amar, regarde ! Donne Ă Amar ! Il regarde.
Dans les exemples (16-17), la particule âoo exprime de lâironie ; le locuteur
sâadresse Ă lâallocutaire en riant. Cette particule peut ĂȘtre aussi utilisĂ©e lorsque le
locuteur se trouve dans des situations critiques et quâil appelle au secours. La
particule âoo est couramment utilisĂ©e en wolof mais aussi par des sociĂ©tĂ©s
culturellement différentes (cf. Ameka, 1998)
276 LA DIVINATION - LES METHODES DIVINATOIRES DES NOONS :
FORMES, SENS ET EXPRESSIONS
- Les particules kay, kañ, sah, ndé, dé, moom
Les particules emphatiques kay, kañ, sah, ndé, dé, moom sont interchangeables.
Elles se placent aprĂšs lâĂ©lĂ©ment ou Ă la fin de lâĂ©noncĂ© quâelles modifient. Elles
modifient la valeur illocutoire du syntagme ou de lâĂ©noncĂ© tout entier.
18. (séance02_séance de divination collective)
farafâfii fii kay yii
cadavreâf:DEICT.PROX f:DEM.PROX vraiment y:DEM.PROX
Éuyâii nĂ« kĂ«âkaan
personneâĂž:DEICT.PROX avec INFâmourir
Ce cadavre-ci vraiment, celui-ci, câest un homme qui est en train de mourir.
19. (séance02_séance de divination collective)
galâii wooâmĂ« law'âpii nde
pirogueâĂž:DEICT.PROX w:PRESâANA ĂȘtre.propreâNEG vraiment
law'âpii kañ
ĂȘtre.propreâNEG vraiment
Cette figure-lĂ nâest pas du tout propre. Elle nâest pas du tout propre.
20. (séance02_séance de divination collective)
më ndé më mbok në hel
1SG vraiment 1SG ĂȘtre.parent avec Khel
Moi vraiment, moi je partage lâavis de Khel.
21. Séance02_séance de divination collective)
moom kay hay kĂ«âmisĂ«k moom
vraiment vraiment venir PREFâavoir.mal vraiment
Cela, en fait, va ĂȘtre vraiment dur.
22. (séance02_séance de divination collective)
weranteâat ndaĆ~ndaĆ rek moom kay
discuterâIMPER.PL doucement~INTS seulemnt vraiment vraiment
mĂnâoo kĂ«âñak
pouvoirâNEG INFâperdre
Discutons trĂšs doucement, cela, en fait, on ne peut pas lâĂ©viter.
La particule emphatique moom peut ĂȘtre utilisĂ©e comme un anaphorique modifiĂ© par
une particule emphatique. Elle renvoie à une information déjà connue, (21-22). Dans
lâexemple (21), la particule moom est employĂ©e deux fois, dâabord modifiĂ©e par une
particule emphatique, ensuite employée seule (emploi dans lequel elle marque une
emphase).
CHAPITRE 13 277
- La particule tee
La particule tee permet de faire une suggestion. Elle est placĂ©e devant lâĂ©noncĂ©
marquant la suggestion.
23. (séance02_séance de divination collective)
njole tee fĂ« hayâohâoo ndii hayâaa ndii
Njole SUGG 2SG venirâAPPLâNEG ici venirâIMPER.SG ici
Njole, ne viens-tu pas par ici, viens ici.
- La particule mon
La particule mon apparait dans un énoncé déclaratif. Il est toujours accompagné du
verbe wo' « parler ». Cette particule peut avoir une valeur informative ou de vérité.
Elle est plus utilisée dans la séance divinatoire que dans les conversations.
24. (séance02_séance de divination collective)
kĂ«rĂ« tah mĂ« wo'â'aa mon hayâyii kĂ«âen nde
k:EMS.3SG causer 1SG parlerâO2SG PERF venirâNEG INFâĂȘtre vraiment
Câest la raison pour laquelle, moi je te dis quâil ne va pas du tout se produire.
13.7. Conclusion
Dans ce chapitre consacrĂ© Ă la divination nous avons tentĂ© dâĂ©tudier les diffĂ©rents
systĂšmes divinatoires pratiquĂ©s au SĂ©nĂ©gal, pays Ă majoritĂ© musulmane. Lâislam, de
la mĂȘme maniĂšre que le Nouveau Testament et lâAncien Testament, a formellement
condamné la magie. Les religions révélées ne distinguent pas la magie des autres
sciences occultes quâelles considĂšrent toutes comme un culte des diables. Au-
jourdâhui, lâune des pratiques cultuelles les plus lucratives est la divination sous
toutes ces formes (voyance, géomancie, etc.,). Nous avons aussi essayé de décrire
les différentes méthodes divinatoires chez les noon et de présenter les modes
dâexpression de la pratique divinatoire. Il existe une relation dâinterdĂ©pendance
étroite entre le devin, le djinn et la figure géomantique (Fig. 13.5). Le devin
demande de lâaide au djiin pour rĂ©aliser un exploit, ce dernier, grĂące Ă sa facultĂ© de
voler et dâĂȘtre invisible, manipule la figure gĂ©omantique qui va livrer des messages
au devin. Le devin utilise ses pouvoirs mystiques obtenus grĂące Ă un pacte qui le lie
avec le djinn, pour interpréter les signes qui apparaissent dans les figures
géomantiques.
278 LA DIVINATION - LES METHODES DIVINATOIRES DES NOONS :
FORMES, SENS ET EXPRESSIONS
Fig. 13.5
Djinn
Devin Figure (géomantique)
Les noons sont les maĂźtres de lâart de divination au SĂ©nĂ©gal. Ils sont mystiquement
puissants et font de trĂšs grands exploits. Cependant, lâessence de leurs pratiques
divinatoires est en train de disparaßtre du fait que les devins organisent des séances
divinatoires pour des raisons financiÚres. Enfin, nous avons étudié quelques
caractéristiques du discours dans les séances divinatoires.
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Annexes
Photo 1 : Un autel
Photo 2 : Les saltigés du Sine
290 ANNEXES
Photo 3 : Chambre dâun sorcier-guerrisseur
Photo 4 : Un devin crée des « maisons » géomantiques
ANNEXES 291
Photo 5 : Un devin interpréte les figures dans les « maisons » géomantiques (a)
Photo 6 : Un devin interpréte les figures dans les « maisons » géomantiques (b)
292 ANNEXES
Photo 7 : Un devin interpréte les figures dans les « maisons » géomantiques (c)
Photo 8 : Les figures dans les « maisons » gĂ©omantiques avec une bouteille dâalcool
ANNEXES 293
Photo 9 : rituel thérapeutique (a)
Photo 10 : rituel thérapeutique (b)
294 ANNEXES
Photo 11 Lieu aménagé pour la séance divinatoire collective
Photo 12 : Lâassistance pendant la cĂ©rĂ©monie de divination collective
ANNEXES 295
Photo 13 : PriÚre du début de la séance de divination collective
Photo 14 : Création des « maisons » géomantiques pendant dans la séance divina-
toire collective
296 ANNEXES
Photo 15: « Maisons » géomantiques
Photo 16: Création des figures dans les « maisons » géomantiques pendant dans la
séance divinatoire collective
ANNEXES 297
Photo 17 : Esprit malveillant neutralisĂ© et envelopĂ© dans une feuille de lâarbre du
satan (a)
Photo 18 : Esprit malveillant neutralisĂ© et envelopĂ© dans une feuille de lâarbre du
satan (b)
298 ANNEXES
Photo 19 : Esprit malveillant brûlé (a)
Photo 20 : Esprit malveillant brûlé (b)
ANNEXES 299
Photo 21 : Le symbole de la fin de la cérémonie divinatoire collective
Summary
Noon is an Atlantic (Saafi) language spoken in ThiĂšs area by approximately 32,000
speakers (Ethnologue 2007). The population has decreased considerably (Wane
2008) since the language is no longer transmitted to younger generation. The name
is used by the speakers in reference to both their ethnic group and their language.
This thesis provides a description of cangin-noon, one of the dialects of noon, which
focussed on several aspects of the language : the grammar, cultural events,
narratives and riddles. The analysis is based on the collected data that are part of the
thesis. The data comprises of various types of communicative events recorded in
audio and video formats supplemented with data from elicitations. A large number
of the data (15 hours) were transcribed and translated into English and/or French and
is currently being archived in an electronic format available for future studies at the
Endangered Languages Archive (ELAR) at SOAS, University of London. This aim
was motivated by some urgency because the language, the culture and the tradition
are disappearing.
The thesis is divided into 8 main parts including the language and its speakers,
nominals and noun phrase, verbal morphology, ideophones, interjections and
linguistic routines, basic syntax and divination.
Chapter 1 introduces the language and its speakers, presents the fieldwork and data
collection and outlines the methodology adopted throughout the thesis.
Chapter 2 gives information on the segmental phonology and the phonological
processes of noon. The most phonological features are the consonant distributions,
the vowel harmony based on ATR feature and the consonant and vowel length. I
also discuss some phonological processes including vowel and syllable deletion. I
present a critical overview of stress and tone including previous discussions on this
subject (see Lopis-Sylla 2010 et Soukka 2000).
Chapter 3 deals with the nominal morphology. I discuss the root, the compound
nouns, the reduplication, which is the process of copying all of a root and the
derivational suffixes of the nouns.
Chapter 4 consists of critical overview of nominal classification. Little study has
been done on the noun class system (see Lopis-Sylla 2010 and Soukka 2000).
However, there are some irregularities and discrepancies with regard to the number
and the delimitation of the noun class markers. I further investigate the nominal
classification that consists of two agreement systems for nouns : one for modifiers
that are attached to the noun and one for modifiers that are separate. The first
agreement system is a typical Niger-Congo noun class system : an overt gender
302 LA GRAMMAIRE DU NOON
system with partial semantic motivation and singular/plural class pairings. The
second system, for agreement further away from the head noun, has an additional
agreement singular/plural class pair for human nouns.
Chapters 5 and 6 focus on pronouns. Pronouns exhibit ±human distinctions. The
subject pronouns are free pronouns that appear in isolation in the subject position.
The first personal pronoun plural has inclusive versus exclusive distinctions. The
object pronouns show ±human distinctions : the +human object pronouns are bound
pronouns suffixed to the verb and the âhuman object pronouns are free pronouns
that show agreement with the noun they refer. Some interrogative pronouns exhibit
±human distinctions ; others show agreement with the noun they refer.
Chapter 7 deals with two types of possessive constructions : possessive contruction
with juxtaposition and possessive construction overtly marked by a genitive
modifier. There are two types of genitive modifiers CĂ«Ć and Cuu, they can be used
as possessive pronominal clitics. The genitive modifier CĂ«Ć is attached to a head
noun and the genitive modifier Cuu is separate to the head noun. The latter shows a
distinction in the diminutive and human features.
Chapter 8 presents prepositions and prepositional phrases. The prepositions nĂ« âand,
withâ and ngĂ« âin, to, onâ are quite used in noon because of their several functions.
They can form prepositional phrases when followed by temporal and/or locative
nouns.
Chapters 9 and 10 consist of an overview of verbal morphology : derivational
suffixes, conjugational affixes, auxiliaries and particles. I present previous studies
on the derivational suffixes and I discuss in details their forms and functions. There
are an important number of derivational suffixes. Verbs can be modified by one or
more derivational suffixes ; I discuss their order and propose some combinations.
The conjugational system is predominantly aspectual. Tense and aspect markers are
presented and discussed.
Chapter 11 is concerned with ideophones, interjections and linguistic routines. I first
discuss the phonological and morphological structures of ideophones. Ideophones
comprise of one or two syllables with long vowels : CVVC or CVVCVVC. They
can be marked by the repetition of all or part of the root to express intensity.
Ideophones play an important syntactic role ; they may function as adverbs
following specific verbs or as predicates. Second, I present inerjections classifiying
them into three functions : expressive interjection, phatic interjections and conative
interjections (Ameka 1992). Third, I discuss some linguistic routines in greetings,
leave-taking, folktales and riddles.
SUMMARY 303
Chapter 12 presents a brief discussion of simple and complex clauses. There are two
types of simple clauses: verbless and verbal clauses. The verbless clauses comprise
of equative construction, existential construction, presentative construction and
locative construction. I describe the basic structure for verbal clauses and discuss the
types of complex clauses.
Chapter 13 deals with divination from a multi-modal and linguistic perspective. I
first present the various divination systems in Senegal and focus on noon
divinationâs methods. There are three types of divination seances in noon: (1)
therapeutic divination consists of using curative plants to treat disease; (2) private
divination is performed to diagnose problems of individual; (3) public divination
takes place in the bush but nowadays it is often performed in a field of the village.
The diviners considered as âelitesâ take part in the sĂ©ance. The public divination is
performed prior to some events (naming ceremony, marriage, death, etc.). The aim
is to protect the community against harming forces. I try to investigate the divinatory
techniques of noon. There are four geomantic âhousesâ in which geomantic figures
can be set up in even or odd numbers. The even figures are called witnesses and the
odd figures are a reproduction of houses 2 and 4; the third and the fifth in the odd
figures represent the judge, called koh by noon diviners. In noon divination, the
geomantic figures can be sum up into three with regard to their symbolic
characteristics and functions :
The geomantic figure 1 represents the place where diviners make the request. It
symbolizes the witness ; it shows diviners what they are looking for. This figure is
characterized by instability, i.e., everything that is placed in this figure is exposed to
tribulations. The geomantic figure 2 is the place where findings are shown. It is also
the arena where diviners combat evil spirits. It is stable and mobile because it is
influence by its environment. For instance, the geomantic figure delivers a message
that may not be effective only having protected it against other maleficent forces
that prevent its realization. The geomantic figure 3 represents koh âgodâ; it is stable
and invariant. It is the judge. It confirms a message delivered by a geomantic figure
and pronounces the sentence.
Nederlandse samenvatting
Noon is een Atlantische (Saafi) taal die gesproken wordt in ThiĂšs en omgeving door
ongeveer 32.000 sprekers (Ethnologue 2007). Het aantal sprekers is behoorlijk
teruggenomen aangezien de taal niet langer door kinderen wordt geleerd. De naam
Noon geldt voor de taal en ook voor de etnische groep.
Dit proefschrift omvat een beschrijving van Cangin-Noon, een van de dialecten van
het Noon en het geeft extra nadruk op verschillend onderdelen van de taal zoals de
grammatica, culturele evenementen, verhalen en raadsels. De analyse is gebaseerd
op een documentatie van de taal dat als onderdeel van het proefschrift dient te
worden gezien. Deze gegevens bestaan uit verschillende vormen van talige interactie
die zowel audio als video zijn opgenomen; ze zijn aangevuld met gegevens uit
elicitatie. Een groot deel van deze gegevens zijn getranscribeerd en vertaald naar het
Engels of Frans (15 uur), en zijn gearchiveerd in een digitaal formaat in het
Endangered Languages Archive aan het SOAS, University of London, dit ten
behoeve van toekomstig onderzoek. De reden voor de archivering is ook het feit dat
veel van de gedocumenteerde culturele praktijken aan het verdwijnen zijn.
Het proefschrift is verdeeld in 8 delen omvattende de taal en haar sprekers,
naamwoorden en nominale groepen, werkwoordsmorfologie, ideofonen, interjecties
en standaard uitwisselingen, basissyntaxis, en tot slot een hoofdstuk over divinatie.
Hoofdstuk 1 introduceert de sprekers, de methodes van gegevensverzameling en de
werkwijze die in de thesis is toegepast.
Hoofdstuk 2 geeft informatie over de fonologie en de fonologische processen in het
Noon, met name lengte van klinkers en medeklinkers, ATR klinkerharmonie en de
verdeling van medeklinkers. Ik bespreek de processen van klinker en
lettergreepdeletie en ik geef een overzicht van stress en toon en de eerdere
behandelingen van dit onderwerp.
Hoofdstuk 3 gaat over de nominale morfologie. Ik bespreek de naamwoordelijke
wortel, samenstellingen, en reduplicatie. Deze reduplicatie neemt de derivationele
achtervoegsels mee.
Hoofdstuk 4 behandelt de naamwoordclassificatie die eerder kort besproken is door
Lopis-Sylla (2010) en Soukka (2000). Mijn analyse is anders in detail van de
onregelmatigheden en het aantal van de klasmarkeerders. Ik laat bovendien zien dat
er twee concordantiesystemen zijn : een voor de modificeerders die gebonden zijn
aan het naamwoord en een voor die die apart staan, ongebonden zijn. Het
eerstgenoemde concordantiesysteem is het typische Niger-Congo
naamwoordklassensysteem: een overt geslachtstelsel met enkelvoud/meervoud
306 LA GRAMMAIRE DU NOON
paring en deels semantische motivatie. Het tweede systeem voor concordantie op
afhankelijke elementen die verder van het naamwoord staan maakt een onderscheid
menselijk/niet-menselijk en enkelvoud/meervoud.
Hoofdstukken 5 en 6 gaan over voornaamwoorden, die dus menselijk/niet-menselijk
onderscheiden. Subject voornaamwoorden zijn ongebonden en staan in subject
positie. Eerste persoon meervoud maakt een onderscheid inclusief en exclusief
aangesprokene. De menselijke objectvoornaamwoorden zijn gebonden aan het
werkwoord terwijl de niet-menselijke vormen ongebonden zijn en
klasseovereenstemming vertonen met het naamwoord waarnaar ze verwijzen. De
vraagwoorden komen in beide systemen voor : concorderend met menselijk/niet-
menselijk of met naamwoordklasse.
Hoofdstuk 7 behandelt twee soorten possessiefconstructies: met en zonder genitief
markeerde. Er zijn twee soorten genitieve clitica: CĂ«Ć en Cuu (waarbij C varieert
naar gelang naamwoordklasse) ; de eerste is gebonden, de tweede vrij en kan ook
diminutief aanduiden.
Preposities en prepositionele groepen staan in hoofdstuk 8. De prepositie nĂ« âen,
metâ en ngĂ« âin, naar, opâ worden beide veel gebruikt gezien hun ruime functie.
Hoofdstukken 9 en 10 behandelen de werkwoordsmorfologie: Derivationele
achtervoegsels, conjugatie-affixen, hulpwerkwoorden en partikels. Ik bespreek de
vele derivationele achtervoegsels in detail en tegen het licht van eerdere analyses; ik
bespreek ook de combinatoriek van deze achtervoegsels. Het conjugatiesysteem
markeert aspectuele verschillen. De verschillende markeerders worden behandeld.
Hoofdstuk 11 gaat over ideofonen, interjecties en standaard uitwisselingen zoals
begroetingen. Ik bespreek de fonologische en morfologische structuur van
ideofonen. Ideofonen hebben Ă©Ă©n of twee lettergrepen met lange klinker en iedere
lettergreep van de wortel kan geredupliceerd worden om intensiviteit uit te drukken.
Ideofonen functioneren als bijwoorden in combinatie met specifieke werkwoorden;
of ze functioneren als predicaat. Bij de interjecties onderscheid ik drie functies
expressieve, fatische en conatieve interjecties volgens het model in Ameka (1992).
Tenslotte inventariseer ik standaard uitwisselingen in begroetingen en afscheid
nemen maar ook in sprookjes en raadsels.
Hoofdstuk 12 behandelt eenvoudige en samengestelde zinnen. De eenvoudige
zinnen zijn onderverdeeld in naamwoordelijke en werkwoordelijke. De eerste zijn
verder onderverdeeld in identiteit, existentiële, locatieve en presentatieve
constructies. Ik beschrijf de structuur van werkwoordelijke zinnen en die van
complexe zinnen.
NEDERLANDSE SAMENVATTING 307
Hoofdstuk 13 is gewijd aan de culturele praktijk van divinatie met een nadruk op
multimodale communicatie. Na een overzicht van divinatiemethodes in Senegal ga
ik dieper in op die bij de Noon. Er zijn drie soorten van divinatie bij de Noon: (1)
therapeutische divinatie die uitmonden in een advies hoe en met name met welke
medicinale planten een ziekte te bestrijden; (2) private divinatie met als doel de
problemen van het individu te diagnosticeren; (3) publieke divinatie, vroeger vaak in
natuur maar nu steeds vaker op een veld in het dorp uitgevoerd. De waarzeggers
worden gezien als een elite. Publieke divinatie vindt vaak plaats vóór een
belangrijke gebeurtenis zoals een naamgevingsceremonie, een huwelijk of een
begrafenis met als doel de bevolking te beschermen tegen kwade krachten. Ik doe
een poging de waarzegtechnieken van de Noon te onderzoeken: er zijn vier
geomantische âhuizenâ waarbinnen geomantische figuren gezet kunnen worden in
even of oneven aantallen. De even aantallen worden getuigen genoemd en de
oneven zijn een afbeelding van huizen 2 en 4; het derde ne vijfde figuur
representeren de rechter, koh genoemd door de Noon waarzeggers). Er zijn drie
groepen van geomantische figuren in termen van symbolische functie: Figuur 1 staat
voor de plaats waar de waarzeggers een verzoek doen en symboliseert de getuige;
het laat zien waar de waarzeggers naar op zoek zijn. Dit figuur wordt gekenmerkt
door instabiliteit: alles wat in dit figuur wordt geplaatst kent onheil. Geomantisch
figuur 2 is de plaats van resultaten en de arena waarbinnen de waarzeggers kwade
krachten bestrijden. Het is stabiel maar ook mobiel omdat het wordt beĂŻnvloed voor
de omgeving. Het figuur kan bijvoorbeeld een boodschap afgeven dat pas effectief is
na bescherming tegen kwade krachten. Geomantisch figuur vertegenwoordigt koh
âgodâ; het is stabiel en onveranderlijk. Het is de rechter, bevestigt een boodschap
van een figuur en formuleert het oordeel.
Curriculum vitae
Mohamadou Hamine Wane est né le 4 Avril 1075 à ThiÚs, Sénégal. Il a terminé ses
Ă©tudes secondaires au lycĂ©e Malick Sy de ThiĂšs en 1998 avec lâobtention du
Baccalaureat SĂ©rie A3. Il sâincrit Ă lâuniversitĂ© Cheikh Anta Diop de Dakar en 1999
oĂč il obtint une maĂźtrise en Anglais, option littĂ©rature et civilisations africaines en
2005. En 2007, il obtint une maĂźtrise en Linguistique suivi dâun DiplĂŽme dâEtudes
Appronfondies (DEA) en Linguistique en 2008. Il obtint le Certificat dâAptitude
dâEnseignement Moyen (CAEM) en 2010. Depuis 2005, il est professeur dâAnglais,
il enseigne au lycée de Médina Fall, ThiÚs. Il a enseigné comme vacataire au
dĂ©partement dâAnglais Ă lâuniversitĂ© Cheikh Anta Diop de Dakar en 2015. De 2010
Ă 2015, il a prĂ©parĂ© sa thĂšse Ă lâuniversitĂ© de Leiden, Pays-Bas. Il a reçu une bourse
de Endangered Languages Documentation Programme (ELDP) pour diriger un
projet de recherches sur la documentation du noon de 2011 à 2014 qui a été la base
de cette thÚse. Il est marié et a quatre enfants, un garçon et trois filles.