la déesse isis et son odyssée en europe occidentale 86 · ankh n°17 année 2008 2 thomas l....

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La déesse Isis et son odyssée en Europe occidentale 86 _________________________________________________________________________ Nouvel Empire, 19 e dynastie : détail du plafond astronomique de la tombe n° 17, Vallée des Rois, Thèbes, appartenant au Pharaon Seti Ier (1294-1279 avant notre ère), père de Ramses II Mery-Amon Ouser-Maât-Râ Setep-en-Râ. Ce détail astronomique représente la déesse Isis comme Étoile Sirius, liée aux inondations limoneuses du Nil nourricier. La Vierge Marie, dans le rituel de l'Église catholique, est aussi célébrée comme Étoile de mer (“Ave maris stella”) et Mère nourricière de Dieu, l'Enfant-Jésus. Isis était aussi la divine patronne des marins, des navigateurs, à la période gréco-romaine (332 avant notre ère - 395 de notre ère). _________________________________________________________________________ ANKH n°17 année 2008

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  • La desse Isis et son odysse en Europe occidentale 86 _________________________________________________________________________

    Nouvel Empire, 19e dynastie : dtail du plafond astronomique de la tombe n 17, Valle des Rois, Thbes, appartenant au Pharaon Seti Ier (1294-1279 avant notre re), pre de Ramses II Mery-Amon Ouser-Mat-R Setep-en-R. Ce dtail astronomique reprsente la desse Isis comme toile Sirius, lie aux inondations limoneuses du Nil nourricier. La Vierge Marie, dans le rituel de l'glise catholique, est aussi clbre comme toile de mer (Ave maris stella) et Mre nourricire de Dieu, l'Enfant-Jsus. Isis tait aussi la divine patronne des marins, des navigateurs, la priode grco-romaine (332 avant notre re - 395 de notre re).

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    La desse Isis et son odysse en Europe occidentale

    Thophile OBENGA _________________________________________________________________________

    Rsum : Platon, Tacite, Novalis et Grard de Nerval, d'une part, d'autre part, Grecs, Romains, Gaulois et Germaniques, tous ont reconnu et clbr la desse gyptienne Aset (forme grcise : Isis). C'est dire la profonde et durable influence de la Spiritualit de l'gypte pharaonique sur les peuples dOccident, des Balkans aux Pyrnes, et de l'Italie antique en Germanie romaine. Le culte de Marie de l'glise catholique romaine a lui-mme pour prototype direct les cultes isiaques. L'archologie confirme les dpositions des auteurs anciens. Cette tude rassemble l'essentiel des tmoignages crdibles, passs au crible de la critique historique et du bon sens. Summary: The Goddess Isis in her Western European Peregrinations - Plato, Tacitus, Novalis, and Grard de Nerval, as well as Greeks, Romans, Celts of ancient Gaul, and indigenous tribesmen of the land we know as Germany, all have come to give recognition to the Egyptian goddess and freely celebrate Aset (converted into a Greek form as Isis). It means that Pharaonic Spirituality had a far-reaching influence on Western societies from the Balkan Peninsula to the Pyrenees (between France and Spain), and from Rome up to Germany, and the Roman Catholic cult of Mary itself has as early and direct prototype the cult of Isis. On this critical issue, archaeological data and written records are conclusive in the light of historical analysis and explanation.

    1. Introduction Isis et ses mtamorphoses

    La desse gyptienne Aset, grcise en Isis, et dont le nom s'crit avec le symbole "Trne" en hiroglyphe, porte beaucoup de titres et d'attributs : - Sur et pouse (senet, hemet) du dieu Osiris, Matre de la Vie ternelle, Matre des Secrets spirituels de l'immortalit divine ; - Mre du Dieu (mout netcher), i.e. de l'Enfant divin Horus, Protecteur divin des dynasties et familles royales pharaoniques, gyptiennes et nubiennes ; - Dame du ciel (nebet pet), c'est--dire Reine des Cieux, Grce fminine divine dans l'Ordre transcendant ; - Souveraine des dieux (nebet netcherou), c'est--dire Matresse des Secrets divins, Matresse des Savoirs absolus, des Sagesses primordiales. Toutes les desses du panthon gyptien incarneront des aspects essentiels d'Isis : Neith, nergie fminine cratrice ; Hathor, amour, joie, beaut, charme, le tout de faon absolue ; Sekhmet, force fminine protectrice de l'gypte ; Mout, amour maternel d'une parfaite pouse divine ; Seshat, source des symboles sacrs, des connaissances prcises, des sciences et des techniques, des Arts et mtiers, des Lettres, de la Philosophie, des Archives nationales ; Serket, desse de la gurison, de la sant, des savoirs mdicaux ; Tayt, desse du Tissage, de l'Habillement et des cosmtiques ; Meret, desse de la musique et de la _________________________________________________________________________

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    danse ; Nephthys, soeur d'Isis, Matresse du Temple; Renenoutet, desse de la Moisson, de la Nourriture, du monde agraire ; Hesat, desse-vache dont le lait divin fait du bien Pharaon ; Mat, Principe divin fminin de la Justice-Vrit, de la Concordance harmonieuse, de l'quilibre rciproque des lments, de la Droiture et de la Loyaut, de la Rgle d'Etat (lhique politique). Isis reprsente, de ce fait, les Ordres initiatiques aux Mystres gyptiens, la Grce divine, la Bonne Fortune, la Maternit, le Dsir ou Soif des Savoirs vrais, la Stabilit des lments, 1Elan vers 1ternit Isis sera connue, adore, avec temples et rites isiaques, en dehors de la Valle du Nil : en Grce, Rome, en Gaule, en Germanie, et des Pyrnes aux Balkans. Des potes modernes lvoqueront avec ferveur, tels Novalis et Grard de Nerval.

    2. Platon, les arts d'gypte et la desse Isis En dehors de l'gypte mme, Platon peut tre considr comme le premier critique d'art pharaonique, et il va immdiatement l'essentiel, sensible qu'il est l'Ide du Beau gyptien (nefer). La libert des potes, musiciens, artistes, danseurs, sculpteurs et peintres grecs contraste singulirement avec la tradition millnaire gyptienne qui est, en matire d'art (musique, danse, peinture, sculpture) d'innover () et d'inventer () le moins possible. Et pourtant, peintures () et sculptures () d'il y a 10.000 ans () sont aussi magnifiques que les oeuvres de nos jours. L'art de l'poque sate fut en effet une sorte de renaissance des esthtiques memphites de l'Ancien Empire. Comment expliquer une telle permanence artistique du Beau travers des millnaires ? Comment le canon des proportions de l'gypte pharaonique a-t-il pu durer plus de 35 sicles ? Pourquoi une telle longvit de la tradition esthtique ? L'Ordre transcendant, seul, doit en tre le support rel, tel est l'avis de Platon : ceci ne peut tre que 1'uvre d'un dieu ou d'un tre divin ( ) On pense Mat ou Seshat, Platon nomme Isis : Selon ce qu'on dit exactement l-bas ( ), c'est que les mlodies conserves depuis si longtemps sont des uvres d'Isis1. Isis, gardienne de la Tradition esthtique gyptienne, des millnaires durant. Isis, inspiratrice divine de l'Art gyptien. D'o le caractre stable et, bien entendu, divin de cet

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    1 Platon, Les Lois, 657 a-b : . La langue de Platon est admirable : 1'expression indiquant le temps, , longtemps, ne prend gnralement pas l'article ; or Platon emploie l'article avec valeur de dmonstratif, pour renforcer le dmonstratif , tour typique de la prose attique, pour dire : travers tout ce laps de temps, depuis si longtemps, pour ce long temps les mlodies ( ) qui ont t prserves () ont t des crations () issues d'Isis.

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    Art africain de la Valle du Nil. En toutes ses oeuvres, cet Art gyptien prsentifie la vie. C'est un Art vivant, un Art qui fait vivre le rel, un Art qui combine le beau et le divin, dans ses proportions symtriques, ses divisions canoniques gomtriques. Isis est la divine Mre des arts de la civilisation pharaonique. Un principe divin guide les travaux des artistes gyptiens : c'est Isis, dont le culte sera rpandu dans le vaste monde grec au IVe sicle av. notre re2.

    3. Temple dIsis Pompi et culte isiaque prototype du culte catholique de Marie

    Ancienne ville de la Campanie, quelques kilomtres au sud-est de Naples, dtruite par une ruption volcanique du Mont Vsuve en 79 de notre re, Pompi avait un grand temple en 1'honneur de la desse gyptienne Isis. Ce temple fut reconstruit aprs l'ruption du Vsuve. Prtres et prtresses africains noirs y clbraient les cultes isiaques en compagnie de leurs homologues blancs, galement membres du clerg isiaque. Pour certains rites, l'eau des libations tait transporte dans de grandes jarres depuis le Nil africain. On demandait Isis bonne fortune, chance, succs, sant, bonheur et, aussi, sagesse. Le culte isiaque a prcd, de loin, le culte chrtien marital en l'honneur de la Vierge Marie, Sainte Mre de Jsus, le Divin Enfant ; Isis est desse, Marie est seulement sainte, quoique mre de Dieu fait chair. On a ce schma qui tablit des correspondances plausibles :

    1 Isis Marie 2 desse femme humaine mortelle 3 fille du dieu Geb et de la desse Nout fille de Joaquim et Anne 4 pouse d'Osiris, dieu pouse de Joseph, humain 5 conception miraculeuse, immacule conception miraculeuse, immacule

    6 naissance de l'Enfant-Dieu du nom d'Horus (Heru) naissance de l'Enfant-Dieu du nom de Jsus

    7 Horus, roi d'gypte, et tout Pharaon est Horus Jsus de Nazareth, roi des Juifs, l'Oint, le Messie

    8 la Sainte Famille : Osiris-Isis-Horus la Sainte Famille : Joseph-Marie-Jsus 9 rsurrection osirienne rsurrection chrtienne

    10 Horus-Roi (fils dIsis) Christ-Roi (fils de Marie) 11 Isis, Souveraine des Cieux Marie, Reine des Cieux 12 Isis, la Dame (nebet) Marie, Notre-Dame 13 Isis, sa mre est Nout, Ciel Ascension de Marie au Ciel 14 Horus, Enfant divin unique dIsis Jsus, Enfant divin unique de Marie

    15 culte isiaque, forme de pit pharaonique culte marital, forme de pit chrtienne, catholique 16 icnes : Isis et l'Enfant divin Horus icnes : Marie et l'Enfant divin Jsus

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    2 Thomas L. Pangle, The Laws of Plato, translated, with Notes and an interpretative Essay, Chicago, Londres. The University of Chicago Press, 1980, 1988, p. 519, note 11. Cf. galement : Pierre-Maxime Schuhl, Platon et LArt de son temps (Arts Plastiques), Paris, PUF, 2 e dition, 1952, XXIV-141 p.

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    Le paradigme gyptien, pharaonique, est trs antrieur au modle chrtien (catholique, orthodoxe) : le culte marital est une adaptation culturelle et historique du culte isiaque. C'est vident.

    4. Tacite, la Germanie et Isis Historien et orateur romain, Tacite (Caus Cornelius Tacitus), naquit vers l'an 54 ou l'an 55 de notre re. Son oncle avait pri sous les feux volcaniques du Vsuve, en l'an 79 de notre re. Il se maria avec la fille d'Agricola, futur commandant romain de la Bretagne avec la dignit de pontife ; le pontificat tait cette poque le couronnement de la vie politique romaine. Tacite est un trs grand crivain. Il est pntrant. Il prend la nature sur le fait. Il aime tout expliquer, avec finesse. II s'adresse en mme temps la raison, au cur, l'imagination. La richesse de son style montre que la pense est infinie. Tacite cultive un amour non feint de la libert. Son ouvrage qui nous intresse ici, crit en 98 de notre re, est la Germania/Germanie, situe au del du Rhin. Les Germains semblent tre indignes (ipsos Germanos indigenas crediderim). Beaucoup de tribus : les Sarmates (Pologne et une partie de la Russie actuelle), les Daces (Roumanie, Transylvanie et Bessarabie actuelles), les Marses (entre la Ruhr et la Lippe), les Gambriviens (sur les bords mmes de la Ruhr), les Suves (entre l'Elbe et la Vistule, le Danube et la mer Baltique), les Vandales (entre l'Oder et la Vistule). Tant d'autres tribus : les Oses, les Trvires, les Nerviens, les Ubiens, les Chattes, les Usipiens, les Bructres, les Chamaves, les Dulgubniens (dans la rgion de la ville actuelle de Hanovre), les Frisons, les Chauques, les Cherusques, les Cimbres (les ctes occidentales du Danemark actuel), les Semnones, les Langobards, les Rendignes, les Aviones, les Eudoses, les Suardones, les Nuithones, les Hermondures (de la Bavire du Nord), les Naristes, les Marcomans, les Boens (la Bohme), les Quades (Moravie actuelle), les Marsignes (de la Silsie), les Cotins (dans la Hongrie), les Gotons (dans l'ancienne Prusse orientale), les Suiones (sud de la Scandinavie), les Estiens, etc. Il n'y a pas que 1''Afrique avoir des damiers tribaux l'infini. Un mme peuple peut se diversifier et s'parpiller sur un immense territoire. C'est le cas des Bantu, parlant des dialectes d'une ancienne langue commune, du Cameroun au Cap de Bonne Esprance, de la Guine quatoriale aux Seychelles. Revenons la Germanie, pays aux aspects divers. Varies galement les coutumes. Par exemple, les femmes des Germains poussent leurs hommes au combat, et prsentent leurs poitrines aux fuyards (et objectu pectorum) : Ils (les Germains) croient mme qu'il y a dans ce sexe(fminin) quelque chose de divin et de prophtique3. Le sexe de la femme est saint, divin et prophtique. Les prdictions sont donc prises au srieux. Chez les Germains Bructres, entre la Ruhr, la Lippe et l'Ems, la dame Vlda tait une clbre prophtesse : elle fut longtemps honore comme une divinit. Plus

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    3 Tacite, La Germanie, texte tabli d'aprs Burnouf, traduit par Andr Cordier, Paris, Garnier Frres, 1949, chap. VIII : Inesse quin etiam sanctum aliquid et providum putant.

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    anciennement (et olim), ce fut la dame Albruna et plusieurs autres femmes (et complures alias) qui furent adores, vnres (venerati sunt). Des dieux germaniques existaient : Wodan, Donar ou Freyr, et Tiu, correspondants respectivement aux dieux romains Mercure, Hercule et Mars. Le culte d'Isis avait t import depuis longtemps Rome. De Rome les rites isiaques gagneront la Germanie : Une partie des Suves sacrifie aussi Isis4. Isis, desse, pouse et sur d'Osiris, mre dHorus, tait identifie chez les Suves germaniques (Souabes ?) la desse Frigg, pouse de Wodan. Chez les anciens peuples germaniques de la Scandinavie occidentale, Frigg ou Frigga est l'pouse de Odin et desse des cieux. Odin ou Odhinn est le dieu suprme, crateur du cosmos et des tres humains. Il est le dieu de la sagesse, de la guerre, des arts, de la culture et des morts. Il est l'quivalent du dieu teutonique Wodan ou Woden, Le parallle peut tre tabli entre la desse gyptienne africaine et la desse nordique germanique :

    1 Isis Frigg ou Frigga, Freya 2 Sur et pouse d'Osiris pouse de Wodan, Woden, Odin 3 Isis, Souveraine des Cieux Frigg, desse des Cieux 4 Osiris, dieu des morts Wodan, Odin, dieu des morts 5 Osiris a apport la civilisation Wodan, Odin, a apport la civilisation

    Il fut assez appropri, pour les peuples germaniques, d'adopter la desse africaine Isis de la Valle du Nil via Rome : il y a concordance des attributs, similitude des fonctions dans l'un et l'autre panthons. Ainsi, dans les annes 98 de notre re, Isis tait adore en Germanie. Les Suves sacrifiaient en son honneur.

    5. Novalis, le Sens de la Nature et Isis Le texte du grand pote allemand est de 1802. C'est sa premire uvre, Les Disciples Sas, une mystrieuse musique des profondeurs5 : Novalis, n en 1772, a juste 30 ans. Le Disciple, c'est le candidat l'initiation aux Mystres : un Myste, prt apprendre les premires leons de la Connaissance. Sas, en ancien gyptien SAw, Saou, est une ancienne ville du Delta du Nil, capitale de la Basse-gypte de 663 525 avant notre re, avec un clbre temple consacr la desse Neith.

    4 Tacite, op.cit., chap. IX : Pars Sueborum et Isidi sacrificat.

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    5 Novalis, Les Disciples Sas. Hymnes la nuit. Chants religieux, traduction et prsentation d'Armel Guerne, Paris, Posie/Gallimard, 1975, p. 35.

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    Or Isis reprsente toutes les desses du panthon pharaonique elle seule. Donc, Neith = Isis. Fonctionnaires d'tat haut placs, membres du clerg, rois et reines ont t initis Sas, aux Mystres pharaoniques, aux rites isiaques, pour recevoir la Lumire l'Orient de cette ville. Novalis ne s'est pas mpris : Sais les Initis, les Mystes, les Disciples demandaient Neith-Isis la Sagesse, la Prudence. De fait, on a en langue gyptienne : sa-t, prudence, sagesse, et Sa-ou, la ville de Sas, avec son Temple de la Connaissance. En effet, le disciple vritable, digne d'tre, Sais (Novalis), doit pouvoir soulever le voile de la Figure d'Isis, afin de comprendre, c'est--dire dcouvrir les Trsors de la Nature : O trouverais-je donc la trs sainte rsidence d'Isis ? Elle ne doit pas tre loin, en pays de connaissance6. Isis procure la connaissance. Il faut aller o elle rside, et subir les preuves initiatiques des Ordres isiaques. Mais le chemin initiatique est pre, rocailleux et abrupt. L'accs au Lieu d'extase se mrite, car les nombreuses salles des Mystres sont pleines de choses extraordinaires (Novalis). La question fondamentale de Novalis, c'est la dcouverte du pays mystrieux et le dchiffrement des signes, des symboles : Je ne le sais pas moi-mme : c'est o rside la Mre des tres, la Vierge Voile. Mon coeur s'embrase et aspire aprs elle7. Isis, Mre des tres, Vierge divine, mais o rside-t-elle, vers quel mystrieux pays ? Les penses les plus puissantes arrivent sur le chemin initiatique : Partout il (le Disciple, le Myste, le Candidat initier) interrogeait sur la desse sacre (Isis) les hommes et les animaux, les rochers et les arbres.8. La Nature entire est soumise au questionnement pour savoir o rside la desse sacre Isis, Mre des tres, Vierge voile, Gardienne des Mystres divins. Il n'y a pas d'initiation srieuse sans Isis. Novalis tablit une correspondance mystique entre la Nature et la Vierge cleste, Isis. Le texte est tonnant : Entrer en relation avec les forces de la Nature, avec les btes, les plantes, les pierres, les tourmentes et les vagues pour les hommes c'est devoir ncessairement tre assimils par elles et cette assimilation, cette transformation et cette rsolution du divin et de l'humain en des forces incontrlables, cela, c'est l'esprit mme de la Nature9. L'esprit de la Nature, divin et humain mls, est ce que le jeune Initi doit, ds le dpart des rites initiatiques, mditer en son me : les forces de la Nature, toute la cration, l'essence de

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    6 Novalis, Les Disciples Sas, op. cit., p. 80. 7 Novalis, Les Disciples Sas, op. cit., p. 59. 8 Novalis, Les Disciples Sas, op. cit., p. 59. 9 Novalis, Les Disciples Sas, op. cit., p. 52.

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    la libert, l o les toiles prennent leur source, le dnouement de toutes les nobles nigmes des divers phnomnes, le Moi de l'Univers qui plane au-dessus des harmonies les plus sereines, l'Ouverture de la Nature l'Initi au Temple de Neith-Isis Sas, le merveilleux grand travail de la Nature, les regards des Initis qui se perdent dans la splendide Lumire divine ... Comprendre le monde des plantes, comprendre les animaux, comprendre les pierres et les toiles, comprendre la danse de la Nature, parcourir le Labyrinthe sotrique, se nourrir des choses magnifiques dans les secrets de la Nature (Novalis), comme les potes, les artistes, les penseurs emplis d'amour, aller plus au fond des mystres de la fluidit (Novalis) : Mais qui a le sens de la Nature juste et exerc ? (Novalis). Isis, desse, mre, vierge, amour originel, avec le pouvoir de cration de Neith, Sas, temple de haute sagesse et des savoirs initiatiques : Isis seule peut rvler ses disciples la vie de tout l'Univers. Suivre le chemin du sanctuaire et chercher la mystrieuse demeure d'Isis, c'est s'initier vritablement, c'est--dire veiller ce Sens de la Nature (Novalis). Depuis 1Antiquit (voir La Germanie de Tacite), les peuples germaniques d'Europe ont toujours manifest une grande vnration pour la Figure divine de l'pouse d'Osiris, Isis, desse nilienne, Figure primordiale des "Vierges noires" et toutes les autres Mamas Guadelupe.

    6. Grard de Nerval et le Temple dIsis de Pompi. Fascination de lOrient Adeptes Liturgie Culte Clerg -

    Initiation aux Mystres Architecture. L'Orient (ex Oriente.lux), le Voyage d'Orient, l'Italie, la Grce, l'gypte des Pyramides, des Temples et des momies magiques et, plus tard, la Terre sainte et Jrusalem10 : noms, lieux, villes et contres lointaines, cependant accessibles, qui ont fascin l'imaginaire occidental pendant des sicles, de l'Antiquit aux Temps modernes. Et le mirage oriental persiste, par-del, la Renaissance, par-del le Romantisme, car la Lumire orientale a toujours clair la sombre et mlancolique Europe occidentale.

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    10 W. H. S. Dennis, Nv Solyma : A Neglected Educational Utopia, in Paedagogica Historica. Revue internationale d'Histoire de la Pdagogie, Gand, XVI, 2, 1976, pp. 241- 261. Il s'agit de la Nouvelle Jrusalem ; Nova Solyma, the Ideal City : or Jerusalem Regained, traduction, introduction et notes par W. Begley, 2 vol., Londres, 1902. Walter Begley a travaill sur un trait allgorique du 17e sicle, crit en latin, par un auteur anonyme, et publi en Angleterre en 1648. Les illustrations sont attribues John Milton (1608- 1674). Nova Solyma est un tat (idal) des Juifs christianiss, dans lequel les charges politiques sont lectives, et le luxe banni (i.e. la corruption). Les citoyens sont des tres moraux, avec des valeurs sres. La raison droite et le Bien rel font que la religion est son plus haut point d'excellence. Chaque individu ralise pleinement toutes ses potentialits, dans la Nouvelle Jrusalem, la Nova Solyma. Mme idal socio-politique dans la Rpublique de Platon, l'Utopie (vers 1518) de Thomas More, la Cit du Soleil / ivitas Solis (vers 1620) de Campanella, la Nouvelle Atlantis / New Atlantis (1627) de Francis Bacon : tous ces ouvrages insistent sur l'ducation avec des "ouvertures" culturelles et scientifiques audacieuses.

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    Tout l'essentiel occidental lui est venu d'Orient : la religion gypto-judo-chrtienne, les rites initiatiques gypto-hellniques, le logos grec (la mthode scientifique), le sens de la vie humaine, le got du Beau (l'Esthtique), l'organisation tatique de l'ducation, le calendrier pharaonique, le papyrus avant le papier, l'alphabet phnicien travers l'criture hiroglyphique gyptienne, le mysticisme, la vie monacale, l'lan vers le Sublime, l'Absolu, Dieu (Ra, Amon-R ; Yah-weh, Jah-weh, Yah-veh, Jah-veh, Elah, pluriel Elhim, El ; Zeus, Jupiter). Et, surtout, l'Espoir gyptien en la rsurrection des Morts l'instar du premier ressuscit de l'histoire de l'humanit, le dieu Osiris ; dj, dans l'Antiquit mme, le Pre de l'Histoire, Hrodote d'Halicarnasse, en Asie Mineure, sur la mer Ege (Mditerrane orientale), avait soulign le fait que l'immortalit de l'me humaine est une invention proprement gyptienne. Ainsi, cet Orient, source de toute vie intellectuelle, morale, spirituelle, thologique, philosophique, initiatique, de l'Europe entire. Quel est l'hritage, aujourd'hui, des anctres directs : Ibres, Gaulois, Celtes, Germaniques, etc., dans les domaines de la religion (spiritualit), de la philosophie, des sciences, de la morale, de l'esthtique, de l'criture, de l'imaginaire relatif l'Au-del ? Aucun calendrier druide n'est en usage aujourd'hui. Il est difficile de compter 200 mots franais d'origine ancestrale, gauloise11. C'est--dire tout le franais n'est que du latin, la langue du Conqurant romain. L'Orient a toujours t au centre des motifs et raisons de la palingnsie ou renaissance occidentale. Du retour de Grce et d'gypte, Grard de Nerval (Grard Labrunie, n Paris en 1808, enterr au cimetire du Pre-Lachaise le 30 janvier 1855) a accompli le voyage rituel au Temple d'Isis Pompi. Une uvre en prose, cristalline, palpitante, presque hallucinatoire, est ne de ce voyage initiatique, prcisment Isis, publie en 1845 sous le titre Le Temple d'Isis. Souvenir de Pompi ; en 1847 sous le titre L'Isum. Souvenir de Pompi ; finalement en 1854, avec ce simple titre Isis, en quatre petits chapitres. Nerval avait lu les travaux de l'archologue allemand Carl August Bttiger, Die Isis-Vesper, et le Voyage Pompi de l'abb Dominique Romanelli (traduit de l'italien, 1829). Grard de Nerval connaissait, bien videmment, les 11 livres des Mtamorphoses ou L'Ane d'or de l'crivain latin Apule (IIe, sicle de notre re). Lucius, le hros du rcit d'Apule, devait obtenir par la magie, donc de force, la vision du divin. Cette faute est punie ; Lucius devient un homme matriel, c'est--dire un animal. Dans cet tat d'animalit, les preuves assaillent Lucius. La chair le perscute. Mais s'tant purifi au terme de ses errances, Lucius obtient de la desse Isis de pouvoir manger le bouquet de roses et de revenir ainsi l'tat initial : L'homme matriel aspirait au bouquet de roses qui devait le rgnrer par les mains de la belle Isis ; la desse ternellement jeune et pure12.

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    11 Pierre-Yves Lambert, La langue gauloise. Description linguistique, commentaire d'inscriptions choisies, Paris, ditions Errance, 2003, 248 p. On lit la page 119 : Le latin s'est impos en Gaule (...). Elle [la Gaule] a peu peu adopt toute la civilisation romaine, sa religion, son organisation sociale, ses proccupations culturelles et artistiques. 12 Grard de Nerval, Les Filles du Feu. Petits Chteaux de Bohme. Promenades et Souvenirs, introduction, notes et dossier par Michel Brix, Paris, Librairie Gnrale Franaise, 1999, Les Filles du Feu. Sylvie, p. 231. Cf. aussi : James Gollnick, The Religious Dreamworld of Apuleius' Metamorphoses. Recovering a Forgotten Hermeneutic. Waterloo, Ontario, Wilfrid Laurier University Press, 1999, chap. 7: Lucius'

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    Cela dans Sylvie, Les Filles du Feu. Dans le sonnet Horus, Les Chimres, Grard de Nerval parle aussi d'Isis, la mre : La Desse sur sa conque dore. En fait, les clarts d'Orient sont trs prsentes dans toute l'uvre nervalienne : - la Reine de Saba, dans Petits Chteaux de Bohme (1853). la majest de son visage oriental ; - beaucoup de rminiscences de la mythologie grecque : Aphrodite qui fait vivre la statue de Galate pour que le sculpteur lgendaire Pygmalion l'pouse (i.e. pouse son propre chef-d'uvre) ; Ixion qui marie un nuage qui a l'apparence de la desse Junon (factie faite par Jupiter) ; Jupiter Ammon ; - la clbre Hypatie, philosophe pythagoricienne ; Anglique, dans Les Filles du Feu ; les mystres d'leusis fondateurs de la religion grecque ; Sylvie, toujours dans Les Filles du Feu, et aussi dans Octavie sur la forme de la pierre d'leusis. Il y a chez Nerval comme un idal mystique. Dans tous les cas, l'crivain, l'instinct infaillible, a le culte de la pluralit des sens, et rclame parfois la possibilit du non-sens. Nerval connut des visions de la folie, des hallucinations, des chimres, -la part d'ombre contenue dans la personnalit humaine (Michel Brix). Voil pourquoi, sans doute, Nerval poursuit toujours et sans cesse, travers l'accessible, l'inaccessible : Isis, la Femme divine, la Desse essentielle, purifie ses adeptes qui n'ont faire qu' son image adore. Isis de Grard de Nerval13 est un texte d'une force rare et, surtout, d'une prcision archologique fascinante. Le renseignement, tel que senti par l'crivain, est hautement prcieux. Voici 1'essentiel. Les adeptes Les adeptes du culte isiaque taient des deux sexes, hommes et femmes, qui assistaient au culte lors des ftes particulires mensuelles et des grandes solennits, ainsi qu' l'assemble et l'office publics, deux fois par jour. Le culte d'Isis Pompi tait donc journalier. L'ordonnance de la liturgie quotidienne Les fidles d'Isis taient admis dans le temple de la desse deux fois, ds la premire heure du jour, pour la prire du matin (les matines), et dans 1'aprs-midi, vers 4 heures, au moment de la fermeture solennelle du temple (les vpres) : au lever du soleil, on clbrait les matines de la desse ; le soir, on souhaitait la desse une nuit heureuse, formule particulire qui constituait une des parties importantes de la liturgie (G. de Nerval). On connaissait l'heure d'aprs la clepsydre et le cadran solaire. La division du temps pour des besoins liturgiques fut aussi une grande proccupation dans l'gypte des Pharaons, terre natale d'Isis.

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    Religious Experience, pp. 127-152. Collection : Sciences Religieuses (SR), vol. 25. Isis se montra sous la forme de la Desse-Lune, en rve, Lucius ; spectacle ravissant au plus haut point. 13 Grard de Nerval, Isis, dans Les Filles du Feu, op. cit., pp. 324-339.

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    La conduite du culte Pour la prire du matin, le temple tait ouvert avec grande pompe (G. de Nerval). Le grand prtre - accompagn de ses ministres, sortait du sanctuaire : tous de lin habills (toles, piviale piscopale). Toute l'ambiance gyptienne du culte isiaque Pompi, au temple d'Isis : encens odorant fumant sur l'autel, doux sons de flte, litanies psalmodies, sons clatants du sistre d'Isis, pantomines et danses symboliques retraant, en partie, l'histoire de la desse, invocations, chants, oraisons. C'est la voix grave et imposante du grand prtre lui-mme qui invitait la prire, le matin, pour les matines, et le soir, pour les vpres. Les offices du matin et du soir taient solennels. Litanies et hymnes taient entonns et chants, au bruit des sistres, des fltes et des trompettes, par un psalmiste ou prchantre qui, dans l'ordre des prtres, remplissait les fonctions d'hymmode14. L'ordre du clerg d'Isis Pompi Grard de Nerval permet d'tablir la hirarchie sacerdotale suivante : - le grand prtre, qui se tient debout au dernier degr du sanctuaire, dans le temple : il levait le principal lment du culte, le symbole du Nil fertilisateur, l'eau bnite, et la prsentait la fervente adoration des fidles15 ; - deux pastophores ou deux diacres porteurs de statuettes, droite et gauche du grand prtre, devant le tabernacle ; - hymmode, prtre qui chante les hymnes sacrs : le prchantre est le premier chantre d'une glise ; - les fidles qui ne participaient pas moins aux offices, aux crmonies, aux rituels initiatiques. Hommes et femmes officiaient, galit. La misogynie ne sied pas une vritable mystagogie (initiations aux Mystres divins). L'initiation aux Mystres isiaques Trois degrs pour parvenir au terme de l'initiation aux crmonies du culte d'Isis, pour ceux et celles qui le dsiraient : - prlude de la conscration la plus sainte des desses de mille qualits et vertus (Grard de Nerval) travers ablutions, jenes, expiations, macrations et mortifications de la chair : degr de purification morale et spirituelle par des exercices prouvants ; ces prparations et s preuves duraient, souvent, un grand nombre de jours (G. de Nerval) ; - introduction aux mystres isiaques, aprs maintes preuves et sacrifices (G. de Nerval) ; - degr suprme : pratiques mystrieuses et impntrables de l'initiation ; Fouet d'Osiris, Vipres d'Isis, Rendez-vous dans les sanctuaires, Agapes, Conscrations. Isis peut sortir de son immensit et parler ses fidles : Je puis seule prolonger ta vie spirituelle au-del des bornes marques. - Je suis, moi, la mre de la nature, la

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    14 Grard de Nerval, Isis, dans Les Filles du Feu, op..cit., p. 328. 15 Grard de Nerval, op..cit., p. 328.

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    matresse des lments, la source premire des sicles, la plus grande des divinits, la reine des mnes... (Apule, Mtamorphoses). Tout Initi accompli, quel que soit son degr initiatique, peut, dans un Lieu dment consacr, faire la glorieuse exprience, au moins une fois, de l'Extase la plus vive : - voyager si loin pour voir trois cercles colors (tre giri - di tre colori, Dante Alighieri) ; la Rose cleste ; - La Nuit de la contemplation (Saint Jean de la Croix) ; - Le suave dnouement du mystre (Novalis) ; - La vie n'est que vision / For life is but a vision (Lord Byron). Autant Isis rsumait elle seule toutes les divinits femelles du panthon pharaonique, autant la desse gyptienne incarnait, toute seule, toutes les autres desses trangres europennes au cours des Mystres isiaques : Isis est Artmis en Grce, Dictynna en Crte, Diana en Italie, de mme qu'elle est Dmter ou Crs, Hra ou Junon, Aphrodite ou Vnus, et aussi Proserpine. Dans la chrtient catholique apostolique et romaine, tout ce qui se rapporte au culte de la Vierge Marie est calqu sur le paradigme culturel et sacr isiaque. Isis est la Mre qui nourrit l'Enfant divin : Isis lactans. Isis favorable aux marins, aux navigateurs, accorde chance et fortune : Isis Fortuna. Isis apporte ses fidles, hommes et femmes, le salut, la rsurrection osirienne : Isis Sauveur, car elle est la Reine du Ciel ; (en latin : Regina coeli, expression calque sur l'gyptien nbt pt, Dame du Ciel). L'architecture du temple d'Isis Pompi Dtruit, reconstruit, le Temple d'Isis Pompi tait situ au Champ de Mars, Campus Martius, derrire les thtres. C'tait le temple le plus frquent dans la ville de Pompi. Grard de Nerval (1854) le dcrit ainsi : - 1'impression d'ensemble de l'crivain : Peut-tre ai-je d au souvenir clatant d'Alexandrie, de Thbes et des Pyramides, l'impression presque religieuse que me causa une seconde fois la vue du temple d'Isis de Pompi (G. de Nerval, Isis) ; - le site du temple : en suivant la voie pave de lave, je retrouverais le temple de la desse gyptienne, situ l'extrmit de la ville, auprs du thtre tragique G. de Nerval, Isis) ; - le complexe sacr du temple d'Isis : une troite cour jadis ferme d'une grille, huit colonnes d'ordre dorique, sans base, soutenant les cts ; dix autres colonnes supportant le fronton : toutes ces 18 colonnes taient encore debout ; deux autels droite et gauche ; et, au fond, l'antique cella (l'endroit o se trouvait la statue de la desse) qui s'lve sur sept marches autrefois revtues de marbre de Paros (G. de Nerval, Isis) ; - le sanctuaire : Le sanctuaire a la forme d'un petit temple carr, vot, couvert en tuiles, et prsente trois niches destines aux images de la Trinit gyptiennes (G. de Nerval, Isis), c'est--dire la Sainte Trinit Osiris-Isis-Horus, modle direct de la Sainte Trinit chrtienne, Dieu le Pre - le Fils - le Saint-Esprit ; - les autels du temple : Deux autels placs au fond du sanctuaire portaient les tables isiaques ; sur la base de la principale statue de la desse, place au centre de la nef intrieure, on lisait sur la plinthe le nom du donateur, L. Gaecllius Phoebus (G. de _________________________________________________________________________

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    Nerval, Isis) : cette statue, actuellement au muse de Naples, reprsente la desse Isis debout, portant un nilomtre dans sa main gauche et un sistre dans la main droite16 ; - la loge des initiations isiaques : Prs de l'autel de gauche, dans la cour, tait une petite loge destine aux purifications ; quelques bas-reliefs en dcoraient les murailles. (G. de Nerval, Isis) ; - les vases l'eau lustrale nilienne : Deux vases contenant l'eau lustrale se trouvaient en outre placs l'entre de la porte intrieure, comme le sont nos bnitiers (G. de Nerval, Isis) : on voit l'origine historique et cultuelle des bnitiers de l'glise catholique apostolique et romaine,-et des glises orthodoxes, - simple fait historique difficile nier ; - la dcoration de l'intrieur du temple : Des peintures sur stuc dcoraient l'intrieur du temple et reprsentaient des tableaux de la campagne, des plantes et des animaux de l'gypte, la terre sacre. (Grard de Nerval, Isis) Magnifique temple d'Isis de Pompi dont on devine tout le sacr, et toute l'importance des Mystres d'Isis, la desse africaine de l'gypte des Pharaons, Les ministres isiatiques, hommes et femmes, avaient leur habitation situe gauche du temple. Leur cimetire se trouvait dans l'enceinte du temple. Voici la prire de de Nerval Pompi comme celle d'Ernest Renan l'Acropole d'Athnes. Le soleil s'abaisse vers Capri. La Lune monte lentement du ct du Vsuve, couvert de son lger dais de fume. - Je m'assis sur une pierre, en contemplant ces deux astres qu'on avait longtemps adors dans ce temple sous les noms d'Osiris et d'Isis et sous des attributs mystiques faisant allusion leurs diverses phases, et je me sentis pris d'une vive motion.(...). Les mortels en sont-ils venus repousser toute esprance et tout prestige et, levant ton voile sacr, desse de Sas ! le plus hardi de tes adeptes s'est-il donc trouv face face avec l'image de la Mort ?17. Osiris, le Soleil, Isis, la Lune : il n'y a pas une seule pense humaine profonde, une seule philosophie srieuse, une seule vraie initiation qui ne fasse tat de la Substance immortelle de la nature humaine, dans la Lumire divine des Bienheureux, - R, en son ternit solaire lumineuse. La tradition philosophico-sotrique de l'gypte des Pharaons a rpandu partout, en Occident, et dans le monde, cette ide de Flicit des Bienheureux, cette Flicit que promettait le suprme degr de l'Initiation, c'est--dire le cinquime degr, qui tait le couronnement de tous les autres degrs initiatiques (Thon de Smyrne). A ce haut degr, l'Initi devient ami de Dieu. Les Initis aux Mystres isiaques et osiriaques taient des Justes (maty), c'est--dire des vertueux maty), des disciples de la Mat elle-mme. La rcompense : la contemplation de

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    16 Les gonflements saisonniers de eaux du Nil, mesurs, avec prcision ds l'poque archaque, vers 4000 ans av. notre re, ont servi par ailleurs d'image littraire dans le monde hellnistique. En effet, on disait de Dionysios de Milet, sophiste au style oratoire trs mtrique et fleuri que douze printemps jaillissaient de ses lvres ou, alors, que sa langue pouvait tre mesure en coudes, comme la monte des eaux du Nil : , Flavius Philostrate (n vers 170 de notre re), Vies des Sophistes, I, 22 texte grec, Loeb Classical Lihrary (LCL), 1921, 1952, ... 2005. 17 Grard de Nerval, Isis, op..cit.. pp. 332-333.

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    la Beaut absolue qu'est l'tre souverain, la vision bienheureuse de l'ternelle lumire divine, la participation la vie splendide de la Sagesse plnire.

    7. Bonheur ternel promis aux initis d'Isis La rcompense divine donne l'me bienheureuse la plnitude de ses aspirations. Dans la Rpublique de Platon, cette rcompense est symbolise par exemple, par un festin des saints, un festin des pieux, des dvots, des purs, c'est--dire ceux et celles qui ont t sanctionns (en bien) par la loi divine : couronns de fleurs (comme rcompense d'une victoire), les hommes et les femmes vertueux prenaient part ce festin ternel, dans les Champs-Elyses18. Cette ide de paradis ternel pour les mes vertueuses, pour les Initis ou les Justes, a t conue et dveloppe, pour la premire fois dans l'histoire de l'humanit, dans l'gypte des Pharaons. Au ciel o sjournent les akhou, c'est--dire les Bienheureux, les Esprits humains diviniss. les imakhou, les tres humains sages et vnrs auprs du Dieu Osiris. les kaou et les baou, les Substances divines dans les tres humains (mes, esprits, puissances divines, nergies cosmiques et divines, etc.), jouissent d'Abondance dans la Contre de Lumire divine : fruits de toute espce, sources d'eau limpide et frache, prairies mailles de fleurs-de-vie (lotus, nnuphars), dialogues divins (L'un de nous est venu nous, - ainsi parlent les Principes divins primordiaux, les neterou), repas dlicieux, festins somptueux : une vie agrable et parfaite (nefer) et un bonheur sans mlange, dans les Champs d'Ialou osiriens. - les Champs lysens. Les initis, les vertueux et les justes occupent des siges d'honneur : ils sont purs et transfigurs en esprits solaires et excellents, dignes de R, le Crateur, merg de lui-mme du Noun, et sa fille tant Mat. Immense et ternel bonheur promis, bien videmment, aux initis et fidles de la Desse Isis, la Souveraine des Cieux. Socrate, pourtant l'homme le plus vertueux (), le plus sage() et aussi le plus juste ( ) au moment de mourir aprs avoir bu la coupe fatale, demande nanmoins aux dieux de faire russir son voyage, son migration, son changement de sjour, d'ici, de cete vie, vers l-bas, vers l'autre monde : Mais() il est en mon pouvoir () - et c'est mme ncessaire ( ) - de faire une prire, au moins, quoi qu'il en soit, aux dieux ( ) pour que notre changement de sjour ( ) d'ici dans l'autre monde ( ), soit heureux ( )19.

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    18 Platon, Rpublique, II, 363 c : , banquet, festin des saints : on buvait jusqu' l'Ivresse ternelle, comme si celle-ci tait une rcompense de la vertu, de l'excellence. 19 Platon, Phdon, 117 c : , . L'impersonnel peut poser problme. Il signifie : il est permis, il est possible de, mais aussi : il est du pouvoir de quelqu'un de (avec infinitif). Il est permis - et mme obligatoire Socrate de faire aux dieux une prire : traduire ainsi, c'est assez ambigu ; tre permis et tre obligatoire ne vont pas vraiment ensemble. Si l'impersonnel , vhicule bien l'ide d'obligation, de ncessit, de besoin impratif, - impersonnel employ en incise, alors il faut donner l'impersonnel prcdent tout le poids : il est en mon pouvoir (), et il le faut ( ), d'adresser une prire aux dieux, que soit heureux notre changement de sjour d'ici-bas vers l-bas, vers l'autre monde : Socrate n'a nul besoin de permission pour prier les dieux, surtout face la mort trs prochaine.

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    Ainsi, le mrite, la vie terrestre russie, n'engendre pas automatiquement la rcompense divine, Socrate semble admettre un certain lment incontrlable, irrationnel, qui est aussi l'arbitraire divin20. Donc, Socrate adresse ses prires aux dieux, et espre que ce qu'il demande puisse tre accord ( ). Et Socrate, le meilleur et le plus heureux des hommes, trs sens et trs juste, d'insister et de dire Criton d'offrir un Coq (alektrun, aussi alektr) en action de grces Esculape, dieu de la mdecine et de la gurison. Le sacrifice n'a rien de ridicule. On fait mme pire dans notre monde moderne et post-moderne scientifique et technologique, La liturgie catholique serait-elle superstitieuse, ftichiste, sauvage, barbare, etc., lorsqu'elle chante encore : Gallo camente spes redit. Le Coq, par son chant, est un symbole de l'ternel espoir. Lactance, Tertullien, etc., fanatiques dfenseurs du christianisme, dans les premiers sicles de l'glise catholique, n'avaient voulu rien savoir de sens dans les dernires paroles de Socrate. Au moment de mourir, Socrate accomplissait, en vrit, des actes bons et saints : prire aux dieux, sacrifice au dieu de la mdecine qui dlivrait de tous les maux l'humanit. Les initis d'Isis reconnaissaient aussi la desse des pouvoirs de gurison.

    Conclusion Au terme de cette exploration studieuse relative la desse Isis, soeur et pouse du dieu Osiris, mort et ressuscit, et mre d'Horus, symbole divin du pouvoir politique et protecteur du Trne des Pharaons, on saisit bien qu'Isis est la Mre par excellence. A cette Mre nourricire divine, on reconnat la puret, la beaut, la grce, la fcondit, la force, la magie, le mystre. Isis est 1'toile Sirius (Sothis), fort brillante au ciel, et lie l'inondation cyclique du Nil, apportant fertilit et abondance. Isis et sa sur Nephthys assistent Osiris au Royaume de la Lumire divine ternelle qui est le Lieu parfait des Morts bienheureux devenus eux-mmes des Osiris. Il faut absolument comprendre qu' la base de la Spiritualit pharaonique, il y a la desse Isis, ses diverses mtamorphoses divines, ses dispositions maternelles gnreuses inpuisables, son immense compassion pour l'humanit. En fait, entre la Divinit et l'Humanit se tient debout la Mre divine Isis en tous ses prodigieux mystres. Tous ont recours Isis : laboureurs, artisans, intellectuels, prtres, rois et reines, pour demander la Chance, la Fortune, le Bonheur, la Vie ternelle. Dans leur qute de l'Essentiel, les tres humains, entre dtresse et espoir, ont tout spontanment recouru Isis, et ont dvelopp son culte, ses mystres initiatiques, son clerg, ses hymnes, sa liturgie : des bords du Nil jusqu'aux pieds du Mont Vsuve, des Balkans jusqu'aux Pyrnes, et de Rome jusqu'en Germanie. Le culte catholique de la Vierge Marie, Mre de Dieu, aussi toile (stella), n'est qu'une continuation, acclimate, adapte, d'un trs ancien culte isiaque : l'gypte pharaonique a donn Rome, et Rome son Empire, et au Christianisme catholique romain. Ainsi fonctionnent les psychologies religieuses dans lhistoire humaine.

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    Voir aussi : Platon, Phdon ou De l'Immortalit de l'me, traduction intgrale et nouvelle avec prolgomnes et notes par Mario Meunier, Paris, ditions Albin Michel, 1952. Les Notes sont souvent longues et prcieuses. 20 Ren Schaerer, Dieu, l'Homme et la Vie d'aprs Platon, Neuchtel, ditions de la Baconnire, 1954, p. 169. Collection : tre et Penser. Cahiers de Philosophie, n7.

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    Temple d'Isis Philae, Aswan, lephantine, Haute-gypte. En 1980, suite la construction du barrage d'Aswan, l'UNESCO avait Lanc un appel et sollicit des souscriptions pour sauver les monuments antiques, menacs d'tre engloutis sous les eaux. Ainsi le Temple d'Isis sur l'le de Philae fut transport sur des hauteurs, loin de la menace des eaux. Ce temple magnifique fut construit la Priode Ptolmaque (305-30 av. notre re). De ce temple, le culte d'Isis gagnera le monde mditerranen grco-romain, et mme jusqu'en Germanie, d'aprs Tacite.

    Salle/Hall hypostyle du Temple d'Isis Philae. A l'origine, les couleurs taient trs vives. Plus que des traces aujourd'hui. Des peintres du 19e sicle avaient tent de reproduire les conditions d'origine. Ce Temple d'Isis Philae est une vritable russite architecturale.

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    Carte de la Baie de Naples (en italique les noms modernes des villes et rgions) : il y avait des temples de la desse gyptienne Isis (Aset) Herculaneum., Pompi et Stabia. Tribus habitant la Campanie (Campagnie) : Osques, Ombriens, Etrusques, Grecs et Samnites. Le volcan du Mont Vsuve explosa en 79 de notre re. Il y avait dj eu un tremblement de terre Pompi en 62 de notre re. Beaucoup de statuettes isiaques furent dcouvertes dans de nombreuses maisons prives. Au moins 20 sanctuaires isiaques furent dcouverts sous les dcombres volcaniques, Pompi. Peintures murales aux motifs gyptiens : Anubis, Bs, Osiris, Horus et Isis elle-mme., ainsi que des crocodiles, ibis et pygmes. Source : Alison E. Cooley et M.G.L. Cooley, Pompeii : A Source Book, Londres, Routledge, 2004. fig. 1.2, p. 7.

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    Plan du temple d'Isis Pompi, site de l'hritage mondial, selon, une dcision de l'UNESCO : beaucoup de touristes sont toujours attirs par Pompi. Le 7 avril 1769, le Roi Ferdinand IV se rendit Pompi, avec la Reine Maria Carolina, l'Empereur Joseph II, le Comte Kaunitz, l'Ambassadeur anglais Sir William Hamilton et le Directeur-Ambassadeur des Antiquits d'Ancrevil : ils assistrent des fouilles. L'archologue La Vega fit voir Sa Majest Royale Ferdinand IV le Temple d'Isis. Dans ce Temple d'Isis, La Vega fit visiter les peintures murales Leurs Majests et Altesses, toutes mues. Source : Alison E. Cooley et M.G.L. Cooley, Pompeii : A Source Book, Londres, Routledge, 2004, fig. 5.1, p. 86. L'ruption du volcan du Mont Vsuve eut lieu le 24 aot, l'an 79 de notre re. Prs de 12000 personnes y trouvrent la mort, Pompi. L'ouvrage de R. E. Witt (1903-1980), abondamment illustr, contient une illustration de la cella : R.E. Witt, Isis in the ancient world, Baltimore et Londres, The Johns Hopkins University Press, 1971, 1997, p. 116.

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    Source : Roger Ling, Pompeii. History, Life and Afterlife, Tempus, 2005, 2007, p. 110, fig. 43.

    Plan du Temple d'Isis Pompi,

    Italie : 1 : le temple pour le

    culte isiaque 2 : le purgatorium,

    sjour initial des candidats et candidates

    l'initiation aux Mystres d'Isis

    3 : ekklesiasterion, lieu d'assemble

    rserv : aux adeptes d'Isis, membres du

    clerg et fidles.

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    Le Temple l'Isis Pompi : aprs le tremblement de terre de 63 de notre re, il fut entirement reconstruit par le trs gnreux Celsinus Numerius Ampliatus, au nom de son fils Numerius Popidus Celsinus ; donc avant la catastrophe cause par les laves du Vsuve en 79 de notre re. Ce temple consacr la desse gyptienne Isis, pour ses dvots grco-romains et africains, hommes et femmes, tait entour de hauts murs, et s'levait derrire les thtres. C'est un temple bien conserv : colonnes, escaliers, autel sacrificiel, petit difice dans ce temple contenant l'eau lustrale du Nil ; salles d'initiation aux mystres isiaques ; vases liturgiques, outils opratoires, statuettes et images, peintures sacres aux murs. Source : Amedeo Maiuri, Pompei, Novara, Instituto Geografico de Agostini, 1951, illustr. n 31, photo : Giovanni Vetti.

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  • La desse Isis et son odysse en Europe occidentale 105 _________________________________________________________________________

    Scne de culte isiaque, au temple d'Isis Pompi : le grand prtre est entour par deux prtres, un Noir et un Blanc, jouant du sistre. Au milieu de la scne, un prtre noir dirige rituellement les chants et prires de l'assistance. Un autre prtre brle l'encens, au pied du sanctuaire. Noirs africains, Blancs (Grecs et Romains), hommes et femmes, clbrent la Divine Mre d'Horus, Isis. Le grand prtre tient des deux mains la cruche sacre contenant la sainte eau du Nil : A chaque bndiction du soir et du matin, le grand prtre montrait au peuple l'Hydria, la sainte cruche, et l'offrait en adoration Grard de Nerval, Isis, 1854-). Source : Carlo Ludovico Ragghianti, Pittori di Pompei, Milan, Edizioni del Milione, 1963, illustr., n73. Naples, Muse national.

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    Culte dans le temple d'Isis provenant d'Herculaneum : prtres et prtresses, Noirs et Blancs, debout, agenouills, clbrent les isiaques, avec grande ferveur. Sistres et ibis, propres aux mystres d'Isis, sont visibles. De Rome, le culte de la desse gyptienne Isis gagnera la Germanie, la Gaule, les Pyrnes, les Balkans, etc. Isis rsumait toutes les desses. Elle tait la Dame du Ciel (nebet pet), titre que prendra plus tard la Vierge Marie, Mre de Jsus, Regina caeli, Reine du Ciel. Source : Karl Schefold, Pompejanische Malerei. Sinn und Ideengeschichte, Ble, Benno Schwabe & C Verlag, 1952, pl. 42. Naples, Muse national. Cf. aussi : P. Marconi, La Pittura dei Romani, Rome, 1929, fig. 108.

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    Carte de la Germanie montrant des sites urbains vous aux cultes religieux : des objets en bronze, nombreux, y furent trouvs, reprsentant dits romaines : Jupiter, Junon, Minerve, Mercure, etc. ; dits celtiques : Rosemerta, Maia (desse de fertilit et d'abondance), etc. ; dits germaniques : Wotan, Thor, Freya, Taranis, Donar, Ziu, etc. ; dits gyptiennes : Apis, Isis. _________________________________________________________________________

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  • La desse Isis et son odysse en Europe occidentale 108 _________________________________________________________________________

    Plaque de bronze trouve Heddernheim (voir carte prcdente), reprsentant Jupiter-aux-armes-grandes, c'est--dire terribles et impressionnantes, au registre suprieur : le dieu est debout, sur le dos d'un taureau pour signifier sa force invincible. Ce qui est intressant ici, c'est le registre infrieur : la desse gyptienne Isis, couronne, sistre dans la main droite, sceptre dans la main gauche, est habille la romaine, debout sur une brebis et flanque de chaque ct de personnages mythiques. La desse Isis tait vnre Heddernheim, une banlieue de Frankfurt, prcisment : au pays des tribus germaniques des Suves (Suebi), ainsi que l'avait trs exactement not Tacite, historien romain. Objet actuellement au Muse de Wiesbaden, Allemagne. Source : Paul MacKendrick, Romans on the Rhine. Archaeology in Germany, New York, Funk & Wagnalls, 1970, p. 176, illustr. 6.16

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  • La desse Isis et son odysse en Europe occidentale 109 _________________________________________________________________________

    Figurine du Taureau sacr Apis de Memphis, l'un des plus sacrs animaux dans la vieille gypte pharaonique : figurine en bronze trouve Obertraubling, au sud-est de Regensburg, sur le Danube (voir carte prdente de la Germanie romaine), aujourd'hui au muse de Regensburg. Les autorits de Rome avaient reconnu officiellement le culte d'Apis dans tout l'Empire. Le Taureau sacr Apis tait l'incarnation du dieu Ptah de Memphis, patron des Arts et Mtiers (sculpture, artisanat, mtallurgie, verrerie, etc.). Source : Paul MacKendrick, Romans on the Rhine. Archaeology in Germany, New York, 1970, p.178, illustr. 6.17

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  • La desse Isis et son odysse en Europe occidentale 110 _________________________________________________________________________

    Vase rituel heset ou senbet au nom du roi Amenemope Ouser-Mat-R Mery-Amon Setep-en-Amon (993-984 av. notre re), 21e dynastie. Fouilles de P. Montet en 1940 Tanis, Delta oriental, tombeau III, spulture du dieu parfait Amenemope, aim d'Osiris, Seigneur d'Abydos (Haute-gypte) o se trouvait lantique sanctuaire d'Osiris, poux et frre d'Isis. Hauteur : 19,8 cm. Muse du Caire : JE 86098. Ce vase comporte cinq parties soudes, toutes en or : la panse avec le col, le rebord embot dans le col, le bec-verseur, le pied qui se termine par un disque qui boucle le vase sacr. On utilisait rituellement ce type de vase pour consacrer l'eau lustrale du Nil, asperger les personnes au cours des crmonies et verser l'eau (bnite) des libations. Des modles de ce vase sacr ont servi aux cultes isiaques romains.

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  • La desse Isis et son odysse en Europe occidentale 111 _________________________________________________________________________

    Statue d'Isis romanise en marbre beige. Elle tient de la main gauche un vase rituel contenant l'eau sacre du Nil, fleuve africain, et un sistre dans la main droite. Muse de Naples, Italie. Source : Alfonso de Franciscis, Il Museo di Napoli, Naples, Di Mauro Editore, 1963, planche c.

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  • La desse Isis et son odysse en Europe occidentale 112 _________________________________________________________________________

    Sistre : ancien gyptien : sSSt, pluriel sSyt (S = sh) grec tardif : seistron driv de l'gyptien latin : sistrum driv du grec C'est un instrument de musique religieuse, dans l'gypte des Pharaons. Bronze dor et incrust, 21 cm de hauteur. Cet instrument est compos d'un manche, surmont d'une tte de desse soutenant un arc que traversent de part en part trois barres horizontales munies d'anneaux. Quand il est secou religieusement, le sistre produit un son saccad, alors les mauvais esprits s'loignent. Des formes drives ont t introduites Rome et dans l'Empire pour les cultes isiaques. Certaines crmonies du Rite chrtien copte utilisent encore de nos jours des types de sistre.

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  • La desse Isis et son odysse en Europe occidentale 113 _________________________________________________________________________

    Image de la reine Nefertari, Aime de la desse Mout et pouse de Ramses II Ouser-Mat-R Setep-en-R (rgne : 1279 - 1212 avant notre re), Nouvel Empire, 19e dynastie. Hall du temple d'Hathor ddi Nefertari, Abou Simbel, Nubie. La reine Nefertari, somptueusement vtue (couronne hathorique, couronne-vautour des reines d'gypte avec uraeus, large collier-ousekh, longue robe moulante), tenant dans la main gauche une fleur de lotus avec tige (symbole du sceptre des reines d'gypte), agit ici dans un contexte rituel : elle est ici la fois prtresse et musicienne d'Hathor, en jouant du sistre, instrument sacr pour 1e culte d'Hathor autant que d'Isis. Le sistre, lment rituel ou crmoniel essentiel, se retrouve sur les reprsentations d'Isis romanise jusqu'en Germanie (voir illustration prcdente). Le culte d'Isis s'est rpandu en Europe occidentale avec le sistre et le mot sistre est lui-mme d'origine gyptienne via le grec.

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  • La desse Isis et son odysse en Europe occidentale 114 _________________________________________________________________________

    Vritable chef-d'uvre dans l'histoire mondiale de l'Art, ce tableau exceptionnel montre la reine Nefertari, Aime de Mout, pouse de Ramses II Mery-Amon Ouser-Mat-R (1279 - 1212 avant notre re), entre la desse Hathor, Dame de Ibshek, Matresse de tous les dieux, devant Nefertari, et la desse Isis, Mre de Dieu, derrire la reine : les deux personnages fminins divins assurent la monte au ciel de la reine Nefertari, elle-mme divinise. Hathor et Isis ont exactement les mme attributs : cornes de vache avec disque solaire, coiffure avec uraeus, geste de bndiction et de protection, longue robe collante, finesse des silhouettes, grce fminine son comble. La reine Nefertari a aussi les cornes de la vache avec disque solaire, couronne shouty (Deux Plumes). Abou Simbel, temple de la Reine Nefertari, au nord du Grand Temple de Ramses II lui-mme. Le tableau est color : le jaune, couleur d'or, symbole de l'incorruptibilit, de l'nergie solaire, domine. La desse Isis est voque dans les Textes des Pyramides, donc l'Ancien Empire; cependant, elle est beaucoup plus ancienne, dans la Tradition religieuse orale des prtres et prtresses.

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  • La desse Isis et son odysse en Europe occidentale 115 _________________________________________________________________________

    Nouvel Empire, 19e dynastie : dtail du plafond astronomique de la tombe n 17, Valle des Rois, Thbes, appartenant au Pharaon Seti Ier (1294-1279 avant notre re), pre de Ramses II Mery-Amon Ouser-Mat-R Setep-en-R. Ce dtail astronomique reprsente la desse Isis comme toile Sirius, lie aux inondations limoneuses du Nil nourricier. La Vierge Marie, dans le rituel de l'glise catholique, est aussi clbre comme toile de mer (Ave maris stella) et Mre nourricire de Dieu, l'Enfant-Jsus. Isis tait aussi la divine patronne des marins, des navigateurs, la priode grco-romaine (332 avant notre re - 395 de notre re). Isis, haute couronne flanque de la Mat, rgente aussi les destins humains.

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  • La desse Isis et son odysse en Europe occidentale 116 _________________________________________________________________________

    Isis Fortuna, bronze, 1er sicle de l'Empire romain. Cet Empire des Romains fut tabli en 27 avant notre re par Auguste et continua jusqu'en 395 de notre re alors il fut divis en Empire romain occidental avec Rome comme capitale et en Empire romain oriental avec la capitale Constantinople (Turquie). Cette desse Isis romanise (vtement, allure, gestes) garde encore la couronne de l'gypte pharaonique. Elle tient dans la main gauche une Corne d'Abondance et un instrument aratoire dans la main droite. C'est Isis, symbole de Fertilit, de Fcondit et d'Abondance, en sa qualit de Nourrice universelle.

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    Source : Alfonso de Franciscis, Il Museo Nazionale di Napoli, Naples , Di Mauro Editore, 1963, fig. 86.

  • La desse Isis et son odysse en Europe occidentale 117 _________________________________________________________________________

    Statue en calcite (albtre) de la Reine Ankhnes-Merire II, fille d'un prince d'Abydos du nom de Khui, pouse du roi Pepi I Mery-R, mre du Roi Pepi II Nefer-ka-R (2278-2184 avant notre re) qui est aim du dieu Khnoum dlphantine : l'Enfant-Roi est assis sur les cuisses de sa mre, reprenant ainsi le paradigme culturel Isis et Horus, Mre et Enfant, fort rpandu dans la sculpture de l'Afrique noire, depuis l'Antiquit. Brooklyn Museum, New York.

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  • La desse Isis et son odysse en Europe occidentale 118 _________________________________________________________________________

    Mre et Enfant : sculpture fort ancienne, vers 1000 de notre re, Dogon, Mali, Afrique de l'Ouest, Galerie Leloup. Exposition : Africa. Mille anni d'arte, Turin (Italie), oct. 2003 - fvr. 2004, organise par Ezio Bassani.

    Bois entirement dor reprsentant une Mre royale qui vient juste d'allaiter son Enfant de prince endormi : allaitement et grce maternelle. uvre de Nana Osei Bonsu, royaume des Asante, Ghana, Afrique de l'Ouest. Actuellement : The Seattle Art Museum (U.S.A.), 81.17.323. Il existe aussi beaucoup de sculptures en pierre (mintadi) reprsentant la Mre et l'Enfant dans l'ancien Kongo, au nord-ouest de l'Angola. Le thme iconographique sacr Mre-Enfant est typiquement ngro-africain, depuis l'Antiquit africaine.

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  • La desse Isis et son odysse en Europe occidentale 119 _________________________________________________________________________

    Basse-poque (715-332 av. notre re), bronze de 27 cm de haut, reprsentant la desse Isis (en copte Ise, Isi ; translitration de la graphie hiroglyphique : 3s.t, As-t, devenue couramment Aset) en train de donner du lait maternel l'Enfant divin Horus. La desse Isis allaitant est le prototype de la mme image de la Vierge Marie et l'Enfant Jsus, image de la Mre et l'Enfant, en cette action ritulique d'allaitement, abondante dans le reste de l'Afrique noire, quasi introuvable dans les civilisations msopotamiennes et mditerranennes (grecque, phnicienne, judaque, romaine, ibrique, etc.). Le berceau culturel et anthropologique de l'iconographie Mre et enfant est l'Afrique noire, depuis l'gypte des Pharaons. Source : Catalogue de l'Exposition Vom Euphrat zum Nil, Berne, 28 avril 15 septembre 1985,. n 23, p. 49.

    Serpentine, 41 cm de haut : la desse Isis, vtue la romaine, un sein dcouvert, vient d'allaiter l'Enfant Horus emmaillott. Munich, Muse d'Art gyptien, AS 4201.

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  • La desse Isis et son odysse en Europe occidentale 120 _________________________________________________________________________

    La Madonna 1actans, la Vierge Marie allaitant l'Enfant Jsus, par Jan van Eyck (vers 1370 - vers 1440), partir de qui prend naissance l'cole flamande. Le sein de Marie est dcouvert comme celui d'Isis et d'autres icnes africaines, de Mre et Enfant. L'Enfant Jsus est nu. Chez van Eyck, les saints et les madonnes sont de chair et de sang, plus proches alors des dvots humains. Le dtail est exactement trac, dessin, peint, le supernaturel, le transcendant est prsent de manire solliciter les sens. Muse de Frankfurt-sur-Main. Source : Bernd Lohse et Harald Busch, edit., Art Treasure of Germany, Londres, B.T. Batsford, 1958, traduction par P. Gorge, pl. VII Madonna von Lucca, oppose la page 168.

    La Madonne (Vierge Marie) avec son Fils, Jsus. La mre offre avec amour le sein droit gonfl de lait et l'enfant, nu, joyeux, encore incirconcis, de caresser le beau sein maternel. La Madonna lactans, ici, par l'Italien de Cortona, Luca Signorelli (1441-1523) : le concept est pharaonique, avec le thme universel en Afrique noire de Mre-Enfant, quasi inexistant dans l'Occident pr-chrtien. Source : Gian Alberto dell'Acqua et Franco Russoli, La Pinacoteca di Brera, Milan, Silvana Editoriale d'Arte, 1960, pl. 20 en noir. glise S. Maria del Mercato a Fabriano. Anges et Sraphins entourent Marie et l'Enfant.

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  • La desse Isis et son odysse en Europe occidentale 121 _________________________________________________________________________

    Pharaon Sesostris I Kheper-ka-R (1971-1926 avant notre re), Moyen Empire, 12e dynastie : l'une des statuettes de ce roi, 59 cm, provenant de la tombe du Grand Prtre d'Hliopolis, du nom dImhotep, l'est de la pyramide de Ssostris I Lisht. Muse du Caire. L'autre statuette est au Metropolitan Museum of Art, New York : le roi porte la couronne rouge (desheret) de Basse-gypte. Ici, Pharaon porte la couronne lance blanche (hedjet) de Haute-gypte, et tient dans la main gauche le sceptre out, en une position de marche rituelle, le pied gauche en avant.

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  • La desse Isis et son odysse en Europe occidentale 122 _________________________________________________________________________

    Deux images royales jumelles (ere Ibeji) provenant d'Oyo, capitale du royaume des Yoruba, sud-ouest du Nigeria (l951), actuellement Berkeley, University.of California, The Lowie Museum of Anthropology, 5-14944a-c, et 5-14945a-c. Les vtures sont en perles dont l'usage n'tait rserv qu'aux rois (oba) des Yoruba. Les marques faciales dnotent le lignage des Alafin, rois d'Oyo. Ce qui importe de relever ici, c'est la forme caractristique des couronnes royales, dont le prototype pourrait bien tre la couronne royale lance de Haute-gypte, la couronne blanche (hedjet). C'est assez frappant. L'ethnographie descriptive synchronique est dans l'impossibilit de voir la parent entre la Valle du Nil et le monde Yoruba.

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  • La desse Isis et son odysse en Europe occidentale 123 _________________________________________________________________________

    Tte colossale de Pharaon Amenophis/Amenhotep III HeqaWaset Neb-Mat-R (1386-1349 avant notre re), pouse de la Reine Tiyi, et pre d'Akhenaton. Hauteur : 215 cm ; largeur : 78,5 cm. Granit rouge Provenance : Gourna, Temple funraire de ce Pharaon ; tte dcouverte en 1957, dans le pristyle occidental, partie sud. La cour onne lance de Haute-gypte, la couronne blanche (hedjet), est bien caractristique, surtout le sommet. C'est une couronne solaire, porte par Narmer Mena (Mens), vers 3500 avant notre re. C'est le prototype historique direct de la tiare du Pape de l'glise catholique.

    Une tte de roi ou de dieu portant la couronne lance de Haute-gypte, - la couronne blanche (hedjet). Granit gris. Hauteur : 38 cm ; largeur : 11,5 cm. Provenance : Temple de Louxor, avenue de sphinx, au nord du Premier Pylne. Date : Basse poque, XXVe-XXVIe dynasties, 660-650 avant notre re. Actuellement : Muse d'Art gyptien ancien de Louxor, Louxor J. 146. Les traits de ce fragment de tte sont pensifs, dtermins autoritaires, mais calmes, mditatifs.

    Museo dell'Opera del Duomo a Firenze (Muse, Florence). Dtail d'une grande statue du Pape Boniface VIII par Arnolfo di Cambio (1266-vers 1310), en marbre: la tiare papale a pour prototype historique la couronne lance (hedjet) de la Haute-gypte, au temps des Pharaons : c'est l'vidence mme. Rome a beaucoup pris dans l'gypte pharaonique : culte d'Isis, d'Apis ; sistre, colonnes, architecture religieuse, pyramide, oblisques, eau sacre du Nil (eau bnite), tiare papale, triple sarcophage pour l'enterrement du pape, encens, bagues, colliers, crosse,etc.,etc.

    La couronne lance hedjet est l'anctre direct de la tiare papale, symbole du pouvoir spirituel du Souverain Pontife de l'glise catholique, il n'y a pas de couronne msopotamienne, grecque, hittite, phnicienne, romaine, gauloise, germanique, celtique, etc. pouvant supporter la similitude exacte avec la tiare du Pape qui n'est qu'une copie de la couronne de Pharaon. Les historiens d'Art en Occident passent volontairement sous silence de tels faits, pourtant objectifs, et bien rels, concrets, manifestes.

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  • La desse Isis et son odysse en Europe occidentale 124 _________________________________________________________________________

    La Piramide Cestia, mesurant 36 m de haut, mortier, petite pierres et tablettes de marbre blanc : tombeau de Caius Cestius, qui mourut en 12 avant notre re. Il avait t en gypte. Cette pyramide fut ouverte au 7e sicle de notre re : la chambre spulcrale est au centre de la vote. Les murs intrieurs sont dcors. Cette pyramide, au cur de Rome, nest quune imitation, moindre chelle, de la pyramide pharaonique. Voir : Philip Coppens, The New Pyramid Age, Washington, USA, 2007, illustration de la page 181.

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  • La desse Isis et son odysse en Europe occidentale 125 _________________________________________________________________________

    Annexe

    Le rite funraire du retour du corps la terre dans lgypte pharaonique et au Moyen ge occidental chrtien

    Rites of interment in Pharaonic Egypt and the Christian West

    Il y a larchasme historique, vident, pour certaines traditions, certains rites : leur archologie (Michel Foucault), leur profondeur historique, rvlatrice dune certaine epistm .

    Ainsi, au Moyen ge occidental chrtien, il tait de rgle daccorder la dignit religieuse, spirituelle, la personne humaine dcde, travers rites et crmonies funraires21 dont le noyau, cest assez probant, renvoie directement lgypte pharaonique, jusque dans les formules rituelles.

    Ces crmonies funraires de lOccident mdival sont nombreuses, toutes conduites de bout en bout par le clerg :

    - veille funbre - pleurants - office des morts, ordonnance des funrailles lglise - absoute, bndiction, aspersion, encensement, chants et prires pralables

    linhumation dans lglise (espace clos) ou au cimetire (espace ouvert) - cortge funbre, entre au cimetire, bndiction de la tombe, dpt du corps, aspersion,

    comblement de la fosse.

    Il est absolument certain que ces crmonies funraires ne relvent pas de la tradition funraire grco-romaine ou mme indo-europenne, notamment lencensement des morts.

    Lusage de leau lustrale, de lencens et des luminaires prs du catafalque, tout cela combin, tient de lgypte pharaonique.

    Leau lustrale par excellence dans lAntiquit tait leau du Nil, une eau sacre, une eau rituelle de renaissance, qui ouvrait alors laccs au monde divin ternel. Leau bnite du Nil, en son esprit Hpy, tait transporte dans des jarres jusqu Rome pour le culte de la desse Isis.

    Lencens (snTr, snt en copte), cest ce qui rend divin, ce qui divinise, rituellement, dans lgypte pharaonique : purifier et sanctifier le mort par le rite funraire de lencensement est un vieil acquis dans toute la Valle du Nil, de la Nubie en gypte, de Ta-Sety Kemet.

    Les luminaires prs du catafalque avaient pour fonction de prsentifier la Lumire divine, manation du dieu R lui-mme. Lglise chrtienne mdivale a tout simplement

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    21 Christiane Raynaud (Universit Paul Valry - Montpellier III), Quelques remarques sur les crmonies funraires la fin du Moyen ge, in Le Moyen Age. Revue d'Histoire et de Philologie. (Louvain-la-Neuve), n 2, 1993, tome XCIX (5e srie, tome 7), pp. 293-310, illustrations.

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    clricalis ces rites et crmonies funraires de lgypte pharaonique, alors connus Rome comme coutumes exotiques, asiatiques , orientales .

    Peut-tre, le plus significatif, cest le thme liturgique crucial du retour la terre. Un thme hautement thologique et philosophique. La terre reoit le corps de chair pour conduire lessence divine du dfunt dans la contre de Lumire ternelle : Geb, la Terre, reoit en son sein le cadavre, khat, dont lessence divine (ba et ka) est propulse au Ciel (Nout) toil, parmi les toiles imprissables. Le corps retourne la terre pour se fondre dans le Grand Tout Lumineux. Cest le voyage mystrieux de la vie mortelle la vie ternelle, et le mot gyptien ankh inclut les deux vies, la vie qui meurt (passe) pour renatre la vie ternelle, immortelle, pourtant dans le deuil et la tristesse pour les vivants, des pleurants.

    Le retour du corps de chair la terre, cest le voyage dans les espaces cosmiques pour lintgration dfinitive dans la Lumire divine (R). Mme le mort doit accomplir Mat, cest--dire sa propre harmonie dans la Grande Harmonie, son authenticit dans la Grande Essence authentique, vraie et juste, parfaite et heureuse, ternellement vivante, ternellement lumineuse.

    Certes, le christianisme a amplement thoris sur ces liturgies des morts, mais il na pas fait plus que lgypte pharaonique, substantiellement parlant.

    Grgoire le Grand (540-604), saint, pape de 590 604, grand leader dans la christianisation de lEurope, a comme pitaphe : la terre reoit le corps tir de son corps. Une manire symbolique dvoquer la rsurrection des corps, et limmortalit. Le corps de chair a un vrai corps qui est un corps glorieux, destin lternit. Dans lgypte pharaonique, cest le corps de chair, trait, sanctifi ( momifi ), protg, transfigur, qui est promu la gloire ternelle divine. La conviction profondment chrtienne de Grgoire le Grand est totalement dinspiration gyptienne, pharaonique.

    La formule classique des testaments mdivaux, laisser son me Dieu, laisser son corps la terre, exprime la conscience de soi. Surtout la conscience du retour la terre avec lespoir pour la rsurrection du corps glorieux, tir du corps de la chair.

    La formule, mille fois plus ge, dans lgypte antique tait : R est vivant. La Tortue est morte. Le cadavre est uni la terre. Les os sont unis, rassembls (Chapitre 161 du Livre de la Sortie la Lumire, assez inexactement appel le Livre des Morts.).

    Le mal, linsuffisant, le dcevant, la Tortue (shetiou) : tout cela est mort, pour laisser tre dsormais la Lumire vivante, ternelle et divine, R. Le mort sunit la terre, i.e. au dieu Geb. Tout est reconstitu, uni et rassembl, pour la vie ternelle. Le retour la terre est un thme pharaonique, lisible vers 1290 avant notre re (fragment de sarcophage de Tia).

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  • La desse Isis et son odysse en Europe occidentale 127 _________________________________________________________________________

    Fragment du sarcophage en diorite du Directeur du Trsor, Tia qui fut mari Tia, sur de Ramss II : le couple a une belle tombe Sakkarah (Saqqara), la ncropole memphite. XIXe dynastie, rgne de Ramss II vers 1290-1224 avant notre re.

    Acquis en gypte en 1892 pour le compte de Ny Carlsberg Glyptotek, Copenhague, n AEIN 48.

    Le dieu Thoth, debout, corps humain avec tte dibis, tient un tendard dont le sommet porte lhiroglyphe ciel . Les inscriptions sont bien lisibles :

    LOsiris, Directeur du Trsor (imy-r pr-HD), Tia (iA). Paroles (rituelles) dire (Dd mdw) : R vit (anx Ra). La tortue est morte (mt Styw). Uni est le cadavre avec la terre (iab XAt m tA). Unis sont les os du Directeur du Trsor Tia (iab qsw n imy-r pr-HD iA).

    Cette incantation est lune des quatre formules magiques du chapitre 161 du Livre de la Sortie la Lumire du Jour, plus connu comme Livre des Morts (titre conventionnel en gyptologie moderne, mais assez bizarre et trange pour lgypte pharaonique, vu de lintrieur). Lun des mots pour sarcophage en gyptien est : neb ankh, seigneur-de-la-vie , rien de carnivore .

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  • La desse Isis et son odysse en Europe occidentale 128 _________________________________________________________________________

    Site archologique dIgbo-Ukwu, non loin de la rive orientale du cours infrieur du fleuve Niger, Nigria, fouill par le Professeur Thurstan Shaw de Grande Bretagne, en 1959 : 721 objets forgs furent trouvs.

    Ici, sur cette image, il sagit de la reconstruction dune tombe Igbo-Ukwu, IXe Xe sicle de notre re. Le mort est assis sur un sige ; il est coiff dun diadme avec des pices latrales ; la poitrine montre un grand pectoral, forg, en cuivre. Anneaux et bracelets sont ports aux bras et aux pieds. Autres insignes de pouvoir ou de crmonie : ventail, bton de commandement et flagellum.

    Au moins 100 000 perles en faence ornent ce corps, Btons sculpts, pes, larges tuis et trois pointes divoire taient placs, dans un certain ordre autour de ce corps, dans sa tombe, une vritable salle royale, trs profonde et fort bien amnage.

    Reconstruction par C. Thurstan Shaw ; dessin par Caroline Sassoon. Photo : Chris Morris, Royaume-Uni.

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  • La desse Isis et son odysse en Europe occidentale 129 _________________________________________________________________________

    Porteur et porteuses doffrandes funraires, avec les noms des domaines do proviennent ces offrandes : lgance, symtrie, grce, hiratisme et mouvement squentiel ; relief en calcaire, provenant de Meidum, tombe/mastaba n6.

    Acquis en 1910 travers la British School of Archaeology in Egypt , Ny Carlsberg Glyptotek, AEIN 1132.

    On est la IVe dynastie, rgne de Senefrou (Snofru), vers. 2570-2545 av. notre re. Ces offrandes sont portes pour Noferet, lpouse du prince R-hotep. Honorer ainsi les morts, en apportant des offrandes (vin, bire, fruits, etc.), leurs tombes, est une trs vieille coutume funraire pharaonique.

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  • La desse Isis et son odysse en Europe occidentale 130 _________________________________________________________________________

    Colored beads, coins, headbands like jewelry, and manured coiffure are all part of being dressed up. Necklace and wide collar are characteristic of the tribes of southern Angola.

    Jeunes filles du Sud de lAngola, bien coiffes, inondes de parures et de bijoux : perles, colliers, etc. Cependant, ce qui doit retenir ici lattention, ce sont les paniers sur la tte : paniers qui sont de mme style et de mme facture que les paniers de lgypte des Pharaons. Mme civilisation matrielle entre la Valle du Nil et le reste de lAfrique : mmes appuie-ttes, mmes btons et sceptres, mmes sandales, mmes peignes, etc.

    Source : Andreas E. Laszlo, Doctors, Drums and Dances, New York, Garden City, Hanover House, 1955, entre p. 94 et p. 95.

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  • La desse Isis et son odysse en Europe occidentale 131 _________________________________________________________________________

    Lauteur : Thophile OBENGA : Docteur d'tat s Lettres et Sciences humaines de l'Universit de Montpellier. Il est philosophe, historien, linguiste et gyptologue, membre de la Socit franaise d'gyptologie. Il collabore, dans le cadre de l'UNESCO, la rdaction de L'Histoire Gnrale de l'Afrique, et celle de L'Histoire scientifique et culturelle de l'Humanit. Il a dirig jusqu' la fin de l'anne 1991, le Centre International des Civilisations Bantu (CICIBA, Libreville, Gabon). Il a t professeur d'histoire ancienne et d'gyptologie pendant plusieurs annes l'Universit Marien N'Gouabi de Brazzaville (Congo). Il est lauteur de nombreuses publications parmi lesquelles : La philosophie africaine de la priode pharaonique 2780330 avant notre re, Paris, L'Harmattan, 1990, Origine commune de l'gyptien, du copte et des langues ngro-africaines modernes, Paris, L'Harmattan, 1993, La gomtrie gyptienne Contribution de l'Afrique antique la Mathmatique mondiale, Paris, L'Harmattan/Khepera, 1995, Cheikh Anta Diop, Volney et le Sphinx Contribution de Cheikh Anta Diop l'historiographie mondiale, Paris, Khepera/Prsence Africaine, 1996) et tout rcemment le livre Lgypte, la Grce et lEcole dAlexandrie, Khepera/LHarmattan, 2006. Il est le directeur de la revue ANKH. Il a enseign Temple University Philadelphie, aux USA, l'gyptologie et l'uvre de Cheikh Anta Diop. Il est actuellement Chairman au Dpartement des tudes africaines lUniversit de San Francisco aux USA o il enseigne galement l'gyptologie. Publications : http://www.ankhonline.com

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