la culture du safoutier (dacryodes edulis [g.don] … · la contribution de l’espèce à...

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BA SE Biotechnol. Agron. Soc. Environ. 2013 17(1), 131-147 Le Point sur : La culture du safoutier (Dacryodes edulis [G.Don] H.J.Lam [Burseraceae]) : enjeux et perspectives de valorisation au Gabon (synthèse bibliographique) René Noel Poligui (1, 2) , Isaac Mouaragadja (2) , Éric Haubruge (1) , Frédéric Francis (1) (1) Univ. Liège - Gembloux Agro-Bio Tech. Unité d’Entomologie fonctionnelle et évolutive. Passage des Déportés, 2. B-5030 Gembloux (Belgique). E-mail : [email protected] (2) Université des Sciences et Techniques de Masuku (USTM). Institut National Supérieur d’Agronomie et de Biotechnologies (INSAB). Laboratoire de Protection des Cultures. BP 941. Masuku (Gabon). Reçu le 20 juin 2011, accepté le 8 novembre 2012. Au Gabon, le safoutier (Dacryodes edulis [G.Don] H.J.Lam) est un arbre fruitier important de par sa valeur alimentaire, son rôle économique et sa place socio-culturelle. Ses fruits sont très appréciés et régulièrement commercialisés sur les marchés des grandes agglomérations urbaines. La production locale est limitée, mais suppléée par d’importantes importations en provenance des pays limitrophes. La culture du safoutier est répandue dans tous les milieux anthropisés, principalement dans les jardins de case. Le marché et les potentialités agronomiques de cette espèce n’ont pas encore été étudiés suffisamment au Gabon. Les recherches scientifiques effectuées dans les pays voisins ont révélé d’excellentes qualités nutritionnelles de la pulpe du fruit et des propriétés agro-alimentaires intéressantes des huiles extraites de la pulpe et du noyau du safou. Cependant, il n’existe aucune étude approfondie sur les ravageurs de D. edulis et leur contrôle. La modernisation de cette culture au Gabon, notamment en réduisant les pertes liées aux ravageurs et en valorisant tous les produits issus du safoutier, pourrait permettre d’envisager, dans le cadre d’un développement durable, d’importantes retombées économiques et industrielles. Mots-clés. Dacryodes edulis, culture fruitière, ravageurs, circuits de commercialisation, développement durable, Gabon. Cultivation of the African plum (Dacryodes edulis (G.Don) H.J.Lam): challenges and prospects for valorization in Gabon. A review. In Gabon, the African plum (Dacryodes edulis [G.Don] H.J.Lam) is an important fruit tree because of its nutritional value and its place within both the economy and the socio-cultural context. The fruits of this tree are widely appreciated and are sold regularly in all major urban markets. Local production is limited but is offset by significant imports from border countries. Culture of the African plum is widespread in anthropized areas, mainly in domestic gardens. The market and agronomic potential of this species has not yet been sufficiently studied in Gabon. There is no detailed study of the pests affecting D. edulis, or of their control. Numerous scientific studies carried out in neighboring countries have revealed excellent nutritional qualities of the safou pulp and interesting food properties of the oil extracted from both the safou pulp and the seed kernel. Within the context of sustainable development, the modernization of the culture of the African plum in Gabon, in particular by reducing pest-related losses and through the prudent use of all the products of the tree, may lead to important economic and industrial incomes. Keywords. Dacryodes edulis, fruit tree crops, pests, marketing channels, sustainable development, Gabon. 1. INTRODUCTION Le safoutier (Dacryodes edulis (G.Don) H.J.Lam ; Burseraceae) est un arbre fruitier originaire du Golfe de Guinée (Raponda-Walker et al., 1961 ; Aubréville, 1962 ; Kengué, 1990). Il est depuis longtemps exploité par les populations de l’Afrique centrale, principalement pour ses fruits comestibles, et aussi pour ses feuilles et son écorce utilisées dans la pharmacopée traditionnelle (Raponda-Walker et al., 1961). Au Gabon, il est vrai- semblablement le fruitier local le plus cultivé, bien que sa culture demeure rudimentaire. Les fruits du safoutier (safou), localement appelés atanga, sont très appréciés et servent tant à l’autoconsommation qu’à la commercialisation. D’après Tabuna (1999), les safou sont non seulement commercialisés sur presque tous les marchés de la sous-région d’Afrique centrale, mais ils font aussi l’objet d’importants échanges internationaux en direction de l’Europe (France, Belgique, Angleterre, Portugal, Allemagne). La pulpe des fruits peut être

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BASE Biotechnol. Agron. Soc. Environ.201317(1),131-147 Le Point sur :

Laculturedusafoutier(Dacryodes edulis[G.Don]H.J.Lam[Burseraceae]):enjeuxetperspectivesdevalorisationauGabon(synthèsebibliographique)RenéNoelPoligui(1,2),IsaacMouaragadja(2),ÉricHaubruge(1),FrédéricFrancis(1)(1)Univ.Liège-GemblouxAgro-BioTech.Unitéd’Entomologiefonctionnelleetévolutive.PassagedesDéportés,2.B-5030Gembloux(Belgique).E-mail:[email protected](2)UniversitédesSciencesetTechniquesdeMasuku(USTM).InstitutNationalSupérieurd’AgronomieetdeBiotechnologies(INSAB).LaboratoiredeProtectiondesCultures.BP941.Masuku(Gabon).

Reçule20juin2011,acceptéle8novembre2012.

AuGabon,lesafoutier(Dacryodes edulis[G.Don]H.J.Lam)estunarbrefruitierimportantdeparsavaleuralimentaire,sonrôleéconomiqueetsaplacesocio-culturelle.Sesfruitssonttrèsappréciésetrégulièrementcommercialiséssurlesmarchésdes grandes agglomérations urbaines. La production locale est limitée,mais suppléée par d’importantes importations enprovenancedespayslimitrophes.Laculturedusafoutierestrépanduedanstouslesmilieuxanthropisés,principalementdanslesjardinsdecase.Lemarchéetlespotentialitésagronomiquesdecetteespècen’ontpasencoreétéétudiéssuffisammentauGabon.Lesrecherchesscientifiqueseffectuéesdanslespaysvoisinsontrévéléd’excellentesqualitésnutritionnellesdelapulpedufruitetdespropriétésagro-alimentairesintéressantesdeshuilesextraitesdelapulpeetdunoyaudusafou.Cependant,il n’existe aucuneétudeapprofondie sur les ravageursdeD. edulis et leur contrôle.Lamodernisationde cette culture auGabon,notammentenréduisantlespertesliéesauxravageursetenvalorisanttouslesproduitsissusdusafoutier,pourraitpermettred’envisager,danslecadred’undéveloppementdurable,d’importantesretombéeséconomiquesetindustrielles.Mots-clés.Dacryodes edulis,culturefruitière,ravageurs,circuitsdecommercialisation,développementdurable,Gabon.

Cultivation of the African plum (Dacryodes edulis (G.Don) H.J.Lam): challenges and prospects for valorization in Gabon.A review. InGabon, theAfricanplum(Dacryodes edulis [G.Don]H.J.Lam) isan important fruit treebecauseofitsnutritionalvalueanditsplacewithinboththeeconomyandthesocio-culturalcontext.Thefruitsofthistreearewidelyappreciatedandaresoldregularlyinallmajorurbanmarkets.Localproductionislimitedbutisoffsetbysignificantimportsfrombordercountries.CultureoftheAfricanplumiswidespreadinanthropizedareas,mainlyindomesticgardens.ThemarketandagronomicpotentialofthisspecieshasnotyetbeensufficientlystudiedinGabon.ThereisnodetailedstudyofthepestsaffectingD. edulis,oroftheircontrol.Numerousscientificstudiescarriedoutinneighboringcountrieshaverevealedexcellentnutritionalqualitiesofthesafoupulpandinterestingfoodpropertiesoftheoilextractedfromboththesafoupulpandtheseedkernel.Withinthecontextofsustainabledevelopment,themodernizationofthecultureoftheAfricanpluminGabon,inparticularbyreducingpest-relatedlossesandthroughtheprudentuseofalltheproductsofthetree,mayleadtoimportanteconomicandindustrialincomes.Keywords.Dacryodes edulis,fruittreecrops,pests,marketingchannels,sustainabledevelopment,Gabon.

1. INTRODUCTION

Le safoutier (Dacryodes edulis (G.Don) H.J.Lam;Burseraceae)estunarbre fruitieroriginaireduGolfedeGuinée(Raponda-Walkeretal.,1961;Aubréville,1962;Kengué,1990).Ilestdepuislongtempsexploitéparlespopulationsdel’Afriquecentrale,principalementpoursesfruitscomestibles,etaussipoursesfeuillesetsonécorceutiliséesdanslapharmacopéetraditionnelle(Raponda-Walkeretal.,1961).AuGabon,ilestvrai-

semblablement le fruitier local le plus cultivé, bienque sa culture demeure rudimentaire. Les fruits dusafoutier(safou),localementappelésatanga,sonttrèsappréciésetserventtantàl’autoconsommationqu’àlacommercialisation.D’aprèsTabuna (1999), les safousontnonseulementcommercialiséssurpresquetouslesmarchésdelasous-régiond’Afriquecentrale,maisilsfontaussil’objetd’importantséchangesinternationauxendirectiondel’Europe(France,Belgique,Angleterre,Portugal, Allemagne). La pulpe des fruits peut être

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transformée après cuisson en une pâte alimentaire(beurre de safou) qui se conserve deux à troismoisaprès la récolte. Elle entre dans la composition dediversesrecettesculinaires.Àpartirdelapulpeetdunoyaudesafou,onpeutextraireunehuilealimentaireet cosmétique (Tabuna et al., 2009). La plupart desrecherchesscientifiquesmenéessurD. edulisontportésurlacaractérisationdelavaleuralimentairedesapulpeet de son huile (Ajayi et al., 2006), sur les procédésd’extraction de l’huile (Silou, 1994; Kapseu, 2009)et sur les techniques de multiplication du safoutier(Kengué,2002;Damesseetal.,2001).TrèspeudecestravauxscientifiquesontétéréalisésauGabon.Àcôtédecemanqued’informationsscientifiqueslocalessurlesafou,ilexisteunensembledefacteurslimitant,telsl’insuffisancedeconnaissancesdesproducteursetdespouvoirspublicssurlesatoutsdusafoutier,notammentlacontributiondel’espèceàl’économiedesménages,à la sécurité alimentaire, et comme un des élémentsessentielsdeladiversitévégétaledesjardinsdecase.Il en découle l’absence de centres de multiplicationde matériel végétal sélectionné et, par conséquent,l’absenced’exploitationsmoderniséesetsuffisammentproductivescapablesdesatisfairelesbesoinsdupaysen safou. Pourtant, la demande du marché gabonaisen safou est forte, mais faiblement satisfaite par laproductionlocale,doncsupplééeparlesimportations,principalementenprovenanceduCameroun(Temple,1999). Au regard des atouts du safoutier et descontraintesrelativesaudéveloppementdesacultureauGabon,ilapparaitimportantdedévelopperdavantaged’étudespourmieuxvalorisercetteressourcedanscepays.Celapourraitparfaitementintégrerladynamiquede développement de l’agriculture péri-urbaine,notammentlesculturesmaraichèresenpleinessordanslasous-région(Nguegang,2008).Leprésenttravaildesynthèses’inscritdanscetteperspective,aveccommeobjectifprincipallaprospectionetl’indicationdesvoieslocales susceptibles d’y permettre le développementdecetteculture.Pourcefaire,nousdresseronsd’abordunétatdeslieuxdesconnaissancessurlesafoutier,enincorporantdesdonnéesrelativesànosobservations,ettraiteronsensuitedesenjeuxetdesperspectivesliésàlavalorisationdecettecultureauGabon.

2. ÉTAT DES CONNAISSANCES SUR DACRYODES EDULIS

2.1. Description et écologie

Appellations. Dacryodes edulis (G.Don) H.J.Lamappartient à la famille des Burseraceae et est connuaussi sous plusieurs synonymes tels Pachylobus edulis G.Don (1832), Canarium edule Hook.F(1849)etPachylobus saphuEngl. (1896) (Chevalier,

1916; Aubréville, 1962; Onana, 2008). Dacryodesedulis est aussi désigné sous différentes appellationsvernaculairesspécifiquesàchaquepays:AtangatierauGabon,prunierauCameroun,NSafou enRépubliqueDémocratique du Congo, Safu à Sao Tomé. Lestermes safoutier (arbre) et safou (fruit) constituentdes appellations francisées conventionnellementutiliséesdanstouscespays(Kengué,1990).Mais,auCameroun, le fruit se nommeprune et, auGabon, ilestdésignéparatanga(Raponda-Walkeretal.,1961;Aubréville,1962).Lesappellationsanglaises(Onana,2008) sontbeaucoupplusnombreuses:African pear tree,Africanblack pear,African plum tree,Butter fruit tree,bush butter tree.

Description botanique. Dacryodes edulis est unarbre fruitier oléifère. Il est dioïque et sa taille varieentre 10 et 50m de haut (Chevalier, 1916), pour70 à 105cm de diamètre (Kengué, 1990). Le fût deD. edulis est généralement droit et cylindrique, lesfeuillessontcomposéesparipennéesàimparipennées,alternes, et l’inflorescence est une panicule axillaire.Les fleurs sont unisexuées,mais certains arbres sonthermaphrodites (Kengué, 1990). Le fruit est unedrupe de 4-15cmx 3-6cm ayant un noyau formédedeuxcotylédons subdivisés chacunencinq lobes.Dans ses travaux, Kengué (1990) relève au moinsdix formes caractéristiques de fruits trouvés sur lemarché, et dont la conformation géométrique peutêtreoblongue,ellipsoïde,conique,ovale,globuleuse,avecdessillonslongitudinaux,desépaulementsoudesbosselures.SelonOkafor(1983),ilexistedeuxvariétésdontD. edulisvar.edulisetD. edulisvar.parvicarpaJ.C.Okafor.Lapremièrevariétécitéeest caractériséeparuneramificationverticilléeousubverticilléeetdesfruits plus gros avec une pulpe épaisse. Par contre,D. edulisvar.parvicarpaadesfruitspluspetitsavecune pulpe mince. Sa ramification a tendance à êtreopposée ou bifurquée. Par ailleurs, nous souhaitonsrelever ici le fait que les informations relatives auxmensurations du safoutier et de ses fruits varientsouventd’unauteuràunautre.Ainsi,Chevalier(1916)rapporte que le safoutier peut avoir jusqu’à 50m dehauteur, lorsqu’il pousse enmilieu forestier où il estlivré à la compétition avec d’autres arbres. Kengué(2002)situelahauteurdel’arbreà30m,Anegbehetal.(2005)entre4et22metKinkelaet al. (2006)entre8-12m de hauteur. On peutmultiplier des exemplessimilairesconcernantlalongueurdufruit,laproductionet le rendement de safou et d’huile. Les différencesdes chiffres (grandeurs mesurables) ne relèvent pasdelaspécialitédesauteurs,maisdelavariabilitédesarbres selon leurâge, leurmilieuécologiqueet leurscaractéristiques propres. En réalité, les informationssur le safoutier ne sont pas encore définitivementfixées, la variabilité de l’arbre et les investigations

PerspectivesdevalorisationduSafoutierauGabon 133

des aires de culture non explorées apporteront fortprobablement des informations nouvelles élargissantlesdonnéesrécoltéesantérieurement.Aucoursdenostravaux,nousavonsobservésurlemarchédeLibreville(Gabon)unevingtainedetypesdefruitsdifférentsparlaforme,lacouleuretlataille,commelemontrentlafigure 1etletableau 1.

Le tableau 1 présente les caractéristiquesmorphologiques de 220fruits que nous avonsobservéessurquatremarchésdeLibreville(carrefourNzeng-Ayong, échangeur Awendjé, Gare routière,carrefourCharbonage).

Ces variationsmorphologiques des fruits seraientliéesauxconditionspédo-climatiquesetaux facteursgénétiques(Silou,1994;Anegbehetal.,2005).Cettevariabilitégénétiquetraduitd’énormespossibilitésdesélectionetd’améliorationdesafou(Kengué,2002).

Phytogéographie. Dacryodes edulis est un arbrefruitiertrèscultivéenmilieutraditionnelafricain,dansles zones équatoriale, tropicale humide ou tropicale

d’altitude. C’est une plante extrêmement rustiquequi s’accommode d’une vaste gamme de conditionsd’ensoleillement,detempérature,depluviométrieetdesol(Kengué,1990).IlestoriginaireduGolfedeGuinée(Aubréville,1962).SelonOnana(2008),ilestcultivédans plusieurs pays d’Afrique tropicale (Angola,Cameroun,CongoBrazzaville,RépubliquedeCentreAfrique,RépubliqueDémocratiqueduCongo,Gabon,Nigéria, Guinée Équatoriale et République de SaoToméetPrincipe).SaprésenceaétéaussisignaléeaunordduZimbabweetenOuganda(Troupin,1950).IlaétéintroduitauGhana,enCôted’IvoireetenMalaisie(Sonwaetal.,2002).

Écologie.Danssonairedeculture,D. eduliss’adaptetrès facilement à de nombreux types d’écosystèmes.AuGabon, la régénération naturelle du safoutier estsifréquentequ’elleexpliqueenpartiesonabondancedans les concessions et les espaces anthropisés. Ilpousseaussifacilementderrièrelescases,mêmesansavoir été planté par l’homme, aumilieu des orduresménagères jetées dans l’arrière-cour de l’habitat.Isseri (1998) rapporteque les températuresannuellesmoyennes favorables audéveloppementdu safoutier,dans le contexte duCameroun, sont comprises entre23 et 25°C, correspondant à la zone partant de lavalléeduNtemjusqu’àl’escarpementdeNgaoundéré.Par ailleurs, il relève qu’au niveau de la zoneagroécologique des Hauts Plateaux de l’Ouest où latempératuremoyenneannuellesesitueautourde20°C,lacroissanceesttrèslenteetl’entréeenproductiondessafoutiersesttardive(cinqàseptans).Parcontre,selonle même auteur, pour les zones de Kribi, Douala etLimbésituéesauborddel’océanAtlantique(avecdesprécipitations moins favorables) où les températuresmoyennes annuelles sont de l’ordre de 26°C, lacroissancevégétativeprendlepassurlafructificationet rend peu rentable l’exploitation du safoutier. Lapluviométrie idéale se situe entre 1400 et 2500mm(Kengué, 1990;Kengué, 2002).Ainsi, grâce à cetteplasticité écologique, D. edulis se développe aussibienenbassealtitudedepuisleniveaudelamerqu’àunealtitudede1000m.Unéclairementsuffisantdeshouppiersdesarbrespermetnonseulementunmeilleurbutinage par les insectes, mais évite une humiditésusceptiblede favoriser lesmaladiescryptogamiques(Mouaragadjaetal.,1994).

2.2. Phénologie

Croissance et développement. La croissance dusafoutierestrythmique,etsefaitenvaguessuccessivesaucoursdesquellessemettentenplacedesorganestelsquelesfeuilles,lesbourgeonsetlesentre-nœuds.SelonKengué(1990),unevaguedecroissancedureenvirondeuxmoisetsefaitencinqstades:ledébourrementdu

Figure 1. Diversité des types de safou trouvés sur lemarché de Libreville (1/4 grandeur nature, aout 2010,Gabon)—Safou types diversity found in Libreville market (1/4 full size, August 2010, Gabon).Cettediversitédesafousetraduitparcinqformesdefruits(allongée,conique,globuleuse,oblongue,ovale);troistypesdecalibres(lespetitsfruits:G,H;lesmoyens:E,F,K,L,R,Q,S,Vetlesgrosfruits:A,B,C,D,G,I,J,G,N,O,P,U);troisgammesdecouleurs(bleuavecvariantes:D,I,H,L,M,T,U,Q,V;violetavecvariantes:B,C,E,F,G,J,K,N,O,P,R,Setblancgrisâtre:A)—This diversity of safou is expressed by: five forms of fruit (elongated, conical, globular, oblong, oval); three types of sizes (small fruits: G, H; medium-size fruits: E, F, K, L, R, Q, S, V and large fruits: A, B, C, D, G, I, J, G, N, O, P, U); three ranges of colors (blue with its variants: D, I, H, L, M, T, U, Q, V; purple with its variants: B, C, E, F, G, J, K, N, O, P, R, S, and greyish-white: A).

Forme allongée

Forme globuleuseForme conique

Forme ovaleForme oblongue

A B C D E F G H

I J K L M

N O P Q R S T U V

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bourgeon (dix jours), l’allongement des entre-nœuds(8jours),lacroissancefoliaire(10jours),lamaturationfoliaire(10jours)etlereposvégétatif(21jours).Lesvagues de croissance sont plus fréquentes chez lesjeunesarbresetontgénéralementplus lieuensaisonsèche (Kengué, 1990). Kengué (2002) souligneégalementquesurunmêmesafoutier,lesrameauxdansune zone bien délimitée du houppier peuvent avoirun comportement phénologique totalement différentd’une autre zone. On peut ainsi distinguer une aireen pleine croissance végétative, alors que l’autre estcomplètementenrepos.Danscertainscas,unepartiede la couronne est en fleur ou en fruit, alors que leresteestsoitenrepos,soitencroissancevégétative.Cephénomèneestappelél’erratisme.Lapériodejuvéniledurequatreàsixansetprendfinaveclafloraisonsuiviedelafructification(Kengué,1990).

Floraison et fructification.Lafloraisondusafoutierestaxillaire(estinitiéeàlabasedel’aisselledesfeuilles

et des rameaux). Le bourgeon apical reste végétatifpour assurer la croissanceultérieure.Lafloraisondusafoutier est étalée: elle dure environ un mois pararbreettroismoispourlapopulationtotaledesarbres.Lesarbresmâlesfleurissentchaqueannée,tandisqueles arbres femellesobserventunà trois ansde reposde production (phénomène d’alternance), du fait del’épuisementdeleursréservesaprèslaproductiondesfruits. Ce phénomène d’alternance et d’irrégularitéde production est bien connu chez d’autres espècesfruitières (Kengué, 2002). La pollinisation dusafoutierestprincipalementeffectuéeparlesinsectes,notammentApis mellifera adasoniiLatreille(Kengué,2006)etMeliponula erythraSchletterer(Tchuenguemetal.,2001).Lefruitarriveàmaturitécinqmoisaprèsla floraison (Omokhua et al., 2009). Par ailleurs, ilexiste des cas de développement parthénocarpiquedes safou (Kengué,1990;Anegbehet al., 2005).Lamultiplicationvégétativedecesindividusproduisantdesfruitssansnoyauxpourraitpermettredesapplications

Tableau 1. CaractéristiquesmorphologiquesdestypesdesafousurlemarchédeLibreville—Morphologic characteristics of safou types at Libreville market.Types Longueur

(mm*)Diamètre(mm*)

Masse fraiche(g*)

Forme Couleur Épiderme

PetitsG 30±2,5 15±2,0 40±2,0 allongé bleuviolacé lisseH 40±3,9 35±3,0 45±2,3 globuleuse bleuviolacé lisse

MoyensV 50±6,7 30±2,5 35±1,5 ovale bleurosâtre lisseL 50±7,8 30±3,0 38±1,8 conique bleurosâtre lisseS 60±6,5 30±2,8 75±3,5 oblongue violetrosâtre lisseR 60±5,1 30±2,2 90±6,0 oblongue violetverdâtre lisse+épaulementE 60±7,5 30±2,9 88±4,5 allongé violetrosâtre lisseQ 60±6,8 35±3,5 90±5,0 oblongue bleuviolet lisseK 70±8,1 35±3,2 70±3,8 conique violetterne squameuseF 70±4,7 30±2,6 64±3,0 allongé violetrosâtre lisse

GrosO 80±5,8 30±3,0 78±4,0 oblongue violetverdâtre lisseU 80±6,3 35±2,9 81±4,2 ovale bleu lisse+bosselureN 80±7,4 30±4,0 80±3,8 oblongue violetbleuâtre lisseP 80±7,1 35±2,7 80±3,6 oblongue violetrosâtre lisseD 80±5,7 40±5,0 80±3,9 allongé bleuverdâtre lisseJ 80±6,5 37±4,8 80±4,5 conique violetbleuâtre lisseG 80±7,2 30±3,7 80±5,3 allongé violetbleuâtre sillonslongitudinauxT 100±9,3 50±7,0 125±8,0 ovale bleu lisseC 100±13,2 45±3,6 125±7,3 allongé violetrosâtre lisseI 100±8,9 50±4,4 125±9,8 conique bleuâtre lisseB 100±8,5 50±5,0 125±7,6 allongé violetrougeâtre tachetéA 105±15,4 54±4,7 125±8,4 allongé grisblanchâtre squameuse

*:chaqueécart-typerésultedesmesuresdedixfruits—each standard deviation results from the measurement of ten fruits.

PerspectivesdevalorisationduSafoutierauGabon 135

industriellesetcommerciales intéressantes.Lepicdefloraisonestatteintentrejanvieretfévrieraunorddel’Équateur,tandisqu’ausudilestobservéentreaoutetseptembre(Kengué,2002).DanslaprovinceduHaut-Ogooué(Gabon),nousavonsobservéquelafloraisonest initiée en aout, la fructification commence enseptembreetlapleinematuritédelamajoritédesfruitsintervientenjanvier.Cesétalementsdelafloraison,delafructificationetdelamaturitédesfruitspermettentnonseulementdetrouverlesafoutoutel’annéedanslesplusgrandsmarchésdel’Afriquecentrale(Figure 2),maisaussid’alimenterdeséchangesréciproquesentrelespaysconcernés.

2.3. Aspects agronomiques

La multiplication du safoutier. La multiplicationpar la graine est la technique lapluspratiquée,maiselle ne garantit pas toujours la reproductibilité descaractèresparentauxque lescultivateurs recherchent.Lesgrainesdoiventêtrefraiches, intactesetprovenirdesfruitsmûrs.Eneffet,àmaturité,lagraineprésentedéjà à l’intérieur de l’endocarpe une radicule longued’environ 2cm. Il est donc important que, dès larécolte,cesfruitsnesubissentpasdechocs(pouréviterladislocationdelagraine).Lagerminationdesnoyauxalieuentre14et30joursaprèssemisetsontauxpeutatteindre 95 à 100% si le semis a lieu rapidementaprèslarécolte(Kengué,1990).SelonAgbogidietal.(2007), un prétraitement des graines de D. edulis àl’acidesulfurique(H2S04)diluéà5%pendant20minpermet, neuf jours après le semis, une augmentationsignificative de leur germination (90%) et unecroissanceplusrapidedesjeunesplants.Dixsemainesaprès l’émergence des plantules, par rapport auxtraitements témoins(sansacide), lahauteurmoyennedesplantsaugmentede23,27%(soit19,6cmcontre15,9cm), le nombre moyen des feuilles augmentede 31,25% (soit 4,2feuilles contre 3,2feuilles), lasurface foliairemoyenne augmente de 49,59% (soit18,4cm2 contre 12,3cm2) et le diamètre moyen ducolletaugmentede40%(soit1,5cmcontre0,9cm).Cettetechniquen’estcertespasrecommandablepourles paysans en raison des risques liés à l’utilisationd’un acide, même dilué, mais elle pourrait servir àdes structures de recherches pour obtenir un taux degerminationenpeudetemps.

Par la multiplication végétative, il est possibled’obtenir,avecunsuccèsrelatif,desplantsconformesà leur pied-mère, ce qui garantit une production defruitsdelaqualitérecherchée.Lespremiersessaisdebouturageréalisésàpartirdesbouturesprélevéessurdesarbresadultes,surdesrejetsdesouchesousurdesrejets des charpentières (taillées au préalable), n’ontpasémisderacinesadventives.Lebouturagenepermetdoncpasencoredemultiplieravecsuccèslesafoutier(Kengué, 2002). Par contre, Damesse et al. (2001)ont obtenu, par le greffagepar approche, un tauxdesouduredespoussesde79%,alorsqueKengué(2006),avecdesgreffonsprélevéssurlesrejetsdemarcottesjeunes,n’aobtenuque12%deréussite.Cesrésultatssurlegreffagetraduisentlapossibilitéderejuvéniliserles arbres adultes auxcaractèresbiendéterminés.Legreffagedejeunesplantsneprésenteaucunintérêtpourlasélection,carcesderniersdemeurentgénétiquementinconnus, tout comme les graines (Kengué, 2002).Actuellement, la voie demultiplication végétative laplusefficaceetlapluspratiqueestlemarcottageaérienquipermetd’obtenirjusqu’à80%deréussite(Kengué,1990;Mialoundamaetal.,2001).

Figure 2. Cycle de formation du safou dans trois paysd’Afriquecentralemontrantl’inversionphénologiqueentrelenordet lesudde l’équateurclimatique—Safou setting cycle in three Central African countries showing phonologic inversion between north and south of the Equator.

Lestroisprincipalesphasesdefructificationdusafoutiersontlafloraison(représentéeparleboutonfloral),lacroissancedufruit(représentéeparlefruitclair)etlamaturitédufruit(représentéeparlefruitsombre)—The mainly three fruiting phases of the African plum tree are flowering (represented by flower bud), fruit growth (representedby clear fruit), and fruit ripeness (represented by dark fruit).

Cameroun Gabon RDC

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Encequiconcernelaculturein vitrodeD. edulis,lestravauxréalisésparYoumbietal.(2001)ontpermisd’obtenir50%deplantulesviables.Cesrésultatssontcertesprometteurs,maistraduisentlebesoind’affinerlatechnologieafindepermettreuneapplicationpratiqueetplusefficacepourlamultiplicationdecetteespèce.

La pépinière. La pépinière est essentielle à lamiseen place d’un verger de safoutiers. Elle permetd’acclimateretdesélectionnerlesplantsdesafoutierslesplusvigoureux.SelonKengué(2002),lapépinièredoit êtremise en place pendant le pic de productiondesafou,afind’avoirlesmeilleuresgrainesetd’éviterlesfruitsdedébutetdefindesaisonquisontparfoisissus de pollinisations déficientes et renferment desgrainesmal conformées ou non viables. Les critèresde choix des graines à semer sont la grosseur dufruit, songoutet laproductivitéde l’arbremère.Parcontre,lapépinièredesplantsissusdelamultiplicationvégétativeestàprogrammerenfonctiondelapériodedesevragedu typedematérielvégétalutilisé (plantsin vitro, marcottes). Selon le même auteur, lesjeunespousses (prélevées sous lespieds-mère)et lesmarcottes, à défaut d’être plantées directement auchamp, peuvent aussi être mises en pépinière (dansdes sachets en polyéthylène, ou des petits paniersen fibres végétales) pour acclimatation, lorsque lesconditionsclimatiquesl’exigent.Lesplants,quellequesoitleurorigine,peuventséjournercinqàhuitmoisenpépinièreenfonctiondeladatedemiseenplace(semis,transplantationdesmarcottesoujeunespousses)etdeladatededébutdelasaisondespluiesnécessairepourla plantation en champs (Kengué, 2006). Le mêmeauteurindiquequel’entretiendebasedelapépinièreconsiste en l’arrosage (dont la fréquence est enmoyennedeuxfoisparsemaine,suivantlesconditionslocales d’humidité), au désherbage et, si nécessaire,à l’application des traitements phytosanitaires contrecertains ennemis tels que les insectes (criquets,chenilles),lesmaladiescryptogamiques(anthracnose)etlesescargots.Laluttecontrelesrongeurs(quisontfriandsdescotylédonsetdes jeunespousses tendres)peutsefaireaumoyenderodenticides,depiègesoudeprotectionsphysiquescommelegrillage.

La plantation au champ. Le mode traditionnel deplantationdusafoutierestlesemisdirectdesnoyauxou des jeunes pousses (sauvageons). Les jeunesplants issus de la pépinière garantissent un meilleurdéveloppementauchamp,parcequ’ilssontvigoureuxet peuvent non seulementbien supporter le stress detransplantation dans un nouveau milieu, mais aussiexploiter plus facilement les ressources édaphiques(Kengué,2006).Ladensitérecommandéepourlesemisauchampestde80à150,voire200arbresàl’hectare(Silou,1996).Durant leurscinqpremièresannéesde

croissance, le safoutier a un systèmed’enracinementet une frondaison qui ne gênent pas les cultures quipeuventluiêtreassociées.C’estpourcetteraisonque,pour mieux valoriser le terrain en attendant l’entréeen production, il est recommandé d’y introduire descultures intercalaires telles que l’arachide (Arachishypogaea L.), leharicot (Phaseolus vulgaris L.)et lemaïs(Zea mays L.).

La conduite de la culture. La conduite paysannede la culture du safoutier consiste en peu de soins,surtout lorsque les arbres sont situés dans d’ancienscampements ou de vieux villages, et des champs debrousse. Ces soins se résument essentiellement ausarclageautourdupied,aurabattagedesadventicesetdeslianesquienvahissentlepiedoulafrondaisondel’arbre.Lafumure(matièreorganiqueet/ouengrais),lataille(desbranchesadventivesoumortes),l’irrigation(arrosage), et dans une certainemesure la protectionphytosanitaire (insecticides surtout), sont plusfréquemmentpratiquéessur lessafoutiersdes jardinsdecase,desraresvergerscommerciauxetsurtoutdanslescentresderecherchesquidisposentdevergersdecollections, à l’instar des stations de Nkolbisson etde Barombi-Kang au Cameroun (Kengué, 2002). Ilest à rappeler toutefoisque le safoutier sedéveloppenaturellement bien dans son aire de culture, sansnécessiter le recours aux engrais.Demême, certainspesticides autrefois indiqués (Endosulfan, Bénomyl)contre les ravageurs et les maladies cryptogamiquessontmaintenantinterdits.Dèslors,lorsquelanécessitéestavérée,touttraitementchimiquedevraitnécessiterl’avisd’unspécialiste.

Les maladies et ravageurs du safoutier.Lestravauxréalisés jusqu’à ce jour sur la protection sanitaire dusafoutiermettentenreliefquelquesmaladiesetcertainsennemis quiméritent des investigations scientifiquesapprofondiespourpermettreunemeilleureproductionde fruits (Kengué, 2002). Les maladies du safoutierontétépeuétudiées,certainementàcausedelafausseimpressiond’absencededégâtsgraves(Leakeyetal.,2001). Pourtant, Kengué (2002) fait état, au niveaude la collection de Minkoameyos (Cameroun), decertainesmaladiesracinairesd’originecryptogamiquenonencoreidentifiées,observéessurlespiedsissusdemarcottes.Demême,dansleurétudesurlamycofloredu safoutier au Gabon, Mouaragadja et al. (1994)relèventqueledessèchement(ledie-back)desrameauxdusafoutierestdûàBotryodiplodia theobromaePat,etquel’anthracnosedueàColletotrichum gloeosporoides(Penz. et Sacc.) s’attaque aux feuilles, aux rameaux(qui peuvent dépérir en cas de fortes infections) etmêmeaux fruits.Àcôtédecespathologies, ilexisted’autres maladies comme la gale des fruits (due augenre Gloeosporium). Des études sur la biologie,

PerspectivesdevalorisationduSafoutierauGabon 137

l’épidémiologie, la quantification des dégâts et lesmoyens de lutte contre ces agents phytopathogènesrestentàapprofondir.Parailleurs,Nwufoetal.(1989)ontmontréque35à65%desfruitssontattaquésenpost-récolte par trois principaux agents fongiques:Botryodiplodia theobromae, Rhizopus stolonifer(Ehrenb)etAspergilus niger(VanTieghem).

Les ravageurs et déprédateurs du safoutier, toutcommelesmaladies,nesontpassuffisammentétudiés(Kengué,2002).DesattaquesdefeuillesdelapyralerouleusePsara pallidalisHampson ont été signaléesau Cameroun (Kengué, 2006).Au niveau des fruits,Kengué (2002) rapporte que 50% des cas de chuteprématurée des safou sont imputables àCarpophilussp.(Coleoptera,Nitidulidae).Ilsouligneégalementlaprésenced’unforeurdutroncquiresteàidentifier,maisdontlesfortesinfestationsconduisentaudessèchementdesrameauxetàlamortdel’arbre.Denosobservationsau Gabon, les principaux oiseaux déprédateurs desafousontColius striatusGmelin,Ploceus nigerrimusVieillot, Pycnonotus barbatus Desfontaines, Tockus fasciatusShaw,Bycanistes fistulatorCassinetCorvus albusMüller.QuelquesmammifèresprimatescommeCercopithecus cephus L. et Cercopithecus nictitansL. sont aussi reconnus en milieu paysan du Gaboncommedesconsommateursdesfruitsdessafoutiersdeforêt.Tout comme pour lesmaladies, la lutte contrelesravageursdusafoutierpasseparlesétudessurleurbiologie,leurépidémiologieetdégâts,etlesmoyensetstratégiesdelutteappropriés.

La récolte.La récolte intervient lorsque le fruitmûracquiert la couleur bleu foncé, bleu violet, bleuâtre,violet,verdâtre,bleupanachédeblanchâtreouderose,oublancgrisâtreponctuédetachessombresouayantseulementuneextrémitéentièrementbleuâtre,selonlesaccessions (variétés non formellement caractérisées).Les fruits sainspeuvent rester longtempsattachésaupédoncule,cequipermetderetarderlarécolte,maisencourantlerisquedeperdrebeaucoupdefruitsenraisondesdommagesquecausentlesoiseaux(Kengué,2006).Lorsqu’elle est décidée, la récolte de safounécessitecertaines précautions pour préserver l’intégrité desfruitsetéviter leramollissementquiest laprincipalecausedespertespost-récoltes.SelonKengué (2002),pouréviterlespertesrapidesdesfruits,ilestconseilléde programmer la récolte par temps sec (lorsque larosées’estcomplètementévaporée),derécolterlefruitavecunpetitboutdepédoncule,d’éviterlachutedesfruits(cartoutelésionsurlesafouconstituelepointdedépartdesonramollissement).

Le rendement. Le rendement d’un safoutier estfonction de l’âge, de l’accession et aussi du climat(Awono et al., 2008). En effet, un arbre adulte peutproduire par saison entre 220kg et 340kg de fruits

dont on peut extraire 40 à 50kg d’huile de la pulpe(Silou,1994;Kapseu,2009)et10à12kgd’huiledelagraine(Silou,1994;Law,2010).Ajiweetal.(1997)situentlateneurenhuiledelagraine(sèche)desafouà 27,3%, tandis qu’Arisa et al. (2008) ont réussi àobteniruneteneurde50%.Cettedifférenceprovientde laméthode d’extraction, les propriétés des arbreset la maturité des fruits. L’huile de la graine est decomposition chimique similaire à l’huile de la pulpe(Silou,1994;Ajiweetal.,1997).Ainsi,lerendementen safou d’1ha de 100safoutiers (95femelles et5mâles)pourraitêtrethéoriquementestiméentre22et34t.ha-1.Celacorrespondàunpotentielde4-5t.ha-1d’huiledepulpeetaumoins1t.ha-1d’huiledegraine,soituneproductiontotaled’huile(pulpeetgraine)de5-6t.ha-1. Ce rendement peut être doublé si l’onaugmenteladensitédessafoutiersà200arbresparha(Silou,1996),cequiconstitueunpotentielintéressantpour l’exploitation industrielle, notamment laproduction d’huile pouvant servir au biocarburant(Law,2010).

La conservation et la transformation des fruits.Conservés à milieu ambiant (25-30°C), les fruitsse ramollissent au bout de trois à cinq jours aprèsla récolte (Kengué, 2002; Silou et al., 2007).Cettepérissabilité liéeà lanaturemêmedusafouentrainedespertespost-récoltespouvantatteindre50à65%(Nwufo et al., 1989; Silou et al., 2007; Kengué,2002). Au Gabon, les paysans transportent dansunmême panier les fruitsmélangés aux feuilles dusafoutier, pour prolonger leur durée de conservationjusqu’à trois jours. Au Cameroun, les paysansparviennentàconserverpendant septàdix jours lessafoumélangésàdescitrons(Noumietal.,2006).LesafouenprovenanceduCongo(Brazzaville)arriveauGabon(Franceville)dansdespaniersdontlesparoiset l’intérieur sont garnis des feuilles deMaprounea africanaMüll.Arg.(Euphorbiaceae),desortequelesfruitsarriventbienfraisetpeuventêtreconservésetcommercialisésdurantcinqjours.Iln’yapasencored’étudesurl’effetdecesfeuilles,niducitron,surladuréedeconservationdessafoufrais.Lesfruitscuitset dénoyautés, salés ou non, sont emballés dans lesfeuilles de marantacées (Haumania liebrechtsiana[DeWild.&T.Durand] J.Léonard,Thaumatococcus daniellii [Bennett] Bent) et conservés sur le fumoir(au-dessus du feu) pendant un à quatremois.Outreces techniques de conservation artisanale, il existedes moyens modernes permettant une conservationplus longue du safou. Ainsi, selon Kengué (2006),la réfrigération à 4°C peut conserver jusqu’au-delàd’une semaine la qualité du safou, tandis que lacongélationentre -10et -20°Cconserve lesafouengardantsa fermetéet sa fraicheur initialeau-delàdesixmois.

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Lapulpe fraichede safoupeut êtreaussi sèchée,en morceaux épais ou fins, à l’aide des sèchoirs(électrique,solaire)etconditionnéedansdessachetsenplastique(Kapseu,2009).Àcôtédusafousèché,Tabunaetal.(2009)dénombrentauCamerounquatreproduitsdérivésdelatransformationdusafoufrais:l’huiledesafou,lapâtedesafou,l’huileessentielledesafouet lesproduitscosmétiques.Seloncesauteurs,l’huile essentielle est extraite par distillation dusafoufraisdécoupéenmorceau.L’extractiond’huiledonneaussiuntourteauutilisabledansl’alimentationanimale(Ndamba,1989).

2.4. L’importance économique de la plante

Silouet al. (2007)ontestiméque la régiondeBokoau Congo Brazzaville produit de 1063 à 4220t desafoufraisselon lessaisons.Temple (1999)aévaluéla production camerounaise en safou à 13000t(surface non déterminée) et rapporte qu’en 1997,89tdesafouontétéexportéespar leCamerounversle Gabon. Il existe d’importants circuits informelsdecommercialisationdesafouentre leCameroun, leCongo,leGabon,laGuinéeÉquatorialeetleNigéria(Tabuna,1999;Temple,1999).Pour sapart,Tabuna(1999)relèvequ’environ105tdesafousontexportéeschaque année de l’Afrique centrale vers l’Europe(France,Belgique).

Le prix au kg en 1999 était de l’ordre de1000FCFA(1,5EUR)auCameroun(Temple,1999),de 359 à 558FCFA (0,55-0,85EUR) en 2008 enRépublique Démocratique du Congo (Awono et al.,2008)etde2171FCFA(3,3EUR)en2010auGabon(observations personnelles, voir tableau 2). Sur lemarché de Libreville (Gabon), les fruits proviennentmajoritairementduCamerounetleprixvarie,nonenfonctiondelamasse,maisselonlapériodedevente,latailleet lafraicheurdesfruits,confirmantainsilesétudes antérieures (Tabuna, 1999; Temple, 1999;Awonoetal.,2008).Ainsi,pluslesfruitssontfraisetgros,pluslesprixsontélevés(Tableau 2).

Letableau 2présentelavariationduprixdesafouquenousavonsdéterminéesurlemarchédeLibreville(Gabon)en2010,enressortanttroisintervallesliésàlatypologiedesfruits.Ainsi,leprixleplusbas(1250à1905FCFAparkg)caractériselespetits(25%)etlesmoyensfruits(75%).Lesprixintermédiaireetélevés(2053 à 2667FCFApar kg) correspondent aux grosfruits(67%)etaussiauxfruitsmoyens(33%).

Lapâte(beurre)desafou,quipeutconstituer55%du poids du fruit frais (observations personnelles),estégalementélaboréeetcommercialisée(500FCFApar kg) soit par les commerçants recyclant les fruitsabimés ou en cours de ramollissement, soit par despropriétairesdesarbresdont lesfruitsprésententpeud’intérêt sur le marché (fruits peu luisants, acides).Cette transformation permet aux ménages qui lapratiquentdediversifierleursrevenusetdedisposerdusafouau-delàdesasaison,toutenévitantlespertesetenvalorisantlesfruitsdemauvaisequalité.

2.5. Les usages et le rôle de la plante

Lesafoutierestplantéavanttoutpoursesfruitsquiseconsomment cuits (à l’eau ou sur braises). La partieconsomméeestlapulpe,soitcommemetsàpartentièreavecdumaïs,dumaniocoudupain,soitendessert,enamuse-gueule,ouenaccompagnementavecdupoissonoude la viande.Lapâtede safou est non seulementconsommée comme la pulpe fraiche, mais elle sertaussiàtartiner,etestutiliséecommeuncondimentpourépaissirlessaucesaumêmetitrequelapâted’arachide(Tabunaet al., 2009).Lapulpe sèchée seconsommecomme amuse-gueule au même titre que d’autresproduitsàgrignoter,commeleschipsdeplantain,lesarachides grillées ou caramélisées, les morceaux denoix de coco caramélisés (Tabuna et al., 2009). Leshuiles de safou servent tant à la consommation qu’àl’élaborationdeproduitscosmétiques(Kapseu,2009).Tabunaetal.(2009)rapportentqu’auCameroun,l’huileessentielle de safou est utilisée comme ingrédiententrant dans la fabrication des produits cosmétiques

Tableau 2.PrixdesafousurlemarchédeLibrevilleen2010(échantillonde220fruits)—Safou price in Libreville market in 2010 (sample of 220 fruits).

Prix au kg Caractéristiques des fruitsFCFA Euro Petits* (%) Moyens* (%) Gros* (%) Longueur (mm) Largeur (mm)

Prixinférieur 1250-1905 1,91-2,90 25 75 0* 30-60 15-35Prixintermédiaire

2053-2381 3,14-3,63 0 33 67 50-100 30-50

Prixélevé 2500-2667 3,81-4,07 0 33 67 70-105 30-54Prixmoyen 2171 3,31*Lepourcentageconstituelareprésentativitédechaquegroupedefruitsauseindelacatégoriedeprix—The percentage is the representativity of each fruits kind according to the price type.

PerspectivesdevalorisationduSafoutierauGabon 139

et dans l’aromathérapie, notammentdans lemassageappliquépoursoignerlerhumatisme.Demême,l’huiledesafoupourraitêtreaussiexploitéepourlafabricationde biocarburant grâce à son potentiel énergétique(Law,2010).SelonSilou (1996), le tourteauoupâterésiduelleissuedelapresseàhuilecontient13à16%deprotéinesetpeutêtreutilisécommeunalimentpourlespoissonsetlesautresanimaux.

LemielissudunectardesfleursdeD. edulisesttrèsapprécié.Enpharmacopéetraditionnelle,larésine,lesracines,lesfeuillesetl’écorceintègrentdenombreusesrecettes thérapeutiques pour le traitement des plaies,del’anémieetdeladysenterie,destroublesdutractusdigestif,desmauxdedentsetd’oreille,etdelalèpre(Raponda-Walkeretal.,1961).Dacryodes edulissertnon seulement d’arbre d’agrément devant et derrièreles habitations,mais il est aussi planté comme arbred’ombragedanslesplantationsdecacaoetdecafé,oùilparticipeàl’équilibreécologiquedumilieu(Sonwaetal.,2002).AuGabon,lesafoutierestaussiutiliséparlespopulationspourfixerlesoldesterrassementsdeshabitats sur les terrains pentus.Chaque safoutier faitpartiedesbiensoudupatrimoinedelafamille.

D’autrepart,leboisdeD. edulisestexploitableenébénisterie.Ilprésentelamêmequalitéquel’acajouetestcomparableàceluideDacryodes buettneri(Engl.)H.J.Lam(Chevalier,1916).

2.6. La composition chimique et les propriétés du safou

Lespropriétésdusafoudépendentdesaccessions,deslocalités, des facteurspédo-climatiques et génétiques(Silou,1994;Anegbehetal.,2005).Lapulpefraichedesafoucontient59%d’eau.Kengué(2002)rapporteque, de la pulpe sèchée, on peut extraire entre 25 à49%d’huile par extractionmécanique et 40 à 65%d’huileparextractionchimique.Parailleurs,lagrainesèchéecontient10à50%d’huile(Arisaetal.,2008;Law,2010).Enoutre,lapulpesèchecontient14à30%deprotéines,13,5à38%d’hydratesdecarbone,18%defibres,11%decendres.L’huiledesafourenferme35 à 65% d’acide palmitique, 16 à 35% d’acideoléique,14à27%d’acide linoléiqueet4%d’acidestéarique(Umotietal.,1987;Silouetal.,2002;Ajayietal.,2006;Kinkélaetal.,2006).Cettecompositionchimique traduit la valeur nutritive intéressante dusafou (Silou et al., 2002; Nwosuagwu et al., 2009;Ajibesin, 2011). Selon Kengué (2002) et Anegbehetal.(2005),lateneurenprotéinesdusafouestmoinsimportante que celle de certains oléagineux commele soja (40%)ou l’arachide (30%),mais elle est aumoinsdeuxfoisplusélevéequecelledelaplupartdescéréales consommées quotidiennement, telles que lemaïs(10%),lesorgho(11%),leblé(8-11%),leriz(8%).Ainsi,lerepascomposédesafouetdeféculents

(manioc,macabo,maïs,pain,etc.)constitueunerationéquilibrée (Bratte, 2011). De même, la compositionen acides aminés essentiels (lysine 6,27%, histidine2,41%, phénylalanine 2,97%, leucine 9,57%,isoleucine 3,87%, thréonine 4,39%, méthionine +cystine1,02%,valine3,73%,arginine3,3%)estfortsemblableàcelledel’œufdepouleoudulaitdevache(Kengué,2002).

Lateneurenfibres(18%)montrebienquelesafouest un aliment qui peut faciliter la digestibilité et letransitintestinal.Pour100gdepulpedéshuilée,lesafoucontient 690mg de calcium, 450mg demagnésium,2380mgdepotassium,220mgdephosphoreet80mgde sodium.La valeur énergétique de 100g de pulpede safou est de444,7Kcal (Kengué, 2002).Outre larichesse nutritionnelle des fruits que rapportent denombreux auteurs (Umoti et al., 1987; Silou et al.,2002; Anegbeh et al., 2005; Ibanda et al., 2009;Nwosuagwu et al., 2009; Ajibesin, 2011; Bratte,2011),ilestintéressantdenoterquel’huiledelagrainedesafouadespropriétésrequisespourêtreutiliséedanslarésinealkyde(liant),lapeinture,lesvernispourbois,legraissagedemachinesetlacrèmecorporelle(Ajiweetal.,1997).Diversesétudesréaliséessurl’écorce,lesracinesetlarésinedusafoutiermontrentqu’ellesontune activité antibactérienne efficace (Koudou et al.,2008;Mbagwuetal.,2008;Okwuetal.,2009).C’estcequipeutexpliquer l’utilisation traditionnellede lapoudre de l’écorce pour soigner les plaies d’originenontraumatique(Raponda-Walkeretal.,1961).

3. LES ENJEUX DE LA VALORISATION DE LA CULTURE DU SAFOUTIER AU GABON

Commedécritci-haut,lesafoutierestunfruitierdontlerendementestestiméentre22et34t.ha-1desafou,soit4-5t.ha-1d’huile,etsesfruitssontnonseulementtrèsappréciéspar lespopulationsd’Afriquecentrale,maisaussipar ladiasporavivantau-delàde sonairedeculture.Envisager ledéveloppementde la culturedusafoutierauGabonparaitdoncêtreuneperspectivepertinente pleine d’enjeux, avec notamment desretombées économiques pour les producteurs et lescommerçants,ledéveloppementd’uneséried’activitésnouvelles,lechangementdeshabitudesalimentairesetlaréductiondelapauvretéenmilieurural.

Lesenjeuxéconomiquespeuventêtreévaluésdansuncontextedeproductioncontrôlée.Nousillustreronscela en estimant le bénéfice annuel que pourraientenregistrertroisacteursinterconnectés(unproducteur,uncommerçantintermédiaireetuntransformateur).Lemarchécibléestsupposéêtrelaville,àcausedugrandnombredeclients(80%delapopulationgabonaise).

Pour un paysan (acteur1) vivant d’agriculture etexploitant1hade150safoutiers, nous considérerons

140 Biotechnol. Agron. Soc. Environ. 201317(1),131-147 PoliguiR.N.,MouaragadjaI.,HaubrugeÉ.etal.

que seulement 50% de ses arbres(75safoutiers) produiront chaqueannée,àcausedel’effetd’alternanceet des éventuelles pertes au champ.Six hypothèses essentielles ontété considérées pour établir cetteestimation,àsavoir:– laproductiondesjeunesarbresest faiblelapremièreannée(10kgpar arbre), la production maximale étant observée chez les arbres adultes,– laproductiond’unarbreaugmente de 10kg chaque année (variable minimaliste),– la production annuelle est assurée par75arbres,– l’investissement (200000FCFA soit 305EUR) consenti pour la miseenplaceduvergerestamorti dèslapremièreannéedeproduction (deuxièmeannéed’exploitation),– leschargesannuelles(260000FCFA soit 396,4EUR) se stabilisent dès latroisièmeannéed’exploitation,– laventesefaitsansperteetleprix du kg de safou par le paysan demeure stable au champ (700FCFA, soit 1,07EUR) et sur lemarchéurbain(1000FCFA,soit 1,52EUR),

Le tableau 3 présente l’esti-mation détaillée des charges, desrecettes et des bénéfices que peutengendrer l’exploitation d’un vergerde safoutiers, sur une période de10ans de production sans apportd’engrais,nidepesticides.

Ilressortquesileproducteurvend750kg de safou, il pourrait tirer unbénéficede265000FCFA(404EUR)à 290000FCFA (442EUR) lapremière année de production, selonqu’ilchoisissedevendresarécolteauchamp ou en ville. Cela correspondàdesmargesbénéficiairesde l’ordrede 63 à 102%. La 10e année deproduction(11eannéed’exploitation),ce bénéfice pourrait se situer à5190000FCFA (7912,7EUR)s’il vend les safou au champ et à7240000FCFA (11038EUR) pourla vente des fruits sur le marchéurbain.Lesbénéficescumulésdedixannées de production s’élèveraient à Ta

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(10kgpararbre)

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(30kgpararbre)

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00

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Année11

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(100kgpararbre)

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PerspectivesdevalorisationduSafoutierauGabon 141

28075000FCFA(42803EUR)silesventessontfaitesau champ et à 38450000FCFA (58621EUR) si lacommercialisationdelarécolteestfaitesurlemarchéde laville. Il ressortque lacommercialisationsur lemarchéurbainest laformulelaplusrentablepourleproducteur, et même pour les consommateurs.Maiscetteoptionestpluscontraignante,carelleauguredesdépensessupplémentairesrelativesauséjourenvilledu producteur. Toutefois, ces bénéfices pourraientinciterlepaysan,ousesvoisins,às’investirdavantagedanscetteculture.

Pour un commerçant (Acteur2) achetant toute laproduction d’un paysan, nous considérerons qu’il adeux scénarios (Tableau 4), soit acheter le safou auchamp,soitsurlemarchéurbain.Nousconsidéreronsaussiquelecommerçantfixesonprixdukgdesafouà1500FCFA(1,52EUR)sur lemarchéurbain,pouramortir sescharges.Eneffet, lecoutdukgdusafoufrais sur les marchés urbains étant de 2000FCFAau Gabon, on pourrait envisager, avec une certainegarantie de rentabilité économique, une baisse deprix jusqu’à 1500FCFA, ce qui rendrait le safouplus accessible et plus attractif. Il ressort que si le

commerçant revend750kgde safou (vente audétailou en gros) sans pertes, il pourrait tirer un bénéficede 375000FCFA (571,72EUR) à 400000FCFA(609,84EUR)lapremièreannée,selonqu’ilchoisissed’acheter la récolte au champ ou en ville. Celacorrespond à des marges bénéficiaires de l’ordre de50à55%.La10eannée,cebénéficepourraitsesituerà 3750000FCFA (5717EUR) si l’achat des fruitsest fait sur le marché urbain, et à 5800000FCFA(11038EUR)s’ilachètelesafouauchamp.

Le tableau 4 présente l’estimation détailléedes charges, des recettes et des bénéfices que peutengendrerlacommercialisationd’uneproductiond’unvergersurunepériodede10ans.

Les bénéfices cumulés de dix années decommercialisation s’élèveraient à 20625000FCFA(31445EUR)sicetachataétéexclusivementfaitsurlemarchédelavilleetà31000000FCFA(47263EUR)si l’achatdusafouaétéfaitauchamp.Ilseraitdoncplusrentablepourlecommerçantd’acheterlesafouauchamp.

Ces bénéfices pourraient bien augmenter si lesventessontplusimportantesquecellesquenousavons

Tableau 4.Estimationde la rentabilité (enFCFA)de lacommercialisationdusafou (750kg)— Income estimation (in FCFA) of safou trade (750 kg).

Quantité achetée (kg)

Prix d’achat total (x 103)

Cout du transport (x 103)

Total dépenses(x 103)

Recettes (x 103)

Bénéfice (x 103)

Bénéficecumulé(x 106)

Année1 Sc1 750 750 0 750 1125 375Sc2 750 525 200 725 1125 400

Année2 Sc1 1500 1500 0 1500 2250 750Sc2 1500 1050 200 1250 2250 1000

Année3 Sc1 2250 2250 0 2250 3375 1125Sc2 2250 1575 200 1775 3375 1600

Année4 Sc1 3000 3000 0 3000 4500 1500Sc2 3000 2100 200 2300 4500 2200

Année5 Sc1 3750 3750 0 3750 5625 1875Sc2 3750 2625 200 2825 5625 2800

Années6-9 Sc1 22500 22500 0 22500 33750 11250Sc2 22500 15750 800 16550 33750 17200

Année10 Sc1 7500 7500 0 7500 11250 3750 20,63Sc2 7500 5250 200 5450 11250 5800 31

Sc1=Scénario1:lecommerçantachètesarécolteaumarchéurbain.Iln’apasdedépensedetransport—the trader buys his harvest at the urban market. He spends nothing for transport;Sc2=Scénario2:lecommerçantachètesarécolteauchamp.Celaengendrelecoutdutransport—the trader buys his harvest at field. That generates the transport costs;Prixd’achattotal=[récolteannuellede75arbres]x[prixd’achat(700FCFAauchampou1000FCFAenville)]—Total purchase price = [annual harvest of 75 trees] x [purchase price (700 FCFA at field, or 1000 FCFA at urban market)];Recettes:ventedelarécolte=[récolteannuellede75arbres]x[prixdeventeenville(1500FCFAparkg)]—Yield : sale of harvest = [annual harvest of 75 trees] x [urban market price (1 500 FCFA per kg)].

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estimées, ou baisser si la surproduction entrainaitl’infléchissementduprixdukgdesafoufrais.

Pour un transformateur artisanal (Acteur3) quivoudrait s’investir dans la production de la pâte desafou(beurredesafou),ilestaussipossibled’évaluerlarentabilitédesonactivité.Nousconsidéreronsquelaquantitédebasede750kgde safou (commechezle producteur et le commerçant) serait transforméeen412,5kg (55%)depâte (pulpedébarrasséede lagraine) et que le prix du kg de cette pâte de safouseraitfixéà1500FCFA.Ilestàrappelerquelamisesur lemarchédelapâtedusafouestplus laborieuseque la commercialisation directe du safou frais. Eneffet, l’élaboration de la pâte de safou augure descharges supplémentaires liées à la transformationet à la conservation. Il est dès lors normal que sonprixaukgsoitélevé,carcontrairementaufruit fraisdont environ 33% de la masse (l’endocarpe et lagraine)nesontpascomestibles,lapâteestunproduitentièrement comestible. Nous considérerons que letransformateur pourrait être soit un propriétaire devergers,soitunacteurspécialisédans lavalorisationdes fruits en voie d’altération (achat à moitié prix:500FCFAparkg).Danslepremiercas,lesdépensesglobaless’élèveraientà290000FCFA(442,13EUR),soit 60000FCFA (91,5EUR) pour la récolte (fraisde sous-traitance), 200000FCFA (305EUR)pour le transport et 30000FCFA (45,7EUR)pour la main-d’œuvre servant à la transformationdes fruits. Les recettes attendues pourraient êtrede 618750FCFA (412,5kg.1500FCFA, soit943,4EUR) et les bénéfices de 328750FCFA(= 618750FCFA-290000FCFA, soit 501,2EUR),soit unemarge bénéficiaire de 113,36%. Cet acteurpourrait aussi décider de commercialiser sa pâte surplace(surlelieudeproduction)à1000FCFAlekg.Le bénéfice, dans ce cas, serait de 322500FCFA(412500FCFA-90000FCFA, soit 419,7EUR), soitunemargebénéficiairede358,33%.

Encequiconcernel’acteur transformant lesafouen voie de ramollissement, les dépenses totales(490000FCFA, soit 747EUR) seraient constituéespar les frais d’achat des fruits (750kg.500FCFA=375000FCFA, soit 571,72EUR), les frais d’achatd’emballage végétal (80000FCFA, soit 122EUR),lesfraisdetransport(5000FCFA,soit7,6EUR)etlamain-d’œuvre pour la transformation (30000FCFA,soit45,74EUR).Lesrecettesattenduespourraientêtrede 618750FCFA et les bénéfices, de 128750FCFA(196,3EUR), soit unemargebénéficiairede26,3%.Les marges bénéficiaires du transformateur sontcertesplusimportantesqueceuxduproducteuretducommerçant intermédiaire, mais le bénéfice est demoindreimportance.Leproducteuretlecommerçantsont donc les acteurs à qui la commercialisation dusafouprofiteraitleplus.

Il est à soulignerque l’offre (laproduction) et lademande(marché)ontunedynamiqueinteractive.Eneffet,leproducteurvoudraitlivrersarécolteaumarché(consommation), alors que le commerçant voudraitl’achetersur lechamp.Cetappelattractifréciproquepourraitconstituerunfacteurintéressantautorégulantlesprixdesafou.

Auregarddelagrandeurdecesbénéficesbaséssuruneestimationreposantsurdesvariablesminimalistes(rendement, prix), il est permis d’envisager unerentabilité plus importante dans le cadre des vergersconstituésdesarbressélectionnés,dont laproductionauchampestdeuxàquatrefoisplusélevée(22-34t.ha-1). Une partie de cette production pourrait êtrecommercialisée pour une transformation industriellelocale ou être exportée. Par ailleurs, le mécanismede la loi de l’offre et de la demande pourrait peut-êtreentrainerunebaissedesprixd’achat(auprèsdesproducteurs) et de vente (au marché) du safou, touten restant à un niveau économiquement rentable.Lesrecettesgénéréespourraientêtre réinvestiesdansl’extensiondesvergersdontlaproductionseraorientéeverslaproductiond’huiledesafouet/oucelledusafou(fraisetsèché)destinéàl’exportationendirectiondespayslimitrophesetdel’Occidentdontlademandeensafouestimportante(Tabuna,1999).Lesafoutieradespotentialités d’extraction d’huile pouvant permettred’obteniraumoinsautantderendementquelepalmierà huile Elaeis guineensis Jacq. (3t.ha-1 d’huile)(Kapseu,2009;Law,2010),cequipourraitconstituerune alternative à la diversification des ressourcesoléagineusesdupays.

4. LES PERSPECTIVES

Le Gabon dépense plus de 200milliardsFCFA(304924540 EUR) chaque année pour l’importationalimentaire et investit plus de 1,2milliardsFCFA(1,83millionsEUR)danslacultureducafé-cacao,bienqueces spéculationsn’apportent aucunecontributionéconomiqueauproduitintérieurbrutdupays(DGELF,2010).Ilestdoncaujourd’huiraisonnablederéfléchiràcommentréduirecettedépendancealimentaire.Dansce contexte, la valorisation du safoutier nous paraitêtreunedesvoiesappropriéesàexplorer.Samiseenroute nécessitera une recherche bien ciblée et unensembledestratégiesspécifiquesquenousprécisonsci-après.

4.1. La recherche

La recherche reposera sur trois axes principaux, àsavoirlasélectiondesaccessionsélites,l’introductiondesystèmesdeproductionagroforestiersperformantsetl’étudedelaprotectionphytosanitairedelaplante.

PerspectivesdevalorisationduSafoutierauGabon 143

La sélection des accessions. Elle concernera lessafoutiers à haut rendement et résistants ou tolérantsaux maladies et ravageurs. La sélection constitueralepointdedépartde la recherche.Lesperformancesrecherchéesporterontsurlaproductivité,lecalibreetles qualités agro-alimentaires des fruits, ainsi que larésistance auxmaladies et aux ravageurs. Ce travailpourrait aboutir à la mise en place d’un verger decollectionsdessafoutierssélectionnés,lequelproduirades marcottes destinées à la commercialisation. Àcôté du marcottage aérien, des essais sur les autrestechniques comme le bouturage, la multiplicationin vitro et le greffage devront être envisagés. Celapermettrade fournirauxproducteursdesplantsdontl’entréeenproductionauchampseraramenéeàdeuxans (Kengué, 2002), au lieu de six, commedans lesconditionsdeculturetraditionnelle.

Les systèmes de production agroforestiers. Larecherchesurlessystèmesdeproductionagroforestierssera respectueusede l’environnement et adaptée auxformes modernes et performantes d’agroforesterie(Dounias et al., 1996). Elle permettra de reteniret de vulgariser les combinaisons culturales lesplus productives et les plus rentables. Des culturesmaraichères locales telles que l’oseille de guinée(Hibiscus sabdariffa L.: Malvaceae), le gombo(Abelmochus esculentus [L.] Moench), l’aubergine(Solanum melongena L.), le piment (Capsicum frutescens L.) et certaines plantes vivrières commelemacabo(Xanthosoma sagittifolium[L.]:Araceae),l’ananas (Ananas comosus L.), le manioc (Manihot esculentaCrantz)seronttestéesdanslesvergerscommeplantesassociées.Celafavoriseraladiversificationdesactivités et unemeilleurevalorisationdes ressourcesdumilieu(Nguegang,2008),demanièreàpermettreaux exploitants agricoles de disposer de revenuscontinusetcomplémentaires.L’appropriationdecettenouvellestratégieglobaledeproductionparl’ensembledes paysans contribuera sans doute à l’amorce d’undéveloppementruraldurable.

La protection de la plante.L’étudede laprotectiondelaplanteconstitueunvoletincontournabledecetterecherche et permettra d’accroître très sensiblementles récoltes.À cet effet, comme le souligneKengué(2002), l’étude des ravageurs et des maladies dusafoutierdemeureunvastechampàpeineexploré.Lesrésultats préliminaires de nos travaux ont permis dedéterminerquelquesespècesnuisibles.Auniveaudesfeuilles, Oligotrophus sp. (Diptera: Cecidomyiidae)cause des gales alvéolaires, Pseudophacopteron serrifer Malenovský & Burckhardt (Hemiptera:Phacopteronidae) induit des gales rugueuses,tandis que Physophorpterella bendroiti Popius(Hemiptera:Miridae)causedesbrûluresdesfolioles.

Pseudotherapus wayiBrown(Hemiptera:Coreidae),Pseudonoorda edulis Maes & Poligui sp. nov(Lepidoptera:Crambidae),Bactrocera invadensDrew,Tsuruta &White (Diptera: Tephritidae) etCeratitis capitataWiedemann(Diptera:Tephritidae)attaquentlefruit,tandisqueTragocephalaguerinivar.buquetiThomson(Coleoptera:Cerambycidae)etMecocorynus loripesChevr. (Coleoptera:Curculionidae) sévissentrespectivement au niveau des rameaux et du tronc.Pseudonoorda edulis sp.nov est unenouvelle espècerécemment décrite par Maes (2012) à partir decollectes et observations que nous avons faites auGabon.MecocorynusloripesseraitvraisemblablementleravageurqueKengué(2002)décritcommeforeurdutroncdu safoutier. S’inscrivant dans les perspectivesdedéveloppementdelaculturedusafoutierauGabon,nostravauxdethèseontpourobjectifdedévelopperenprofondeurces résultatspréliminaires, en s’appuyantsurtroisprincipaleshypothèses:– l’existence d’une diversité entomofaunique inter- agissantentrelesafoutieretlesculturesassociées,– l’existencederavageursspécifiquesausafoutier,– l’existencede ravageursmajeurs réduisant signifi- cativementlaproductiondesafou.

Le mode de vie et les dégâts de ces ravageurs,ainsiquedesstratégiesdelutteappropriées,restentàdétermineretnécessitentdesétudesapprofondies.

4.2. La stratégie de valorisation de la culture du safoutier

Lastratégiedevalorisationdelaculturedusafoutierpasserait à notre avis par l’encouragement d’unenvironnement économique dynamique, avec desmécanismesd’autorégulationdemarché susceptiblesdegarantirlapérennitédelafilièresafou.Ils’agirait,dans le contexte d’un marché concurrentiel, desmécanismes de fixation de prix autorégulant de laproduction(offre)etlaconsommation(demande).Àceteffet,lesdifférentsacteurséconomiques(producteurs,intermédiaires, consommateurs) pourraient adopterentreeux-mêmesdeslignesdirectricescommunesauniveau du marché national, de manière à permettrel’exploitation judicieusede tous lesproduitsetsous-produitsdusafoutier.

La filière safou. Pour un développement durable delaculturedusafoutierauGabon, il serait intéressantquetouslesacteursimpliquésœuvrentensynergie,demanièreàsusciterl’existenced’unefilièresafoubienorganisée.Ilpourraits’agir,parexemple,d’avoirdesespaces vitrines qui donneraient des renseignementsutiles sur le marché du safou, particulièrement leszonesetlespériodeslesplusproductives,lesmarchésles plus accessibles et les tendances des besoins des

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consommateurs.Untelenvironnementdelibremarchépourrait lui-même inspirer la naissance de plusieursopérateurs économiques, à savoir les producteurs(planteursindividuelsoucollectifs),lescommerçants(intermédiaires nationaux et exportateurs) et desindustriels(huilerie,cosmétique).

Les producteurs devraient commercialiser leurrécoltesoitauchamp,soitdirectementsurlemarchéurbain,àdesprixattrayantsetsouples.

De la production et de la commercialisation dusafoufrais,ilpourraitainsinaitreuneséried’activitésde transformation (artisanale et/ou industrielle)impliquantdenombreuxintermédiaires.Celapermettrad’offrir aux consommateurs des produits élaborés etconditionnés (beurre de safou, huile de safou). Uneétude plus affinée des stratégies spécifiques baséesur les réalitésducontextegabonaiset sous-régionaldevraitpermettrededéterminerlesmargesetfacteurséconomiquessusceptiblesdegarantirlesaxesdeprofit.Parailleurs,ilseraitnécessairederèglementerlafilièresafou, pour garantir un environnement économiqueau sein duquel l’offre et la demande se régulerontnormalement,selonlesmécanismesdulibremarché.

La valorisation de toutes les ressources du safou.La valorisation de toutes les ressources du safouprocèdedelanécessitédesatisfairediversbesoinsdel’alimentationhumaine(fruitsfrais,fruitssecs,beurrede safou, huile de safou), de l’alimentation animale(fruits,tourteaux),delacosmétique(huiledenoyaux,savondesafou),de l’énergie(bois,résine,carburant,gaz), de l’ébénisterie (bois) et éventuellement durecyclage des résidus (fumure organique). Si lesproduitsalimentairesetcosmétiquesfontl’objetd’uneexploitationéconomiquebienpalpable,ilestàsoulignerquel’huiledesafouestactuellementétudiéeenvuedelaproductiondubiocarburant(Law,2010).Danscettepartiedetravail,nousnousfocaliseronsessentiellementà relever la pertinence d’explorer la perspective deproduiredubiocarburantàpartirde l’huiledesafou.En effet, avec des valeurs en huile (pulpe et graine)estimées entre 4 et 5t.ha-1 (Kapseu, 2009),D. edulisaunrendementhuitfoissupérieuràceluidujatropha(Jatropha curcas L.:Euphorbiaceae),quiestde0,54

à0,9t.ha-1.Le jatrophaconstituepourtantuneplantecible pour la production de biocarburant en milieutropical(Domergueetal.,2008).Demême,lorsqu’oncompare la qualité des huiles de trois oléagineux(jatropha, colza, safou) (Tableau 5), il apparait quela composition des acides gras du safou présentedes valeurs variables et compatibles à celles d’unehuile idéale (référence théorique) pour la fabricationdu biocarburant. Cette variabilité des acides grasdu safou relève de la diversité intra-spécifique deD. edulisettraduitl’existencedediversesaccessions,dont certaines pourraient être appropriées pour laproductiondubiocarburant.CelacorroborelestravauxdeLaw(2010)quirelèvequelesafoutieraunpotentielénergétiquesusceptibledepermettresonexploitationenbiocarburant.Ledéveloppementdecetteperspectivepermettrait une bonne valorisation des quantités desafouperdues(50-65%)aprèslarécolte.Letableau 5présentedesélémentscomparatifsentretroisespècesvégétalesexploitablespourlebiocarburant.

Au regard des rendements et du potentielénergétique de D. edulis, il serait donc intéressantqu’en milieu tropical, l’industrie des biocarburantss’investisse aussi dans la recherche et lavalorisationdesaccessionsdesoléagineuxlocauxàfortevocationénergétique,commelesafoutier.

5. CONCLUSION

Le safoutier (Dacryodes edulis) est un arbre fruitierdont la culture au Gabon repose encore sur uneagriculture de type traditionnel rudimentaire. Cecontexteapoureffet la faibleproductionensafouetl’absence de stratégies de valorisation de la culturedans ce pays, malgré les nombreuses potentialitésintéressantes de D. edulis. En effet, contrairementauxculturesderentedontlesprixdépendentducoursmondial,laculturedusafoutierprésenteunerentabilitéthéorique certaine pour les populations gabonaisesqui pourraient s’y investir.Moderniser la culture dusafoutier pourrait donc bien valoriser la diversitébiologique et génétique de cette ressource locale.Cettemodernisationdelaculturedevraitêtreorientée

Tableau 5.Comparaisondequelqueshuilesvégétalespourlaproductiondubiocarburant—Comparison of some vegetable oils for biofuel production.Huile C6:0-C16:0 C18:0-C24:0 C16:1-C24:1 C18:2 C18:3Huileidéale* 28 2 50 20Jatropha* 16 6 37 40Colza* 5 2 59 22 10Safou** 35-65 2,13-3,7 16-60 15-27 0,29-1,3

Source:adaptéde—adapted from:*Domergueetal.,2008;**Silou,1996;Kengué,2002;Awonoetal.,2008;Kapseu,2009.

PerspectivesdevalorisationduSafoutierauGabon 145

et encadrée par une recherche scientifique se basantsur le développement des techniques de productionbiologique,maisobéissantàl’éthiqued’uneagriculturemoderne soucieuse de la préservation de l’équilibreécologique. L’investigation scientifique devrait doncêtremultidisciplinaireetfocaliséesurlasélectiondesaccessions élites de safoutiers, la détermination dessystèmesculturaux lesplus rentableset laprotectionde la plante. Un environnement économique soupleetdynamiquepermettraitnonseulement lanaissanced’unenouvelleséried’activitésinteragissantentreelles,maiscontribueraitaussiàlastructurationd’unefilièresafou autonome.Une bonne stratégie de valorisationdesproduitsdusafoutierdevraitgarantirdurablementledéveloppementdecetteculture,cequiparticiperaità la concrétisation de la sécurité alimentaire auGabon,notammentdans laproduction fruitière.Celasusciterait certainement un intérêt nouveau pourbeaucoup de Gabonais qui pourraient y trouver unenouvelleressourceéconomiquesusceptibledesoutenirefficacement le développement du milieu rural. Laréussite du développement de la culture du safoutierau Gabon pourrait aussi inspirer une politique devalorisationsimilairedanslespaysvoisins,dufaitqueles safousontavant toutdestinésà laconsommationnationale et sous-régionale. Développer et valoriserla culture du safoutier au Gabon relève certes de lanécessité de satisfaire les besoins locaux en safou,il reste qu’il n’y a pas de développement durablepossible sans investissement conséquent.Lamise enplace d’une stratégie globale de sécurité alimentaireau Gabon pourrait également constituer un cadre auseinduquellesafoupourraitjouerunrôleéconomiqueimportant.

Remerciements

Lesauteursremercientl’INSABetlePAI-DRH(Programmed’AppuiInstitutionneletdeDéveloppementdesRessourcesHumaines, organisme de l’État gabonais) pour lamise enstage et le financement des travaux du doctorat de RenéPoligui.

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