la chimie des huiles essentielles dépoussiérée

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Phytothérapie (2011) 9: 33–37 © Springer-Verlag France 2011 DOI 10.1007/s10298-010-0604-3 Formation continue Aromathérapie La chimie des huiles essentielles dépoussiérée M.I. Böhning Cabinet Guérissure, 20, avenue Taillecou, S-1162, Saint-Prex, Suisse Correspondance : [email protected] Intervention au 12 e Symposium international d’aromathérapie et plantes médicinales de Grasse 2010 La chimie a des raisons essentielles de côtoyer la culture, la distribution et la prescription des huiles essentielles. Mais si elles ont encore de bonnes raisons de vivre ensemble, le mariage entre la chimie et l’aromathérapie est plombé d’erreurs conceptuelles qu’il faudra résoudre. Sinon la sécu- rité et l’efficacité de la prescription en souffriront. La compré- hension de ces erreurs nous aidera à comprendre que voir des huiles essentielles comme des ensembles de molécules est faux. On ne peut pas simplifier de la sorte la complexité des simples, mais surtout on s’enferre à utiliser un système erroné quant à la toxicité ou la prédiction d’effets. Il nous faudra, pour avoir une chance d’être justes, non pas retourner à la prescription d’huiles essentielles plutôt que de molécules, mais évoluer vers la prescription d’huiles essentielles plutôt que de molécules. Et surtout nous distan- cier d’un outil de compréhension chimique qui n’est plus à jour. Histoire Fut une époque, avant l’intervention de la chimie en aromathérapie, où l’on manquait de sécurité. On s’aperçut qu’il y avait des plantes toxiques et d’autres non toxiques. On s’aperçut aussi que la même plante donnait des huiles essentielles avec des odeurs, des propriétés et des toxicités différentes selon comment elle était cultivée et récoltée. Il a fallu chercher à comprendre pourquoi, ce qui fut fait. Et l’on a trouvé que ce qui variait dans l’huile essentielle était sa composition chimique. Il restait donc à mettre en place un système pour rétablir la sécurité d’emploi. On a choisi un système avec les outils et les connaissances de l’époque. Car on se devait de mettre en place une classi- fication simplifiée pour se donner une cartographie que les médecins et les aromathérapeutes pourraient suivre. On en est donc arrivé au système actuel : un raccourci, une simplification. Une brillante idée à la base certes, mais un système faux et vieillot, maintenant désuet. Conceptuellement, notre héritage Si on avait pensé juste selon les outils de l’époque, on se doit d’en forger d’autres et l’on doit penser autrement. Les savants qui s’étaient attelés à la tâche, il y a un demi-siècle, ont fait un travail magnifique pour lequel nous nous devons de montrer de la gratitude, autant ceux qui se sont attelés à la tâche en arrière-plan que ceux qui ont offert ces travaux au monde. Les travaux alors faits ont mené à la reconnais- sance de l’excellence de l’aromathérapie francophone qui est restée un point de mire pour l’aromathérapie mondiale pendant longtemps. Ce qu’elle n’est plus. Si elle veut avoir une chance de redevenir ce fleuron, ce n’est pas tant qu’elle a du travail à rattraper ; c’est qu’elle doit changer de para- digme. Les outils modernes de connaissances chimiques, d’analyse chimique et de compréhension médicale concep- tuelle nous amènent à une vision conceptuellement diffé- rente du corps humain comme des huiles essentielles. Il tient à nous maintenant de faire une révolution aussi magistrale qu’à l’époque où les chémotypes et les familles chimiques de classement des molécules aromatiques furent mis en place. Eh oui, hélas le système est plombé. Il ne tient conceptuellement plus la route pour diverses raisons. Problèmes – Le système de classement courant des molécules d’huiles essentielles est faux ; on classe les molécules juste par d’infimes parties de celles-ci qui se ressemblent ; on prescrit faux. C’est sans aucun doute le plus grand problème (et après tout, c’est la finalité des choses) ; – on se prive de beaucoup d’huiles essentielles efficaces et sûres en les classant avec d’autres huiles essentielles dangereuses ;

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La chimie a des raisons essentielles de côtoyer la culture, la distribution et la prescription des huiles essentielles. Mais si elles ont encore de bonnes raisons de vivre ensemble, le mariage entre la chimie et l’aromathérapie est plombéd’erreurs conceptuelles qu’il faudra résoudre. Sinon la sécurité et l’efficacité de la prescription en souffriront. La compréhension de ces erreurs nous aidera à comprendre que voir des huiles essentielles comme des ensembles de molécules est faux. On ne peut pas simplifier de la sorte la complexité des simples, mais surtout on s’enferre à utiliser un système erroné quant à la toxicité ou la prédiction d’effets.Il nous faudra, pour avoir une chance d’être justes, non pas retourner à la prescription d’huiles essentielles plutôt que de molécules, mais évoluer vers la prescription d’huiles essentielles plutôt que de molécules. Et surtout nous distancier d’un outil de compréhension chimique qui n’est plus à jour.

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  • Phytothrapie (2011) 9: 3337 Springer-Verlag France 2011DOI 10.1007/s10298-010-0604-3

    Formation continue

    Aromathrapie

    La chimie des huiles essentielles dpoussire

    M.I. Bhning

    Cabinet Gurissure, 20, avenue Taillecou, S-1162, Saint-Prex, Suisse Correspondance : [email protected]

    Intervention au 12e Symposium international daromathrapie et plantes mdicinales de Grasse 2010La chimie a des raisons essentielles de ctoyer la culture, la distribution et la prescription des huiles essentielles. Mais si elles ont encore de bonnes raisons de vivre ensemble, le mariage entre la chimie et laromathrapie est plomb derreurs conceptuelles quil faudra rsoudre. Sinon la scu-rit et lefficacit de la prescription en souffriront. La compr-hension de ces erreurs nous aidera comprendre que voir des huiles essentielles comme des ensembles de molcules est faux. On ne peut pas simplifier de la sorte la complexit des simples, mais surtout on senferre utiliser un systme erron quant la toxicit ou la prdiction deffets.

    Il nous faudra, pour avoir une chance dtre justes, non pas retourner la prescription dhuiles essentielles plutt que de molcules, mais voluer vers la prescription dhuiles essentielles plutt que de molcules. Et surtout nous distan-cier dun outil de comprhension chimique qui nest plus jour.

    HistoireFut une poque, avant lintervention de la chimie en aromathrapie, o lon manquait de scurit. On saperut quil y avait des plantes toxiques et dautres non toxiques. On saperut aussi que la mme plante donnait des huiles essentielles avec des odeurs, des proprits et des toxicits diffrentes selon comment elle tait cultive et rcolte.

    Il a fallu chercher comprendre pourquoi, ce qui fut fait. Et lon a trouv que ce qui variait dans lhuile essentielle tait sa composition chimique. Il restait donc mettre en place un systme pour rtablir la scurit demploi. On a choisi un systme avec les outils et les connaissances de lpoque. Car on se devait de mettre en place une classi-fication simplifie pour se donner une cartographie que les mdecins et les aromathrapeutes pourraient suivre.

    On en est donc arriv au systme actuel : un raccourci, une simplification. Une brillante ide la base certes, mais un systme faux et vieillot, maintenant dsuet.

    Conceptuellement, notre hritageSi on avait pens juste selon les outils de lpoque, on se doit den forger dautres et lon doit penser autrement. Les savants qui staient attels la tche, il y a un demi-sicle, ont fait un travail magnifique pour lequel nous nous devons de montrer de la gratitude, autant ceux qui se sont attels la tche en arrire-plan que ceux qui ont offert ces travaux au monde. Les travaux alors faits ont men la reconnais-sance de lexcellence de laromathrapie francophone qui est reste un point de mire pour laromathrapie mondiale pendant longtemps. Ce quelle nest plus. Si elle veut avoir une chance de redevenir ce fleuron, ce nest pas tant quelle a du travail rattraper ; cest quelle doit changer de para-digme. Les outils modernes de connaissances chimiques, danalyse chimique et de comprhension mdicale concep-tuelle nous amnent une vision conceptuellement diff-rente du corps humain comme des huiles essentielles. Il tient nous maintenant de faire une rvolution aussi magistrale qu lpoque o les chmotypes et les familles chimiques de classement des molcules aromatiques furent mis en place. Eh oui, hlas le systme est plomb. Il ne tient conceptuellement plus la route pour diverses raisons.

    Problmes Le systme de classement courant des molcules dhuiles

    essentielles est faux ; on classe les molcules juste par dinfimes parties de celles-ci qui se ressemblent ;

    on prescrit faux. Cest sans aucun doute le plus grand problme (et aprs tout, cest la finalit des choses) ;

    on se prive de beaucoup dhuiles essentielles efficaces et sres en les classant avec dautres huiles essentielles dangereuses ;

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    on offre au public et laromathrapeute familial de devoir faire lui-mme le travail des auteurs en aromath-rapie en leur proposant un outil pseudosimple et erron de classement de molcules par familles. On leur fait croire quils peuvent et doivent eux-mmes faire la corrlation chimie/effets secondaires ou chimie/proprits et en plus, on leur complique ainsi inutilement laromathrapie ;

    on dicte des normes internationales sur la base dana lyses errones. Cela mne les entreprises devoir falsifier leurs huiles ou les faire partir de matriel de bien moindre qualit (sch ou en dbut de putrfaction) afin quelles passent les normes. Cela aussi doit tre revu. En effet, de nombreuses normes ont t tablies sur la base de lots dont les plantes ont travers les ocans sur des bateaux avant dtre distilles par exemple. Elles sont galement paramtres en fonction de la scurit chimique pense dans un systme de familles qui ne colle pas la ralit dinteraction biologique huile essentiellehumain, ce que nous verrons. Ce point est li au sujet de faon priphrique, mais je profite du lectorat de qualit de cette revue pour crier la rvision ici aussi, mais surtout la souplesse normative.

    Erreurs ou omissions conceptuelles du systme actuel

    On cre des familles chimiques en sappuyant sur une minuscule partie de la molcule : son radical, en omettant plus ou moins toute sa fonction. lpoque o ce systme fut mis en place, on considrait que les molcules interagis-saient avec les cellules du corps humain lectroniquement par des ractions doxydorduction, de neutralisation, daddition On samusait avec llectrongativit, laci-dit, la valence, lenthalpie pour prdire le fonctionne-ment chimique du corps humain. Les assemblages dions menaient la danse. Cela nest pas totalement hors du tableau mais sinscrit dans un tableau plus large, car on prend maintenant en compte la forme gomtrique des mol-cules en plus de leurs aspects lectroniques (et bientt leurs frquences de rsonance, mais cela est musique davenir encore). On comprend donc maintenant linteraction des molcules trangres sur les cellules du corps comme des cls dverrouillant des serrures.

    On cre des familles chimiques l o elles se recou-pent, l o elles se ddoublent, l o elles sentremlent et finalement peut-tre l o il ne faut pas en voir.

    On sloigne aveuglment de lexprience clinique de nombreux minents mdecins et aromathrapeutes que lon naccepte pas si elle ne cadre pas avec les prdictions chimiques bases sur lanalyse dune huile essentielle. Certes, on a rcemment rhabilit le carvi par exemple (et son carvone). La chimie a dmontr ce que montrait la clinique : toutes les ctones monoterpniques ne sont pas dangereuses. Quelques voix slvent pour diffrencier les degrs de toxicit de la sauge officinale et du thuya

    occidental (alpha- et btathujone nont de loin pas la mme toxicit). La littrature et la lgislation ont cependant de la peine suivre. On entend que les chats devraient mourir avec des doses si infimes dune majo-rit tellement crasante dhuiles essentielles que lon pourrait peine en diffuser un peu dans la pice avant quils ne tombent raides morts. Cela parce quils nont pas de glucoronyle hpatique transfrase T. Cest gnial, cest vrai, mais cest thorique. Eh bien, je vous le dis, je dois tre un serial killer de chats rat, car jen ai trait des dizaines en vitant simplement la muscade, les huiles essentielles forte teneur en paracymne (toxique pour le chat en cas doxydation) et en limitant la quantit dhuiles essentielles rputes toxiques. Aucun nest mort, aucun na jamais mme paru autrement incommod que secouant ses pattes pour se dbarrasser de lodeur forte. Le chat doit donc prsenter dautres formes de mtaboli-sation efficace des molcules des huiles essentielles.

    Et si cela tait le cas pour nous aussi ? On ne prend en compte que des molcules des

    taux relativement levs. Ce sont pourtant frquemment des molcules des taux ridiculement faibles qui sont responsables de vrais miracles dans le corps humain. Et je parle ici de taux trs nettement en dessous du pour cent. Prenons un exemple. Tout le monde est capable de diff-rencier lodeur dune essence de pamplemousse et dorange sil tient les deux sous son nez. Elles sont molculairement relativement identiques. Du moins est-ce ce que lon trouve dans les analyses chimiques de tous nos livres daromath-rapie ce quoi lon peut rajouter la mandarine, le citron Le marqueur propre de lodeur du pamplemousse qui lui donne sa caractristique est le 1-p-menthne-8-thiol. Cette molcule sy trouve une concentration de moins de 1 ppb (cest--dire moins de cinq gouttes pour un bassin olym-pique). Et pourtant, on la reconnat sans hsiter en une fraction de seconde.

    Notre nez nest pas un miracle fonctionnant diffrem-ment que le reste du corps ou une glande endocrine qui remplit sa fonction sur rception dun message parfois tout aussi subtil que ce quil faut notre olfaction pour dclencher en nous nombre de ractions physiologiques, psychologiques et motionnelles. Le nez a beaucoup de terminaisons nerveuses rceptrices. Mais il suffit une cellule un seul rcepteur pour quune molcule lui dlivre son message et fasse lentier de son effet.

    On ne tient pas compte des frquences dmission et de rsonance des molcules des huiles essentielles et des structures du corps humain. Les connaissances actuelles de ce phnomne en sont encore leurs balbutiements. Notamment, en ce qui concerne linteraction intermol-culaire. Le corps humain na pas encore tant t explor sous cet angle. Cette tche attendra vraisemblablement la gnration suivante daromathrapeutes, mais nous ne pouvons pas balayer dun revers de main toutes les impli-cations quentrane ce phnomne. Notamment en ce qui concerne llectivit, le tropisme et ladaptogncit des

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    huiles essentielles. Cela concerne probablement un bon nombre de ce que lon appelle les magies inexplicables de laromathrapie .

    On tente dexpliquer leffet thrapeutique des huiles essentielles par leurs composants. On sait depuis longtemps maintenant que la totalit est bien plus que la somme des parties. On doit se mettre penser quelle est mme parfois bien diffrente de la somme des parties. Et que ce nest pas par ses parties quil faut en expliquer non seulement la puissance, mais aussi leffet. Donnons les mmes ingr-dients deux pizzaiolos et gotons la diffrence pour nous en convaincre

    Erreurs ou omissions thoriques du systme actuel

    Le seul radical dune molcule ne conduit pas sa toxicit ni ses effets secondaires ni ses proprits

    Ce nest quun paramtre parmi dautres. On voit des exceptions dans toutes les familles. Dans le sens de la toxicit, on a des esters toxiques comme lactate de sabi-nyle (Juniperus sabina), on a des alcools monoterpniques comme le menthol (Mentha x piperita). Dans le sens de la non-toxicit, on a le carvone (Carum carvi), latlantone (Cedrus atlantica lignum), lhimachalone (Cedrus excelsior lignum), litalidione (Helichrysum angustifolium) qui nont pas la toxicit forte que lon prte aux ctones.

    On prte des familles entires des proprits et des toxicits dduites dune seule molcule !

    Prenons un simple exemple : on prte aux oxydes la facult dtre expectorants,

    mucolytiques, antiviraux Or, nous navons tudi quune seule molcule de cette famille : le 1,8-cinole. Mais quen est-il de tous les autres oxydes, souvent dailleurs apparte-nant plusieurs familles ? On nen sait rien, mme pour le frre jumeau du 1,8-cinole : le 1,4-cinole. Et lon doit avoir lhonntet de le dire. On croit avoir lhonntet de le dire ? Alors comment se fait-il que lon rcite dans tous les livres des proprits pour les oxydes ?

    On prte des molcules les proprits de plantes dans les huiles essentielles desquelles elles sont majoritaires

    Par exemple, lestragole (mthylchavicolther) est-il vraiment antihistaminique comme on le dit ou est-ce une proprit de lestragon (6080 %) dans lequel il est majoritaire ? Rappelons quon le trouve aussi en tant que compos majoritaire dans lagatophylle aromatique corce (9095 %) et le basilic mthylchavicolther (30-90 %) qui ne sont pas rputs antihistaminiques.

    On prte des huiles essentielles les contre-indications de molcules quelles contiennent qui ne dmontrent pas leur toxicit sous cette forme complexe et accompagne dautres au sein dune huile essentielle pure et naturelle

    Par exemple, lestragole (mthylchavicolther) de nouveau. Cette molcule est reconnue carcinogne et se dmontre effectivement carcinogne en laboratoire selon les normes Reach. Mais quand on teste les huiles essentielles qui en contiennent beaucoup (Ocimum sanctum mthylchavicoli-frum, 30-90 %) selon les mmes normes, on se rend compte quil ny a aucune carcinognicit de lhuile essentielle pure et naturelle. Lhuile essentielle pure et naturelle dmontre mme le contraire, cest--dire quelle se montre antitumorale.

    On a tudi des molcules parfois mal isoles

    La myristicine en est un trs joli exemple (muscade, noix et arille, 512 % ; persil fris, 417 % ; panais, 1740 %). Isole partir de lhuile essentielle de muscade, elle se dmontre fortement hallucinogne. Au sein de lhuile essentielle de muscade, elle se dmontre hallucinogne, mais des doses beaucoup plus leves. Au sein de lhuile essentielle de panais, elle ne se dmontre pas hallucinogne. Synth-tise en laboratoire, elle ne se dmontre pas hallucinogne. Ce phnomne est probablement d des formes nantio-mriques distinctes et des molcules interactives combi-natoires. partir dexemples pareils, on ne peut que se demander ce que lon veut et ce que lon doit tudier

    Pourquoi pas directement ce que lon emploie ? En aromathrapie, cest lhuile essentielle.

    Classification des molcules

    Trs souvent, les molcules ne peuvent mme pas tre clas-ses dans les familles quon leur a offertes en adoption, car elles sont bifonctionnelles, voire trifonctionnelles. Laquelle de leurs fonctions veut-on choisir pour les classer ? On rentre par ncessit dans larbitraire par la volont mme de rendre le systme scientifique. Cest le cas par exemple du salicylate de mthyle (Bouleau, Gaulthrie) qui est la fois un phnol, un phnol-mthyl-ther et un ester. Ds lors, o peut-on le classer ?

    La sparation des familles est fausse par le recoupement des familles.

    Il y a souvent des fonctions dont la dfinition fait partie intgrante dautres fonctions. Par exemple, les coumarines et les phtalides sont des lactones. Et pourtant, on en fait trois familles.

    De nombreuses molcules sont mal classes

    Et ces mauvais classements sont rpercuts dans toute la littrature depuis un demi-sicle sans que personne ne cherche le corriger semble-t-il ! On a ce cas avec

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    le chamazulne (Matricaria recutita, Achillea millefo-lium) class comme un sesquiterpne, alors quil prsente 14 atomes de carbone. Leugnol (Syzygium aromaticum, Cinnamomum verum foliae) nest pas un phnol mais un phnol et phnol-mthyl-ther bifonctionnel. Lasa-rone (Acorus calamus, Sassafras albidum, Ocotea preciosa, Daucus carota) nest pas une ctone mais est trois fois phnol-mthyl-ther Ce qui vaut nombre dhuiles essentielles de se voir affubler de fausses contre-indications. Par exemple, leugnol du girofle ne dmontre pas lhpa-totoxicit qui est le plus souvent dcrite pour cette plante, car on le classe faussement comme un simple phnol.

    Il est souvent impossible pour linstant de connatre la molcule exacte que lon trouve en chromatographie

    Il y a plusieurs problmes majeurs. Tout dabord, on est face des taux de probabilit et ensuite on a des formes nantiomriques indcelables dans une huile essentielle (qui est faite, rappelons-le, de centaines de molcules dont plusieurs ont des pouvoirs rotatoires). Au vu de la multi-plicit des molcules intervenant sur celle-ci, lanalyse de la lumire polarise ne suffit pas dclarer quoi que ce soit de certain pour une molcule. De plus, certaines formes nantiomriques nont pas de pouvoir rotatoire sur la lumire polarise.

    Prenons lexemple du bornone. Il a deux formes nan-tiomriques. Cette molcule sait se montrer trs neuro-toxique. Mais lhuile essentielle de Lavandin 100 % pure et naturelle ne pose cliniquement que peu de problmes. Avouons quil est audacieux de calquer la toxicit du bornone sur une huile essentielle qui ne dmontre pas celle-ci. Et pourtant, on se doit sans doute de le faire par principe de prcaution. En mme temps, ne perd-on pas la confiance des utilisateurs sils constatent le contraire de ce que la science leur promet ?

    Image pour rsumerLes classements des molcules dhuiles essentielles par familles de radicaux sont faux conceptuellement et factuellement. Ils sont nfastes la bonne prescription en aromathrapie.

    Les molcules dhuiles essentielles sont semblables des cls dverrouillant des serrures (protines transmembra-naires) la surface de nos cellules et dans nos cellules. Afin que la cl trouve la bonne porte, il ne sagit pas pour le corps dessayer chaque cl sur chaque porte. Les cls sifflotent en parcourant les corridors : elles mettent un son et rson-nent aux frquences mises par les serrures des portes. On sait calculer les frquences dmission et de rsonance mol-culaires ainsi que les frquences rsultantes. On attend encore des modlisations compltes de ce phnomne qui explique-rait enfin clairement, mon avis, la rapidit du fonction-nement de llectivit des huiles essentielles et participerait

    probablement expliquer leur adaptognicit ainsi que leur tropisme. La forme de la cl entire, y compris chacune de ses dents et creux ainsi que son profil, est indispensable pour savoir quelle porte elle va dverrouiller. De plus, les serrures humaines et animales ne sont pas semblables. Et les cls ne sont pas toutes sur le mme anneau. On ne peut pas juger un porteur de cls ses quelques cls principales grossirement estimes de loin. Une huile essentielle est un trs grand trousseau de cls. Son effet dans le corps nest pas celui des ouvertures de portes additionnes. Il est celui de la synergie de lquipe faite par tous les acteurs physiologiques librs par chaque porte ouverte.

    Cls pour la suite Il faut garder la classification des plantes par chmo-

    types pour diffrencier les huiles essentielles la produc-tion, la prescription et lachat ;

    il faut fournir une analyse chimique certifie de chaque lot de chaque huile pour la scurit demploi et pour la certitude dachat ;

    pour le reste, il faut lhonntet et la modestie dadmettre que nous ne savons finalement peu prs rien de tangible, de correct et dutilisable, lheure actuelle, au niveau de la chimie des huiles essentielles ;

    il faut concevoir plusieurs choses : lesmolcules interagissent avec les cellulesducorps

    humain par leur forme gomtrique complte. Il convient donc de prendre en compte leur forme et leur strochimie. Il convient aussi dabandonner la prdiction de proprits et deffets secondaires par famille de molcules dont la fonction est le seul critre ;

    lesmolcules interagissent avec les cellulesducorpshumain par rsonance/induction harmonique autant que par changes lectroniques. Il conviendra donc de prendre en compte leurs frquences de rsonance ds que la science le permettra, mais il convient dj de garder ce phnomne lesprit ;

    on se doit de ne pas imputer des proprits ou destoxicits ou des effets secondaires des molcules qui sont des formes nantiomriques dautres molcules ;

    il faut refaire tout notre catalogue de toxicit et deffets secondaires avec srieux :

    il faut tester desmolcules isoles ainsi quedes huilesessentielles compltes pures et naturelles (les molcules testes doivent tre isoles proprement et totalement identifies) ;

    destestsdoiventtreeffectussurdestissushumains,voire des tres humains ;

    il faudravitertouteformedextrapolation ; toute thorie doit tre confronte cliniquement ; il faut que les grands laboratoires ouvrent grand leurs

    portes au partage de leurs donnes avec les chercheurs ; il y aura deux gnrations de livres et publications

    quil est urgent dentamer (et la taille de la tche nest pas une excuse pour ne pas lentreprendre, bien au contraire : cest un appel lurgence) ;

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    la premire se doit : de rassembler ce que lon sait lheure actuelle ; de chercher et exposer un systme maniable se rfrant aux plantes prescrites ; de diriger les pistes des recherches venir ;

    la seconde ( lhorizon dune ou plusieurs dizaines dannes vraisemblablement) se doit : de rassembler des donnes solides tablies dans une forme devidence based aromatherapy ; de systmatiser un moyen fonctionnel de manier ces donnes ; dappliquer les connaissances alors acquises une toxicologie clinique des huiles essentielles soutenue par la thorie et non linverse.

    Et pour le moment ?Si lon doit offrir de la confiance aux lecteurs, aromathra-peutes, prescripteurs et utilisateurs de tout ordre, offrons-leur des contre-indications et toxicits pour des huiles

    essentielles. Ne les embarquons pas sur la voie infranchis-sable dessayer de devenir des pseudochimistes amateurs.

    Pour cela, arrtons de noter des contre-indications, des toxicits et des proprits de familles de molcules dans les publications et les enseignements ! Cela est totalement inutile pour laromathrapeute moyen. Et cela est bas sur un systme que lon sait maintenant hlas faux.

    Prescrivons des plantes, pas des molcules !Considrons des huiles essentielles de plantes et pas des

    conglomrats liquides liposolubles dhuiles essentielles. Donc, crivons les contre-indications, les effets secondaires et les toxicits des huiles essentielles sans passer aveugl-ment par la justification trs souvent fausse dune chimie plombe par des erreurs conceptuelles importantes.

    Peut-tre faut-il tout simplement sappuyer sur un mlange de ce que lon sait chimiquement et surtout de lexprience clinique des plus grands prescripteurs.