kommentierung, Überlieferung, nachleben () || la traduction de la métaphysique d’aristote par...

53
GUDRUN VUILLEMIN-DIEM, Köln LA TRADUCTION DE LA METAPHYSIQUE D'ARISTOTE PAR GUILLAUME DE MOERBEKE ET SON EXEMPLAIRE GREC: VIND. PHIL. GR. 100 (J) Je propose ici quelques remarques sur l'exemplaire grec que Guil- laume de Moerbeke a utilise pour sa traduction de la Metaphysique d'Aristote 1 . En effet on parvient dans ce cas, pour la premiere fois, ä identifier - par des observations independantes, internes et externes - un manuscrit grec existant, qui a servi de modele ä l'une des tra- ductions de Moerbeke. Ceci est important pour notre connaissance de sa methode de traduction d'une part, et d'autre part du double contexte historique: histoire de ce manuscrit grec, histoire du travail du traducteur. Un sujet preliminaire s'impose d'abord: la question de la tradi- tion manuscrite latine et quelques problemes particuliers que pose la reconstitution du texte. 1 Texte redige ä partir d'une communication au Congres de la S.I.E.P.M. (Commis- sion d'editions) ä Louvain-la-Neuve, aoüt-septembre 1982. Pour la documentation complete, en ce qui concerne la comparaison interne des textes, et des references bibliographiques plus etendues voir: G. Vuillemin-Diem, Untersuchungen zu Wil- helm von Moerbekes Metaphysikübersetzung, in: Mise. Mediaev. 15 (1982) 102- 172, 208 (cite dans ce qui suit «Unters.»). La these qu'on a defendue dans cet article etait cependant, en ce qui concerne l'exemplaire grec de la traduction de Moerbeke, moins affirmative que celle qu'on presente ici, car eile se fondait principalement sur la comparaison interne des textes, et je n'ai identifie les criteres externes, qui sont finalement decisifs, qu'apres la redaction de Particle mentionne. Qu'il me soit per- mis de remercier ici M. Paul Moraux de m'avoir communique ses observations co- dicologiques ä propos du ms J ainsi que Μ. Otto Mazal, Directeur de la Hand- schriften- und Inkunabelsammlung der Osterreichischen Nationalbibliothek, et sa collaboratrice, Mme. Eva Irblich, que j'ai importunes en leur demandant des photo- copies et des verifications et qui m'ont toujours repondu avec competence et gentil- lesse. Brought to you by | New York University Bobst Library Technical Services Authenticated Download Date | 12/7/14 11:25 PM

Upload: vivian

Post on 09-Apr-2017

216 views

Category:

Documents


3 download

TRANSCRIPT

GUDRUN VUILLEMIN-DIEM, Köln

LA TRADUCTION D E LA METAPHYSIQUE D'ARISTOTE PAR GUILLAUME DE M O E R B E K E

ET SON E X E M P L A I R E GREC: VIND. PHIL. GR. 100 (J)

Je propose ici quelques remarques sur l'exemplaire grec que Guil-laume de Moerbeke a utilise pour sa traduction de la Metaphysique d'Aristote1. En effet on parvient dans ce cas, pour la premiere fois, ä identifier - par des observations independantes, internes et externes - un manuscrit grec existant, qui a servi de modele ä l'une des tra-ductions de Moerbeke. Ceci est important pour notre connaissance de sa methode de traduction d'une part, et d'autre part du double contexte historique: histoire de ce manuscrit grec, histoire du travail du traducteur.

Un sujet preliminaire s'impose d'abord: la question de la tradi-tion manuscrite latine et quelques problemes particuliers que pose la reconstitution du texte.

1 Texte redige ä partir d'une communication au Congres de la S . I .E .P .M. (Commis-sion d'editions) ä Louvain-la-Neuve, aoüt-septembre 1982. Pour la documentation complete, en ce qui concerne la comparaison interne des textes, et des references bibliographiques plus etendues voir: G. Vuillemin-Diem, Untersuchungen zu Wil-helm von Moerbekes Metaphysikübersetzung, in: Mise. Mediaev. 15 (1982) 102-172, 208 (cite dans ce qui suit «Unters.»). La these qu'on a defendue dans cet article etait cependant, en ce qui concerne l'exemplaire grec de la traduction de Moerbeke, moins affirmative que celle qu'on presente ici, car eile se fondait principalement sur la comparaison interne des textes, et je n'ai identifie les criteres externes, qui sont finalement decisifs, qu'apres la redaction de Particle mentionne. Qu'il me soit per-mis de remercier ici M. Paul Moraux de m'avoir communique ses observations co-dicologiques ä propos du ms J ainsi que Μ . Otto Mazal, Directeur de la Hand-schriften- und Inkunabelsammlung der Osterreichischen Nationalbibliothek, et sa collaboratrice, Mme. Eva Irblich, que j'ai importunes en leur demandant des photo-copies et des verifications et qui m'ont toujours repondu avec competence et gentil-lesse.

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

La traduction de Metaph. par Moerbeke et son exemplaire grec 435

/. Tradition manuscrite du texte de Moerbeke et probletnes d'edition

Un savant competent en matiere d'edition m'avait rassuree, il y a quelques annees: la tradition du texte de Moerbeke comporte quel-ques bons manuscrits, dejä signales par Pelster2 et proches de l'origi-nal au point de vue temporel, p. ex. un Vaticanus date de 1284 (Vat. lat.2083), et un exemplaire de l'Universite de Paris (Paris.bibl. nat., lat. 16584, 13e s.); l'edition ne devrait done pas poser trop de proble-mes, si on la compare ä Celles des traductions anterieures de la Meta-physique. II n'en alia pas de la sorte, et ceci pour plusieurs raisons.

1. Le texte de Moerbeke est conserve en entier ou partiellement dans plus de 210 manuscrits. Pour avoir une idee claire sur la valeur relative des manuscrits - meme de ceux qu'on devait supposer bons - , il fallait faire des collations partielles de 170 manuscrits environ sur plusieurs echantillons du texte; j'ai elimine au depart uniquement les manuscrits du 15e siecle et quelques fragments. Ces collations, qui ont pose naturellement des problemes techniques, ont servi de base pour une etude critique, dont le guide principal devaient etre la com-paraison avec le grec (une comparaison provisoirement globale avec la tradition grecque presentee par les editions) et l'analyse des fautes de copie evidentes, ä savoir des fautes de lecture ou d'inattention de copistes, intervenues dans les stades successifs de la tradition latine.

Cette etude a montre que tous les manuscrits, ä trois exceptions pres, appartiennent - sous une forme soit pure soit contaminee ou corrigee de differentes fa^ons - ä la tradition universitaire. Cette tra-dition depend d'un premier exemplar parisien (P), aujourd'hui perdu, qui a du etre confectionne en un double jeu de 23 pieces aux envi-rons des annees 1275. II peut etre reconstitue ä l'aide de plusieurs manuscrits dont on est assure, par des indications des numeros des pieces ou d'autres signes, qu'ils en sont des copies immediates (indi-cations de pieces explicites p. ex. dans Assis. comm. 280, Flor. Laur. Ashb. 1674, Monac.clm 162, Pampal. capit. 8, Vat. lat. 2082). II pre-sentait dejä un assez grand nombre de fautes et aussi quelques adap-tations du texte, posterieures ä l'original. De ce premier exemplar parisien decoulent tous les manuscrits qu'on a du supposer «bons» au depart ä cause de leur date ou sur la foi des indications de Pelster.

2 F. Pelster, Die griech.-lat. Metaphysikübers. des Mittelalters, in: BGPhMA, Suppl. 2 (1923) 89-118, v. 106-107 et notes 1-2.

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

436 G U D R U N V U I L L E M I N - D I E M

L'exemplaire conserve de l'universite de Paris - divise en 23 pieces lui aussi - et tous ses descendants remontent egalement ä P.

II n'y a que trois manuscrits - outre quelques temoins contamines dont je ne parlerai pas - ä etre, non pour le texte entier, mais pour des parties assez grandes, independants de P:

Scorial.bibl.monast. f.II. 1, 14es. (Si) [ = A.L.2 1217]: independant de Ρ a partir de A 6, 987 b 6;

Venet. Marc. lat. Z. L. 235 (coll.1639), 13e/14cs. (ZI) [ = A. L.2·5 1636]: in-dependant de Ρ a partir du livre H. De A-Z quelques elements d'une tradi-tion independante de Ρ dans des corrections de premiere main.

Vat.Pal.lat. 1060, 14cs. (Da) [ = A.L.2 1791], Ce ms se distingue dans la composition ainsi que dans la forme du texte des autres temoins. II contient entre A 3, 984 b 8 - a 2 , 994 a 6 et ä partir de Μ 8, 1084 a 4 le texte de la Translatio Anonyma (cf. ci-dessous, n°. 3) au lieu de celui de Moerbeke. Dans les autres parties du texte il contient la traduction de Moerbeke, mais dans une forme plus ou moins differente, qui represente, comme on peut le demontrer, un premier etat de l'original.

Apres une collation complete de ces trois mss ainsi que d'une ving-taine des meilleurs representants de la tradition parisienne et l'analyse critique de leurs variantes respectives, nous avons pu constater que -abstraction faite des restrictions partielles mentionnees - les quatre temoins Ρ Si Z1 Da remontent en ligne droite, par des predecesseurs perdus, mais sans source intermediate commune, ä quatre copies de l'autographe, independantes entre elles.

On a done, pour des parties assez grandes du texte, les represen-tants manuscrits de trois sinon de quatre branches, qui descendent de l'original, avec leurs propres fautes et des corrections ulterieures, mais separement. Ceci donnerait en principe une tres bonne base pour la reconstitution du texte, sans fautes communes, et devrait per-mettre theoriquement de decider, presque de fafon mecanique, au vu des variantes, quelles lefons adopter dans le texte.

Mais des circonstances particulieres rendent un tel procede en beaucoup d'endroits du texte impossible ä appliquer.

2. La traduction de Moerbeke est en partie une revision, d'apres le grec, d'une traduction anterieure, la Translatio Anonyma (Me-dia)3, en partie une nouvelle traduction. La revision s'etend sur les livres A-I, Λ-Μ 2, 1076 b 9. Non seulement le livre K, qui manquait

3 Metaphysica (Lib. I-X, XII-XIV), Transl. Anonyma sive <Media>, ed. G. Vuillemin-Diem, Leiden 1976 ( = Arist.Lat.XXV 2).

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

La traduction de Metaph. par Moerbeke et son exemplaire grec 437

dans la Translatio Anonyma et qui auparavant n'etait pas du tout connu en latin, mais aussi, contrairement ä ce qu'on a cru long-temps4, les livres Μ (a partir de 2, 1076 b 9) et Ν sont une traduction nouvelle de Moerbeke.

Bien qu'il n'y ait aucun indice materiel dans les manuscrits ä cet endroit, le passage de la revision ä la nouvelle traduction se marque nettement, presque au milieu d'une phrase en Μ 2, 1076 b 9: a partir de cet endroit les differences entre les deux traductions doublent, le vocabulaire du texte de Moerbeke change subitement; la preuve en est fournie surtout par la fa^on de rendre certaines particules grec-ques (δέ, γάρ, ούδέ et d'autres). Dans sa revision, Moerbeke avait le plus souvent repris pour ces mots les termes de l'ancienne traduction, meme lorsqu'ils ne convenaient pas ä sa methode reclamant une cor-respondance univoque et uniforme entre les deux langues et n'etaient pas conformes ä son vocabulaire prefere - la Translatio Anonyma est caracterisee par une grande variabilite et meme une grande imprecision de vocabulaire. Or, apres cet endroit, on ne trouve que les termes canoniques et habituels de Moerbeke. Avant cet endroit, les termes de la Translatio Anonyma vero, sed, et, quodsi pour δέ, nam, namque pour γάρ, par exemple, restent inchanges; en-suite on ne trouve plus que autem pour δέ, enim pour γάρ.

II ne reste d'ailleurs alors aucun indice d'une quelconque depen-dence du texte de Moerbeke par rapport ä la Translatio Anonyma: cette traduction n'est y apparemment meme plus consultee. Certes, des identites subsistent encore entre les deux traductions, mais il ne s'agit plus que de termes soit communs a toute traduction greco-latine de cette epoque, soit preferes de fa£on independante par les deux traducteurs. La transition abrupte, au milieu d'une phrase, est assez surprenante. Elle est sürement causee par un fait materiel. Le plus probable serait que l'exemplaire de la Translatio Anonyma uti-lise par Moerbeke avait perdu quelques feuilles ou un cahier ä la fin du texte. II y a d'autres explications possibles: interruption tempo-raire de son travail par exemple: elles sont, pour des raisons que je ne peux pas developper ici, moins probables.

Or, c'est dans la partie revision qu'un probleme particulier se pose pour la reconstitution du texte. Par la nature meme de certaines

4 En suivant l'information de Pelster, qui ne considerait que le livre Κ comme etant une traduction nouvelle de Moerbeke, op.cit. (ci-dessus, note 2), 106-113.

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

4 3 8 G U D R U N V U I L L E M I N - D I E M

fautes de nos mss, on voit que la revision fut faite sur une copie de la Translatio Anonyma par des corrections entre les lignes et en marge. L'original etait done dans cette partie un manuscrit fortement cor-rige. En consequence, a la base des differentes branches de notre tra-dition, on doit supposer des les premieres copies et on trouve en fait dans les temoins les memes phenomenes qu'on ne rencontre habi-tuellement que dans la descendance d'une tradition contaminee. Les copistes ont differemment interprete les corrections, pris des addi-tions de mots pour des remplacements et inversement; ils ont bien ou mal compris les signes de changement d'ordre, repris nombre de cor-rections pour en negliger d'autres et rendre ä quelques endroits sim-plement le texte de base. A ceci s'ajoutent evidemment les fautes pro-pres des copistes et, surtout dans le groupe parisien, des contamina-tions multiples et des corrections ulterieures.

L'analyse des donnees manuscrites devient done assez difficile et la reconstitution du texte ne peut pas se faire d'apres les regies classi-ques, parce qu'on trouve, en bien des endroits, la bonne Ιεςοη dans une seule des branches (et cela veut dire parfois dans un manuscrit unique), sans que la faute commune dans les autres puisse temoigner d'une source intermediaire commune.

3. Une autre complication intervient. Un assez grand nombre de variations textuelles - et ceci vaut pour la partie revision comme pour la partie traduction nouvelle - montrent, non seulement que Moerbeke a du proposer ä certains endroits des traductions ou des corrections alternatives, soit qu'il hesität entre plusieurs possibilites de traduction, soit qu'il doutät de la fidelite de son modele grec ou qu'il renconträt differentes lemons dans le texte grec, mais qu'il a du retravailler et revoir son propre texte dans un deuxieme temps de son travail5.

En depit du fait que les temoins SiZIP ne sont pas lies entre eux par une source intermediaire, ils offrent ä un certain nombre d'en-droits un texte different de celui que nous lisons en Da, sans qu'il s'agisse, ni d'un cote ni de l'autre, de fautes de copie ou d'interven-tions arbitraires.

5 O n a analyse les deux etats du texte dans une etude «Recensio Palatina und Recen-sio Vulgata . Die doppelte Redakt ion von Wilhelm von Moerbekes Metaphysik-übersetzung», in: Miscell. Mediaev. 18 (1986) 289-366 - etude dont je ne donne ici que quelques resultats.

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

La traduction de Metaph. par Moerbeke et son exemplaire grec 439

D'abord on trouve, dans cent cas environ, deux versions (deux traductions dans la partie nouvelle traduction ou deux corrections dans la partie revision) differentes. On peut constater ici: 1) Les deux versions sont en relation avec le grec, soit qu'elles rendent le meme terme grec differemment, soit qu'elles rendent deux lefons grecques differentes. 2) La terminologie latine correspond dans les deux cas aux habitudes de Moerbeke. 3) II y a une certaine cohe-rence terminologique entre les versions de SiZIP d'une part et celles de Da de l'autre. 4) Les versions de SiZIP sont dans presque tous les cas des ameliorations evidentes, soit qu'elles rendent un meilleur texte grec6, soit qu'elles rendent le meme texte grec de fa fon plus ade-quate. A ceci s 'ajoutent ensuite, dans la partie revision, de tres nom-breuses divergences entre Da et les autres temoins concernant la part des corrections moerbekeennes par rapport ä la Translatio Ano-nyma: 5) Tandis que la plupart des corrections presentes dans le ms Da se retrouvent dans les mss SiZIP, ceux-ci off rent un grand nom-bre de corrections supplementaires (dans les livres I [X] et Λ [XII] le nombre des corrections a presque double) ä des endroits ou Da a conserve la version de la Translatio Anonyma. 6) Ceci ne peut pas s'expliquer par une contamination ulterieure de Da ou d'un predeces-seur de celui-ci avec une tradition quelconque de la Translatio Ano-nyma. Nous pouvons, en effet, prouver que Da, non seulement dans ses elements moerbekeens proprement dits, mais aussi dans les ele-ments de la Translatio Anonyma depend de l 'autographe meme de Moerbeke, autographe qui, pour la partie revision, consistait en une copie de la Translatio Anonyma, dans laquelle Guillaume a introduit ses corrections. Cette copie meme, qui etait la base de la revision, re-vele son individualite par un assez grand nombre de variantes vis-a-vis du texte «vulgate» de l'Anonyma, qui, trop insignifiantes par rap-port au grec - il s'agit de nombreuses petites inversions de mots, d'additions ou suppressions d'un et, d'un est etc. - ne furent pas cor-rigees par Moerbeke. On les repere tres clairement parmi l'ensemble des variantes de la Translatio Anonyma et elles montrent que la co-pie de Guillaume etait extremement pres de l'Anonyma-ms Pis. Conv. S. Cath. 11. Or, toutes ces variantes qui sont transmises par

' p. ex. 1077 b 36-1078 a 1 (voir ci-dessous, p. 458), 1070 a 21 (voir ci-dessous, p. 460), 1058 b 30 (ci-dessous, p. 450).

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

440 G u d r u n Vuil lemin-Diem

SiZIP le sont aussi par Da. Ceci prouve, que c'est bien de la copie meme, base de la revision, que proviennent les elements de la Trans-latio Anonyma en Da. 7) En depit du fait qu'un si grand nombre de corrections «manquent» en Da, nous y retrouvons presque toutes ies corrections importantes du point de vue de la critique textuelle: les tres nombreuses fautes ou inexactitudes majeures de la Translatio Anonyma, auxquelles s'ajoutent encore les fautes de transmission dans la copie meme utilisee par Moerbeke, sont dejä supprimees dans la version de Da. 8) Les corrections supplementaires en SiZIP sont principalement des ameliorations terminologiques ou methodo-logiques. Elles sont coherentes entre elles et meme systematiques7. Sur certains points on peut constater un changement ou un develop-pement dans la methode de traduction8. 9) II y a cependant quelques divergences - Da representant un element de la Translatio Anonyma et SiZIP une correction ou l'inverse - , qui correspondent ä des diver-gences du texte grec, c'est-ä-dire qu'il y a un changement de decision concernant le texte grec entre la version de Da d'une part et celle des mss SiZIP de l'autre. Ici aussi, comme dans les cas mentionnes plus haut (n° 4), les versions de SiZIP representent presque toujours une amelioration par rapport ä celle de Da9 . 10) Enfin, dans un certain nombre de cas, nous trouvons les deux versions ensemble - soit les deux traductions ou corrections, soit un element de l'Anonyma plus une correction - , liees ou non par un vel, dans le ms Da, tandis que SiZIP n'offrent qu'une seule des deux versions.

Done la supposition naive de depart, ä savoir que tous les ele-ments moerbekeens devaient se trouver simultanement dans l'origi-nal, ne peut plus etre retenue. II est impossible, premierement, que trois copistes, SiZIP ou plutot leurs predecesseurs, par ailleurs inde-pendants entre eux, aient choisi toujours la meme version contre le quatrieme; deuxiemement, qu'un temoin, Da ou plutot son predeces-seur, ait neglige un si grand nombre de corrections, qu'il ait fait en

7 Pour ne donner qu'un seul exemple: tandis que dans l'etat du texte, atteste par Da, Moerbeke reprend en general pour φορά le terme ferentia de l 'Anonyma et qu'il emploie ce terme deux fois dans ses propres corrections, il le change dans l'etat ul-terieur, atteste par SiZIP, systematiquement (18 fois) en latio.

• p. ex. dans la traduction de Particle grec ainsi que dans celle du participe grec avec article (par une proposition relative latine dans l'etat ulterieur du texte).

' p.ex. 1009 a 20 (ci-dessous, p. 450), 1038 b 10 (ci-dessous, p. 450).

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

La traduction de Metaph. par Moerbeke et son exemplaire grec 441

meme temps un choix si determine et complique, en retenant presque toutes les corrections importantes par rapport au texte grec et en re-jetant au contraire de nombreuses corrections terminologiques, et ceci dans certaines parties du texte de fa^on constante et systemati-que, qu'il ait enfin, entre deux traductions ou corrections alternati-ves, choisi presque toujours la moins bonne.

L'analyse des divergences entre les deux formes du texte offertes par nos temoins montre, au contraire, que Moerbeke lui-meme a du reviser son propre texte, qu'il a ajoute ulterieurement des corrections nouvelles par rapport ä l'Anonyma dans la partie revision, qu'il a change quelquefois ses propres termes anterieurement introduits, qu'il est revenu dans quelques cas sur ses premieres decisions concer-nant le texte grec, qu'il a probablement aussi elimine les versions al-ternatives qu'il avait lui-meme proposees au depart.

Nous avons done ä faire non pas ä un seul et meme original, mais a deux etats de celui-ci, distinets et successifs. Le premier etat est conserve - mais de fag:on dejä alteree - dans notre seul temoin Da; le deuxieme etat, qui, naturellement comprend dans une large mesure le premier, l'est par tout le reste de notre tradition, et, en particulier, par les trois temoins SiZIP.

Void les problemes prineipaux. Pour reconstituer le texte de Moerbeke, non dans sa forme - il est evident que cela est impossible pour la partie revision - mais dans son contenu verbal, il faut done, ä chaque endroit problematique, prendre en consideration plusieurs criteres: la donnee du texte grec et ses variations eventuelles, la va-leur stemmatique des temoins latins, la methode et le vocabulaire ha-bituel de Moerbeke tels que les font connaitre ses autres traductions en general, et, en particulier, les endroits sürs de notre texte lui-meme, la donnee correspondante de la Translatio Anonyma ainsi que ses variantes attestees ou possibles (dans la partie revision), et enfin la possibilite de deux versions authentiques d'un seul et meme endroit du texte, c'est-ä-dire d'un changement ulterieur du texte par Moerbeke lui-meme.

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

442 G U D R U N V U I L L E M I N - D I E M

II. L'exemplaire grec: Vind.phil.gr. 100 (])

Nous possedons des textes, dans lesquels Moerbeke a fait des remarques sur la qualite materielle de son exemplaire grec. II s'y plaint de son etat delabre, d'un bout de page arrache, de taches d'eau, d'une page qui manque ä tel ou tel endroit. De telles remar-ques sont precieuses, parce qu'elles donnent des criteres externes pour identifier eventuellement le manuscrit, a savoir dans ces cas precis, au moins de fa^on negative, pour exclure les manuscrits exis-tants. On ne trouve rien de tout cela dans les temoins de sa traduc-tion de la Metaphysique. II fallait done proceder uniquement de fa-50η indirecte et interne, en comparant le texte latin avec la tradition grecque.

1. Comparaison interne des textes

Pour comparer le texte latin avec le texte grec et determiner d'une fafon precise la source grecque de Moerbeke, il faut distinguer entre les deux parties du texte latin. Dans la partie traduction nou-velle on doit comparer mot a mot, tandis que dans la partie revision on ne peut prendre en consideration que les changements introduits par Moerbeke par rapport ä la Translatio Anonyma, e'est-a-dire, les mots ou suites de mots corriges; aux endroits inchanges on ne peut rien conclure sur le modele grec, ni positivement ni negativement.

Les conditions pour une comparaison interne sont en un sens assez favorables, puisque la methode de traduction de Moerbeke -dejä assez bien connue et etudiee par ailleurs - permet dans la plu-part des cas de decider, s'il a lu ou non telle ou telle lefon attestee dans le grec, ou laquelle, parmi plusieurs variantes grecques attestees, il a rendue, ou enfin, quel terme grec, non atteste par notre tradition grecque, a correspondu devant ses yeux ou son esprit ä l'equivalent latin qu'il ecrivait dans son texte. Assurement, il faut etre prudent, si Ton ne veut pas courir le risque de reconstituer un exemplaire tout ä fait fictif, en reduisant chaque lefon particuliere du texte latin ä une lefon particuliere du grec: 1) Moerbeke n'a pas traduit comme une machine; il y a bien des exceptions ä la regularite de son vocabulaire. 2) II doit avoir commis des fautes, comme toute personne qui repro-duit d'une fa?on ou d'une autre un texte aussi long. 3) Enfin, il est certain que, dans des endroits corrompus - soit reellement soit ä ses

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

La traduction de Metaph. par Moerbeke et son exemplaire grec 4 4 3

yeux il a essaye de faire des conjectures ou des corrections, et, en tout cas, de comprendre le sens du texte. Ce dernier aspect, peut-etre trop souvent neglige, apparait clairement dans le ms, considere comme autographe, des traductions d'Archimede et Eutocius (Vat. Ottob.lat. 1850) editees par M.Clagett1 0 .

Du cote grec de la comparaison, une base de depart s'imposait: la tradition citee dans les editions et apparats critiques de Bekker, Jae-ger et Ross (les autres editions n'apportant rien de nouveau quant aux sources manuscrites). On restitue, en comparant les trois edi-tions mentionnees, qui se completent et se corrigent mutuellement, les trois manuscrits principaux et plus anciens, en principe, entiere-ment (Vind.gr. 100, 9e s. [J]; Par.gr. 1853, 10es. [E]; Laur.87.12, 12e/14e s. [Ab]), et une dizaine d'autres plus au moins en partie.

Une premiere comparaison complete du texte de Moerbeke avec la tradition grecque citee dans ces editions fait apparaitre trois points: 1) La source grecque de Moerbeke est extremement pres de J, tant pour la partie revision que pour la partie traduction nouvelle. Donnons deux exemples. Dans le livre Β - partie revision - tous les changements apportes par Moerbeke sont conformes ä des lemons de J, parmi lesquelles se trouve un certain nombre de fautes, que J ne partage avec aucun des autres manuscrits cites. Dans les quatre pre-miers chapitres du livre Κ - partie traduction nouvelle - toutes les le-90ns latines (un seul aut excepte) correspondent aux lemons de J; en particulier, toutes les fautes de J sont rendues dans le texte de Moer-beke. 2) II y a quelques differences par rapport aux le9ons de J, mais un certain nombre d'entre elles disparait, des qu'on consulte le ma-nuscrit J lui-meme (ce n'etaient que des omissions ou des inexactitu-des dans les apparats critiques des editions). 3) Pour les differences qui subsistent, et qui sont tres peu nombreuses, on ne constate aucun accord specifique entre la source de Moerbeke et Tun des autres ma-nuscrits cites.

II fallait done approfondir l'etude comparative avec J lui-meme et chercher dans le voisinage ou la descendance stemmatique de J.

10 Archimedes in the Middle Ages, Vol. II: The Translations from the Greek by Wil-liam of Moerbeke, ed. M.Clagett, Philadelphia 1976, v. la preface 36-78, l'apparat des variantes 387-428 et le commentaire detaille 431 sqq. Les arguments que donne Clagett dans sa preface en faveur de l'identification du Vat.Ottob.lat. 1850 avec l'autographe de Moerbeke, sont convaincants (cf. ci-dessous, n.29).

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

444 G U D R U N V U I L L E M I N - D I E M

'Λ ' h i ί % j ι..ill -IP Jr fc 'i > fül l J •1 f'lf i't 11 .i ι ,ä

• ί'ϊί - l i * ! Hr if ill \ 1 i \ !> r W i Ν

« E -

I

Ν -C Q.

_C Α

13 c

Ν _C (X

-C Α

-Ο c

Α Υ

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

La traduction de Metaph. par Moerbeke et son exemplaire grec 445

IX Ν -C O-rt

-C α.

η α <υ -ο (Λ υ c tc

-C α. -ο c

οί

Β •f ο V Χ

υ S

-C α α

-Ό C

04

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

446 GUDRUN VUILLEMIN-DIEM

OS •Ο

-C Α « «5 S

Υ JC α

α Υ

c Ω

(UJ

Α. -α Β

Α υ ο4

r m i j

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

La traduction de Metaph. par Moerbeke et son exemplaire grec 447

1 I

-N c

</) 3 •3 Ö

'« s in ^ 'S u 3 Ο -Ο ΙΟ oo <υ ti "o" rt u ~ "Ο Λ c

l* α

7 3 ' *

3 •w Λ 4> ^ « 0

S O · a υ ON (Λ fcH 3 σ" • Q

Ρ- (Λ

α υ Οί

α £

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

448 Gudrun Vuillemin-Diem

D'abord quelques mots sur J. Le codex Vind.gr. 100, ecrit sur parchemin au milieu du 9e siecle, est le plus ancien et l'un des plus importants temoins des traites qu'il contient: outre la Metaphysique, et la precedant, les traites de Physique (Physica, De caelo, De gen. et corr., Meteora) et la Metaphysique de Theophraste. La fin de la Me-taphysique de Theophraste et le debut de la Metaphysique d'Aristote sont perdus. La Metaphysique d'Aristote commence f. 139 dans le chapitre 2 du livre α (994 a 6). Le Ii vre A manque completement, le debut du livre α (f. 138) a ete rajoute plus tard (autour de 1300)n . II y a quelques corrections par rapport au texte, dont deux etapes an-ciennes sont discernables: les corrections du copiste lui-meme, les corrections d'une seconde main, appartenant encore au 9e siecle. II y a egalement quelques corrections plus recentes. Le manuscrit a ete ecrit ä Constantinople et fu t apporte au 16e siecle de Constantinople ä Vienne. Les observations recentes de P. Moraux revelent d'autres traits de son histoire, dont nous parlerons plus tard.

Les editions sont insuffisantes pour se faire une idee claire de la situation stemmatique de J et, en particulier, pour determiner les le-90ns individuelles de J par rapport ä l'ensemble de la tradition et trouver eventuellement d'autres manuscrits dans le voisinage de J, susceptibles d'avoir une relation avec la source grecque de Moer-beke. Mais une etude recente de D.Harlfinger1 2 , basee sur une ana-lyse critique de l'ensemble de la tradition, comble la lacune. Elle pre-sente une description detaillee des 53 manuscrits existants, un exa-men de leur filiation et situation stemmatique et des echantillons des collations et, en particulier, des lefons distinctives de J. En me fon-dant sur les travaux de Harlfinger, j'ai pu eliminer, exception faite de J, tous les manuscrits existants et leurs predecesseurs hypothetiques comme source possible de Moerbeke, et, d'autre part, choisir deux

11 Voir ci-dessous, p.485. Ä l'origine, le codex contenait encore, ä la suite de la Meta-physique, au moins l'Historia animalium: un fragment de deux feuilles du meme format et provenant de la meme main se trouve dans le Paris.suppl.gr. 1156. Une note a la fin de la Metaphysique (f. 201v), se rapportant a l'Historia animalium, montre que ce texte suivait immediatement (cf. «Unters.», 120, η. 22). Pour la des-cription du codex, cf. Katal. d. gr. Hss. d. Österr. Nationalbibl., Teil 1, v. H. Hun-ger, Wien 1961, 208-209, et, en ce qui concerne la date, l'etude importante de J. Iri-goin, l'Aristote de Vienne, in: Jahrb. d. Österr. Byz. Gesellsch. 6 (1957) 5-10.

12 D.Harlfinger, Zur Überlieferungsgesch. d. Metaph., in: fetudes sur la Metaph. d'Arist. , Actes du VIe Symp.Arist., publies par P.Aubenque, Paris 1979, 7-36.

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

La traduction de Metaph. par Moerbeke et son exemplaire grec 449

manuscrits supplementaires13 dont le consensus avec les autres ma-nuscrits cites par les editions contre J permettait de determiner les le-90ns particulieres de J.

J'ai alors fait une comparaison complete du texte de Moerbeke avec la tradition citee dans les editions, avec le manuscrit J lui-meme (en photocopie et, en quelques endroits, autopsie), avec les collations de Harlfinger, avec les deux manuscrits choisis ä partir du stemma de Harlfinger (photocopie), et, naturellement, pour la partie revision avec la Translatio Anonyma et sa source grecque hypothetique. Je ne peux donner ici, en dehors de quelques exemples, que les conclusions et les points essentiels, mais forcement simplifies de ce travail; le de-veloppement et la preuve elle-meme, qui contiennent une masse de details, sont donnes ailleurs14.

La comparaison se limite, bien entendu, ä la partie existante de J, ä savoir au texte d'Aristote ä partir de α 2, 994 a 6. En ce qui con-cerne les deux etapes du texte de Moerbeke et leurs divergences possibles par rapport au texte grec, on negligera provisoirement leurs differences specifiques en comptant comme accord avec J un accord constate ou bien dans les deux etats ä la fois ou bien dans un seul d'entre eux lorsque les deux versions divergent par rapport au grec. Comme desaccord nous devrions compter en consequence ou bien un desaccord constate avec les deux etats identiques ä la fois, ou bien un desaccord avec l'une et l'autre des deux versions divergen-tes. Mais cette derniere situation ne se rencontre pas: en fait, dans les endroits ou les deux etats different, l'une des deux versions s'ac-corde toujours avec J.

La comparaison montre alors que la conformite du texte de Moerbeke avec J est quasi totale. En particulier, presque toutes les le-90ns individuelles et fautes distinctives de J se trouvent rendues par Moerbeke, soit, en general, ä la fois dans les deux etats du texte, soit, parfois, dans le premier etat ou, plus rarement et s'agissant plutot de minuties, dans le deuxieme etat seulement. Voici des exemples.

G = Translatio et Recensio Guillelmi (G1 = textus primus, G2 = textus recognitus)

A = Translatio Anonyma Les mss grecs seront cites par leurs sigles habituels, voir aussi p. 443 et

η. 11.

13 Escor.Y III 18, 13 es. (Es) et Marc.gr.211, 13/14« s. (Eb). 14 «Unters.», 116-172.

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

450 G U D R U N V U I L L E M I N - D I E M

Partie revision 994 b 27 είναι- εϊ δέ μή vulg. et J2: esse, sin autem Α: "είναι δε μή J1: si

autem esse autem non G1: esse autem non G2 994 b 27 τό άπείρφ είναι vulg.: infinitum esse Α: τω άπείρφ είναι J (Es): quia est infinito esse G 994 b 32 συμβαίνουσιν vulg.: contingunt A: + ούσιν J: + entibus G 997 a 25 εΐτ' vulg.: sive Α: ή τ'J: aut G 1000 b 8 δέ τε vulg.: et Α: δέτι (sic) J: et ad-huc G 1000 b 14 άλλ' δτε vulg.: sed quando Α: αλλο τε J: alias (άλλοτε) G

1001 b 28 τίνες vulg.: quenam A G1: τίνες J: quedam G2 1002 b 19 λαμ-βάνη vulg.: sumat A G1: λανθάνη J: lateat G2 1002 b 34 πώς vulg.: om. A: πως J: aliqualiter G 1005 a 28 περί τό δν vulg.: circa ens Α: περί τοϋ δν (sic) J: de ente G 1006 b 9 αύτόν vulg.: ipsum Α: αυτόν J1: αύτόν J2 (Es2, cf. Jaeger): se ipsum G 1008 a 21 ού λέγει vulg.: non dicit A: non dicet G2: om. J: om. G1 1009 a 20 άπάντησις vulg. et J2: obviatio A G2: άπάτησις J1: deceptio G1 1010 b 31 εΐη vulg.: erit A: + μόνον]: + solum G 1012 a 35 χωρίς λέγει των λόγων έκάτερον τούτων vulg.: extra orationes has utrum-que dicit Α: χωρίς λέγει τον λόγον έκάτερον τούτων J (Ebl?): seorsum dicit rationem utramque horum G 1012 b 14 ταύτα vulg.: eadem Α: ταύτα J: hecG 1014 a 23 τά vulg.: que Α: τό J (T): quod G 1017 b 1 τό δν τό μεν vulg.: ens quidem Α: τό δν τό δν J1: τό μεν supra δν2 scr. J2: ens, ens hoc qui-dem G 1019 a 31 α vulg. exc.Ab: que Α: ή J (E'E1·1?): aut G 1019 b 8 λε-γόμενον vulg.: dictum Α: λέγομεν J (Es?): dicimus G 1020 b 8 δ ... δ vulg.: ό ... ό J: qui ... qui G 1023 a 14 τι vulg.: aliquod A: om. J: om. G 1023 b 13 όπωσούν vulg.: quocumque modo Α: όποσούν (sic) J: quanta-cumque (όποσαοΰν) G 1029 a 16 έκεΐνο vulg. illud Α: έκείνως J: illo modo G 1029 a 30 την μεν τοίνυν vulg.: deest Α: την μέντοι νϋν J: atta-men earn que nunc G 1029 b 34 ό δέ vulg.: et hie A: om. J: om. G 1030 b 35 ρινί σιμή vulg.: naso simo Α: ρινις (sic) εί μή J: nasi si non G 1031 b 30 τί (τό τί Ε et alii) ήν είναι ΐππφ vulg.: equo A: om. J1: τφ τί ήν είναι ΐππφ J2: ipsi quod quid erat esse equo G 1032 b 25 ωσπερ vulg.: ut Α: ώς δπερ J: ut quod G 1034 b 13 ούτως vulg.: sic A: om. J: om. G 1038 b 10 ή vulg. et J1: que A G2: fj J2: secundum quod G l 1039 b 5 όταν ε'ίπη vulg.: quando dicit A G1: όταν (sic) εϊπη J: cum dixerit utique G2 1039 b 10 κατ' αλλο vulg.: secundum aliud Α: κατ' άλλου J: de alio G 1043 b 11 υλη vulg.: ma-teria Α: υλης J: materie G 1049 a 9 τούτφ vulg.: hoc Α: τούτοις J: hiis G 1050 b 2 ένέργεια vulg. et J1: deest A: + τις J2: actus quidam G 1054 b 2 isigonia Α: ΐσογωνία vulg. et]1: isogonia G2: ίσγωνία J2: isgonia G1 1054 b 3 μή ταύτα (ταϋτα Eb) vulg.: non eadem Α: ή ταύτα J: sint hec G1: non sint eadem G2 1054 b 26 ταύτό vulg.: idem A G1: τό ταύτό J (Eb): ipsum idem G2 1056 b 10 ετι εί (εί om. Ab) ώς έν μήκει τό μακρόν vulg. et J2: amplius sicut (cf. Ab) in longo productum A: amplius si ut in longitudine productum G2: ετι εί ώς εν μή κείται τό μακρόν J1: vel adhuc si ut unum non ponitur longum amplius si ut in longitudine productum G1 1058 b 30 δόξειεν vulg. et J2: opinatum est A: videbitur G2: δείξειεν J1: ostendet G1 1070 a 10 ούσα vulg.: ens Α: ούσία J: substantia G 1070 a 21 ώς προγεγενημένα οντά vulg.: ut antecedentia facta A: velut prius facte existentes G2: ώσπερ γε-γενημένα δντα J: ut entes facte G1 1070 a 32 ταύτα vulg.: idem A: eadem

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

La traduction de Metaph. par Moerbeke et son exemplaire grec 451

G2: ταΰτα J: hec G1 1072 b 10 fj άνάγκη vulg.: in quantum necesse Α: ή άνάγκη J: necessitas G 1075 a 2 ούσία vulg.: substantia A: + γαρ J: + enim G

Partie traduction nouvelle 1059 b 2 εΐη αν ή vulg.: om. J1: ή αν ήι (sic) J2: aut si sint G 1059 b 3

ούν vulg.: om.]1: γαρ (mg.pr. m.) J2 1062 a 26 ή1 vulg. και J: et G 1062 b 25 δόγμα των vulg. et J2: dogma eorum qui G2: δογμάτων J1: dogmatum G1

1063 a 9 δύο, δύο δ' είναι vulg.: δύο δεϊν είναι J (cf. Jaeger): duo oportere esse G 1063 a 27 τοϋτο δέ (vel γαρ) vulg. τοϋτόγε J: hoc quidem G 1063 b 9 τούτου vulg. et]1: -ων (s. I.)]1 (Es): horum G 1065 a 20 έπεί vulg.: εΐπερ J: siquidem G 1065 b 20 γήρανσις vulg.: πήρανσις J: orbatio G 1067 b 10 άκίνητα vulg.: α κινητά (sic) J: que mobilia G 1068 b 2 γιγνό-μενον2 vulg.: + άπλως J: fiens simpliciter G 1076 b 18 και στίγμας vulg.: om.]:om.G 1079 a 17 τοϋτο τοΰ vulg.: τό τοϋ J: quod eius quod G 1079 a 22 κατά vulg.: τα) : qui G 1079 b 21 ύστερος vulg.: -ov J: posterius G 1081 b 23 αΰτη vulg.: αύτη (iic) J: ipsa G 1082 a 37 ούσαι vulg.: ούσίαι J: substantie G 1083 a 7 αί ύστερον vulg.: ύστερον J (T): posterius G 1083 b 14 εϊ θ' vulg.: eW'J: deinde G 1084 b 11 τό2 vulg.: δτι J: quia G 1084 b 14 τό επί μέρους vulg.: τό μέρος J: pars G 1084 b 37 μονάς της δυάδος vulg.: μονάς ή έν τη δυάδι της δυάδος J: unitas que in dualitate dualitate G

1085 a 1 αύτη1 vulg.: αΰτη J (Es): hec G 1085 a 5 τφ ένι αύτφ vulg.: om. J1: τό είναι αύτφ J2: esse ipsi G 1085 b 11 αύται vulg.: αύται J1: αϊ αύται J2

(Al.p, edd.): eedem G 1085 b 12 ή κράσις vulg. et J2: om.j1: om. G 1086 b 27 δ vulg.: om. J: om. G 1086 b 36 δύο όρθαί vulg.: δύο όρθαϊς J (Eb2): duobus rectis G 1087 b 4 άλλ' vulg. et]1: + fj J2: sed inquantum G 1087 b 5 τφ ένί vulg. et]1: + και J2: uni aut G 1088 a 21 ταύτη vulg.: αύτη J (E1?): ipso G 1088 b 16 εί τοίνυν vulg.: έτι νϋν J: adhuc nunc G 1088 b 20 ότιοϋν αλλο vulg.: δτι άλλου J: quia alterius G 1089 b 1 δέ vulg. et J1: + εί J2: autem si G 1089 b 18 εί vulg.: om. J: om. G 1090 b 25 πότερον vulg.: πρότερονJ (Ib2): prius G 1091 a 37 ή vulg.: ήι J: qua G 1092 b 27 τφ έν άριθμφ vulg.: om. J: om. G 1092 b 35 ούκοϋν vulg. et J1: + εϊ J2: igitur si G 1093 a 25 δτι αί (δθ' αί Ab) vulg.: δταν J: quando G 1093 b 12 της συ-στοιχίας vulg.: + ταύτης (i.ras.) J2 (IbAl.p): coelementationis huius G 1093 b 13-14 ϊσον vulg.: ras. J1: ίσάκις ίσον και J2 (Ib Al.c): equaliter equale et G 1093 b 26 μηδένα τρόπον (τόπον Τ) vulg.: μηδέν αλλοιπόν Ε: μηδέν άτοπον (sic) J1: τρο supra -το- scr. J2: nichil firmum G

II n'y a neanmoins pas identite absolue. Quelques differences, tres peu nombreuses, demeurent. Elles sont de deux sortes. 1) II y a dans le texte de Moerbeke quelques lemons individuelles, qui ne cor-respondent ni ä J ni ä d'autres legons grecques attestees, ä savoir des «fautes» individuelles supplementaires par rapport a J aux endroits, ou J presente la «bonne» le^on, attestee par l'ensemble de la tradi-tion. 2) Ii y a d'autre part des divergences, peu nombreuses, ä des en-

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

452 G U D R U N V U I L L E M I N - D I E M

droits, ou, contre les fautes de J, Moerbeke rend la «bonne» Ιεςοη at-testee ou par tout le reste de la tradition grecque ou par l'une de ses branches. En revanche, il n'y a pratiquement pas de divergences telles que le texte de Moerbeke serait conforme ä d'autres lemons grecques attestees contre la bonne Ιεςοη de J, c'est-ä-dire qu'il n'existe pas de fautes manifestes communes, que Moerbeke partagerait avec un autre manuscrit - ou une autre branche - de la tradition contre J.

De tels faits, on pourrait etre tente de conclure que la source de Moerbeke etait un codex frere perdu de J. Ceci n'est cependant pas possible, car un certain nombre d'endroits montre que la source de Moerbeke dependait en ligne directe - avec ou sans intermediate -du manuscrit J lui-meme dans sa forme individuelle et historique.

Le texte de Moerbeke atteste, en effet, qu'il a lu dans sa source des corrections - bonnes et mauvaises - faites par des mains diffe-rentes dans le ms J lui-meme. II a repris tant les corrections faites par le copiste que Celles d'un correcteur de l'epoque que celles faites par des mains plus recentes. II a repris, de plus, les erreurs commises ici et lä par les correcteurs, lorsqu'ils ont ajoute des mots qui man-quaient au texte primitif (voir e.g. ci-dessus, 1031 b 30; 1059 b 2,3; 1085 a 5, ou encore 1089 b 16/18, ou une bonne correction est inse-ree ä la mauvaise place). Mais il n'a pas seulement lu les corrections differentes et individuelles de J, son texte atteste en outre ä plusieurs reprises, qu'il a vu la Ιεςοη primitive ainsi que la Ιεςοη corrigee. II a, en effet, traduit ä plusieurs endroits, soit simultanement soit succes-sivement, les deux versions de J, ä savoir la Ιεςοη primitive et la Ιεςοη corrigee. Dans quelques cas, ou la place de la correction ou son con-texte ne permettaient pas de decider si eile etait destinee a remplacer un element du texte primitif ou ä ajouter un element oublie, ou si eile offrait simplement une Variante, il a combine les deux versions en rendant la faute primitive de J1 plus la correction de J2, e.g.:

1017 b 1 τό δν τό μεν vulg.: ens quidem Α: τό δν τό δν J1: τό μεν supra öv2

scr. J2: ens, ens hoc quidem G. - Moerbeke a combine la correction de J2

avec la faute de J1. 1093 b 26 μηδένα τρόπον vulg.: μηδέν άτοπον (sic) J1: τρο supra -το- scr. J2: nichil firmum G. - Moerbeke a mal compris la correc-tion de J2 et l'a combinee avec la separation fautive des mots en J1.

Dans d'autres cas, il a du hesiter entre leurs valeurs, car il les a ren-dues toutes deux - en ajoutant parfois un vel - dans un premier temps de son travail, pour choisir ensuite l'une d'elles, e.g.:

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

La traduction de Metaph. par Moerbeke et son exemplaire grec 453

994 b 27 είναι" εί δέ vulg.: -εϊναι ( + εί s.l. J2) δε J1: si autem esse autem G1: esse autem G2. 1055 b 18 θάτερον AbEb2EsAl.Ross et s.l. J2: alteram A: θατέρου EEb l Jaeger et J1: vel alterius alteram G1: alterius G2. 1056 b 10 ετι εί (εί om. Ab) ώς έν μήκει t o μακρόν vulg. et mg. J2: amplius sicut (cf . Ab) in longo productum A: amplius si ut in longitudine productum G2: ετι εί ώς εν μή κείται τό μακρόν i. textu J1: vel adhuc si ut unum non ponitur lon-gum amplius si ut in longitudine productum G1. - Moerbeke a vu la lefon fautive de J1 (faute individuelle de J) ainsi que la correction. La Translatio Anonyma correspondait ä cet endroit ä la version Ab pour les trois premiers mots, ä la version vulgate, d'apres laquelle J2 a fait sa correction, pour le reste. Moerbeke a corrige son exemplaire latin d'apres la version de J pour les trois premiers mots, en changeant le mot sicut (cf. Ab) de A en si ut (J) et d'apres la version de J2 {vulg.) pour le reste, en preferant le substantif longi-tudine, qui etait plus pres du terme grec, a l'adjectif longo de A. Mais, comme la legon de J1 donnait un sens tout ä fait different, il a du hesiter entre les deux versions, il a done dans la premiere etape de son travail tra-duit egalement la version de J1 et Γ a effacee ensuite. Le ms Da transmet en-core les deux versions, tandis que les autres mss rendent l'etat definitif de la traduction.

Enfin, nous constatons que e'est souvent aux endroits corriges en J, qu'il y a un changement de «critique textuelle» entre la premiere et la deuxieme etape de son travail: une premiere lefon, correspondant ä J1, est remplacee ensuite par une legon correspondant ä J2 ou - plus rarement - le changement inverse a lieu. N o u s comptons une tren-taine de ces changements de «critique textuelle» environ, don t plus de la moitie se trouvent aux endroits corriges en J (voir e.g. ci-des-sus, 1009 a 20; 1038 b 10; 1039 b 5; 1054 b 2; 1058 b 30; 1062 b 25). En outre, le choix entre deux versions de J est parfois visiblement de-termine par le contexte particulier de J. Quelques endroits, ou Moer -beke a rendu une lefon primitive de J1 contre une bonne correction de J2, sont revelateurs. En effet, e'est alors qu'ä cause d 'une faute qui la precedait ou la suivait dans J sans etre elle-meme corrigee, la cor-rection en question est incoherente dans le contexte particulier de J, e.g.:

1079 a 20 (κατά μεν την ύπόληψιν ...) ού μόνον τών ούσιών έσονται ε'ιδη άλλα και άλλων (έτερων Ab) πολλών AbE2, edd.: (κατά μεν την ύπόληψιν ...) έσονται είδη και άλλων πολλών Ε1: (κ. μ. τ. ύ . . . . ) έσονται εϊδη άλλων τε πολλών)1: άλλα και έτερων πολλών (pro άλλων τε πολλών) marg.pr. m. J2: secundum quidem suspicionem, secundum quam aiunt esse ydeas) erant species aliorumque multorum G. - La correction de J2 (άλλα και έτερων πολλών), correspond a la tradition de Ab et se refere aux mots precedents de cette meme tradition (ού μόνον τών ούσιών). fetant donne que ces mots

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

454 G U D R U N V U I L L E M I N - D I E M

manquent en J et ne sont pas rajoutes par J2, la correction mentionnee de J2

est incoherente, meme au point de vue syntactique, dans le contexte particu-lier de J, et il semble evident que Moerbeke a du choisir a cet endroit la ver-sion de J1 contre celle de J2.

Le choix des lemons dans les endroits corriges en J se fait done a partir du manuscrit J lui-meme et en fonction de son contexte parti-culier. C'est d'ailleurs un choix qui n'est ni mecanique ni arbitraire, mais intelligent et determine par le sens et la coherence des phrases.

II est done certain que la source de Moerbeke remonte principa-lement en ligne droite a J et, seules, deux hypotheses peuvent expli-quer les divergences mentionnees. Ou bien Moerbeke a eu sous les yeux une copie de J - a cause de la proximite des deux textes on ne peut raisonnablement supposer qu'une seule copie intermediate - , qui avait ses propres fautes et qui contenait quelques contaminations ou corrections, introduites par le copiste ou par quelque lecteur. Ou bien il a travaille sur le manuscrit J lui-meme, et les divergences sont dues ä des fautes de lecture ou d'inattention du traducteur, ä ses con-jectures, bonnes ou mauvaises, et peut-etre au fait qu'il a consulte ici et lä un autre temoin du texte.

Devant une telle situation, on serait porte a s'arreter ä la pre-miere hypothese, parce qu'elle est plus simple et plus prudente que la deuxieme. Et il est de fait que, meme s'il y avait conformite parfaite entre la source grecque reconstituee de la traduction et le manuscrit grec en question, on ne pourrait jamais prouver leur identite au moyen des criteres internes de comparaison textuelle. Pourtant, les correspondances aux endroits corriges en J font dejä hesiter. Le co-piste a-t-il rendu ä ces endroits son modele par une Sorte de «photo-copie»? C'est peu probable. Ou bien aurait-il fait ce choix intelligent et reflechi, qui convient plutot au traducteur? C'est cependant l'exa-men detaille des divergences elles-memes, comprises dans leur con-texte, qui impose finalement la seconde hypothese comme plus pro-bable que la premiere.

1. Relevons dans le texte de Moerbeke d'abord, parmi les diver-gences, les lefons particulieres, e'est-a-dire non attestees par la tradi-tion grecque et contre le bon texte de J, sans nous demander encore, s'il s'agit de fautes proprement dites ou de fausses conjectures. Leur nombre est minime, p. ex. 10 dans le livre Κ tout entier: 1060 a 8 είναι J (vulg., edd.): om. G 1060 b 31 έστιν J (vulg., edd.)·. om. G 1061 a 1 λέγομεν J (vulg., edd.): om. G 1061 a 27 ύπαρξε^ {vulg., edd.):

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

La traduction de Metaph. par Moerbeke et son exemplaire grec 455

inest (υπάρχει?) G 1061 b 14 ανάγεται] (vulg., edd.): om. G 1062 b 22 γ ε γ ε ν η σ θ α ι ) {vulg., edd.): om. G 1064 b 9 κ ο ι ν ή J {vulg., edd.): c o m m u n i -ter G 1066 b 21 τό άρτιον (accus.) J (vulg., edd.): parem (τον?) G 1066 b 32 έ σ τ ι J (vulg., edd.): om. G 1068 b 12 τ ί . . . τ ί J (Ab et alii, edd., sed cf. Jaeger, adn.): aliquid ... aliquid G

II ne favorise pas Phypothese de deux sources de fautes, l'une due ä un copiste, l'autre due au traducteur. Leur repartition, de plus, est etrange. Alors que les lemons individuelles ou fautes particulieres de J lui-meme apparaissent chez Moerbeke ä peu pres en nombre egal dans la partie revision et la partie traduction nouvelle, on rencontre les fautes supplementaires presque uniquement dans la partie traduc-tion nouvelle (Κ, Μ, Ν).

En particulier, la partie revision ne contient aucune faute d'omis-sion supplementaire. En d'autres termes, c'est uniquement lä, ou il y a omission dans J que Moerbeke a supprime des mots dans la Trans-latio Anonyma. Au contraire, dans la partie traduction nouvelle, la moitie des fautes supplementaires sont des omissions, et, en general, des omissions portant sur la copule ou le verbe copulatif. On peut difficilement alors mettre ces fautes sur le compte d'une copie inter-media te . Moerbeke, en effet, ne pouvait pas distinguer entre les fau-tes de J et Celles de la copie: ces dernieres devaient done apparaitre en proportion - proportion par rapport ä Celles reprises de J - ä peu pres egale dans la partie revision et dans la partie traduction nou-velle, ce qui n'est pas le cas. Les attribue-t-on, en revanche, au tra-ducteur? Tout s'eclaire: en corrigeant le texte d'un exemplaire latin donne d'apres le grec, dans la partie revision Moerbeke ne pouvait pas ajouter de fautes d'omission involontaires et les fautes d'inatten-tion dans la lecture grecque etaient pratiquement eliminees.

2. Repla^ons ensuite ces legons particulieres dans leur contexte. Un certain nombre d'entre elles ne sont pas des fautes proprement dites. En partie, en effet, ce sont des traductions plus libres que d'ha-bitude, tout en rendant parfaitement le sens propre du texte, et par-fois meme exigees par la syntaxe latine; on ne devrait done plus les compter parmi les divergences par rapport au grec.

V o i r p. ex. 1064 b 9 (liste p receden te ) : Mathematicarum quidem enim unaque-que circa unum aliquod genus determinatum est, que autem universalis (genit .) , universaliter de omnibus. La traduction litterale de omnibus pour περί πάντων demande l'expression adverbiale au lieu de l'adjectif.

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

456 G U D R U N V U I L L E M I N - D I E M

En partie ce sont des conjectures, qu'exige une faute dans le contexte immediat de J; la plupart d'entre elles resultent d'ailleurs d'un simple changement d'accentuation ou de l'addition ou de la suppression d'un iota adscriptum.

Voir p.ex. 1068 b 12 (liste precedente): Les deux pronoms ( τ ί . . . τί) accen-tues comme des pronoms interrogatifs, ne peuvent etre compris que comme des pronoms indefinis dans le contexte particulier de J, dans lequel un troi-sieme τί a ete introduit. La phrase entiere (1068 b 11-12), difficile aussi pour les editeurs modernes (locus impeditus, cf. Jaeger ad loc.), se lit dans la ver-sion de J: τίς ούν εσται· ωσπερ τό άλλοιωτόν σώμα ή ψυχή τι, ουτω τί τό γιγνόμενον κίνησις και ή γένεσις· και τί εις ο κινούνται' Moerbeke tra-duit: Que igitur erit? (sic interpunx. J, cf. Jaeger ad loc.) Quemadmodum al-terabile corpus aut anima aliquid (τι J: om. vulg. edd.), sic aliquid (τί J et vulg.) quod fit motus et generatio, et aliquid (τί J et vulg.) in quod moventur: «Quelle sera (la matiere sujette)? De la meme fafon qu'il y a quelque chose qui est corps alterable ou äme, il y a quelque chose, qui devient mouvement et generation, et quelque chose, a laquelle ils (mouvement et generation) aboutissent.» Le premier τί, ajoute au texte vulgaire dans la version de J, ne peut etre compris dans la structure syntactique que comme pronom indefini et entraine la meme interpretation pour les deux τί suivants. Sans qu'on puisse entrer dans les details, on se contentera d'ajouter que le copiste de J ne suit d'ailleurs pas les regies coutumieres dans l'accentuation des encliti-ques, en consequence de quoi un traducteur attentif a probablement pu etre incline a intervenir plus souvent.

Dans le livre Κ - ä part 6 omissions - 2 le£ons seulement provien-nent peut-etre d'une faute de lecture, si on ne les met pas au compte des negligences ou des intentions du traducteur: changement d'un futur en present, changement d'un accusatif neutre en masculin, qui s'integre meme assez bien dans le texte (1061 a 27, 1066 b 21). On ne voit pas la place ici pour une copie intermediate.

3. Examinons enfin les divergences, qui correspondent ä des le-mons attestees dans la tradition grecque contre J. Elles aussi sont peu nombreuses, 3 dans toute la partie revision, 10 dans le livre K.

1059 b 38 συναναιρειτι J: cointerimuntur (συναναιρεΐται vulg., edd.) G 1060 b 29 εΐδει άριθμφ J: specie aut (ή vulg., edd.) numero G 1061 b 26 τί J (vulg.)·. aliquid (τι Al.p, edd.) G 1062 a 5 εΐπερ έστι J: si quidem erit (εσται vulg., edd.) G 1062 a 17-18 τούτου . . . τούτου J: hoc non (τοΰτ' ου vulg., edd.) . . . hoc (τοϋτο vulg., edd.) G 1063 b 18 λύoυσιvJ (ETEsEbl): resolventibus (άναλύουσιν Ab et alii, edd.) G 1064 b 1 αν εΐ (sic) J: utique erit (εΐη vulg., edd.) G 1065 a 31 ταύτα J: eadem (ταύτα Ε, edd.) G 1065 b 25 τ' αύτφ J: idem (ταύτόν vulg., edd.) G 1066 b 27 οίον ϋειεναι (sic) J: possibile esse (οΐόν τ' είναι vulg., edd.) G

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

La traduction de Metaph. par Moerbeke et son exemplaire grec 457

II n'y a pas correction continue ou systematique d'apres une autre tradition. Ces divergences se situent en general lä et - au moins dans le livre K, que j'ai etudie ä ce propos - uniquement la ou la Ιεςοη de J est completement corrompue, c'est-a-dire ne presente pas de terme existant, ou est insolite dans le contexte en Sorte de necessiter une correction, lorsqu'on veut ou qu'on doit rendre le texte intelligible. On ne constate pas ici d'influence claire, due ä une autre tradition determinee; neanmoins quelques coincidences avec le commentaire d'Alexandre sont peut-etre significatives. Pour la plupart d'entre el-les, les divergences peuvent provenir de conjectures facilement expli-cables ä partir de la legon de J. On notera de plus qu'elles s'accor-dent, presque toutes, lorsqu'elles ne rendent pas simplement la vul-gate grecque, avec les decisions des editeurs modernes.

Nous savons, par Pautographe de ses traductions d'Archimede, que Moerbeke a fait des conjectures par rapport ä son exemplaire grec, qu'il a doute des lemons qu'il lisait, qu'il en a propose d'autres, qu'il a hesite entre elles, et ceci frequemment, lorsqu'il etait con-fronte ä un texte difficile et technique. Mais notre texte, lui aussi, contient quelques endroits indiquant que le traducteur lui-meme aura corrige par conjecture sa source. II s'agit surtout de deux en-droits 15 (dans la partie traduction nouvelle), ou, en accord avec les autres branches de la tradition grecque manuscrite, J presente des le-90ns, qui, quant a la grammaire et ä la syntaxe, sont apparemment en ordre, mais qui, replacees dans un contexte plus large, rendent inco-herente une argumentation complexe et subtile. A chacun de ces en-droits le texte de Moerbeke offre deux versions, qui, toutes deux, proviennent sans doute du traducteur lui-meme. Les premieres cor-respondent au texte de J; elles se trouvent uniquement dans le ms Da (Pal.lat. 1060), qui, comme on l'a vu, depend d'un premier etat de la traduction. Les secondes versions, au contraire, ne se rencontrent que dans les autres temoins de la tradition, qui representent un etat ulterieur de la traduction. Elles donnent un texte ameliore grace aux conjectures grecques implicites, individuelles et independantes de la tradition grecque attestee (Paddition d'une negation, le changement de l'accentuation d'un mot); les editeurs modernes ont d'ailleurs,

1S Κ6, 1062 b 28 (voir «Unters.», 148); Μ 3, 1077 b 36-1078 a 1 (voir ci-dessous, p. 458).

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

458 G U D R U N V U I L L E M I N - D I E M

contre la tradition grecque manuscrite, retrouve ou propose les me-ines conjectures. En outre, dans l'un des deux cas, la deuxieme ver-sion correspond ä quelques corrections attestees par le commentaire d'Alexandre, qui, elles aussi, ont ete reprises par les editeurs contre les temoins manuscrits. Ces endroits font supposer que Moerbeke a d'abord rendu le texte qu'il lisait en J, qu'il en a remarque les subtiles difficultes, qu'il a ensuite cherche a y porter remede, et en introdui-sant ses propres corrections et, dans Tun des deux cas, en s'aidant du commentaire d'Alexandre ou d'une tradition dependante. Voic i ce dernier cas:

1077 b 36-1078 a 1 f j δ' εστίν ύγιεινόν, άλλ ' έκείνου f j έστίν έκαστου, ( + ει J2, Al.c) ύγιε ινόν ύγιε ινοϋ J (vulg.): inquantum autem est salubre, sed illius inquantum est uniuscuiusque, si ( = P ) salubre salubris G 1 (Da): hec (ή edd.) autem est salubris (ύγιεινοϋ Εγρ., Al.c, edd.) sed illius cuius (ού Eb2 et alii, Al.c, edd.) est unaqueque (έκαστη Al.c, edd.) si (εϊ Ρ Al.c, edd.) salubre salubris G2 (SiZIP). - Le texte grec est incomprehensible (cf. Bonitz et Ross, comm. ad. loc.). Moerbeke a d'abord traduit le texte de J, qui portait dejä une correction, non attestee d'ailleurs par le reste de la tradition directe (l'addition de εϊ). Cet etat de sa traduction est conserve par le ms Da. Mais, en depit de cette correction, le texte restait obscur. Une autre correction etait necessaire. Pour sa deuxieme version (conservee par les autres manus-crits) Moerbeke s'est inspire en premier lieu du commentaire de Ps.-Alexan-dre ou d'une source dependante. Neanmoins, une derniere difficulte restait, qui, elle, etait maintenant facile ä corriger. II suffisait de lire ä la premiere occurrence ή au lieu de f j pour obtenir une interpretation intelligible de la phrase entiere (1077 b 34 -1078 a 2): Et sicut et alias scientias simpliciter verum dicere huius esse, - non accidentis (puta quia albi, si salubre album, hec autem est salubris) sed illius cuius est unaqueque (si salubre, salubris, si autem in quantum homo, hominis) - sic et geometriam. «Et de meme qu'il est simple-ment vrai de dire des autres sciences, qu'elles traitent d'un objet determine (huius) - et non pas de ce qui est accidentel ä cet objet (par exemple que ce soit du blanc, si le sain est blanc, et si la science a le sain pour objet), mais de ce qui est l 'objet meme de chacune d'entre elles (si c'est le sain qui est son objet, du sain, si c'est l 'homme en tant qu'homme, de l'homme) - ainsi il est vrai de le dire aussi de la geometrie.»

Par sa correction tiree probablement de Ps.-Alexandre ou d'une source dependante et par sa propre conjecture d'autre part Moerbeke a etabli exac-tement le meme texte que Bonitz et les editeurs modernes ont adopte contre la tradition manuscrite.

Ce dernier exemple nous d o n n e deux informations: 1) Moerbeke a certainement fait des conjectures - des conjectures faciles quant ä la lettre, mais f ines et intelligentes quant au sens - ; 2) il a pu consulter,

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

La traduction de Metaph. par Moerbeke et son exemplaire grec 4 5 9

au moins dans un temps ulterieur, un deuxieme temoin grec du texte, different du premier16.

II nous faut inserer ici quelques remarques, touchant certains re-sultats bruts, dont l'examen detaille sera publie par ailleurs17: il s'agit des differences specifiques entre les deux etats du texte de Moer-beke, compares ä leur source grecque. 1) Pour les deux etats du texte, la source principale a ete J. Cette constatation est evidente en ce qui concerne le premier etat, mais eile vaut egalement pour le deuxieme, et ceci pour les raisons suivantes: a) II y a, dans la partie revision, des lefons particulieres de J, que Moerbeke n'a introduites comme corrections par rapport ä l'Anonyma que dans un deuxieme temps seulement, probablement parce qu'elles lui avaient echappe au-paravant. b) Tout en revisant une nouvelle fois d'apres le grec sa pre-miere redaction dans quelques parties du texte de fafon constante et systematique - ce que prouvent les nombreuses corrections termino-logiques, notamment ä partir de la fin du livre Ζ jusqu'ä la fin du livre Α - , Moerbeke a, en general, laisse inchangees les nombreuses lemons et fautes particulieres, qu'il avait lui-meme prises ä J aupara-vant. Done, il y a eu, au moins dans de grandes parties du texte, une deuxieme comparaison systematique et continue avec le grec sans

16 Par des remarques, dont l'authenticite est assuree ou hautement probable, et qui mentionnent explicitement un desaccord dans les exemplaria (sc. greca), l'absence d'un mot dans ambo libri greci ou une autre Ιεςοη in alio libro greco, nous savons que Moerbeke a consulte, pour plusieurs de ses traductions, deux temoins grecs du meme texte. C'est ce qui est assure, par exemple, pour ses traductions d'Archimede (cf. Archimedes in the Middle Ages II [ci-dessus, note 10], 50, 392, 394), pour sa tra-duction de la Physique (cf. J. Brams und G. Vuillemin-Diem, Physica Nova und Re-censio Matritensis - Wilhelm von Moerbekes doppelte Revision der Physica Vetus, in: Misc.Mediaevalia 18 (1986) 215-288, v.271), et qui est tres probable pour sa traduction des Meteores (cf. S.D.Wingate , The Mediaeval Latin Versions of the Aristotelian Scientific Corpus, London 1931,90) et la Recensio des Analytica Poste-r i o r (cf. Anal. Post., ed. L. Minio-Paluello et B .G .Dod , Bruges-Par i s 1968, LXXXIII , 297.6, 311.12 [ = Arist .Lat .IV 1-4] et L. Minio-Paluello, Opuscula. The Latin Aristotle, Amsterdam 1972, 161-162). En ce qui concerne cette derniere oeuvre, il a visiblement consulte ä un certain endroit (111, 77 a 16) outre deux exemplaires grecs du texte le manuscrit d'un commentaire grec, probablement celui de Philoponos, en comparant la lecjon commentee avec la lefon dans le lemme. II n'est done pas absurde de supposer une situation semblable pour sa traduction-revision de la Metaphysique, une situation, qui se confirmera d'ailleurs de f a fon plus precise par la suite (v. ci-dessous, p. 460 sqq.).

17 Voir ci-dessus, n.5.

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

460 G U D R U N V U I L L E M I N - D I E M

que cela representät une revision systematique d'apres une source differente de J. c) Comme on l'a dejä dit, les changements de «criti-que textuelle» dans la deuxieme redaction ont lieu souvent - environ dans la moitie des cas - aux endroits corriges en J, c'est-ä-dire ä l 'occasion de problemes poses par l'etat du texte en J. 2) Mais il y a, au moins dans un etat ulterieur du travail, une source grecque sup-plementaire. Quelques changements de «critique textuelle» prouvent, que Moerbeke a eu ulterieurement recours - quoique seulement de fa^on sporadique et «auxiliaire» - ä un deuxieme temoin grec du texte, different de J. Nous l'avons deja vu plus haut (voir p. 458). II y a un autre cas, tout aussi demonstratio

1070 a 21 (τά μεν ούν κινοϋντα αίτια) ώς προγεγενημένα όντα, (τά δ' ώ ς ό λόγος αμα.) vulg., edd.·. (Moventes igitur cause) ut antecedentia [addenda Pis .Cath. 11 ei plurimi] facta, (alie quasi ratio simul.) A: (Moventes quidem igitur cause) velut prius facte existentes, (que autem ut ratio simul) G 2 : ( ) ώσπερ γεγενημένα οντα ( . . . ) J : (Hec quidem igitur moventes cause) ut en-tes facte, (hec autem quasi ratio simul.) G 1 . - On voit clairement, que la revi-sion de PAnonyma par Moerbeke s'est faite ä cet endroit en deux temps: Dans une premiere etape, Moerbeke n'a vu que la version de A - et celle-ci non pas dans sa forme originale, mais dans une forme deficiente, avec la Va-riante addenda, attestee par le Pis. Cath. 11 et tous les autres mss sauf un - et Celle de J , qui est d'ailleurs une faute particuliere et specifique de J . II devait croire que ut de A correspondait a ώ σ π ε ρ de J , facta de Α ä γεγενημένα de J , et que addentia (dans sa copie) etait une traduction libre ou plutot fausse de οντα. II a done corrige la version latine en suivant litteralement la version de J et en ne gardant que l'ordre des mots de A, comme le prouve notre ms Da. Mais sa premiere correction d'apres J , tout en etant peut-etre plus «au-thentique» que la version de sa copie latine, restait obscure. Ce n'est qu'ulte-rieurement, comme le prouvent nos mss SiZIP, qu'il a pu voir, ou, en tout cas, qu'il a vu la lefon vulgate, qui etait evidemment la bonne et qui eclairait le sens de la phrase entiere. II ne pouvait pas la deduire facilement par con-jecture. II a done consulte, a un moment ulterieur de son travail, un ms diffe-rent de J .

Ceci signifie que l'hypothese «de la copie» ne peut pas expliquer tou-tes les divergences avec J, en particulier pas celles, qui se trouvent dans la deuxieme redaction seulement, et il faut admettre en tout cas qu'a partir d'un certain moment, Moerbeke a consulte ici et la ä cote de son ms principal un deuxieme temoin du texte grec.

De l'etude comparative, exposee jusqu'ici, nous pouvons con-clure: l'hypothese d'une copie intermedaire, on l'a vu, n'est pas ne-cessaire; elle se heurte, de plus, ä quelques donnees specifiques du

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

La traduction de Metaph. par Moerbeke et son exemplaire grec 461

texte; et eile ne serait, enfin, meme pas süffisante. Qu'on adopte, au contraire, la deuxieme hypothese. On voit alors ä l'oeuvre une me-thode de travail uniforme et intelligible, qui permet d'expliquer les divergences quant ä leur nombre, leur repartition et leur nature, ainsi que les concordances particulieres dans les endroits corriges en J. On devrait done admettre que Moerbeke a principalement utilise, tant pour la partie revision que pour la partie traduction nouvelle, le manuscrit J. II ne l'a cependant pas traduit d'une fafon mecanique, mais aux endroits corrompus, incoherents ou ambigus du modele, il a juge le texte et, d'une certaine faqxm, il l'a ed i t e pour le traduire. II s'est, naturellement, aide d'un texte latin qu'il corrigeait, mais qui en meme temps lui servait, ä tort ou ä raison, de contre-epreuve au te-moignage de J. Dans ce texte manquaient toutefois le livre Κ et, pro-bablement, la plus grande partie de Μ ainsi que N. De plus, il a con-suite ä quelques endroits, et probablement ä une date ulterieure seu-lement, un manuscrit supp lemen ta l , apparente au commentaire d'Alexandre ou ä une source qui en depend. Mais e'est aussi, et peut-etre surtout, en se fondant sur ses propres conjectures, qu'il a tente d'ameliorer le texte, en devan^ant a plusieurs reprises les decisions et propositions des editeurs modernes.

Teiles sont l'hypothese et l'explication, que l'etude comparative rend les plus probables. Cette methode cependant est incapable d'en donner une preuve absolue.

2. Critere externe, mais indirect: La partie perdue de J et une absence significative de corrections dans le premier etat de la revision18

Nous n'avons pris en compte, jusqu'ä present, que la partie exis-tante de J. Moerbeke a cependant revise la Translatio Anonyma egalement dans le debut du texte, qui manque aujourd'hui dans le ms. J. Aurait-il eu encore sous les yeux cette partie, qui ne se serait perdue qu'ulterieurement? Rien dans nos connaissances, du point de vue de l'histoire du ms, n'empeche de faire cette supposition. Ou bien a-t-il revise cette partie d'apres une autre source? fetant donne que nous n'avons plus le temoignage de J, il est difficile, sinon impos-

18 Le texte qui suit corrigera une erreur importante, que j'ai faite dans Particle «Un-ters.» en soutenant l'hypothese que Moerbeke aurait probablement encore vu la partie aujourd'hui perdue de J (cf. 157-158, 193, 198).

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

462 G U D R U N V U I L L E M I N - D I E M

SCHfeMA: D I F F i R E N C E S DANS LA C O M P O S I T I O N E T D A N S LA F O R M E D E S T E X T E S E N T R E Da E T SiZIP

Sigles: Da = Vat. Pal. 1060 Si = Scor. monast. f. II 1 ZI = Venet. Marc. 1639 Ρ = exemplar parisien (reconstitue ä l'aide de quelques copies directes). Les differences sont indiquees sur la perpendiculaire du milieu:

= Textes differents (Anonyma/Moerbeke) des deux cötes (Da/ SiZIP)

= Differences (peu frequen-tes) entre deux etats successifs (Da/SiZIP) du meme texte moerbekeen

= Differences (frequentes) entre deux etats successifs (Da/SiZIP) du meme texte moerbekeen

D a SiZIP

A l 9 8 0 a 2 1 Recensio Guillelmi

A l 9 8 0 a 2 1

A 3 9 8 4 b 8

Translat io Anonyma

a l 9 9 4 a 6

Recensio Guillelmi

Recensio Guillelmi

Ζ 1 4 Ζ 1 4

K l 1059a 18 Translat io Guillelmi Translat io Guillelmi

K l 1059 a 18

Λ 1 1069a 18 Recensio Guillelmi Recensio Guillelmi

A l 1069 a 18

M 2 1076 b 9 Translat io Guillelmi

Trans lat io Guillelmi

Μ 2 1076 b 9

Μ 8 1 0 8 4 a 4

Ν 6 1093 b 29 Translat io Anonyma

N 6 1093 b 29

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

La traduction de Metaph. par Moerbeke et son exemplaire grec 463

sible, de prouver l'une ou l'autre des deux suppositions par des crite-res internes.

Mais c'est la distinction entre les deux etats de son travail - une distinction d'ailleurs independante de la question de savoir quel ms grec fut utilise dans l'une ou l'autre des deux etapes - qui nous ap-portera la reponse. Cette reponse fournira en meme temps un pre-mier critere externe a l'appui de notre these, que c'est le ms J lui-meme - et non pas une copie de J - qui etait la source de Moerbeke. Elle eclairera, de plus, la «genealogie» de la traduction.

Nous avons dit plus haut (p. 436), que le ms Da se distingue et par sa forme et par sa composition des autres temoins du texte. Plus clairement qu'une description, le schema precedent (p. 462) permet de l'apercevoir. Le fait, que Da, dans les parties ou il presente la revision de Moer-beke, contient ä de nombreux endroits les elements de la Translatio Anonyma ä la place des corrections (voir ci-dessus, p. 439), et qu'en outre il donne dans deux longues parties le texte «pur» de la Trans-latio Anonyma ä la place de celui de Moerbeke, pourrait indiquer une contamination et des accidents ulterieurs dans ce ms ou dans l'un de ses antecedents. Nous avons vu cependant que dans les par-ties du texte ou Da donne la revision de Moerbeke - dans un pre-mier etat de son travail - il n'y a pas eu accident ulterieur, mais que le ms Da, en ce qui concerne les elements de la Translatio Anonyma, depend de la copie meme qui etait ä la base de la revision de Moer-beke. Quelle est alors la signification des deux parties «pures» de la Translatio Anonyma contenues dans le ms Da? Est-ce qu'il existe ici, ou non, une relation specifique avec l'Anonyma-exemplaire de Moerbeke?

En ce qui concerne la deuxieme partie, qui comprend la fin du texte a partir de Μ 8, 1084 a 4, la reponse est negative. Le texte de l'Anonyma, contenu ici dans le ms Da, n'a rien ä voir avec la copie de Moerbeke, base de sa revision jusqu'a Μ 2, 1076 b 9, car il ne pre-sente pas les affinites specifiques avec l'Anonyma-ms Pis.S.Cath. 11, qui etaient caracteristiques de la copie moerbekeenne, mais il est, au contraire, apparente ä l'Anonyma-ms Paris. Β. N.6325, temoin d'une autre branche de la tradition. II doit done s'agir ici d'un accident: dans le ms Da ou plutot dans l'un de ses predecesseurs, la fin du texte original etait perdue et a ete remplacee ensuite par un texte provenant d'un ms quelconque de l'ancienne traduction.

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

4 6 4 Gudrun Vuillemin-D iem

II n'en va pas de meme pour la premiere partie, c'est-ä-dire pour la partie de l'Anonyma, contenue en Da entre A 3, 984 b 8 - α 2, 994 a 6. Une analyse de ce texte, compare avec la meme partie de la revi-sion de Moerbeke contenue dans les mss SiZIP, revele en effet ceci: parmi les elements de la Translatio Anonyma, que Guillaume n'a pas corriges dans sa revision, soit parce qu'ils etaient en accord avec son exemplaire grec, soit parce qu'ils presentaient des divergences mini-mes, soit, simplement, par defaut d'attention ici ou lä, il y a un cer-tain nombre de variantes par rapport au texte vulgate de l'Anonyma, de petites divergences vis-ä-vis du grec - des inversions de mots, des omissions d'un autem, d'un et, d'un est - qui ne peuvent pas etre des corrections de Moerbeke, mais qui devaient se trouver deja dans son exemplaire latin. Elles determinent et «individualisent» - comme on l'a deja vu dans les autres parties de la revision - cet exemplaire dans l'ensemble de la tradition de l'Anonyma. Elles montrent, en particu-lier, ici aussi, son affinite, deja constatee partout ailleurs, avec le ms Pis. S.Cath. 11. De telles variantes sont ä peu pres au nombre de 35. Or elles se trouvent toutes egalement dans l'Anonyma-texte de Da dans lequel ne se trouvent cependant pas les corrections de Moer-beke, dont temoignent les mss SiZIP. Done Da represente bien ici l'Anonyma-exemplaire de Moerbeke, mais sans ses corrections.

" Voici quelques exemples. Pour des raisons de commodite je me refere ici aux pages et aux lignes de l'edition de l'Anonyma (voir ci-dessus, n. 3). Sauf mention explicite du grec, le terme «vulgate» de l'Anonyma, qui precede le crochet, correspond au grec, tandis que la Variante, attestee et par Da et par la revision de Moerbeke, en differe.

A = Translatio Anonyma; A1 = varia lectio Translationis Anonymae; Da = Pal. lat. 1060; G2 = Recensio Guillelmi (SiZIP)

18.2 terra . . . aqua A] tr. Aa (ScTaLl) Da G2 20.17 rursum (πάλιν) A] rursus A* (ScKo) Da G2 22.8 esse A] + et A» (ScLl) Da G2 23.8 secundum materiam A] materia A1 (ScLIKo1) Da G2 23.12 autem A] om. A2 (Sc) Da G2 23.13 elementis dedit A] tr. A' (Sc) Da G2 26.12 in Physicis de eis A] de eis in Ph. tr. Aa(ScKoVu) Da G2 26.25 est A] om. A» (Sc) Da G2 27.20 aliquis investigabit A] tr. A1 (Sc) Da, tr. (immorabitur aliquis) G2 29.22 non esse dualitatem A] dual, non esse tr. A' (ScKo) Da G2 31.20 erit aliquid A] tr. A' (Sc) Da G2 30.18 eis causa A] tr. (_ gr._) A1 (Sc) Da G2 31.20 isti (oi) A] illi Aa (Sc) Da G2 32.15 unitates diffe-rentes A] tr. Aa (Sc) Da G2 32.17 quisque (έκαστος) A] quilibet Α» (Sc) Da G2

33.18 et A] om. A* (Sc) Da G2 34.5 habent rationem A] tr. A* (Sc) Da G2 34.10 aliud videtur A] tr. A1 (Sc) Da G2 34.23 quibus A] + est A1 (Sc) Da G2 34.26 amplius A] + autem A1 (Sc) Da G2 36.20 quasdam opiniones A] tr. A1 (Sc) Da G2

37.5-6 aliis est causa A] est causa aliis tr. Aa (Sc) Da G2

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

La traduction de Metaph. par Moerbeke et son exemplaire grec 465

fetant donne que, ä Pexception de la fin du texte, Da depend partout ailleurs - et ceci vaut aussi tres probablement pour le debut du texte jusqu'ä A 3, 984 b 8 - d'un premier etat de la revision resp. de la tra-duction nouvelle de Moerbeke, nous sommes en droit d'admettre, qu'ici aussi Da represente le premier etat du texte moerbekeen.

Si nous supposons - comme cela semble aller de soi - que Guil-laume a commence son travail au debut du texte d'Aristote, nous nous trouvons devant un procede etrange: apres une courte partie de revision (A 1-A 3, 984 b 8), il aurait laisse une grande partie de son exemplaire de l'Anonyma inchange (A 3, 984 b 8 - a 2, 994 a 6) pour continuer ensuite son travail sans interruption. Mais, comme on verra, cette supposition doit etre abandonnee.

La presence de la partie non corrigee dans le premier etat de la revision de Moerbeke s'explique, en effet, par l'absence du texte dans son exemplaire grec. Dans le premier etat de son texte, les correc-tions de Moerbeke commencent, apres une assez longue interrup-tion, a l'endroit meme et ä la ligne pres, avec le texte original de J. Ceci ne peut etre un hasard. L'absence du texte en J jusqu'ä α 2, 994 a 6 est la cause de l'absence de corrections dans la premiere redac-tion de la revision et de leur apparition abrupte ä cet endroit. Meme le fait que les premieres pages du texte ont ete bei et bien corrigees par Moerbeke, et ceci dejä dans le premier etat de son travail, ne peut rien changer ä la liaison constatee. La partie aujourd'hui perdue de J etait - soit entierement, soit au moins ä partir de A 3, 984 b 8 -dejä perdue, quand Guillaume a eu acces au texte de J. L'absence de corrections entre 984 b 8 -994 a 6 dans la premiere redaction, leur presence dans la deuxieme montrent, en outre, qu'apres avoir laisse, ä cause du defaut materiel de son exemplaire grec, cette partie non corrigee, Guillaume a du trouver ensuite un autre ms grec, qui lui a permis, dans un deuxieme temps de son travail, de completer sa revi-sion dans cette partie du texte.

Reste le probleme des premieres pages du texte (A 1-A 3, 984 b 8), qui sont attestees, en revision, dans le ms Da, et ceci vraisembla-blement non pas par accident, mais comme appartenant authentique-ment ä la premiere redaction20. Seules deux possibilites existent. On

20 La question, si ces premieres pages de Da, qui contiennent le textp revise, donnent un temoignage authentique ou non, est difficile a resoudre. Pour des raisons, que je ne peux pas developper ici, il semble bien que Da represente ici aussi un premier

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

466 G U D R U N V U I L L E M I N - D I E M

pourrait d'abord penser que les feuilles, qui manquent aujourd'hui en J, ne furent pas perdues toutes ä la fois, mais qu'elles le furent en deux temps: d'abord la partie entre 984 b 8 - 994 a 6, et ensuite seule-ment le reste, qui devrait done comprendre la derniere partie de la Metaphysique de Theophraste et les premieres pages du texte d'Aris-tote. Moerbeke aurait alors pu avoir sous les yeux le debut du texte sans avoir la suite. Cela nous semble invraisemblable et, pour des rai-sons codicologiques, presque impossible. Car il a ete bien etabli deja, et a deux reprises, que l'ensemble du texte perdu dans J correspon-dait exactement a un quaternion complet de J21. II ne pouvait done pas se separer de la sorte22 et, de plus, sans qu'on veuille developper ici le calcul qui serait necessaire pour le prouver, les deux parties, supposees separement perdues ne correspondent meme pas, ni d'un cote ni de l'autre, ä un nombre pair de pages c'est-ä-dire ä un nom-bre de feuilles entieres de J.

II faut done adopter la deuxieme branche de l'alternative, e'est-a-dire qu'il faut supposer que les feuilles se sont perdues toutes ä la fois. II s'en suit: 1) que Moerbeke a corrige egalement les premieres pages du texte d'apres un ms supplementaire, 2) qu'il a du trouver ce ms des la premiere etape de son travail, non pas, evidemment, a son debut - sinon il n'y aurait plus eu de raison, qu'il suspende ses cor-rections jusqu'ä l'endroit du commencement de J - , mais ä la fin de cette premiere etape.

etat du texte moerbekeen par rapport au texte contenu dans les autres temoins. Mais je ne veux pas exclure completement la possibilite d'un accident, c'est-ä-dire la possibilite que Da ou plutöt un antecedent aurait perdu les premieres pages du texte, qui auraient ete remplacees alors par la suite, soit par un texte de PAnonyma corrige d'apres la revision de Moerbeke, soit par un texte de la tradition moerbe-keenne. Dans ce cas, le probleme, que j'expose ci-dessous, n'existerait plus, car on pourrait alors supposer directement que Moerbeke a laisse toute la partie qui manquait en J inchangee dans le premier temps de son travail et que ce serait seule-ment au moment de la deuxieme redaction qu'il aurait, avec l'aide d'un ms supple-mentaire corrige, toute la partie du texte qui etait perdue en J.

21 W. Burnikel, Textgeschichtliche Untersuchungen zu neun Opuscula Theophrasts, Wiesbaden 1974 ( = Palingenesia 8), 116-117, et «Unters.», 195.

22 La supposition, faite par W. Burnikel (voir note precedente), que les deux feuilles ex ter ieures du quaternion, contenant la fin de la MetTheophr + la premiere page de la MetArist A, et la fin de la MetArist A + debut de la MetArist α, ne se seraient perdues qu'ulterieurement, ne resout pas la question qui se pose ici. Elle n'est pas impossible du point de vue de la composition du quaternion perdu, mais eile me semble invraisemblable pour d'autres raisons (cf. «Unters.», 195, n. 159).

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

La traduction de Metaph. par Moerbeke et son exemplaire grec 467

Ceci semble confirme d'ailleurs par une observation, dont nous n'avons pas encore parle. Parmi les divergences entre les deux redactions vis-ä-vis du grec, il y a un endroit - et un seul - ou Moerbeke a corrige dans le premier etat de son travail, atteste par Da, un element de la Translatio Anonyma par une Ιβςοη, qui ne provient pas de J et qui ne peut pas etre non plus une con-jecture, mais qui correspond clairement a une Variante grecque - attestee d'ailleurs par le commentaire d'Alexandre -, tandis que dans un deuxieme temps, comme le prouvent les autres temoins - il est revenu ä la le9on de l'Anonyma, qui correspondait ä J ainsi qu'ä la plupart des autres mss grecs. Or, cet endroit se trouve precisement vers la fin du texte, ä savoir a la fin du livre Λ: 1075 b 12 έάν μή ρύθμιση τις J et vulg., edd.: nisi figuret aliquis A G2 (SiZIP): ... ραθυμήση ... Εγρ Al.c: nisi pigrescat aliquis G1 (Da). - La le-ςοη vulgate est d'ailleurs difficile ä comprendre dans son contexte; traduite litteralement, eile perd son sens, et eile ne peut etre rendue de fafon ade-quate que par une periphrase.

Done ce ms grec supplementaire, duquel nous avions dejä du admet-tre l'existenee ä la suite de l'analyse de quelques divergences entre les deux redactions (voir ci-dessus, p. 456-464), a du etre ä la disposition de Moerbeke dejä vers la fin du premier temps de son travail, tandis qu'au debut de ce travail il n'avait acces qu'au texte de J.

Quel que soit d'ailleurs le moment precis de l'intervention de ce ms supplementaire, le fait, maintenant bien etabli, que Moerbeke a commence sa revision ä l'endroit meme ou commence J, donne un premier critere externe - parce que determine par un accident mate-riel de J - ä notre these. Car on imagine mal un copiste, qui se serait resigne a reproduire mecaniquement un modele mutile, en commen-£ant son texte, tel qu'il l'aurait trouve dans sa source, au milieu d'une phrase du second livre seulement. Pour le reviseur, au contraire, qui travaillait dans le vrai sens du mot su r son exemplaire latin, il etait tout ä fait possible de ne commencer son travail, provisoirement d'ailleurs, qu'ä l'endroit, ou commenfait son exemplaire grec.

Nous pouvons done assurer et preciser la conclusion du chapitre precedent, en ce qui concerne ä la fois l'identite de la source grecque principale et la «genealogie» de la traduction. C'est sur le ms J lui-meme, et non pas sur une copie de J, qu'a travaille Moerbeke. Le ms J etait sa source grecque principale et, au debut, sa source grecque uni-que pour corriger et completer la traduction ancienne. Etant donne que le texte grec manquait jusqu'ä α 2, 994 a 6, il n'a rien change dans son exemplaire latin jusqu'ä cet endroit et il a commence ici sa revision. II a poursuivi ensuite son travail jusqu'ä la fin du texte

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

468 G U D R U N V U I L L E M I N - D I E M

d'Aristote, en corrigeant les parties qui etaient contenues dans son exemplaire latin de l'Anonyma et en traduisant directement Celles qui y faisaient defaut, c'est-ä-dire les livres Κ, Μ (ä partir de 2, 1076 b 9) et N. Au cours et probablement vers la fin de ce travail, il a du trou-ver un ms grec supplementaire, qui a pu lui fournir le debut du texte, absent de J, et qui a pu en meme temps lui servir de contre-temoin dans quelques endroits problematiques. Avec l'aide de ce ms supple-mentaire, il a alors encore corrige les premieres pages du texte, jusqu'ä A 3, 984 b 8. Ici, pour des raisons que nous ignorons, mais qui sont certainement d'ordre exterieur, il a interrompu son travail23. De cet etat de son texte fut faite ensuite une copie, de laquelle des-cend notre ms Da. Apres un certain laps de temps, Moerbeke a repris son travail. II a revise alors la partie non encore corrigee auparavant, ä savoir le texte entre A 3, 984 b 8 - a 2, 994 a 6. De plus, il a revu et ameliore, comme on l'a dit, sa redaction primitive, plus systematique-ment dans les livres Ζ (ä partir du c. 14 environ) - A, sporadiquement seulement dans les autres. Pour cela il s'est servi de nouveau principa-lement du ms J, accessoirement de son ms supplementaire - et, ce qu'il ne faut pas oublier, pour les endroits problematiques il disposait d'une sorte de troisieme temoin grace aux Ιεςοηδ de l'ancienne tra-duction, visibles encore dans son exemplaire latin corrige.

3. Criteres externes et directs: Interventions latines dans le ms J

Nous avons regrette au debut, que nos mss ne transmettent au-cune note explicite du traducteur, concernant un eventuel defaut ma-teriel de son ms grec. Le fait qu'on vient d'etablir equivaut, certes de fa^on indirecte seulement, ä un tel temoignage. Mais il y a plus. II y a d'autres criteres externes, en un sens plus directs.

Les signes auquels ils sont dus ne se trouvent pas dans le texte la-tin, mais dans le ms grec. II s'agit de quelques details dans le codex J, qui n'ont pas ete remarques jusqu'ä aujourd'hui, et qui presentent, je

23 En tout cas, il y a eu une interruption du travail entre la premiere et la deuxieme re-daction du texte. Mais dans le cas ou les premieres pages de Da ( = A 1 - A 3, 984 b 8) ne seraient pas authentiques (voir ci-dessus, n. 20), on pourrait supposer que Guillaume aurait abandonne son travail, plus naturellement, a la fin du texte, pour le rependre, ä un moment ulterieur et avec l'aide de son ms supplementaire, au de-but du texte.

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

La traduction de Metaph. par Moerbeke et son exemplaire grec 469

crois, la trace materielle d'une intervention de Guillaume de Moer-beke.

1. Sur le folio 163v, ligne - 14 (Metaph.Z 10, 1035 b 31), on lit au dessus du mot μέρος, entre les deux lignes, une toute petite note, bien lisible, en l a t i n : .f. aia = scilicet anima (reprod. 1). La remarque est faite pour expliquer le sens du mot grec dans son contexte: Aris-tote parle des parties de la forme essentielle (μέρος μεν ούν έστί και τοΰ είδους . . .) et la note latine veut donner l'exemple-type d'une telle partie.

Quant ä Pecriture, on ne peut assurement pas l'identifier avec cer-titude ä partir de ces quelques lettres. S'il fallait toutefois la determi-ner, on assignerait probablement une ecriture minuscule gothique du 13e siecle (2e moitie?). On peut aller plus loin, car, lorsqu'on la com-pare avec Pecriture dans Pautographe presume de Moerbeke, la res-semblance est suggestive (cf. les lettres s, a, i et encore le trait d'abre-viation legerement arrondi avec leurs correspondances dans les spe-cimens de 1'Ottob.lat. 1850 (reprod. 7-9). On ajoutera une autre ob-servation: Dans ses traductions d'Archimede et d'Eutocius, Moer-beke a introduit ä cote de nombreuses notes de «critique textuelle», six remarques «explicatives», tres courtes, souvent d'un seul mot, entre les lignes et en marge de sa traduction. Elles sont toutes ac-compagnees (introduites ou suivies) par le mot scilicet, toujours ecrit de la meme maniere: .f.24

Ainsi, un erudit, dont Pecriture indique le 13e siecle et ressemble ä celle de Moerbeke, et dont la langue maternelle etait le latin, mais qui avait une bonne connaissance du grec, rare ä cette epoque, et qui s'interessait ä la Metaphysique d'Aristote, a lu en detail le manus-c r i t j .

On peut faire une autre observation. Cette note latine est verita-blement cachee entre les lignes ä cet endroit. La personne, qui Pa ecrite, a du suivre le texte tres attentivement, mais il n'etait visible-ment pas de son intention de Pannoter ici et lä, comme cela se fait en general. Si nous soupfonnons que cette personne etait Guillaume de Moerbeke ou bien n'importe quel autre traducteur - et on voit mal ä cette epoque un autre genre de personnes latines s'occuper d'un texte

24 Vat.Ottob.lat. 1850, f. 14r scilicet tota, f. 14T scilicet secto in duo, f. 15Y scilicet a maiori et minori, f. 26' Uteris scilicet, f. 28v scilicet circuli, f. 43r linea scilicet; cf. Archimedes in the Middle Ages (ci-dessus, note 10) 390, 391, 401, 402, 414.

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

470 G U D R U N V U I L L E M I N - D I E M

grec d'Aristote - nous comprenons facilement, ce qui s'est passe: au lieu d'ecrire cette note dans son propre exemplaire latin, il s'est trompe de ms et il l'a ecrite dans le ms grec, pose ä cöte de l'exem-plaire latin.

2. Que cet erudit latin, dont nous avons trouve la trace mate-rielle dans J , a en effet t r a v a i l l e avec ce ms grec, en le comparant avec un autre temoin du texte - tres probablement une traduction la-tine - , c'est ce qui est confirme par une deuxieme note latine. Sur le f. 162r de J , en marge de la ligne - 6 (Metaph.Z 8, 1033 b 11) se trouve le mot vacat (reprod. 2), ecrit en traits tres fins, ä l'encre fai-ble, sans doute par la meme main: la forme de la lettre a est quasi-ment identique dans les deux cas. Ce mot vacat, frequemment em-ploye par les scribes ou les correcteurs latins pour designer une par-tie superflue du texte, se rapporte ici ä la suite des mots ολως δ' εί εσται γένεσις, dont le debut et la fin sont marques de chaque cöte par deux petits points, traces sous la ligne par la meme encre faible que la note marginale. C'est ainsi que l'auteur de la remarque a desi-gne, conformement ä un usage latin que nous retrouvons d'ailleurs dans les corrections de premiere main de l 'Ottob.lat. 1850, la partie de J qui manquait dans un autre temoin du texte.

Or, cette partie est la deuxieme moitie d'un mauvais doublet, le-quel se trouve en entier dans J ainsi que dans E2 et Es, tandis qu'il est absent, en entier, dans E 1 E b A b et probablement dans la majorite des mss grecs. En revanche, c'est la Translatio Anonyma qui transmet, soit par erreur soit intentionellement, la premiere moitie du doublet sans la seconde, c'est-a-dire sans celle qui est supprimee par l'auteur de la remarque latine dans le codex J .

Void les textes (A = Transl.Anon.; G = Transl. Guill.): 1033 b 11 τοΰ δέ σφαίρα είναι δλως εί εστίν γένεσις E , E b A b (edd.)\ τοϋτο δέ σφαίρα είναι δλως δ' εΐ εσται γένεσις, τοΟ δέ σφαίρα είναι δλως εϊ εστίν γένεσις J (E2ES): et hoc speram esse. Sed speram esse omnino si est generatio A: hoc autem spere esse. Eius vero quod est spere esse omnino si est generatio G.

Moerbeke a suivi ä cet endroit le temoignage de son exemplaire la-tin, en se contentant d'ameliorer d'apres le grec certaines expres-sions. II a repris la premiere moitie du doublet, confirmee par J , mais il n'a pas ajoute la seconde moitie, presente en J uniquement; elle lui aurait pose d'ailleurs des difficultes tant syntactiques que semanti-ques. Or, c'est precisement cette partie de J , absente dans la Transla-

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

La traduction de Metaph. par Moerbeke et son exemplaire grec 471

tio Anonyma, qui a ete designee comme vacat par l'auteur de la note latine.

Ces deux notes latines sont les seules dans tout le texte de la Me-taphysique. Mais elles ne sont pas le seul signe d'une presence latine. D'autres interventions dans le manuscrit, mineures, mais tres interes-santes lorsqu'on leur prete attention, indiquent la meme origine.

3. II s'agit d'abord des signes de paragraphe. En dehors des para-graphoi d'origine, J contient des signes de paragraphe introduits ul-terieurement dans les livres Γ-Ι (ff. 144r-175r)· Tandis que le copiste, selon la coutume grecque, a marque les paragraphoi d'origine par des traits horizontaux (certains avec virgule souscrite pour distin-guer les paragraphes principaux) et les a places en marge ä cote des lignes concernees, les signes de paragraphe introduits ulterieure-ment, et sans doute par une seule main, sont places dans le texte lui-meme, ä l'endroit voulu - parfois et dans le texte et dans la marge -et ils ont la forme d'une potence orientee vers la droite: Γ (reprod. 3-5). Je n'ai trouve d'occurrences de tels signes de paragraphe ni dans les autres manuscrits grecs que j'ai consultes, ni dans le corps ni dans les tables des ouvrages de codicologie grecque (p.ex. N.Wilson, R. Devreesse, V. Gardthausen). En revanche, cette forme se rencontre frequemment, ä cote de la forme en «C», dans les manuscrits latins (surtout de textes universitaires) des 13' et 14e siecles, en particulier la ou l'on a introduit apres coup les paragraphes dans un texte dejä etabli; cette forme s'insere evidemment plus facilement que celle en «C». Elle est tout ä fait habituelle dans les manuscrits latins de cette epoque.

On doit done admettre que ces signes rencontres dans le texte de la Metaphysique de J ont une origine latine. De plus, il est evident que le Latin, qui a introduit ces signes de paragraphe dans le ms grec, l'a fait pour travailler avec ce texte, soit pour le traduire, soit pour le comparer avec un texte latin, soit pour faire les deux ä la fois, comme e'est le cas dans une «revision». Iis sont tres nombreux (48) dans le livre Γ, moins nombreux dans les autres livres, ou ils marquent plutot une division du texte en chapitres, souvent d'ailleurs en concordance avec la division moderne du texte25. Or, ces marques de coupure, in-

25 Dans le livre Z, par exemple, ils sont au nombre de 25 et ils se trouvent aux endroits suivants du texte aristotelicien (2, 3, etc. = debut du chapitre 2, 3, etc.): 2, 1028 b 8;

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

472 Gudrun Vuillemin-Diem

troduites dans le ms grec, correspondent dans une tres grande me-sure, quoique non parfaitement, ä des marques de coupure dans les meilleurs manuscrits latins de la traduction, ou plutöt revision de Moerbeke: par exemple, sur les 48 paragraphes introduits en J dans le livre Γ, 47 correspondent aux marques de coupure dans les meil-leurs mss latins, pris dans leur ensemble, surtout dans Da et Si.

L'encre, plus foncee au debut, s'eclaircit ä partir d'un certain en-droit (f. 147v), et, ä vue d'oeil, eile a au folio 163Y la meme couleur que la note latine26.

La forme de ces signes en J est caracterisee par leur angle tou-jours obtus, c'est-ä-dire par le fait, que la ligne «horizontale» de la potence est toujours legerement, parfois fortement, inclinee vers le haut. II n'y a que peu d'occurrences de signes de potences dans l 'Ot-tob.lat. 1850, mais ici aussi on remarque la tendance ä l'angle obtus (reprod. 8) 1 7 . Ces signes en J sont parfois repetes en marge, toujours par la meme main. Iis ont, ici aussi, en general la forme d'une po-tence. Dans un cas la repetition est faite en forme de «C» (f. 174v, re-prod. 5). En comparant cette derniere d'une part aux paragraphes en forme de «C» introduits par la premiere main dans l 'Ottob.lat. 1850 (reprod. 7), d'autre part avec les differentes formes de tels paragra-phes dans nombreux autres mss de l'epoque, on remarque, ici aussi, la ressemblance entre le signe en marge du ms J et ceux dans l'Ot-tob.lat. 1850.

3, 1028 b 33; 4, 1029 b 1; 4, 1029 b 13; 5, 1030 b 14; 6, 1031 a 15; 7, 1032 a 12; 7,

1033 a 5; 8, 1033 a 24 ; 9, 1034 a 9 ; 10, 1034 b 20; 10, 1035 b 3; 10, 1036 a 13; 11, 1036 a 2 6 ; 11, 1036 b 2 1 ; 11, 1037 a 21 ; 12, 1037 b 8; 13, 1038 b 1; 14, 1039 a 24 ; 15, 1039 b 20 ; 16, 1040 b 5; 16, 1040 b 16; 17, 1041 a 6 ; 17, 1041 a 8; 17, 1041 a 11. - II ne serait pas depourvu d'interet de savoir d'ou vient notre division «canonique» du texte grec en chapitres. Par l'edition de Bekker, elle remonte probablement aux premieres editions grecques de la Renaissance. Cependant, elle ne semble pas etre

determinee ni par la tradition grecque manuscrite, ni par le mode de division dans les commentaires grecs. On peut se demander, si elle n'est pas influencee par la tra-dition latine (traductions, commentaires, premieres editions, anterieures aux pre-mieres editions grecques).

2 6 J e remercie Frau Dr. Eva Irblich, Wien, Österreichische Nationalbibliothek, pour cette information.

27 Voir p. ex. ff. 2 3 r - 2 5 y et les folios 45T , 47v , 4 8 " , 50 r ; dans les derniers exemples ces signes ne sont pas employes pour diviser le texte dans son contenu, mais, sans

doute introduits des la premiere redaction, ils indiquent une coupure de ligne dans la disposition materielle du texte.

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

La traduction de Metaph. par Moerbeke et son exemplaire grec 473

4. II y a une derniere sorte d'interventions dans le ms J, ä pre-miere vue tout ä fait insignifiante. A un certain nombre d'endroits, on trouve des signes qui ressemblent ä nos points d'exclamation, mais inclines ä droite: / . Parmi les divers signes «critiques» qu'on rencontre en general dans les mss grecs ou latins, ces signes ont ceci de specifique, que le point ne se trouve pas au milieu en-dessous ou au-dessus du trait incline (/ ou '/ ou '/.) - formes assez courantes pour relier une correction marginale ä l'endroit concerne du texte - , mais toujours dans le prolongement descendant du trait incline (on trace d'abord le point, puis le trait en remontant). Dans les livres Γ-Μ de la Metaphysique, une vingtaine de ces signes / sont claire-ment visibles sur les photos du ms; il est toutefois probable, que d'autres occurrences apparaitraient, si l'on examinait le codex lui-meme ä cet egard. lis se trouvent toujours dans la marge, ä la hau-teur d'une ligne du texte, parfois et dans la marge et dans la ligne au-dessus du mot concerne. Dans quelques cas on les trouve dans la marge devant une correction, mais plus souvent ils y sont poses seuls.

Nous pouvons faire deux observations a leur egard. Des signes d'une forme identique sont releves par M.Clagett

parmi les divers signes que Moerbeke - ou en tout cas, si Ton veut etre sceptique, la premiere main du ms Ottob.lat. 1850 - utilisait pour la ponctuation, les annotations et les corrections. Clagett, pro-bablement pour des raisons de commodite, les cite par «!», mais dans le ms lui-meme ils ont en realite la forme inclinee / . On les trouve par exemple, ä maintes reprises, sur les ff. 45r-64r de l'Ottob.lat. 1850 (reprod.9). Ici aussi ils sont poses dans la marge, parfois devant une correction, plus souvent seuls, relies ou non par un signe identique dans la ligne, au-dessus du mot en question. Ils sont utilises ici, d'apres Clagett, «when he [i.e. Moerbeke] knows something is wrong», et ils indiquent en general un probleme de critique textuelle du traducteur par rapport au texte grec28.

Examinons alors les occurrences de ces signes en J. Partout, sans exception, nous trouvons dans la ligne concernee un endroit, parfois explicitement distingue, qui revele un probleme de critique textuelle entre la Translatio Anonyma d'une part et le texte de J, corrige ou

28 Cf. Archimedes in the Middle Ages (ci-dessus, note 10) 74, 419-422, 550-574, en particulier les «variant readings» et le commentaire aux ff. 50v-55r de l'Ottob. lat. 1850.

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

474 G U D R U N V U I L L E M I N - D I E M

non, de Pautre, c'est-ä-dire un endroit, ou la Translatio Anonyma te-moigne, soit reellement soit apparemment, d'une Ιβςοη grecque diffe-rente de celle offerte par J. Souvent la Translatio Anonyma est en ac-cord avec d'autres mss grecs contre une Ιεςοη de J, mais dans quel-ques cas, et ceci est encore plus significatif, c'est la legon seule de l'Anonyma qui pose un probleme vis-ä-vis de J (et de l'ensemble de la tradition grecque prise en consideration). A plusieurs reprises les si-gnes correspondent, en outre, ä des endroits, ou, dans la traduction de Moerbeke, il y a eu un changement de «critique textuelle» entre la premiere et la deuxieme redaction de sa revision. Quelques exem-ples:

J1 = premiere main de J; Jcorr· = correction de premiere main; J2 = correction d'une autre main, sans identification; cett. = EEbE sAb; A = Transl. Anon.; G = Transl. Guill. (GVG2 = premiere/deuxieme red.) 147r, 1.12: / dans la marge droite = Γ 4, 1008 a 21: ού λέγει codd. exc. J: om.

J: non dicit A G2: om. G1. 148v, 1.-6: / dans la marge gauche, χ dans la ligne au-dessus de φαινό-μενον1 = Γ 6, 1011 a 11: τό φαινόμενον αληθές' τό γαρ φαινόμενον codd. exc. J: τό φαινόμενον J: quod apparet verum, nam quod apparet A: quod ap-paret, nam quod apparet G. - Moerbeke a suivi ici le temoignage de J contre celui de A en supprimant verum, mais il a garde nam quod apparet - ces mots etant syntactiquement necessaires. En marge il y a le point d'exclamation. 149v, 1.3: / dans la ligne au-dessus de αύτούς = Γ 7, 1012 a 23: αύτούς codd.: res A: ipsos G. - Cet endroit est particulierement interessant. II n'y a aucun probleme dans la tradition grecque. Ce n'est que la lefon de l'Ano-nyma latine qui cree une difficulte vis-ä-vis de la Ιεςοη attestee par J. 156v, 1.5: / dans la marge gauche = Δ 26, 1023 b 34: μάλιστα μεν δυνάμει) (cett.): maxime quidem perfectione, sin autem et potestate, sin vero et ma-xima potestate A: maxime quidem potentia G. - Endroit tres significatif: pas de variantes dans la tradition grecque, mais divergence importante entre la traduction de Α et J. 158v, 1.27: / dans la marge gauche devant γέγονος (mg. J2) et dans la ligne au-dessus de γένος (J1) = Ε 3, 1027 b 8: γένος J1: γέγονος mg.]1 (cett.): fac-tum A G. 159v, 1. 10: / dans la marge droite = Ζ 2, 1028 b 27: τι 5. /. J2 (cett.): om. J1: quid A G2: om. G1. 165T, 1.20: / dans la marge gauche devant ει (mg. J2) = Ζ 13, 1039 a 7: εί mg. J2Ab, edd.: om. p E E b E s : si A G2: om. G1. 167v, 1.11: / dans la marge gauche = Η 1, 1042 a 24-25: νϋν - αίσθηταί1

(25) EbEsAb, edd.: om. J (E): nunc autem de confessis substantiis tractabi-mus. Hee vero sensibiles A G.

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

La traduction de Metaph. par Moerbeke et son exemplaire grec 475

169v, 1.21: / dans la marge gauche et dans la ligne au-dessus de εν όποϊον (J) = Η 6, 1045 b 17: λόγον ένοποιόν E2Eb2EsAb, edd.: λόγον εν ό ποιόν Ebl: τό εν όποιον J (Ε1): rationem unum quodcumque A: unum quodcum-que vel unum faciens G1: unum faciens G2. - Guillaume a suivi ici le temoi-gnage de J contre celui de A en supprimant rationem, mais il a ete visiblement intrigue par I'accentuation εν όποιον en J, qui, toutefois en accord avec la le-90η unum quodcumque de A, ne donnait pas un sens satisfaisant ä la phrase. II a propose d'abord deux interpretations, dont une par conjecture de I'ac-centuation (ένοποιόν), pour ensuite choisir la seconde, qui restituait le sens du texte. C'est bien ce mot, sur lequel il a hesite, qui a ete designe par le point d'exclamation. 174r, 1.6: / dans la marge droite devant ή {mg. Jcorr ) et dans la ligne au-des-sus de ή (J1) = I 1, 1052 b 24: ή J1: fj mg. Jcorr- (cett., edd.)·. aut A G1: secun-dum quod G2. 178r, 1.7: ! dans la marge droite devant δοξειεν {mg. J2) et dans la ligne au-dessus de δείξειεν (J1) = 1 10, 1058 b 30: δείξειεν J1: δοξειεν mg. J2 {cett., edd.): opinatum est A: ostendet G1: videbitur G2. 187r, 1.30: / dans la marge droite = Λ 7, 1072 b 10: ή ανάγκη J: fj ανάγκη cett., edd.: inquantum necesse A: necessitas G. 189v, 1.4: / dans la marge gauche = M 1, 1076 a 29: άπαντάν J {cett.): om-nium (? απάντων) A: obviare G. - Cet endroit est particulierement revela-teur. II n'y a aucun probleme dans la tradition grecque. Ce n'est que la Ιεςοη de I'Anonyma, due apparemment ä une autre lefon grecque, mais en realite certainement ä une des nombreuses erreurs de lecture de ce traducteur, qui cree une difficulte vis-ä-vis de la Ιεςοη attestee par J.

Nous trouvons done ici le meme phenomene que nous avons ob-serve par rapport ä la note vacat: les signes / marquent certains en-droits du texte, qui posaient un probleme «philologique» ä quelqu'un qui comparait tout specialement le texte de la Metaphysique en J avec la traduction de I'Anonyma (cf. les exemples ff. 149v, 156Y, 169v, 189v). II n'y a plus de doute: c'est au cours de son travail que Moer-beke a marque ces endroits dans son exemplaire grec, moins proba-blement pour les indiquer a un lecteur quelconque de ce ms, que pour se les rememorer et attirer sa propre attention en vue peut-etre d'une verification ulterieure (cf. ff,147 r , 159\ 165\ 169v, 174r, 178r). Nous pouvons meme nous demander, si quelques-unes des correc-tions marginales, precedees par le signe en question, et qui n'ont ete prises en consideration par Moerbeke que lors de sa seconde redac-tion, ne proviennent pas de sa propre main. Une comparaison detail-lee avec les nombreuses notes marginales grecques de premiere main dans l'Ottob.lat. 1850 pourrait peut-etre nous eclairer sur ce point. En tout cas, les signes / dans J sont en relation evidente avec le tra-

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

476 G U D R U N V U I L L E M I N - D I E M

vail de Moerbeke. II ne les a pas poses de fa^on systematique ä tous les endroits problematiques - ce serait trop demander - , mais ici et lä, pour marquer que «something is wrong»28".

Done, les deux notes latines, les signes de paragraphe et les signes d'«exclamation» nous renvoient ä Moerbeke. Or, l'etude com-parative a demontre que, pour sa traduction de la Metaphysique, Moerbeke a utilise ou bien une copie de J ou bien le ms J lui-meme, J lui-meme etant plus probable. De plus, un fait particulier dans la ge-nealogie de sa traduction, du a un defaut materiel du ms J, a con-firme cette derniere hypothese. Des lors, nous pouvons l'affirmer: les notes latines ainsi que les signes de paragraphe et les signes d'«excla-mation» sont les traces materielles et directes que le travail de Moer-beke a laissees dans son exemplaire grec29.

28aArote ajoutee sur epreuves. Ces signes, tres caracteristiques et peu ordinaires, n 'ont cependant pas ete employes uniquement par Moerbeke. Iis ont ete reperes, jusqu'ä present, dans un seul autre groupe de manuscrits, ä savoir dans les autographes de St. Thomas. M.V. Decarie m'a signale leur presence p. ex. sur le f. 8 r a du Vat. lat. 9850 (Contra Gentiles; cf. ed. Leonine, T .XII I , pi.II) et sur le f .31 r b du Vat.lat. 9851 (Sentent. Ill, cf. A.Dondaine, Secretaires de St .Thomas, Roma 1956, pi. IX) ainsi que leur description dans S.Th. de Aquino, Expos, s. libr. Boethii de Trin., rec. B.Dekker, Leiden 1955, 3. Dans le cas de St. Thomas, lis ne sont cependant pas, pour la plupart au moins, de la main de l'auteur, mais de celle de ses «secretaires» qui relisaient l 'autographe. Dans une lettre du 30.6.1986, le Pere P.-M.Gils, spe-cialiste des autographes de St. Thomas, m'a donne des informations plus precises ä leur sujet, dont voici seulement quelques extraits: «Les signes se retrouvent dans tous les autographes conserves de Th, du moins dans toutes les parties qui ont ete relues ou recopiees par un assistant . . . II n'est pas exclu que T h en ait pose quel-ques-uns lui-meme, mais d'une f a j o n generale, il s'agit de quelqu'un qui a relu, par-fois corrige ces textes, et qui marque de cette fa^on les endroits difficiles ou liti-gieux ä revoir par l'auteur . . . II s'agit de, au moins, trois scribes differents; ceux des Sentences et du C. Gentiles, certainement d'une ecriture du type napolitain . . . les deux cas sur le f. 8™ du Vat. lat. 9850 sont de l'assistant, qui intervient dans ses pa-ges, et qui est Reginald de Piperno . . . Dans les plusieurs centaines d'autres manus-crits qu'il m'a ete donne de voir, et souvent de collationner, je n'ai pas rencontre ce signe. II est vrai, qu'on ne le trouvera que dans des textes ou brouillons d'auteur». L'etonnante ressemblance dans la forme de ces signes et leur emploi dans l 'entou-rage de St. Thomas et chez Moerbeke peut «laisser reveur», d 'autant plus que, dans le cas du Vindobonensis, ils ne proviennent certainement pas d'un «secretaire», mais de Moerbeke lui-meme.

29 Qu'il soit permis d 'ajouter ici une remarque ä propos de l'identification du ms Ot-tob. lat. 1850 avec l 'autographe de Moerbeke et de son role dans la presente demons-

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

La traduction de Metaph. par Moerbeke et son exemplaire grec 477

III. Consequences philologiques et questions historiques

Le lien qu'on vient d'etablir entre la traduction de Guillaume de Moerbeke et son modele grec entraine d'abord des consequences philologiques. On se limitera ä quelques indications.

1. Dans une situation, oü tout est hypothetique et doit etre re-construit a partir de sources indirectes, le texte de Moerbeke en ge-neral, son premier et son deuxieme etat en particulier, l'exemplaire latin qu'il a utilise pour la revision, nous avons maintenant un point de comparaison fixe dans le ms grec qu'il a utilise. Cela represente d'abord une aide de premier ordre pour l'edition elle-meme, mais permet de plus de connaitre la methode du traducteur de fa^on plus sure et plus «deductive», non seulement en ce qui concerne son voca-bulaire et sa technique, mais aussi en ce qui concerne son travail cri-tique vis-ä-vis du texte grec.

2. Et, ce qui est important, ceci ne vaut certainement pas unique-ment pour le texte de la Metaphysique. D'autres traites, contenus en J, ont ete traduits par Moerbeke. Si la comparaison des textes latins avec la tradition grecque montrait a leur propos une dependance particuliere par rapport aux lemons de J, la demonstration, faite pour la Metaphysique, vaudrait alors en meme temps pour ces autres tra-ductions. Or, F.Bossier30 a dejä indique une relation specifique avec J pour la Recensio recognita du De caelo, une revision moerbe-keenne de la Translatio Nova, conservee dans quelques temoins seu-

tration. Cette identification, soutenue par les observations pertinentes de M.Cla-gett, n'est pas admise universellement. Recemment, A. Pattin (Tijdschrift voor Fi-losofie, 47/1 [1985] 120) l'a mise en question, sans pour autant donner d'autres rai-sons que la nettete de l'ecriture. Quoique convaincue, pour ma part, par les argu-ments de Clagett, je voudrais done souligner ici que la demonstration du fait que Moerbeke a utilise - et «annote» - le ms J, ne depend nullement de l'identification mentionnee. Les notes latines, les signes de paragraphe et les signes d'«exclama-tion» dans J, qui ne sont d'ailleurs qu'une partie de la preuve, nous renvoient au tra-vail de Moerbeke, independamment de leur ressemblance avec l'ecriture et les si-gnes correspondants dans l'Ottob.lat. 1850. Cette ressemblance est pourtant incon-testable. Elle pourrait done renforcer, au contraire, les arguments en faveur de l'identification en question.

30 F. Bossier, Filologisch-historische navorsingen over de middeleeuwse en humanisti-sche Latijnse vertalingen van de commentaren van Simplicius, diss. Leuven 1975, 24.173-24.200.

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

478 G U D R U N V U I L L E M I N - D I E M

lement. Des examens partiels la font apparaitre dans les deux redac-tions de la Physique - une revision moerbekeenne de la Physica Vetus, faite, comme la Metaphysique, en deux temps successifs - et dans sa traduction des Meteores31. Pour ces trois traites on retrouve d'ailleurs sporadiquement dans le manuscrit J les memes signes de paragraphe qui figurent dans la Metaphysique. (Iis sont, en revan-che, absents du De generatione et corruptione ainsi que de la Meta-physique de Theophraste.)

Le lien, demontre a present au moins pour la Metaphysique, nous amene ensuite, naturellement, ä des questions historiques. Moerbeke a vu et utilise le manuscrit J, et ceci ä deux reprises. Ou et quand? Quelles relations se dessinent entre le traducteur et son livre?

1. Regardons d'abord du cote de Moerbeke. Sur la date de sa traduction de la Metaphysique nous ne posse-

dons pas d'indications directes. Albert ne la connait pas dans sa Metaphysica, paraphrase de la

Metaphysique, ecrite environ en 1264, et utilise principalement la Translatio Anonyma. Cette circonstance est parfois evoquee pour conclure que la traduction de Moerbeke n'existait pas alors. Une telle conclusion negative est cependant toujours douteuse.

Une reference plus sure est donnee par les citations positives. Les premieres apparaissent chez St.Thomas d'apres 1265 environ32, en particulier dans son Commentaire a la Metaphysique, commence peu apres cette date33. Mais les morceaux cites des cette date approxima-tive relevent principalement du deuxieme etat de la traduction de

31 Ces affirmations se fondent, en ce qui concerne la Physique, sur une etude du livre V de la Physique sur la base de quelques mss, representant deux redactions moer-bekeennes (cf. J .Brams und G.Vuillemin-Diem, op.cit. [ci-dessus, n. 16] 252-257, 264-272). En ce qui concerne les Meteores, j'ai compare les livres II et III, sur la base d'un texte prepare en vue d'une edition critique sous la direction de Η. J . Dros-saart Lulofs par J.Zuijderduijn f , avec la tradition grecque, citee dans l'edition de F .H.Fobes (Cambridge/Mass. 1919). La relation specifique avec J est tout ä fait claire, ce qui apparait en particulier par le fait que pratiquement toutes les lemons particulieres de J et a fortiori celles que J partage avec un ou deux autres temoins uniquement, sont rendues par Moerbeke. ( J e remercie M.Drossaart Lulofs, de m'avoir permis d'utiliser ce texte.)

32 Cf. F. Pelster, Die Übersetzungen der aristotelischen Metaphysik in den Werken des hl. Thomas v. Aquin, I—II, in: Gregorianum 16 (1935) 333.

33 Cf. F.Bossier, op.cit. (ci-dessus, n.30), 23.098 et n.2.

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

La traduction de Metaph. par Moerbeke et son exemplaire grec 479

Guillaume34. Ceci prouve 1) que ce deuxieme etat date d'avant 1265 environ, et done 2) que le premier etat est probablement assez ante-rieur.

Sur le lieu, un manuscrit (Cantabr. Dom. Petr. 22, 13e/14es.), qui n'est pas Tun des temoins prineipaux, mais qui semble etre tres pro-che du premier exemplaire parisien, fournit un temoignage, cepen-dant unique. Ii s'agit d'une note en tete du libre IX (f. 240r), ecrite par la main du copiste, mais mutilee par la suite: Ar.phi... in lat... leim... dine... Nice... liber IX. Elle donne done Nice{a) comme lieu de traduction. Or nous savons que, en 1260, lors d'un premier voyage en Grece, Moerbeke a sejourne dans cette ville d'Asie Mi-neure, ou il a termine, tres exactement le 24 avril 1260, sa traduction du commentaire d'Alexandre sur les Meteores d'Aristote35.

On a voulu suggerer une date plus tardive et plus rapprochee de celle du commentaire de St. Thomas, en plagant la traduction de la Metaphysique ä Viterbe (on a pense ä une faute de lecture Vite -Nice)36. On postulait, en effet, que Moerbeke avait travaille ä la de-mande de St.Thomas, en contact direct avec lui, ä la cour du Pape, dans la bibliotheque duquel il aurait trouve ses manuscrits grecs37.

54 Dans le premier livre du commentaire, e'est la Translatio Anonyma, qui est la base principale. Thomas cite cependant plusieurs fois des lemons, provenant de la traduc-tion, ou plutot revision de Moerbeke, et ceci, en particulier, aussi dans cette partie du livre A, qui ne fut revisee par Moerbeke qu'a la deuxieme etape de son travail (cf. Thomas, In Metaph. L. 1,1.5, n. 99 ( = 984 b 14), L. 1,1.5, η. 111 ( = 985 b 3). On ne peut pas ici soulever la question tres difficile de l'utilisation des differentes tra-ductions dans le commentaire de St. Thomas. On voudrait seulement remarquer qu'une comparaison des differences specifiques entre les deux etats du texte de Moerbeke avec le texte correspondant du commentaire a montre que Thomas uti-lise, en ce qui concerne la traduction de Moerbeke, en general la deuxieme redac-tion, mais qu'il a du voir, au moins a un certain nombre d'endroits, egalement des lemons, provenant de la premiere redaction.

15 Cf. Alexandre d'Aphrod., Comm. sur les Meteores d'Aristote, Trad, de G. de Moerb., ed. A.J.Smet, Louvain - Paris 1968, XI ( = CLCAG IV): translata de greco in latinum, apud niceam, urbem grecie, anno Christi 1260 (incipit dans trois mss); anno Domini 1260 in uigilia Marchi euangeliste (explicit dans sept mss). Cf. aussi ci-dessous, n.47.

36 M. Grabmann, Guglielmo di Moerbeke, il tradutt. delle opere di Arist., Rome 1946, 99 ( = Misc. Hist. Pont. XI 20).

37 Ibid., 85-87, cf. aussi 41-48, 62-84. Grabmann n'est qu'un exemple; on trouve les memes idees dans nombre d'autres publications.

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

480 G U D R U N V U I L L E M I N - D I E M

Ces suppositions sont cependant discutees38. En particulier, en ce qui concerne la bibliotheque du Pape, les donnees sont moins claires, qu'on ne l'a cru longtemps. Une comparaison des catalogues de 1295 et 131139 avec les titres des ouvrages traduites par Moerbeke4 0 , dont nous connaissons dans quelques cas la date et (ou) le lieu, montre qu'il existe assurement un lien. Au temps des catalogues, c'est-ä-dire sous Boniface VIII. et Clement V., la bibliotheque se constituait d'une trentaine de manuscrits grecs de caractere assez specifique. Iis contenaient, ä cote de seulement un ou deux titres ecclesiastiques et de trois(!) volumes de dictionnaires «etymologiques» et d'expositio-nes vocabulorum difficilium, des ouvrages scientifiques d'Euclide, Archimede, Ptolemee et d'autres, des textes d'Alexandre d'Aphro-dise, deux commentaires de Proclus sur Piaton, un certain nombre de commentaires sur Aristote et egalement des ceuvres d'Aristote, dont des traites de Logique, la Physique, le De anima, la Rhetorique. Les titres correspondent, en grand nombre, ä des ceuvres traduites par Moerbeke, et en bonne partie ä des ceuvres traduites ä partir de 1267, epoque ä laquelle Moerbeke se trouvait, pour de longues pe-riodes, ä la cour pontificale. Dix-neuf de ces manuscrits, sinon plus, ont du porter la fameuse abreviation .And', (relevee dans le catalogue de 1311 et retrouvee dans trois manuscrits conserves encore mainte-

38 En ce qui concerne les relations avec St. Thomas, voir: Saint Thomas d'Aquin, Con-tra gentiles, libre premier, Intr. R.A. Gauthier, Paris 1961, 34-37. Gauthier montre, par des arguments convaincants, que l'opinion tres repandue que Moerbeke aurait fait ses traductions d'Aristote «ad instantiam fratris Thomae» ne repose que sur une legende. II apporte, ici et dans d'autres publications, des indices qui montrent que dans plusieurs cas St. Thomas n'a certainement pas consulte le traducteur, et que, de plus, dans plusieurs de ses commentaires il utilise un texte dejä deteriorie, done assez loin de l'original de la traduction. Mais ceci ne vaut pas forcement pour tous les commentaires de St. Thomas. Et il semble bien qu'il existe au moins un cas, ou Moerbeke aurait traduit un certain texte - une partie tres determinee du Com-mentaire de Simplicius au De caelo (II 12, 293 a 4-11) - p o u r l'explication d'un certain endroit de la Metaphysique (Λ 8, 1073 b 17 - 1074 a 14) par St. Thomas, cf. F.Bossier, op.cit. (ci-dessus, η.30): He t Fragmentum Toletanum, 23.001-23.098.

" Voir F. Ehrle, Hist. Bibl. Roman. Pont, tum Bonifat. tum Avenion., Vol.1, Rome 1890, 95-99; Α. Pelzer, Addenda et emendanda ad F. Ehrle Hist. Bibl. Rom. Pont. I, Rome 1947, 23-24, 91-95; J.-L. Heiberg, Les premiers manuscrits grecs de la biblio-theque papale, in: Bull. Acad. Royale Danoise des Sciences et des Lettres pour l'an-nee 1891, Copenhague 1892, 302-318; voir aussi ci-dessous, n.43.

40 Cf. L. Minio-Paluello, Moerbeke, William of, in: Dictionary of Scient. Biography, Vol.9, New York 1974, 434-440.

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

La traduction de Metaph. par Moerbeke et son exemplaire grec 481

nant), qui, selon l'interpretation de A. Pelzer (.And'. = Andegaven-sis)41, semblait confirmer une explication suggestive, proposee aupa-ravant par J.-L.Heiberg42: ces manuscrits, qui seraient provenus d'une collection des rois de Sicile, auraient ete donnes en 1266, apres la bataille de Benevent, par Charles d'Anjou ä la bibliotheque du Pape, ou Moerbeke les aurait trouves ensuite. On etait ainsi tente de rapprocher le plus grand nombre de ses activites de traducteur ä cette bibliotheque. Mais, recemment, A. Paravicini Bagliani43 a de-montre dans une longue etude, que l'interpretation mentionnee - qui etait devenue une sorte de «fait acquis» - est fausse, et qu'il n'y a, de plus, aucun element indiquant que les manuscrits releves dans les deux catalogues aient ete presents dans la bibliotheque pontificale avant la mort de Moerbeke. Le lien, dont on a parle, est incontesta-ble, mais on doit ä nouveau s'interroger sur sa nature ou plutot sur le sens de la dependance constatee, et il n'est pas du tout exclu, que ce soit, au contraire, par Moerbeke, qu'une partie des manuscrits men-tionnes soient parvenus ä la bibliotheque pontificale44.

Rien n'empeche done de penser que Moerbeke ait trouve le co-dex contenant la Metaphysique lors de son premier sejour en Grece et peut-etre ä Nicee, dans cette meme ville qui, apres la prise de Constantinople en 1204 par les Croises, etait devenue la capitale de l'empire grec et dont les Lascarides avaient fait un centre de culture grecque emigree, avec bibliotheques et ecoles. Nicephorus Blemmy-

41 A. Pelzer, op.cit. (ci-dessus, note 39), 92-94. 42 J.-L.Heiberg, op.cit. (ci-dessus, note 39), 316-317. 43 Α. Paravicini Bagliani, La provenienza <angioina> dei codici greci della biblioteca di

Bonifacio VIII. Una revisione critica, in: Italia medioevale e umanistica 26 (1983) 27-69.

44 Grace ä des etudes du meme auteur, nous connaissons deux circonstances, qui peu-vent jouer un role ä ce sujet: 1. Moerbeke, devenu en 1278 Archeveque de Corin-the, n'est pas reste dans cette ville jusqu'ä sa mort (en 1286 ou avant). Le lieu de sa mort est toujours inconnu, mais en 1284 Moerbeke est de nouveau present en Ita-lie, ou il conduit comme legat du Pape Martin IV une mission ä Perugia; 2. les biens des prelats, decedes apud Sedem Apostolicam, revenaient ä la Camera Aposto-lica, si le defunt etait mort ab intestato (A. Paravicini Bagliani, Nuovi documenti su Guglielmo da Moerbeke OP, in: Archivum Fratrum Praedicatorum 52 (1982) 135-143, cf. n. 18). Le fait que la bibliotheque pontificale possedait un manuscrit grec du commentaire de Proclus sur le Parmenide de Piaton, oeuvre traduite par Moerbeke peu de temps avant sa mort, devient alors particulierement interessant (ibid., n. 17).

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

482 Gudrun Vuillemin-Diem

des, lui-meme commentateur d'Aristote et vivant dans le royaume de Nicee, fut envoye, en 1239, par Jean III. Vatatzes ä la recherche de manuscrits anciens, sacres et profanes, en Thrace, Macedoine, Thessa-lie, au Mont Athos et ailleurs45. On ne sait pas ce qu'il a ramene. Mais on a pu conclure recemment qu'un de nos mss d'Aristote conte-nant la Physique et le De caelo se trouvait effectivement ä Nicee, car il porte, d'apres des indications precises, des notes marginales de la main de Theodore II Lascaris - de l'empereur, connu par ailleurs pour s'etre interesse en particulier ä la philosophie d'Aristote et de Piaton46. Le meilleur temoignage de l'importance des etudes aristo-teliciennes ä cette epoque et dans ces lieux est represente cependant par l'Epitome de Nicephorus Blemmydes. II s'agit d'un manuel, ecrit en 1260 environ, qui donne en deux volumes un resume critique de la Philosophie d'Aristote: Logique et traites de Physique. II utilise dans une large mesure, outre les textes d'Aristote, les meilleurs com-mentaires de l'fecole, en particulier les commentaires de Simplicius ä la Physique et au De caelo et, pour la partie exposant les Meteorolo-giques, le commentaire d'Alexandre aux Meteores47.

La date, le lieu, les deux etats du travail de Guillaume rendent tout ä fait possible qu'il ait commence sa premiere redaction de la Metaphysique lors meme de ce voyage, et peut-etre de ce sejour dans la «capitale de la Grece»48. Mais si l'on suppose ceci, il faut supposer

45 Nicephorus Blemmydes, Curriculum vitae et carmina, ed. A. Heisenberg, Leipzig 1896, 35 sqq.

46 II s'agit du codex Ambr. Μ 46 sup., cf. G. Prato, Un autografo di Teodoro II Las-caris imperatore di Nicea?, in: Jahrb. d. Österr. Byzant. 30 (1981) 249-258, et, du meme auteur, La produzione libraria in area greco-orientale nel periodo del regno latino di Costantinopoli (1204-1261), in: Scrittura e civilta 5 (1981) 105-147, cf. 143-144; en ce qui concerne l'importance culturelle de Nicee et les etudes philo-sophiques, cf. ibidem, 142-143, et les ouvrages cites nn. 121-131, voir aussi H. Hun-ger, Von Wissenschaft und Kunst der frühen Palaiologenzeit. Mit einem Exkurs über die Κοσμική δήλωσις Theodoras' II. Dukas Laskaris, in: Jb. d. Österr. By-zant. Gesellsch. 8 (1959) 123-155.

47 Cf. W. Lackner, Zum Lehrbuch der Physik des Nikephoros Blemmydes, in: By-zant. Forsch. 4 (1972) 157-169.

48 On ignore tout des activites de Guillaume avant sa presence dans cette ville. Nean-moins, la traduction du commentaire d'Alexandre sur les Meteores n'est probable-ment pas sa premiere ceuvre. II y a des raisons de penser que la traduction du texte aristotelicien des Meteores la precede (cf. A. J. Smet, Alexander van Aphrodisias en S.Thomas van Aquino, in: Tijdschrift v. Philos. 21 (1959) 112 et n.21). En tout cas, Moerbeke avait deja ä cette epoque une bonne connaissance du grec, qu'il n'a guere

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

La traduction de Metaph. par Moerbeke et son exemplaire grec 483

egalement, puisqu'il s'agit en partie d'une revision, qu'il a apporte avec lui - ou qu'il s'est fait envoyer - la traduction ancienne du texte

pu acquerir ailleurs qu'a des endroits, oü cette langue etait parlee. D'autre part, un prologue ä sa traduction du De partibus animalium, dont il est l 'auteur et qui date, comme la traduction, de la fin de l'annee 1260 (Thebes), est consacre ä une longue discussion sur l 'ordre des traites d'Aristote (cf. Alexandre d'Aphrodisias, ed. A.J. Smet [voir ci-dessus, n.35], XI -XIV) . Cette discussion utilise et le commentaire d'Alexandre sur les Meteores et celui sur le De sensu, et eile indique, de plus, par le choix meme de son sujet, la familiarite de l'auteur avec les topoi de l ' tcole . N'est-il pas possible que Guillaume (l'«interpres», comme il se designe lui-meme au debut du prologue mentionne) ait deja sejourne assez longuement en Grece ou en Asie Mineure? Un detail curieux suggere une conjecture, naturellement tres risquee, et que des decouvertes ulterieures pourraient aisement infirmer: l'historien byzantin Georgios Pachymeres rapporte que I'empereur Jean III Vatatzes (mort en 1254 apres avoir entame des 1249 d'importants pourparlers avec la cour papale; cf. p. ex. A.Franchi, La svolta politico-ecclesiastica tra Roma e Bisancio [1249-1254]; La le-gazione di Giov. di Parma; II ruolo di Federico II, Roma 1981) a accueilli a sa cour un certain etranger «Guillaume» (Γουλίελμόν τινα) et qu'il lui a confere une di-gnite (Georg.Pachymeres, Historia II 546, 13-14 [ = PG 144, col.501, 11.8-10], cf. M.Angold, A Byzantine Government in Exile, Government and Society under the Laskarids of Nicaea [1204-1261], Oxford 1975, 175). O n aimerait d'autres temoi-gnages, permettant d'identifier reellement ce Guillaume-lä.

A propos de Nicee, le Pere R.A. Gauthier a fait recemment une conjecture sur-prenante, que nous devons evoquer ici (S.Thomae de Aquino Opera Omnia, T.45,2, Sentencia Libri De sensu [De memoria], Romae 1985, 93*-94*). II ne s'agi-rait, d'apres lui, pas de Nicee en Bithynie, mais d'une Ville Amiclee ("Αμυκλαι), qui n'etait pas l'antique Amyklai, mais une petite ville du meme nom, appelee aussi Νίκλι dans la chronique grecque de Moree, Nicies dans la chronique franfaise, et qui etait situee au centre du Peloponese. Le P. Gauthier suppose une erreur, com-mise par le copiste, dont depend la tradition manuscrite citee plus haut (ci-dessus, n.35), et il pense que la Ιεςοη authentique fut «apud Nicleam, urbem Grecie». Ses raisons, resumees brievement, sont les suivantes: 1) La distance etait tres grande entre Nicee et Thebes, ou Guillaume se trouvait ä la fin de la meme annee (decem-bre 1260), tandis qu'entre «Nicles» et Thebes il n'y avait que 120 km environ. 2) O n ne voit pas, pour quelles raisons Moerbeke aurait pu etre dans la capitale de l'Em-pire grec d'Asie Mineure, en pleine guerre avec les fetats latins de la Grece d'Eu-rope, tandis que sa presence dans les environs de Thebes, ou il y avait un couvent dominicain, n'a rien de surprenant. 3) Comme Nicee etait une ville tres connue chez les Latins, il n'y avait pas besoin d 'ajouter une identification supplemental« comme urbs Grecie. - Ces arguments ne nous semblent pas entierement probants. On pourrait peut-etre noter que: 1) il existe deux temoignages manuscrits i n d e -p e n d e n t s , indiquant Nicea (celui des mss de la traduction du commentaire d'Alexandre sur les Meteores, dependant d'un exemplaire parisien, et celui du ms de la traduction de la Metaphysique). 2) On ne voit pas bien, comment le nom sup-pose de Nicies pourrait donner apud Nicleam, mais on s'attendrait plutot a apud

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

484 G U D R U N V U I L L E M I N - D I E M

et peut-etre les traductions d'autres traites, pour pouvoir consulter sur place des exemplaires grecs eventuels, propres a lui permettre de corriger et d'ameliorer ces traductions jugees deficientes. tvidem-ment, la seule mention du mot Nice(a) ne suffit pas ä fonder une cer-titude.

2. On ne trouvera pas de reponses sures aux questions posees. Mais l'histoire du manuscrit nous fournira quelques details supple-mentaires sur ses relations possibles avec Moerbeke.

Grace aux etudes de J. Irigoin49, nous savons que le manuscrit J fut ecrit ä Constantinople au milieu du 9e siecle et s'est trouve, peu apres, au contact direct avec une collection philosophique bien con-nue; J et cette collection ont du faire partie de la meme bibliotheque, ou, en tout cas, etre dans les mains d'une meme personne - on a pense au mathematicien et philosophe Leon ou ä Photius. D'autre part, nous savons par une publication de L. Labowsky50, qui a decou-vert sa marque de propriete, que Moerbeke possedait un manuscrit grec, parvenu plus tard au Cardinal Bessarion, ä savoir le Venet. Marc.gr. 258. Ce manuscrit, qui contient entre autres le De fato d'Alexandre (ceuvre traduite par Moerbeke), remonte egalement au 9e siecle et faisait partie de cette meme collection philosophique, avec laquelle le manuscrit J etait en contact. Si le voisinage n'avait pas cesse entre-temps, c'est peut-etre par la meme source que les deux manuscrits sont parvenus ä Moerbeke.

L'histoire ulterieure de J etait peu connue jusqu'ä present. En de-hors de quelques notes qui, sur les dernieres feuilles, contiennent un carnet de famille et des remarques de proprietaires grecs, se rappor-tant ä des evenements du 15eII/16eI siecle, on savait que le codex fut

Niclem (ou Niclas ou Niclam), ce qui signifierait une difficulte supplementaire pour expliquer P«erreur» du copiste. 3) En plus, comme le remarque le P. Gauthier lui-meme, en latin le nom d'Amyklai n'a pas ete transforme en Nicies, mais dans les sources latines de l'epoque la ville a toujours ete appelee par son ancien nom Amy-clae ou Amyclensis (cf. A.Bon, La Moree franque, Paris 1969, 522). 4) L'addition urbs Grecie n'est pas forcement une identification geographique (on s'attendrait dans ce cas plutot ä urbs greca) mais peut tres bien signifier «la capitale de la Grece» et souligner ainsi l'importance de la ville, dans laquelle la traduction etait faite. 5) Le rapport entre Nicee et les activites de traduction des textes aristoteli-ciens est patent, ce meme rapport avec Amyclee-Nicles n'existe pas.

49 J. Irigoin, L'Aristote de Vienne (ci-dessus, η. 11), 5-10. 50 L. Labowsky, William of Moerbeke's Manuscript of Alexander of Aphrodisias. Bes-

sarion Studies III, in: Mediaeval and Renaissance Studies 5 (1961) 155-162.

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

La traduction de Metaph. par Moerbeke et son exemplaire grec 485

achete ä Constantinople dans la deuxieme moitie du 16e siecle par Augier Ghislain de Busbeck, ambassadeur de Ferdinand Ier ä la cour du sultan Soliman II (1555 ä 1562), et offert par lui, en 1576, ä l'em-pereur Maximilien II. II entra ä la Bibliotheque Imperiale de Vienne en 1583. On pourrait supposer, et on a suppose, que le codex soit done reste dans son lieu d'origine, ou aux environs, jusqu'au milieu du 16e

siecle. En ce qui concerne notre question, la conclusion serait simple: Moerbeke aurait vu et utilise le manuscrit lors de son voyage en Grece, autour de 1260 (commencement et fin de ce voyage sont in-connus, terminus ante quem pour la fin: 1267, annee pour laquelle sa presence ä Viterbe est assuree51), peut-etre ä Nicee, comme l'indique la note mentionnee. Mais il aurait du alors terminer non seulement les deux redactions de la Metaphysique mais egalement les autres traductions, qui dependent probablement encore du codex J, avant de rentrer en Italie, ce qui est pour au moins deux d'entre eux (deuxieme redaction de la Physique, Recensio recognita du De cae-lo) tres improbable.

Or, il y a des observations recentes de P. Moraux, qui ouvrent des perspectives nouvelles, inattendues et interessantes. Ces observations concernent un bifolium (ff. 137/138), qui fut rajoute plus tard pour remplacer une partie du texte que J avait perdu. En effet, la fin de la Metaphysique de Theophraste et le debut de la Metaphysique d'Aristote (A-a 2, 994 a 6) manquent et le bifolium remplace la fin de Theophraste (f. 137) et le debut du livre α d'Aristote (f. 138). Or, Paul Moraux a remarque que l'ecriture du texte du f. 138" provient d'une main de l'Italie meridionale autour de 130052. II est done pos-

51 Cf. L. Minio-Paiuello, op.cit. (ci-dessus, note 40), 434-435, 437. 52 Les remarques de P. Moraux concernant ce bifolium sont reproduites en entier

dans «Unters.», 168. Note de correction: On doit cependant revenir sur un detail im-portant de ces observations. P. Moraux avait remarque, et il fut le premier ä le faire, en marge du f. 137v une longue note contenant une liste des oeuvres d'Hippocrate -liste copiee sur le modele de la liste fournie par le f. V du Vat. gr. 276. En ce qui concerne l'ecriture de la note marginale de J, P. Moraux pensait qu'elle provenait d'une main humaniste du 15e siecle (premiere moitie?), et que, par consequent, les deux mss se seraient trouves cote a cote a un certain moment de cette epoque. On etait done amene ä chercher un lien possible entre les deux mss ä ce moment de leurs histoires respectives (cf. «Unters.», 168, 171-172). Or, si la liste sur le f. 137v

de J est bien ecrite par une main latine (puisque, ä cote des titres en grec, le nombre des livres de certains traites est indique en latin), il ne s'agit cependant pas d'une main du 15e s. La comparaison de cette liste avec l'ecriture des mots grecs en marge

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM

486 G U D R U N V U I L L E M I N - D I E M

sible que le codex J se serait trouve, autour de cette date, en Italie du Sud pour retourner plus tard, en tout cas avant la deuxieme moitie du 15® siecle, ä Constantinople. On peut alors au moins se demander, si ce n'est pas par l'intermediaire de Moerbeke que le codex J serait venu en Italie. Moerbeke en aurait pris connaissance lors de son premier voyage en Grece, ä Nicee ou ailleurs, peut-etre ä l'endroit meme, ou il a achete ou re9U en cadeau le manuscrit d'Alexandre. II aurait utilise ou commence ä utiliser J sur place. Il 1'aurait ramene ensuite en Italie pour continuer son travail.

Ce ne sont la qu'hypotheses pour une histoire possible. On ima-gine d'autres possibilites. Bien des questions restent ä resoudre et meme a poser. Si cependant le fait que Moerbeke a utilise le manus-crit J se confirmait aussi, comme on doit s'y attendre, pour les trois autres traites mentionnes, on disposerait alors non seulement d'une base plus elargie pour les analyses philologiques, mais, etant donne qu'il s'agit de traductions assez distantes dans le temps, on pourrait peut-etre en meme temps repondre de fafon plus claire ä la question des relations historiques entre Guillaume de Moerbeke et l'«Aristote de Vienne».

de l'Ottob.lat. 1850, l'autographe de Moerbeke, revele en effet, comme nous le de-montrerons ailleurs, que cette liste est ecrite par la main meme de Moerbeke. On reviendra sur ce fait et sur ses consequences dans une publication ä paraitre dans les actes du Colloque «Guillaume de Moerbeke» (Louvain 1986).

Brought to you by | New York University Bobst Library Technical ServicesAuthenticated

Download Date | 12/7/14 11:25 PM