keith magazine /general idea / tron

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Presque trois générations séparent TRON : l'héritage du premier volet. Une réalité qui n'a pas pour autant découragé le galeriste Alexandre Gilbert : “Je souhaitais créer une passerelle entre les deux films”. Pari réussi. Une cinquantaine de tirages spéciaux sont réunis dans son espace montmartrois (la Galerie Chappe), mêlant les deux cybermondes avec cohérence et bon goût, sur fond d'art show underground. Téléportation au cœur du Grid. Un premier regard nous plonge dans les dessins fantasmagoriques de Moebius (qui avait par- ticipé au graphisme du TRON original, réalisé en 1982 par Lisberger). “J'aime son monde d'êtres hybrides qui échangent dans un langage poétique” confie Alexandre. Puis, lumineux, l'univers de TRON : l'héritage, originellement conceptualisé par Syd Mead. Les images du making of d'un côté, un écran projetant quel- ques séquences du film de l'autre, on s'immerge dans le (cyber)monde fascinant de l'infiniment petit vu par Disney. Le discours d'Alexandre tranche net avec les critiques plutôt négatives de la presse, qui voient le film comme une pâle copie de Star Wars : “Je l'ai vu cinq fois, c'est un chef d'œuvre. Tu es dedans d'un bout à l'autre”. Notre galeriste lui confère même une dimension messianique : “Kevin Flynn (Jeff Bridges), le créateur de programmes, c'est un peu le Dieu de l'informatique...” Après avoir été le Dieu des porteurs de tongs, des buveurs de vodka et des fumeurs de joints avec The Big LebowskiAlexandre Gilbert a déjà consacré de nombreuses expositions à des personnalités comme Lady Gaga, Amy Winehouse, ou encore Pete Doherty. Les Daft Punk ayant composé/resamplé /bien mixé la bande originale du der- nier TRON, c'était l'occasion idéale de célébrer le talent des initiateurs de la French Touch. Conçus spécialement pour l'événement, différents artworks - s'inspirant du groupe électro - étoffent l'expo. Alexandre qualifie d'ailleurs la courte apparition des Daft dans le film de “pur moment d'anthologie”, la bande originale l'ayant cloué à son siège. Un voyage musical qui s'aligne selon lui au talent de Wendy Carlos, compositeur hors pair de la B.O du premier TRON (et accessoirement premier “Tronsexuel” à avoir revisité Bach sur un Moog). Et puisqu'on n'aime jamais repartir les mains vides, des produits déri- vés du film sont exclusivement en vente à la galerie. Bref, une expo audacieuse et multi-générationnelle qui devrait faire son buzz ! Emma Paoli TRON: l’héritage, jusqu'au 8 mars à la Galerie Chappe, 4 Rue André Barsac, Paris 18ème. K?-32 art/actu Jamais aucune rétrospective n'avait été consacrée au collectif canadien General Idea. C'est désormais chose faite au Musée d'Art moderne de la Ville de Paris (MAM). L'œuvre de AA Bronson, Jorge Zontal et Felix Partz échappe à toutes tentatives de catégorisation. C'est un pari de liberté. Actifs de 1969 à 1994, date de la mort de deux de ses membres (atteints du sida), le parcours de General Idea est pour le moins hétéroclite. Hors de toute chronologie, l'exposition met en lumière les questionnements sur la représentation de la sexualité, du glamour, de l'artiste et de son pro- cessus créatif. La réalité courante n'est pas suffisante pour nous… Nous devions donc créer notre propre monde, qui était une sorte de parodie, un simulacre imparfait d'un monde parfait” explique AA Bronson, le seul survivant du groupe. La démarche de General Idea est celle du virus corrosif. Il ne s'in- filtre pas dans un corps humain, ni dans un programme informatique, mais dans l'image véhiculée par les médias et la culture de masse. Il s'im- misce dans cette réalité, se l'approprie, puis la déforme afin d'en dénon- cer avec ironie les dérives et les faux fondements. Visionnaire, le collectif a exploité tous les supports artistiques - vidéos, magazines, installations, peintures, photographies - pour mettre en scène l'inévitable déchéance de nos contemporains. Parmi les trois cents œuvres exposées, on retrouve la fameuse série Mondo Cane kama sutra, représentant trois caniches - allégorie de l'artiste - baisant dans tous les sens ; le magazine File, alternative underground au magazine Life ; les affiches Aids, reprenant le logo initial de Love crée par Robert Indiana et enfin le Pavillon fictif de Miss General Idea, muse imaginaire du collectif. Attention : conformistes s'abstenir ! E.P. Haute culture : General Idea Une rétrospective, 1969-199, jusqu'au 30 avril 2011 au Musée d'Art moderne de la Ville de Paris, 11 avenue du Président Wilson, Paris 16ème. GENERAL IDEA : UNE ALTERNATIVE À L’ALTERNATIF “IT'S JUST A GAME” Daft Punk, une réalité pleine de trucages ? C'est du moins ce qu'auraient pu penser les fanatiques de disco en écoutant la discographie des génies de l'électro : une bibliothèque de samples 70's.* Exemples. - Robot Rock (Human After All) : inspiré de Release the beast de Breakwater - Harder, Better, Faster, Stronger (Discovery) : inspiré de Cola bottle, baby de Edwin Birdsong - Crescendolls (Discovery) : inspiré de Can you Imagine, de Little Anthony & the Imperials *A noter qu'une compilation, Discovered : a collection of Daft Punk Samples, est sortie en 2007 sur le label Rapster Records.

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inspiré de Cola bottle, babyde Edwin Birdsong Daft Punk, une réalité pleine de trucages ? C'est du moins ce qu'auraient pu penser les fanatiques de disco en écoutant la discographie des génies de l'électro : une bibliothèque de samples 70's.* Exemples. de Little Anthony & the Imperials art/actu K?-32 Emma Paoli *A noter qu'une compilation, Discovered : a collection of Daft Punk Samples, est sortie en 2007 sur le label Rapster Records. E.P.

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Page 1: KEITH MAGAZINE /GENERAL IDEA / TRON

Presque trois générations séparent TRON : l'héritage du premier volet. Une réalité qui n'a paspour autant découragé le galeriste Alexandre Gilbert : “Je souhaitais créer une passerelle entreles deux films”. Pari réussi. Une cinquantaine de tirages spéciaux sont réunis dans son espacemontmartrois (la Galerie Chappe), mêlant les deux cybermondes avec cohérence et bon goût,sur fond d'art show underground. Téléportation au cœur du Grid. Un premier regard nous plonge dans les dessins fantasmagoriques de Moebius (qui avait par-ticipé au graphisme du TRON original, réalisé en 1982 par Lisberger). “J'aime son monded'êtres hybrides qui échangent dans un langage poétique” confie Alexandre. Puis, lumineux,

l'univers de TRON : l'héritage, originellement conceptualisé par Syd Mead. Les images du making of d'un côté, un écran projetant quel-ques séquences du film de l'autre, on s'immerge dans le (cyber)monde fascinant de l'infiniment petit vu par Disney. Le discours d'Alexandre tranche net avec les critiques plutôt négatives de la presse, qui voient le film comme une pâle copie de StarWars : “Je l'ai vu cinq fois, c'est un chef d'œuvre. Tu es dedans d'un bout à l'autre”. Notre galeriste lui confère même une dimensionmessianique : “Kevin Flynn (Jeff Bridges), le créateur de programmes, c'est un peu le Dieu de l'informatique...” Après avoir été le Dieudes porteurs de tongs, des buveurs de vodka et des fumeurs de joints avec The Big Lebowski…Alexandre Gilbert a déjà consacré de nombreuses expositions à des personnalités comme Lady Gaga, Amy Winehouse, ou encore Pete

Doherty. Les Daft Punk ayant composé/resamplé /bien mixé la bande originale du der-nier TRON, c'était l'occasion idéale de célébrer le talent des initiateurs de la French

Touch. Conçus spécialement pour l'événement, différents artworks - s'inspirant dugroupe électro - étoffent l'expo. Alexandre qualifie d'ailleurs la courte apparition

des Daft dans le film de “pur moment d'anthologie”, la bande originale l'ayantcloué à son siège. Un voyage musical qui s'aligne selon lui au talent de

Wendy Carlos, compositeur hors pair de la B.O du premier TRON (etaccessoirement premier “Tronsexuel” à avoir revisité Bach sur un Moog). Et puisqu'on n'aime jamais repartir les mains vides, des produits déri-vés du film sont exclusivement en vente à la galerie.Bref, une expo audacieuse et multi-générationnelle qui devrait faireson buzz !Emma Paoli

TRON: l’héritage, jusqu'au 8 mars à la Galerie Chappe, 4 Rue André Barsac, Paris 18ème.

K?-32

art/actu

Jamais aucune rétrospective n'avait été consacrée au collectif canadienGeneral Idea. C'est désormais chose faite au Musée d'Art moderne de laVille de Paris (MAM). L'œuvre de AA Bronson, Jorge Zontal et Felix Partzéchappe à toutes tentatives de catégorisation. C'est un pari de liberté.Actifs de 1969 à 1994, date de la mort de deux de ses membres (atteintsdu sida), le parcours de General Idea est pour le moins hétéroclite. Horsde toute chronologie, l'exposition met en lumière les questionnements surla représentation de la sexualité, du glamour, de l'artiste et de son pro-cessus créatif. “La réalité courante n'est pas suffisante pour nous… Nous devions donccréer notre propre monde, qui était une sorte de parodie, un simulacreimparfait d'un monde parfait” explique AA Bronson, le seul survivant dugroupe. La démarche de General Idea est celle du virus corrosif. Il ne s'in-filtre pas dans un corps humain, ni dans un programme informatique,mais dans l'image véhiculée par les médias et la culture de masse. Il s'im-misce dans cette réalité, se l'approprie, puis la déforme afin d'en dénon-cer avec ironie les dérives et les faux fondements. Visionnaire, le collectif a exploité tous les supports artistiques - vidéos,magazines, installations, peintures, photographies - pour mettre en scènel'inévitable déchéance de nos contemporains. Parmi les trois centsœuvres exposées, on retrouve la fameuse série Mondo Cane kama sutra,représentant trois caniches - allégorie de l'artiste - baisant dans tous lessens ; le magazine File, alternative underground au magazine Life ; lesaffiches Aids, reprenant le logo initial de Love crée par Robert Indiana etenfin le Pavillon fictif de Miss General Idea, muse imaginaire du collectif.Attention : conformistes s'abstenir ! E.P.

Haute culture : General Idea Une rétrospective, 1969-199, jusqu'au 30 avril 2011 au Musée d'Artmoderne de la Ville de Paris, 11 avenue du Président Wilson, Paris 16ème.

GENERAL IDEA :UNE ALTERNATIVE ÀL’ALTERNATIF

“IT'S JUST A GAME”

Daft Punk, une réalité pleine de trucages ? C'estdu moins ce qu'auraient pu penser les fanatiques de

disco en écoutant la discographie des génies de l'électro :une bibliothèque de samples 70's.* Exemples.- Robot Rock (Human After All) : inspiré de Release thebeast de Breakwater- Harder, Better, Faster, Stronger (Discovery) : inspiré de Cola bottle, baby de Edwin Birdsong - Crescendolls (Discovery) : inspiré de Can you Imagine,de Little Anthony & the Imperials *A noter qu'une compilation, Discovered : a collection of Daft Punk Samples, est sortie en2007 sur le label Rapster Records.