itw natalie dessay
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Versai l les Magazine ! Mars 2011
Pour la première fois, vous avez interprétéla superbe Cléopâtre dans le Gulio Cesarede Haëndel le mois dernier à l’Opéra Garnier.Comment cela s’est-il passé?« Bien, très bien, à part deux représentationsannulées à cause d’une trachéite. C’est toujourstrès dommage surtout après tant de mois detravail, mais ça a été un immense plaisir detravailler à nouveau avec Emmanuelle Haïm etLaurent Pelly. »
Pourquoi avez-vous choisi d’interpréter ce rôle?« Ce n’est pas le chanteur qui choisit les rôlesqu’il peut interpréter ; c’est toujours sa voixqui décide. Cléopâtre est un rôle multiformequi peut être interprété par des mezzos, desgrands lyriques ou des lyriques légers commemoi. Il faut cependant que l’opéra soit aupréalable complètement réadapté, « orne-menté » d’ajouts qui soient en accord avec lavoix de l’interprète. Il faut en fait complètementréécrire l’opéra. Le travail d’adaptation est trèslong. J’ai travaillé ce rôle pendant presquedeux ans avant de l’interpréter. »
Avez-vous peur avant d’entrer en scène?« Toujours. Lorsqu’on interprète un rôle pour lapremière fois, on est forcément extrêmementnerveux; il n’y a pas pire ennemi que soi-mêmedans ces moments là. »
Comment luttez-vous contre le trac?« J’arrive tôt au théâtre. Je prends mon tempsavant de rentrer sur scène. D’autres artistes fontle contraire. Chacun gère son angoisse à samanière… Je suis heureuse car je vais reprendrece rôle à New-York avec un orchestre modernepuisque ce sera celui du Metropolitan Opera etdans un registre plus haut et donc plus naturelpour moi. »
Chacune de vos apparitions sur scène suscitebeaucoup de commentaires; ils ne sontpas toujours axés uniquement sur votreinterprétation vocale. Pour Cléopâtre par
exemple, on a beaucoup parlé de votrecostume…« Oui, je portais une très belle tunique asseztransparente qui laissait voir une poitrine quin’était pas la mienne… Cela a effectivementsuscité quelques commentaires, même si,heureusement, d’autres critiques m’ont étérapportées, plus sérieuses et plus justes,notamment sur la mise en scène de LaurentPelly que j’ai trouvée exceptionnelle. »
Pourquoi?« Parce qu’elle était marrante, ludique, vivante,pleine de modernité. Certains spectateurs,je le sais, avaient un peu d’appréhension àl’idée d’écouter 3h30 de Haëndel et ils n’ontpas vu le temps passer. C’est ce que jesouhaite avant tout et je crois que nous ysommes parvenus. »
Vous aimez beaucoup travailler avec la chefd’orchestre Emmanuelle Haïm. Le fait qu’ellesoit une femme caractérise-t-il d’une certainemanière sa direction?« Non, pas du tout. Chaque chef a sa singu-
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NATALIE DESSAYUne voix de choix
Ils sont passés par Versailles. Ce sont les « Grands témoins ». Représentants des anciensVersaillais, ou auteurs, créateurs dont Versailles a été source d’inspiration, ils nousracontent leur histoire mais aussi les souvenirs de leur passage dans la ville.
©Simon.Fowler
Révélée au public par saprestation dans les Contesd'Hoffmann aux côtés deJosé Van Dam et rapidementconsacrée notamment parla Flûte enchantée dirigéepar William Christie, cetteSoprane aux six victoiresde la musique, dont lesperformances vocalesimpressionnent PlacidoDomingo et capable demonter jusqu'au contre-la,dispose d'aptitudes excep-tionnelles dans le suraigu.Alors qu'en 2007, elletriomphe à l'ouverture dela saison du Met à New Yorkdiffusée en direct sur TimesSquare, le prix LaurenceOlivier qu'elle reçoit en 2008pour son interprétationthéâtrale confirme son choixd'aujourd'hui de se tournerdavantage vers la comédie.L'amour peintre de Molièrel'avait conduit vers le chant ;celle qui est désormaisconsidérée comme une desplus grandes cantatrices del'histoire de l'opéra français,aspire maintenant à renoueravec sa vocation d'origine,le travail d'acteur.
©AntonioBofill
Natalie Dessay et Rolando Villazón.
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larité, sa musicalité, mais ce que j’aime chezEmmanuelle c’est son savoir immense. Elleconnaît si bien la musique qu’elle est capablede réécrire un opéra entier sans consulter lespartitions. Elle sait écrire des ornementsparfaitement adaptés à chaque voix. Enfin,j’aime sa grande sensibilité et l’extrêmeraffinement de sa musicalité. EmmanuelleHaïm est plus qu’un grand chef pour moi. C’estaussi mon professeur, un coach, un soutien, unencouragement… »
On dit que vous avez atteintle « sommet de votre art », vous auriez encorebesoin d’encouragements?« Le chant ne souffre pas la médiocrité. Noussommes obligés de travailler la technique toutle temps. Nous nous entraînons comme desathlètes. Toujours plus et toujours différe-mment, car le corps et donc la voix changent aufil du temps. Plus on travaille, plus on découvrede choses et plus on se rend compte de ce qu’ilreste encore à découvrir. C’est assezvertigineux et cela me fait peur. J’ai renoncédepuis longtemps à l’idée qu’un jour peut-êtreje serai souveraine par rapport à ce que jefais. »
On a cependant le sentiment de voir sur scène,une femme, une artiste parfaitement libre…« Oui, j’ai acquis une certaine liberté mais jela trouve dans mon interprétation théâtraleplus que vocale. J’ai toujours voulu êtrecomédienne ; le jeu d’acteur m’importe plusque la musique. Pour moi la musique estun moyen et non pas une fin. Ce qui ne m’em-pêche pas, bien au contraire, de consacrer tousmes efforts à la musique. Cela reste le moyenle plus naturel dem’exprimer théâtralement. »
Devenir comédienne pourrait-il devenirl’un de vos projets?« J’y réfléchis. Je sais qu’il va falloir toutrecommencer, apprendre un autre métier.Techniquement, l’un et l’autre n’ont rien à voir.Nous avons un rapport au temps beaucoupplus étiré. Le comédien travaille plus vite, surle rythme, les couleurs, la voix de l’imaginaire.Il nous offre à voir l’humanité dans ce qu’elle ade plus complexe. »
Un comédien ou une comédienneque vous aimez particulièrement?« J’ai récemment été voir Al Pacino dans LeMarchand de Venise à New-York. On avaitl’impression qu’il inventait le texte au momentoù il le disait. C’était superbe. C’est peut-êtrevers cela qu’il faut tendre. »
Vous serez à l’Opéra Royal de Versailles ledimanche 27mars prochain pour un concertexceptionnel avec votre époux Laurent Naouri.Vous allez y chanter en duo quelques grandsairs du répertoire de Bel-Canto. Connaissez-vous cette salle?« J’y suis allée une fois pour assister à unconcert et j’ai le souvenir d’une acoustique assezsèche. Ce que nous y proposerons convient
parfaitement à nos deux voix; nous ne pouvonspas interpréter tous les deux ensemble unemultitude d’airs… Ceux que nous avons choisipour ce concert exceptionnel vont nous permet-tre de prendre beaucoup de plaisir et donc d’enprocurer aussi aupublic. Dumoins, je l’espère…»
En dehors de son Opéra Royal,connaissez-vous la ville de Versailles?« Oui, car je ne rate aucun des spectacles deBartabas. L’équitation est une autre de mesgrandes passions. »
Si vous aviez un rêve à formuler aujourd’hui,quel serait-il?« Je rêverai de devenir une bonne comédienneou une bonne cavalière. J’ai renoncé depuislongtemps à devenir une bonne chanteuse…Mais, je trouve que le métier de comédien estunmétier très difficile. Les chanteurs lyriques,sont moins nombreux… donc ils trouvent plusfacilement du travail. Je connais descomédiens très talentueux qui ne travaillentpas. Et ça, c’est ce qu’il y a de plus dur. »
Il ne vous reste plus qu’à devenirune grande cavalière…« Il existe de nombreuses correspondances entrel’équitation et le chant, entre le cheval et la voix.L’un comme l’autre nécessitent un juste équilibreentre le contrôle et le lâcher prise. C’est unéquilibre très fragile. Le cheval est comme lavoix: insaisissable… Il faut aussi savoir installerun rapport de confiance entre soi et sa voix. »
Vous arrive-t-il encore de perdre confiance?« Tout le temps. Il faut chaque jour remettre surle métier son ouvrage, avoir beaucoup decourage et d’humilité. » !
GRAND TÉMOIN
Dans le rôle de Cléopâtre dans Gulio Cesare.
Natalie Dessay dans Ariane à Naxos, de Strauss, Lucie De Lammermoor de Donizetti.
©DR
©2003MartySohl/MetropolitanOpera
©AgathePoupeney