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Introduction aux Essais de psychanalyse de Klein

Introduction [aux Essais de psychanalyse de Klein]par Ernest JonesLorsquil y a plus de vingt ans, jai invit Mlanie Klein, dabord faire une srie de confrences, puis sinstaller Londres, je savais que jassurais la British Psycho-Analytical Society le concours dune trs prcieuse recrue. Mais je ne prvoyais pas ce moment-l lbranlement qui suivrait un geste si simple (i). Jusque-l, notre Socit avait t un modle dharmonie et de coopration, et elle devait le rester quelque temps encore. Pendant une certaine priode, Mme Klein fut coute avec attention et souleva un intrt considrable. Trs vite peut-tre un peu, jaime le penser,, grce mon influence qui sexerait manifestement en sa faveur elle commena gagner des partisans et de fervents adeptes. Bientt cependant, des protestations slevrent, et certains se mirent dire que dans les ides quelle prsentait avec fougue, elle allait trop loin, ce qui signifiait simplement, je pense, quelle allait trop vite. Non quil ft ais, au dbut, de dcouvrir quelque chose de radicalement neuf dans ces ides ou dans ces mthodes de travail. Simplement, elle poursuivait ses recherches avec une rigueur sans pareille et une audace logique qui fit natre, chez certains membres de la Socit, dabord un malaise, puis bientt une violente opposition. Dautres membres qui dfendaient son uvre avec une certaine dose de fanatisme trouvrent cette opposition difficile supporter, et deux groupes extrmes se constiturent, qui touffrent grands cris, donc sans peine, les efforts scientifiques plus paisibles des membres qui avaient gard la tte froide.La division de la British Society se reproduira incessamment, je nen doute pas, dans toutes les autres socits de psychanalyse, et en labsence de collgues ayant une exprience directe du travail de Mme Klein, celle-ci doit sattendre y trouver une majorit dadversaires. En Angleterre cependant, la tempte redoubla aprs larrive de nos collgues viennois dont la vie tait devenue littralement impossible dans leur patrie. Aux autres critiques, ilsajoutrent celle-ci: les conclusions de Mme Klein ne scartaient pas seulement de celles de Freud, elles taient incompatibles avec elles. Je trouve, personnellement, que cest l une affirmation grossirement exagre. Non que cette considration dt tre dcisive en tout cas, et en particulier si lexprience avait montr que les conclusions de Mme Klein taient plus proches de la vrit; je ne le cde personne dans mon admiration pour le gnie de Freud, mais je nai pas hsit, dans plusieurs occasions, exprimer des raisons de penser que certaines de ses dductions taient errones. Nous avons pourtant si bien pris lhabitude de considrer, juste titre, que certains analystes dtachs de Freud, comme Adler, Jung, Stekel et Rank, avaient agi sous linfluence de motifs subjectifs en rationalisant des rsistances intrieures sans tre inspirs par une comprhension plus profonde, quil semblait beaucoup dentre nous moins prsomptueux, et certainement plus facile, dinterprter de la mme manire le cas de Mme Klein. Cependant, si la psychanalyse doit rester une branche de la science, maintenant que sest arrt le magnifique lan de Freud, on ne peut viter, cest indniable, de dpasser les limites quil a atteintes.Mais pourquoi cette tempte? Lopposition luvre de Mme Klein sera-t-elle phmre, ou bien celle-ci a-t-elle soulev un ouragan qui continuera de se dchaner et dont les effets iront saccroissant? Les textes quelle prsente dans ce recueil ou dans son important livre sur La Psychanalyse des Enfants doivent bien sr se dfendre tout seuls, mais peut-tre ne serait-il pas dplac que je saisisse cette occasion pour rsumer certains de ses travaux les plus remarquables et pour les commenter, tels que je les comprends.Les recherches de Freud sur la pense inconsciente, qui est essentiellement celle du petit enfant, ont dvoil certains aspects inattendus de lenfance, mais avant Mme Klein, les tentatives pour confirmer ces dcouvertes par ltude directe des enfants ont t rares. Cest donc elle que la psychanalyse doit davoir t porte au lieu quelle concerne dabord au cur de lenfant. Des difficults prodigieuses durent tre surmontes: llaboration de techniques spciales, les prjugs des parents et leurs craintes devant les effets inconnus de la psychanalyse sur le dveloppement des enfants, et ainsi de suite. Le docteur Hug-Hellmuth, Vienne, avait propos dutiliser le jeu spontan des jeunes enfants pour complter, ou mme pour remplacer le matriel fourni par les adultes sous la forme dassociations libres, mais elle neut pas, bien entendu, la possibilit de mettre son ide en pratique. Mme Klein, avec le remarquable don de psychologue et le courage moral stupfiant qui la caractrisent si bien, ne se laissa arrter par aucun obstacle. Intrpide, elle labora la technique de linterprtation du jeu quelle utilisait conjointement avec divers autres moyens, et fut bientt en mesure de confirmer directement tout ce que Freud avait dduit du matriel des adultes sur la pense inconsciente de lenfant, jusque-l inconnue. Encourage par ce rsultat, elle exploita pleinement les circonstances favorables quelle avait elle-mme cres et dcida de poursuivre ses recherches jusqu leur limite extrme.Freud a montr que lesprit de lenfant renferme dans ses profondeurs bien autre chose que linnocence et la fracheur qui nous ravissent tant. On y trouve de sombres terreurs devant des possibilits que le plus effrayant des contes de fes na pas os explorer, des pulsions cruelles o la haine et le crime sexpriment librement, des fantasmes irrationnels dont lextravagance se rit de la ralit: bref, un monde qui nous rappelle Belsen ou Walt Disney dans ses moments les plus grotesques. Ce nest pas le lieu de parler de la clameur que souleva cette atteinte au sourire de lenfance; Mme Klein en ressent encore les suites. Je me rappelle un patient qui dans un moment dillumination soudaine sexclama: Je savais que les thories de Freud taient vraies, mais je ne savais pas quelles taient si vraies. La prsentation impitoyable que fait Mme Klein des fantasmes de la premire enfance o lon coupe, dchire, transperce, dvore, peut faire reculer la plupart des gens et leur faire pousser une exclamation analogue. Elle alla plus loin encore en soutenant que le tableau cimmrien peint par Freud daprs lesprit inconscient dun enfant de trois ans tait au moins aussi dmonstratif pour un nourrisson au cours des premiers mois de sa vie. Cest ainsi, par exemple, quelle a formul lhypothse selon laquelle lrotisme oral dun petit enfant pouvait se diviser en deux stades: un stade de succion dabord, puis un stade de morsure; on a donn au second le nom de stade sadique-oral ou cannibalique. On a observ des fantasmes cannibaliques en remontant jusqu lge de trois ans environ. Mais Mme Klein, inflexible, soutient quils apparaissent pendant ce quon appelle le stade cannibalique de la petite enfance, et il me semble quaprs tout, on pouvait sy attendre.Dautre part, il y a longtemps que nous connaissons le concept de lintrojection formul par Ferenczi en 1909, et le concept psychiatrique, encore plus ancien, de la projection. Mais Mme Klein nous a appris, sur ces mcanismes, bien plus de choses que nous nen savions. Non seulement ils agissent, selon toute apparence, ds le dbut de la vie, comme le laissait entendre, vrai dire, la description que Freud a faite du Moi-plaisir, mais ils alternent et sentremlent un tel degr que la majeure partie du dveloppement dun petit enfant peut se dcrire en termes dintrojection et de projection. Il devient en fait de plus en plus difficile dtablir une distinction nette entre les processus de lintrojection, de lincorporation et de lidentification. Toute la thorie des objets internes, bons et mauvais, a donc t considrablement tendue, ce qui nous a permis de mieux comprendre le dveloppement des jeunes enfants et nous a pousss modifier notre pratique thrapeutique quotidienne.Laudace de Mme Klein ne sest pas limite ltude du dveloppement infantile normal ou nvrotique. Cette recherche sest tendue au champ de lalination elle-mme, ce qui, on sen doute, provoqua quelque consternation chez les psychiatres qui voyaient l le dernier bastion de la profession mdicale. Mais cette extension tait invitable. La ressemblance entre certains processus de lenfance et ceux qui se manifestent avec une telle vidence dans la paranoa, la schizophrnie et lalination maniaco-dpressive, ne pouvait pas passer inaperue devant la perspicacit de Mme Klein; elle nhsita pas sapproprier les termes psychiatriques et les appliquer, sous une forme modifie bien entendu, aux diverses phases du dveloppement de lenfant; cest le cas de mots tels que para-node, dpressif, et ainsi de suite. Jajouterai que cette ressemblance ne peut pas tre extrieure seulement. Il doit y avoir un rapport interne entre ces ractions et ces phases dapparence psychotique chez le jeune enfant et leur panouissement dans lalination vritable. Je suis persuad que le travail de Mme Klein sera aussi fcond dans ce domaine quil la t dans celui, plus familier, du dveloppement normal et nvrotique.Bien que je naie pas cach mon cordial accord au sujet des directions prises par les recherches de Mme Klein et de la solidit des principes sur lesquels elles se fondent, on ne doit pas sattendre me voir souscrire chacune de ses conclusions et de ses formulations: leur propre mrite les dfendra sans quaucun soutien de ma part leur soit ncessaire. Il serait en effet tentant dexpliquer toutes les critiques de son uvre comme des craintes devant la pntration rigoureuse et intransigeante de la psychanalyse dans les profondeurs les plus secrtes de lesprit des enfants; et il est vrai que certaines dentre elles me rappellent souvent les teignes dont on qualifiait luvre de Freud ses dbuts: des mots tels que forc, partial, arbitraire ont pouij moi un son familier. Mais quelle que soit la vrit de cette explication, elle nest pas seulement dplace dans une discussion scientifique; elle serait certainement injuste lendroit de la plupart des critiques dont il est question. Ceux-ci ont formul un certain nombre darguments qui doivent tre examins trs srieusement, et qui lont dj t par le Dr Heimann, Mme Isaacs, Mme Rivire et dautres, sans compter Mme Klein. Nanmoins, quelques-unes des formulations abstraites de Mme Klein seront certainement modifies dans la structure thorique future de la psychanalyse. Ce sera le cas, me semble-t-il, de lapplication littrale quelle fait des dcouvertes cliniques du concept philosophique dune pulsion de mort labor par Freud, et au sujet duquel jai de srieuses inquitudes. Ce nest pas pour cela que je le cite, cependant, mais parce que je trouve assez trange que Mme Klein soit critique sur son adhsion trop fidle aux ides de Freud, et plus trange encore que certains analystes viennois voient l une dviation par rapport ses ides. Tout ceci montre que la thorisation psychanalytique continue dtre une activit trs anime. Et dans cette activit, luvre de Mme Klein joue, et promet de jouer, un rle essentiel.Ernest Jones.