influence du tissu socioeconomique sur la …
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Université d’Antananarivo
Faculté de Droit, d’Economie, de Gestion et de Sociologie
Département : Economie
Mémoire pour l’obtention du
Diplôme d’Etudes Approfondies en Economie
Option : Développement
IIINNNFFFLLLUUUEEENNNCCCEEE DDDUUU TTTIIISSSSSSUUU
SSSOOOCCCIIIOOOEEECCCOOONNNOOOMMMIIIQQQUUUEEE SSSUUURRR LLLAAA
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Présenté parPrésenté parPrésenté parPrésenté par : : : :
Monsieur RAKOTONDRAINIBE Mihamintsoa HasiniainaMonsieur RAKOTONDRAINIBE Mihamintsoa HasiniainaMonsieur RAKOTONDRAINIBE Mihamintsoa HasiniainaMonsieur RAKOTONDRAINIBE Mihamintsoa Hasiniaina
Sous la direction deSous la direction deSous la direction deSous la direction de ::::
Monsieur Le Professeur ANDRIANOMANANA PépéMonsieur Le Professeur ANDRIANOMANANA PépéMonsieur Le Professeur ANDRIANOMANANA PépéMonsieur Le Professeur ANDRIANOMANANA Pépé
Année universitaire 2005-2006
Remerciements
La réalisation de ce mémoire, fruit et résultats de mes études en économie à l’Université
d’Antananarivo, a été possible grâce à la collaboration de nombreuses personnalités à qui
j’aimerais adresser ici mes vifs remerciements et toutes mes reconnaissances. Entre autres :
Monsieur le Professeur Pépé ANDRIANOMANANA qui a accepté de m’encadrer ;
Messieurs Serge BAUVET et Anthony RAMAROZATOVO pour leurs aides et
remarques constructives pendant mes recherches;
Ma famille, parents et amis qui, de près ou de loin, m’ont soutenu et ont permis de
faciliter la réalisation de ce travail.
Que tout le monde trouve en cet ouvrage la marque de ma profonde gratitude !
Liste des abréviations
Ar : Ariary
ASS : Afrique Sub Saharienne
CGA : Centre de Gestion Agréé
CGI : Code Général des Impôts
COMESA : Common Market for Easter and Southern Africa
CREAM : Centre de Recherches, d’Etudes et d’Appui à l’Analyse Economique à
Madagascar
CREDAF : Centre de Rencontres et d’Etudes des Dirigeants des Administrations
Fiscales
Dc : Droit de communication
DELF : Direction des Etudes et de la Législation Fiscale
DFGE : Direction de la Fiscalité des Grandes Entreprises
DGD : Direction Général des Douanes
DGI : Direction Générale des Impôts
DSF : Déduction Sans Facture
Dt : Déduction de taxe à tort
EPM : Enquête Permanente auprès des Ménages
FMG : Franc Malagasy
FMI : Fonds Monétaire International
IBS : Impôt sur les Bénéfices des Sociétés
IDE : Investissements Directs Etrangers
INSTAT : Institut National de la Statistique
IRNS : Impôts sur les Revenus Non Salariaux
IRSA : Impôts sur les Revenus Salariaux
LFR : Loi de Finances Rectificative
MADIO : Madagascar Dial Orstom
MEFB : Ministère de l’Economie des Finances et du Budget
NIF : Numéro d’Identification Fiscale
PCG : Plan Comptable Général
PIB : Produit Intérieur Brut
SED : Service des Etudes et de la Documentation
SSID : Service des Statistiques et de l’Intégration des Données
SVFRE : Service des Vérifications Fiscales, des Recoupements et des Enquêtes
TCA : Taxes sur le Chiffre d’Affaires
TST : Taxe sur les Transactions
TTC : Toutes Taxes Comprises
TTL : Taxes sur les Transactions Locales
TUPF : Taxe Unique à Paiements Fractionnés
TUT : Taxe Unique sur les Transactions
TVA : Taxe sur la Valeur Ajouté
UEMOA : Union Economique et Monétaire Ouest Africaine
UPI : Unité de Production Informelle
VSF : Vente Sans Facture
Résumé analytique
La neutralité économique est un des critères classiques d’évaluation d’un impôt. Ce
critère veut qu’un impôt ne devrait pas créer de distorsions dans le comportement de
consommation que de production. En d’autres termes, un impôt devra exercer un effet
revenu non pas un effet de substitution. En outre les critères de simplicité, de rendement,
de flexibilité et de stabilité constituent d’autres critères complémentaires d’évaluation de
l’efficacité économique d’un impôt. Suivant ces critères la TVA est un impôt
économiquement neutre si elle est d’application large. Elle est neutre par rapport au circuit
économique, au coût de production ainsi qu’à l’opération d’exportation. Cette première
vertu est encore renforcée par son importante contribution dans les recettes fiscales et sa
sensibilité à l’évolution économique d’un pays sans considérer les effets induits qu’elle
exerce sur l’amélioration de la pratique des affaires.
Cependant, les spécificités du tissu socioéconomique à Madagascar limite la réalité
des vertus de la TVA. En effet dans un pays où la majorité de la population est encore dans
la pauvreté il est difficile d’appliquer un impôt sur l’ensemble des produits. Par ailleurs,
l’évolution incontrôlée du secteur informel, sans même considérer les fraudes sur la TVA,
constitue un handicap majeur dans le système de collecte de la TVA. Cette situation se
trouve renforcée par l’incapacité de l’Etat à rembourser régulièrement les crédits de TVA
et détourne de ce fait la finalité originelle de taxe sur la consommation finale de la TVA. Il
se trouve aussi que les imprécisions dans le dispositif limite la transparence fiscale de la
TVA et augmente de ce fait son coût de consentement.
Mais les imperfections de la TVA, tant au niveau de son dispositif que celles liées
aux spécificités du tissu socio économique à Madagascar, ne sont pas sans solutions. Le
renouement au fondement orthodoxe de la TVA, tel que l’élargissement de son assiette et
l’amélioration du remboursement de crédit, est faisable. Mais l’efficacité de ces
ajustements est fortement conditionnée par les améliorations dans la gestion de la TVA à
travers l’adoption d’un seuil d’assujettissement élevé, un contrôle rationalisé, et
l’exploitation du Numéro d’Identification Fiscale. Par ailleurs le renforcement de la
démarche « Information-Education-Communication » avec l’adoption de textes
d’application permettraient d’assurer la lisibilité de la TVA et de ce fait une meilleure
acceptation de la TVA à Madagascar.
Liste des tableaux et des graphiques
Liste des tableaux
Tableau n° 1 : Les effets comparés de la taxation complète, de la taxation au taux zéro et
de l'exonération en matière de TVA............................................................................ 48
Tableau n°2 : Résultat du contrôle fiscal au niveau du SVFRE.......................................... 65
Tableau n°3 : Répartition des recettes totales entre la DGI et la DGD à Madagascar ........ 66
Tableau n° 4 : Répartition des assujettis à la TST par régime d’imposition (2003) ........... 70
Tableau n 5 : Répartition des recettes et nombre d’assujettis par chiffre d’affaire à
Antananarivo (2003) en pourcentage .......................................................................... 94
Tableau n° 6 : Recettes de TST en pourcentage de recettes intérieures totales .................. 95
Liste des graphiques
Graphique n° 1. Incidence fiscale : offre et demande identiquement inélastiques .......... 7
Graphique n° 2. Incidence fiscale :offre et demande identiquement élastiques .............. 8
Graphique n° 3. Incidence fiscale :demande plus élastique que l’offre........................... 8
Graphique n° 4. Incidence fiscale : offre plus élastique que la demande ........................ 9
Graphique n° 5. Incidence fiscale : cas d’une taxe imposé au consommateur .............. 10
Graphique n° 6. Impôt et distorsion de choix de consommation................................... 13
Graphique n° 7. Evolution comparée des principaux impôts prévus par le CGI
malgache (1994-2003)................................................................................................. 23
Graphique n° 8. Evolution des recettes de TVA() et du PIB à Madagascar (1993-2003) .
............................................................................................................. 24
Graphique n° 9. Situation des crédits de TVA en Fmg (2001-2004)............................. 55
Graphique n° 10. Fréquence des demandes de solutions auprès de la DELF (2001-2004).
............................................................................................................. 57
Graphique n° 11. Evolution comparée du rapport TVA/ Recettes fiscales à Madagascar
(1993 - 2003) ............................................................................................................. 61
Graphique n° 12. Evolution comparée du ratio TVA intérieure/PIB malgache (1993 -
2003) ............................................................................................................. 61
Liste des annexes
Annexe n°I. Format des annexes à la déclaration de la TVA ..................................... ii
Annexe n°II. Bordereau de versement de TVA (N°601) ........................................ iii
Annexe n°III. Bordereau de demande de remboursement de crédit de TVA (N°602).
........................................................................................................... iv
Annexe n°IV. Annexe à la demande de remboursement ............................................v
Annexe n°V. Fiche de renseignement pour les exportateurs demandant un
remboursement de crédit ....................................................................................... vi
Annexe n°VI. Evolution des prix à la consommation à Madagascar (1987-2003) . vii
Annexe n°VII. Performance de la TVA dans les pays côtiers de l’UEMOA .......... viii
Annexe n°VIII. Performance de la TVA dans les pays enclavés de l’UEMOA ..... ix
Sommaire
PREMIERE PARTIE : DE L’EFFICACITE ECONOMIQUE D’UN IMPOT AUX VERTUS DE LA TVA.................................................................................................. 4
CHAPITRE 1. LES EFFETS ECONOMIQUES DE LA FISCALITE : INCIDENCE ET NEUTRALITE
FISCALE........................................................................................................................ 5 CHAPITRE 2. LES PRINCIPES VERTUEUX DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE ........ 19 CHAPITRE 3. DES EFFETS INDUITS DES VERTUS DE LA TVA....................................... 26
DEUXIEME PARTIE : DES REALITES CONTRAIRES AUX FONDEMENTS DE LA TVA A MADAGASCAR ..................................................................................... 33
CHAPITRE 1. DE L’IMPORTANCE DU SECTEUR INFORMEL :INCAPACITE A COLLECTER LA
TVA .......................................................................................................................... 34 CHAPITRE 2. DES ENTORSES AU FONDEMENT DE LA TVA ET AU PRINCIPE DE SIMPLICITE 45
CHAPITRE 3. DES PERFORMANCES LIMITEES DE LA TVA........................................... 59
TROISIEME PARTIE : DES AJUSTEMENTS NECESSAIRES AU MODELE ET A LA GESTION DE LA TVA MALGACHE .......................................................... 68
CHAPITRE 1. DES AJUSTEMENTS DANS L’APPLICATION DES PRINCIPES SOUS TENDANT LA
TVA .......................................................................................................................... 69 CHAPITRE 2. DES AJUSTEMENTS QUALITATIFS AU DISPOSITIF ET A LA GESTION DE LA TVA
.................................................................................................................................. 81 CHAPITRE 3. LES IMPACTS DE L’ELARGISSEMENT DU CHAMP D’APPLICATION DE LA TVA
.................................................................................................................................. 89
1
Introduction
La TVA est un impôt qui génère la part la plus importante des recettes fiscales de
beaucoup de pays l’ayant adopté. Actuellement, près de 130 pays l’ont adoptée et elle
représente 25% des recettes fiscales dans le monde(1). Selon le FMI d’autres pays
envisagent en 2005 l’introduction de la TVA, à l’exception notable des Etats Unis2 et de
L’Inde. Ces réalités témoignent de l’importance accordée à la TVA.
A Madagascar les taxes sur les chiffres d’affaires ou TCA (3) existaient depuis 1962. En
fait, la TVA dans sa version actuelle n’est rien d’autre que le résultat de l’évolution de ces
TCA. Cependant, son adoption en 1994 est apparue précipitée à cause des effets néfastes
causés par la taxe qui l’a précédée : la Taxe Sur les Transactions ou TST. Cette dernière
n’était pas déductible et de ce fait s’appliquait en cascade sur les chiffres d’affaires. Elle
avait donc un effet très inflationniste. Ainsi, l’adoption de la TVA se faisait par la voie
d’une Loi de finances rectificative au bout de huit mois d’adoption de la TST. Il faut noter
aussi que cette introduction de la TVA à Madagascar coïncidait avec la relance de la
relation avec les Institutions de Bretton Woods après sa mise en veilleuse depuis le début
des années quatre vingt dix.
Par ailleurs le rapport Thill préconisait depuis 1992 la mise en place d’un système fiscal
moderne reposant notamment sur la TVA à Madagascar. Mais parallèlement il
recommandait un mode de gestion et une procédure simplifiée afin d’en faciliter
l’administration.
En principe, la TVA est considérée comme un système plus équitable qui représenterait
aussi une modalité d’imposition capable d’assurer la neutralité de l’impôt dans les circuits
économiques, avec son principe de déduction et d’imputation (4), contrairement à la TST et
aux autres taxes sur la consommation.
1 Bulletin du FMI, février 2006 ,p.44 2 Mais une taxe sur les ventes est appliquée par chaque état fédéral des Etats-Unis d’Amérique 3 Les taxes sur le chiffre d’affaire sont des taxes sur le prix de vente d’un produit ou d’un service (exemples : TVA, droits d’accises, TST,…) 4 ALMEIDA FALCÃO (Maurin).- « La taxation sur la valeur ajoutée dans les pays en développement/ Le cas Brésilien ».-2002.- [en ligne] htpp://www.itdweb.org/VATConference/documents/ Brazil%20 (page consultée le 27 août 2005)
2
Cependant, dans la réglementation actuelle (Code Général des Impôts) des Taxes sur les
Chiffres d’Affaires, ou TCA à Madagascar, la TST coexiste avec la TVA. Cette dualité de
TCA à Madagascar ne serait pas favorable au principe de neutralité de la TVA dès lors que
le principe de déduction et d’imputation ne seraient pas effectifs pour les assujettis à la
TST. En outre les effets de cascade de la TST créeraient des distorsions de concurrence.
Par ailleurs, les imprécisions dans la rédaction du dispositif de la TVA poseraient des
difficultés de compréhension source de contentieux entre l’administration et les
contribuables. En outre, les termes utilisés dans la rédaction du dispositif ne sont pas
homogènes ce qui serait source d’ambiguïté. Ces imperfections seraient contraires au
principe de simplicité d’un impôt ainsi que du principe d’accessibilité de la Nouvelle
Gestion Publique (5), et augmenteraient le « compliance cost6».
Parallèlement, les réalités socio économiques à Madagascar, comme dans tous les pays en
voie de développement, ne permettraient pas l’application d’une TVA « pure » qui est un
impôt moderne. En effet, les pays comme Madagascar sont affectés par la pauvreté ce qui
réduit la capacité contributive de la population : la faiblesse du niveau de vie d’une partie
importante de la population constitue un obstacle fondamental à l’application de la
fiscalité. L’application de la TVA n’échapperait pas à ces réalités constituant des causes
externes à l’administration fiscale quant à l’imperfection de la TVA.
En définitive, ces imperfections font que la TVA à Madagascar n’est pas conforme à son
fondement même. Des distorsions de concurrence contraires aux principes de la TVA
seraient ainsi créées. Pourtant, l’ouverture économique et l’incitation au développement du
secteur formel nécessitent la neutralité du système fiscal.
Aussi des questions se posent, telles que : Pourrait-on généraliser l’application de la TVA
pour en assurer sa neutralité dans un pays où beaucoup des entreprises sont dans
l’informel ? Quelles seraient les contraintes et les démarches à cette généralisation ? Ou
encore, quelles sont les origines et conséquences des imperfections du dispositif et quels
5 Il s’agit d’une nouvelle gestion du secteur public inspirée de celle du secteur privé; la notion d’accessibilité considérerait les usagers comme des clients qui devraient avoir accès à tous les services souhaités. Ce principe s’apparente au critère de simplicité ou de transparence fiscale. 6 Coût de consentement fiscal
3
sont les ajustements nécessaires ? Quels sont les enjeux de l’optimisation de la TVA dans
un pays engagé dans la voie de l’ouverture économique comme Madagascar ?
Ces interrogations justifient la problématique d’«influence des caractéristiques du tissu
socioéconomique sur la mobilisation de la TVA à Madagascar » qui constitue l’objet de
notre thème. Aussi, essayerons-nous de trouver les réponses à ces questions dans le cadre
de ce travail. Pour ce faire, des recherches bibliographiques appuyées par des consultations
et entretiens auprès des personnes ressources de l’administration fiscale et d’analyse de
données ont été effectuées. Cette démarche si elle ne permettait de traiter d’une manière
exhaustive toutes les imperfections de la TVA à Madagascar, elle permettrait toutefois de
présenter des pistes de réflexion, des améliorations et des propositions pragmatiques dans
le sens de l’optimisation et de l’adaptation de la TVA aux réalités de Madagascar, sans
pour autant négliger les contraintes liées à la mondialisation des échanges économiques.
Dans cette étude la TVA est définie comme une taxe sur la consommation finale. Ainsi les
entreprises ne sont que les « collecteurs » de la TVA et devraient la reverser à l’Etat. Par
ailleurs l’ensemble des consommateurs finaux et des entreprises de tous les secteurs
économiques constituent le tissu socioéconomique.
Dans la première partie de ce travail nous allons voir les critères classiques d’évaluation
d’un impôt ainsi que les principes vertueux de la TVA .Dans un deuxième temps nous
allons démontrer que l’application d’une TVA « parfaite » à Madagascar est confrontée à
des réalités différentes. Par rapport à ces spécificités du tissu socioéconomique malgache
des ajustements et adaptations par rapport au principe de neutralité et de modèle de gestion
efficiente seront présentés dans la dernière partie de notre étude.
4
PREMIERE PARTIE :
DE L’EFFICACITE ECONOMIQUE D’UN IMPOT AUX VERTUS DE LA TVA
Par sa nature de taxe sur la consommation, on considère que la TVA est un impôt neutre
économiquement. La neutralité d’un impôt constitue un des critères d’évaluation de son
efficacité économique. Mais son appréciation ne peut être effectuée que par la théorie de
l’incidence fiscale. Suivant cette théorie ceux qui supportent l’impôt pourraient différer de
ceux chez lesquels celui-ci est perçu. En effet un ensemble complexe de changements tant
dans les prix que dans les comportements au niveau de la demande ou de l’offre pourrait
être induit par la fiscalité.
Avant d’expliciter la neutralité de la TVA et son efficacité, il conviendrait de voir en
premier lieu la théorie de l’incidence et de neutralité fiscale ainsi que les critères
d’évaluation d’un impôt.
5
Chapitre 1. Les effets économiques de la fiscalité : incidence et neutralité fiscale
L’équilibre économique est modifié par l’introduction d’un impôt. Le bien être de tous les
agents se trouve être affecté de façon parfois difficile à prévoir. Mais le problème consiste
à identifier qui sont ces personnes : s’agit-il des actionnaires, des consommateurs, des
salariés ou des fournisseurs? Et dans quelles proportions? La théorie de l’incidence fiscale
permet de déterminer qui paie l’impôt, au-delà des apparences juridiques.
Pour limiter sa charge fiscale, le comportement d’un agent se modifie suite à l’introduction
d’un impôt. Ainsi les consommateurs pourraient réduire leur consommation du bien taxé et
leur demande pourrait se diriger vers des biens substituts, ce qui accroît leur prix. C’est
donc dire que les consommateurs de ces substituts sont touchés par la taxe. Mais l’analyse
qui tiendrait compte de toutes ces réactions relève d’une analyse en équilibre général. Une
telle approche serait fort complexe. Aussi les études d’incidence fiscale se contentent-elles
habituellement d’une analyse partielle.
1.1. L’incidence fiscale ou charge fiscale excédentaire en équilibre partiel
Si on veut déterminer qui supporte le fardeau fiscal il convient tout d’abord de distinguer le
point d’impact d’une taxe et son point d’incidence.
1.1.1. Les points d’impact et d’incidence fiscale
Le point d'impact d'une taxe correspond à l'agent identifié par la loi fiscale comme devant
remettre le montant de la taxe à l’Etat; c’est celui qui écrit le chèque par exemple. On
désigne parfois le point d’impact par le terme d’incidence légale.
En ce qui concerne le point d'incidence d’une taxe, il s’agit de l'agent qui supporte
véritablement le fardeau de la taxe, celui dont le bien-être est réduit à cause de la taxe. On
utilise aussi le terme d’incidence économique dans ce cas. L’impôt sur les bénéfices des
sociétés a comme point d’impact les sociétés. En effet ce sont les sociétés qui doivent
remettre l’impôt à l’Etat. Mais tout impôt est en dernier ressort supporté par des personnes
non pas des institutions.
6
1.1.2. Modèle de base et les déterminants de l’incidence fiscale en équilibre partiel
L’approche la plus simple de l’incidence fiscale consiste à isoler le marché considéré.
Supposons qu’on crée une taxe sur un certain bien dont le prix d’équilibre était jusqu’alors
P*(7). Le prix payé par les acheteurs P0=(P*+t) et le prix perçu par les vendeurs (C0)
différeront donc du montant de la taxe. Si les vendeurs répercutent entièrement la taxe sur
leurs prix de vente en maintenant P0=P*, ils ne parviendront pas à écouler toute la quantité
de bien qu’ils souhaitent vendre, puisque l’instauration de la taxe réduit la demande. Un
nouvel équilibre ne peut donc pas s’établir que si les vendeurs acceptent de réduire leur
prix de vente.
Ainsi l’incidence fiscale ne dépend pas de l’identité de l’agent qui doit remettre la taxe à
l’Etat. Elle dépend plutôt des conditions du marché. Précisément il s’agit de l’élasticité de
l’offre et de la demande. Ce sont ces élasticités qui déterminent dans quelle mesure une
taxe se répercute sur le prix du produit taxé. Une taxe est supportée par l’acheteur dans la
mesure même où elle se traduit par une hausse de prix. Elle est supportée par le vendeur
lorsque le prix n’augmente pas.
Théoriquement, suivant Dalton(8), plus les agents sont en mesure de modifier leur
comportement, c’est à dire plus leur demande ou leur offre est élastique, plus ils évitent la
taxe; celle-ci est alors répercutée sur leurs partenaires dans l’échange. De l'acheteur et du
vendeur, celui qui est le plus flexible peut le plus éviter la taxe et la répercuter à l'autre. Si
l'acheteur accepte de consommer moins du produit taxé quand son prix augmente, cela
force le vendeur à absorber lui-même la taxe plutôt que d’augmenter son prix et de perdre
ses clients. Le vendeur choisit alors de réduire sa marge bénéficiaire plutôt que de perdre
des clients. En revanche, si l’acheteur est peu sensible au prix, le vendeur peut lui
répercuter la taxe sous forme de hausse de prix, sans crainte de perdre beaucoup de clients.
Pour être fixé sur l’effet des élasticités sur le partage de la charge fiscale et l’équilibre
économique nous allons faire une analyse graphique de quelques situations suivant les
7 Terme utilisé dans tous les graphiques à partir de la page 7 et suivants 8 SEMEDO, Gervais,Economie des finances publiques,Ellipses,Paris,2001,p.99
7
présentations de Gillespie et Vermaeten (9). Dans tous les cas la perte de bien-être est
toujours illustrée par le triangle hachuré et la taxe est identique dans les quatre cas.
Graphique n° 1. Incidence fiscale : offre et demande identiquement inélastiques
Dans tous les cas, la courbe d’offre se déplace vers le haut du montant de la taxe(10). Le
consommateur supporte l’effet de la taxe car le prix payé augmente de P* à P0. Le
producteur subit aussi l’effet de la taxe car le prix reçu diminue de P* à C0. Comme les
courbes d’offre et de demande sont également inélastiques, la hausse du prix payé par les
consommateurs est identique à la baisse de prix reçu par les producteurs et les recettes
fiscales (rectangles A et C) sont réparties également entre les deux agents (rectangle A
pour les consommateurs et rectangle C pour les producteurs). La perte de bien-être illustrée
par le triangle hachuré ou triangle de Dupuit, qui représente la charge excédentaire ou perte
sèche de la collectivité engendrée par le transfert de ressources du secteur privé vers le
secteur public et les distorsions qu’il a crées, est faible car les quantités transigées ont peu
diminué.
9 GILLESPIE W.I.; VERMAETEN F ;. VERMAETEN A, «Tax Incidence in Canada», Revue fiscale
canadienne, 1994, Vol. 42, # 2. 10 On suppose que la fonction de l’offre est de la forme O=ax+b et qu’après l’introduction de la taxe t elle devient O’=ax+(b+t), ce qui se traduit par un changement d’origine vers le haut
8
Graphique n° 2. Incidence fiscale : offre et demande identiquement élastiques
Comme les courbes d’offre et de demande sont également élastiques, les recettes fiscales
(A+C) sont réparties également entre les deux agents. La perte de bien-être illustrée par le
triangle hachuré est importante car les quantités transigées ont fortement diminué.
Graphique n° 3. Incidence fiscale : demande plus élastique que l’offre
Comme la courbe de demande est plus élastique que la courbe d’offre, les recettes fiscales
sont réparties inégalement et proviennent en grande partie des producteurs (rectangle C).
9
La baisse du prix reçu par les producteurs est beaucoup plus grande que la hausse du prix
payé par les consommateurs. La perte de bien-être est illustrée par le triangle hachuré.
Graphique n° 4. Incidence fiscale : offre plus élastique que la demande
Comme la courbe d’offre est plus élastique que la courbe de demande, les recettes fiscales
sont réparties inégalement et proviennent en grande partie des consommateurs (rectangle
A). La hausse du prix payé par les consommateurs est beaucoup plus grande que la baisse
du prix reçu par les producteurs. La perte de bien-être est illustrée par le triangle hachuré.
L’analyse précédente permet tout au plus d'identifier l'incidence première de la taxe. Elle
ne tient pas compte des réactions ultérieures de l’ensemble des marchés, qui peuvent
modifier son incidence ultime.
Les cas que nous avons étudiés suppose que la taxe est imposé au vendeur (11).Mais dans le
cas où la taxe est supporté par le consommateur(12) on rencontre la même conclusion :
c’est toujours l’élasticité relative qui détermine l’incidence fiscale comme l’illustre le
graphique 5.
11 ce qui se traduit par l’équation O’=ax+(b+t) où t est la taxe 12 la fonction de la demande D=ax-b devient D’=ax-b-t
10
Graphique n° 5. Incidence fiscale : cas d’une taxe imposé au consommateur
Comme nous le voyons sur le graphique n°5 le fardeau fiscal est partagé par le vendeur et
le consommateur. Cette analyse graphique confirme encore une fois que l’incidence ne
dépend pas de celui que la loi désigne mais des élasticités relatives.
Il se dégage une conclusion fondamentale de l’analyse précédente : peu importe la
personne désignée par la loi comme devant payer une taxe au gouvernement, peu importe
le point d’impact d’une taxe, son incidence dépend des élasticités relatives de l’offre et de
la demande du bien taxé. Ce résultat est mal compris par nombre d’intervenants en matière
de taxation. Cela explique probablement que la plupart des régimes fiscaux prévoient des
cotisations patronales et des cotisations salariales pour financer les programmes de sécurité
sociale. Or ce n’est pas parce qu’une cotisation est patronale qu’elle est supportée par le
patron; elle peut fort bien être supportée par le salarié. Et ce n’est pas parce qu’une
cotisation est salariale qu’elle est supportée par le salarié. Dans les deux cas, les parts
respectives du salarié et du patron dépendent essentiellement de l’élasticité relative de
l’offre et de la demande de main-d’oeuvre.
L’analyse qui a été faite en équilibre partiel suppose que les intervenants se conduisent de
manière parfaitement concurrentielle. Mais il convient de remarquer que lorsque les
producteurs jouissent d’un pouvoir de marché, les résultats sont assez différents. Le cas du
11
monopole a été pris par Salanié pour illustrer cette situation .Il se trouve que le prix toutes
taxes comprises augmente de plus que le montant de la taxe, ce qui est impossible sur un
marché concurrentiel (13).
1.2. Le critère de neutralité sous l’angle de l’optimalité économique
Comme nous l’avons démontré dans la section précédente l’introduction d’un impôt
comporte automatiquement une perte de revenu de la part des agents économiques en
fonction de l’élasticité de l’offre et de la demande. Le prélèvement fiscal entraîne donc
forcément un effet de revenu. Un impôt qui entraîne uniquement un tel effet est neutre par
rapport à l'allocation des ressources. Toutefois il engendre une charge fiscale excédentaire.
Le critère de neutralité de l'impôt permet donc de préciser les conditions d'une affectation
optimale des ressources malgré l'intervention fiscale du secteur public. La neutralité serait
donc un critère essentiel qu'un impôt devrait satisfaire (14).
Mais pour être neutre, un impôt ne doit pas modifier les conditions d'équilibre atteintes sur
les trois marchés(15). Une violation de ces conditions se produit lorsque l'introduction d'un
impôt entraîne un effet de substitution. C'est par exemple le cas d'un impôt sur la
consommation qui frappe deux biens de manière différente (à des taux différents).
En d’autres termes l’impôt le plus efficace en théorie est celui qui ne peut être répercuté et
qui ne déforme pas la structure des prix relatifs. Il n’exerce qu’un effet revenu (une
ponction sur le pouvoir d’achat de l’individu) et pas d’effet de substitution. En effet on
considère qu’en modifiant les choix des agents économiques, par effet de substitution, un
impôt(16) occasionne une charge sur l’économie hors budget de l’État.
Il faut noter que la position d’équilibre est définie par les conditions d'optimalité de
Pareto:l'optimum économique se définit par l'égalité entre les taux marginaux de
13 SALANIE(Bernard).-« Théorie économique de la fiscalité ».-Paris : Economica, 2002.-p.27 14
Cette vision doit forcément être atténuée car l'emploi d'impôts non neutres (et donc jugés à priori négatifs) est souhaitable lorsqu'il s'agit d'intégrer des effets externes dans le but de corriger l'allocation des ressources. 15 Marchés des facteurs de production, des capitaux et des produits 16On considère que la mesure monétaire d’un impôt n’est pas une charge pour l’économie parce qu’elle est compensée par l’utilité que les agents économiques retirent des dépenses collectives, financé via le budget de l’Etat par l’impôt prélevé
12
transformation (TMT) et de substitution (TMS) et cela dans les trois marchés,des produits,
des facteurs de production et des capitaux. Prenant comme exemple le marché des
produits, les deux taux s'expliquent de la façon suivante :
- taux marginal de substitution: il s'agit de la quantité supplémentaire d'un bien qu'un agent
accepte d'acquérir en sacrifiant une unité d'un autre bien lorsque les prix relatifs varient;
- taux marginal de transformation: il s'agit de la quantité supplémentaire d'un bien qu'un
agent peut techniquement acquérir ou produire en sacrifiant une unité de l'autre bien.
Les impôts ayant pour effet de modifier les prix des biens et des facteurs de production, les
distorsions seront d’autant plus fortes que les décisions des agents économiques seront
sensibles au prix. Encore une fois l’importance de leurs réactions à l’impôt dépend de la
valeur de l’élasticité de leurs offres et de leurs demandes par rapport aux prix et revenu.
Ainsi un impôt sur la consommation qui ne s’appliquerait qu’à un seul bien de première
nécessité, sans substitut, ne créerait quasiment pas de distorsions car la demande de ce bien
est rigide par rapport au prix. C’est ainsi que la règle de taxation optimale de Ramsey-
Boiteux, précise que les taux d’imposition des biens doivent être inversement
proportionnels à l’élasticité de leur demande afin de minimiser l’effet de substitution et de
ce fait les distorsions.
1.2.1. Effet d'un impôt sur le choix des consommations
La question de la neutralité de l’impôt est expliquée ici sur le seul marché des biens de
consommation. Pour être fixé sur la neutralité d’un impôt sur le comportement d’un agent
économique nous allons prendre l’application d’un impôt général et sélectif sur deux biens
X et Y à travers une analyse graphique.
13
Graphique n° 6. Impôt et distorsion de choix de consommation
Hypothèses
Les agents économiques n'ont à choisir qu'entre deux biens X et Y.
La décision dont il est question n'affecte pas leur comportement en matière de loisirs et
d'épargne.
La situation initiale est formalisée dans un marché de concurrence pure.
Le rendement fiscal est supposé constant.
Les courbes d'indifférence I1, I2, I3 sont homogènes et représentent les préférences d'un
individu type.
Equilibre initial
L'équilibre initial se trouve en E, au point de tangence entre la ligne du budget ab et la
courbe d'indifférence I3. Avec son revenu, le consommateur type peut acheter une quantité
(0a) de produit Y ou (0b) de produit X. Compte tenu de ses préférences, il choisit la
combinaison (0l) de bien Y et (0m) de bien X.
1.2.1.1. Impôt général sur la consommation de X et Y
Le montant de l'impôt est égal à (ca) (en termes de Y) ou (db) (en termes de X), pour un
taux d'impôt qui équivaut à (a
ca0
)=(b
db0
)
E
14
La contrainte budgétaire se déplace horizontalement (cd). Cet impôt a donc comme effet
de réduire le revenu disponible de l'individu (effet de revenu), sans toutefois affecter son
choix de consommation (il n'y a pas de distorsion de l'allocation des ressources, le taux
marginal de substitution en f étant égal à celui en e: le rapport des prix relatifs n'a pas
changé). Il va maintenant maximiser son bien-être au point f pour une consommation (0n)
de Y et (0j) de X.
1.2.1.2. Impôt sélectif sur la consommation du seul bien X
Pour un même rendement fiscal, le taux de cet impôt spécifique sur le bien X doit
être égale à b
kb0
. Le nouvel équilibre se trouve en g, et indique une consommation (0h) de
bien Y et (0i) de bien X. Au point d'équilibre, la pente de la droite de budget (ak), qui
équivaut au taux marginal de substitution (la dérivée de la courbe I1 au point g), est plus
forte que celle de la droite cd correspondant au taux marginal de transformation. Cela
s'explique par le fait que l'impôt sélectif sur le bien X entraîne une hausse du prix relatif de
celui-ci, en modifiant ainsi le TMS. En revanche, le TMT reste inchangé par rapport à la
situation précédente, puisqu'il représente la tangente à la frontière des possibilités de
production. Il s'agit de données techniques que l'impôt n'influence pas. Nous avons donc:
TMT = (0a/0b)=(0c/0d)=TMS en e et en f< TMS en g=(0a/0k)>TMT
La condition d'égalité entre le TMS et le TMT (nécessaire à l'allocation optimale des
ressources) n'étant plus respectée, un impôt sélectif sur la seule consommation de X n'est
donc pas neutre. Elle provoque une distorsion dans l'allocation des ressources en entraînant
une réorganisation des choix individuels de consommation (effet de substitution car le
rapport des prix relatifs des deux produits est modifié en défaveur de X).
Nous avons donc graphiquement, en approximation, un effet de revenu illustré par le
passage de l’équilibre de e en f avec un impôt général proportionnel sur X et Y (comme la
TVA), et un effet de substitution par le glissement de f vers g avec un impôt sélectif sur le
seul bien X, mais de même rendement fiscal.
15
1.3. Des critères complémentaires d’évaluation d’un impôt :
Le critère de neutralité constitue un critère dominant dans l’évaluation d’un impôt. Il existe
cependant d’autres critères, dont l’importance varie selon les circonstances, selon le type
d’impôt, selon l’administration concernée. Quatre critères sont le plus souvent utilisés par
les économistes. Il s’agit du critère de rendement, de simplicité, de flexibilité et de
stabilité.
1.3.1. Le critère de rendement
Le système fiscal doit procurer le niveau de recettes souhaité. Il se trouve cependant que
certains impôts ont un meilleur rendement que d’autres, plus faciles à recouvrer et
comportent moins de risques de fraude et d’évasion fiscales. Le nombre des redevables, la
matière taxable, les catégories de redevables sont des éléments susceptibles d’influencer le
rendement de l’impôt.
Il est admis qu’un impôt à large assiette et à taux faibles a un meilleur rendement qu’un
impôt à assiette étroite et à taux élevés.
1.3.2. Le critère de simplicité
1.3.2.1. La transparence et l’accessibilité des règles fiscales
Un impôt simple est plus facile à administrer, plus compréhensible pour le contribuable et
donc susceptible d’être mieux accepté. Il contribue à la transparence du système fiscal.
Ainsi un impôt dont le calcul est plus compréhensible est facilement accepté par les
contribuables.
La complexité d’une loi fiscale augmente le coût du consentement fiscal d’un impôt et de
ce fait les contribuables sont incités à ne pas respecter leurs obligations. Ainsi une loi
comportant peu d’exonérations, un seuil d’imposition suffisant un taux unique est plus
facile à appliquer autant par l’usager que l’administration.
L’étude sur le droit d’accise à Madagascar en 1998 corrobore l’importance du principe de
simplicité en matière fiscale. Suivant cette étude le respect de la législation fiscale
16
engendre des coûts aux entreprises. Ces coûts se traduisent par différentes dépenses en
termes monétaires, psychologique, temps et autres coûts.(17)
Ainsi, l’interprétation du texte aussi bien que le recrutement de personnel pour le calcul
des taxes sont générateurs de coût. Une divergence sur l’interprétation du texte fiscal
pourrait être source de contentieux ente l’administration fiscale et les entreprises. Les coûts
psychologiques et en terme de temps que monétaires d’une telle situation pourraient être
importants pour une petite entreprise.
Par ailleurs, la superposition de textes, les imprécisions, les complexités, voire les
contradictions, constituent des obstacles à une application efficace de l’impôt et sont à
l’origine d’un climat d’insécurité pour le contribuable. La précision du langage technique
est nécessaire pour définir le régime des impôts. Cependant, la technicité n’exclut pas un
effort drastique de simplification et de clarté des textes. En outre dès l’instant où
l’audience devient plus large, des efforts de vulgarisation doivent être engagées. En effet,
l’information des contribuables est une condition d’acceptation de l’impôt et contribue à la
transparence fiscale.
1.3.2.2. L’information condition d’acceptation de l’impôt
L’administration fiscale souffre traditionnellement d’une image largement négative
contrairement à la plupart des administrations régaliennes. L’impôt n’étant jamais ressenti
comme une réalité agréable. C’est ainsi que ceux qui ont la charge de l’administrer sont
souvent placés face à des rapports difficiles à gérer, allant même à la limite du conflit
ouvert.
C’est pour cette raison que la plupart des administrations fiscales des pays modernes
s’efforcent de développer, depuis plusieurs années, une politique de relations publiques en
direction des contribuables. De plus, la gestion de l’impôt et le contrôle sont certainement
voués à demeurer pour longtemps encore des tâches administratives ingrates, en étant peu
susceptibles d’attirer la sympathie des citoyens (18).
17 ANDRIANOMANANA (Pépé) et alii.- « Les droits d’accise à Madagascar ».- Economie de Madagascar n°3, octobre 1998.- p.228 18 BOUVIER (Michel).- « Introduction au droit fiscal et à la théorie de l’impôt ».- Paris : LGDJ ,1998.- p. 166
17
Dans un pays comme Madagascar, où le taux de pression fiscale est très faible,
comparativement à celui rencontré dans les pays industrialisés, nous pouvons nous poser la
question de savoir si la légitimité de l’impôt, et de la perte de sens du devoir fiscal ne
résulterait pas sur le fond d’une inefficacité voire de l’inexistence d’une information
suffisante des contribuables, car en effet, selon diverses enquêtes, le non respect du cadre
réglementaire par les activités informelles par exemple, résulte souvent, non d’un acte
intentionnel mais de l’ignorance des règles. Ainsi, suivant l’enquête Madio de 1998 (19),
entre 60% et 90% des UPI ne connaissent pas la réglementation. En effet, ces UPI
considéreraient que l’insertion au registre fiscal ou du commerce n’est pas obligatoire et
que par ailleurs elles ne savent pas auprès de quelle institution il faudrait s’adresser. Donc,
ce serait avant toute la méconnaissance des obligations juridiques et fiscales qui conduit les
UPI à ne pas se déclarer.
Dans la deuxième partie de ce travail et partant de ce constat nous pouvons maintenant
nous demander si les actions entreprises par l’administration fiscale pour éclairer les
contribuables sur leurs obligations fiscales ont été suffisantes en matière de TVA.
1.3.3. Le critère de flexibilité
Un impôt flexible s’adapte rapidement aux nécessités de la politique conjoncturelle. Plus
sa base d’imposition ou assiette est sensible à l’évolution de l’activité économique, plus
l’impôt joue son rôle de stabilisateur automatique.
Les impôts sur la dépense ont cette sensibilité par rapport aux impôts sur le capital par
exemple. La pratique du prélèvement à la source permet une adaptation plus rapide des
rentrées fiscales à la conjoncture.
1.3.4. Le critère de stabilité
La stabilité des recettes procurées par l’impôt est une qualité d’autant plus appréciable que
les administrations publiques doivent faire face à des dépenses incompressibles ou
programmées et que leurs capacités d’emprunt sont limitées. Les collectivités locales y
sont très attachées.
19 PAILLAUD et al., op. cit., p.195
18
Ces différents critères d’appréciation de l’impôt sont très souvent contradictoires. Un
impôt peut difficilement être flexible et stable à la fois. La neutralité peut être incompatible
avec l’équité. La personnalisation de l’impôt par rapport à la capacité contributive de
chacun engendre un certain degré de complexité. Les allègements fiscaux pour des raisons
d’équité ou d’efficacité diminuent le rendement de l’impôt.
Ainsi, la recherche d’un impôt efficace nécessite que l’on fasse des arbitrages entre ces
différents critères. Cela implique qu’ils soient hiérarchisés. Selon les critères privilégiés,
les choix vont différer et le résultat également.
19
Chapitre 2. Les principes vertueux de la Taxe sur la Valeur Ajoutée
Les principes généraux de la TVA sont bien connus. Pour permettre une analyse de la
situation à Madagascar il conviendrait d’analyser ces caractères vertueux. En effet, ces
principes théoriques doivent régir le système de TVA pour qu’il soit optimal au sens
économique.
2.1. La TVA, un impôt neutre
Par définition la TVA est une taxe sur la consommation (20). La neutralité de la TVA se
situe donc par rapport au circuit économique, aux coûts de production, aux décisions
d’investissement et vis à vis des transactions commerciales internationales.
2.1.1. La neutralité de la TVA par rapport au circuit économique
La neutralité de la TVA par rapport au circuit économique est expliquée par le mécanisme
de la taxe unique à paiements fractionnés (TUPF).
En principe, le mécanisme de perception de la taxe fonctionne à chaque stade de la
production ou de distribution selon une appellation dite en cascade. Ainsi, à chaque étape
de l’opération économique, le redevable légal de la taxe, c'est-à-dire le commerçant,
l’industriel, le prestataire de services, doit calculer et facturer à son client une TVA qui
vient s’ajouter au prix de vente. En outre, à la TVA qu’il a encaissée, appelée aussi
collectée ou TVA brute, le redevable légal doit défalquer la TVA qu’il a lui-même payée,
ou TVA déductible, lors de l’acquisition auprès de ses fournisseurs de biens et services.
Ainsi, théoriquement la TVA est due à chacun des stades du circuit mais chaque redevable
peut déduire la taxe qui lui a été facturée par la personne qui l’a précédé dans le circuit.
En définitive, quelle que soit la longueur du circuit économique la TVA ne devrait pas
influer sur le niveau de la charge fiscale supportée par le consommateur final. La TVA tire
son caractère neutre de ce système de la TUPF. Mais en quoi consiste exactement la
20 La TVA est aussi une taxe sur le chiffre d’affaire car on détermine son montant en appliquant son taux sur le prix de vente. Mais grâce au système de déduction appliqué au niveau des vendeurs, explicité dans toute la section 21, la TVA retrouve son caractère de taxe sur la valeur ajoutée. Cette dernière s’entend comme la différence entre le prix de vente et le prix de revient.
20
neutralité de la TVA au niveau d’une entreprise ? La réponse à cette question fera l’objet
de la sous section suivante.
2.1.2. La neutralité par rapport au coût des intrants de production
Cette neutralité repose essentiellement sur la déduction ou effacement de la TVA ayant
grevé les consommations intermédiaires en amont d’une entreprise assujettie à la TVA.
Ainsi, cet effacement de la TVA permet d’éliminer les effets de cascade qui se traduisent
par le gonflement des prix et des coûts de production.
Par ailleurs, sur le plan comptable la TVA n’a aucune traduction sur le compte de résultat
de l’entreprise. Elle est donc neutre sur le compte de résultat. Dans le nouveau PCG 2005
la TVA déductible est enregistrée au débit du compte 4456 : Etat TVA déductible.
Pratiquement, pour l’investissement et le stockage de marchandises, la TVA n’a aucun
impact sur le coût de l’investissement ou sur le fait de stocker. Au niveau de la trésorerie
elle est provisoirement supportée par l’entreprise lors des acquisitions des immobilisations
ou achats de marchandises.
2.1.3. La neutralité au plan international de la TVA
Les produits exportés sont assujettis au taux nul mais ils peuvent tout aussi être affranchis
de la TVA tout simplement selon la réglementation en vigueur dans le pays. Ce principe
d’assujettissement au taux zéro ou d’affranchissement repose sur la « règle de destination »
en matière de fiscalité internationale.
La règle de destination, contrairement à la règle d’origine dans la quelle les arbitrages des
entreprises dépendent des prix TTC, est sous tendu par la théorie de la fiscalité optimale
de Diamond et Mirless. Cette théorie montre que dans une économie parfaitement
concurrentielle, un système fiscal optimal doit respecter l’efficacité productive.
Précisément il ne doit pas induire de distorsions dans les arbitrages des producteurs.
Le fondement de la règle de destination réside dans les conséquences de cette théorie qui
veut que :
21
- les biens intermédiaires (qui sont à la fois produits et utilisés par les producteurs) ne
doivent pas être taxés. Les échanges, même internationaux, entre entreprises
doivent se faire hors taxes.
- Les facteurs de production doivent présenter des coûts identiques pour tous les
producteurs
L’application du principe de destination de la TVA ne porte pas atteinte à l’efficacité
productive, c'est-à-dire n’induit pas de distorsions dans l’arbitrage des producteurs. En
effet, les arbitrages sur leurs consommations intermédiaires ne dépendent pas des prix TTC
dans la mesure où la TVA pourrait être déduite en totalité quel que soit le niveau de son
taux.
Explicitement cette règle signifie que les produits seront taxés sur les marchés étrangers de
destination. Ainsi, les exportateurs peuvent obtenir le remboursement des TVA qu’ils ont
payé en amont lorsqu’ils ne sont pas en mesure d’imputer la TVA qu’ils ont supporté sur la
TVA due au titre des ventes à l’intérieur du pays. La neutralité de la TVA réside donc sur
le plan international dans l’application du principe de déduction de la TVA.
Par ailleurs, les produits importés sont quant à eux frappés aux mêmes taux de TVA que
ceux appliqués sur leurs substituts locaux. En d’autres termes les importations ne sont ni
favorisées, ni défavorisées par la TVA car elles sont taxées au même titre que les produits
locaux, lors de leur entrée sur le territoire national.
Il faudrait aussi préciser que l’application de la TVA ne créerait pas d’interaction entre les
politiques fiscales des différents Etats. En principe dans le cadre d’une concurrence
parfaite, avec des facteurs de production mobiles, le principe de destination n’entraîne pas
aucune externalité par le canal du prix à la consommation. Les prix nationaux dépendent
des taux de la TVA nationale et non pas de ceux des partenaires commerciaux. Chaque
Etat peut ainsi définir son système fiscal indépendamment.
La TVA ne créerait pas d’externalité fiscale dans la mesure où le taux de TVA fixé par un
Etat n’influe pas sur les arbitrages des autres Etats dans la fixation de leur propre taux.
22
Ainsi par ces caractères vertueux, la TVA constituerait un impôt tout à fait neutre mais ce
n’est pas son seul avantage. La TVA représente un impôt à fort rendement dans les pays
l’ayant adopté comme Madagascar.
2.2. La TVA, levier de la performance fiscale
Deux aspects pourraient être retenus pour apprécier ce caractère vertueux de la TVA. En
effet, il s’agit de voir son importance dans les recettes fiscales et sa sensibilité par rapport à
l’activité économique.
2.2.1. Le caractère « leader » de la TVA
Avec sa nature d’impôt indirect conjuguée avec sa neutralité économique, la TVA connaît
un rendement élevé par rapport aux autres impôts. Cet activisme de la TVA est dû à son
effet « anesthésiant » ou indolore. Ainsi, l’argument avancé par Ngaosyvathn (21) selon
lequel cet effet est illusoire (22) ne résiste pas à la neutralité de la TVA. En effet,
contrairement aux autres impôts sur les chiffres d’affaires la TVA n’exerce pas en principe
d’effets inflationnistes. Ce qui n’était pas le cas de la TST à Madagascar en 1994.
Pour étayer notre argument, il convient d’illustrer ce caractère « leader » de la TVA à
travers la réalité malgache. Mais cette illustration n’enlève en rien la validité de ce
caractère de la TVA, dans les autres pays. Ainsi, il convient d’apprécier l’évolution des
recettes de la TVA par rapport aux principaux impôts à Madagascar.
21 NGAOSYVATHN (Pheuiphan).- « Le rôle de l’impôt dans un pays dans les pays en voie de dévéloppement / Appréciation de l’influence exercée par les structures économiques et socio-politiques sur le prélèvement fiscal ».- Paris : LGDJ, 1978.- p. 69 22 Ngaosyvathn faisait surtout référence aux divers émeutes et coups d’etats à la suite du relèvement du taux des impôts indirects notamment au VietNam, Niger, …..
23
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2001
2002
2003
Md
s d
'Ar
Recette DGI
IRNS
IRSA
IBS
TVA intérieure
Graphique n° 7. Evolution comparée des principaux impôts prévus par le CGI
malgache (1994-2003)
Source :DGI/ DELF/ SSID
A la lumière de ce graphique, la TVA devance sensiblement l’Impôt sur les bénéfices des
sociétés ou IBS et constitue à ce titre le premier impôt pourvoyeur de recette fiscale
intérieure à Madagascar. Toutefois lors de la diminution de taux de 25% à 20% en 1995
une tendance à la baisse a été constatée. Il en est ainsi lors de la crise politique de 2002.
Aussi, la TVA est-elle sensible à l’évolution des activités économiques.
2.2.2. Le caractère réactif de la TVA
C’est la notion de sensibilité de l’impôt qui est utilisée pour apprécier les réactions plus ou
moins rapides de celui-ci aux fluctuations économiques. En effet, suivant qu’un impôt est
peu ou très sensible, son rendement diminuera ou augmentera plus ou moins rapidement.
Cette sensibilité est traditionnellement liée à la nature de la matière imposable ainsi qu’aux
techniques de prélèvement utilisées. Ainsi, la TVA avec sa nature d’impôt sur la dépense
est un impôt très sensible car en relation directe avec le niveau de la consommation.
24
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40000
PIB
en
millia
rds
de
Fm
g
TUT -TST - TVA int
PIB
La TVA présente à ce titre un avantage financier considérable pour l’Etat. Nous constatons
sa grande réactivité par rapport à l’évolution de la conjoncture et au niveau des prix. Ainsi,
le rendement de la TVA s’adapte immédiatement aux mouvements de l’activité
économique.
Pour apprécier ce caractère, nous pouvons observer le comportement du rendement de la
TVA par rapport à un indicateur de l’activité économique. Le Produit intérieur brut ou PIB
constitue à ce titre un excellent indicateur dans la mesure où il représente la somme des
valeurs ajoutées de l’ensemble des branches de production d’un pays. Mais nous tenons à
préciser que d’autres indicateurs peuvent être retenus comme la consommation,
l’investissement. Cependant, la référence au PIB nous paraît la plus pertinente.
Graphique n° 8. Evolution des recettes de TVA(23) et du PIB à Madagascar (1993-
2003)
Source : DGI/ DELF/ SSID
Malgré la différence d’échelle, l’évolution des recettes de la TVA est effectivement en
relation étroite avec celle du PIB. Ainsi la baisse du PIB en 2002 a été suivie d’une
réduction des recettes de la TVA.
23 il s’agit de chiffres globaux pour l’ensemble des toutes les taxes sur le Chiffres d’affaires : TUT, TST, TVA intérieure
25
Mais au-déla de son caractère réactif, la TVA influencerait aussi le rendement des autres
impôts et de ce fait jouerait un rôle important dans la transition fiscale. Il s’agit des effets
induits des principes vertueux de la TVA.
26
Chapitre 3. Des effets induits des vertus de la TVA
Outre les caractéristiques de la TVA que nous avons vues jusqu’ici, elle présente aussi un
d’autres avantages majeurs au profit des recettes publiques. En effet, elle facilite le travail
de l’administration fiscale à travers la facilitation du recouvrement des autres impôts et de
ce fait la transition fiscale.
3.1. Le caractère informatif de la TVA sur le recouvrement des autres impôts
La TVA serait un impôt facile à contrôler et aide à améliorer les recouvrements d’autres
impôts. En principe, l’administration fiscale est en mesure de suivre dans les comptabilités
des entreprises les transactions qui forment la base de l’impôt notamment des chiffes
d’affaires pour celle de la TVA. Par ailleurs, avec la nécessité du système d’identification
fiscale (24) du fournisseur pour obtenir la déduction, un véritable registre des transactions
liées au commerce peut être constitué. Particulièrement à Madagascar, le CGI impose aux
assujettis d’annexer à leur déclaration de TVA la liste de leurs fournisseurs et clients
suivant un modèle défini par l’administration fiscale. Le format de ces annexes à la
déclaration est présenté en Annexe n°I.
De ce fait, ces informations constituent des sources internes précieuses de recoupement
pour l’exercice du contrôle fiscal des autres impôts. A titre d’illustration, en 2004 à partir
des registres de vente de boissons de la Société Tananarivienne de Réfrigération ou STAR,
l’administration fiscale a pu facilement redresser les IRNS et TCA des clients du STAR sur
trois années (25).
En définitive, les obligations particulières relatives à la TVA constituent des sources
d’informations propres à améliorer le rendement des autres impôts. Aussi, ces informations
devraient-elle être exploitées avant de recourir aux autres informations d’origine extérieure
ou provenant des administrations voisines telles que le Trésor ou la Douane.
Mais les effets induits de la TVA ne se limiteraient pas seulement au niveau des recettes
fiscales. Elle exercerait aussi des effets induits au niveau des assujettis à la TVA.
24 l’utilisation du système d’identification unique des contribuables, utilisé en matière de TVA ,pour tous les impôts, droits et taxes n’a été envisagé qu’en 1996 dans le cadre du Document cadre de politique économique(DCPE) 25 PTA 3ème trimestre 2004 de la DGI. Il s’agissait d’action de recoupements à partir des registres de vente de boissons star
27
3.2. La TVA dans la modernisation de la pratique des affaires
3.2.1. Les obligations relatives à la TVA
Principalement, c’est le Code général des impôts notamment les dispositions en matière de
TVA qui exigent des contribuables assujetties à la TVA la tenue d’une comptabilité et
l’obligation de facturation. Mais il faut préciser qu’en plus de ces deux obligations, ils sont
tenus à la déclaration et au paiement de la TVA qui peut s’effectuer de manière mensuelle
ou trimestrielle. Mais dans cette partie, nous insisterons surtout sur les deux premières
obligations dans la mesure où elles exerceraient des incidences majeures sur la pratique des
affaires.
Concernant la tenue d’une comptabilité régulière, elle est exigée explicitement par les
dispositions de l’article 06 01 26 du CGI. Actuellement, cette comptabilité doit être
conforme au nouveau plan comptable général 2005. Par ailleurs, la tenue d’une
comptabilité est exigée par la loi n° 99-018 du 02/08/1999 sur le statut de commerçant à
Madagascar.
Quant à l’obligation de facturation c’est l’article 06 01 27 du CGI qui l’exige. En outre, les
factures doivent respecter les mentions obligatoires explicitées par les dispositions de
l’article 20 06 18 du CGI. Par ailleurs, le prix hors taxe de la marchandise ou du service et
le montant de la taxe correspondante doit obligatoirement être distingués. Au delà de
l’obligation de facturation, toutes les factures, les quittances des droits et taxes payés à
l’importation ou autres pièces présentant un intérêt dans la détermination de la TVA
doivent être présentées à l’administration sur sa demande et sous peine de sanction.
En plus de ces obligations, les assujettis sont tenus d’annexer à leur déclaration la liste de
leurs fournisseurs ainsi que celle de leurs clients relatifs à la période déclarée. Comme
nous l’avons vu précédemment, ce registre est susceptible d’améliorer le recouvrement des
autres impôts.
3.2.2. Les incidences des obligations sur la normalisation des affaires
Au-delà de son rôle fiscal la facture présente d’autres fonctions. En effet, ce document est
de nature à jouer un rôle probatoire non négligeable qui jouera en faveur du développement
de la pratique des affaires.
28
La fonction probatoire de la facture peut être appréciée suivant qu’elle est utilisée à
l’encontre du fournisseur ou du client. Contre le fournisseur, elle peut être invoquée pour
apporter la preuve des engagements du fournisseur. A l’égard du client par contre, la
facture peut constituer la preuve de l’existence d’une convention entre les parties et des
éventuelles conditions générales applicables à l’opération donnant lieu à facturation. Il
s’agit par exemple des services après vente ou le délai de garantie.
En tant que preuve des engagements du fournisseur qui la délivre, la facture établit
l’existence du contrat. De plus, en matière commerciale le principe est la liberté de preuve
suivant l’article 41 de la loi sur les commerçants. Ainsi, le client peut donc se prévaloir de
cette force probante contre le fournisseur qui tenterait de se soustraire à ses obligations ou
de nier l’existence de la relation juridique avec le client.
En matière fiscale, la facture est au centre du régime juridique de la TVA. En effet, c’est le
CGI qui l’exige. Mais la fonction fiscale de la facture peut être résumée en trois points :
• premièrement, elle permet à l’entreprise de justifier le cas échéant son droit à
déduction ainsi qu’à remboursement ;
• deuxièmement, la facture permet à l’administration fiscale d’exercer son contrôle ; et
• troisièmement, elle contient les informations nécessaires à l’application du régime de
la TVA, notamment grâce aux mentions obligatoires exigées par les dispositions de
l’article 20 06 18 du CGI, c'est-à-dire le nom ou la raison sociale, le numéro
d’immatriculation fiscale du fournisseur et du client, la quantité et le prix unitaire et
le prix total des marchandises vendues ou prestations effectuées, la date du règlement
et le mode de paiement.
En ce qui concerne la tenue de la comptabilité, au-delà de sa finalité légale et obligatoire,
elle donne une image fidèle de la situation financière, de la performance de l’entreprise ou
de l’assujetti. En d’autres termes la comptabilité est un instrument d’information, de
contrôle, de prévision et de direction qui jouera en faveur de l’entreprise. En effet, toute
entreprise qui se veut rentable et qui veut survivre ne peut se passer de comptabilité.
Par ailleurs, la comptabilité est un facteur de transparence à l’égard des actionnaires. En
effet, la gestion de l’entreprise peut être appréciée à partir de la comptabilité.
29
Assortie de l’obligation de la tenue d’une comptabilité ainsi que l’exigence de facturation,
la TVA s’avère un impôt moderne nécessitant une culture documentaire. Cependant, nous
pouvons nous demander si les contribuables, dans un pays comme Madagascar, sont
informés des conséquences favorables attachées aux caractères vertueux de la TVA, ainsi
que des obligations qui lui sont attachées. Par ailleurs, la question qui émerge à cet égard
est la suivante : ont-ils la capacité ou la compétence pour assurer les exigences
documentaires de la TVA ?
Comme nous l’avons vu la TVA est un impôt sensible et neutre. Ces deux vertus lui
confèrent un potentiel dans l’amélioration des recettes fiscales sans oublier son caractère
informatif. De ces vertus la TVA joue un rôle important dans la transition fiscale d’un pays
en voie de développement comme Madagascar.
3.3. La transition fiscale, nécessité du développement
Pour comprendre la transition fiscale, il faudrait se situer par rapport au contexte actuel de
libéralisation commerciale ainsi qu’aux contraintes de financement de la lutte contre la
pauvreté dans un pays comme Madagascar. Dans le contexte de mondialisation, l’impératif
de l’intégration économique est présentée comme une piste de développement (26) Il s’agit
en premier lieu d’une intégration régionale. Ainsi, nous assistons actuellement à la création
de différentes organisations à vocation régionales.
Sur le plan des recettes publiques, la perspective de libre échange entraînerait la réduction
des tarifs extérieurs. Ainsi, à titre d’illustration en janvier 2001, pour se constituer en zone
de libre échange, neuf pays membres du CO ME SA (Common Market for Eastern and
Southern Africa) dont Madagascar fait partie ont accepté d’abolir leurs droits de douane
dans une proportion de près de 90% en moyenne selon Diouf. C’est dans cette logique que
les dispositions de l’article 163 ter du Code des Douanes malgache a été modifié
ainsi «Dans le cadre de l’intégration régionale, il est institué :
• Une réduction des droits de douanes de 100% en 2005 aux marchandises originaires
des pays de la Commission de l’Océan Indien ( COI ),
26 DIOUF (Makhtar).- « Mondialisme et régionalisme / le nouveau régionalisme en Afrique ».-( en ligne) http://www.ilo.org/public/english/wcsdg/docs/diouf.pdf (page consultée le 01 septembre 2006)
30
• Une réduction des droits de douanes de 100% en 2005 aux marchandises originaires
des pays membres de la CO. ME. SA. (Common Market for Eastern and Southern
Africa) qui ont adhéré à la Zone de Libre Echange (ZLE) sous réserve de la
réciprocité et d’alignement aux taux de droits des douanes en vigueur pour les pays
membres qui sont encore dans la Zone d’Echanges Préférentiels (ZEP). »( Loi de
Finances 2005)
En effet, depuis 1995 la conférence de l’initiative transfrontière27 à Maurice a déjà
recommandé les mesures suivantes pour accélérer le processus d’intégration en Afrique :
• Abolition de toutes les barrières douanières, à partir de 1998 ;
• Harmonisation des tarifs extérieurs à l’égard des pays tiers ;
• le nombre de taux ne doit pas dépasser quatre et
• le taux maximum doit se situer entre 20% et 25%
Les contraintes liées à l’ouverture économique impliqueraient un manque à gagner en
terme de recettes publiques notamment douanières. Pourtant, le financement des dépenses
publiques dans le cadre de la lutte contre la pauvreté constitue une priorité pour les pays en
voie de développement. Ainsi, la recherche de recette alternative intérieure s’avèrerait
nécessaire. Ce basculement d’un système fiscal tarifaire, fiscalité dite « de porte », à un
système fiscal interne constitue la transition fiscale. Ainsi, les pays africains comme
Madagascar doivent maintenir, voire augmenter leurs ressources tout en assurant la
transition fiscale. En d’autres termes il s’agit de substituer les ressources de fiscalité
interne à des recettes tarifaires désormais décroissantes (28).
Deux formes de transition fiscale se présenteraient aux pays en voie de développement. La
première transition s’effectue par fiscalité indirecte. Quant à la deuxième elle se rapporte à
l’amélioration de la fiscalité directe.
La deuxième forme de transition ne serait pas compatible avec les caractéristiques socio-
économiques des pays en voie de développement. En effet, la fiscalité directe interne ne
27 Le Cross Boarder Initiative ou Initiative Transfrontière n’est pas une institution mais un cadre d’harmonisation des politiques économiques des pays africains pour renforcer entre eux la stratégie d’intégration des marchés. 28 CHAMBAS (Gérard).- « Afrique au sud du Sahara : Mobiliser des ressources fiscales pour le développement ».- Paris : Economica, 2005 .- p. 3
31
permet pas d’apporter des ressources budgétaires très substantielles. Ainsi, elle ne pourra
pas constituer l’alternative à la diminution des tarifs extérieurs.
Dans un pays comme Madagascar, la fiscalité directe concerne une faible partie de la
population et sa contribution aux recettes a faiblement augmenté depuis le début des
années quatre vingt dix et son augmentation à court terme pour assurer la transition fiscale
ne serait pas possible.
Par ailleurs, à cette insuffisance de la performance de la fiscalité directe s’ajouterait aussi
la faiblesse de la capacité administrative de l’administration fiscale pour vérifier les
déclarations de revenus de chaque contribuable (29).
En définitive, des obstacles importants s’opposent à un développement rapide de la
fiscalité directe dans le cadre d’une transition fiscalo-douanière dans un pays comme
Madagascar.
De plus, le coût de collecte élevé des impôts sur les revenus estimé à 10% des taxes
prélevées constituerait un facteur d’échec à la transition fiscale (30). En effet, la Banque
Mondiale a estimé selon Gautier (2001) la charge administrative des tarifs douaniers entre
1% et 3% seulement des taxes prélevées (31).
3.4. La TVA pilier de la transition fiscale
Avec les contraintes liées à la mobilisation des recettes de la fiscalité directe, seule la
fiscalité indirecte interne, fondée sur une TVA « parfaite » et bien gérée, peut fournir des
recettes fiscales d’un niveau élevé. De plus la TVA n’entraînerait pas d’importantes
distorsions en raison de ses caractères vertueux.
Par ailleurs, avec la politique de libéralisation dans la quelle un pays comme Madagascar
s’est engagé, la nécessité de renforcement de la transition fiscale s’avèrerait évidente. A ce
29 CHAMBAS op cit., p. 89 30 GAUTIER (Jean François).- « Taxation optimale et réformes fiscales dans les PED /une revue de littérature tropicalisée .-DIAL, 2001.- p.22 [en ligne]http://www.dial.prd.fr/dial_publications/PDF/Doc_travail/2001-02.pdf (page consultée le 01 octobre 2006) 31 ibid., p.22
32
titre, grâce à sa qualité neutre sur les transactions commerciales internationales le rôle
central de la TVA se trouverait confirmé.
Conclusion partielle
Suivant le principe posé par Dalton le partage de la charge fiscale s’effectue suivant les
élasticités prix de la demande et de l’offre du produit. Ainsi, l’introduction d’un impôt
exerce un effet revenu en ponctionnant une partie du revenu des agents économiques et qui
se traduit dans la réalité par un changement dans la quantité échangée sur le marché sans
pour autant modifier les critères d’allocation optimale des ressources ou égalité des prix
relatifs. Mais dès que l’introduction d’impôt exerce un effet de substitution, cet impôt viole
le principe de neutralité dans la mesure où la condition d’optimalité de Pareto ne sera plus
respectée.
Une TVA d’application large, est un impôt économiquement neutre par l’application du
principe de déduction ou récupération de la taxe en amont, facturée par un fournisseur
local ou un importateur, grevant les immobilisations et les achats de biens effectués par
une entreprise assujettie. La neutralité économique de la TVA renforcé par son caractère
« indolore » fait que la TVA est un impôt à fort rendement dans les pays l’ayant adopté
comme Madagascar.
33
DEUXIEME PARTIE :
DES REALITES CONTRAIRES AUX FONDEMENTS DE LA TVA A MADAGASCAR
Les imperfections de la TVA seraient dues aux réalités et sont renforcées par les lacunes au
niveau de son dispositif. Ainsi, des entorses au fondement de la TVA ainsi qu’à l’objectif
de simplification du dispositif sont constatées. Cette deuxième partie de notre étude
analysera les lacunes du dispositif de la TVA à Madagascar à travers les principes de la
TVA ainsi que les principes de simplicité et de transparence d’un impôt. Mais compte tenu
de la méthodologie adoptée (entretien, enquête) les résultats pourraient être limités.
Cependant, les cas observés permettraient d’apprécier l’hypothèse de l’existence des
imperfections de la TVA à Madagascar.
34
Chapitre 1. De l’importance du secteur informel : incapacité à collecter la TVA
Comme l’a soulignée Chambas le niveau de vie de la population constitue un obstacle
fondamental à la mobilisation fiscale dans les pays en voie de développement. Ces réalités
différentes, relatives aux caractéristiques du tissu socio-économique concerne en premier
lieu le niveau de développement de la pratique des affaires à Madagascar. Par ailleurs, des
contraintes socio-économiques pèse aussi sur l’application d’une « TVA » pure.
1.1. Hétérogénéité du niveau de développement de la pratique des affaires
A Madagascar la pratique des activités économiques présente des spécificités comme dans
tous les pays en voie de développement. Mais cette situation limite l’application de la
TVA, notamment sa collecte.
1.1.1. Importances socio-économiques du secteur informel
Tout d’abord, il s’agit de tenter de définir ce que nous entendons par secteur informel. La
définition du secteur informel n’a pas fait l’unanimité des auteurs qui s’y sont intéressés. A
ce titre certains ont fait une approche fonctionnelle basée sur la taille des activités, le
nombre de salariés, d’autres ont fait une lecture statistique en s’appuyant sur le critère de
non enregistrement ou « Out-Law ».
Plusieurs définitions, ou approches, du secteur informel sont possibles. Mais une approche
syntétique de ce secteur a été faite lors du colloque du CREDAF au Mali en 2003. Il
ressort de ce colloque des caractéristiques communs qui. se retrouvent dans la plupart des
pays. Il s’agit notamment :
• De la mobilité, de la mouvance des agents économiques faisant partie du secteur
informel
• De la quasi-généralité des paiements et des transactions en espèces
• De la distinction entre ceux qui exercent un travail leur permettant simplement
de survivre et ceux qui, en toute connaissance de cause, organisent la fraude ou
restent durablement en marge de la légalité
• De la nécessite de fiscaliser un minimum tous les contribuables potentiels
• De l'importance économique et sociale du secteur informel dans les pays.
35
Le simple examen de ces principales caractéristiques montre l'importance et la difficulté
de lutter contre cette forme de fraude fiscale qui dépasse dans certains pays le seul enjeu
de la fiscalisation des contribuables potentiels. En effet, s'il faut le fiscaliser un minimum
pour permettre l'élargissement de l'assiette et l'augmentation des recettes fiscales,
certains pays parlent plus d'encadrement que de lutte contre le secteur informel car sa
nécessité sociale est indéniable et reconnue.
Il paraît cependant possible de subdiviser en deux parties le secteur informel avec une
frontière qui n'est pas identique pour tous les pays :
- Le « petit » informel, caractérisé par la mobilité de ceux qui le composent,
par l'exercice d'une activité de subsistance plutôt que de recherche du profit, par la
méconnaissance des obligations comptables et fiscales, par la réalisation d'un chiffre
d'affaires très faible.
- Le « véritable » secteur informel, caractérisé par la présence de contribuables
mettant en place un vrai schéma de fraude ou conscient de ne pas respecter leurs
obligations fiscales.
Par rapport à cette classification, et du point de vue fiscal, parler de lutte contre le secteur
informel se réfère plutôt à des contribuables qui sont classés dans le « véritable » secteur
informel.
Le secteur informel, ou l'économie souterraine, recouvre donc la dissimulation de tout ou
partie d'une activité de production, de transformation, de réparation, de prestations de
service ou l'accomplissement d'actes de commerce en se soustrayant intentionnellement à
ses obligations légales.
Cela se manifeste par:
• la dissimulation ou la non-déclaration d'une activité au registre du commerce,
répertoire des métiers ou organisme similaire,
• la dissimulation de salariés ou la minoration des horaires de travail par les
entreprises qui les emploient.
36
Cette forme de fraude:
• cause un préjudice aux salariés qui sont exclus du bénéfice de la législation
du travail et de toute protection sociale
• pénalise les entreprises respectueuses de la loi qui subissent la
concurrence déloyale de celles qui se soustraient aux impôts et aux cotisations
sociales
• prive les organismes de protection sociale et les services fiscaux des
sommes qui leur sont légalement dues.
Mais si nous nous en tenions au cas de Madagascar, la définition utilisée est surtout
statistique. Ainsi, les auteurs de l’étude (32) « MAdagascar DIal Orstom » ou Madio sur le
domaine ont défini les Unités de Productions Informelles ou UPI sur le critère de non
enregistrement statistique et/ou sur le fait qu’il n’existerait pas de comptabilité écrite
officielle. Il s’agit d’une enquête menée de 1993 à 1998 sur un échantillon représentatif du
secteur informel dans l’agglomération d’Antananarivo.
Sur la base de ces études, il est apparu que les UPI à Madagascar ont une grande
importance. En effet, dans l’agglomération d’Antananarivo 57% de la population active
recensée exerçait dans le secteur informel. En termes de revenus la part du secteur était
estimée à 40%. Au niveau national, suivant l’enquête de 1993, le poids du secteur informel
en terme d’emplois non agricole était de 57%.
En ce qui concerne la participation du secteur informel dans le PIB en 1993 ce secteur
représentait 17% du PIB. L’actualisation de ce chiffre en 1998 a conduit à une part
équivalente, soit 18%.
L’ancienneté de ces résultats pourrait mettre en doute leur validité actuelle. Cependant,
même en l’absence de chiffres officiels les réalités des activités informelles corroborent les
résultats de l’enquête Madio. En effet, « les trottoirs, ruelles, rues, escaliers grouillent
d’activités diverses allant de la vente de voitures d’occasion au commerce de téléphone
32 PAILLAUD (Olivier), RAKOTOMANANA (Faly), ROUBAUD (François).- « La fiscalisation du secteur informel / le gisement existe-il et peut-il être exploité ?.- Economie de Madagascar n°3 octobre 1998 .- pp 185-214
37
portable, de pierres précieuses, de produits de grande consommation en passant par le
marché parallèle de devises » (33). Ces activités permettent à bon nombre de ménages de
survivre notamment dans la situation de pauvreté actuelle. De plus, avec la crise post
électorale de 2002 qui a fait perdre des milliers d’emplois dans les zones franches,
l’informel s’est intensifié. Il représente ainsi, en quelque sorte « un amortisseur social »
même s’il entraîne des effets pervers sur l’économie et les recettes de l’Etat.
En définitive, les activités du secteur informel sont des activités perçues comme de survie
selon Marniesse (34). Elles prennent naissance pendant les crises. En effet, le
développement du chômage, conséquence logique de la crise économique s’accompagne
de l’émergence et de l’essor du secteur informel. C’est donc effectivement une question de
survie des populations non intégrées dans le secteur formel. A ce titre nous rencontrons
parfois des activités crées par des entrepreneurs dotés de capital humain ou matériel qui, ne
trouvant pas d’emplois salariés dans le formel, se sont vus contraints de s’auto employer
dans l’informel. Il s’agit donc surtout de petit informel.
Consciente des réalités du secteur informel, l’Organisation Internationale du Travail ou
OIT, dans sa politique de l’emploi, a appelé tous les pays à « reconnaître l’importance du
secteur informel comme source d’emplois et à chercher à étendre progressivement des
mesures de réglementation au secteur informel » (35).
A coté de l’argument de survie, il ne faut pas oublier que d’autres activités du secteur
informel constituent de véritable fraude fiscale. D’ailleurs des auteurs ont avancé que le
secteur informel constituerait une forme de fraude(36). Suivant cette approche, des
opérateurs resteraient volontairement dans le secteur informel pour échapper aux
obligations administratives, notamment fiscales.
33 RANJALAHY (Stéphane) .- « Secteur informel : dynamisme et réflexe de survie ».- Revue de l’océan Indien n° 256, octobre 2004.- p. 24 34 MARNIESSE (Sarah ).- « Les micro et petites entreprises malgaches / Dynamique et obstacles au développement.- Dial.- 1998.- p. 13. [en ligne]http://www.dial.prd.fr/dial_publications/PDF/Doc_travail/1998-08.pdf (page consultée le 01 octobre 2006) 35 MALDONADO (Carlos) .- « Entre l’illusion de la normalisation et le laisser-faire : Vers la légalisation du secteur informel ».-Revue internationale du Travail,1995, vol 134, n°6.- p. 777 36 GAUTIER ,(Jean-François).-« L’informel est-il une forme de fraude fiscale ? Une analyse microéconométrique de la fraude fiscale des micro-entreprises à Madagascar » en ligne à l’adresse http://www.dial.prd.fr/dial_publications/PDF/Doc_travail/2000-03.pdf
38
1.1.2. L’incapacité du secteur informel à collecter la TVA
En effet, les activités dans le secteur informel se distinguent de celles du secteur formel par
l’absence de contrôle par l’Etat. Il serait donc difficile de suivre le respect des obligations
de déclarations périodiques en matière de TVA pour ce secteur.
Par ailleurs, suivant la définition même des UPI adoptée à Madagascar, elles ne tiennent
pas de comptabilité écrite officielle. Or en matière de TVA, une des obligations
essentielles est la tenue d’une comptabilité régulière. Il ressort aussi de l’Enquête
Permanente auprès des Ménages ou EPM 1993 (37) que le secteur informel à Madagascar
se caractérise par une précarité généralisée des conditions d’activité. Ainsi, plus de 95%
des UPI ne posséderaient ni de véritable local, ni de terrains aménagés pour l’exercice
même de leurs activités.
Comment pourrions nous envisager, dans ces conditions, qu’elles tiennent une
comptabilité. De plus ces circonstances sont aggravées par le taux d’analphabétisme
particulièrement élevé dans les secteurs agricoles et artisanaux.
Exceptionnellement, une étude sur le dynamisme des micros entreprises malgaches (38) a
permis de constater un niveau d’éducation assez élevé des chefs d’entreprise opérant dans
les UPI à Antananarivo.
A la lumière de ces résultats, le niveau scolaire des entrepreneurs apparaît particulièrement
élevé à Antananarivo où les trois quarts des responsables de micros entreprises ont au
moins au niveau secondaire de l’enseignement général. Mais ce niveau scolaire varie en
fonction des secteurs d’activités. Ainsi les entrepreneurs ont, dans 80% des cas un niveau
scolaire supérieur et pourtant dans ce domaine 20% à 30% seulement des entrepreneurs
tiennent une comptabilité. La cause du maintien dans le secteur informel est donc pour ces
entreprises à chercher ailleurs.
Cela étant, outre le cas exceptionnel d’Antananarivo, le secteur informel connaît un
obstacle majeur quant à l’application systématique du régime du résultat réel ou la tenue
37 RANDRIANARISON (Jean G),RAKOTOMANANA (Faly).- « Enquête permanente auprès des ménages 1993 / le secteur informel » .- Antananrivo : INSTAT, 1996 38 MARNIESSE op cit., p.13
39
d’une comptabilité régulière. D’une part l’administration fiscale n’exerce pas de contrôle
sur ces activités et par conséquent de la matière imposable. D’autre part, les UPI ne
disposent pas de la possibilité matérielle et financière nécessaire pour la tenue d’une
comptabilité régulière, telle qu’elle est exigée par la législation fiscale. Ainsi, le secteur
informel ne pourrait pas répondre aux exigences de l’application d’un impôt moderne tel
que la TVA, du moins dans le cadre du régime réel d’impositions auquel sont attachées des
obligations administratives, comptables et fiscales spécifiques.
Toutefois, le secteur informel n’est pas totalement exempt de la TVA. En effet, il supporte
la TVA rémanente sur ses activités ou acquisitions auprès du secteur formel. Par ailleurs, le
secteur informel serait au seuil de la légalité.
1.1.3. Des micros entreprises au seuil de la légalité
Nous avons toujours tendance à penser que le secteur informel échappe totalement à
l’impôt et aux obligations administratives. En réalité le secteur informel, précisément le
petit informel, n’est pas totalement exempt de taxes (39).
En effet, l’enquête Madio de 1993 montre que 19% des UPI étaient déclarées auprès de
l’administration fiscale. De plus, en tenant compte de la fiscalité locale, près de 40% des
UPI déclarent avoir payé au moins un impôt.
D’autres études menées sur le secteur informel ont avancé que le secteur informel n’est ni
totalement légal, ni absolument illégal. « Il se situe dans une «zone grise» allant de
l’illégalité la plus complète à la légalité totale » (40).
Par ailleurs, il a été montré que les micros entreprises du secteur informel n’échappent pas
systématiquement à leurs devoirs fiscaux. Ainsi, la régularisation fiscale est plus ou moins
respectée suivant le pays et le type d’impôt (41).
En définitive, le secteur informel se situe au seuil de la légalité. Par conséquent, l’argument
selon lequel il serait une forme de fraude fiscale le confond à l’économie souterraine. Dans
39
GAUTIER (Jean François), RAKOTOMANANA (Faly), ROUBAUD (François).- « La fiscalisation du secteur informel : recherche impôt désespérément ».- Tiers Monde n°42 , 2001.- pp 801-802 40 MALDONADO op cit., p.785 41 MALDONADO op cit., p.789
40
cette dernière, les acteurs chercheraient délibérément à échapper aux régulations publiques
en général, dans le but d’accroître leur profit. Toutefois, nous ne pouvons exclure que
certaines entreprises effectuant des fraudes d’envergure se cacheraient dans l’informel pour
échapper aux obligations légales. Du reste un certain nombre de fraudes fiscales de cette
nature sont mises à jour au cours des contrôles fiscaux.
Le secteur informel représente un poids économique non négligeable à Madagascar. Il
constitue à ce titre un potentiel fiscal important. Mais si le secteur informel reste au seuil
de la légalité, l’Etat et notamment l’administration fiscale ont-ils essayé de l’intégrer dans
le secteur formel ?
1.2. Insuffisance d’information des contribuables
Dans cette section nous mettrons en évidence l’information en tant qu’élément
fondamental du civisme fiscal et le fait qu’elle ne serait pas encore suffisante à
Madagascar, particulièrement en matière de TVA.
1.2.1. Les actions d’information de l’administration fiscale
Dans les pays comme Madagascar « la vraie réforme fiscale » n’est pas un problème
technique mais un « problème de psychologie collectif » (42). Les actions d’information
trouvent leur fondement dans cette formule de Ngaosyvathn.
Principalement, dans une administration fiscale, les actions d’information sont nécessaires
ne serait-ce que la publication au journal officiel du Code général des impôts qui est, il faut
le souligner, un document de près de trois cents pages. Ainsi, le premier vecteur
d’information est constitué par la publication du texte réglementaire et des lois sur l’impôt.
Mais cette publication qui porte sur des aspects très techniques et donc peu accessibles au
grand public doit être assortie d’explications à travers les journaux, la radio, la télévision,
et même dans les programmes éducatifs des écoles (43). C’est à ce prix qu’une information
suffisante pourra influencer le comportement des contribuables.
42 NGAOSYVATHN op cit., p. 209 43 NGAOSYVATHN op cit., p. 210
41
A Madagascar, si nous nous en tenions à la TVA, il se trouve que des dépliants ont été
publiés. Le guide pratique des impôts qui a été diffusé constitue aussi un support
d’information complémentaire, mais il était principalement destiné aux « grandes
entreprises ». Quant au programme scolaire, le volet fiscal n’est pas encore prévu dans
l’éducation civique des écoles primaires mais il constitue pour l’avenir un vecteur
d’information intéressant.
Actuellement, la création des Centres de Gestion Agrées (CGA) est prévue par la CGI.
Cependant, son application n’est pas encore effective. En effet, la création d’une telle
association constituerait aussi un vecteur d’information car elle constituerait un relais entre
les contribuables et l’administration fiscale. Ces centres de gestion viseraient en effet à
dispenser une formation à la gestion comptable, une aide à l’accomplissement des
obligations fiscales et introduiraient de la transparence dans la connaissance des recettes
réelles des contribuables.
Cependant, les actions d’information ne sont pas encore suffisantes dans la mesure où le
public ignore l’existence d’une obligation fiscale (44). En outre, les contribuables ne
seraient pas informés de l’utilisation des revenus fiscaux prélevés par l’Etat. Or, « la
résistance psychologique et l’incivisme fiscal des contribuables varient inversement par
rapport à leur conscience de l’utilité du sacrifice fiscal exigé. » (45). On considère en effet
que l’impôt sera d’autant plus accepté, et donc recouvré, que le contribuable en
comprendra le sens et en verra l’utilisation de manière claire et transparente. Aussi, la
faiblesse du taux de pression fiscale de Madagascar par rapport aux autres pays témoigne
de l’insuffisance de compréhension du mécanisme fiscal.
En définitive si le secteur informel ne va pas à l’Etat, l’Etat ne va pas non plus au secteur
informel (46). Par ailleurs le secteur informel ou les micro-activités ne peuvent pas
constituer des collecteurs de TVA dans la mesure où ils sont dans l’incapacité de tenir une
comptabilité régulière. A coté de cette hétérogénéité de la pratique des affaires d’autres
contraintes limitent l’application universalisée de la TVA dans un pays comme
Madagascar.
44 Il s’agit d’un résultat d’enquête, effectuée par l’Instat pour apprécier la perception des contribuables sur l’impôt à Madagascar, présenté lors du colloque national des impôts 2005 45 NGAOSYVATHN op cit., p. 211 46 PAILLAUD et al., op cit., p. 196
42
1.3. Influence des contraintes socio-économiques dans la politique fiscale
Les réalités socio-économiques dans un pays comme Madagascar feraient que la politique
fiscale est utilisée à d’autres fins que la mobilisation des ressources fiscales pour le
financement des dépenses publiques. Ainsi, l’application de la TVA n’échapperait pas à
cette orientation.
1.3.1. Des considérations économiques dans la politique fiscale
Suivant le courant libéral, la fiscalité devrait rester neutre (47) et le seul objectif qu’elle
devrait avoir est la stricte couverture de la dépense publique traditionnelle de l’Etat.
Cependant, cette représentation théorique d’inspiration libérale n’est pas d’application
stricte dans la réalité. Par ailleurs, des auteurs ont mis en évidence les rapports existant
entre l’impôt et la vie économique. Aussi, la politique fiscale est-elle devenue un
instrument de politique économique.
A Madagascar l’existence des régimes fiscaux spéciaux témoigne de l’utilisation de la
politique fiscale à des fins d’incitation économique.
A ce titre le Code des Investissements (CDI) abrogé depuis 1996, est un exemple par
excellence de régime d’exemption à la fiscalité de droit commun accordé aux entreprises
réalisant des investissements considérés comme « contribuant aux objectifs de
développement du pays ». Ce régime a été institué en 1992, pour être supprimé par la loi
de Finances rectificative de 1996.
Les entreprises déjà existantes ou en création pouvaient en principe bénéficier de
l’agrément sur la base de critères dits de « performance ». Cependant, l’octroi des
agréments était discrétionnaire et constituait de ce fait une porte ouverte à la fraude fiscale,
ce qui a conduit à la suppression du CDI.
A part les avantages d’exonération d’impôts directs (IBS, Taxe professionnelle,…) les
biens d’équipements, matériels, matériaux de construction, accessoires d’usine, matériels
informatiques nécessaires à la réalisation du projet étaient également exonérés de la TVA
et des taxes à l’importation.
47 Il s’agit du principe de neutralité d’un impôt développé dans le Chapitre 1de la première partie de l’étude
43
Le régime de zone franche constitue un autre exemple de régime spécial. En matière de
fiscalité indirecte intérieure, les entreprises de zone franche jouissant d’un réseau de
distribution d’eau et d’électricité installé par une EPE (48) sont exemptées de taxe sur la
consommation ou de la TVA (49).
Récemment, la loi N° 2003 - 026 du 27/08/2003 a détaxé certains biens d’équipement et
marchandises des tarifs douaniers et fiscaux notamment de la TVA. Cette politique de
détaxation s’inscrivait dans une politique de relance de la consommation interne d’une part
et d’encouragement à l’investissement ou de dynamisation du secteur privé par la
possibilité de renouvellement des équipements de production d’autre part (50).
1.3.2. Des considérations sociales dans la politique fiscale
S’il est une critique adressée à la TVA c’est son caractère injuste. En effet, la TVA est un
impôt régressif (51) par rapport aux revenus. En d’autres termes elle frappe toutes les
catégories de personnes dépensant son revenu quel que soit son niveau de vie.
Or conformément au principe de justice par l’impôt et suivant l’article 36 de la
Constitution de la République de Madagascar, le prélèvement fiscal doit tenir compte de la
capacité contributive réelle des individus. Ainsi, en matière de TVA suivant cette logique
de justice fiscale certains produits ou services ne sont pas taxés. A ce titre le CGI en son
article 06-01-19 énumère les produits exonérés de la TVA.
Ces exonérations ont été adoptées en vue d’éviter l’augmentation du prix des produits
qualifiés de « sensibles » socialement. Particulièrement, le riz constitue un produit «
sensible » dans la mesure où il constitue l’aliment de base des Malgaches. Par ailleurs,
l’évolution du prix du riz exerce un effet important dans la formation de l’indice général
48 EPE : Entreprises de promotion d’Exploitation, sont des Entreprises chargées de faciliter l’implantation des Entreprises évoluant sous le régime de zone Franche. Elles ont pour activité les travaux d’aménagement, de construction et de Gestion des zones géographiques Franches. 49 Il faut remarquer qu’à partir de la LFR 1998 le bénéfice de l’achat en franchise de TVA sur les acquisitions des zones franches a été supprimé 50 RAJAMARISON (Lazanoë), RAMILISON (Eric).- « Les enjeux de la détaxation ».- Antananarivo : CREAM, 2004 51 Des études sur l’impact des systèmes de TVA sur l’équité dans les PED ont montré que le caractère régressif de la TVA tient à l’application de taux unique de TVA (Gautier,2001). Cet aspect fera l’objet de développement dans la troisième partie de notre travail.
44
des prix (52) à Madagascar. Des produits et prestations liés à la santé ainsi que l’éducation
sont aussi exonérés de la TVA.
Nous pouvons donc admettre que les caractéristiques du tissu économique et les
contraintes économiques et sociales limitent dans les faits la généralisation de la TVA à
Madagascar. Mais en plus de ces spécificités du tissu socioéconomique la TVA
présenterait dans son texte même des entorses au fondement de la TVA. Ainsi, il
conviendrait d’analyser dans la suite ces entorses au fondement de la TVA.
52 Les résultats de cette étude de l’Instat est présenté en Annexe n°VI
45
Chapitre 2. Des entorses au fondement de la TVA et au principe de simplicité
Avant d’apprécier la réalité de ces entorses dans le dispositif de la TVA à Madagascar, il
conviendrait d’analyser les divers aspects et les causes des distorsions et limitations de la
neutralité de la TVA .
2.1. Des distorsions et limitations de la neutralité de la TVA
Dans le domaine fiscal, les distorsions sont les modifications que provoque l’impôt dans le
comportement des agents économiques (entrepreneurs, consommateurs ou travailleurs).
Ces modifications se répercutent sur les structures économiques et peuvent changer le
poids relatif des diverses activités, les rapports entre la consommation et l’épargne par
exemple.
Concernant la TVA, elle est en principe neutre. A ce titre elle n’influencerait pas le
comportement des entrepreneurs ni celui des consommateurs. Toutefois, le dispositif de la
TVA ne permettrait pas toujours cette neutralité. Aussi, nous envisagerons dans la suite les
différentes distorsions que pourrait créer l’application imparfaite de la TVA.
En matière de TVA les distorsions résulteraient surtout de ses rémanences. Ces dernières
consistent en l’impossibilité d’effacer ou de récupérer la TVA grevant les consommations
intermédiaires des entreprises.
2.1.1. Des rémanences, sources de distorsions
Les rémanences de TVA ont des conséquences économiques complexes, qui peuvent être
sources de distorsions. Elles résultent en fait de la limitation du champ d’application ainsi
que de la limitation du droit à déduction.
2.1.1.1. Les distorsions des choix de production
Suivant la logique de la TVA, il n’est pas souhaitable de taxer les consommations
intermédiaires. De ce point de vue, les restrictions du droit à déduction, quelle que soit leur
origine, ne sont pas sans conséquences : les entreprises sont conduites à préférer des
produits substituables pour lesquels la TVA est déductible ; l’exonération de TVA ou le
46
fait d’être placé hors de son champ d’application (53) crée une incitation à l’auto
production. En effet, les agents économiques exonérés peuvent avoir intérêt à produire
eux-mêmes certains biens ou services (la rémanence de TVA portant alors seulement sur
les intrants de cette nouvelle activité), plutôt que de recourir à l’externalisation, même si
elle est plus efficace. Dans ce cas le bien produit est soumis à la TVA au titre de la
livraison à soi même mais cette TVA est déductible au titre des investissements.
2.1.1.2. Les distorsions des choix de consommation
Une autre conséquence des limitations du champ des opérations taxables réside dans les
distorsions des prix relatifs à la consommation qu’elles peuvent provoquer. La situation la
plus simple est celle dans laquelle un produit est taxé à la TVA alors qu'un autre ne l'est
pas. Un exemple retenu par le FMI est celui où une étape de la chaîne de production et de
commercialisation (54) n'est pas taxée, ainsi que l’illustre le tableau n°03. Ainsi quatre
hypothèses seront envisagées :
• si tous les maillons du circuit de production sont assujettis, la valeur ajoutée (qui est
de 300 dans tous les cas) est taxée au taux de TVA en vigueur (ici 10 % par
hypothèse).
• la taxation au taux zéro au stade du détaillant signifie qu'in fine aucune valeur
ajoutée n'est taxée au cours du processus de production et de commercialisation : le
consommateur paye un prix hors taxes (explicite et rémanente) de 300. Du fait du jeu
combiné du droit à déduction et du taux zéro, tout se passe comme si l'ensemble du
processus s'était déroulé hors taxes. Le taux effectif de taxation est de 0 %.
• l’exonération du détaillant, en revanche, fait échapper à la taxation la seule valeur
ajoutée au stade du commerce de détail. La valeur ajoutée aux deux étapes
précédentes (200) est bien taxée et, si le détaillant ne comprime pas ses marges, le
consommateur final supporte la taxe correspondante (20) mais sous forme de taxe
rémanente, au taux effectif (55) de 6,25 %.
• enfin, l’exonération du grossiste a des effets plus drastiques. En effet, à
comportement de marge donné, le prix supporté par le consommateur final (341) est
cette fois-ci plus élevée que dans le cas de l'assujettissement complet des transactions
53 L’application de la TST à Madagascar fera l’objet d’une analyse ultérieure 54 Dans la chaîne nous envisageons trois intervenants : producteur, grossiste, détaillant 55 (vente hors taxe détaillant/ TVA nette totale)*100
47
à la TVA. A la taxation de la valeur ajoutée à 10 % (soit 10 de TVA) s'ajoute un «
surcoût » de 11, dont 10 au titre de la rémanence liée à la non-déduction de la TVA
facturée par le producteur au grossiste, et 1 du fait de l’incorporation dans la base de
taxation de cette même taxe rémanente au stade de la vente de détail (phénomène de
« taxe en cascade »). Au total, le consommateur supporte une taxe de 41, soit un taux
effectif de 13,2%.
48
Tableau n° 1 : Les effets comparés de la taxation complète, de la taxation au taux zéro
et de l'exonération en matière de TVA
Producteur Grossiste Détaillant TVA nette total
Prix TTC pour le cons. final
Assujettissement complet à la TVA (1) Ventes (hors taxes) 100 200 300 (2) Achats (hors taxes) 0 100 200 (3) TVA collectée sur les ventes (10% de 1)
10 20 30
(4) Droit à déduction sur les achats (10% de 2)
0 10 20
(5) TVA nette versée (3 – 4)
10 10 10 30 330
Taxation au taux de zéro du détaillant (1) Ventes (hors taxes) 100 200 300 (2) Achats (hors taxes) 0 100 200 (3) TVA collectée sur les ventes (10% de 1 sauf pour les détaillant)
10 20 0
(4) Droit à déduction sur les achats (10% de 2)
0 10 20
(5) TVA nette versée (3 – 4)
10 10 -20 0 300
Exonération des ventes du détaillant (1) Ventes (hors taxes) 100 200 320 (2) Achats (hors taxes) 0 100 200 (3) TVA collectée sur les ventes (10% de 1 sauf pour les détaillant)
10 20 0
(4) Droit à déduction sur les achats (10% de 2)
0 10 0
5) TVA nette versée (3 – 4)
10 10 0 20 320
Exonération des ventes du grossiste (1) Ventes (hors taxes) 100 210 310 (2) Achats (hors taxes) 0 100 210 (3) TVA collectée sur les ventes (10% de 1 sauf pour les détaillant)
10 0 31
(4) Droit à déduction sur les achats (10% de 2)
0 0 0
5) TVA nette versée (3 – 4)
10 0 31 41 341
Source : présentation du FMI tiré du rapport du Conseil des impôts en France en 2001, p.
113. Le taux de TVA est de 10 %.
Deux enseignements peuvent être tirés de cet exemple simplifié.
En premier lieu, si l'objectif est de favoriser par le biais de la TVA la consommation de
certains produits, l'exonération n'est la méthode appropriée que si elle est appliquée au
49
dernier stade de la chaîne de production, celui de la vente au consommateur final. Si
l’exonération intervient à un stade intermédiaire, le consommateur sera au contraire
surtaxé.
En second lieu, les exonérations sont susceptibles de rendre la structure de la fiscalité
indirecte très opaque : dans l'exemple qui précède, le taux effectif de taxation peut varier
de 6,25% à plus de 13%pour un taux légal de 10%.
2.1.1.3. Des distorsions de concurrence sur le marché domestique et au niveau
international
Des distorsions de concurrence sont susceptibles d'apparaître lorsque des entreprises
assujetties entrent en concurrence avec des entreprises exonérées ou non assujetties à la
TVA.
Pour une vente à un consommateur final, les distorsions de concurrence sont à l’avantage
de l’entreprise exonérée, puisque la valeur ajoutée du dernier stade de la production n’est
pas taxée.
La situation est inverse pour une vente à un assujetti, puisque celui-ci doit alors supporter
la TVA rémanente sur les achats de l’entreprise exonérée, sans pouvoir la déduire (56).
Cette analyse souligne l'intérêt des dispositions permettant aux entreprises potentiellement
concernées par une mesure d'exonération ou de franchise d'opter pour l'assujettissement à
la TVA, si leur clientèle est surtout composée d’assujettis.
Au niveau international, la TVA non déductible est un élément du prix de revient, quelles
que soient les modalités de taxation des échanges. En effet, les avantages du principe
d’origine ne joueraient plus. Ainsi, une entreprise se trouve désavantagée si le champ des
exclusions au droit à déduction est particulièrement étendu dans son pays d’établissement
ou si les taux de TVA y sont plus élevés, dans la mesure où son prix de vente au
consommateur final ne serait pas concurrentiel.
56 Dans l’exemple du tableau 03, le détaillant qui se fournit auprès d’un grossiste exonéré affiche un prix TTC supérieur à celui qui se fournit auprès d’un grossiste assujetti.
50
2.1.1.4. Un coût de gestion accru pour les assujettis et redevables partiels
Les assujettis et redevables partiels doivent identifier leurs ventes taxées et non taxées. Ils
doivent également déterminer l’étendue de leur droit à déduction, selon des règles très
complexes de prorata et d’affectation.
2.2. Les causes des distorsions et limitations du droit à déduction
2.2.1. Les causes de la limitation du champ des opérations taxables
Les analyses qui précèdent démontrent effectivement que la TVA devrait, en principe,
rester d’application aussi générale que possible, le droit à déduction n’étant lui-même
assorti d’aucune exception. Si l’objectif est de réduire le prix relatif d’un bien ou d’un
service, un taux zéro ou un taux réduit sont plus efficaces qu’une exonération.
Toutefois, certaines situations spécifiques peuvent justifier de limiter le champ des
opérations taxables. Ainsi, comme nous l’avions vu dans la première partie, des raisons
économiques et sociales pourraient influer sur le dispositif de la TVA
Par ailleurs, la limitation du champ d’application permettrait de réduire le coût de gestion
de l’impôt. C’est dans cette logique que la solution de la franchise ou non-assujettissement
à la TVA a été adoptée dans certains pays, pour les plus petites entreprises. Beaucoup
considèrent qu’en effet le coût de gestion de la TVA par les plus petites entreprises serait
excessif.
Mais d’un point de vue économique, le non assujettissement a les effets suivants :
• Equivalent à une exonération, il est un facteur de distorsions des choix de production,
la TVA sur les achats des entreprises qui en bénéficient n’étant plus déductible.
• il réduit les coûts de gestion pour les entreprises concernées et pour l’administration
fiscale.
• il diminue les recettes budgétaires, la valeur ajoutée des petites entreprises non
assujetties dont le chiffre d’affaires hors taxe annuel est inférieur à 50 millions
51
d’Ariary, n’étant pas taxée. L’enjeu reste faible dans la réalité, les recettes de TVA
étant fortement concentrées sur les redevables les plus importants (57) ;
• Le non assujettissement perturbe la concurrence entre les entreprises bénéficiaires et
celles du même secteur économique qui sont au dessus du seuil de la franchise
(notamment pour un chiffre d’affaires immédiatement supérieur). Conformément à
l’analyse développée plus haut, les entreprises non assujettis à la TVA sont
avantagées pour les ventes à des consommateurs finaux, et désavantagées pour les
ventes à des assujettis.
2.2.2. Des causes à l’origine de la limitation du droit à déduction
Les restrictions du droit à déduction des assujettis peuvent être regroupées en deux
catégories principales : la restriction résulte d’une limitation du champ des opérations
taxables ; la restriction est propre à certaines catégories de produits ou services,
indépendamment du caractère taxable ou non de l’activité.
2.2.2.1. La limitation du droit à déduction, contre partie des limitations du champ des
opérations taxables
Dans le dispositif de la TVA, le fait qu’une opération ne soit pas taxable (hors champ
d’application, exonérée) entraîne l’impossibilité de déduire la TVA ayant grevé les achats
concourant à la réalisation de l’opération. Lorsqu’un assujetti réalise à la fois des
opérations taxables et non taxables (assujetti partiel ou redevable partiel), le droit à
déduction n’est que partiel et la détermination de son étendue exacte est un réel facteur de
complexité.
2.2.2.2. La limitation du droit à déduction propre à certaines catégories de dépenses
D’une manière générale, les arguments économiques plaident en faveur d’un droit à
déduction complet et homogène pour l’ensemble des dépenses des entreprises assujetties.
57 Il s’agit de la règle de Pareto, moins de 20% des assujettis assurent la collecte des 80% des recettes de TVA
52
Mais il y a des dépenses qui mériteraient des traitements particuliers. En effet, certaines
catégories de dépenses apparaissent difficiles à contrôler quant à leur utilisation et seraient
source de déduction abusive; il s’agit par exemple du cas des carburants dont l’utilisation
pourraient n’être pas exclusivement réservé à l’activité professionnelle d’une entreprise.
Par ailleurs, certaines dépenses supportées par les entreprises constitueraient une part de
rémunération indirecte de leurs salariés et dirigeants. Ces dépenses constituent donc des
consommations finales non pas intermédiaires par rapport à l’exploitation normale de
l’entreprise. L’absence de déductibilité permet alors de taxer plus complètement la
consommation, conformément aux objectifs généraux de la TVA.
En définitive, la limitation du droit à déduction de la TVA, sur certaines dépenses, consiste
en une taxation de celles-ci à la TVA comme des consommations finales.
Mais une question reste en suspens, en quoi consisterait la réalité des entorses au
fondement de la TVA à Madagascar ?
2.3. Des entorses à la logique de la TVA à Madagascar
La finalité de la TVA est la taxation des consommations finales. Cependant, certaines
dispositions du code empêchent ou limitent l’application de la TVA conformément à ses
objectifs. Ainsi, des distorsions de concurrence sont constatées.
L’examen des lettres en demandes de solution adressées par les contribuables à la DGI
nous a permis de constater ces distorsions. Ainsi, les cas présentés dans ce travail ne sont-
ils pas exhaustifs compte tenu de la méthode d’observation adoptée. Cependant, ils
illustrent les imperfections du dispositif de la TVA à Madagascar.
2.3.1. La dualité de TCA(58), source de distorsions de concurrence
Depuis l’adoption de la TVA à Madagascar, la TST n’a pas été totalement abandonnée.
Cette coexistence de TCA serait sous- tendue par le souci d’assujettir les petites activités
58 Dans le CGI malgache la TVA et la TST constituent les TCA. Mais par définition un TCA est une taxe sur le prix de vente
53
qui seraient dans l’impossibilité de tenir une comptabilité régulière. Le choix du seuil
d’assujettissement inférieur à 50 millions d’Ariary illustre cet argument.
Par ailleurs, la TST serait aussi un complément de la TVA en termes de recettes fiscales.
Malgré, ces raisonnements justifiant l’adoption de la TST, son existence entraîne une
augmentation du prix de revient. Cette situation défavoriserait les assujettis à la TVA dans
la mesure où elle constitue un impôt non déductible. Explicitement, les entreprises qui
seraient obligées de s’approvisionner auprès des assujettis à la TST connaissent cette
situation. La TST constituerait ainsi une charge fiscale sur les achats ou consommations
intermédiaires des assujettis à la TVA et de ce fait créerait une distorsion de prix.
En effet, conformément aux dispositions du CGI, il est impossible pour les assujettis à la
TST de facturer la TVA. Par ailleurs, l’exercice du droit à déduction est conditionné par
l’existence d’une facture présentant distinctement la TCA. Ce qui est impossible pour la
TST. Ainsi, les entreprises ne pourraient jamais récupérer la TST sur les consommations
intermédiaires : c’est à ce titre qu’elle constitue une rémanence à l’encontre des assujettis à
la TVA.
Ainsi, le cas des grandes surfaces constituerait un exemple par excellence de cette
situation. En effet, les grandes surfaces sont assujetties à la TVA dans le cadre de leurs
activités d’achat-revente. Mais leurs approvisionnements en produits alimentaires frais
(légumes, fruits, viandes,…), s’effectuent parfois auprès des non assujettis à la TVA. De ce
fait il a été prévu de taxer les grandes surfaces à la TST sur ces achats.
De plus, conformément aux dispositions de l’article 06-01-17 du CGI seuls les achats
locaux effectués auprès des fournisseurs assujettis à la TVA peuvent ouvrir à un droit à
effacement de la taxe en amont.
2.3.2. Des limitations au droit à déduction
La TVA facturée à l’entreprise est en principe déductible dès lors que les biens et services
sont nécessaires à son exploitation. Cependant, ce principe connaît un certain nombre
d’exceptions notamment les exclusions du droit à déduction. Ainsi, à Madagascar suivant
les prescriptions de l’article 01-01-18 du CGI, la TVA sur les factures d’acquisition ou de
54
construction d’immeubles autres qu’industriels, artisanaux, commerciaux, hôteliers, de
restauration, agricoles ou miniers n’est pas déductible. Il en est ainsi de la TVA sur les
dépenses portant sur les voitures particulières non affectées à la location ou au transport à
titre onéreux ; les dépenses sur les produits pétroliers tels que l’essence de tourisme, le gas
oil ainsi que les dépenses sur les meubles meublants…
Outre les exclusions au droit à déduction, la règle de prorata (59) constitue aussi un facteur
limitant la neutralité de la TVA à Madagascar. Conformément au dispositif actuel de la
TVA, le prorata de déduction ou pourcentage de déduction concerne les assujettis partiels à
la TVA. Il s’agit des assujettis effectuant à la fois des opérations imposables et non
imposables. Cette entorse à la neutralité de la TVA est le corollaire « pervers » de la
limitation du champ d’application de la TVA.
En appliquant le pourcentage (60) de déduction une partie de la TVA, grevant les
immobilisations, biens et services se trouve supportée par l’entreprise. Cette part
rémanente de TVA devrait entrer au bilan pour faire l’objet d’amortissement ou à
enregistrer comme charge dans la comptabilité. Mais dans tous les cas la règle du prorata
limite le droit à déduction des entreprises. Par ailleurs, elle détourne la TVA de sa finalité
originelle : taxer les consommations finales.
2.3.3. Des butoirs au remboursement de crédit de TVA
En principe, lorsque les montants de TVA collectés par les entreprises sur leurs ventes sont
inférieurs aux montants de TVA payés sur leurs intrants, les entreprises se trouvent en
situation de crédit de TVA. Conformément aux dispositions du CGI en vigueur(61), si
l’entreprise est assujettie, le crédit de TVA peur être reporté sur les déclarations des
périodes suivantes, ou pour certains assujettis notamment les entreprises admises au régime
de Zone franche et les exportateurs faire l’objet de remboursement par le Trésor.
59 Il s’agit d’une règle introduite par la LFR1997 60 Obtenu par rapport entre le montant des opérations taxables au montant total annuel des recettes afférentes à l’ensemble des opérations réalisées 61Auparavant la récupération du crédit par la voie de transfert à d’autres entreprises ou au paiement d’autres impôts étaient possible. Cependant, il n’existait pas de véritable marché pour le transfert ou l’escompte de crédit de TVA car en effet suivant Gautier 75% des industries reportaient seulement leurs crédits sur les prochaines déclarations et le transfert et l’escompte ne représentaient que 15% et 10% respectivement. Mais Gautier soutient que la faiblesse du volume de transfert est due à la nécessité d’une autorisation auprès de l’administration fiscale ainsi que la vérification des pièces de l’ensemble des ventes et des achats.
55
0.00
50.00
100.00
150.00
200.00
250.00
300.00
350.00
400.00
450.00
2001 2002 2003 2004
Milliard
s
demandé
remboursé
transféré
Rejet
Stock de crédit à rembourser
Cependant, d’importantes demandes de remboursement ne sont pas acceptées ou restent à
rembourser (62) comme en témoigne notre graphique n°05.
Ces réalités traduisent des butoirs au remboursement de crédit de TVA. Particulièrement
pour les exportateurs, qui sont structurellement en situation de crédit. Le système de taux
zéro qui leur est appliqué ne fonctionne que partiellement puisque des crédits de TVA ne
sont pas remboursables, ceux ci sont donc rémanents.
Graphique n° 9. Situation des crédits de TVA en Fmg (2001-2004)
Source : DGI/DELF/SSID, nos propres calculs
La situation des crédits en 2001 est exceptionnelle. En effet, à cette année il y a eu le
paiement d’arriéré de stock de crédit de l’année 2000. Cette situation explique
l’importance du crédit remboursé par rapport au crédit demandé en paiement.
En outre, les ratios (63) utilisés dans la détermination du crédit remboursable
constitueraient aussi une limitation au droit à remboursement de crédit. Ainsi l’annexe 1 du
CGI relatif aux remboursement témoigne de cette limitation.
62 GAUTIER (Jean François).- « Les paradoxes de la TVA dans un PED : l’illustration de l’industrie malgache ».-Tiers Monde, tome XL, n°157, 1999.- p.201 63 En effet, le crédit remboursable est déterminé en fonction de la proportion des ventes et services taxés au taux zéro par rapport aux ventes taxables. Ainsi, si le ratio est supérieur à 9/10 le crédit remboursable est à 100%, s’il est compris entre7/10 et 9/10 le remboursement s’élève à 80%, de 3/10 à 7/10 le remboursement est de 50% enfin pour un ratio inférieur à 3/10 aucun remboursement n’est obtenu.
56
Les différentes entorses à la logique de la TVA que nous avons analysées compliqueraient
le dispositif de la TVA à Madagascar. Ainsi, des difficultés de compréhension et
d’application seraient constatées. La lisibilité et la simplicité de la TVA ne seraient pas
encore assurées.
2.4. Des imperfections dans le texte légal de la TVA
L’étude qu’on a menée a permis de constater des imprécisions et ambiguïtés dans la
rédaction de la législation en matière de TVA. Cette imprécision dans la rédaction serait
encore renforcée par l’inexistante de texte d’application.
En effet, l’administration fiscale se limite à répondre à des questions émanant des
contribuables en matière de TVA. En effet, des demandes de solutions ou de
renseignements sont adressées à l’administration fiscale. Ces demandes ont essentiellement
pour objet de faire préciser par l’administration le sens et la portée du dispositif de la TVA.
Ces situations ne font que confirmer l’imprécision et le manque de simplicité de la TVA à
Madagascar.
Les enquêtes que nous avons effectuées auprès du service des Etudes et de la
documentation ont permis de confirmer ces arguments. Nous avons pu établir des
statistiques illustrant l’importance et la fréquence des demandes de solutions adressées à
l’administration en matière de TVA.
57
0
5
10
15
20
25
30
2001 2002 2003 2004
un
ité
champ d'application
Exonération
transfert et remboursement de
crédit
Déduction
fait générateur
territorialité
autres(base, taux,…)
Graphique n° 10. Fréquence des demandes de solutions auprès de la DELF (2001-
2004)
Source : DELF/SEDC, nos propres calculs
Comme nous pouvons le constater, la majorité des correspondances concernaient surtout
des demandes d’exonération ou portant sur le champ d’application. Ainsi, nous pouvons
nous demander si les assujettis connaissent les principes de la TVA. En effet, 60% des
demandes d’exonérations sur notre période d’observation émanaient de sociétés, qui sont
des assujetties par excellence à la TVA.
Cette situation corrobore notre hypothèse sur l’importance du coût de consentement fiscal
de la TVA à Madagascar. Ce coût serait encore plus fort pour les petites entreprises à
Madagascar. En effet, la législation de la TVA n’est pas simple et facilement accessible
pour les petites entreprises.
2.4.1. Des lacunes dans la rédaction du dispositif de la TVA à Madagascar
Le dispositif actuel de la TVA présenterait des lacunes conceptuelles et terminologiques
quant à sa rédaction. Ces imperfections seraient dues en partie à l’adoption précipitée de
son dispositif en 1994. Par ailleurs, ces imperfections résulteraient aussi de l’insuffisance
d’améliorations dans les modifications successives depuis l’adoption du dispositif.
Cependant, les imprécisions des notions et concepts constitueraient des obstacles à une
meilleure lisibilité ou compréhension du dispositif de la TVA. Ainsi, conviendrait-t-il de
voir en quoi consisteraient ces lacunes.
Il se trouverait que l’utilisation des termes dans le dispositif de la TVA n’est pas
homogène. A titre d’illustration, dans son article 06 01 17 2) a) sur le régime de déduction,
58
l’expression « ouvrant droit à déduction » est utilisée. Pourtant, aucune définition n’est
donnée à cette expression.
Aussi, pour des personnes non initiées à la fiscalité cet exercice d’interprétation ne serait
pas évident. De même un spécialiste qualifié est susceptible de se heurter à des difficultés
dans un tel exercice intellectuel et ne serait pas en mesure de présenter une interprétation
tout à fait satisfaisante.
Ces aspects des lacunes du dispositif de la TVA à Madagascar ne sont pas exhaustifs. A ce
titre une simple comparaison avec le dispositif de la TVA française permettrait d’en
recenser un certain nombre. Toutefois, ces aspects illustreraient effectivement l’existence
des imperfections dans la rédaction du dispositif de la TVA.
Parallèlement à l’existence de ces imprécisions, l’inexistence de texte d’application en
matière de TVA renforcerait encore l’entorse au principe de transparence fiscale. Cette
lacune réglementaire serait ainsi source de contentieux entre l’Administration fiscale et les
assujettis à la TVA ainsi que de nombreuses demandes de solutions que nous avons
évoquées ci-dessus.
En définitive, l’importance des demandes d’interprétations ou de solutions émanent des
assujettis corrobore notre hypothèse selon laquelle le dispositif de la TVA ne serait pas
directement compréhensible.
Même si actuellement le bulletin fiscal officiel de la DGI donne un certain nombre d’
explications et d’interprétations du texte qui a institué la TVA, ces explications se limitent
essentiellement aux modifications apportées par les nouvelles loi de finances. Aussi, la
notion sans précisions en matière de TVA restent-elles toujours sans définition et sans
texte d’application à jour.
Nous pouvons donc admettre que les caractéristiques du tissu socioéconomique et les
imperfections contenues dans le texte de la TVA limitent son application à Madagascar.
Mais ces réalités différentes ne sont pas sans impacts sur la performance de la TVA à
Madagascar.
59
Chapitre 3. Des performances limitées de la TVA
L’application de la TVA conformément à ces objectifs connaît des obstacles comme nous
l’avons démontré. Corollairement, la performance de la TVA à Madagascar se trouve
limitée.
3.1. Performance fiscale insuffisante de la TVA
Pour apprécier l’insuffisance de la performance de la TVA à Madagascar il conviendrait
d’appréhender les manques à gagner sur les mesures exceptionnelles. En outre, une
comparaison avec la performance de la TVA des autres pays, à niveau de développement
similaire, serait intéressante.
3.1.1. Des manques à gagner sur les mesures exceptionnelles
Nous entendons surtout par mesures exceptionnelles les différentes exonérations adoptées
en matière de TVA. Pour évaluer les pertes de recettes de TVA liées aux exonérations nous
avons exploité les résultats de l’étude de Gautier (64). Suivant cette étude « les pertes de
recettes de TVA pour l’Etat, dues aux exonérations sont difficilement estimables. Par
ailleurs, l’auteur estime que la méthodologie formalisée par Mankenzie en 1992, qui
consiste à estimer la base de la TVA et le manque à gagner entraîné par les exonérations à
partir des données de la comptabilité nationale, n’est pas applicable dans un pays comme
Madagascar. Ainsi, les dysfonctionnements de la TVA, avec les « systèmes des butoirs »
(65) qui entraînent une augmentation des recettes, induiraient par exemple une sous-
estimation de la fraude fiscale.
Il faut préciser que les exonérations ont des effets contradictoires sur les recettes fiscales.
En effet, si l’Etat perd les recettes sur les ventes des entreprises non assujetties, il récupère
par contre totalement ou partiellement (66 )celles collectées sur les intrants non exonérés de
ces mêmes entreprises. La détaxation adoptée à Madagascar illustre cet effet
contradictoire. Ainsi, pour l’année 2005 la plus value de recette de TVA domestique était 64 GAUTIER (Jean François),.- « Fiscalité des entreprises / exonerari ergo sum ».- Economie de Madagascar n°3, octobre 1998.- pp 175-178 65 Les systèmes des butoirs sont des dispositions limitant le remboursement des crédits de TVA aux entreprises. Ils sont analysés dans la deuxième partie sur les butoirs au remboursement de crédit de TVA 66 Voir prorata de déduction dans la deuxième partie Chapitre 2 sous section 232 Des limitations au droit à déduction p.53
60
estimée à 12 milliards suivant le SSID. Mais pendant le même temps, au niveau des
recettes douanières la détaxation a entraîné une perte de recette importante en matière de
TVA à l’importation mais il n’a pas été possible d’en évaluer le montant.
Par ailleurs, il ne faudrait pas sous estimer les risques de pertes de recettes sur les
exonérations. En effet, par en effet d’imitation, des revendications sectorielles pourraient
se présenter car certaines entreprises s’estimeraient être défavorisées par rapport à celles
qui ont bénéficié des exonérations. Ainsi, au-delà d’une moins-value de recettes les
exonérations fragilisent le système de TVA.
3.1.2. Des insuffisances comparatives de la performance de la TVA
Actuellement, la TVA occupe une place importante dans la recette fiscale de l’Etat
malgache. En effet, la TVA à elle seule représente en moyenne 35% des recettes
intérieures totales. Par rapport, aux recettes fiscales totales, elle devance tous les autres
types d’impôts intérieurs prévus dans le CGI malgache.
Toutefois, cette performance de la TVA à Madagascar est relative. En effet, en rapportant
les recettes de la TVA intérieure au PIB, Madagascar est encore loin des normes régionales
et mondiales. En effet, dans les pays d’Afrique, membres de l’UEMOA, ce ratio TVA/ PIB
s’élève à plus de 3% (67). Dans les pays développés comme la France et le Royaume Uni le
même ratio se situe respectivement à 7,9% et 7,2% (68).
Par ailleurs, en terme de contribution aux recettes fiscales la TVA malgache n’a pas encore
atteint la performance moyenne des pays de l’Afrique Sub Saharienne . Ces pays réalisent
en moyenne plus de 20% de recettes de TVA locale par rapport aux recettes totales.
Le graphique n°11 illustre bien le fait que la performance de la TVA malgache a perdu 4
points de pourcentage par rapport à son niveau de 1994. Les spécificités du tissu
économique, la conjoncture et l’insuffisance des actions de l’administration pourraient
expliquer cette insuffisance de performance depuis son adoption en 1994. En ce qui
concerne le ratio TVA/PIB, Madagascar est encore loin de la moyenne des pays de
67 Les performances de la TVA dans les pays de l’UEMOA sont présentées en Annexe 68 Conseil des impôts en France.- « XIXème rapport au Président de la République relatif à la Taxe sur la Valeur Ajouté ».- Paris, 2001.- p. 76
61
0
5
10
15
20
25
30
35
40
45
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
TVAint/recette totale
moyenne Afrique subsaharienne
Pays Développés
0
0,5
1
1,5
2
2,5
3
3,5
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
année
% P
IB
TVA int/PIB
moyenneAfrique SubSaharienne
l’Afrique Sub Saharienne suivant le graphique n°12. Actuellement ce ratio se stabilise
sensiblement à un niveau inférieur à 2% du PIB. Des efforts resteraient encore à faire par
l’administration fiscale pour atteindre les normes régionales.
Graphique n° 11. Evolution comparée du rapport TVA/ Recettes fiscales à
Madagascar (1993 - 2003)
Source :DGI/ DELF/ SSID ; Fossat, 2005, Nos propres calculs
Graphique n° 12. Evolution comparée du ratio TVA intérieure/PIB malgache
(1993 - 2003)
Source : DGI/ DELF/ SSID ; Fossat, 2005 ; nos propres calculs
62
Cette insuffisance de la performance de la TVA pourrait être expliquée nous l’avons dit par
les spécificités du tissu fiscal de la TVA à Madagascar. Elle serait aussi due à l’orientation
de la politique fiscale adoptée. Ainsi, le représentant résident du FMI à Madagascar a
affirmé que le gouvernement devrait mettre en place à Madagascar une fiscalité simple
orientée vers l’élargissement de la base imposable plutôt que de détaxer les importations
(69). En effet, l’orientation de la politique fiscale serait de faire payer le plus grand nombre
de contribuables ou de produits ce qui permettra, par la suite, de réduire le taux
d’imposition et par conséquent de limiter la hausse des prix au stade du consommateur
final.
En définitive, la qualité de la performance de la TVA serait conditionnée par une
application aussi large que possible.
3.2. Généralisation insuffisante de la TVA
Certes, les exonérations limiteraient une application généralisée de la TVA, mais
particulièrement l’importance de la fraude constituerait un facteur limitant aussi sa
performance et de surcroît elle saperait le fondement de la TVA par des distorsions de
concurrence qui en résulterait.
3.2.1. Importance de la fraude en matière de la TVA
Suivant le Conseil des impôts en France dans son rapport sur la TVA en 2001, les
mécanismes de fraude en matière de TVA consistent, essentiellement en :
• la vente sans facture à un non- assujetti, un consommateur final, qui a pour effet de
dissimuler une fraction du chiffre d’affaires ;
• la mise en place de circuits de fausses factures : elles s’appuient sur des entreprises
éphémères ou « taxis » dont la raison d’être est de créer des droits à déduction au
profit d’une entreprise ayant une activité réelle, puis de disparaître avant d’avoir
reversé la TVA prétendument collectée. A Madagascar, les sociétés «taxis»
concerneraient les sociétés à formalités légères comme les sociétés à responsabilité
limitée ; et
69 RAMBELO (Didier).- « Elargir la base plutôt que détaxer ».- Midi Madagasikara n° 6270, 02 mars 2004.- p. 4
63
• la déduction d’une partie de la TVA qui ne devrait pas l’être, soit en raison de
limitations spécifiques du droit à déduction, soit parce qu’une partie de l’activité de
l’entreprise assujettie est en fait exonérée ou hors du champ d’application de la TVA.
La fraude à la TVA dans un pays comme Madagascar consisterait essentiellement en des
fraudes «élémentaires». Il s’agirait de minorer la TVA brute, majorer la TVA déductible
ou créer des crédits de TVA fictifs par des ventes à l’exportation fictive. Mais comme nous
l’avons avancé au chapitre des caractères vertueux de la TVA, les modalités de perception
de la TVA génèrent en elles-mêmes une forme d’auto-contrôle pour les transactions entre
assujettis. En effet, c’est la facture du fournisseur, incluant la TVA, qui permet la
déduction de celle-ci par l’acheteur. La facture constituant ainsi « le véhicule » de la
déduction de la TVA.
En ce qui concerne l’estimation de fraude fiscale, il s’agit d’un exercice difficile et délicat.
Ainsi, les résultats restent imprécis et indicatifs. En matière de TVA, deux approches
complémentaires peuvent être utilisées pour cette évaluation :
• Une approche macro- économique, qui conduit en général à une estimation par excès
de la fraude.
• Une approche basée sur les données du contrôle fiscal, qui permet de calculer le
montant de la fraude par voie d’extrapolation.
Suivant la méthode macro-économique, qui consiste à comparer la TVA théorique exigible
à partir des comptes macro-économiques à la TVA effectivement perçue, en 1995 le
manque à gagner sur la TVA domestique était estimé à 84% des recettes de TVA interne.
Quant à la TVA sur les importations, le manque à gagner de la fraude était évalué à 73%
des recettes (70).
A cause des faiblesses administratives et d’une fraude bien développée, les TVA
effectivement recouvrées restent très largement en dessous des recettes attendues en
matière de TVA. Un effort important devrait être axé sur la perception de ce manque à
gagner considérable.
70 DISSOU et al. .- « Politique fiscale à Madagascar : options et impacts ».- Economie de Madagascar n°3, octobre 1998.- p.109
64
Il faut cependant interpréter avec précaution les résultats d’une telle méthode d’évaluation.
En effet, cette méthode avance l’hypothèse que l’écart constaté entre TVA théorique et
TVA effective n’est pas intégralement lié à des comportements frauduleux, ce qui est loin
d’être le cas. Elle ne considère pas par exemple les erreurs de déclaration de TVA. C’est à
ce titre que cette méthode est une estimation par excès de la fraude mais elle demeure une
approche intéressante à recouper avec les résultats de la seconde méthode évoquée.
Dans le cadre des méthodes macro-économiques, l’écart entre les «flux miroirs»
d’exportations et d’importations constitue également un indicateur de fraude au niveau de
la TVA sur les importations. Il s’agit de comparer les exportations provenant d’un Etat aux
importations provenant de ce dernier, déclarées dans l’Etat destinataire.
Nous n’avons pas pu réunir des données significatives mais une telle méthode pourrait être
intéressante dans le cadre des coopérations régionales dans les quelles Madagascar s’est
inscrit. En effet, à la différence de la méthode de l’écart de TVA, le recours aux «flux
miroirs» permettrait de chiffrer spécifiquement la fraude à la TVA dans les relations
commerciales internationales. Cependant, les problèmes de collectes statistiques pourraient
donner une estimation par excès de la fraude.
A partir des méthodes s’appuyant sur les résultats du contrôle fiscal nous pouvons aussi
approcher la fraude en matière de TVA. En effet, à partir des dossiers contentieux que nous
avons observés, il se trouve que 90% d’entre eux se rapportaient à des insuffisances de
déclaration de chiffres d’affaires. Ces dossiers résultent tous de contrôle sur place. Les
montants fraudés par les entreprises constitueraient les manques à gagner dus à la fraude.
Dans un pays comme Madagascar où le contrôle fiscal n’est pas encore systématique, cette
estimation de la fraude serait sous-estimée. Elle témoigne pourtant largement de l’ampleur
du phénomène.
Les résultats du contrôle fiscal, dans le tableau n°1, effectué au niveau du Service des
vérifications fiscales, des recoupements et des enquêtes (SVFRE) témoignent très
précisément de l’importance de la fraude en matière de TVA. En effet, le nombre de procès
verbaux établis ainsi que les montants des droits fraudés sont importants par rapport aux
autres types d’impôts. Cette réalité confirme les constations que nous avons faites au
niveau du service des contentieux.
65
Tableau n°2 : Résultat du contrôle fiscal au niveau du SVFRE
Nature 2002 2003 2004
Nombre et pourcentage de constatations d’infractions par Procès verbaux
Tva 16 38,10% 107 43,15% 240 30,53%
Tst 205 26,08%
Ibs 8 19,05% 40 16,13% 26 3,31%
ircm 9 21,43% 38 15,32% 23 2,93%
Da
redevance
TP 1 0,40%
irns 5 11,90% 56 22,58% 271 34,48%
Dc 2 4,76% 3 1,21% 10 1,27%
Dt 1 2,38%
TFT 2 0,25%
DSF/VSF 1 2,38% 2 0,81% 1 0,13%
IRSA 1 0,40% 8 1,02%
total 42 100,00% 248 100,00% 786 100,00%
Source : DGI / SVFRE
Au total, la mise en perspective des résultats de ces différents modes d’évaluation de
l’ampleur de la fraude en matière de TVA laisse apparaître un phénomène général, de forte
ampleur particulièrement néfaste à la collecte des recettes publiques.
La fraude pourrait représenter selon les secteurs de l’ordre d’au mois 30% des recettes
réelles ou recouvrées. Ce chiffre très significatif résulte d’évaluations réalisées dans
plusieurs pays de la zone sub-saharienne. Cette situation nous amène à s’interroger sur les
actions entreprises à Madagascar dans le cadre de la lutte contre les fraudes en matière de
TVA.
3.2.2. Des actions insuffisantes sur la lutte contre les fraudes
A Madagascar le développement de la fraude serait dû à l’insuffisance des actions de
l’administration fiscale. Une enquête réalisée à Antananarivo auprès de l’administration
fiscale confirme cette faiblesse (71). En effet, les principaux facteurs d’évasion sont :
l’insuffisance d’information et d’éducation sur le plan fiscal , l’insuffisance des moyens de
l’ administration, la carence des Agents (due à un manque de formation), la mentalité des
71 ANDRIANOMANANA (Pépé) et al. .- « Amélioration de la transparence dans l’administration fiscale ».- Economie de Madagascar n°3, octobre 1998.- p. 255
66
contribuables, les problèmes de communication et de présence des services fiscaux
(éloignement des bureaux).
Par ailleurs, il faut remarquer qu’avec l’inexistence d’obligation légale d’utiliser le chèque
comme « moyen de paiement » (72) le suivi des transactions commerciales à Madagascar
serait difficile pour l’administration fiscale. Une telle situation limiterait assurément les
marges d’action de l’administration fiscale face au développement des fraudes.
Ainsi des efforts importants devraient-ils être effectués pour la résorption de la fraude en
matière de TVA, notamment par une action résolue et spécifique. Ces actions permettraient
d’améliorer le rendement de la TVA et par la suite d’assurer la transition fiscale. Cette
dernière se trouverait actuellement hypothéquée à Madagascar.
3.3. Hypothèque de la transition fiscale
En matière fiscale, la libéralisation économique conduirait les pays comme Madagascar à
substituer des ressources de fiscalité interne à des recettes douanières désormais
décroissantes. Ainsi, la transition fiscale serait inévitable et la TVA en constituerait le
pilier central.
Cependant, les contre performances de la TVA que nous avons constatées laisseraient
entendre que cette transition serait hypothéquée à Madagascar. Certes, la TVA tient une
grande importance dans le prélèvement public mais elle n’a pas encore assuré totalement le
relais aux droits tarifaires. Ainsi le tableau suivant, à travers la performance de la DGI
comparée à celle de la Douane, démontre que la transition fiscale à Madagascar n’est pas
encore assurée.
Tableau n°3 : Répartition des recettes totales entre la DGI et la DGD à Madagascar
1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003
DGI 52% 43% 45% 44% 41% 43% 46% 50% 55% 49%
DGD 48% 57% 55% 56% 59% 57% 54% 50% 45% 51%
Source : DGI
72 ANDRIANOMANANA (Pépé) et al. .- « Madagasacar : Le secteur financier à l’aube du 21ème siècle/ Etat des lieux et orientations ».- Antananarivo.-Projet CAER,2000.- p. 130
67
Conclusion partielle
Au terme de cette deuxième partie nous pouvons dire que les spécificités du tissu fiscal à
travers l’importance du secteur informel, les fraudes, ainsi que l’insuffisance d’information
des contribuables à Madagascar, limitent une application « parfaite » de la TVA,qui est un
impôt moderne, et de ce fait sa performance car,en effet, malgré le caractère « leader » de
la TVA, elle reste insuffisante par rapport à la norme des pays subsahariens
économiquement comparables à Madagascar.
Mais à côté de ces réalités différentes, des lacunes au niveau du dispositif seraient aussi
sources d’imperfections quant à l’application de la TVA à Madagascar. Par ailleurs nous
pouvons avancer que la TVA actuelle n’est pas conforme au principe de simplicité
transparence fiscale. En effet, la lisibilité et la simplicité du dispositif ne sont pas encore
assurées à Madagascar. Aussi, des demandes d’interprétation en matière de TVA
résulteraient-ils de ces lacunes.
De plus les entorses au fondement de la TVA, tels que la limitation du droit à déduction,
des butoirs au remboursement, la dualité de TCA handicaperaient les entreprises assujetties
à la TVA.
Mais les imperfections, tant au niveau du dispositif que du tissu fiscal de la TVA, ne sont
pas sans solutions. Aussi, des améliorations seraient-elles encore envisageables.
68
TROISIEME PARTIE :
DES AJUSTEMENTS NECESSAIRES AU MODELE ET A LA GESTION DE LA TVA MALGACHE
Les réalités du tissu fiscal malgache notamment de la TVA présentent par nature des
difficultés qui ne relèvent pas de l’administration fiscale. Par ailleurs, les imperfections
constatées dans la rédaction du dispositif « dénaturent » l’application de la TVA. Il n’est
plus besoin de démontrer ses conséquences. Dans le cadre de cette dernière partie nous
tenterons d’esquisser des améliorations possibles adaptées aux réalités de Madagascar tant
au niveau du dispositif que de la gestion de la TVA. Les impacts de certains ajustements
seront aussi analysés dans cette dernière partie de l’étude.
69
Chapitre 1. Des ajustements dans l’application des principes sous tendant la TVA
Dans la deuxième partie de l’étude, nous avons pu montrer que les exonérations et la
dualité des TCA ainsi que la limitation du droit à remboursement et à déduction
constitueraient des entorses au fondement de la TVA. Ainsi, les améliorations à envisager
devraient-elles atténuer ces entorses.
1.1. Elargissement du champ d’application de la TVA
En principe la TVA devrait être appliquée d’une manière aussi large que possible. Or il a
été montré que l’existence de la TST dans la réglementation des TCA à Madagascar
constitue une entorse au fondement de la TVA même. Ainsi, sa suppression permettrait
une simplification et une uniformisation des TCA à Madagascar.
1.1.1. La suppression de la TST optimisation du rendement de la TVA
En principe, sur le plan budgétaire, la TST reviendrait aux collectivités territoriales. C’est
à ce titre que le Secrétariat d’Etat auprès du Ministère de l’Intérieur et de la Réforme
Administrative chargé de la Décentralisation, du Développement Régional et des
Communes a proposé, par la Loi de Finances 2005, une répartition de la TST entre la
Province Autonome, la Région et la Commune. Conformément aux dispositions de l’article
06.02.01 du CGI, la TST est prélevée par l’Etat Central mais elle est reversée au profit des
collectivités territoriales précisément les Provinces Autonomes. Mais dans la réalité elle ne
serait pas transférée effectivement aux provinces pour des raisons d’ordre budgétaires.
Nous pourrions donc considérer que la suppression de la TST ne devrait pas constituer un
manque à gagner au niveau des recettes du budget général de l’Etat dans la mesure où elle
devrait revenir aux collectivités territoriales. De plus cette suppression de la TST ne fera
que consolider la décentralisation dans la mesure où les assujettis à la TST vont être
imposés à l’Impôt Synthétique(73) qui est un impôt destiné au financement du programme
d’investissement régionalisés.
73 L’impôt synthétique est un impôt unique obtenu de la fusion de trois impôts à savoir la taxe professionnelle, l’impôt sur les revenus non salariaux et la taxe sur le chiffre d’affaires. Il s’agit d’un régime simplifié pour l’imposition des petits contribuables dont le chiffres d’affaires est inférieur à 20 millions d’Ariary suivant la LF 2007.
70
Il faudrait noter par ailleurs, que l’Etat Central aurait une difficulté à connaître d’une façon
précise l’assiette de la TST. En effet, ce sont les petites activités éparpillées dans les
différents quartiers qui sont assujetties à la TST. Cette situation entraînerait de fait une
sous évaluation des assiettes de cet impôt et par conséquent la faiblesse de sa performance
en terme de rendement budgétaire qui est de l’ordre de 2% des recettes totales en moyenne.
En outre, l’importance du régime d’imposition forfaitaire contribuerait aussi à la faiblesse
de la performance de la TST. Les assujettis dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à
10 millions d’Ariary, pour ceux exerçant des prestations de services, et 20 millions
d’Ariary pour les autres activités, sont soumis au régime de versements forfaitaires. Ces
assujettis doivent verser la TST tous les bimestres auprès du Centre Fiscal territorialement
compétent à l’aide d’un bordereau fourni par l’administration. Mais dans la pratique, la
TST pour l’ensemble des bimestres d’une année pour un assujetti au forfait est payée en
une seule fois pour des raisons de commodité. De plus les assujettis souhaiteraient être
libérés des obligations de versements bimestriels. Ainsi la majorité des assujettis à la TST
sont soumis au régime du forfait. Au titre de l’année 2003, hors la province de Majunga,
nous pouvons constater à travers le tableau suivant que régime du forfait représente
pratiquement 95 % des assujettis à la TST.
Tableau n° 4 : Répartition des assujettis à la TST par régime d’imposition (2003)
Ensemble TST forfait % TST réel %
Antananarivo 37685 35779 94.94 1906 5.06
dont DFGE 15 0 0.00 15 100.00
Toamasina 1322 348 26.32 974 73.68
Fianarantsoa 7862 7824 99.52 38 0.48
Toliary 3802 3631 95.50 171 4.50
Antsiranana 15876 15246 96.03 630 3.97
Total 66547 62828 94.41 3719 5.59
Source : DGI / DELF / SSID
Il faut préciser que les assujettis au régime du forfait ne tiennent pas de comptabilité
régulière contrairement à ceux relevant du régime de l’effectif. Toutefois, ils sont astreints
à la tenue d’un registre des achats et des recettes préalablement côté et paraphé par
l’administration fiscale (article 06-02-17 du CGI).
71
Mais dans la réalité, la majorité des assujettis, pour ne pas dire la totalité, ne tiendraient pas
ces registres.
Compte tenu de ces situations, beaucoup d’assujettis se maintiennent abusivement dans le
régime du forfait en sous déclarant leurs chiffres d’affaires. L’administration fiscale ne
dispose pas de moyens efficaces pour redresser ces chiffres d’affaires. Par ailleurs, dans un
système fiscal déclaratif, les déclarations effectuées par les assujettis sont considérées
comme sincères jusqu’à preuve du contraire, et la charge de la preuve incombe à
l’administration fiscale pour la justification des redressements effectués sur les déclarations
effectuées dans le délai légal.
En définitive, compte tenu de l’importance des assujettis soumis au régime du forfait ainsi
que de la difficulté dans la gestion de la TST, particulièrement dans l’exercice du droit de
contrôle par l’administration fiscale, la TST ne serait pas un impôt rentable en terme de
rapport coût/ rendement.
Ainsi, la suppression de la TST, au profit de l’élargissement du champ d’application de la
TVA devrait en principe améliorer le rendement de la TVA. En effet, le régime de la TVA
étant l’effectif. L’administration fiscale pourrait exercer efficacement le contrôle de
l’honnêteté des déclarations d’autant que la suppression de la TST dégagerait les effectifs
des personnels affectés à la gestion de cette taxe. Mais nous tenons à préciser que cet
élargissement concernerait surtout les assujettis à la TST du régime de l’effectif
A cet effet, la question sur le sort des assujettis du régime du forfait de la TST ou les
assujettis qui sont incapables de tenir une comptabilité régulière se pose. La réponse à cette
question pourrait être appréciée à travers le cas des micros activités et du secteur agricole à
Madagascar ou la création des Centres de Gestion Agrées (CGA).
1.1.2. L’assujettissement des micros-activités à la TVA
Dans un pays comme Madagascar, beaucoup d’activités sont effectuées par des
contribuables dans l’impossibilité de tenir une comptabilité. Il s’agit, par exemple, de la
petite activité de commerce de rue, des petits artisans ou épiceries dans les quartiers… A
Madagascar ces activités sont dans la majorité assujetties à la TST dans un régime
72
forfaitaire d’imposition. Pratiquement, ces activités ne peuvent pas être assujetties à la
TVA.
En principe, le montant de la TVA qu’un assujetti doit verser au profit de l’Etat ne peut
être déterminé qu’à partir d’une comptabilité retraçant de manière détaillée l’ensemble de
ses achats et de ses ventes. Mais une comptabilité sommaire pourrait être aussi utilisée
pour évaluer d’une manière approximative le montant de la TVA à verser au trésor. A ce
titre nous pensons au système minimal de trésorerie récemment instauré par le PCG 2005 à
Madagascar. Il s’agit d’une comptabilité des encaissements/décaissements.
Cependant, il a été montré que dans beaucoup de pays Africains ayant utilisé les régimes
forfaitaires, ce système de comptabilité simplifiée ne permet pas d’estimer correctement le
montant de la TVA dû par les assujettis forfaitaires (74).
Dans ces conditions, le régime forfaitaire constitue une source de charges administratives
et de confusion. La TVA ne doit être appliquée qu’à des contribuables ayant un niveau
d’activité c’est à dire un chiffre d’affaires minimum justifiant la tenue d’une comptabilité
complète.
Ainsi, serait-il plus rentable en termes de coûts/recettes de fixer un plancher en dessous
duquel les petits contribuables ne seraient pas assujettis à la TVA.
Quant à l’assujettissement à la TVA du secteur agricole, il serait similaire à la situation des
micro-activités. En effet, la majorité des acteurs de ce secteur sont dans l’impossibilité
d’assurer les obligations documentaires de la TVA.
1.1.3. Assujettissement du secteur agricole à la TVA
Dans ses principes fondamentaux la TVA vise à taxer de manière aussi neutre que possible
les consommations finales. Dans le cas du secteur agricole malgache, la TVA est détournée
de son objectif. En effet, elle est appliquée de manière définitive sur les intrants agricoles.
74 CHAMBAS (Gérard).- « Fiscalité et Développement en Afrique sub-saharienne ».- Paris : Economica, 1994 .- p. 100
73
Avant la loi de finances 2004, les produits agricoles étaient tous exonérés de la TVA. Cette
exonération, comme dans la plupart des pays en développement, serait motivée par des
raisons sociales ainsi que des difficultés techniques touchant à l’application de la taxe.
Actuellement, la vente locale des produits alimentaires non transformés provenant de
l’agriculture, de l’élevage pour l’alimentation humaine est taxable à la TVA. En effet, la
loi de finances 2004 a modifié l’article 06-01-06 paragraphe 18. Ainsi, l’exonération
concerne seulement la vente de paddy et de riz.
Mais conformément à la logique de la TVA, son assiette devrait être la plus large possible.
Ainsi, parvenir à intégrer le secteur agricole dans le champ d’application de la TVA
constituerait un objectif dans un pays comme Madagascar.
Cependant, il ne faudrait pas oublier que des difficultés existent et tiennent
essentiellement :
• Au caractère traditionnel du secteur agricole qui demeure une agriculture de
subsistance ;
• A la faiblesse des rendements fiscaux attendus et à la complexité de la gestion et du
suivi des acteurs de ce secteur par l’administration fiscale. Il faut noter que
l’application de la TVA sur des secteurs non maîtrisés comporterait un risque élevé
de fraude en matière de déduction et de crédit de TVA. C’est un problème d’ailleurs
général à tous les pays d’Afrique et de bien d’autre pays.
Compte tenu de ces « réalités différentes » la solution qui serait adaptée au cas du secteur
agricole malgache devrait s’inspirer des pratiques de la plupart des pays dans lesquels le
secteur agricole était hors du champ d’application, ou était simplement exonéré. La
solution consisterait à autoriser la possibilité d’options pour les acteurs du secteur qui le
désirent mais ayant la capacité à tenir une comptabilité. Il s’agirait des acteurs ayant un
chiffe d’affaires élevé. (75)
Bref, parvenir à intégrer tous les secteurs d’activités dans le champ d’application de la
TVA correspondrait au fondement même de la TVA. Mais la réduction des exonérations
s’inscrirait aussi dans cette logique.
75 Cf la page 85 sur le fondement d’un seuil d’imposition élevé et possibilité d’option
74
1.2. La réduction des exonérations en matière de TVA
Une des conséquences de l’élargissement du champ d’application de la TVA serait la
limitation dans la mesure du possible des exonérations. En effet, les exonérations
n’emportent pas les effets attendus et constitueraient des manques à gagner importants en
termes de recettes fiscales.
1.2.1. Portée limitée des exonérations en matière d’investissement
Le recours aux encouragements fiscaux ou incitations fiscales comme les exonérations
représentent une méthode répandue de promotion de l’investissement dans les pays en voie
de développement comme Madagascar (76). Cependant, certains faits et expériences
donneraient à conclure que leur efficacité, pour attirer des investissements, est souvent
douteuse quant à leur impact réel sur l’économie.
Dans ce sens, Fossat (77), un conseiller du FMI a affirmé que « la question de la pertinence
des exonérations se pose d’autant, lorsque, malgré des dispositions fiscales très
avantageuses pour les investissements, le montant des investissements en Afrique
représente moins de 1% des investissements mondiaux ».
Par ailleurs, il ressort de plusieurs études (78) que l’incitation à l’investissement est
tributaire de variables autres que la fiscalité. Ces variables concerneraient essentiellement :
• la stabilité politique,
• la fiabilité du système bancaire,
• la fiabilité du système judiciaire,
• le marché de la main d’œuvre,
• l’existence d’infrastructures,
• l’efficacité de l’administration,
• la clarté et facilité de la démarche pour investir dans le pays
• l’ouverture du pays.
76 TANZI (Vito), ZEE ( Howell).- « Une politique fiscale pour les pays en dévéloppement ».- Dossiers économiques n°27 du FMI .- Washington,2001.- p. 13 77 FOSSAT (Patrick).-« La TVA et la modernisation de la fiscalité et de l’administration fiscale ».- Synthèse des travaux du 20ème Colloque du Credaf.-Niamey,2005 78 RAZAFINDRAKOTO (Mireille).- « Les déterminants des investissements directs étrangers à Madagascar ».- Economie de Madagascar n°1,décembre 1996.- pp 193-197
75
Le poids de la fiscalité viendrait à la fin de cette liste. Ainsi, Seven en 1992 soulignait à
partir d’une étude économétrique que les retombées des incitations fiscales sont limitées
par rapport à la crédibilité des politiques. Les facteurs de décisions seraient basés surtout
sur « les incertitudes » ou « risques ».
Par ailleurs, les études de Lim en 1982 corroborent la faible significativité des mesures
fiscales incitatives sur les flux d’Investissements Directs Etrangers dans les pays en voie de
développement. Les incitations à l’investissement tiennent plus, selon Lim, à l’existence de
ressources naturelles à exploiter et à la performance de l’économie.
Ces résultats rejoignent ceux obtenus par Mc Millan en 1995, lorsqu ’il a comparé
l’évolution des Investisements Directs Etrangers ou IDE au Ghana et en Côte d’Ivoire. Il
ressort de cette étude que ce sont les facteurs économiques tels que la taille et la croissance
du marché potentiel ainsi que le développement économique du pays qui attireraient les
capitaux étrangers. En matière de TVA, outres les effets développés dans la deuxième
partie de cette étude (rupture de la chaîne de déduction, augmentation du prix….), les
exonérations ont pour conséquence l’augmentation des crédits de TVA payée aux
fournisseurs. En effet, l’entreprise ne peut pas déduire en totalité la TVA payée en amont.
Par ailleurs, les exonérations compliqueraient la comptabilisation et le suivi de la TVA par
l’utilisation des prorata ou pourcentages de déduction, ce qui constituerait au surplus des
facteurs de fraude.
Pour l’administration fiscale, les exonérations de TVA poseraient le problème du contrôle
en ce qui concerne la destination réelle des biens. En effet, pour vérifier que les biens
exonérés ne sont pas détournés de leur objet et vendus sur le marché, les administrations
fiscales et douanières disposent généralement de peu de moyens. Il est de notoriété
publique qu’une grande partie des biens acquis avec exonération sont vendus sur le marché
intérieur. De plus, cette situation constituerait une distorsion de concurrence à l’égard des
produits substituables aux produits exonérés. Le cas de Madagascar n’échapperait pas à ces
constats et résultats considérés comme acquis.
76
Conformément à ces constats la tendance des pays est à la révision des dispositifs
d’incitation notamment la réduction des exonérations (79). L’amélioration du dispositif de
la TVA à Madagascar devrait aussi s’inscrire dans cette tendance.
Par ailleurs, avec la logique d’élargissement du champ d’application, d’autres formes
d’exonérations devraient être révisées.
1.2.2. Révision des exonérations conventionnelles
Suivant la convention de Vienne sur les relations diplomatiques à laquelle Madagascar a
adhéré depuis 1963, l’agent diplomatique est exempt de tous impôts et taxes à l’exception
des impôts indirects comme la TVA. Toutefois, les dispositions de l’article 47-2b de la
convention permettent de faire bénéficier mutuellement aux agents diplomatiques un
traitement plus favorable par coutume ou par voie d’accord. Cet accord de réciprocité est
concrétisé par une note verbale laquelle varie selon les Etats. Cette note définit la liste des
biens et services détaxés ainsi que les bénéficiaires des exonérations conventionnelles.
Mais pratiquement la demande de détaxation, notamment de la TVA, s’effectue par le biais
de l’attestation de destination visée par le Ministère des affaires étrangères ainsi que
l’administration fiscale. Les achats s’effectueront hors TVA auprès des fournisseurs déjà
précisés dans l’attestation de destination.
Dans le cadre de l’élargissement du champ d’application de la TVA une mesure devrait
être prise pour réduire l’importance de ces exonérations conventionnelles. Au titre de
l’année 2004 nous pouvons constater l’importance des exonérations dans le cadre de ces
accords de réciprocités qui est de l’ordre de 12 milliards de Fmg soit 21% des recettes de
TST de 2004 sans considération des TVA sur les achats de carburant effectués par les
différentes ambassades à Madagascar.
La révision des accords de réciprocité existants s’avèrerait nécessaire afin de limiter les
biens et les services éligibles à la détaxation. Nous pourrions envisager des quotas par
nature de produits. Toutefois, cette révision devrait tenir compte que les ambassades
malgaches à l’étranger bénéficient aussi de ces mesures de réciprocité même si la TVA est
79 LANKOUANDE (Charles), NARE (Adélaïde).- « L’élargissement de l’assiette et les régimes d’incitation et des exonérations ».- Synthèse des travaux du 20ème Colloque du Credaf.- Niamey,2005
77
un impôt sur la consommation finale que tout le monde devrait payer. Ainsi, l’analyse de
l’incidence budgétaire de cette mesure devrait être envisagée.
1.3. Optimisation du remboursement du crédit de TVA
L’amélioration du dispositif de la TVA ne se limiterait pas seulement à l’élargissement de
son champ d’application. Corollairement, l’optimisation du remboursement du crédit de
TVA permettrait d’assurer l’efficacité de la neutralité économique de la TVA à
Madagascar.
1.3.1. Amélioration du dispositif de remboursement des crédit de TVA au profit des
entreprises
En principe, la récupération de la TVA s’opère prioritairement par voie d’imputation. Mais
pour certaines entreprises, dans l’impossibilité de procéder à l’imputation, le
remboursement de crédit constitue une modalité particulière de l’exercice du droit à
déduction.
Ainsi, l’article 06-01-24 du CGI reconnaît le droit au remboursement de crédit pour les
entreprises assujetties.
Explicitement, seules les entreprises admises au régime de Zone Franche et les
professionnels de l’exportation peuvent demander le remboursement des crédits de TVA.
En effet, ces deux catégories d’assujettis sont structurellement créditeurs dans la mesure où
leurs ventes à l’exportation sont soumises au taux zéro de TVA alors que les achats
d’intrants et acquisition d’immobilisations s’effectuent au taux normal de 18% depuis le 1èr
Septembre 2005.
Par ailleurs, l’article 06-01-24 bis du CGI n’autorise aux entreprises assujetties à la TVA
effectuant des investissements de valeur importante générant un crédit de TVA supérieur
de 20 000 000 Ariary, que le transfert de crédit de TVA à d’autres assujettis gros
collecteurs de TVA comme les banques.
Après la détermination de crédit remboursable suivant la proportion que nous avons
présentée dans la deuxième partie de l’étude, les entreprises déposent régulièrement leur
78
déclaration de TVA, à chaque période mensuelle ou trimestrielle, selon le cas à l’aide du
bordereau N° 601 fourni par l’administration. Mais simultanément, elles procèdent aux
demandes de remboursement de crédit en remplissant l’imprimé N° 602 (80) prévu à cet
effet. En outre, les entreprises doivent fournir un état détaillé de la TVA, avec les
photocopies des factures ainsi que les originaux, un relevé des exportations, les attestations
des embarquements, une situation de remboursement de crédit de TVA, un imprimé 603 ou
fiche de renseignements pour les exportateurs, une fois par an, la photocopie du dernier
quitus ainsi que la copie du dernier état financier.
Toutes ces pièces sont exigées par l’administration pour permettre à la cellule de
remboursement de la Direction Fiscale des Grandes Entreprises (DFGE) d’exercer le
contrôle afin de détecter certains montages de crédits fictifs de TVA. Mais l’administration
fiscale ne dispose que d’un délai légal de 30 jours pour instruire les dossiers de demande
de remboursement de crédit. En principe le remboursement effectif aux entreprises devrait
être réalisé dans les 30 jours de la date de réception de la demande. Ainsi, les entreprises
dans le régime de versement mensuel devraient obtenir le remboursement ou le rejet de
leur demande dans un délai de 60 jours. Celles soumises au régime trimestriel
obtiendraient le remboursement au plus tard dans les 90 jours.
Malgré, le délai imposé à l’administration pour réaliser le remboursement beaucoup de
crédits (81) reste à payer. Cette situation serait due à une contrainte budgétaire. Il faut
cependant remarquer que pour assurer le remboursement, un compte de dépôt a été ouvert
au nom du Directeur Général des impôts suivant l’arrêté interministériel N° 9500 du 03
décembre 1998. Ce compte fonctionne comme un compte bancaire, et le paiement du
crédit à l’entreprise s’effectue par un chèque spécial signé par le Directeur Général des
impôts et soumis au visa du Receveur Général des finances d’Antananarivo (RGA).
Par ailleurs, le compte de dépôt est approvisionné par les recettes de TVA elles même. En
effet, à chaque versement de recettes de TVA au Trésor Public, le Receveur de la DFGE
ainsi que ceux des douanes établissent un état de répartition au vu duquel, le trésor
80 Cet imprimé est présenté en annexe n° II 81 Cet aspect a fait l’objet d’un développement dans la deuxième partie de l’étude
79
procède à l’affectation au compte de dépôt, la somme correspondant aux crédits de TVA
dont le remboursement est estimé (82).
Avec la perspective d’élargissement du champ d’application, le dispositif de
remboursement de crédit de TVA devrait âtre amélioré. Ainsi, pour éviter le problème de
trésorerie, qui constitue un véritable butoir indirect au remboursement de crédit, le
paiement de crédit de TVA devrait être étalé sur une année. Cela permettrait à chaque
demande de bénéficier du droit à remboursement. Par ailleurs, l’application d’un intérêt à
l’encontre de l’Etat pour retard de paiement pourrait être envisagée à terme. Le taux de cet
intérêt devrait par exemple se référer au taux appliqué par la législation fiscale sur le retard
de paiement des impôts.
Par ailleurs, le bénéfice du droit au remboursement devrait être élargi aux investisseurs
dans la mesure où aucun marché de transfert de crédit n’existe vraiment.
1.3.2. Une meilleure neutralité de la TVA sur les projets à financement extérieur
Dans la réglementation actuelle, les projets s’inscrivant dans le cadre du Programme
d’Investissement Public financés sur fonds d’origine extérieure sont taxés à la TVA. Mais
conformément aux dispositions de l’article 06-01-35, les TVA relatives à ces projets sont
supportés par l’Etat. Pratiquement une ligne budgétaire appelée « Ressources
propres/Taxes sur les Transactions Locales » est programmée au niveau de chaque projet
pour permettre à l’Etat de rembourser les crédits de TVA réalisés par les entreprises
adjudicataires des travaux ou prestations liées au projet.
Malgré la création de guichet unique au niveau de chaque Ministère, le remboursement de
ces crédits n’est pas toujours effectif pour des raisons de contraintes budgétaires. En 2002
les arriérés de remboursement de TVA relative à ces projets ont fait l’objet d’une
comptabilisation par le Trésor comme des versements d’impôts effectués par les sociétés.
Ainsi, compte tenu de ce risque, les entreprises majoreraient de la TVA le prix TTC des
projets. Mais en principe un chèque spécial de Trésor devrait être remis aux entreprises à
titre de remboursement leur permettant de régulariser le paiement de la TVA relative à
l’ensemble de leurs opérations taxables à la TVA.
82 Cette estimation est connue à partir des demandes de remboursement déposées
80
Compte tenu de ces contraintes budgétaires, il faudrait soumettre à la TVA tous les projets
de coopération internationale financés par l’extérieur. Cela permettrait d’abonder les
recettes de l’Etat dans la mesure où ce dernier n’aura plus besoin de prendre à sa charge le
remboursement de la TVA sur le projet, de réduire les circuits frauduleux (pas de risque de
voir des produits hors TVA écoulés sur le marché intérieur) et une meilleure visibilité du
coût réel des projets.
Ainsi, cette modification devrait être envisagée dans le cadre de la Loi de Finances. Par
ailleurs, il faudrait que tous les bailleurs de fonds soient convaincus de l’efficacité et
l’avantage d’une telle mesure.
Mais les améliorations dans le dispositif n’auraient aucune portée si la gestion de la TVA
n’est pas adaptée. Par ailleurs, les ajustements devraient considérer le principe
d’accessibilité étant donné les caractéristiques du tissu fiscal et des acteurs économiques
face à la TVA. Ces ajustements qualitatifs constitueraient des conditions sine qua non
quant à l’efficacité des ajustements au niveau du dispositif.
81
Chapitre 2. Des ajustements qualitatifs au dispositif et à la gestion de la TVA
Les ajustements du dispositif au fondement initial de la TVA sont nécessaires en soi. Mais
encore faut-il que les améliorations dans le dispositif soit accessible aux assujettis. Par
ailleurs, l’élargissement du champ d’application de la TVA présenterait des risques,
comme l’abus de déduction, ou l’apparition de crédits de TVA fictifs, qu’il faudrait limiter.
Ainsi, des ajustements qualitatifs devraient être aussi envisagés au niveau de la gestion de
la TVA.
2.1. L’amélioration du dispositif de la TVA
Les insuffisances de lisibilité et toutes les imprécisions dans le dispositif de la TVA
nécessiteraient logiquement des révisions. Aussi, une rédaction homogène et précise
accompagnée de textes d’application s’avérerait-elle nécessaire.
2.1.1. Rédaction homogène et précise du dispositif
Comme nous l’avons montré dans la deuxième partie de l’étude, les imprécisions, les
lacunes constituent des obstacles majeurs à une bonne administration et à un meilleur
rendement de la TVA. Par ailleurs, ces imprécisions pourraient créer des éléments
d’insécurité particulièrement néfastes pour les contribuables par l’application de pénalités
inutiles sur une interprétation erronée du dispositif de la TVA. Une telle situation
augmenterait le « compliance cost » de la TVA.
Ainsi, l’amélioration de la rédaction du dispositif de la TVA devrait être envisagée. Il
s’agit de faire disparaître toutes incohérences et assurer une utilisation homogène des
termes employés.
En outre, pour permettre une meilleure lisibilité, il serait souhaitable de mentionner à
l’égard de chaque article la date de modification ou d’abrogation. Ces mentions seraient
autant utiles aux contribuables qu’aux tribunaux dans la lecture et l’application du
dispositif de la TVA.
Par ailleurs, il convient de remarquer que l’administration fiscale dispose d’un droit de
reprise sur trois années. En d’autres termes, elle pourra procéder à des redressements
notamment sur les chiffres d’affaires taxables des trois dernières années. Nous tenons à
82
remarquer que ces redressements sont la conséquence du caractère déclaratif de la TVA.
En effet, la TVA est un impôt moderne en ce qu’il est basé sur la procédure de déclaration
et de paiement spontané. Selon cette procédure, l’administration n’intervient pas pour
asseoir l’impôt ni pour procéder à un contrôle a priori des déclarations. Son contrôle
s’exerce après le dépôt des déclarations et l’encaissement de la taxe.
Dans l’exercice de ce droit, l’administration se réfère au dispositif en vigueur lors de la
réalisation de l’opération ou de l’activité taxable. Ainsi, la mention de la date de
modification ou d’abrogation des textes faciliterait la compréhension dans l’application du
dispositif de la TVA.
En outre, pour permettre une accessibilité au dispositif de la TVA, une large diffusion des
textes ainsi que leurs modalités d’application devrait être envisagée. Par ailleurs, des
efforts supplémentaires tels que la diffusion par voie d’affiches, dépliants, émissions
radiodiffusées ou télévisées, Internet pourraient concourir à rapprocher l’administration
fiscale des assujettis et à mieux faire comprendre et admettre la TVA et diminuer les
contentieux en matière de TVA.
Par ailleurs, la rédaction d’un guide ayant un caractère de « précis sur la TVA » traitant la
législation et la doctrine applicable permettent la diffusion d’une information claire.
Cependant, ces améliorations devraient être accompagnées de texte d’application.
2.1.2. Adoption de textes d’application accessibles
Le texte fiscal est difficile en lui-même. Ainsi, comme nous l’avons vu, le dispositif de la
TUT ancêtre de la TVA a connu un texte d’application facilitant sa compréhension. En ce
qui concerne le dispositif de la TVA, l’adoption d’un texte d’application se justifierait dans
la mesure où l’introduction des concepts tels que le prorata de déduction, la règle de
l’affectation, la régularisation des déductions, ont compliqué son dispositif.
Ainsi une actualisation du Décret d’application de la TUT serait envisageable. En effet,
beaucoup d’interprétations relatives au dispositif actuel de la TVA sont tirées du texte
d’application de la TUT malgré son abrogation. Dans le cadre du nouveau texte
d’application, les nouveaux concepts devront être expliqués et précisés.
83
L’adoption de textes d’application, à condition qu’ils soient publiés et diffusés, permettrait
d’améliorer la sécurité fiscale des assujettis à la TVA.
Par ailleurs les modalités d’application, notamment les circulaires administratives ainsi que
les réponses aux demandes de solution devraient être publiées du moins à travers le site
web de la DGI (83). Ainsi les assujettis seraient à l’abri des revirements d’interprétation ou
de la doctrine fiscale administrative.
Dans le court terme, une Décision réglementaire signée par le Ministre chargé des finances
et du budget devrait être envisagée pour l’application du nouveau mécanisme de
remboursement de crédit de TVA. Par ailleurs, une interprétation devrait être envisagée par
la Direction de la Législation pour l’application de la règle de l’affectation en matière de
déduction de la TVA sur les biens et services.
2.2. L’accessibilité au dispositif de la TVA
Les améliorations dans la rédaction ainsi que l’adoption de textes d’application
s’inscriraient dans la démarche de la Nouvelle Gestion Publique. Mais, elles pourraient être
appuyées par des actions d’ »information éducation » à travers des relais comme les
Centres de gestion agréés.
2.2.1. Adoption de la démarche Information – Education- Communication
Bien que les comportements semblent évoluer, l’information et les services aux
contribuables restent des activités peu développées dans la plupart des pays en voie de
développement comme Madagascar. Pourtant, les administrations les plus performantes en
la matière ont adopté une démarche dynamique pour élaborer des programmes
d’information ciblés à l’occasion des réformes législatives ou de procédures. Dans certains
cas, des ateliers de travail sont tenus à fréquence régulière avec les représentants des
entreprises et leurs comptables, avocats et conseils fiscaux pour étudier la simplification
des formalités et des imprimés fiscaux.
83 Notons que le site web de la DGI, qui a pour adresse http ://www.impots-mg.org, n’a été crée que depuis l’année 2005 dans le cadre d’un projet de renforcement de l’Administration fiscale sur financement de la Coopération française
84
L’information des contribuables participe au renforcement du respect de leurs obligations
fiscales et améliore la manière de servir les déclarations fiscales et partant le civisme fiscal.
Dans les administrations modernes et efficaces, de gros moyens sont mis à disposition dans
le cadre des contacts avec les contribuables.
Dans un pays comme Madagascar, le recours à des relais comme le Centre de gestion agréé
ou CGA constituerait un moyen efficace dans l’information et l’éducation des assujettis
notamment en matière de TVA.
2.2.2. Stratégie de proximité à travers les centres de gestion.
Tels qu’ils sont prévus dans le CGI malgache, les centres de gestions agréés par
l’Administration fiscale ont pour objet d’apporter une assistance en matière de gestion aux
industriels, commerçants, artisans et agriculteurs.
Par ailleurs, ils peuvent développer l’usage de la comptabilité et faciliter
l’accomplissement des obligations administratives et fiscales (art 20-08-01 du CGI). En
outre, avec l’assistance d’un agent de l’administration fiscale attaché à chaque CGA,
l’application du dispositif en matière de TVA s’en trouverait facilité.
Ainsi le recours aux centres de gestion agréés pourrait limiter les problèmes contentieux
entre l’administration fiscale et les assujettis à la TVA. Par ailleurs, il permettrait de
rapprocher l’administration fiscale des assujettis et contribuerait à mieux faire connaître et
admettre l’impôt notamment la TVA.
Cependant, aucun texte d’application n’est encore paru pour permettre la création de ces
centres de gestion. Ainsi leur existence n’est pas effective mais encore au stade textuel. Il
semblerait toutefois que la création effective, notamment par la voie de la création d’un
centre pilote, soit proche.
85
2.3. Des ajustements qualitatifs à la gestion de la TVA, des conditions d’efficacité
Parallèlement aux ajustements qualitatifs apportés au dispositif de la TVA, la gestion de la
TVA devrait être renforcée. En effet, l’élargissement de son champ d’application
présenterait des risques qu’il faudrait limiter.
2.3.1. Fondements d’un seuil d’imposition relativement élevé avec possibilité d’option
pour l’assujettissement à la TVA
Dans la plupart des pays, la TVA ne s’applique qu’au-dessus d’un certain seuil. Les
entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires inférieur à ce seuil ne sont pas assujetties à la
TVA. Elles ne peuvent donc pas la facturer et elles ne sont pas autorisées à déduire la taxe
éventuellement payée sur leurs achats. D’ailleurs, l’assujettissement des petites entreprises
à la TVA conduirait à encombrer la gestion de la TVA, pourtant l’enjeu en termes de
recettes serait faible. En effet, les petites entreprises pourraient facturer la TVA et leurs
clients assujettis seraient autorisés à déduire sans que l’administration fiscale ne soit en
mesure de contrôler le versement effectif de la taxe d’amont.
Quant à la détermination du seuil d’imposition, l’expérience montre que les pays qui ont
instauré un seuil trop bas ont souvent éprouvé des difficultés pour assurer une gestion
performante de la TVA.
De toute évidence un seuil trop faible a pour principal inconvénient la création d’un grand
nombre de petits assujettis que l’administration fiscale n’a pas toujours les moyens de
suivre correctement. Dès lors, face à des capacités administratives faibles, la gestion de la
TVA n’est pas assurée dans de bonnes conditions. Plusieurs pays n’ont pas réussi
l’introduction de leur TVA à cause principalement de leur incapacité à gérer l’ensemble
des assujettis. A titre d’exemple, Malte a échoué dans sa première tentative d’introduction
de la TVA, notamment à cause de l’absence de seuil. En revanche, sa deuxième tentative,
avec un seuil à 50 000 Euros, a réussi.
En effet, les administrations fiscales ont tendance à vouloir étendre l’assiette imposable à
un grand nombre de contribuables, espérant ainsi collecter un montant élevé. Mais
l’encombrement des services produit l’effet inverse.
86
Pour déterminer le seuil d’assujettissement à la TVA, il convient de considérer en
particulier :
• le potentiel de TVA des petites entreprises (5 % des entreprises représentent souvent
80 % des chiffres d’affaires déclarés) ;
• les capacités de l’administration fiscale à assurer correctement leur gestion ;
• les coûts pour assurer son recouvrement.
A titre d’exemple, les législations des pays membres de l’UEMOA ont retenu des seuils de
30 à 40 millions FCFA soit de 46 000 à plus de 75 000 Euros; le Royaume Uni a retenu
100 000 Euros. A Madagascar le seuil d’imposition à la TVA s’élève à 50 millions
d’Ariary ou 20 000 Euros approximativement.
Mais en principe, quel que soit le seuil retenu, il doit être applicable à toutes les
entreprises, indépendamment de leur statut juridique (personnes physiques et morales) ce
qui n’est pas toujours le cas. Le dispositif de la TVA à Madagascar écarte les personnes
morales. En effet, dans la législation malgache actuelle, les personnes morales sont
assujetties d’office à la TVA dès leur premier Ariary de chiffre d’affaire.
Par ailleurs, une possibilité d’option pour l’assujettissement est généralement ouverte (avec
ou sans minimum de chiffre d’affaires) aux petites entreprises. Dans ces conditions, il n’y a
pas lieu d’assujettir d’office des petites entreprises au rendement fiscal négligeable alors
qu’il suffit de leur accorder un droit d’option, à charge pour elles de respecter leurs
obligations comptables et fiscales.
Mais l’adoption d’un seuil relativement élevé devrait être appuyée par un contrôle efficace.
Aussi, ce dernier devrait-il s’effectuer dans une démarche rationnelle.
2.3.2. Rationalisation du contrôle fiscal en matière de TVA
Le contrôle est la contrepartie normale du système déclaratif spontané. Pour un contrôle
efficace, l’administration doit :
• disposer d’un service central chargé de l’organisation et de l’animation du contrôle
sur le plan national, élaborer les programmes de vérification et suivre leur mise en
œuvre, analyser le rendement et les rapports de vérification, etc ;
87
• établir les programmes de vérification à partir de critères objectifs ;
• attribuer des objectifs clairs aux services de contrôle (notamment en terme de
nombre de procédures à réaliser) ;
• encadrer en permanence les agents chargés du contrôle ;
• suivre et analyser les résultats des contrôles pour en tirer des conséquences,
notamment en matière de pertinence des critères retenus pour la programmation, du
degré de compréhension de la législation par les entreprises, de la qualité des
procédures mises en œuvre par les vérificateurs, etc.
En matière de TVA des critères de choix des entreprises à vérifier devraient être retenus
pour rationaliser son contrôle ainsi qu’améliorer la gestion des crédits de TVA dans la
détection des fraudes. A ce titre nous pourrions envisager comme critère de sélection les
crédits permanents de TVA, la baisse anormale du chiffre d’affaires, les crédits jamais
demandés en remboursement, les reports permanents de crédit.
Mais l’amélioration du contrôle devrait être appuyée par d’autres réformes. Ainsi, la
restauration de la confiance dans l’utilisation des chèques s’avérerait nécessaire. Les
incidents de paiement relatifs aux chèques devraient être limités par des mesures sévères et
effectives. Il faut préciser que l’utilisation des chèques rendue obligatoire pour des
transactions d’un certain montant, pourrait améliorer l’exercice du droit de communication
de l’administration fiscale. En effet, les banques pourraient fournir des informations sur
des transactions effectuées par des assujettis ce qui faciliterait la mise à jour des fraudes.
Mais la rationalisation du contrôle ne peut se faire que sur la base d’un élément clé : il
s’agit de l’identification des contribuables.
2.3.3. Nécessité de l’identification des contribuables, instrument de gestion de la TVA
L’identification des contribuables par l’attribution du Numéro d’Identification Fiscale ou
NIF constitue un élément essentiel dans la gestion de la TVA.
Aussi, l’identifiant fiscal doit être obligatoirement utilisé par :
• l’administration fiscale : qui doit exiger qu’il figure sur tous les documents transmis
par les contribuables (déclarations, courriers, factures, etc.). L’administration fiscale
doit également veiller à ce que les documents internes (notes, réponses au
contribuable, etc.) mentionnent le numéro d’identification. Par ailleurs, de
88
nombreuses administrations fiscales utilisent l’identifiant pour le classement des
dossiers. Ce mode de classement s’avérerait plus simple que le classement
alphabétique, surtout dans les pays où les homonymies sont fréquentes.
• l’administration douanière : qui doit exiger la présentation de la carte
d’immatriculation préalablement à toute opération de dédouanement. Aucune
importation ou exportation commerciale ne doit être autorisée en l’absence
d’immatriculation.
• Le Trésor qui doit exiger la présentation de la carte d’immatriculation lorsque
l’entreprise soumissionne à un marché public. Aucun paiement ne devrait être fait à
des fournisseurs non immatriculés.
Il convient de rappeler que les directions des douanes, du trésor ont un rôle essentiel à
jouer dans l’élargissement de l’assiette fiscale et la sécurisation des recettes budgétaires.
En effet, l’utilisation des identifiants fiscaux par ces administrations renforcerait l’action
de la DGI, en particulier, en matière de contrôle fiscal notamment sur la TVA en autorisant
des recoupements croisés beaucoup plus efficaces.
L’échange d’informations entre les administrations fiscale, douanière et du trésor, à travers
l’utilisation des NIF, est un moyen très efficace pour améliorer et renforcer l’efficacité du
contrôle fiscal. Les actions communes engagées actuellement par la direction des douanes
et des impôts de Madagascar reposeraient essentiellement sur l’exploitation du NIF.
En définitive, l’efficacité des ajustements du dispositif de la TVA est conditionnée par
l’amélioration de sa gestion. Les ajustements et ses conditions d’efficacité étant analysés, il
conviendrait d’apprécier particulièrement les impacts de l’élargissement du champ
d’application de la TVA sur les actions de lutte contre la pauvreté à Madagascar.
89
Chapitre 3. Les impacts de l’élargissement du champ d’application de la TVA
Certains impacts pourraient être appréciés à travers les incidences de l’introduction de la
TVA. L’amélioration des résultats de l’administration fiscale pourrait être analysée par
cette approche.
3.1. Des effets d’amélioration de l’administration fiscale
La TVA s’est révélée un levier important pour renforcer et moderniser la législation fiscale
et son administration. Dans de nombreux pays, c’est le modèle de la TVA qui a servi de
support pour appliquer le principe de déclaration et paiement spontané notamment aux
impôts professionnels.
L’introduction d’une TVA a généralement eu de nombreuses conséquences sur les autres
impôts et sur l’administration :
• La suppression de l’enrôlement (contrepartie de la procédure de déclaration et de
paiement spontanés de l’impôt) a débuté avec la TVA puis a été progressivement
étendue aux autres impôts (impôts professionnels et sur les salaires principalement).
• L’identification des entreprises a souvent débuté par l’attribution d’un numéro TVA.
Par la suite, ce numéro a été remplacé par un identifiant fiscal unique pour
l’ensemble des contribuables.
• L’introduction de la TVA a permis de mettre en place les premiers services chargés
de la gestion des grandes entreprises. Leur gestion était limitée à la TVA puis elle a
été étendue à l’ensemble des impôts, droits et taxes dus par ces entreprises. Dans un
deuxième temps, l’organisation par type de contribuable a été généralisée avec la
création de directions des moyennes entreprises et de services locaux pour la gestion
des petits contribuables.
• Elle a été mise à profit pour lancer l’informatisation, revoir les procédures de
contrôle fiscal. La procédure de contrôle ponctuel a été le plus souvent introduite lors
de l’instauration de la TVA.
• Elle a sensibilisé les administrations à la communication et à la formation. Les
administrations ont renforcé leur communication et les services aux entreprises pour
assurer une mise en place efficace de la TVA.
90
• Elle a renforcé les liens entre les administrations financières. En particulier entre les
administrations fiscales et douanières et l’administration du trésor. Toutes ces
administrations étant en définitive concernées par la TVA.
Mais en plus des effets d’amélioration sur l’administration fiscale en général, la TVA
exercerait des effets positifs sur les actions de lutte contre la pauvreté.
3.2. Les effets de la TVA sur la lutte contre la pauvreté
Contrairement à l’opinion dominante, ce sont les mesures exceptionnelles qui exercercent
des effets contraires à l’objectif de lutte contre la pauvreté. Quant à l’application élargie de
la TVA elle s’inscrirait dans cette logique.
3.2.1. Des effets sociaux inconnus des exonérations de TVA
Comme nous l’avons vu dans première partie de l’étude, une des critiques adressée à la
TVA est son caractère socialement injuste. En effet, avec son incorporation dans le prix,
elle serait un facteur d’augmentation du prix. Ainsi, l’opinion courante considèrerait que
l’élargissement de la TVA aurait un impact social négatif et de ce fait contraire à la
stratégie de lutte contre la pauvreté.
Cette conception sur les effets de la TVA est restrictive. Elle se limite à l’impact sur les
consommateurs seulement (84). En effet, l’application de l’impact de la TVA devrait aussi
être faite au niveau des producteurs.
Ainsi, par contre exemple, il a été montré que les exonérations de TVA relatives aux
produits alimentaires entraînaient des effets néfastes sur les agriculteurs et sont contraires
aux objectifs des stratégies de lutte contre la pauvreté. En réduisant les revenus des
agriculteurs, les exonérations créent un biais à l’encontre de l’agriculture. A Madagascar,
une étude (85) a mis en évidence que l’exonération de TVA sur le riz bénéficiait au
consommateur urbain mais était à l’origine d’un biais à l’encontre du producteur local. Du
84 CHAMBAS, 2005, op cit., p. 100 85 AUROJO BONJEAN (Cathérine), CHAMBAS (Gérard), RAPARSON (Emilienne).- « TVA et agriculture : Madagascar, un cas emblématique ».- Afrique contemporaine n° 202-203, avril-sept 2002.- pp. 133-145.
91
fait de l’exonération de TVA, le coût de transformation du paddy en riz est alourdi à
hauteur d’environ 6%.
L’exemple du riz est généralisable aux exonérations des autres produits alimentaires de
base. En effet, ces exonérations tendent à grever le coût des producteurs locaux en raison
de rémanences de TVA. La TVA est appliquée sur les consommations intermédiaires sans
possibilités de déduction. Les produits locaux sont donc concurrencés par les importations
exonérées de TVA dans la mesure où ils ne peuvent répercuter la TVA rémanente sur le
prix. Le cas du riz à Madagascar constituerait l’exemple par excellence.
Par effet induit, une telle situation constituerait une incitation aux migrations vers les villes
qui sont un facteur d’accroissement du nombre de pauvres en milieu urbaine (86).
En outre, les exonérations sont à l’origine d’un important manque à gagner budgétaire (87)
du prix frontière en raison de rémanence de TVA intervenant lors des transports et surtout
lors du décorticage du riz.
En définitive, contrairement à l’opinion courante, les exonérations sur les biens
alimentaires exerceraient des effets négatifs sur les agriculteurs, qui regroupent une partie
importante pour ne pas dire majoritaire de l’effectif des pauvres. Effectivement, à
Madagascar l’incidence de la pauvreté est la plus importante en milieu rural.
Si les exonérations des biens alimentaires, qualifiés de « produits sensibles » présentent des
effets inconnus, les exonérations des tranches sociales de TVA sur la fourniture d’eau et
d’électricité, n’atteindraient pas non plus son objectif social.
3.2.2. Les effets des tranches sociales de TVA sur la lutte contre la pauvreté
Pour des raisons sociales le Code général des impôts exonère une partie de la
consommation de certains types de produits ou services. Ainsi à Madagascar le CGI
prévoit l’exonération des consommations mensuelles domestiques d’eau et d’électricité
inférieures à 10 m3 pour l’eau et à 80 kW pour l’électricité. Mais cette exonération
86 CHAMBAS, 2005, op cit., p.99 87 Cet aspect a fait l’objet de développements dans la deuxième partie l’étude
92
concerne aussi les centres et formations sanitaires, les établissements scolaires, les
collectivités publiques pour l’usage gratuit du public au moyen de bornes fontaines et
l’éclairage des voies et places publiques (Article 06-01-06 9è du CGI).
Mais nous nous demandons si l’application de ces exonérations, outre la perte de recette de
TVA pour l’Etat, ne constituerait pas un facteur de renchérissement du coût de l’électricité
et de l’eau du fait de l’application d’un pourcentage de déduction sur la TVA déductible de
la société fournisseur. En effet, la TVA non déduite constitue une charge rémanente qui
sera répercutée sur le prix au consommateur final.
Particulièrement, l’exonération des bornes fontaines n’exercerait pas l’effet attendu si la
majorité de la population moins favorisée, se trouvant en milieu rural comme c’est le cas à
Madagascar, ne bénéficient pas de l’accès à ces bornes fontaines. Ainsi, Chambas
recommandait que l’assujettissement à la TVA de l’ensemble des consommations
d’électricité et d’eau serait susceptible de dégager des ressources fiscales supplémentaires
substantielles, sans aller à l’encontre des stratégies de lutte contre la pauvreté. La
mobilisation de ces ressources supplémentaires pourrait financer notamment des
programmes d’adduction d’eau en milieu rural ou de distribution d’électricité ciblée sur les
plus défavorisés.
Pour notre part, nous considérons qu’une telle mesure devrait considérer la part du prix des
biens ou services dans la formation de l’indice général des prix ou du calcul de l’inflation.
3.2.3. Le nombre de taux optimal et augmentation de prix
Des auteurs ont soutenu que pour un pays comme Madagascar le choix de taux multiples
en matière de TVA créerait une difficulté d’administration et que cela entraînerait la
création de crédits de TVA supplémentaires par rapport au cas d’une TVA à taux unique.
Théoriquement, les achats d’un assujetti pourraient être effectués à un taux élevé alors que
ces ventes s’effectueraient à un taux réduit. L’Administration devrait faire face par ailleurs
à des demandes permanentes du bénéfice des taux réduits par les différents groupes
professionnels.
93
Suivant la logique de ces arguments, l’adoption d’un taux unique, simple à gérer serait le
modèle de TVA la plus adapté à un pays à faible capacité administrative comme
Madagascar.
Cependant, le choix d’un taux unique a pour effet d’augmenter l’ensemble des prix. Diouf
(88) considérait que l’adoption d’un taux unique serait soutenue par la politique
d’ajustement du FMI. Selon lui « l’augmentation des prix a toujours été une des mesures
privilégiées du FMI dans ses programmes d’ajustements » .
Pourtant, il a été montré que l’application de taxes sur la consommation telle que la TVA à
taux unique serait indésirable du point de vue social dans la mesure où les biens de
prémières nécessité ont connu une augmentation importante du prix. Des études effectuées
au Chili par Engel en1999 corroborent ce résultat. Dans le même ordre d’idée Hossain
en1995 a montré que l’introduction d’une TVA à taux unique 15% au Bangladesh (89) en
1991 a pesé plus lourdement sur les classes le plus démunies de la population (90).
Sur la base de ces études, Gautier a démontré qu’il pourrait être optimal d’introduire des
taux différenciés dans la taxation des biens de consommation à Madagascar. A ce titre il a
proposé l’application d’un taux de 5% sur les biens alimentaires, le logement et les
services sociaux.
Mais pratiquement, l’adoption d’un taux réduit devrait considérer l’importance du prix du
bien dans la formation de l’indice général des prix. A Madagascar, l’augmentation du prix
du riz constitue en général un facteur de hausse généralisé des prix (91). Ainsi, l’adoption
de taux réduit devrait être faite sur des produits ciblés tels que le riz, l’électricité ou l’eau et
certains produits destinés à l’agriculture (engrais) si le taux normal ne peut être retenu.
En définitive, l’élargissement du champ d’application de la TVA permettrait de renforcer
les actions de lutte contre la pauvreté. De plus, il exercerait un effet positif sur les recettes
fiscales.
88 DIOUF op cit. 89 Notons qu’actuellement l’Inde n’a pas adopté la TVA 90 GAUTIER, 2001, op cit., pp. 13-14 91 Ce résultat de l’Instat est présenté en annexe
94
3.3. Les impacts budgétaires de l’élargissement du champ d’application de la TVA
Les ajustements dans la gestion de la TVA nous ont permis d’établir qu’il n’est pas besoin
d’assujettir un nombre maximum d’assujettis. En effet, l’efficacité budgétaire de la TVA
suit la règle de Pareto.
3.3.1. L’efficacité budgétaire de la TVA suivant la règle de PARETO
L’efficacité budgétaire de la TVA est inversement proportionnelle au nombre d’assujettis
gérés. A partir du tableau de répartition des recettes de TVA par tranches de chiffres
d’affaires et par nombre d’assujettis nous pouvons constater la réalité de cette « règle de
Pareto » à Madagascar. Effectivement, seuls 11,62 % des assujettis se trouvant à un seuil
de chiffre d’affaires élevé, plus de 10 milliards de Fmg, réalisent à eux seuls la collecte des
83,66% de recettes de TVA au titre de l’année 2003.
Tableau n 5 : Répartition des recettes et nombre d’assujettis par chiffre d’affaire à
Antananarivo (2003) en pourcentage
tranches en millions de FMG
0 à 250 250 à 500 500 à 1000 1000 à 5000 5000 à 10000 10000 et+
Nombre d'assujettis Antananarivo 38.18 13.39 15.21 27.29 7.69 11.62
Chiffre d'affaires 0.35 0.58 1.33 7.40 6.60 84.32
Recette TVA 2.44 0.72 1.29 7.85 4.76 83.66
Nombre d'assujettis dont DFGE 38.18 13.39 15.21 27.29 7.69 11.62
Chiffre d'affaires 0.35 0.58 1.33 7.40 6.60 84.32
Recette TVA 2.44 0.72 1.29 7.85 4.76 83.66
Source :DGI/DELF/SSID, nos propres calculs
Cette situation permettrait d’appuyer notre argument selon lequel il n’est pas besoin
d’assujettir à la TVA tous les assujettis de la TST. En effet, cela risquerait d’encombrer la
gestion des gros collecteurs de TVA et de ce fait, sa performance. De plus la suppression
de la TST ne générerait pas un manque à gagner important.
95
3.3.2. Manque à gagner « limité» lié à la suppression de la TST
Par rapport à la performance de la DGI, la TST ne contribue en moyenne qu’à 2% des
recettes internes totales. Le tableau d’évolution des recettes de TST depuis 1994 nous
montre que son niveau le plus élevé a été seulement de 3% en 2003 et 2004.
Tableau n° 6 : Recettes de TST en pourcentage de recettes intérieures totales
1999 2000 2001 2002 2003 2004
TST 1% 1% 1% 2% 3% 3%
Source : DGI/DELF/SSID
Par ailleurs comme nous l’avons montré, les assujettis à la TST sont majoritairement dans
le régime de forfait. Ainsi, l’administration fiscale ne disposerait pas de moyens efficaces
pour procéder aux redressements des chiffres d’affaires déclarés en matière de TST. Cette
situation limiterait de plus de rendement de la TST.
En ce qui concerne la performance des centres fiscaux, le manque à gagner lié à la
suppression de la TST pourrait être largement compensé par l’assujettissement par option
des assujettis au régime du réel, voire du forfait de la TST. Cet argument se justifierait par
la réalité de la règle de « Pareto » en matière de TVA à Madagascar.
Certes, l’efficacité budgétaire de la TVA améliorerait son rendement, mais il serait encore
plus élevé si les recettes potentielles de TVA des activités frauduleuses étaient exploitées.
3.3.3. Les activités frauduleuses, potentielles de recettes de TVA
Les entreprises frauduleuses de grande envergure réaliseraient des chiffres d’affaires
importants alors qu’elles disposeraient de capacités suffisantes pour jouer le rôle normal de
collecteurs de TVA. Ainsi le rétablissement de ce rôle de collecteur est fondamental pour
mobiliser efficacement des recettes de TVA importantes et permettrait d’éviter les
distorsions susceptibles de menacer la pérennité du système de TVA.
La détection des activités frauduleuses d’envergure apparaît comme un des moyens pour
augmenter les recettes fiscales en général. Ainsi, l’action devrait porter sur la recherche des
96
entreprises occultes mais aussi en direction des entreprises connues de l’administration
fiscale mais qui fraudent notamment sur des activités d’envergure telles que les activités
d’import-export, construction, commerces de pièces détachées, hôtellerie, transport….Dans
la réalité nombre d’opérations de ces activités se cacheraient sous des régimes forfaitaires
d’imposition comme appliquée dans la TST.
En principe, l’application de techniques de recoupement, à travers l’exploitation des
informations sur le commerce extérieur, transactions avec des entreprises enregistrées,
marchés publics, permettrait de mettre à jour ces activités frauduleuses. L’application de
ces techniques devrait être systématique et elle serait facilitée par l’obligation
d’immatriculation des contribuables via le Numéro d’identification fiscale ou NIF. De
plus, une des conséquences du caractère vertueux de la TVA faciliterait la détection des
activités frauduleuses à travers les registres des fournisseurs et des clients qui formalisent
la réalité des transactions.
97
Conclusion partielle
L’ajustement du dispositif de la TVA malgache consiste, sur le fond, à renouer avec la
vocation initiale de la TVA : neutralité sur les intrants des assujettis et taxation effective
des consommations finales. Explicitement, il s’agit d’élargir son assiette en supprimant la
TST et en réduisant les exonérations dans la mesure du possible. Parallèlement, il faudrait
améliorer et élargir l’application du droit à remboursement. La neutralité de la TVA sur les
projets à financement extérieur pourrait encore être renforcée.
Mais l’efficacité de ces ajustements est conditionnée par les améliorations au niveau de la
gestion de la TVA à travers l’adoption d’un seuil d’assujettissement élevé, un contrôle
rationalisé, et l’exploitation des NIF.
Par ailleurs, la simplification du dispositif de la TVA et l’adoption de texte d’application
renforcée par des actions d’« information-éducation-communication » s’appuyant sur des
relais permettent d’assurer une meilleure lisibilité du dispositif et de ce fait une meilleure
acceptation de la TVA à Madagascar.
L’impact budgétaire de l’élargissement de la TVA par la suppression de la TST est contenu
par l’efficacité budgétaire de la TVA. Par ailleurs, la taxation de certains biens ciblés par
l’adoption éventuelle d’un taux réduit permettra d’abonder les recettes de la TVA et
contribuera au financement des actions de lutte contre la pauvreté à Madagascar.
98
Conclusion
La TVA, contrairement aux autres taxes sur le chiffre d’affaires, est la seule capable
d’assurer au mieux le respect du critère de « neutralité économique ». En principe, elle
présente de grands avantages du point de vue économique : absence d’effets de cascade,
charge fiscale nulle pour les exportations, traitement identique pour les produits importés
et les productions locales, déductibilité de la taxe supportée par les investissements. Ainsi,
la TVA laisserait inchangé le prix des intrants et ne s’appliquerait seulement que sur les
consommations finales.
Compte tenu de sa neutralité économique, la TVA constitue un instrument majeur de
mobilisation des ressources publiques. L’amélioration de la performance fiscale
conformément à la norme internationale ou du moins régionale, d’un pays comme
Madagascar, ne pourrait se faire que par le biais de la TVA. De plus elle permettrait
d’améliorer le rendement des autres types d’impôts par la possibilité de recoupements à
travers l’exploitation des informations apportées par le Numéro d’identification fiscale ou
NIF et les registres d’achats et ventes en matière de TVA.
A Madagascar, l’enjeu dans l’optimisation du rendement de la TVA, serait de permettre à
l’Etat d’honorer ses engagements dans le cadre des actions de lutte contre la pauvreté.
Cependant, la TVA est un impôt moderne nécessitant un certain niveau de « culture
documentaire ». En effet, elle exige la tenue d’une comptabilité régulière et le recours à la
facture. En effet, au-delà du caractère légal et obligatoire en matière de TVA, la tenue
d’une comptabilité, facteur de transparence et instrument d’appréciation de la gestion et de
performance d’une entreprise, permet à l’Administration fiscale de suivre les opérations
imposables à la TVA effectuées par l’assujetti. La facture quant à elle, qui est le véhicule
du droit à déduction, est un élément de vérification utilisé par l’Administration fiscale pour
valider ou refuser le droit à déduction des assujettis.
A Madagascar la réalité du tissu fiscal ne permet pas une meilleure application de la TVA
du moins dans l’immédiat. Beaucoup de contribuables sont encore dans l’impossibilité
d’assumer les obligations documentaires liées aux droits vertueux de la TVA.
99
L’importance socio-économique du secteur informel et les fraudes limitent la performance
d’un impôt moderne tel que la TVA.
Parallèlement, avec la stratégie d’ouverture économique dans laquelle Madagascar s’est
engagé, la réduction de la fiscalité de porte est inéluctable. Cependant, la TVA considérée
comme pilier dans l’amélioration de la fiscalité intérieure, ne peut pas encore assurer, à elle
seule, complètement la « transition fiscalo-douanière » à Madagascar.
Il ne faut pas aussi oublier que des lacunes dans l’application ainsi que des entorses au
fondement même de la TVA ont été constatées ce qui limite l’effectivité des vertus de la
TVA sur tous les aspects. Dans certains cas la TVA est détournée de son objectif original
et taxe les consommations intermédiaires par une limitation au droit à remboursement et à
déduction en raison des contraintes budgétaires que connaît l’Etat. Par ailleurs, les
imprécisions dans le dispositif fiscal de la TVA à Madagascar sont des facteurs
d’augmentation du « compliance cost » de la TVA. En définitive elles ne permettent pas
une bonne lisibilité du dispositif de la TVA, ce qui serait contraire au principe de simplicité
et de transparence fiscale.
Malgré toutes ces imperfections, des voies d’amélioration certaines existent tant sur les
spécificités du tissu fiscal que sur le dispositif de la TVA lui-même.
Ainsi, des actions qui considèrent les besoins de simplification, d’information et
d’éducation des contribuables permettraient d’agir sur les causes externes des
imperfections de la TVA. Pour être explicite, il s’agit d’enlever, ou à tout le moins de
réduire les imprécisions et incohérences dans la rédaction du dispositif de la TVA. Mais
des actions d’information et de formation, en s’appuyant, notamment sur les Centres de
Gestion Agréés et les professionnels de la comptabilité et du conseil fiscal, seraient à
envisager outre l’adoption et la diffusion des textes d’application. Ces actions
d’information ont fait la preuve de leur efficacité dans les pays ayant une performance
fiscale élevée.
Par ailleurs, l’élargissement du champ d’application combiné au renforcement de la gestion
de la TVA permettrait de concilier la recherche de neutralité et l’amélioration des recettes
de la TVA.
100
Mais, l’élargissement du champ d’application de la TVA à tous les secteurs devrait
considérer l’hétérogénéité du niveau de développement de chaque secteur. Cette démarche
consisterait en l’adoption d’un seuil d’assujettissement assez élevé et l’autorisation de
l’option pour l’assujettissement à la TVA, les acteurs du secteur qui le désirent, à charge
pour eux de respecter les obligations fiscales et comptables de la TVA. En revanche,
l’adoption de différents régimes d’imposition ne serait pas rationnel et limiterait
l’efficacité budgétaire de la TVA à travers la règle de Pareto.
Une TVA d’application universelle avec l’adoption éventuelle d’un taux réduit sur des
biens limités et parfaitement ciblés, mobiliserait une recette supplémentaire permettant de
financer plus largement les actions de lutte contre la pauvreté.
Des aspects tels que l’incidence de la TVA sur les autres marchés ou l’efficience de la de
la TVA n’ont pas été traité dans cette étude. Par ailleurs notre étude s’est limité à la TVA
pourtant l’influence du tissu socioéconomique sur la mobilisation fiscale ou la transition
fiscale à Madagascar pourrait faire l’objet d’un développement intéressant dans le cadre
d’une autre étude. Mais les actions d’amélioration, proposées dans cette étude notamment
celles s’inscrivant dans le principe de simplicité, en faveur la transparence fiscale de la
TVA représenté par la diffusion et la connaissance du système fiscal par les contribuables
pourraient être généralisées à tous les types d’impôts prévus dans le CGI.
En effet, dans le contexte actuel, les contribuables devraient être convaincus, non plus
contraints au paiement de l’impôt, ce qui à notre avis constitue assurément un élément tout
à fait fondamental pour l’avènement du civisme fiscal, élément fondamental de la
citoyenneté.
i
Annexes
ii
Annexe n°I. Format des annexes à la déclaration de la TVA
Liste des clients
NIF N°Stat Nom ou raison sociale Adresse Montant HTVA TVA
Note : Tous les champs sont obligatoires, sauf le NIF et le No Stat dans le cas des clients non assujettis à la TVA. Ces
informations sont toutefois requises pour les clients assujettis à la TVA.
Liste des fournisseurs
Fournisseurs locaux
NIF N°Stat Nom ou raison sociale Adresse Montant HTVA TVA
Fournisseurs étrangers (Importations)
N° déclaration en douanes
Date déclaration en douanes
Nom ou raison sociale Adresse Montant HTVA TVA
iii
Annexe n°II. Bordereau de versement de TVA (N°601)
iv
Annexe n°III. Bordereau de demande de remboursement de crédit de TVA (N°602)
v
Annexe n°IV. Annexe à la demande de remboursement
vi
Annexe n°V. Fiche de renseignement pour les exportateurs demandant un remboursement de crédit
vii
Annexe n°VI. Evolution des prix à la consommation à Madagascar (1987-2003)
Source : Tiré du Policy Brief octobre2003 de l’Instat
viii
Annexe n°VII. Performance de la TVA dans les pays côtiers de l’UEMOA
Source :CREDAF,2005
(Bénin, Côte d’Ivoire, Sénégal, Togo)
Structure d'un pays côtier
0
500
1000
1500
2000
2500
3000
3500
4000
1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003
Années
Vale
urs
0,00%
2,00%
4,00%
6,00%
8,00%
10,00%
12,00%
14,00%
16,00%
18,00%
20,00%
Recettes fiscales
TVA
PIB
Taux de pression fiscale
TVA/PIB
ix
Structure recettes d'un pays enclavé
0
500
1000
1500
2000
2500
3000
1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003
Années
Vle
urs
0,00%
2,00%
4,00%
6,00%
8,00%
10,00%
12,00%
14,00%
Recettes fiscales
TVA
PIB
Taux de pression fiscale
TVA/PIB
Annexe n°VIII. Performance de la TVA dans les pays enclavés de l’UEMOA
Source : CREDAF, 2005
(Burkina Faso, Mali, Niger)
x
Bibliographie
I-Lois et règlements
1) Code Général des impôts,
2) Loi n° 2004-010 du 28 juillet 2004 modifiant et complétant la loi n°2003-036 du 27août
2003 sur la détaxation des tarifs douanier et fiscal
3) Loi n°2003-036 du du 27août 2003 sur la détaxation des tarifs douanier et fiscal
4) Loi n° 99 - 018 du 2 août 1999 relative au statut du commerçant ( J.O. n° 2592 du 16/08/99,
p. 1865 -1870)
5) Décret n° 68-559 du 17 décembre 1968 concernant l’application de certaines
dispositions fiscales de la loi n° 68-026 portant Loi de Finances pour 1969
6) Arrêté Interministeriel n°9500/98 du 03 novembre 1998 portant ouverture d’un compte
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de ce compte
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2000.-103p (Les cahiers de l’ISF)
11) VIERLING (Jean Pierre).- « La reforme des services fiscaux : perspectives et souhaits
des entreprises ».- Paris : Chambre de Commerce et de l’Industrie de Paris, 1999.- 29p [en
ligne] www.etudes.ccip.fr/archrap/rap99/vie9912 (page consultée le 15 octobre 2006)
IV- Extraits de presse
1) RAMBELO (Didier).- « Elargir la base plutôt que détaxer ».- Midi Madagasikara n°
6270, 02 mars 2004.- p. 4
2) RANJALAHY (Stéphane) .- « Secteur informel : dynamisme et réflexe de survie ».-
Revue de l’océan Indien n° 256, octobre 2004.-pp 24-29
xiv
Table des matières
INTRODUCTION ............................................................................................................... 1
PREMIERE PARTIE : DE L’EFFICACITE ECONOMIQUE D’UN IMPOT AUX VERTUS DE LA TVA ........................................................................................................ 4
Chapitre 1. Les effets économiques de la fiscalité : incidence et neutralité fiscale .. 5
1.1. L’incidence fiscale ou charge fiscale excédentaire en équilibre partiel ............. 5 1.1.1. Les points d’impact et d’incidence fiscale .................................................. 5 1.1.2. Modèle de base et les déterminants de l’incidence fiscale en équilibre partiel ..................................................................................................................... 6
1.2. Le critère de neutralité sous l’angle de l’optimalité économique..................... 11 1.2.1. Effet d'un impôt sur le choix des consommations ..................................... 12
1.2.1.1. Impôt général sur la consommation de X et Y ................................... 13 1.2.1.2. Impôt sélectif sur la consommation du seul bien X ........................... 14
1.3. Des critères complémentaires d’évaluation d’un impôt : ................................. 15 1.3.1. Le critère de rendement ............................................................................. 15 1.3.2. Le critère de simplicité .............................................................................. 15
1.3.2.1. La transparence et l’accessibilité des règles fiscales .......................... 15 1.3.2.2. L’information condition d’acceptation de l’impôt ............................. 16
1.3.3. Le critère de flexibilité .............................................................................. 17 1.3.4. Le critère de stabilité ................................................................................. 17
Chapitre 2. Les principes vertueux de la Taxe sur la Valeur Ajoutée....................... 19
2.1. La TVA, un impôt neutre ................................................................................. 19 2.1.1. La neutralité de la TVA par rapport au circuit économique...................... 19 2.1.2. La neutralité par rapport au coût des intrants de production ..................... 20 2.1.3. La neutralité au plan international de la TVA ........................................... 20
2.2. La TVA, levier de la performance fiscale ........................................................ 22 2.2.1. Le caractère « leader » de la TVA............................................................. 22 2.2.2. Le caractère réactif de la TVA .................................................................. 23
Chapitre 3. Des effets induits des vertus de la TVA .................................................. 26
3.1. Le caractère informatif de la TVA sur le recouvrement des autres impôts...... 26 3.2. La TVA dans la modernisation de la pratique des affaires............................... 27
3.2.1. Les obligations relatives à la TVA ............................................................ 27 3.2.2. Les incidences des obligations sur la normalisation des affaires .............. 27
3.3. La transition fiscale, nécessité du développement............................................ 29 3.4. La TVA pilier de la transition fiscale ............................................................... 31
CONCLUSION PARTIELLE.......................................................................................... 32
DEUXIEME PARTIE : DES REALITES CONTRAIRES AUX FONDEMENTS DE LA TVA A MADAGASCAR............................................................................................ 33
Chapitre 1. De l’importance du secteur informel :incapacité à collecter la TVA .... 34
1.1. Hétérogénéité du niveau de développement de la pratique des affaires.......... 34 1.1.1. Importances socio-économiques du secteur informel ............................... 34 1.1.2. L’incapacité du secteur informel à collecter la TVA ................................ 38 1.1.3. Des micros entreprises au seuil de la légalité ............................................ 39
1.2. Insuffisance d’information des contribuables................................................... 40
xv
1.2.1. Les actions d’information de l’administration fiscale ............................... 40 1.3. Influence des contraintes socio-économiques dans la politique fiscale ........... 42
1.3.1. Des considérations économiques dans la politique fiscale........................ 42 1.3.2. Des considérations sociales dans la politique fiscale ................................ 43
Chapitre 2. Des entorses au fondement de la TVA et au principe de simplicité ....... 45
2.1. Des distorsions et limitations de la neutralité de la TVA................................. 45 2.1.1. Des rémanences, sources de distorsions .................................................... 45
2.1.1.1. Les distorsions des choix de production............................................. 45 2.1.1.2. Les distorsions des choix de consommation ...................................... 46 2.1.1.3. Des distorsions de concurrence sur le marché domestique et au niveau international ..................................................................................................... 49 2.1.1.4. Un coût de gestion accru pour les assujettis et redevables partiels .... 50
2.2. Les causes des distorsions et limitations du droit à déduction ......................... 50 2.2.1. Les causes de la limitation du champ des opérations taxables .................. 50 2.2.2. Des causes à l’origine de la limitation du droit à déduction...................... 51
2.2.2.1. La limitation du droit à déduction, contre partie des limitations du champ des opérations taxables ........................................................................ 51 2.2.2.2. La limitation du droit à déduction propre à certaines catégories de dépenses........................................................................................................... 51
2.3. Des entorses à la logique de la TVA à Madagascar ......................................... 52 2.3.1. La dualité de TCA(), source de distorsions de concurrence...................... 52 2.3.2. Des limitations au droit à déduction .......................................................... 53 2.3.3. Des butoirs au remboursement de crédit de TVA ..................................... 54
2.4. Des imperfections dans le texte légal de la TVA ............................................. 56 2.4.1. Des lacunes dans la rédaction du dispositif de la TVA à Madagascar ...... 57
Chapitre 3. Des performances limitées de la TVA .................................................... 59
3.1. Performance fiscale insuffisante de la TVA..................................................... 59 3.1.1. Des manques à gagner sur les mesures exceptionnelles............................ 59 3.1.2. Des insuffisances comparatives de la performance de la TVA................. 60
3.2. Généralisation insuffisante de la TVA ............................................................. 62 3.2.1. Importance de la fraude en matière de la TVA ......................................... 62 3.2.2. Des actions insuffisantes sur la lutte contre les fraudes ............................ 65
3.3. Hypothèque de la transition fiscale .................................................................. 66
CONCLUSION PARTIELLE.......................................................................................... 67
TROISIEME PARTIE : DES AJUSTEMENTS NECESSAIRES AU MODELE ET A LA GESTION DE LA TVA MALGACHE................................................................. 68
Chapitre 1. Des ajustements dans l’application des principes sous tendant la TVA 69
1.1. Elargissement du champ d’application de la TVA........................................... 69 1.1.1. La suppression de la TST optimisation du rendement de la TVA............. 69 1.1.2. L’assujettissement des micros-activités à la TVA..................................... 71 1.1.3. Assujettissement du secteur agricole à la TVA......................................... 72
1.2. La réduction des exonérations en matière de TVA .......................................... 74 1.2.1. Portée limitée des exonérations en matière d’investissement ................... 74 1.2.2. Révision des exonérations conventionnelles ............................................. 76
1.3. Optimisation du remboursement du crédit de TVA ......................................... 77 1.3.1. Amélioration du dispositif de remboursement des crédit de TVA au profit des entreprises ..................................................................................................... 77
xvi
1.3.2. Une meilleure neutralité de la TVA sur les projets à financement extérieur............................................................................................................................. 79
Chapitre 2. Des ajustements qualitatifs au dispositif et à la gestion de la TVA ....... 81
2.1. L’amélioration du dispositif de la TVA ........................................................... 81 2.1.1. Rédaction homogène et précise du dispositif ............................................ 81 2.1.2. Adoption de textes d’application accessibles ............................................ 82
2.2. L’accessibilité au dispositif de la TVA ............................................................ 83 2.2.1. Adoption de la démarche Information – Education- Communication ...... 83 2.2.2. Stratégie de proximité à travers les centres de gestion.............................. 84
2.3. Des ajustements qualitatifs à la gestion de la TVA, des conditions d’efficacité................................................................................................................................. 85
2.3.1. Fondements d’un seuil d’imposition relativement élevé avec possibilité d’option pour l’assujettissement à la TVA.......................................................... 85 2.3.2. Rationalisation du contrôle fiscal en matière de TVA .............................. 86 2.3.3. Nécessité de l’identification des contribuables, instrument de gestion de la TVA..................................................................................................................... 87
Chapitre 3. Les impacts de l’élargissement du champ d’application de la TVA ...... 89
3.1. Des effets d’amélioration de l’administration fiscale....................................... 89 3.2. Les effets de la TVA sur la lutte contre la pauvreté ......................................... 90
3.2.1. Des effets sociaux inconnus des exonérations de TVA............................. 90 3.2.2. Les effets des tranches sociales de TVA sur la lutte contre la pauvreté.... 91 3.2.3. Le nombre de taux optimal et augmentation de prix ................................. 92
3.3. Les impacts budgétaires de l’élargissement du champ d’application de la TVA................................................................................................................................. 94
3.3.1. L’efficacité budgétaire de la TVA suivant la règle de PARETO.............. 94 3.3.2. Manque à gagner « limité» lié à la suppression de la TST........................ 95 3.3.3. Les activités frauduleuses, potentielles de recettes de TVA ..................... 95
CONCLUSION PARTIELLE.......................................................................................... 97
CONCLUSION .................................................................................................................. 98
ANNEXES .............................................................................................................................I
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................. X
Titre : « Influence du tissu socioéconomique sur la mobilisation de la Taxe sur la
Valeur Ajoutée (TVA) à Madagascar »
Nombre de graphiques : 12
Nombre de pages : 100
Nombre de tableaux : 06 Auteur : RAKOTONDRAINIBE Mihamintsoa Hasiniaina
Résumé : La TVA est un impôt qui respecte le critère de neutralité économique et de ce fait
pourvoyeur de recettes pour l’Etat. Du côté du producteur la neutralité de la TVA se
traduit par son caractère déductible. En d’autres termes, elle n’a aucun impact sur le
coût des investissements ou sur le fait de stocker à condition qu’il n’y ait pas de
restriction dans l’imputation des crédits de TVA ou le remboursement. Du côté du
consommateur l’application de la TVA exerce, certes, un effet revenu sans pour autant
entraîner un effet de substitution à condition qu’elle soit appliquée sans exclusion sur
tous les biens. Mais malgré son efficacité économique tant en termes de neutralité que
de recettes fiscales, la TVA est un impôt moderne qui nécessite le respect de plusieurs
obligations telles que la tenue de comptabilité, et la facturation.
Il se trouve que dans un pays en voie de développement comme Madagascar le respect de
ces obligations s’avérerait difficile pour les petites entreprises formant le tissu
économique. Par ailleurs, la faiblesse du niveau de vie de la population constitue un
obstacle majeur dans l’application généralisée d’un impôt tel que la TVA sans
considération sociale. Pourtant des pays comme Madagascar sont engagés dans la
recherche de recette fiscale intérieure alternative suite à la réduction de la fiscalité de
porte dans le cadre de l’ouverture économique. Face à ces dilemmes, la présente étude
tente de montrer qu’il existe un modèle de TVA qui soit compatible avec les spécificités
du tissu socioéconomique malgache.
Mots clés : Taxe sur la Valeur Ajoutée, neutralité fiscale, simplicité fiscale,
transparence fiscale, transition fiscale, exonération fiscale, secteur informel, fraude
fiscale
Directeur de mémoire : Professeur ANRIANOMANANA Pépé