indices prédictifs d’éruption de la troisième molaire inférieure sur les panoramiques...

2
Analyse de la litte ´rature Indices pre ´dictifs d’e ´ruption de la troisie `me molaire infe ´rieure sur les panoramiques dentaires Traduction et re ´sume ´ de G. Thie ´ry, C. Chossegros Service de stomatologie et chirurgie maxillofaciale, CHU La Timone, 13385 Marseille cedex 05, France Re ´fe ´rence de l’article princeps Panoramic radiographic predictors of mandibular third molar eruption Niedzielska IA, Drugacz J, Kus N, Kreska J Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol Endod 2006;102:154–8 doi:10.1016/j.tripleo.2005.07.003 Introduction L’e ´ruption de la troisie `me molaire infe ´- rieure (M3I) se produit normalement entre 18 et 24 ans. Dans 40 % des cas, cette dent est partiellement ou totalement incluse. Les complications de la pre ´sence de M3I sont nombreuses : rhizalyse des deuxie `mes molaires, pe ´ricoronarites, SADAM, parodontopathies, caries, et kystes pe ´ricoronaires. Par ailleurs, selon cer- tains orthodontistes, ces dents sont capables d’aggraver le niveau d’occupa- tion moyen sur l’arcade dentaire. C’est pourquoi de nombreux auteurs pre ´co- nisent l’extraction prophylactique des troisie `mes molaires infe ´rieures. Mais, ces extractions ne sont pas exemptes de complications, en particulier par atteinte du nerf mandibulaire infe ´rieur. La faible fre ´quence, 1 a ` 12 %, des acci- dents d’e ´ruption des M3I pousse d’au- tres auteurs a ` s’opposer a ` ces extrac- tions prophylactiques. Pour choisir entre ces deux attitudes, les auteurs ont cherche ´a ` savoir s’il e ´tait possible de pronostiquer la posi- tion de ´finitive de cette M3I et donc de de ´cider pre ´cocement de les extraire ou de les conserver en relevant des mesures sur les panoramiques dentai- res pour de ´terminer, au fil des anne ´es, la position pre ´visionnelle de la troi- sie `me molaire sur l’arcade dentaire. E ´ tude L’enque ˆte portait sur 64 patients qui furent inclus en 1993, dix ans avant la re ´daction de l’article. A ` cette e ´poque, des cliche ´s panoramiques et des em- preintes dentaires furent re ´alise ´s. La proce ´dure fut renouvele ´e en 2003. Les trois mesures suivantes furent cal- cule ´es en 1993 et a ` la fin de l’e ´tude, en 2003 (fig. 1) : le rapport de Ganss et al. [1] qui cor- respond au rapport espace re ´tromolaire sur largeur coronaire de la M3I. L’espace re ´tromolaire est calcule ´ sur une droite passant par la cuspide supe ´rieure de la premie `re pre ´molaire et la cuspide supe ´- rieure me ´siale de la deuxie `me molaire. La distance est calcule ´e depuis le bord ante ´rieur du ramus au bord distal de la seconde molaire ; l’angle A entre les axes dentaires des deuxie `mes et troisie `mes molaires infe ´rieures ; l’angle B entre l’axe me ´dian de M3I et la base de la mandibule. Ces donne ´es ont e ´te ´ traite ´es par une analyse multiple de variance (Manova). Re ´sultats Ces trois mesures permettaient de pre ´- voir l’alignement de la troisie `me mo- laire infe ´rieure sur l’arcade dentaire, en utilisant une radiographie panora- mique. Elles permettaient de pre ´voir de fac ¸on sensible et spe ´cifique l’appartenance des M3I aux trois groupes suivants : groupe I (e ´ruption totale), groupe II (in- clusion partielle), groupe IIII (inclusion totale). En plac ¸ant en abscisse l’angle B et en ordonne ´e le rapport de Ganss et al., un point e ´tait de ´fini (fig. 2). S’il e ´tait au- dessus de la droite correspondant a ` l’angle A, la probabilite ´ d’e ´ruption nor- male e ´tait d’environ 90 %, en dessous de cette droite la probabilite ´e ´tait en faveur de l’inclusion totale, et un point sur la droite e ´tait en faveur d’une inclu- sion a ` 50 % ou d’une e ´ruption a ` 50 %. Par exemple, si le rapport de Ganss et al. e ´tait de 0,7, l’angle B a ` 70˚, et l’angle Aa ` 20˚, le point d’intersection e ´tait en dessous de la ligne. La probabilite ´ d’in- clusion de ´passait 90 %. Discussion Que la troisie `me molaire soit ou non « coupable » cela reste a `e ˆtre e ´lucide ´, bien que 65 % des dentistes aient cette opinion [2]. De nombreuses me- sures ont e ´te ´ effectue ´es pour mesurer l’impact de l’e ´ruption de la troisie `me molaire infe ´rieure sur l’alignement 473

Upload: lyphuc

Post on 30-Dec-2016

214 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: Indices prédictifs d’éruption de la troisième molaire inférieure sur les panoramiques dentaires

Analyse de la litterature

Indices predictifs d’eruption

de la troisieme molaireinferieuresur les panoramiques dentaires

Traduction et resume de G. Thiery,C. Chossegros

Service de stomatologie et chirurgiemaxillofaciale, CHU La Timone,13385 Marseille cedex 05, France

Reference de l’article princeps

Panoramic radiographic predictors

of mandibular third molar eruption

Niedzielska IA, Drugacz J, Kus N,

Kreska J

Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral

Radiol Endod 2006;102:154–8

doi:10.1016/j.tripleo.2005.07.003

Introduction

L’eruption de la troisieme molaire infe-

rieure (M3I) se produit normalement

entre 18 et 24 ans. Dans 40 % des cas,

cette dent est partiellement ou

totalement incluse. Les complications

de la presence de M3I sont

nombreuses : rhizalyse des deuxiemes

molaires, pericoronarites, SADAM,

parodontopathies, caries, et kystes

pericoronaires. Par ailleurs, selon cer-

tains orthodontistes, ces dents sont

capables d’aggraver le niveau d’occupa-

tion moyen sur l’arcade dentaire. C’est

pourquoi de nombreux auteurs preco-

nisent l’extraction prophylactique des

troisiemes molaires inferieures. Mais,

ces extractions ne sont pas exemptes

de complications, en particulier par

atteinte du nerf mandibulaire inferieur.

La faible frequence, 1 a 12 %, des acci-

dents d’eruption des M3I pousse d’au-

tres auteurs a s’opposer a ces extrac-

tions prophylactiques.

Pour choisir entre ces deux attitudes,

les auteurs ont cherche a savoir s’il

etait possible de pronostiquer la posi-

tion definitive de cette M3I et donc de

decider precocement de les extraire

ou de les conserver en relevant des

mesures sur les panoramiques dentai-

res pour determiner, au fil des annees,

la position previsionnelle de la troi-

sieme molaire sur l’arcade dentaire.

Etude

L’enquete portait sur 64 patients qui

furent inclus en 1993, dix ans avant la

redaction de l’article. A cette epoque,

des cliches panoramiques et des em-

preintes dentaires furent realises. La

procedure fut renouvelee en 2003.

Les trois mesures suivantes furent cal-

culees en 1993 et a la fin de l’etude, en

2003 (fig. 1) :

� le rapport de Ganss et al. [1] qui cor-

respond au rapport espace retromolaire

sur largeur coronaire de la M3I. L’espace

retromolaire est calcule sur une droite

passant par la cuspide superieure de la

premiere premolaire et la cuspide supe-

rieure mesiale de la deuxieme molaire.

La distance est calculee depuis le bord

anterieur du ramus au bord distal de la

seconde molaire ;

� l’angle A entre les axes dentaires

des deuxiemes et troisiemes molaires

inferieures ;

� l’angle B entre l’axe median de M3I

et la base de la mandibule.

Ces donnees ont ete traitees par une

analyse multiple de variance (Manova).

Resultats

Ces trois mesures permettaient de pre-

voir l’alignement de la troisieme mo-

laire inferieure sur l’arcade dentaire,

en utilisant une radiographie panora-

mique.

Elles permettaient de prevoir de facon

sensible et specifique l’appartenance

des M3I aux trois groupes suivants :

groupe I (eruption totale), groupe II (in-

clusion partielle), groupe IIII (inclusion

totale).

En placant en abscisse l’angle B et en

ordonnee le rapport de Ganss et al., un

point etait defini (fig. 2). S’il etait au-

dessus de la droite correspondant a

l’angle A, la probabilite d’eruption nor-

male etait d’environ 90 %, en dessous

de cette droite la probabilite etait en

faveur de l’inclusion totale, et un point

sur la droite etait en faveur d’une inclu-

sion a 50 % ou d’une eruption a 50 %.

Par exemple, si le rapport de Ganss et

al. etait de 0,7, l’angle B a 70˚, et l’angle

A a 20˚, le point d’intersection etait en

dessous de la ligne. La probabilite d’in-

clusion depassait 90 %.

Discussion

Que la troisieme molaire soit ou non

« coupable » cela reste a etre elucide,

bien que 65 % des dentistes aient

cette opinion [2]. De nombreuses me-

sures ont ete effectuees pour mesurer

l’impact de l’eruption de la troisieme

molaire inferieure sur l’alignement

473

Page 2: Indices prédictifs d’éruption de la troisième molaire inférieure sur les panoramiques dentaires

Figure 1. Parametres radiographiques : rapport de Ganss et al. (A/B), angle B et angle A(Niedzielska et al.).

Figure 2. Probabilite d’eruption de la troisieme molaire inferieure en fonction des mesurescalculees (Niedzielska et al.).

G. Thiery, C. Chossegros Rev Stomatol Chir Maxillofac 2007;108:473-474

dentaire, en particulier sur les incisi-

ves. La cause probable des effets des

M3I, partiellement ou completement

incluses, est la diminution de l’espace

dentaire disponible sur l’arcade.

L’extraction des premolaires ou des

molaires peut augmenter cet espace.

Cependant, meme ces extractions pre-

ventives ne garantissent pas une

eruption normale de la troisieme mo-

laire. Base sur une observation de dix

ans, Ganss et al. [1] a defini le rapport

entre l’espace retromolaire et la lar-

geur coronaire de M3. Lorsque ce rap-

port est superieur a 1, 70 % des M3I

ont une eruption normale sur l’arcade.

474

Des valeurs inferieures a 1 sont syno-

nymes de forte probabilite d’inclusion.

Rickets [3] a montre que l’inclusion de

la M3I etait associee au faible espace

retromolaire (90 % des sujets). Ce

manque d’espace resulterait de la di-

minution de la longueur de la mandi-

bule, de la faible croissance verticale

du processus condylien, et de l’inclu-

sion des dents posterieures. Dans no-

tre etude, les empreintes dentaires

ont ete utilisees pour visualiser les al-

terations dans la zone retromolaire.

Seuls quelques changements minimes

ont ete notes dans cette zone. Basee

sur une analyse multiple de variance

des parametres radiographiques, la

probabilite d’eruption normale peut

etre determinee. Une decision peut

donc etre prise sur l’extraction de la

troisieme molaire, surtout chez les pa-

tients presentant des episodes inflam-

matoires recidivants. En prenant en

compte les complications post-

extractionnelles des M3I et les patho-

logies preexistantes, on peut se de-

mander s’il est recommande d’anti-

ciper le developpement pathologique

et de prendre une decision precoce au

sujet de l’extraction des M3I qui sont

susceptibles d’avoir une eruption nor-

male. L’age des patients demeure une

question importante a considerer. Les

resultats suggerent que l’augmenta-

tion de l’espace retromolaire durant

la croissance n’est pas suffisante pour

conserver la troisieme molaire,

lorsque le rapport de Ganss et al. est

faible. Ledyard [4] a montre que la

zone retromolaire continuait a s’eten-

dre jusqu’a l’age de 16 ans. Apres cet

age, l’eruption de la M3 ne devrait

plus etre possible. Notre etude semble

confirmer cette observation. L’erup-

tion ou non des troisiemes molaires

inferieures peut donc etre evaluee

meme chez les personnes jeunes.

References

1. Ganss C, Hochban W, Kielbassa AM,Umstadt HE. Prognosis of third molareruption. Oral Surg Oral Med Oral Pa-thol Oral Radiol Endod 1993;76:688–93.

2. Laskin DM. Evaluation of the thirdmolar problem. J Am Dent Assoc1971;82:824–8.

3. Rickets RM. Studies leading to thepractice of abortion of lower third mo-lars. Dent Clin North Am 1979;23:393–411.

4. Ledyard BC. A study of the mandibularthird molar area. Am J Orthod 1953;39:366–9.

*Auteur correspondant.e-mail : [email protected] et accepte le : 23 aout 2007

doi:10.1016/j.stomax.2007.08.001 Rev Stomatol Chir

Maxillofac 2007;108;473-474