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Maquette Elsa GodetIllustrations : JF Colonna - CMAP, Etienne Ghys - ENS Lyon, Mauritz Escher

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Enigmes Mathématiques d’hier et d’aujourd’hui

2006 Une nouvelle médaille Fields Française

2007Il y a 300 ans naissait Léonard EULER

Deux belles occasions pour le ComitéInternational des Jeux Mathématiquesde se lancer dans l'aventure qui consisteen quelques pages à évoquer les EnigmesMathématiques d'Hier et d' Aujourd'hui .

Notre volonté d'ancrer les mathé-matiques dans leur histoire, de prouverqu'elles sont riches, belles et, ô combienvivantes, trouvait sous ce thème unmagnifique champ d'exploration. Pour vous parler de cet incroyablefoisonnement d'idées nous avons divisécet ouvrage en trois parties.

La première partie retrace le déve-loppement à travers les âges, de troisthèmes fondateurs des mathématiques :le calcul et les équations, les géométrieset la logique. Trois thèmes qui furentriches en rebondissements et qui ontgénéré de nombreuses questions.

La deuxième partie traite des énigmesde notre temps et des défis pour le futur.Toute cette science mathématique, faitepar des femmes et des hommes, per-pétue une longue tradition d'échanges,de voyages et de rencontres. Parfois enpensée libre, parfois en penséecommandée par notre quotidien, lamédecine, l'industrie ou la conquête del'espace, de l'infiniment grand à l'in-

finiment petit, ils mêlent les idées pouren trouver de nouvelles et ainsi mieuxappréhender notre monde. Ils font surgirdes liens inattendus entre des domainesà priori bien distincts !

Enfin la dernière partie vous emmèneà la rencontre de ces mathématiciensqui à travers les époques ont su tirerprofit de certains aspects ludiques desmathématiques. On mesure mieux,avec le recul, l'influence que cette ap-proche a eu sur l'élaboration de théoriestrès complexes.Enigmes, poèmes, jeux, défis se sontrépondu à travers les âges pour le plusgrand plaisir de chacun, abordant ainsipar un biais plus plaisant et délectable*des problèmes d'une grande complexité.

Pour conclure, je voudrais remerciertoutes celles et tous ceux qui nous ontaidés pour la rédaction de ces pagesainsi que les organismes qui nousapportent leur soutien et nous per-mettent d'éditer cette brochure. J'espèreenfin que vous, lecteur, aurez quelquesatisfaction à parcourir ces lignessachant qu'en mathématiques, le che-min qui mène à la résolution d'uneénigme est souvent difficile.

Bonne lecture

Marie José Pestel

*Extrait du titre du premier recueil de jeux mathé-matiques.

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Dans le monde imaginé par Pythagoreau VIe siècle avant Jésus-Christ, tout estnombre, c'est-à-dire nombre entier ourapport de nombres entiers, ce que nousnommons nombre rationnel. Pythagorepense à un monde composé de par-ticules insécables, toutes identiques. Lesdroites y sont constituées de pointscontigus, de même épaisseur. Dans cemodèle, si deux segments contiennent Net M points, le rapport de leurs longueursest égal à N / M. Plus généralement,deux grandeurs de même nature :surfaces, volumes, temps, etc. sont tou-jours commensurables.

Pourtant l’école pythagoricienne adétruit ce mythe.Pour preuve la ver-sion simplifiée duthéorème :

En construisant lecarré bleu sur ladiagonale du carré

jaune on montre l'existence de deuxentiers N et M tels que : M2 = 2 N2. Enfactorisant M et N, on obtient un nombrepair de facteurs 2 dans M2 et un nombreimpair dans 2 N2, ce qui interdit l'égalitéde ces deux nombres.

Le modèle discretLe rêve de Pythagore s'écroule, et avec

lui l'idée d'un monde discret, c'est-à-direformé de particules identiques insé-cables. Zénon (Ve siècle avant Jésus-Christ) a réfuté ce modèle d'une manièreplus radicale. Supposons, après lui, letemps discret, il est ainsi composéd'instants insécables. Nous pouvons lesdénombrer : instant 1, instant 2, instant 3,etc. Imaginons alors deux trains de troiswagons roulant en sens opposés, à lavitesse d'un wagon par instant. Si lesdeux premiers wagons se croisent àl'instant 1, les deux trains sont côte à côteà l'instant 2.

À quel instant le wagon de tête dupremier train croise-t-il le deuxième dusecond ? Jamais ?

Le modèle continuLe monde n'étant pas discret, il est

logique de le supposer continu : toutequantité est divisible à l'infini. Pourtant,après avoir récusé le premier modèle,Zénon récuse également celui-ci.Supposons l'espace continu. Alors pourfranchir une distance de 1 024 mètres,par exemple, nous devons d'abordfranchir les 512 premiers mètres ce quinous amène à un instant 1. Nousfranchissons alors les 256 mètres sui-vants d'où un instant 2. Les 128 mètressuivants donnent un instant 3 et ainsi de

L'infini, entre logique et paradoxesHervé LEHNING

Notre monde, comment est -il ?Discret ou continu ?

Logique ou indécidable ?Mesurable ou incommensurable ?

instant 1 instant 2

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L'infini, entre logique et paradoxes

suite en divisant chaque fois l'espacerestant par deux. Comme l’espace estdivisible à l'infini, nous sommes amenésà vivre une infinité d'instants, ce qui estimpossible. Selon Zénon, le modèlecontinu interdit le mouvement. De nosjours, ce paradoxe est vu comme uneerreur de calcul car une somme d'unnombre infini de termes peut être finie.Plus précisément aujourd’hui on montreque :

En fait, l'idée de Zénon est ailleurs. Ilrécuse seulement la divisibilité dutemps à l'infini. L'instant n'existe pas, iln'existe que des intervalles de temps,éventuellement très courts.

L'interdiction de l'infiniÀ la suite de ces paradoxes, les

anciens Grecs s'interdisent le recours àl'infini. Plus précisément, celui-ci n'estplus conçu que comme potentiel : toutnombre peut être dépassé. Ainsi,Euclide (IIIe siècle avant Jésus-Christ)évite de parler d'une infinité de nombrespremiers. Il préfère énoncer :" l'ensemble des nombres premiers estplus grand que tout sous-ensemble denombres premiers donné " ce quirevient à dire : donnez-moi un nombrepremier, j'en trouverai un plus grand. Cerefus de l'infini se situe essentiellementau niveau de la preuve. Le recours àl'infini actuel dans la recherchepréliminaire reste clair. Par exemple,pour lier l'aire d'un cercle à sacirconférence, Archimède (IIIe siècleavant Jésus-Christ) découpe le cercle en

petits triangles curvilignes égaux. Autriangle curviligne OAC, il faitcorrespondre le triangle rectangle OABtel que la longueur du côté AB soit égale

à celle de l’arc AC.En construisant D telque BD = AB, onobtient un triangleOBD de même aireque OAB car baseset hauteurs sontégales. Puis il assem-

ble des triangles de même aire que OABpour former un triangle rectangle (T)dont les côtés ont pour longueur respec-tivement le rayon et la circonférence ducercle.

Alors que l'idée sous-jacente est undécoupage infini du cercle, Archimède neprouve pas son théorème ainsi. Il considè-re l'aire S du cercle et celle S’= 1/2 x P x Rdu triangle (T) (où P est le périmètre et Rle rayon du cercle) et montre en utilisantun découpage fini que les deuxhypothèses S > S’et S < S’sont absurdes.Il exclut ainsi soigneusement l'infini desa démonstration, même si le résultat nepeut être conçu sans y avoir recours.

1.etc161

81

41

21 =++++

Zénon d’Elée -

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L'infini, entre logique et paradoxes

Retour de l'infini, puis de la rigueurLe recours explicite à l'infini revient

en grâce bien plus tard. Aux XVIIe etXVIIIe siècles, le pragmatisme supplantela ri-gueur logique pour le contrôle desrésultats. Un analyste du XVIIIe sièclen'hésite pas à considérer un découpagedu cercle en parties infiniment petites. Iltrace le même dessin que précédement,où chaque arc et chaque triangle sontconsidérés comme infiniment petit. Ilcalcule l'aire du secteur circulaire enfonction de la longueur t de l'arc AB etconnaît donc l'aire du triangle OAB. Ilajoute le nombre de triangles dudécoupage et il trouve l'aire du cercle Scomme somme d'aires de partiesinfiniment petites. Cependant pourachever le raisonnement, il fautremarquer que la différence entre l' airedu triangle AOC et celle du triangleOAB est un infiniment petit de l'ordre det2. Leur somme reste donc infinimentpetite. Sans préciser ce dernier point, ilest facile d'aboutir à des résultats fan-taisistes. La figure suivante propose ainsi unepreuve de l'égalitéLa longueur du demi-cercle bleuainsi que celle des courbes rouges, jau-

nes, etc est égaleà . Ces cour-bes tendent versle diamètre ducercle donc :

Pour éviter ce type de paradoxes lesmathématiciens du XIXe sièclereviendront à l'exigence de rigueur des

anciens Grecs. Ils précisent dans quelscas on peut donner un sens à la sommed'un nombre infini de termes. Pourrevenir à l'exemple associé à Zénon, ils'agit d'étudier les sommes finies :

1/2 + 1/4 + 1/8 + 1/16 + ... + 1/2n

et montrer qu'elles s'approchent aussiprès de 1 que l'on veut . En effet : 1/2 + 1/4 + 1/8 + 1/16 + ... + 1/2n = 1 1/2n

et 1/2n peut être rendu aussi petit qu'onle désire.

Par exemple, cette quantité estinférieure à 0,001 si n > 10 et

à 0,000 001 si n > 20, etc.Les infiniment petits ont ainsi été

exclus des raisonnements pour êtrecantonnés au domaine de l'intuition jus-qu'à la seconde moitié du XXe siècle,quand Abraham Robinson a créé l'Analysenon standard qui permet de leur donnerun nouveau droit de cité. De façon asseznaturelle, ce retour inattendu est dû àdes progrès en logique qui permettentd'affirmer l'existence d'un corps com-prenant les nombres réels usuels ainsique des infiniment petits.Preuve par l'infini

Avant ce retour en grâce, la notiond'infini est utilisée par les mathé-

R

Archimède

R = 2 R.

= 2.

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maticiens du début du XXe siècle pouraboutir à des démonstrations étranges età de nouveaux paradoxes.

Cantor distingue plusieurs infinis. Ilnomme dénombrables les ensemblesdont on peut numéroter les élémentscomme ceux des entiers ou desrationnels. Il en existe de plus com-pliqués, comme celui des nombresalgébriques, les racines d'équationspolynômiales à coefficients entiers tellespar exemple que :

x2 - 2 = 0 ou x5 - 5 x2 + 3 = 0.Par la méthode de construction connuesous le nom de diagonale de Cantor, onmontre qu’il n’est pas possible deconstruire une numérotation de tous lesnombres entre 0 et 1.

Supposons que, à tout nombre réelentre 0 et 1, on puisse faire correspondreun entier naturel. Par exemple :à l’entier 1 correspond 0,2359...à l’entier 2 correspond 0,3598...à l’entier 3 correspond 0,8248......à l’entier nk correspond 0,ck1ck2...ckkckk+1......alors le réél r = 0,e11e22e33...eii...avec e11 c11, ... eii cii,..., ainsi construit,est différent de tous les réels répertoriéset donc ne peut être numéroté.

L'ensemble des nombres réels n'étantpas dénombrable, Cantor en déduitl'existence de nombres transcendants,c'est-à-dire non algébriques. Cette preu-ve par différence de nature des infinis estdéroutante car elle ne permet pas denommer un seul nombre transcendant.Pour certains, cette utilisation de l'infiniest même choquante car elle s'accom-pagne de nombreux paradoxes, souvent

associés à l'auto-référence. Ils sont tousde même nature que le paradoxe dubarbier de Russel : Dans un village, unbarbier déclare raser tous les hommesne se rasant pas eux-mêmes. Qui rase lebarbier ? Ce type de paradoxes montreque l'on ne peut pas nommer n'importequoi ensemble sinon, nous pouvonsconsidérer deux sortes d'ensemble : ceuxqui appartiennent à eux-mêmes et lesautres.

Que dire alors de l'ensemble des en-sembles n'appartenant pas à eux-mêmes ?

Le rêve de HilbertAvec la théorie des ensembles, Cantor

a créé un outil puissant. Il a aussi montréla fragilité des fondements des mathé-matiques. Au début du XXe siècle, DavidHilbert pense assurer leur solidité ensystématisant la méthode axiomatiquedes anciens Grecs. Dans son rêve, toutesles vérités mathématiques découlentd'axiomes et de règles de déductionlogique. Par exemple, toutes les véritésarithmétiques doivent se déduire desaxiomes que Peano, un contemporain deHilbert, a énoncés. Malheureusement,Gödel prouve trente ans plus tard que

L'infini, entre logique et paradoxes

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Georg Cantor

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L'infini, entre logique et paradoxes

l'arithmétique de Peano contient desassertions vraies et improuvables. Pourdémontrer ce résultat, on pourraitdénombrer les assertions prouvables etles autres. Plus précisément, on peutimaginer de numéroter les assertionsprouvables en tenant compte de leurslongueurs par exemple. Ainsi, on obtientune assertion numéro 1, une assertionnuméro 2, etc. Autrement dit, l'ensembledes assertions prouvables est infini maisdénombrable. En revanche, il est faciled'imaginer que l'ensemble des assertionsvraies n'est pas dénombrable. Ainsi, il nepeut se réduire à l'ensemble des asser-tions prouvables. Gödel ne procède pasainsi. Il est plus explicite : il exhibe desassertions vraies improuvables !

Les mathématiques ne sont pasmécanisables

Dans le projet de Hilbert, il restel'espoir qu'une machine puisse démontrertoutes les assertions prouvables d'unethéorie. Imaginons donc un logiciel qui,à partir d'un système d'axiomes et derègles de déduction, produise lesassertions prouvables les unes après lesautres. Donnons nous une assertionparticulière, soit A, dont on veut savoir sielle est prouvable ou non. Nous pouvonsmodifier notre logiciel de sorte qu'ils'arrête si A est prouvable et boucleindéfiniment sinon. Nous sommes ainsiamenés à nous poser le problème del'arrêt des logiciels informatiques.Qu'est-ce qu'un logiciel ? Il s'agit d'untexte écrit dans un certain langage deprogrammation. Dans le jargon del'informatique, on parle de son code. Lanature de celui-ci et le langage dans

lequel il est écrit importent peu pourl'argument qui suit. Dans ce mêmejargon, le texte entré au clavier est appelél'argument du logiciel. Ceci précisé,nous pouvons nous poser la questionsuivante :

Existe-t-il un logiciel L qui, prenanten entrée un logiciel X, c'est-à-dire son" code " puis un argument x, sait dire siX s'arrête ou non pour l'entrée de l'ar-gument x ?Supposons L écrit et notons L (X, x) lerésultat de son exécution pour lesdonnées X et x. Nous pouvons alorsconstruire un logiciel P s'arrêtant si :L (X, x) = "non" et bouclant indéfinimentsi L (X, x) = "oui".Que se passe-t-il si on applique P à lui-même ? S'il s'arrête, il boucle et s'il bou-cle, il s'arrête !

Un tel logiciel ne peut exister ce quiruine définitivement le projet d'Hilbertde mécanisation de la preuve.

Tant mieux, sinon quel serait l'intérêtdes mathématiques ?

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Equations et racines,une traque universelleElisabeth BUSSER

Une algèbre en devenirLes Babyloniens de la première

dynastie, vers 1700 avant J-C. étaientdéjà allés assez loin dans les méthodesde résolution d'équations, y compriscelles du second ou du troisième degré.

Connus pour être de grandsconstructeurs de tables, ils les utilisèrentpour résoudre des équations. La tabledes inverses leur permit par exemple de

résoudre des équations du type ax = b. Illeur suffisait de trouver 1/a dans la tableet de le multiplier par b pour obtenir lasolution. Evidemment, les calculs enbase soixante (système hexadécimal)étaient un peu lourds, et ne se faisaientbien souvent que par approximation,certains nombres comme 13 nepossédant pas d'inverse exact. Pour leséquations du second degré, lesBabyloniens connaissaient pratiquementdéjà l'algorithme de calcul actuel.

C'est une autre table, celle des valeursde n2 + n3, qui leur permit de résoudreune équation plus compliquée, du typeax3 + bx2 = c. Nous dirions aujourd'huique le changement de variable x = by/atransforme cette équation en y3+y2=ca2/b3.La table donnait une valeur de y et, pourtrouver x, on recalculait, à l'envers,by/a. Il suffisait d'y penser ! Ici, pasquestion de notation algébrique, maisquelle intelligence dans la technique derésolution !

Dans l'ancienne Egypte, quelquessiècles plus tard, toujours pas desymbolique algébrique, mais des calculsd'inverses allégés par l'utilisation defractions de numérateur égal à 1.

Les Grecs, eux, ont fait de la géométrieleur dogme et transforment les problè-mes algébriques en constructions géo-métriques à la règle et au compas. Dansles treize livres des Eléments d'Euclide(environ 300 avant J-C.), pas de réso-lution explicite d'équation mais desconstructions géométriques fournissantles solutions.

Qu'elles soient agricoles (découpagede terrains), patrimoniales (partaged'héritages) ou consuméristes (achat etvente), les mathématiques s'invitentdans la vie quotidienne dès l'Antiquité.Leurs premières traces sont faites decalculs qui, sans le dire, ne sont autresque des équations. Les méthodes derésolution n'ont cessé, à travers lemonde entier, de se codifier et des'affiner jusqu'à aujourd'hui.

Tablette babylonienne

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Equations et racines, une traque universelle

Dans le livre I, Proposition 44, pourrésoudre l'équation ax = b, Euclide pro-pose de représenter a et x comme desmesures de longueur et b comme l'aired'un rectangle. La proposition 30 duLivre VI contient en proposant lepartage en moyenne et extrême raisontout ce qu'il faut pour résoudre uneéquation de degré 2 du type x2 + ax = a2 .

Il construit le carré ABCD de côté[AB] et le rectangle DFHI de même aireet tel que AFHG soit aussi un carré. Il apris soin d'exposer auparavant cetteconstruction (par exemple en utilisantl'arc BF de centre E, milieu de [AB] ).Les deux carrés de la figure étantsemblables, GB/GA = GH/GI, doncGB/GA = GA/AB.Le point G est celui qui partage le segment[AB] en moyenne et extrême raison.

Euclide ne le dit pas explicitement,mais la résolution graphique de l'équa-tion x2 + ax = a2 est immédiate. Le côtédu carré ABCD représente a et laconstruction précédente fournit aussitôtle côté du carré AFHG c’est à dire x.

C'est plus tard, vers 250 après J-C.,qu'on voit apparaître, chez Diophante,un début d'écriture algébrique oùl'inconnue s'appelle le nombre et senomme par une lettre de l'alphabet.

Les " pros " de l'algèbreLa voie est ouverte pour créer l'algè-

bre et son cortège de notations, ce quevont faire les mathématiciens arabes duMoyen-Age, héritiers directs de laculture mathématique grecque, qu'ils ontbeaucoup étudiée. Ils vont l'enrichir deleurs propres techniques algorithmiques.Al-Khwarizmi (780-850), premier sa-vant de l'école de Bagdad, celui-là mêmedont le nom a donné le mot "algorithme",pratique par exemple couramment larésolution des équations du seconddegré. Il commence par donner lesracines avec des radicaux, puis confirmeses résultats par une démonstrationgéométrique et donne enfin une appli-cation numérique. Ses calculs se fondentsur deux opérations fondamentales : al-jabr (d'où le mot "algèbre"), transpo-sition des termes, et al-muqabala, réduc-tion des termes semblables. Sa géomé-trie est celle d'Euclide et utilise abon-damment la "complétion du carré".

A propos d’un problème d’argent : " Un carré et dix racines sont égaux à 39dirhams ",il doit donc résoudre x2 + 10x = 39.

carré et

rectanglesont

de même aire

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Equations et racines, une traque universelle

Le premier carréconstruit a pour côtél'inconnue, les deuxrectangles représententles dix racines, le toutayant une aire de 39.On complète la figure

pour en faire un carré. Il a pour côté 8puisque 39 + 25 = 64 = 82. Il ne resteplus qu'à faire la différence 8 - 5 pourobtenir x = 3.

Si Al Khwarizmi n'a pas dépassé ledegré 2, un autre mathématicien arabecélèbre, Omar Al-Kayyam traita, lui,vers 1074, des équations de degré 3,reprenant le problème d'Archimède :découper une sphère par un plan demanière que les volumes des deuxcalottes soient dans un rapport donné.Al-Kayyam reconnaît que la solutiontient dans l'intersection d'une parabole etd'une hyperbole, mais ne va pas jusqu'aubout de sa résolution.

Il faudra attendre la Renaissance et lagrande époque des mathématiciensitaliens Del Ferro (vers 1515), Cardan etTartaglia (vers 1545) pour arriver à uneétude complète de la résolutionalgébrique des équations de degré 3. Lesformules de Cardan qui permettent detrouver à ces équations une solutionréelle, ont fait faire à la générationsuivante de mathématiciens, commeBombelli (vers 1572) un pas vers lacréation des nombres complexes. En effet,que répondre à la question :

Que se passe-t-il quand cette formulene s'applique plus et où pourtantl'équation a une solution réelle ?

La révolution cartésienneLes mathématiciens français vont

prendre le relais des Italiens. Viète, vers1593, simplifie les notations algébriqueset donne une méthode de résolution deséquations de degré 3 et plus. On racontemême que, pour relever le défi lancé parAdrien Romain, il trouva les 23 racinespositives d'une équation de degré 45 !

On doit à Descartes (1596-1650)l'utilisation systématique des lettres enmathématiques : celles du début del'alphabet pour les quantités détermi-nées, celles de la fin pour les indéter-minées. Il propose également unerésolution générale des équations aumoins jusqu'au degré 6 grâce à lagéométrie analytique. Parallèlement,Newton (1671) et Raphson (1690),préfigurant les travaux d'aujourd'hui,imaginent des méthodes de résolutionpar approximations. Lorsqu'il s'agit parexemple de réduire en suite infiniel'équation y3 - 2y = 5. On part de 2comme première approximation de lasolution. En remplaçant y par 2+p, et enéliminant certains termes à cause de leurpetitesse, on arrive à affiner : p = 0,1.

Page du plusvieux livre

d’algèbre dumonde, le

Kitab al-Jabr wal-Muqabala

du mathématicienAl Khwarizmi

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Equations et racines, une traque universelle

Et on recommence à poser p = 0,1 + q, àéliminer les termes non significatifs pourobtenir q = 0,0054, etc…

Quelle belle anticipation sur les algo-rithmes informatiques actuels !

L'effet GaloisAvec Lagrange puis avec Abel, on

passe à la vitesse supérieure. Lagrangelie, en 1770, la résolubilité par radicauxdes équations de degré trois et certainespropriétés d'invariance par permutationsdes racines. Il étudie donc les propriétésde ces ensembles de permutations quiprendront avec Galois le nom degroupes. Utilisant les résultats deLagrange, Abel travaille sur leséquations de degré 5, prouvant qu'ellesne sont pas résolubles par radicaux. Ilgénéralise en 1829 aux classes d'é-quations ainsi résolubles. Reprenantleurs idées, Galois (1811-1832) définit leconcept de groupe : il englobe dans cettenotion les permutations des racinesd'une équation telles qu'une relationalgébrique satisfaite par ces racines lereste après permutation des dites racines.Le groupe de Galois d'une équationpolynômiale est né ! Le génie de Galoisne s'arrête pas là : il va lier les propriétésde ce groupe au fait que l'équationassociée soit ou non résoluble parradicaux. Il introduira pour lesbesoins de son étude des notionsqui constitueront la théorie desgroupes, pilier de l'algèbre moder-ne. On est passé du terrain, celui dela résolution d'équations algé-briques à la théorie, celle qui fondeles mathématiques d'aujourd'hui.

Extrait du mémoire d’Evariste Galois.La veille du duel qui lui coûta la vie à 21 ans, Galoisécrit en marge de ses notes :

Il y a quelque chose à compléter dans cettedémonstration. Je n’ai pas le temps.

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Géométrie, une longue histoireElisabeth BUSSER

L'héritage grecAu départ, la géométrie est la science

des figures. Ainsi, en Egypte ancienne,où la géométrie d'arpentage est de mise,naît, à côté de la pratique, un début descience géométrique, mettant enparticulier en évidence certainespropriétés du triangle et du cercle.

En Grèce, il reste du VIe siècle avant J-C. un grand nombre de résultatsgéométriques et les noms de grandsgéomètres : Thalès, le premier savantphilosophe, le premier à faire de l'angleune grandeur fondamentale, comme lalongueur, l'aire ou le volume, puisPythagore, Hippocrate de Chios, Eudoxe

de Cnide, … Avec eux, on traite de l' ins-cription d'une sphère dans un cône, lasimilitude des triangles, les propriétés ducercle, des polygones et des polyèdres,des coniques. Les Eléments d'Euclide (-330, -270) constituent la premièresynthèse, avec le souci de fonder lagéométrie et d'en faire une science dé-monstrative au sens d'Aristote. Ce quenous appelons savoir c'est connaître parla démonstration disait ce dernier.

On retient surtout d'Euclide la rigueur dela méthode et la tentative de classificationdes résultats. On doit à Archimède (-287,-212), plus physicien que mathémati-cien, la première valeur précise dunombre , entre 3 + 10/71 et 3 + 10/70.L'un des ouvrages les plus complets de lamathématique grecque est les Coniquesd'Apollonius de Perge (fin du IIIe sièclesavant J-C.). Il y rassemble des résultatsdéjà connus auxquels il mêle les sienspropres, traitant toutes les sectionsconiques à partir du même cône. AprèsApollonius, les mathématiciens comme

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Dés l'époque secondaire, les mollusquesconstruisaient leur coquille en suivantles leçons de géométrie transcendantedisait Gaston Bachelard. C'est direl'emprise de la géométrie sur nos vies etcela pourrait expliquer pourquoil'approche du monde des premiersmathématiciens a été géométrique. Lagéométrie, science des figures audépart, a permis le développement de lapensée mathématique pendant deuxmillénaires. Ce sont des problèmesconnexes à la géométrie qui ont permisparallèlement le développement d'au-tres branches des mathématiques. Lagéométrie a beaucoup évolué au coursdes siècles et aujourd’hui ses imagespermettent de comprendre les conceptsmathématiques qu'elle a fait émerger etqui ont maintenant un développementautonome.

Le théorème de Pythagore vu par Euclide

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Géométrie, une longue histoire

Hipparque de Metaponte (environ vers150 avant J-C.) établissent des tablesdonnant les mesures des cordes d'uncercle équivalentes à nos tables de sinus,dont la précision va augmenter avec lestravaux de Ptolémée (IIe siècle après J-C.)Après Ptolémée va s'instaurer unetradition d'étude des connaissancesmathématiques des siècles antérieurs,dont les développements vont apparaîtredans le monde arabo-islamique.

Si les mathématiciens arabes sont allésbien au-delà des Grecs dans le domainealgébrique et numérique, on trouve peude géométrie si ce n'est celle des Grecsdans les ouvrages de mathématiquesarabes du Moyen-Age, qui la présententplutôt sous un jour calculatoire (aires,longueurs…). Dans les ouvrages d'Al-Khwarizmi et d'Abul-Wafa les formulessont nombreuses. Par exemple Le Livrenécessaire aux scribes est en fait unmémoire de calcul : calcul de l'aire d'untriangle semblable à celle de Héron,calcul de l'aire d'une sphère en fonctionde celle d'un de ses grands cercles, calculdu volume en fonction de la surface.

De l'algèbre dans la géométrieAllant au-delà de la géométrie de fi-

gures, les Grecs ont préparé le terrain àl'étude la géométrie analytique. Ils ont eul'idée de lier géométrie et relation entrecertaines quantités variables en faisantintervenir deux paramètres préfigurantnos actuelles coordonnées. Apolloniusles utilise par exemple pour écriredes équations des coniques. Nicolas Oresme, lui, va au XIVe siècleimaginer une représentation graphique

utilisant une latitudo et une longitudo,comme abscisse et ordonnée. Descartesreprendra dans sa Géométrie les calculsd'Apollonius et les généralisera au lieude les limiter à une figure donnée. Sesnotations symboliques, où constantes etvariables sont représentées par deslettres, vont considérablement alléger sescalculs, contrairement à Fermat qui, pourarriver aux mêmes résultats, continued'utiliser l'algèbre géométrique desGrecs. Sa technique permet à Descartesd'aborder des problèmes de lieux géo-métriques restés jusqu'alors sans solutionévidente. La géométrie analytiques'étend à l'espace avec Clairaut vers 1731et Euler, qui donne en 1748 une formuleclaire de changement d'axes.

Lagrange (vers 1770) va rompre avecce mélange de considérations géomé-triques et analytiques en faisant de lagéométrie sans figure, par une approchepurement analytique. Monge (1746-1818), dont l'œuvre géométrique estimmense, utilise à fond la géométrieanalytique : il étudie par exemple lessurfaces uniquement à l'aide d'équationsaux dérivées partielles. Il imagine aussi

Portulan extrait de l’atlas dressé en 1467 par lenavigateur Grazioso Benincasa. Ce sont les cartes

marines les plus précises et renseignées de l’époque.

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Géométrie, une longue histoire

des représentations de solides de l'espaceen les projetant sur deux plans : c'est ledébut de la géométrie dite descriptive.

Géométrie projective : une autre approcheLa géométrie projective est née de

l'étude de la représentation en pers-pective. Ce qui était difficile pour lesAnciens, même s'ils percevaient déjà lanotion de point de fuite, est devenunaturel pour les peintres italiens duQuattrocento, sous l'impulsion d'archi-tectes comme Brunellesci et Alberti vers1435. Piero Della Francesca (1416-1492) est le premier théoricien de laperspective et Léonard de Vinci, à la findu XVe siècle donne des règles du dessinperspectif, suivi par Dürer qui les établitrigoureusement dans son traitéUnterweysung der Messung (entre 1525et 1538). La perspective de ces peintresest la projection centrale, associant à toutpoint de l'objet à représenter sa pro-jection sur le plan du tableau, c'est-à-direl'intersection entre le plan du tableau etla droite joignant l'œil de l'observateur aupoint à représenter. Dans ce mode de repré-sentation, les parallèles non parallèles auplan du dessin sont représentées commesécantes au point de fuite. Les parallélo-grammes ne sont donc pas représentéspar des parallélogrammes, les cerclespas par des cercles, les milieux ne sontpas conservés, mais les alignementssubsistent. Quelles sont alors les pro-priétés qui restent vraies ? L'alignement,certes, mais aussi le birapport de quatrepoints alignés A, B, C, D, défini en sontemps par Apollonius et Pappus (IIe siè-cle après J-C.).

C'est la conservation du birapport qui

va fonder la géométrie projective, l'étudedes propriétés des figures qui se conser-vent par une succession de perspectivescentrales, des transformations projectives.Le point de fuite sera le point à l'infini detoutes droites d'une même directionperpendiculaire au plan du tableau.L'architecte-ingénieur Desargues (1593-1662) va tenter de simplifier cette nou-velle théorie, suivi par Pascal qui, vers1658, théorise ses idées.

Un peu tombée dans l'oubli, lagéométrie projective renaît à la fin duXVIIIe siècle avec Monge (1795),Poncelet (1822), Chasles (1837). A la findu XIXe siècle, Hilbert, Klein et Darbouxvont en formuler rigoureusement lesaxiomes. Cette approche de la géomé-trie, non par les propriétés des seulesfigures mais par leurs transformations,ainsi que l'étude des invariants de cestransformations, va donner une autretournure à cette branche des mathé-matiques, qu'on utilise abondammentaujourd'hui dans les systèmes de rendugraphique sur ordinateur.

La géométrie de Dürer

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Géométrie, une longue histoire

Les nouvelles géométriesSi la géométrie projective a revisité les

vues d'Apollonius sur les coniques, il estune des demandes d'Euclide qui agitafort les géomètres, c'est le fameuxcinquième postulat . D'après l'énoncéd'Euclide, Si une droite, tombant surdeux droites, fait des angles intérieurs dumême côté plus petits que deux droits,ces droites prolongées à l'infini serencontreront du côté où les angles sontplus petits que deux droits. La géométrieeuclidienne estime qu'il n'a pas besoind'être démontré, d'autres, commeSaccheri en 1733, pensent pouvoir pré-cisément en faire la preuve mais en vain.Ala fin du XIXe siècle, avec Hilbert, puisau XXe, avec Choquet la géométrieeuclidienne se modernise avec desaxiomes indépendants et non contra-dictoires.

On peut donc désormais construire desgéométries en abandonnant le postulatdes parallèles : les géométries noneuclidiennes sont nées.

Soit les angles intérieurs du cinquièmepostulat sont aigus, et c'est la géométrie deLobatchevski (entre 1826 et 1856).

Soit ces angles sont obtus, et c'est lagéométrie de Riemann (1854).

A la fin du XIXe siècle, Klein donna lapreuve que ces deux géométries sontchacune non contradictoires et Poincarédéfinit un modèle pour la géométrie deLobatchevski : le demi-plan (dit dePoincaré), où les droites sont les demi-cercles centrés sur le bord. Dans cettegéométrie, on peut mener d'un point uneinfinité de parallèles à une droite et alorsla somme des angles d'un triangle est

inférieure à deux droits. Pour la géomé-trie de Riemann, le modèle sera celui dela sphère, dont les droites sont les grandscercles. On ne peut alors, par un pointhors d'une droite, mener aucune parallèleà cette droite et la somme des angles d'untriangle est supérieure à un angle plat.Les mathématiciens, en reconnaissantaux géométries non euclidiennes undroit de cité ont renoncé à considérer lagéométrie comme une simple descrip-tion du monde physique. C'est l'ouver-ture proposée par Klein, dans le pro-gramme d'Erlangen (1872), qui conduità concevoir une géométrie commel'action d'un groupe G de transforma-tions sur un ensemble. L'étude des objetsgéométriques devient donc celle desinvariants par l'action de certains sous-groupes de G.

On est alors en mesure d'utiliser cettegéométrie ainsi axiomatisée pour décrireen retour le monde physique, comme parexemple en théorie de la relativité.

Les papillons d’Escher

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La conjecture de RiemannUn problème pour un millénaire

Benoît RITTAUD

Des mathématiciens ont pourtant re-levé le défi.

Offerte par l'Institut Clay de Ma-thématiques, fondé par Landon Clay etsa femme à la fin des années 1990, lasomme est à la hauteur de l'importancedes questions posées par ces problèmes.

Difficile de résumer en quelques motsla teneur des questions mises à prix parl' Institut Clay : certaines d'entre elles sontextrêmement difficiles, comme la con-jecture de Hodge, pour laquelle lesmathématiciens même spécialistes doi-vent consacrer plusieurs heures rien quepour en comprendre l'énoncé !

Parmi les sept problèmes, la conjecturede Riemann, communément appeléehypothèse de Riemann, occupe uneplace à part. Cette conjecture postuleque, en-dehors de cas triviaux sansgrand intérêt, les solutions s del'équation :1+1/1s +1/2s +1/3s +1/4s +1/5s +…= 0

sont toutes des nombres complexes departie réelle égale à 1/2 . Il existe différents énoncés équivalentsde la conjecture posée au XIXe siècle parGeorg Riemann, celui que nous donnonsfait appel, outre à la notion de série(l'idée selon laquelle on peut ajouter desnombres les uns aux autres de façonrépétée et infinie), à celle de nombrecomplexe.

Un nombre complexe est un nombre,que l'on peut toujours écrire sous laforme a+bi, et dans lequel a et b sontdeux nombres réels ordinaires et où i estune abstraction mathématique définiepour l'occasion et qui vérifie que i2 = -1(alors que, comme chacun sait, il n'existeaucun nombre réel qui, multiplié par lui-même, donne une valeur négative). Lesopérations sur les nombres complexesgénéralisent de façon assez naturellecelles sur les nombres réels auxquelsnous sommes plus habitués, même s'ilsrecèlent aussi des pièges parfoisinattendus.

Quels seront les problèmes qui occu-peront le plus les mathématiciens desmille prochaines années ? Difficile deprétendre répondre à cette question sil'on pense aux incroyables bouleverse-ments qui ont accompagné les mathé-matiques depuis l'an mil.

Sept problèmes,un million de dollars

pour chacun d'eux.

P vs NPConjecture de Hodge

Conjecture de PoincaréL'hypothèse de Riemann

Yang-Mills et hiérarchie de masseNavier-Stokes et comportement continuConjecture de Birsch et Swinnerton-Dyer

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La conjecture de Riemann

La somme z(s), définie par1+1/1s +1/2s +1/3s +1/4s +1/5s +…avec le nombre complexe s = a+bi, ne tend vers un nombre fini que poura >1. Mais on arrive à donner un sens àcette somme par une technique devinéepar Euler et expliquée complétement parRiemann.

Ce qu'affirme la conjecture deRiemann, c'est que, sauf dans des casparticuliers simples à traiter, la sommez(s) ne vaut 0 que lorsque le nombrecomplexe s = a+bi vérifie a = 1/2 (ils'agit d'une condition nécessaire maisnon suffisante, c'est-à-dire qu'il fautque a = 1/2 pour espérer que z(s) soitnul, mais que le fait que a = 1/2 ne legarantit pas à lui tout seul - loin de là).

Cette conjecture peut paraître bienéloignée de ce que pourraient être despréoccupations légitimes d'ingénieurs,d'informaticiens et plus généralementd'utilisateurs de mathématiques, tour-nées vers la fabrication d'ailes d'aviontoujours mieux profilées, d'algorithmestoujours plus rapides ou encore deponts toujours plus grands et solides.

On sait pourtant aujourd'hui que laconjecture de Riemann est probablementle Graal des mathématiques, c'est-à-direque sa démonstration changerait àjamais la face de la discipline.

L’impact des démonstrations de laconjecture de Riemann (ou sa réfu-tation) sur notre vie de tous les jours,serait réel et concernerait notammentcertains protocoles sécurisés surinternet qu'il conviendrait de modifierpour éviter que les immenses connais-sances sur les nombres que donnerait

cette conjecture ne facilite par trop letravail des pirateurs de tout poil.

Mais l'essentiel serait bien ailleurs.L'essentiel est qu'une nouvelle page dela science mathématique serait tournéeet que le mathématicien, ou proba-blement l'équipe de mathématiciens, quitranchera définitivement la questionposée par Riemann permettra auxmathématiques de son siècle (qui n'aaucune raison d'être le nôtre, tant laquestion paraît difficile) d'être défini-tivement transfigurées.

Une ambition bien plus vaste que decelle de gagner quelques sous surinternet.

Pour en savoir (un peu) plus

Keith DEVLIN aux éditions Le Pommier, en 2005Les énigmes mathématiques du 3ème millénaire, .

http://www.math.univ-paris13.fr/~rittaud

Visualisation tri-dimensionnelle de la fonction Zeta, les zéros sont alignés sur la droite critique

à l’extrémité des zones bleues.

Jean-François Colonna

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La percolation à la température critiqueWendelin WERNER

Nous allons décrire un modèle deconfigurations aléatoires obtenues encoloriant au hasard les couleurs dechaque site dans un réseau plan, pourlequel de nouveaux résultats ont étédémontrés récemment. Nous présen-terons quelques idées et outils utiliséspour les démontrer et nous les placeronsdans un contexte un peu plus général.Cet article étant de nature introductive,il décrit surtout des idées générales, duesà des physiciens et des mathématiciens.La dernière partie abordera des aspectsplus récents.

Aléa microscopique et déterminismemacroscopique.

De nombreux événements se prêtentà une interprétation probabiliste. Avantqu'ils ne se produisent, leur issue estincertaine, mais on peut tout de même ladécrire à travers sa loi. Si l'on tire à pileou face, on aura une chance sur deuxd'observer pile. Les phénomènes aléa-toires peuvent ensuite se combiner pourformer de nouveaux événements,aléatoires eux aussi. Par exemple, onpeut tirer 10 000 fois à pile ou face etregarder le nombre total de résultats pile.

L'un des buts de la théorie desprobabilités est de décrire mathé-matiquement le comportement de trèsgrands systèmes dans lesquels secombinent un très grand nombre dephénomènes aléatoires. Traditionnel-lement, le premier résultat probabilisteenseigné aux étudiants de niveau licenceest la loi des grands nombres, que l'on

peut décrire à l'aide du modèle de pileou face précédent. Cette loi affirme quel’incertitude du résultat devient de plusen plus petite lorsque la taille dusystème augmente. A la limite quandcelui-ci devient infini, le résultat del'expérience a perdu son caractèrealéatoire et devient déterministe (on aalors 50% de pile). Parmi les systèmesbien modélisés de manière probabiliste,on peut mentionner les systèmes departicules physiques. Au niveau micro-scopique, le comportement désordonnédes particules peut être supposé aléa-toire. Comme on s'intéresse au com-portement d'un système qui comporteun très très grand nombre de compo-santes microscopiques, le problème estde même nature : on observe le résultatau niveau macroscopique d'uneexpérience aléatoire au niveau micro-scopique. C'est le principe de laPhysique Statistique. Là encore, lesprincipaux résultats montrent uncomportement macroscopique déter-ministe malgré l'aléa microscopique.

Aléa microscopique, aléa macro-scopique : la percolation critique.

Le second résultat probabilisteenseigné en Licence est le théorème dela limite centrale qui décrit (dans le casd'un grand nombre de tirages à pile ouface décrit précédemment) la loi de la(très petite) déviation entre le résultateffectif et le résultat déterministe prévu.Si l'on chausse des lunettes trèssensibles, on voit malgré tout que le

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La percolation à la température critique

résultat est aléatoire, et on peut décrire saloi. Ce résultat est à la base denombreuses applications en statistiques(par exemple les sondages d'opinion).Nous allons considérer un autre modèle

pour lequel on obtient des résultatsaléatoires au niveau macroscopique.Nous allons encore effectuer un trèsgrand nombre de tirages à pile ou face, etnous intéresser à d'autres phénomènesobservables que la proportion de tiragespile. Découpons un grand losange sur unréseau en forme de nid d'abeille. Pourchaque cellule microscopique en formed'hexagone, on tire à pile ou face sacouleur (qui est noire si on tire pile, cequi se produit donc avec une chance surdeux, et blanche si on tire face). Ainsi, onobtient un coloriage aléatoire du losange.On recherche alors un chemin blanc (ouun chemin noir) sans coupure qui va d'unbord au bord opposé du losange.

Il existe un jeu sur plateau appelé Hexoù deux joueurs déposent tour à tour unpion de leur couleur sur un tel losange detaille 10x10. Le gagnant est celui quiarrive à placer un chemin joignant lescôtés opposés du losange avant que sonadversaire ait réussi à le bloquer enplaçant un chemin joignant les deuxautres côtés opposés. On peut montrerqu'il n'existe pas de partie nulle à ce jeu :lorsque le losange est entièrementrempli, l'un, et uniquement l'un des deuxtypes de chemin, est présent.

Dans le cas où le coloriage est aléa-toire, il est clair, par symétrie, que lesdeux événements : il existe un cheminblanc de bas en haut et il existe unchemin noir de gauche à droite ont

autant de chances l'un que l'autre d'êtreréalisés. Ceci est vrai indépendammentde la taille du losange. Ainsi, pour cemodèle, certains évènements restentaléatoires au niveau macroscopique. Lamanière dont les aléas microscopiquesse combinent pour décider s’il existe uncroisement blanc de gauche à droite estde nature différente de l'exempleprécédent. On peut penser que le faitd'avoir tiré plus de piles que de facesaide à construire un croisement. C'estbien le cas, mais dans la limite où lamaille du réseau est très petite, les deuxévénements il existe un croisement noirde gauche à droite et on a tiré plusd'hexagones noirs que d'hexagonesblancs deviennent asymptotiquementindépendants (ce résultat dû àBenjamini, Kalai et Schramm n'est pasdu tout simple). On peut aussi montrer -c'est un résultat des mathématiciensRusso, Seymour et Welsh vers la fin desannées 1970 - que si l'on remplace leslosanges par d'autres formes, lesprobabilités de croisement ne tendent nivers un ni vers zéro lorsque la maille duréseau considéré devient infiniment

Jeu de Hex ayant appartenu à Claude Berge,le grand théoricien des graphes.

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La percolation à la température critique

petite ; l'évènement reste aléatoire. Uneautre approche consiste à étudier la formedes îles noires (on dit mathématiquementdes composantes connexes noires). Voici ci-contre, une partie d’une(grande) île. Le précédent résultatsuggère l'existence d'une loi limite pourla forme de ces grandes îles. Elles ont unbord extérieur, que l'on peut diviser endeux parties : la plage extérieure(tournée vers l'océan) et les fjords(desquels on ne peut s'échapper direc-tement sans repasser près de la plageextérieure).

Présentons quelques résultats préditspar les physiciens théoriciens, et prouvésrécemment par les mathématiciens :- La probabilité pour qu'il existe uncroisement de gauche à droite d'unrectangle donné tend vers une limitelorsque le réseau devient très petit. - On peut donner un sens rigoureux aufait que les grandes composantesconnexes ont une forme aléatoire limite.- Une grande composante connexe dediamètre N contiendra (en moyenne)environ N91/48 points. Son bord extérieurcontiendra (en moyenne) environ N7/4

points, et la plage extérieure contiendra(en moyenne) environ N4/3 points.- Il peut y avoir en même temps del'ordre de N3/4 points blancs tels que si unseul d'entre eux changeait de couleur, iln'y aurait plus de croisement d'unlosange donné de taille N alors qu'il y enavait un avant. Ces résultats sont en faitliés à la notion de dimension fractale. Ilsne sont pas démontrés par une méthodeénumérative consistant à donner des

formules exactes pour les modèles surréseau. Il faut utiliser plusieurs idées etconcepts mathématiques sophistiqués, etc'est ce qui fait leur intérêt mathé-matique.

Quelques outils utilisés.Ce modèle de percolation est l'arché-type du modèle critique en physique. Onpeut le généraliser en décidant de tirer àpile ou face avec une pièce biaisée qui aune probabilité p de tomber sur pile et 1- p de tomber sur face. Si p>50%, lesprobabilités de croisement tendent versun (à grande échelle, on a un seul grandcontinent), et si p<50%, elles tendentvers 0 (on a alors à grande échelle unseul grand océan et de petites îles). Ainsi,lorsque l'on fait varier le paramètre p, ona un changement qualitatif abrupt, unetransition de phase lorsque p passe par50%. Comprendre un modèle critiquepermet aussi de comprendre soncomportement lorsque le paramètre estproche du point critique. Par exemple, enutilisant les résultats obtenus pour lapercolation critique, on peut montrerque, lorsque p est supérieur (mais très

Partie d’amas de percolation critique

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La percolation à la température critique

proche) de 50%, alors la densité ducontinent infini (c'est-à-dire la propor-tion de sites qui sont dans le continentinfini) est de l'ordre de (p-0,5)5/36.

Une clé pour comprendre la perco-lation critique consiste à montrer que cemodèle est asymptotiquement in-variant conforme. Ceci peut êtreformulé de la manière suivante.Considérons la percolation critique dansun carré (pour un réseau hexagonal demaille très fine). On observe alors descomposantes connexes blanches etnoires. Puis, regardons l'image obtenueen envoyant le carré dans le disque parune application conforme, c'est à direune déformation qui conserve les anglesdroits. On observe alors une image decomposantes connexes distordues.L'invariance conforme dit que cetteimage a cependant la même loi que celleque l'on aurait obtenue en considérantdirectement une percolation (de mailletrès très fine) dans le disque. Cettepropriété, conjecturée par les physiciensthéoriciens, a été démontrée en 2001 parle mathématicien russe StanislavSmirnov.

Une seconde clé consiste à com-prendre comment exploiter cettepropriété. Vers 1999, le mathématicienisraélien Oded Schramm à décrit lecomportement (lorsque la maille duréseau est très très fine) des frontièresextérieures de percolation parl'intermédiaire d'itérations d'appli-cations conformes aléatoires. Cecipermet d'identifier les seules limites

invariantes conformes possibles pour lesformes des amas de percolation critique.Il faut alors comprendre les propriétésdes itérations d'applications conformes,et les relier au modèle de percolationdiscrète, ce que nous avons fait encollaboration avec Greg Lawler et OdedSchramm, et avec Stanislas Smirnov.

Une troisième idée, développée avecGreg Lawler et Oded Schramm,consiste à montrer que les formesaléatoires ainsi définies ne sont paspropres au modèle de percolationcritique. Par exemple, le dessin ci-dessus représente l'ensemble des pointsvisités par une marche aléatoire dans leplan. Plus précisément, on imaginequ'un promeneur choisisse au hasardparmi toutes les balades possibles qu'ilpeut faire (en un très long temps donné)en partant et en retournant à sa maison.

Ainsi, il fera beaucoup de va-et-vientet passera de nombreuses fois parcertains points (et n'ira pas très loin).Mathématiquement, on dit que cettetrajectoire est un lacet brownien.

Trajectoire d'un lacet brownien

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La percolation à la température critique

Un résultat récent de 2005 montre quela forme aléatoire de la plage ainsidéfinie a exactement la même loi quecelle définie par les très grands amas depercolation critique. Ceci est àrapprocher de la conjecture de BenoîtMandelbrot (démontrée avec Lawler etSchramm en 2001) qui dit que ladimension fractale de cette plage est 4/3(ce qui correspond au nombre N4/3 depoints sur la plage des amas depercolation).

En conclusion

La percolation que nous venons dedécrire n'est qu'un modèle parmi d'autrespour lequel les idées mathématiquestournant autour de l'invariance conformeet de l'itération d'applications conformesaléatoires s'appliquent.

Cependant, il reste de nombreusesquestions fondamentales ouvertes pourdes modèles naturels. Par exemple, onne sait pas montrer l'invarianceconforme de la percolation critique surd'autres réseaux plans.

Mentionnons l'importance des contri-butions des physiciens théoriciens (parexemple via le développement de lathéorie conforme des champs dans lesannées 1980) comme Cardy, Nienhuis,Duplantier ou Saleur (ces deux dernierssont au Commissariat à l'EnergieAtomique sur le plateau de Saclay).

Pour en savoir (un peu) plus :WendelinWerner : liens vers des articles et

interviews à partir de la page web http://www.math.u-psud.fr/~werner/vulga.html

WendelinWerner : La Recherche Mai 2007 :Les frontières aléatoires

entre physique et mathématiques

J'ai effectué mes études secondaires et supé-rieures en France. A l'issue de ma scolarité àl'Ecole Normale Supérieure en 1991, j'ai étéchargé de recherches au CNRS, et, depuis 1997,je suis professeur à l'université Paris-Sud(Orsay). Pour mes travaux sur les phénomènesaléatoires plans, dont beaucoup ont été effectuésen collaboration avec Greg Lawler et OdedSchramm, j'ai obtenu la médaille Fields en été2006.

Wendelin Werner

Côté Pile Côté Face

Médaille Fields

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Des lunettes pour un télescope spatial sans aller dans l'espace ?

Erwann Le PENNEC et Dominique PICARD

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Le télescope spatial Hubble a été lancéen avril 1990, il devait fournir des ima-ges d'une qualité inaccessible pour destélescopes terrestres. Les premièresimages reçues par les astronomess'avérèrent extrêmement floues du faitd'un défaut physique sur le miroirprincipal du télescope. Pour corriger ceproblème, il suffit d'ajouter quelquesoptiques supplémentaires, de véritableslunettes... Mais le satellite est en orbite etune telle opération de maintenance esttrès complexe. Elle ne put être effectuéequ'en décembre 1993, car il fallaittrouver une solution à ce problème sansaller dans l'espace. Les mathématiciens interviennent...

Ce sont les mathématiciens qui ontfourni des outils permettant de créer deslunettes virtuelles corrigeant en grandepartie les défauts de l'optique de Hubble.Ils y reconnaissent un exemple d'uneclasse de problèmes classiques en ma-thématiques, la classe des problèmes in-verses. Il s'agit de retrouver une imagede l'espace qui a été dégradée par unopérateur (l'optique du télescope estdéfectueuse) et l'addition d'une pertur-bation, (on parle de bruit : les capteurs nesont pas parfaits), à partir de l'obser-vation dégradée et bruitée. En statis-tique, on dit qu'on cherche à estimerl'image initiale. Il n'existe bien sûr pas deméthode universelle pour résoudre cesproblèmes. Un principe simple, héritierde la pensée d'Occam, un moinefranciscain du XIVe siècle, résumecependant le principe de la plupart des

méthodes modernes. Le principe durasoir d'Occam stipule que parmi toutesles explications plausibles, il faut choisirla plus simple. Que signifie ce principegénéral ici ?

Une explication est une image que l'onsuppose être l'image initiale. Cetteexplication est plausible si, quand on luifait subir la dégradation due à l'optiquedégradée du télescope et l'addition d'unbruit, elle ressemble à l'image observée.La simplicité de l'explication correspondalors à la simplicité de l'image...

Mais qu'est-ce qu'une image simple ?Il n'y a malheureusement pas de

définition universelle de la simplicitéd'une image et encore moins dedéfinition universelle mathématique.Les mathématiciens s'accordent cepen-dant sur la notion de concision : uneimage simple est une image qui se décritavec peu de paramètres. Encore faut-ilsavoir décrire mathématiquement uneimage... La décomposition dans unebase orthonormée fournit souvent unoutil efficace pour cela. Comme uneposition sur le globe terrestre est donnéepar sa latitude et sa longitude, une imagepeut être spécifiée par ses coordonnées

Une image idéale à gauche et l'image floue et bruitéeobservée par Hubble, à droite

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Des lunettes pour un télescope spatial

dans une base. La simplicité d'uneimage se traduit alors par la simplicitéde ses coordonnées, par exemple le faitque beaucoup d'entre elles soient nulles.Cette simplicité dépend alors de la baseutilisée et le choix d'une base adaptéeaux images est donc crucial. Une imagenumérique est une mosaïque (unematrice) de pixels. La couleur de chacunde ces pixels est spécifiée par une valeurde rouge, une valeur de vert et unevaleur de bleu. Si toutes les coordonnéessont nulles le pixel est noir. Une imagepeut ainsi être décrite par la liste de ces

valeurs et cela correspond à ladécomposition dans une base ditecanonique. Malheureusement, lesimages simples dans cette base necorrespondent pas aux images naturellessimples. Il existe cependant des basesdans lesquelles les images simplescorrespondent bien aux imagesnaturelles simples : les bases multi-échelles d'ondelettes qui décrivent lesimages comme des superpositionsd'imagettes élémentaires simples etidentiques mais dont on fait varier lestailles et les positions.Vers un bon compromis ...

Pour estimer une image à partir de sonobservation dégradée et bruitée, il fautdonc faire un compromis entre lasimplicité de l'image et l'adéquationentre cette image et l'observation. Ilexiste de nombreuses manières dedéfinir mathématiquement ce compro-mis et de rechercher une image réalisantle meilleur compromis. Les statisticiensparlent de méthode de seuillage, desélection de modèles, de modélisationbayésienne et de bien d'autres choses...Pour comparer ces estimateurs, on peut

Des explications de plus en plus complexes de haut enbas et à droite leurs versions floutées et bruitées.L'image du milieu est le meilleur compromis entresimplicité (l'image de gauche n'est pas trop complexe)et une bonne explication (l'image de droite ressemble àl'image perçue)

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Des lunettes pour un télescope spatial

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regarder leurs performances sur desdonnées réelles (traitement du signal) ouleurs propriétés mathématiques (statis-tique). Ce problème est en fait délicat etles deux types de comparaison sontnécessaires. En effet, il est indispensablequ'une méthode soit satisfaisante enpratique, néanmoins il n'est pas possiblede la tester sur 'toutes' les images et lefait qu'elle donne de bons résultats surquelques cas ne préjuge pas de sa qualitésur les autres. Une étude mathématiqueest donc nécessaire. Cependant on retrouve là le problème de

la description mathématique d'uneimage qui n'est pas définitivementrésolue. Les modèles que nous pos-sédons actuellement sont encore partiels.Heureusement, la plupart du temps cesont les mêmes estimateurs qui sont lesmeilleurs selon les deux critères. La théorie et la pratique se rejoignent..

Les mathématiques ont constitué pour moi uneaventure rencontrée par hasard (au lycée) et qui apris petit à petit une grande place dans ma vie. L'étude mathématique des phénomènes probabi-listes m'a montré, que si on ne maîtrisait pas lehasard, on pouvait toutefois apprendre à le com-prendre et parfois à le déjouer.

Dominique Picard

Des explications de plus en plus complexes de haut en bas età droite leurs versions floutées et bruitées. L'image du milieuest le meilleur compromis entre simplicité (l'image degauche n'est pas trop complexe) et une bonne explication(l'image de droite ressemble à l'image perçue par Hubble)

Le télescope spatial Hubble - crédit NASA

Pour en savoir (un peu) plus :Le rasoir d'Occam : http://en.wikipedia.org/wiki/Occam

E. Le Pennec La compression d'images dans "Images desmathématiques, http://www.math.cnrs.fr/imagesdesmaths/

Nos pages web qui contiennent des références plusspécialisées : www.math.jussieu.fr/~lepennec www.proba.jussieu.fr/pageperso/picard/picard.html

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Itération de polynômesdans le plan complexe

Jean-Christophe YOCCOZ

Les nombres complexes ont étéinitialement découverts comme racinesmanquantes d'équations polynomiales :c'est ainsi que le nombre imaginaire i estla racine carrée du nombre - 1. Au XIXe

siècle, Cauchy, Riemann et Weierstrassdéveloppent le calcul différentiel deLeibnitz et Newton dans le champcomplexe et en exposent la richesse trèsspécifique. Au début du XXe siècle,Pierre Fatou et Gaston Julia étudientl'itération de polynômes et fractions ra-tionnelles dans le plan complexe, s'ap-puyant sur les idées développées quel-ques années plus tôt par Henri Poincaré.Après quelques décennies de stagnationrelative, leur théorie prend un essornouveau au début des années 1980, enraison notamment des possibilités desimulation numérique et productiond'images offertes par les ordinateurs.

Les nombres complexes s'identifientaux points du plan, appelé dans ce casplan complexe. Chaque nombrecomplexe a un module, sa distance àl'origine, et un argument, l'angle queforme le rayon qui le relie à l'origineavec le rayon horizontal positif. L'ad-dition des nombres complexes est celledes vecteurs. Pour multiplier deuxnombres complexes, on multiplie leursmodules et on ajoute leurs arguments.

Etant donné un polynôme P àcoefficients complexes, on définit unesuite à partir de sa valeur initiale z0 parla relation de récurrence zn + 1 = P (zn).On veut comprendre le comportementde cette suite pour tous les choix

possibles de z0. Le cas le plus simpleest celui d'un point fixe vérifiantz0 = P (z0) = z1 ou plus généralementd'un point périodique vérifiantz0 = zn pour un entier n > 1.

Le cas où P est de degré 1 étantélémentaire, on supposera que le degréde P est au moins égal à 2. On appellealors ensemble de Julia remplil'ensemble K des valeurs initiales z0pour lesquelles la suite zn ne s'échappepas à l'infini. Lorsque la valeur initialese trouve à l'intérieur de K, le compor-tement de la suite zn est simple : soitelle converge vers une orbite pério-dique, soit elle tourne autour d'uneorbite périodique suivant un mou-vement de rotation (déformée) d'angleincommensurable avec 2 . Lorsque lavaleur initiale z0 se trouve au contrairesur le bord de K (ce bord constituel' ensemble de Julia proprement dit), lecomportement de la suite zn est typi-quement chaotique, s'apparentant à unesuite de tirages au sort d'un dé ou d'unepièce de monnaie.

L'existence de domaines où ladynamique s'apparente à une rotation(de tels domaines sont appelés disquesde Siegel) n'était pas connue de Fatouet Julia. Elle dépend de problèmes ditsde petits dénominateurs, bien connusdes astronomes depuis le XVIIIe siècle,mais seulement résolus à partir de 1942par C.L. Siegel puis un peu plus tardpar A. Kolmogorov, V. Arnold et J.Moser (la "théorie KAM"). A la suitedes travaux de A. Brjuno et moi-même,

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Itération de polynômes

on connaît exactement quels anglesdonnent lieu à des disques de Siegelpour les polynômes quadratiques.

L'ensemble de Julia est en général unobjet fractal : par exemple, pour lepolynôme P (z) = z2 + c avec c petit maisnon nul, l'ensemble de Julia est une courbeentourant l'origine dont la dimension frac-tale est strictement comprise entre 1 et 2.

L'ensemble de Julia n'a pas d'intérieur ;a-t-il pour autant une aire nulle ? Laquestion, évoquée par Julia, a pris del'importance avec les travaux de D.Sullivan dans les années 1980. Pour-suivant une stratégie proposée par A.Douady au début des années 1990, X.Buff et A. Chéritat viennent de montrerque la réponse est négative, en cons-truisant des polynômes quadratiquespour lesquels l'aire de l'ensemble deJulia est strictement positive. Par unesuite de perturbations très soigneuse-ment contrôlées, ils font disparaîtrel'intérieur d'un disque de Siegel sansaffecter sensiblement son aire.

Pour en savoir (un peu) plus :A.F. BEARDON, Iteration of Rational Functions, Springer(1991).

L. CARLESON, T.W. GAMELIN, Complex Dynamics,Springer (1993).

J. MILNOR, Dynamics in one complex variable :introductory lectures, Arxiv preprint math.DS/9201272(1990).

J-C. YOCCOZ, Ensembles de Julia de mesure positive etdisques de Siegel des polynômes quadratiques [d'après X.Buff et A. Chéritat], Séminaire Bourbaki n° 966, 2005-2006, p. 385-401.

C'est Michel Herman qui m'a initié à la rechercheà partir de 1977 alors que j'étais élève à l'EcoleNormale Supérieure. Un long séjour à l'IMPA deRio de Janeiro a été le prélude à des relationsprivilégiées avec le Brésil depuis plus de 25 ans.Après avoir été chargé de recherches au CNRS auCentre de Mathématiques de l'Ecole Poly-technique, j'ai été professeur à l'Université Paris-Sud (Orsay) avant d'occuper au Collège deFrance depuis 1996 la chaire d'EquationsDifférentielles et Systèmes Dynamiques. Je suismembre des Académies des Sciences française etbrésilienne, ainsi que de la TWAS (académie dessciences des pays en développement). J'ai reçu laMédaille Fields en 1994 pour mes travaux sur lathéorie des Systèmes Dynamiques.

Jean-Christophe YOCCOZ

Aprèsla première étape de

la construction deDuff et Chéritat :

Un ensemble de Julia rempli avec disque de Siegel ;l’angle de rotation est égale au nombre d’or.

Crédit photo : Arnaud Chéritat

l’ensemble de Julia rempli, proche du précédent, a un intérieur

beaucoup plus mince. Crédit photo : Arnaud Chéritat

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La dynamique qualitativetienne GHYS

Depuis Newton, on sait que les forcesmodifient le mouvement. Si la terreétait seule dans l’espace, elle sedéplacerait à vitesse constante le longd’une trajectoire rectiligne. Mais laforce de gravitation exercée par leSoleil modifie cette trajectoire et laTerre tourne autour du Soleil. Il estsouvent facile de comprendre les forcesqui agissent, mais il est par contrebeaucoup plus difficile d’en déduire lestrajectoires du mouvement qui enrésulte. C’est le but de la théorie deséquations différentielles.

Pendant deux siècles, il s’agissait derésoudre les équations différentielles,c’est-à-dire de trouver une formuledécrivant la trajectoire cherchée. Versla fin du dix-neuvième siècle, HenriPoincaré prit conscience du fait qu’ilest bien souvent impossible de trouverune telle formule. Il décida alors decréer une théorie qualitative, à la foisplus modeste et plus ambitieuse.Lorsqu’un élève essaye de tracer legraphe d’une fonction (sans utiliser sacalculette !), il commence par déter-miner ses points remarquables, sesmaxima, ses points d’inflexion, sesasymptotes, et ensuite, à main levée, ilen déduit l’allure générale de la courbe,ce qui est une information très riche,souvent suffisante pour les applications.Dans la théorie qualitative des systèmesdynamiques, on détermine de mêmequelques trajectoires remarquables, lespositions d’équilibre, les asymptotes, eton essaye ensuite d’en déduire l’allure

générale des trajectoires. Pour déve-lopper sa théorie, Poincaré a besoin deconstruire de toutes pièces une autrethéorie, préliminaire à toute descriptionqualitative des formes en mathématiques :la topologie.

Un exemple important vient de lamécanique céleste. Si trois masses dansl’espace s’attirent selon les lois deNewton, quelles sont les trajectoires ? Existe-t-il des configurations pourlesquelles le mouvement est périodique ? C’est sur cet exemple que Poincaré meten évidence le concept de mouvementchaotique. Depuis un siècle, les théoriesdes systèmes dynamiques et de latopologie se sont largement développéeset un tissu serré de liens a été établi avectoutes les autres parties des mathéma-tiques. Par exemple, en 1964, le météo-rologiste E. Lorenz étudiait le problèmeextrêmement complexe de la convectiondans l’atmosphère. Il n’hésita pas à sim-plifier l’équation de manière presquecaricaturale, passant d’une équationdifférentielle en dimension infinie à uneéquation en dimension 3. Lorsqu’il traçales trajectoires de son système avec unordinateur, il observa un objet remarquable,qu’on appelle aujourd’hui l’attracteur deLorenz. Appliquée à la météorologie,l’idée de trajectoire chaotique devient lefameux effet papillon : un battement desailes d’un papillon au Brésil pourraitprovoquer un ouragan au Texas ! Lesconséquences scientifiques et philo-sophiques de ce genre d’idées sontimportantes, pas seulement en mathé-

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matiques. L’attracteur de Lorenz estdevenu un objet emblématique de lathéorie, d’abord parce qu’il est joli, maisaussi parce qu’il résiste aux pertur-bations. Dans les années 1980, Birmanet Williams ont analysé la naturetopologique des trajectoires périodiques :ce sont des courbes fermées dansl’espace qui peuvent donc être nouées.Quels sont les nœuds que l’on rencontredans l’attracteur ? Il s’agit en quelquesorte de mesurer la complexité topo-logique de l’objet. Des liens inattendusentre les systèmes dynamiques et lathéorie des nombres se sont avérésextrêmement féconds.

Un nombre irrationnel comme parexemple a un développement décimalinfini 3,141592653589... On cherche àl’approcher par des fractions comme22/7 ou 355/113. On peut toujours lefaire, avec n’importe quelle précision,mais le mathématicien aimerait estimer lataille des numérateurs et des dénomi-nateurs en fonction de la précision. C’estle problème de l’approximation dio-phantienne qui peut se traduire dans ladynamique de ce qu’on appelle lesgéodésiques sur la surface modulaire.C’est aussi un système dynamique dansl’espace, dont les trajectoires périodi-ques ont été étudiées depuis longtemps :elles correspondent aux entiers quadra-tiques comme le nombre d’or !

L’étude topologique de ces entiersquadratiques et des nœuds qu’ils défi-nissent dans l’espace vient d’être réa-lisée. La surprise est que les nœudsmodulaires ainsi obtenus sont lesmêmes que les trajectoires périodiques

La dynamique qualitative

Pour en savoir (un peu) plus :A. Chenciner, article dans l’Encyclopédie Universalis.

Systèmes dynamiques différentiables,

E . Ghys et J. Leys, Lorenz and modular flow, a visual introduction,http://www.ams.org/featurecolumn/archive/lorenz.html

J. Gleick, chez FlammarionLa théorie du chaos : vers une nouvelle science,

I. Stewart, chez FlammarionDieu joue-t-il aux dés ? Les mathématiques du chaos,

Théorie du chaos :http://fr.wikipedia.org/wiki/Theorie_du_chaos

Après une thèse à Lille en 1979, j’ai eu la chancede faire deux stages post-doctoraux passionnantsà l’IMPA de Rio de Janeiro et à l’université deNew York. Je travaille sur les systèmesdynamiques et la géométrie, en essayant demettre l’accent aussi souvent que possible sur lesinteractions entre les diverses parties desmathématiques. « Provincial convaincu », j’aiparticipé depuis 1988 à la création et audéveloppement du laboratoire de mathématiquesde l’ENS de Lyon. J’ai l’honneur de travailler auCNRS et d’être membre de l’Académie desSciences.

Étienne GHYS

Attracteur de Lorenz - EG

dans l’attracteur de Lorenz. Un lien estdonc établi entre deux objets d’originesbien différentes :

un plaisir pour le mathématicien !

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Transport OptimalCédric VILLANI

Vous tenez le standard d'une entreprisede taxis et ce matin vous devez donnerdes instructions à dix voitures, épar-pillées dans Paris, pour récupérer dixclients dans dix endroits différents.Comment allez-vous apparier voitures etclients de manière à minimiser le tempsd'attente total ?Comment transporter à moindre frais ?

Le problème posé ci-dessus est un casparticulier du problème de transportoptimal, défini pour la première foisvers 1780 parGaspard Monge.Ingénieur et mathé-maticien, père de lagéométrie descrip-tive, ardent révolu-tionnaire, fondateurde l'École Polytech-nique et proche deNapoléon, Mongeétait l'un des savantsfrançais les plus influents de son époque.Son problème des déblais et des remblaisest du même type que le problème destaxis : comment transporter des maté-riaux de construction afin de minimiserle coût de transport total ?

En 1942, le grand mathématicien russeLeonid Kantorovich (Prix Nobel d'écono-mie) définissait une classe plus généralede problèmes d'optimisation et introdui-sait de puissants outils pour leur étudethéorique et numérique. La théorie dutransport optimal était née.

Du transport des déblais à la notionde courbure.

À partir de la fin des années 1980, deschercheurs d'horizons très divers cons-tataient avec surprise que la théorie dutransport optimal permettait d’établirdes liens entre leurs domaines respectifs :équations des fluides incompressibles,systèmes dynamiques, météorologie,cosmologie, etc. C'est ainsi que vers2000, une équipe mixte composée dephysiciens et mathématiciens publiaitune méthode de reconstitution desfluctuations de l'Univers primitif baséesur le transport optimal. Une directionde recherche, très active en ce moment,concerne les applications du transportoptimal à la géométrie, et plus parti-culièrement à l'étude de la courbure, quimesure quantitativement la vitesse deséparation des géodésiques, ou trajec-toires des rayons lumineux.

Les géomètres utilisent différentesnotions de courbure ; celle qui est le plusdirectement liée au transport optimal estla courbure dite de Ricci, bien connuepour son rôle majeur dans la théorie dela relativité générale d' Einstein. Danscette théorie, les corps célestes déformentl'Univers en lui imposant une courbure non

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Transport optimal

En mélangeant des notions d'ingénierie,de mécanique des fluides et de physiquestatistique, on a ainsi obtenu de nouveauxoutils géométriques !

nulle, ce qui dévie les rayons lumineux etmodifie les observations : par exemple, sila courbure est positive, on a tendance àsurestimer la surface de l'objet observé.Voici maintenant un autre effet de lacourbure, que l'on peut exprimer entermes de mécanique des fluides plutôtque de rayons lumineux. Je l'appellel’expérience du gaz paresseux, c'est uneexpérience de pensée, représentationinformelle d'un énoncé mathématiqueprécis (que je ne chercherai pas à infligerà des non-spécialistes !) basé sur letransport optimal.

L'expérience consiste à se donner unerépartition de gaz dans l'espace, avecdes fluctuations de densité d'une régionà l'autre. On impose au gaz une nouvelleconfiguration, à atteindre en un tempslimité, disons une minute. Le gazobtempère, mais comme il est pares-seux, il le fait en évoluant de manière àminimiser l'effort total (mesuré à chaqueinstant par l'énergie cinétique). Entre letemps initial et le temps final, on étudieles valeurs de l'entropie, qui mesure enun certain sens bien précis l' étalementdu gaz (l'entropie est d'autant plusgrande que la densité est faible). Si l'onvit dans un espace à courbure positive,alors la courbe d'entropie est concave ;en particulier elle est située au-dessus dela droite joignant les valeurs initiale etfinale. La propriété de concavité est enfait caractéristique des espaces à cour-bure positive ; ce qui ouvre de nouveauxhorizons pour étudier (voire pour redé-finir) les espaces à courbure positive.

Pour en savoir (un peu) plus :C. Villani, Transport optimal : coup de neuf pour un trèsvieux problème; Images des Mathématiques 2004,publication du CNRS :www.spm.cnrs-dir.fr/actions/publications/idm04.htm

Ma page Web contient des références plus spécialisées :www.umpa.ens-lyon.fr/~cvillani

Après ma sortie des classes préparatoires, j'ai faittoute ma carrière dans le merveilleux système desÉcoles Normales Supérieures; d'abord à Paris entant qu'élève et agrégé-préparateur; puis à l'ENSde Lyon en tant que professeur. J'ai découvert letransport optimal grâce aux travaux du JaponaisHiroshi Tanaka qui eut l'idée de l'appliquer àl'étude de l'équation de Boltzmann ---le sujet dema thèse. Des contacts avec les meilleursspécialistes européens du sujet m'ont permisd'approfondir le sujet. Deux séjours de longuedurée aux États-Unis ont joué un rôle crucial dansmes recherches ultérieures : le premier à Atlantaen 1999 où j'ai été invité à dispenser un coursavancé ; le second à Berkeley en 2004 où j'airencontré un proche collaborateur. Ce parcoursillustre des phénomènes généraux : les voyages àl'étranger, la préparation de cours spécialisés etles collaborations sont des moteurs efficaces (etattrayants) de la recherche mathématique.

Cédric VILLANI

Test de reconstruction de l’Univers primitif

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Les grandes matrices aléatoiresAlice GUIONNET

Même si le concept d'aléa est palpabledans la vie de tous les jours et sert de ba-se à des activités lucratives depuis fortlongtemps, la théorie des probabilités nes'est réellement développée qu'au coursdu vingtième siècle.

Dans les années vingt, Kolmogorovmit au centre de cette théorie la notion devariable aléatoire. Une variable aléatoireest une fonction qui prend ses valeursavec une probabilité donnée.

Par exemple, dans un jeu de pile ouface où une pièce est lancée, nouspouvons considérer une fonction quireprésente l'événement la pièce tombecôté pile. La variable aléatoire vaut undans ce cas et zéro sinon. Cette fonctionprend donc les valeurs zéro et un,chacune avec probabilité un demi... si lapièce n'est pas truquée ! Une autrevariable pourrait compter le nombre defois où pile est apparu pendant n tirages,indépendants les uns des autres(l'indépendance ici signifie que lerésultat d'un tirage n'influence pas lesautres). On voit ici que les probabilitéspeuvent être reliées à des problèmescombinatoires. Mais elles sont loin de serestreindre à ce cadre et elles appa-raissent aujourd'hui dans de nombreuxdomaines des mathématiques.

Je m'intéresse au cas où les variablesaléatoires prennent des valeurs dans lesmatrices et non comme plus haut dansun espace à deux états zéro et un.

Une matrice aléatoire est donc untableau avec M colonnes de longueur Ndont les éléments sont des variablesaléatoires.

J'étudie particulièrement le cas où M et Nsont grands. Ces objets mathématiquesapparaissent, comme nous allons le voir,dans des domaines très différents,ouvrant la porte à des connections àexplorer.

Les matrices aléatoires sont apparuespour la première fois à la fin des annéesvingt en statistique dans les travaux deWishart. La matrice représente alors untableau de données à analyser. Pourcomprendre si ce tableau révèle une cor-rélation importante des données, Wishartpropose de le comparer à ce qui seraitobservé si les éléments de la matriceétaient choisis de façon aléatoire etindépendante. Les matrices de Wishartservent aujourd’hui à calculer la capacitéde réseaux de téléphones portables !Dans les années cinquante, Wignerproposa d'utiliser les matrices aléatoiresen mécanique quantique afin d'inter-préter les observations de la dynamiquede noyaux soumis à une forte excitation(par exemple le noyau d'hydrogène). Ladynamique d'un système quantique estdécrite par un opérateur, le Hamiltonien.Wigner modélise ce Hamiltonien par unematrice, choisie la plus aléatoirementpossible dans la limite des contraintesconnues du modèle. L'expérienceconfirme ce modèle.

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Les grandes matrices aléatoires

Les matrices aléatoires ont égalementété liées numériquement, sans expli-cation théorique, aux dynamiqueschaotiques et à la fonction Zeta deRiemann.

Dans un tout autre contexte, Tutteétudia dans les années soixante laquestion combinatoire suivante : decombien de façons peut-on paver unballon avec 100 triangles ? Que sepasse-t-il si on veut paver une bouée ?

En 1978, Brézin, Itzykson, Parisi etZuber montrèrent, en spécialisant uneidée de Gérard 't Hooft, que cette ques-tion était reliée à des matrices aléatoires.Les matrices aléatoires permettent derésoudre des problèmes d'énumérationde pavages ou de graphes qui n'ont pasencore trouvé de solution combinatoire.

Dans les années quatre-vingts,Voiculescu introduisit les probabilitéslibres ; c’est une théorie de probabilitépour des variables aléatoires prenant leursvaleurs dans un espace encore plusgénéral que celui des matrices. Lesmatrices aléatoires, dans la limite oùleur taille tend vers l'infini, se placentnaturellement dans ce cadre. Voiculescumontra que des matrices aléatoiresindépendantes, quand leur taille tendvers l'infini, convergent vers desvariables dites libres. Le concept de li-berté est fondamental en théories desgroupes et d'algèbres d'opérateurs. Dèslors, les matrices aléatoires devinrentune source d'exemples et d'inspirationdans la théorie des algèbres d'opé-rateurs.

Un domaine merveilleux où se cô-toient et se nourissent physique,algèbres d'opérateurs, combinatoire etprobabilités !

Pour en savoir (un peu) plus :

M.L. Mehta; Random Matrices (Elseiver)

P. Di Francesco, P. Ginsparg, J. Zinn Justin; Article de revue2D gravity and random matrices, Phys. Rev. 254 (1995)

Site personnel http://www.umpa.ens-lyon.fr/aguionne/(deuxarticles de revue)

Issue des classes préparatoires, je suis rentrée àl'Ecole Normale Supérieure où je me suis prise aujeu de la recherche. Je travaille au CNRS depuis masortie de l'Ecole, d'abord chargée de recherche (àl'université d'Orsay, à l'Ecole Normale supérieure deParis puis de Lyon) et, depuis 2005, directrice de re-cherche. Les probabilités se sont imposées à moi comme unedes branches des mathématiques la plus proche desapplications, aussi bien en physique, statistique ou fi-nance. Mais l'aventure de la recherche est bien de nousmener où elle veut, d'idées en questions, etaujourd'hui mes intérêts sont bien loin de mespremières préoccupations.

Alice GUIONNET

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La cryptologie moderne et Jacques Stern Médaille d’or du CNRSLaurent Demonet

La cryptologie, science de paradoxesL'art de crypter des messages est

pratiquement aussi ancien que l'artmilitaire. Malgré cela, ce n'est que trèsrécemment que la cryptologie est néeen tant que discipline scientifique à partentière, rigoureuse, par opposition à lacryptographie empirique traditionnelle. La cryptologie rassemble essentiel-lement deux branches :- la cryptographie qui consiste àinventer de nouvelles méthodes decryptage, souvent appelées protocolescryptographiques ; - la cryptanalyse qui consiste à casserdes protocoles cryptographiques, c'est-à-dire à trouver le moyen de décrypterdes données sans posséder le code quia permis de les crypter.

Ces deux branches sont intimementliées dans la cryptologie moderne,puisque trouver un protocole crypto-graphique efficace revient à diminuer

au maximum la possibilité pour unadversaire de le casser. Au-delà de cetteobservation, il est extrêmement difficilede formaliser scientifiquement cettenotion : comment garantir qu'un pro-tocole résistera aux attaques descryptanalystes sans connaître a priori lesméthodes qu'ils utiliseront ? On saitaujourd'hui que cette question n'a pas deréponse absolue.

La question de la sécurité desprotocoles cryptographiques est plus quejamais fondamentale, pour deux raisons :leur usage s'est banalisé, passant d'unusage militaire à un usage civil intensif(en particulier dans le cadre des tran-sactions financières) d'une part, et lesmoyens potentiels de cryptanalyse ontexplosé (naissance puis progrès del'informatique). Par conséquent, lanécessité de prouver la sécurité deprotocoles cryptographiques est devenuevitale, et c'est dans ce cadre qu'intervien-nent les mathématiques les pluspoussées et, en un sens, les plusabstraites, utilisées dans les applicationsles plus concrètes. C'est dans ce domaineque Stern a obtenu de remarquablesavancées.

Comment prouver un protocolecryptographique ?

Tout d'abord, il n'est pas possibled'inventer une méthode cryptogra-phique absolument sûre, dans la mesureoù il restera toujours une probabilité,éventuellement extrêmement faible, deréussir à décrypter un message quel que

Jacques Stern a reçu en 2006 laMédaille d'or du CNRS pour ses travauxfondateurs en cryptologie moderne. Cettedistinction, la plus haute pour destravaux de recherche en France, estdécernée chaque année depuis 1954 àun chercheur ayant contribué aurayonnement de la recherche françaisedans le monde. A 57 ans, Jacques Sternest directeur du Département d'infor-matique de l'ENS, chercheur d'excep-tion aux nombreux disciples dans l'écolefrançaise de cryptologie.

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La cryptologie moderne

soit le protocole utilisé. Le but est doncde limiter le plus possible cetteprobabilité relativement aux autrescontraintes (en particulier aux contrain-tes de puissance : il faut par exempleque le cryptage du numéro d'une cartebancaire lors d'un achat sur Internetpuisse être effectué par un ordinateurpersonnel en un temps extrêmementcourt, alors que l'on peut imaginers'autoriser plus de temps et plus depuissance pour des applicationsmilitaires). Par ailleurs, il faut considé-rer qu'aucun des canaux de transmissionn'est sûr (si c'était le cas, on n'aurait pasbesoin de crypter) ; l'hypothèse que l'onfait donc habituellement en cryptologieest que le secret du cryptage est unedonnée relativement petite, appelée clé.Dans le cadre de la preuve d'unprotocole, on considère toujours le pire,c'est-à-dire le cas où le cryptanalystepossède toute l'information possible surle protocole, sauf la clé. Le reste de ladémarche consiste à démontrer quecasser le protocole cryptographiquerevient à résoudre un problème qui esttrès difficile.

Cryptographie asymétrique : un progrès fondamental

La cryptographie habituelle est ditesymétrique. C'est-à-dire que les deuxpersonnes qui veulent communiquerpartagent un secret (la clé) qui permet àla fois de crypter et de décrypter lesmessages. Par exemple, la méthode quiconsiste à permuter les lettres del'alphabet est un protocole symétrique :l'envoyeur et le destinataire du message

doivent tous deux savoir la manière dontsont permutées les lettres, manière quiconstitue la clé.

La cryptographie asymétrique, parfoisappelée aussi cryptographie à clépublique fait intervenir deux clés, uneclé privée et une clé publique, qui sontliées ; la sécurité du protocole sera alorsd'autant plus grande que la difficulté dedéterminer la clé privée à partir de la clépublique est grande. La clé publique estalors publiée, et n'importe qui peutenvoyer des messages cryptés au seulindividu qui connaît la clé privée(puisqu'il ne l'a donnée à personne). Onpeut même utiliser ce principe pourcrypter et signer des messages en mêmetemps (signer un message consiste àprouver l'identité de l'envoyeur). Ainsisupposons qu'Alice veuille envoyer unmessage à Bob. Elle commence parcrypter ce message avec la clé publiquede Bob, puis elle crypte le messagecrypté avec sa clé privée. Ensuite, Bobcommence par décrypter le messageavec la clé publique d'Alice puis avec sapropre clé privée. Comme il faut la cléprivée de Bob pour décrypter le

Jacques Stern

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La cryptologie moderne

message, Alice est sûre que seul Bobpourra le lire. Par ailleurs, quand Bobaura décrypté le message et découvertquelque chose d'intelligible, il saura quec'est bien Alice qui l'a écrit puisquepersonne d'autre ne connaît la clé privéed'Alice.

Les avantages de la cryptographieasymétrique sont multiples : en parti-culier, elle permet de ne jamais avoir àtransmettre la clé secrète, ce qui lui évited'être interceptée par un individumalveillant ; par ailleurs, cela permet àchaque individu (ou à l'ordinateur dechaque individu) de n'avoir à retenirqu'une seule clé (sa clé privée), les cléspubliques étant disponibles dans unesorte d'annuaire. Le défaut est alors qu'ilfaut qu'il existe un organisme jouant lerôle de cet annuaire ayant la confiancede tous (puisqu'il serait facile à cetorganisme de remplacer par la sienne laclé publique de Bob). Ces organismessont ceux qui produisent les certificatsque les navigateurs Internet demandentd'accepter, en particulier lors detransactions.

Un exemple de protocole asymétriqueest le protocole RSA(utilisé par exemplelors d'achats par cartes bancaires). La cléprivée est un couple de deux grandsnombres premiers et la clé publique estle produit de ces deux nombres. Onconsidère actuellement que le fait deretrouver les deux facteurs du produit estun problème extrêmement difficile (onne sait actuellement pas factoriser lesentiers de plus de quelques centaines dechiffres).

Depuis toujours, Jacques Stern, pro-

fondément marqué par les travaux deGödel et Turing, est attiré par lessciences au tempo rapide, où lesrecherches trouvent rapidement desprolongements concrets. L'entrée de lacryptologie dans le domaine académique,l'invention du concept à clé publiqueallaient ouvrir à ses recherches la voied'une reconversion logique et en or !

Il lui fallut alors apprendre àprogrammer, travailler en théorie desnombres, transiter par la complexitéalgorithmique et potasser l'histoire decette nouvelle science. Ses efforts paient !A 37 ans, ses travaux en lien avec lacryptologie lui valent sa premièreinvitation à un colloque international.Dix ans plus tard, il est à la tête duLaboratoire d'informatique, communENS-CNRS tout en ne négligeant pasl'enseignement car pour lui il s'agit d'uneactivité où l'on voit les générations seformer, et qui force un chercheur àclarifier ses idées.

Le remarquable ouvrage qu'il publiaen 1998 chez Odile Jacob La science dusecret est à la fois le prolongement de cetenseignement, la nécessité d'ancrer ses

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La cryptologie moderne

Biographie de Jacques Stern

1949 : naissance de Jacques Stern1968 : entrée à l'École Normale Supérieure1971 : 1er à l'agrégation de mathématiques1975 : doctorat de mathématiques1979 : obtention du grade de professeurd'université (Caen)1993 : professeur à l'ÉNS1996 : directeur du laboratoire d'informa-tique de l'ÉNS1998 : rapport sur la cryptologie remis augouvernement qui aboutira l'annéesuivante à la nouvelle réglementation surla cryptographie1999 : devient directeur du départementd'informatique de l'ÉNS

chevalier de la Légion d'honneur2003 : prix Lazare Carnot de l'Académiedes sciences2005 : Médaille d'argent du CNRS 2006 : Médaille d'or du CNRS

Pour en savoir (un peu) plus :

Les livres suivants sont accessibles au grand public :

- Jacques Stern, La science du secret, Editions OdileJacob, 1998

- Jacques Stern, Chapitre 6 de Paradigmes et enjeux del'informatique (avec P. Nguyen), Editions Lavoisier, 2005(ouvrage sous la direction de N. Bidoit, L. Fariñas delCerro, S. Fdida, B. Vallée)

travaux dans une dynamique historiqueet la volonté de nouer des relations entresciences et société.

Il est membre du Conseil Scientifiquede la Défense, du Conseil Stratégiquede l’Information et il travaille àl’Observatoire de la Sécurité des Cartesde Paiement.

Jacques Stern est bien placé poursavoir que Internet reste la zone de tousles dangers mais il reste persuadé que lacryptologie va sûrement évoluer vers denouveaux concepts qui prendront encompte les mauvaises habitudes del’utilisateur naïf qui, par exemple, nemet pas à jour régulièrement son sys-tème d’exploitation.

Alors ce n'est plus un secret pourpersonne, Jacques Stern, premierinformaticien au palmarès de laMédaille d'or du CNRS, avec sesnombreux étudiants, reste un expert desplus redoutés des inventeurs de code !

L'algorithme asymétrique de cryptographie à clé publique,RSA, très utilisé dans le commerce électronique et en parti-culier pour la circulation des données sur Internet, a été décrit en1977 par trois jeunes américains Ron Rivest, Adi Shamir etLen Adleman.

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Statistique des écartsde la vie quotidienne à la conjecture de Riemann

Michel Bauer et Philippe Di Francesco, CEA

ressembler à celui décrit dans la figure 1,dont l'interprétation, surprenante aupremier abord, est que de nombreux bus sesuivent de près, mais que ceci estcompensé par de rares écarts trèsimportants ; phénomène effectivementobservé dans de grandes villes.

Les cageots de fruits De nos jours, les fruits de l'étal du

marchand sont calibrés, mais malgrécela, deux pommes du même cageotn'ont pas exactement le même poids.Muni d'une balance de précision, on peuttrier les pommes du cageot par poidscroissant, P0 est le poids de la pluslégère, P1 le poids suivant, etc, jusqu'aupoids de la pomme la plus lourde, Pn sile cageot contient n + 1 pommes. Pourun cageot réel, n serait typiquement del'ordre de la cinquantaine. L'écart depoids moyen est simplement la diffé-rence entre le poids de la plus légère etde la plus lourde (Pn-P0) divisé par n. Onpeut faire le même type d'histogrammeque pour les temps d'attente entre deuxbus : pour combien de valeurs de i ladifférence Pi+1 - Pi est-elle de moinsd'1/5 de l'écart moyen , ou comprise

Fig. 1 - Statistique des tempsde passage des bus.

De nombreux phénomènes fontintervenir des séries de nombres rangéspar ordre croissant et dont la répartitiondes écarts est souvent révélatrice.

Nous allons en donner quelquesexemples. Les horaires d'autobus

Même si les horaires de l'autobus quis'arrête près de chez nous sontprogrammés au long d'une journée àintervalles réguliers, par exemple toutesles 15 minutes, les heures de passageréelles peuvent être différentes. Nousavons tous un jour attendu bien plusd'une demi-heure. Il arrive aussi quedeux autobus se suivent à moins d'uneminute. Il est possible de quantifier cesfluctuations en faisant un histogrammequi compte combien de fois l'écart entredeux bus successifs a été, par exemple,de moins de 5 minutes, de 5 à 10 minu-tes, de 10 à 15 minutes, etc. Si Ti estl'heure de passage du i+1ème (à T0 passe lepremier bus, le suivant à T1, etc), oncompte pour combien de valeurs de i,Ti+1-Ti est plus petit que 5 minutes,compris entre 5 et 10 minutes, 10 et 15minutes, etc.

En l'absence de tout aléa sur leparcours, on s'attend à ce que presquetous les écarts soient proches de 15minutes, donc que seules les tranchesentre 10 et 20 minutes soient repré-sentées. En revanche, si de nombreuxpetits incidents viennent perturberchaque trajet mais qu'ils sont assez brefspour n'avoir une influence notable quesur un des bus, le résultat peut

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Statistique des écarts

entre 1/5 et 2/5 de , etc ? Et onobserve un résultat analogue : à nouveau,de nombreuses pommes ont des poidsqui ne diffèrent que d'une faible fractionde l'écart moyen, et ceci est compensépar quelques écarts bien plus grands quela moyenne. Dans le cas présent, ondispose d'un modèle probabiliste trèssimple pour expliquer le résultat. Cemodèle prédit que si le nombre depommes est très grand, dans une échelleappropriée, l'histogramme s'approched'une exponentielle, comme sur lafigure 2. La statistique des écarts des busne suit que qualitativement cette loilimite car le nombre d'échantillons estfaible.Les vibrations en construction automobileL'exemple suivant est inspiré de l'au-tomobile. Il n'y a pas si longtemps, iln'était pas rare que, pour certains régi-mes moteur, la carrosserie d'un véhiculevibre tout à fait perceptiblement. Lephénomène est analogue à celui d'unepersonne qui pousse un enfant sur unebalançoire. Si elle choisit la bonnefréquence, il suffit de donner despichenettes pour que l'amplitudeaugmente fortement. Les vibrations d'unvéhicule sont une nuisance et l'utili-sation d'ordinateurs pour la conception apermis de supprimer quasiment lephénomène. On peut voir la carrosseriecomme un ensemble de pièces p0 , ... , pnliées plus ou moins fortement les unesaux autres et on peut quantifier ceci dansune tableau de nombres mij, 0 < i, j < nd'autant plus grands que la liaison entreles pièces numérotées i et j est forte. Untel tableau de nombres s'appelle une

matrice, et il existe des algorithmesmathématiques pour déduire de cetableau de nombres les fréquencesd'excitation qui feront vibrer fortementla carrosserie, il y en a en général n+1,que l'on peut ordonner de f0 (la pluspetite) à fn, la plus grande. On peut alorss'intéresser à la statistique des écarts,comme pour les pommes et les bus.Nous ne connaissons pas l'allure del' histogramme des écarts de fréquencepour la carrosserie d'une voiture, maisles mêmes objets mathématiques décri-vent des systèmes physiques plus"fondamentaux", avec des résultatsremarquables.Généralisons à tout système physiqueSi l'on ne craint pas d'être caricatural, onpeut dire que le principe fondamental dela mécanique quantique est que toutsystème physique est décrit par untableau de nombres (une matrice appeléehamiltonien), même si l'interprétationdes nombres mij dans ce cas est délicate,et assez différente de celle de l'exempled'une carrosserie. Il reste néanmoinsvrai que la première chose à comprendreest l'ensemble des fréquences devibrations correspondantes, que l'on

Fig. 2 Statistique des différences de poids

des pommes vs la loi limite.

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Statistique des écarts

appelle dans ce cas les niveaux d'énergie,et qui forment le spectre du systèmeconsidéré. Les raies d'émission (ou raiesspectrales) des atomes sont par exempleliées à des écarts entre niveaux d'énergie.Dans certains systèmes, mais rares, onpeut calculer exactement les niveauxd'énergie. L'atome d'hydrogène est unexemple très important. Mais le spectredes noyaux même les plus simples,échappe à une approche analytique. Enfait le hamiltonien des noyaux lui mêmeest encore très mal compris aujourd'hui surle plan fondamental. Les mesures expé-rimentales du spectre donnent desrésultats qui semblent chaotiques. C'est cequi a amené au début des années 1950 lephysicien Eugène Wigner à poser laquestion suivante : peut-on comprendrecertains aspects du spectre en remplaçantles coefficients mij mal connus par desnombres aléatoires ? Il n'y a pas d'espoirque les niveaux d'énergie individuelssoient reproduits par un système aléa-toire, mais la statistique des écarts deniveaux par exemple est un meilleurcandidat car c'est une quantité moyennesur le spectre. De plus, expérimen-talement, les écarts entre les niveauxd'énergie ont une statistique simple etgrosso modo indépendante du noyauconsidéré. Cette statistique est biendifférente de celles des écarts entre lestemps de passage des autobus ou entreles poids des pommes comme le montrela figure 3. Wigner et les matrices aléatoiresEn particulier, les petits écarts sont peunombreux : on dit que les niveauxd'énergie se repoussent. Le calcul deWigner est un des grands succès de la

physique théorique, car ses prédictionssont très proches des résultats expéri-mentaux. Son approche originale, qui adonné naissance à la vaste théorie desmatrices aléatoires, ne cesse de trouverdes applications dans tous les domainesde la science ou presque. (voir l'articled'Alice Guionnet sur les Grandes Matrices Aléa-toires qui évoque le vaste champ d'application despermutations aléatoires). Riemann et nombres premiersUn exemple plus surprenant encore estdonné par la théorie des nombres. Nousavons appris au collège que tout nombreentier s'écrit sans ambiguité comme unproduit de nombres premiers (premiercar divisible que par 1 et lui même). Lasuite des nombres premiers (qui est infinie,on le sait depuis Euclide) commence ainsi :2, 3, 5, 7, 11, 13, ... . Leur répartition resteaujourd'hui encore mystérieuse. Il estpossible de coder tous les nombres pre-miers implicitement dans une fonctionappelée fonction Zeta. Cette fonction quilie une somme portant sur tous les en-tiers et un produit où interviennent lesnombres premiers permet de définir unedroite spéciale D, dite droite critique, surlaquelle s’alignent tous les zéros de lafonction. C’est sur cette fonction que

Fig. 3 - Statistique des écarts de niveaudes noyaux vs la loi de Wigner.

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Statistique des écarts

Riemann formula une fameuse conjec-ture abstraite (voir article de Benoît Rittaud).

Le théorème dit des nombres premiers,un résultat difficile, peut se formulerintuitivement comme suit : si n est unentier très grand, les nombres premiersproches de n représentent une fraction1/ln n de la totalité des entiers proches den. Par exemple, la densité de nombrespremiers autour de 1010 est en grosdouble de la densité des nombrespremiers autour de 1020. Le théorème desnombres premiers est un résultatasymptotique : plus n est grand et plus ladensité des nombres premiers proches den tend vers 1/ ln n. On aimerait connaîtrel'erreur typique, et la conjecture deRiemann est équivalente au fait que cetteerreur est d'ordre de l’inverse de racinecarrée de n. On pourrait penser que cetteformulation concrète se prête mieux àdémonstration que la conjecture sur lafonction Zeta, mais pour l'heure c'estl'approche abstraite qui est jugée commela plus prometteuse.

Et les statistiques d'écarts ?On pourrait essayer d'appliquer les

idées précédentes sur la statistique desécarts aux nombres premiers, mais le faitqu'il soient justement entiers est unobstacle. En revanche, la famille des zéroscritiques situés sur le droite critique D,forme un ensemble de points isolés etordonnés. A l'aide d'ordinateurs on peuten calculer numériquement des millionset le résultat est que la statistique desécarts semble être exactement celle desécarts d'énergie des noyaux ou desmatrices aléatoires correspondantes ! Au prix de nombreuses simplificationsque les experts pourront juger outran-

cières, nous avons illustré deux statis-tiques d'écarts dans les lignes précé-dentes. La théorie des matrices aléatoiresa permis d'en mettre en évidence un petitnombre d'autres qui semblent universel-les. Comprendre leur ubiquité, et plusambitieusement encore démontrer qu'enun sens elles sont les seules statistiquesd'écarts possibles est un défi scientifiqued'actualité. Ces questions sont vraimentà la frontière de la physique, des mathé-matiques voir de la biologie.

Une anecdote pour conclure.En certains endroits d'Amérique latine, la

statistique des écarts entre passages res-semble plus au cas des niveaux d'énergiedes noyaux qu'à celui des poids des pom-mes d'un cageot, en particulier les bus nese suivent jamais de près ; une explicationest que dans ces endroits les bus sont lapropriété des chauffeurs, qui sont doncrémunérés en proportion directe dunombre de passagers qu'ils transportent etn'ont aucun intérêt à passer juste aprèsleur prédécesseur, induisant ainsi unphénomène de répulsion tout commepour les niveaux d'énergie des noyaux.

visualisation artistiquede la fonction Zeta de Riemann

Jean François Colonna

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Le théorème des quatre couleursBenjamin Werner - INRIA

Le théorème des quatre couleurs doitsans doute sa renommée à la simplicitéet au caractère concret de son énoncé :il peut être expliqué facilement à unnon-mathématicien.

Etant donnée une carte, il est toujourspossible de la colorier en assignant unecouleur à chaque pays, sans que deuxpays ayant une frontière communen'aient la même couleur et ce avecquatre couleurs seulement !

Remarquons que "frontière commune" ne veut pasjuste dire "se toucher en un point". Si ce n'était pasle cas, toute tarte coupée en plus de quatre partsconstituerait un contre-exemple au théorème desquatre couleurs.

C'est un 1852 que remonte la pre-mière observation du phénomène.Francis Guthrie, cartographe britan-nique se rend compte qu'il arrive àcolorier toutes les cartes qui lui sontprésentées en quatre couleurs ; parexemple la carte des comtés britan-niques. Ce qu'il n'arrive pas àdéterminer, c'est si cette propriété estvraie pour toutes les cartes possibles etimaginables, ou si, au contraire, on seracapable de construire un jour une cartesuffisamment compliquée pour quequatre couleurs ne suffisent pas.

S'assurer d'une propriété pour unefamille infinie d'objets, comme lafamille de toutes les cartes, est unequestion pour les mathématiciens. Parchance, Guthrie étudie alors lesmathématiques et suit le cours du grand

logicien Augustus de Morgan. Il posealors la question : quatre couleurssuffisent - elles ?

De Morgan ne trouve pas la réponse,mais prend rapidement conscience del'intérêt de la question et la transmet àd'autres éminents mathématiciens. Larenommée du problème va alorsgrandissante. La simplicité du problè-me contraste avec la difficulté pour yrépondre. Cela a suffi, et suffit encore,à attiser la curiosité d'innombrablesamateurs, qui ont tenté, et tentent enco-re, de proposer des preuves élémentaires.

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Le théorème des quatre couleurs

En 1879, Alfred Kempe propose unepreuve qui convainc tout le monde, ouplutôt qui convainc tout le mondependant un certain temps car, en 1890,Percy Heawood découvre une erreurdans l'argument de Kempke : ce derniern'a en fait démontré que le théorème descinq couleurs!

Pendant près d'un siècle, rares sontalors les mathématiciens qui n'ont paspassé au moins un peu de temps àessayer de résoudre ce mythique casse-tête. De fait la première preuve correcteest présentée en 1976. Mais parado-xalement, elle ne fait que renforcer lehalo de mystère qui entoure le théorèmedes quatre couleurs. En effet, elle faitappel à des calculs si compliqués queceux-ci ne peuvent être faits qu'à l'aided'ordinateurs.Il faut se rendre compte qu'en 1976 lesordinateurs sont encore incompa-rablement moins répandus qu'aujourd'hui.Ils coûtent également très chers ; lapreuve construite par Kenneth Appel etWolfgang Haken nécessite 1 200 heuresde calculs des ordinateurs les pluspuissants de l'époque. C'était uninvestissement important de la part deleur université.

Pourquoi le calcul ?Pourquoi de si importants calculs ? En

fait, la preuve reprend les idées déve-loppées par Kempe en 1879, mais à uneplus grande échelle. D'abord, il fautconsidérer plus de cas : Appel et Hakenidentifient 1 476 petites cartes particu-lières appelées configurations. Ils vé-rifient que pour toute carte quinécessiterait potentiellement plus de

quatre couleurs, apparaît une de cespetites cartes. Il est bien sûr difficile devérifier cela à la main, mais reste encorepossible si suffisamment de personness'y mettent. C'est ensuite que les chosesse corsent vraiment ; pour chacune deces 1476 configurations, il faut vérifierqu'il est possible d'étendre un coloriagedu reste de la carte à un coloriage de laconfiguration. Or cela est en généralseulement possible après un certainnombre de réarrangements du coloriagedu reste de la carte. C'est alors qu'il fautconsidérer les manières dont peuvents'agencer les coloriages possibles sur lafrontière de la configuration, c'est-à-direpour une seule configuration jusqu'à 50millions de cas !

En 1995, on a proposé une variante dela preuve de Appel et Haken où l'on nedistingue que 633 configurations. Lescalculs restent, bien sûr, hors de portée sil'on ne dispose pas d'ordinateurs. Il fautd'ailleurs remarquer que c'est parce queles mathématiciens de 1995 disposaientde machines plus performantes qu'en1976 qu'ils ont pu trouver une preuve(un peu) simplifiée : on ne prête qu'auxriches !

Extrait des 633 configurations

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Le théorème des quatre couleurs

Un cas particulier ?Aujourd'hui, les calculs nécessaires

pour établir le théorème des quatrecouleurs peuvent être achevés en unedizaine de minutes par un ordinateurpersonnel moderne. Il n'empêche que lethéorème des quatre couleurs restefascinant. D'une certaine façon, c'est lepremier exemple d'une vérité mathé-matique qui ne nous est accessible qu'àtravers l'utilisation d'une machine :l'ordinateur devient alors l'instrument dumathématicien.

Cette situation est-elle appelée à sereproduire ? On connaît maintenantd'autres théorèmes dont la preuve faitappel au calcul informatique. L'un desplus important est appelé la conjecturede Kepler. Là encore, l'énoncé est simpleet explicable sans utiliser le jargonmathématique : Lorsque je veux ranger des boules demême taille (par exemple des oranges oudes boules de pétanque), y a-t-il unemeilleure manière de faire que celle quel'on voit sur les étals des marchés?Même si l'on était, en général, convaincuqu'il n'y avait pas de meilleure manièred'agencer les boules, on n'arrivait pas àdémontrer le résultat. Or si l'énoncé avaitété conjecturé dès 1612 par JohannesKepler, il a fallu attendre 1998 pour queThomas Hales, de l'université de Pitts-burgh présente une preuve. Or cettepreuve, fait appel à la fois à des conceptsmathématiques plus évolués que ceuxsous-jacents à la preuve du théorème desquatre couleurs, mais aussi à des calculsinformatiques encore plus complexes.

Dans tous ces nouveaux résultats, le

rapport à la vérité mathématique afondamentalement changé. En effet, lemathématicien ne peut plus comprendrepourquoi un résultat comme le théorèmedes quatre couleurs est vrai. Il ne peutqu'utiliser un maximum de rigueur lorsde l'écriture du programme et éven-tuellement reproduire l'expérience enfaisant tourner des variantes du pro-gramme sur d'autres ordinateurs.

De fait, Hales a eu un certain mal pourconvaincre la communauté mathéma-tique de la correction de sa preuve. Enparticulier, il est difficile de s'assurerqu'un programme complexe est entiè-rement libre de bug ; le mieux étantfinalement de laisser ce travail à l'ordi-nateur et à un autre programme !

Pour en savoir (un peu) plus :

http://www.inria.fr/actualites/2005/theoreme4couleurs.fr.html

http://www.lix.polytechnique.fr/Labo/Benjamin.Werner/publications.html

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Les énigmes d’ArchimèdeMichel CRITON

Archimède (- 287 ; - 212) est un desplus grands savants de l'Antiquité.Mathématicien et physicien, il a laisséune oeuvre importante qui ne nous estque partiellement connue. A cetteépoque lointaine, on ne distinguait pasles mathématiques proprement dites desjeux mathématiques : les mathématiquesétaient un jeu intellectuel et les jeuxmathématiques un prétexte pour faireavancer la connaissance.

Ainsi, Archimède a proposé unproblème antique, celui des bœufs deThrynacie ou boeufs du Soleil àEratosthène de Cyène, chef de file del'Ecole d'Alexandrie. Les mathéma-ticiens d'Alexandrie ne parvinrent pas àrésoudre ce problème difficile dont larésolution conduit à un système de septéquations à huit inconnues et dont lesplus petites solutions sont de l'ordre dumillion.

Archimèdes'est aussi in-téressé à unpuzzle :le stomachion,au point delui consacrerun de ses ou-vrages dontvoici la fabu-

leuse et rocambolesque aventure. Le Stomachion est donc le livre

qu’Archimède a consacré à l'étude de cepuzzle. On n'en connaissait que desfragments ; il fut longtemps considérécomme une oeuvre mineure, jusqu’à la

découverte du palimpseste d'Archimèdeet à son déchiffrage qui en permetaujourd’hui une meilleure connaissance.

Pendant des siècles, on n'a connu duStomachion que les citations qu'en fontles auteurs romains Marius Victorinus,Atilius Fortunatianus et Ausonius (IVe

siècle de notre ère). Ce n'est qu'à la fin du XIXe siècle

qu'on trouva des fragments du texted'Archimède. Le premier fragment futdécouvert dans un texte arabe parl'orientaliste H. Suter, qui en publia unetraduction allemande en 1899. Et commence alors l’ aventure...

Le paléographe Papadopoulos Kerameusdécouvre, dans le monastère du Saint-Sépulcre de Jérusalem, un parcheminqui a été effacé pour être réutilisé commelivre de prières par des moines autour duXIIIe siècle. Sur ce document, appelépalimpseste, les textes et les figuresmathématiques, mal effacés, trans-paraissent cependant sous les textes desprières et sont partiellement iden-tifiables. Le parchemin contient troislivres d'Archimède : Des corps flottants,déjà connu, Stomachion et De laméthode, dont les textes n'étaient pasconnus. Heiberg publiera une édition deces fragments en 1913. Entre temps, lepalimpseste avait disparu, acheté par descollectionneurs. Il ne réapparaîtra qu'en1998 lors d'une vente chez Christie's oùun acheteur américain anonymel'acquerra pour 2 millions de dollarsavant de le remettre à des expertsscientifiques pour l'étudier et compléter

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Les énigmes d’Archimède

son déchiffrage qui est encore en cours,compliqué en raison de l'ajout de faussesimages religieuses par des faussaires quipensaient augmenter ainsi la valeur dumanuscrit. Les pages du manuscritoriginal ont été pliées par le milieu etcousues pour obtenir un livre de formatmoitié du format original, ce quiexplique que les textes réécrits par-dessus les textes originaux soientperpendiculaires à ces derniers. Sur la photo, on distingue les deux textes

et des figuresgéométriques.Le palimp-seste, qui aété confié auWalters ArtMuseum, est

toujours à l'étude et son déchiffragedevrait durerjusqu'en 2008.L' université deStanford a pré-té son synchro-tron, un accé-lérateur departicules qui permet de faire ressortir

les textes effa-cés en faisantbriller le fercontenu dansles résidusd'encre.

Les pièces du loculus d'ArchimèdeLe stomachion, appelé aussi Loculus

(petite boîte) d'Archimède est un puzzleconstitué d'un carré découpé en quatorzepièces. Il semble que le jeu ait existéavant Archimède, mais que celui-ci l'aitmodifié afin que toutes les aires desmorceaux soient entre elles dans unrapport commensurable (autrement ditrationnel).

Certains historiens considèrent mêmeaujourd'hui qu'il ne s'agit pas d'uneoeuvre mineure du mathématicien maisd'un premier traité de combinatoire, lepuzzle n'étant qu'un prétexte à dénom-brements.

Ce n'est qu'en 2003 qu'un spécialisteaméricain des puzzles, Bill Cutler,trouva toutes les solutions de l 'assem-blage des pièces du puzzle d'Archimèdeen carré, à l'aide d'un programmeinformatique. Les solutions sont aunombre de 536, sans compter lesrotations et les symétries.

Pour en savoir (un peu) plus :

http://www.maa.org/editorial/mathgames/mathgames_11_17_03.html

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Enigmes et jeux dans le monde arabedu IXe au XVIe siècle

Marie José Pestel

Ainsi les mathématiciens arabes, poètesà leur heure, versifiaient pour proposerdes énigmes mathématiques.

Dans ce monde de lettrés et de richesprinces, chacun avait à cœur de parti-ciper au débat scientifique et appréciaitde se lancer des défis et énigmes sousforme ludique et même poétique.Pour piquer la curiosité de ses lecteurs,Ibn al-Bannâ, mathématicien de Marra-kech du XIVe siècle titrait son ouvragesur le calcul : Le soulèvement du voilesur les formes des opérations du calculet presque 100 ans plus tard Qunfudh,son collègue de Constantine lui répon-dait en publiant un ouvrage intituléL'abaissement de la voilette sur lesformes des opérations du calcul.Cependant aussi jolis soient-ils on nesaurait réduire les mathématiques arabesdu IXe au XVIe siècle à quelques titresaccrocheurs.Utilisant avec éclat l'héritage géomé-trique grec et les apports des mathé-matiques indiennes, les mathématiciens

arabes furent particulièrement nova-teurs en algèbre et en trigonométrieavec le développement de l'astronomie.Leur contribution dans le renouveaudes mathématiques en Europe est ainsicapitale.

Bagdad (capitale de l'actuel Irak) serale fief de la connaissance dès le règnedu calife Al Mansour (seconde moitiédu VIIe siècle). Il y fut créé denombreuses écoles et bibliothèques. En832, le calife Al Mamoun y fonde lamaison de la Sagesse (Baït al Hikma).Les plus grands mathématiciens arabesont participé à cette diffusion ludiquede la culture. Citons : Al Khwarizmi,Thabit Ben Q'ra, Abu Kamil, AlBattani, Abu Al Wafa, Al Kashi, IbnAl Haytham (Al Hazen) et sans oublierle grand philosophe Ibn Abdallah ibnSina, dit Avicenne.Parfois ces mathématiciens ont reprisdes textes anciens venus de Chine oud'Inde en les actualisant. Par exemple,ce problème de volatiles : Un hommeva au marché avec 25 dirhams en

" Les trois septièmes du cœur pour son regardUn septième est offert pour le rose de ses deux joues

Un septième et la moitié d'un septième et le quartPour le refus d'un désir inassouvi

Un septième et un sixième d'un quart sont la part de seins bien arrondisQui se sont refusés au péché de mon étreinte et qui m'ont repoussé

Le reste, qui est cinq parts, est pour des paroles d'elleQui étancheraient ma soif si elles étaient entendues

Car me voilà, entre ses mains, une proie de l'amour et de la jeunesseLe cœur tout entier largement ouvert "

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Enigmes et Jeux dansle monde arabe

poche et il achète 25 volatiles : des oiesà 5 dirhams l'unité, des poulets à 4dirhams l'unité et des étourneaux à 1dirham la dizaine. Combien a-t-il achetéde volatiles de chaque espèce ?

Dans de nombreux cas, ces problèmesétaient des occasions de construire etrésoudre des systèmes d'équations dontle nombre des solutions pouvait varierde la dizaine au millier. On voit aussi apparaître des problèmesliés à la vie quotidienne comme letransport ou le négoce, d'autres textessemblent avoir été produits dans le cadredes activités multiformes de la citéislamique. On peut citer certainsproblèmes combinatoires comme celuiqui consiste à déterminer le nombremaximal de prières que le musulmandoit faire … sans en oublier

Les problèmes qui illustrent certainesméthodes de raisonnement sont aussifort intéressants. Quand un peu demagie se mêle aux mathématiquesl'attrait est encore plus grand. Tel est lecas des nombres pensés mais aussi de cedélicieux texte pour retrouver le doigtqui porte le bague … Glisse cette bague sur l'un de tes doigtssans que je le voie. Regarde ta main etcompte trois pour chaque doigt avant labague , deux pour chaque doigt après labague et quatre pour le doigt de labague. Si tu me dis ce que tu trouves enajoutant ces nombres, je te dirai surquel doigt tu as glissé la bague ….Abou I-Wafa', grand scientifique du Xe

siècle, dans son ouvrage intitulé Livresur ce qui est nécessaire à l'artisan en

constructions géométriques noussuggère non seulement de nous inter-roger sur les méthodes mais d’entrerdans le débat mathématiques pures oumathématiques appliquées. Son magni-fique découpage de trois carrés identi-ques pour refaire un seul carré privilégieles méthodes basées sur les propriétésgéométriques de base, comme la symé-trie, aux méthodes basées sur des calculs.

Les mathématiciens arabes aurontdonc joué un rôle essentiel dans latransmission de la science indienne,chinoise et grecque. Cette transmissionva se faire parfois sans grande mo-dification mais souvent avec des apportsfondamentaux tant sur la forme , en tenantcompte du contexte culturel, que sur lescontenus et les méthodes.

Leurs influences dans les grandscentres scientifiques de l'Europe mé-diévale est considérable.

Pour en savoir (un peu) plus :

Ahmed Djebbar - La Recherche mai juin 2000 - Les récréations dans les mathématiques du monde musulman

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Leonardo Pisano Fibonacci Abdelkader NECER

Léonard de Pise est le plus grandmathématicien de son temps et duMoyen-Age (E. Kantorowicz, 1988).Son œuvre est de celles qui honorentl'humanité et appartiennent au patri-moine scientifique de celle-ci (Paul VerEecke, 1952). Au regard de son génie etde sa production en mathématiques,nous connaissons très peu de choses surla vie de Léonard de Pise dit Fibonacci(qui serait la contraction de FiliormBonacci de la famille de Bonacci ou biende Filius Bonacci Fils de Bonacci).Nous savons qu'il est né à Pise vers 1170(probablement entre 1170 et 1180). Sonpère, qui exerce la fonction de scribeofficiel à la douane de Béjaïa en Algérie,en mission pour les commerçants dePise, le fit venir auprès de lui alorsqu'il était enfant.

Etant donné les fonctions de son père,nous pouvons supposer, sans risqued'erreur, que le jeune Léonard a appris àlire, écrire (en latin) et évidemment àcompter. C'est dans la ville de Béjaïa-une ville portuaire, à l'est d'Alger, trèsprospère alors- que Léonard de Pise,s'initie à l'utilisation de l'abaque. Ildécouvre les chiffres indo-arabes et leurutilisation quotidienne dans les calculsdes marchands pour les besoins ducommerce et du négoce. Comme il le ditlui-même dans l'introduction à son livreLiber Abaci (le livre de l'abaque ou ducalcul), son initiation au calcul, fut unenseignement admirable (mirabili ma-gisterio). Dans cette même introduction,nous apprenons qu'il perfectionne sa

formation grâce à ses voyages en Syrie,Egypte, Grèce, Sicile et en Provence. LeLiber Abaci fût publié en 1202 et rééditéen 1228. Dans la première partie de celivre, Fibonacci introduit les chiffresindo-arabes (0, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9),montre comment tout nombre peut êtreconstruit à partir de ces chiffres (et décritainsi le système de numération deposition) et, avec un très grand soucipédagogique, donne des exemples pourdécrire les opérations élémentaires surces nombres, y compris les fractions. Lesexemples donnés dans ce livre, sontsouvent puisés dans la vie de tous lesjours des marchands : De l'achat et de lavente de choses vénales et de questionssemblables (chapitre 8) ou encore Durecours aux monnaies, des règles qui lesconcernent, de leur usage (Chapitre 11).Rappelons que c'est dans ce même livreque figure l'un des problèmes les plusconnus de Fibonacci : Quelqu'un plaçaun couple de lapins dans un lieu clos demurs de tous côtés pour savoir combiende bêtes seraient engendrées par cecouple en une seule année. La nature deces animaux veut qu'un couple engendreun autre couple chaque mois. Les petitssont, à leur tour, capables de sereproduire le second mois qui suit leurnaissance. La résolution de ce problè-me célèbre fait intervenir la suite denombres, 1, 2, 3, 5, 8, 13, ... , suite que E. Lucas (1842-1891) propose d'appelersérie de Fibonacci et dont les rapportsde deux termes consécutifs approchentle non moins célèbre Nombre d'Or.

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Leonardo Pisano Fibonacci

La rencontre de Fibonacci avec dessavants de la cour de l'empereur Frédéric IIvers 1225, lui permit de montrer sestalents de mathématicien, notamment enrésolvant des problèmes difficiles.Certains lui ont été proposés par Jean dePalerme, philosophe à la cour, lors d'untournoi organisé par l'empereur. Deux deces problèmes figurent dans le livre Flos(Fleur de solutions de certaines ques-tions relatives au nombre et à lagéométrie) publié par Fibonacci luimême. A cette époque, Fibonacci est ausommet de ses capacités comme le mon-tre la publication de l'une de sesproductions majeures en arithmétique etthéorie des nombres, à savoir le livreintitulé Liber quadratum ou livre desnombres carrés. Dans cet excellentouvrage dédié à Frédéric II, Fibonaccirésout des équations, dites diophantiennes(les solutions sont des entiers ou desfractions) du premier, second outroisième degré. On constate queFibonacci sait, par exemple, que lasomme des premiers nombres entiersimpairs est un carré ou encore que leproduit de deux sommes de deux carrésest une somme de deux carrés. Ledernier livre rédigé par Léonard de Pise,concerne la géométrie. Il s'intitulePractica Geomtriae et constitue uneréelle avancée par rapport aux travauxdes géomètres latins qui l'ont précédé.

Signalons également que Fibonacciest considéré, par plusieurs historienscontemporains des sciences, comme uncontinuateur des mathématiques ditesarabes. Il s'est en effet beaucoup inspiré enles reprenant (en partie) des travaux des

mathématiciens tels que El-Khawarizmi(780-850) ou Abou Kamil (vers 850-930)en les prolongeant et les approfondissantde manière très originale. Décédé à Pisevers 1250, nous savons, d'après un docu-ment qui date de 1240, que Léonard de Pisebénéficiait avant sa mort d'une pensionpour services rendus à la communauté. Lapremière pension d'état pour faire de larecherche !

Pour en savoir (un peu) plus

[1] D. Aissani et D. Valerian, Mathématiques, commerce etsociété à Béjaïa (Bugia) au moment du séjour de LéonardFibonacci (XIIe-XIIIe siècles), Bolletino di Storia delle ScienzeMatematiche- Vol. XXIII, fasc. 2, 2003[2] J. Gies et F. Gies, Leonardo of Pisa and the newmathematics of the middle ages, Thomas Y. Crowell Company,New York, 1969[3] J.P.-Levet, Léonard de Pise. Des chiffres Hindous auxRacines Cubiques, Cahiers d'Histoire des Mathématiques etd'Epistémologie, IREM de Poitiers, juin 1997[4] J.P.-Levet, Léonard de Pise. Divisions et proportions, Perleset Animaux, Cahiers d'Histoire des Mathématiques etd'Epistémologie, IREM de Poitiers, décembre 1997[5] E. Lucas Recherches sur plusieurs ouvrages de Léonard dePise et sur diverses questions d'arithmétique supérieure, extraitdu Bullettino di bibliografia di storia delle scienze matematichee fisiche, Tomo X. Rome, Marzo, Aprile et Maggio1877[6] R. Rashed, Fibonacci e la matematica araba, Estratto dal

volume frederico II e le scienze, Sellrio editore Palermo[7] R. Rashed, Fibonacci et le prolongement latin des

mathématiques arabes, Bolletino di Storia delle ScienzeMatematiche- Vol. XXIII, fasc. 2 (2003)

Séquencede

Fibonacci

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Bachet de MéziriacMichel CRITON

Claude Gaspar Bachet, sieur deMéziriac, a été le premier à publier enfrançais un livre exclusivement consacréaux récréations mathématiques. Il s'agitdes Problèmes plaisants et délectablesqui se font par les nombres. La premièreédition de ce livre remonte à 1612 et detrès nombreuses éditions ont suivijusqu'à nos jours. Bachet n'est passeulement un mathématicien. Il estd'abord un grammairien, spécialiste deslangues anciennes : latin, hébreu, grec. Ila aussi écrit des poésies etdes chansons.Sa qualité d'expert enlangues anciennes l'ame-na à traduire du grec aulatin les Arithmétiques deDiophante. Il ne secontentera d'ailleurs pasde les traduire, mais il yajoutera de nombreuxcommentaires. C'est dans la marge d'unexemplaire de cette traduction queFermat notera l'énoncé de son fameuxgrand théorème.

Le livre de Bachet contient une cin-quantaine de problèmes qui sont tous degrands classiques des récréationsmathématiques. Plusieurs de ces pro-blèmes consistent à deviner un ouplusieurs nombres pensés en demandantau joueur d'effectuer certaines opérationset en lui posant une ou des questions.Des variantes de ce type de problèmesont exposées à partir des cartes d'un jeude cartes qu'un joueur doit choisir men-talement. Bachet consacre plusieurs de

ses récréations aux carrés magiques. Ontrouve également des problèmes detransvasement, de traversées, de poids etde monnaie. Tous ces problèmes n'é-taient pas originaux lorsque Bachet les apubliés. Beaucoup d'entre eux trouventleur origine chez les mathématiciensarabes et certains, comme les carrésmagiques, sont encore plus anciens. Lanouveauté des Problèmes plaisants etdélectables qui se font par les nombresest que les récréations mathématiques yconstituent le coeur de l'ouvrage, alorsqu' habituellement elles étaient reléguéesen annexe de matières réputées plussérieuses. L'autre intérêt est que Bachetexplique de façon détaillée ses propresméthodes de résolution qui sont souventoriginales, contrairement aux énoncésdes problèmes eux-mêmes. Habituellement, des problèmes amusantsviennent illustrer de sérieux théorèmes.Chez Bachet, on part de problèmes ré-créatifs et on va chercher des mathé-matiques utiles pour les résoudre. L’exemple des carrés magiques

Une règle de construction des carrésmagiques d'ordre impair porte le nom deméthode de Bachet, celui-ci étant lepremier à l'avoir exposée. Cette métho-de, applicable à tous les carrés d'ordreimpair, est illustrée par la figure ci-après.

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Bachet de Méziriac

Le théorème de Bachet-BezoutLe théorème suivant : Deux entiers

relatifs a et b sont premiers entre eux siet seulement si il existe deux entiers u etv tels que au + bv = 1, est connu sous lenom de théorème de Bezout.

Dans une note des Problèmes plaisantset délectables qui se fontpar les nombres, Bachetexpose une méthode derésolution de l'équationindéterminée du premierdegré à deux inconnues.Cet exposé laisse appa-raître que Bachet con-naissait le théorèmeappelé plus tard théorème de Bezout.

Voici la méthode de Bachet appliquéesur un exemple. Trouver le premiermultiple de 211 qui surpasse de 10 unmultiple de 1007.En fait, il s'agit de trouver la plus petitesolution de l'équation 211x = 1007y + 10.

Bachet procède de la façon suivante.

Il divise 1007 par 211.

Le quotient est 4 et le reste 163.Il divise 211 par 163.

Le quotient est 1 et le reste 48.Il divise 163 par 48.

Le quotient est 3 et le reste 19.Il divise 48 par 19.

Le quotient est 2 et le reste 10.On a alors l'égalité 1 x 48 = 2 x 19 + 10.

Bachet recopie ensuite les quotients dans l'ordresur une ligne (en rouge).

Sur une deuxième ligne, à droite du dernierquotient, on écrit le nombre 1.Puis on calcule :1 x 2 + 0 = 2.

On écrit 2 à gauche du 1.2 x 3 + 1 = 7.

On écrit 7 à gauche du 2.7 x1 + 2 = 9.

On écrit 9 à gauche du 7.9 x 4 + 7 = 43.

On écrit 43 à gauche du 9.La solution du problème est43 x 211 = 9 x 1007 + 10.

Claude-Gaspar Bachet de Méziriacpeut être considéré comme le typemême de l'honnête homme et del'humaniste du XVIIe siècle. Ilpratiquait aussi bien la poésie que leslangues anciennes ou les mathé-matiques, mais c'est essentiellement par ses Problèmes Plaisants etDélectables et les méthodes derésolution qu'il y propose que nous leconnaissons aujourd'hui.

Claude Gaspar Bachet de Méziriac

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Leonhard EulerMarie José PESTEL

Leonhard Euler naissait, il y a troiscents ans, à Bâle en Suisse. Il allaitdevenir un des plus grands mathé-maticiens de tous les temps. Il faut dire que de nombreuses féesmathématiques s'étaient penchées surson berceau. Leonhard est le fils aînéd'un pasteur Paul Euler, lui même élèveet ami des Bernoulli, grande famille dephysiciens et de mathématiciens. C'estdonc son père qui l'initia aux mathé-matiques avant de l'envoyer à la facultéde Bâle où il fit de brillantes études. Sonchemin croisa encore la familleBernoulli puisqu'il reçut des coursparticuliers de Jean Bernoulli avant derejoindre à Saint Pétersbourg, dans lanouvelle Académie des Sciences fondéepar la Grande Catherine, Daniel etNicolas Bernoulli…

Euler fut probablement le premiermathématicien européen. Il a traversé lesiècle des lumières, rencontrant les plusgrands , Voltaire entre autres, à la cour deFrédéric II de Prusse puis auprès deCatherine de Russie. Il travailla nonseulement en mathématiques mais aussien physique, en astronomie, … Son œuvre en mathématique est im-mense et on ne compte plus les formules,constantes, théorèmes, résultats auxquelson a donné son nom. En mathématiquesil s'est passionné pour les domaines lesplus variés sans jamais négliger lacomposante ludique.

Evoquons tout d'abord, le problèmedes ponts de Koenigsberg et écoutonsEuler nous le proposer :

A Koenigsberg, en Poméranie, il y uneîle appelée Kneiphof ; le fleuve quil'entoure se divise en deux bras surlesquels sont jetés les sept ponts a, b, c,d, e, f, g. Cela étant posé, peut-on arran-ger son parcours de telle sorte que l'onpasse sur chaque pont, et que l'on nepuisse y passer qu'un seule fois ?Dans la suite du mémoire, où Eulerprésente et généralise le problème, ilexpose des méthodes pour chercher lasolution. Le monde mathématique s'ac-corde à voir dans ce mémoire tous lesingrédients de la future théorie desgraphes. En fait ce mémoire ne traite quede l'impossibilité de trouver le fameuxchemin et c'est dans une note, annexe dece mémoire, que l'on trouve la théorie dela possibilité.

Avec des méthodes de raisonnementaussi puissantes, il n'est pas étonnant devoir Euler se passionner pour le jeu d'Echecet des problèmes posés bien avant lui (onen trouve trace dans un manuscrit de1512 de R.Guarini di Forti) : Est-ilpossible de parcourir avec un cavaliertoutes les cases d'un échiquier, sansparvenir jamais deux fois à la même, eten commençant par une case donnée ?Euler devait déjà avoir une solideréputation de théoricien du jeu d'échecpuisqu'il semble qu'un championinternational d'échec d'alors, FrançoisAndré Philidor, présent à la cour deFrédérique II de Prusse, ait tenté vainementde le rencontrer.

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Leonhard Euler

Du parcours du cavalier sur l'échiquieraux carrés magiques, les méthodes ma-thématiques mises au point parLeonhard tracent des chemins etdonnent des méthodes de raisonnementfort intéressantes .

Les problèmes posés par les carrésmagiques remontent à la nuit des tempsmais ils ont toujours fasciné et il n'estguère étonnant de constater queLéonhard Euler va explorer les pistes derecherche qu'ils offrent.

En 1782 Leonhard Euler imagine leproblème mathématique suivant : On considère six régiments différents,chaque régiment possède six officiers degrades distincts. On se demande main-tenant comment placer les 36 officiersdans une grille de 6 x 6, à raison d'unofficier par case, de telle manière quesur chaque ligne et chaque colonnecontiennent tous les grades et tous lesrégiments.

Il s'agit d'un carré gréco-latin d'ordre6 (un carré latin pour les régiments, uncarré latin pour les grades). Euler avaitpressenti à l'époque, que ce problèmeétait impossible : Or, après toutes lespeines qu'on s'est données pour ré-soudre ce problème, on a été obligé dereconnaître qu'un tel arrangement estabsolument impossible, quoiqu'on nepuisse en donner de démonstration ri-goureuse, écrit-il. Il avait mêmeconjecturé que ce problème des carrésgréco latins serait impossible pour tousles ordres impairement pairs, c'est à diredu type 4n+2. Or Euler se trompait !!!La non-existence de carrés gréco-latinsd'ordre six a été définitivement confir-

mée en 1901 par le mathématicien françaisGaston Tarry qui fit l'énumérationexhaustive de tous les arrangementspossibles de symboles. Cinquante-huitans plus tard, en 1959, avec l'aide d'ordi-nateurs, deux mathématiciens améri-cains, Bose et Shrikhande trouvèrent descontre-exemples à la conjecture d'Euler.La même année, Parker trouva uncontre-exemple d'ordre dix. En 1960,Parker, Bose et Shrikhande démontrè-rent que la conjecture d'Euler étaitfausse pour tous les entiers supérieursou égale à dix. Donc en fait le seul carrégréco latin qui n 'existe pas, si on met àpart celui d'ordre deux, évidemmentimpossible, est celui d'ordre six, celuides officiers !

Pour célébrer le tricentenaire de lanaissance d'Euler, le CIJM propose, auxvisiteurs du salon de la culture et desjeux mathématiques, mieux qu' un carrégréco latin d'ordre 9, un double sudokusur neuf chiffres 1, 2, ….9 et neuf fondsde calligraphie différents dessinés par lecalligraphe Laurent Pflughaupt et sesélèves.

De quoi fêter dignement LeonhardEuler !

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Sam Loyd et Henry Ernest DudeneyMichel CRITON

L'un est américain et l'autre anglais. Lepremier était l'aîné du second d'unequinzaine d'années. Tous deux ont aban-donné leurs études assez vite, mais ontcontinué à étudier les mathématiques enautodidactes et tous deux ont pratiquéavec passion le jeu d'échecs. C'est pour-quoi on rapproche souvent ces deuxgrands créateurs d'énigmes que furentLoyd et Dudeney. Une certaine rivalité aexisté entre eux, mais on sait aussi qu'ilss'appréciaient mutuellement.

Sam Loyd (1841-1911)Samuel Loyd est né à Philadelphie en

1841. Joueur d'échecs depuis son plusjeune âge, il publie son premierproblème d'échecs à l'âge de 14 ans. Lejeu d'échecs et la composition deproblèmes l'occupent à tel point qu'ilfinit par quitter les bancs de l'école àl'âge de dix-sept ans. Contraint degagner sa vie, il se lance dans lejournalisme en proposant à diversjournaux des rubliques et des problèmesd'échecs.Bien qu'étant un joueur d'échecs moyen,Sam Loyd a composé des centaines deproblèmes d'échecs, certains avec unebonne dose d'humour et de fantaisie.Un exemple en est ce problème où ildemande de trouver une méthodepermettant de mettre mat un roi isolé aumilieu d'un échiquer à l'aide de deuxtours et d'un cavalier, ... sans préciser lesdimensions de l'échiquier qui comportaitseulement trois rangées de quatre cases !

A partir de 1870, Sam Loyd se

désintéresse des échecs et se lance dansl'invention de casse-tête mathématiques ;il les diffuse dans les journaux et ma-gazines ainsi que par la publicité. SamLoyd a fait breveter plusieurs de sestrouvailles comme par exemple le jeuTeddy et les lions où, selon la position dudisque central, on peut voir sept chas-seurs et sept lions ou bien six chasseurset huit lions.

Mais le jeu le plus célèbre popularisépar Loyd est sans conteste le taquincommercialisé en 1873.

Ce casse-tête est constitué de quinzepetits carrés pouvant coulisser dans uncadre de 4 cases sur 4, la case videpermettant les mouvements.

Les carrés étaient disposés dans l'ordrenaturel, à l'exception du 14 et du 15 quiétaient intervertis. Sam Loyd offrait1000 dollars à qui trouverait une suite demouvements permettant de remettre le14 et le 15 à leur place. Sam Loyd savaitque le problème était impossible pourune raison de parité, l'ensemble de toutesles configurations possibles étant partagéen configurations paires et en con-figurations impaires, le passage d'untype à l'autre étant impossible sansdémonter le jeu.

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Sam Loyd et Henry Ernest Dudeney

Après la mort de son père, Samuel LoydJunior publiera Cyclopedia of puzzles,recueil de plus de 5000 casse-tête crééspar son père.

Henry Ernest Dudeney (1857-1930)Plus jeune que Loyd de seize ans,

Henri Ernest Dudeney nourrissait la mê-me passion que son aîné pour le jeud'échecs et pour les énigmes à ressortmathématique. Il commença très tôt àproposer ses créations à plusieursmagazines anglais. A partir de 1890,Dudeney collabora avec Sam Loyd pourle magazine anglais Tit-Bits. Par lasuite, Dudeney et Sam Loyd décidèrentd'échanger leurs énigmes qu'ils pro-posaient à des journaux différents, cequi explique que l'on retrouve parfoisdes énigmes identiques chez les deuxauteurs sans savoir qui en est le véritablecréateur. Mais Dudeney finit par s'of-fusquer du fait que Sam Loyd ne le citaitpas toujours comme étant l'inventeur decertains jeux dans les livres qu'il publait.

Si Sam Loyd possédait d'incontesta-bles dons de mise en scène des énigmesqu'il créait, Dudeney était davantagemathématicien.

Une invention de Dudeney est unpuzzle où un triangle équilatéral forméde quatre morceaux articulés entre euxpeut se réarranger en un carré.

Dudeney présenta ce découpage deson invention à la Royal Society deLondres en 1905.

Parmi les énigmes créées par Dude-ney, on peut citer le premier cryptarithme :S E N D + M O R E = M O N E Y,message adressé à son éditeur et opéra-tion codée où chaque lettre remplace unchiffre (deux lettres différentes rempla-çant toujours deux chiffres différents etdeux chiffres différents étant toujoursremplacés par deux lettres différentes.

Sam Loyd et Henry Ernest Dudeney,chacun à sa manière, préfigurent lesgrands vulgarisateurs modernes.

Pour en savoir (un peu) plus :

Les recueils de problèmes publiés par Dudeney sont :The canterbury Puzzles (1907), Amusements in Mathematics (1917), Modern Puzzles (1926)et Puzzles and Curious Problems (1931), publié après sa mort.

Le texte intégral de Cyclopedia of puzzles peut être téléchargéau format pdf sur :

http://www.mathpuzzle.com/downloads/

Solution du cryptarithme : 9 567 + 1 085 = 10 652

Sam Loyd

Ernest Dudeney

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Edouard Lucas Michel CRITON

Edouard Lucas (1842 - 1891) est ungrand mathématicien français de la findu 19e siècle. Son apport aux mathé-matiques se situe principalement enthéorie des nombres, notamment dansl'étude des nombres premiers. Un test deprimalité porte le nom de test de Lucas-Lehmer.

Mais Lucas est aussi un pionnier de lapopularisation des mathématiques par lejeu, avec les quatre tomes de sesRécréations Mathématiques et sonArithmétique Amusante, qui constituentune véritable encyclopédie des récréa-tions mathématiques.

Edouard Lucas pensait que chaquenotion mathématique pouvait êtreprésentée aux jeunes et au grand publicsous la forme d'un jeu ou d'une énigme :si ces pages inspirent à quelques jeunesintelligences le goût du raisonnement etle désir des jouissances abstraites, alorsje serai satisfait.Seuls les deux premiers tomes desRécréations de Lucas ont paru de sonvivant. Décédé prématurément en 1891à la suite d'une infection, Edouard Lucasne verra pas la publication des deuxderniers tomes, réalisée par ses amis àpartir des notes qu'il a laissées. Il en estde même pour L'Arithmétique Amu-sante, éditée à partir d'un projet de livreretrouvé chez Lucas.

Les jeux étudiés par Lucas sont pourla plupart des jeux connus, pour lesquelsil existe des raisonnements susceptiblesde conduire à une résolution complètedu jeu. On peut citer les labyrinthes, les

taquins, le jeu de caméléon, lebaguenaudier.

Le baguenaudier est un jeu constituéd'anneaux enfilés sur une navette, cesanneaux étant enchevêtrés à l'aide de filsde fer, et qu'il s'agit de désenchevêtrer.Le jeu a probablement été inventé enChine, et il est cité par Jérôme Cardan en1550.

Le Moulin Rouge est un jeu com-mercialisé à l'époque de Lucas. On placedix jetons portant les dix lettresL E M O U L I N au hasard, puis on doitles remettre dans l'ordre en déplaçant lespions. La case centrale communiqueavec les cases extérieures par les ailes dumoulin.

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Edouard Lucas

Mais le plus célèbre des jeux po-pularisés par Edouard Lucas reste la tourde Hanoï dont il est par ailleursl'inventeur. Ce jeu était conçu pourexpliquer la numération binaire. Voici laprésentation qu'en fait Lucas :" Un de nos amis, le professeur N. Claus(de Siam) mandarin du collège de Li-Sou-Stian, a publié, à la fin de l'annéedernière, un jeu inédit qu'il a appelé laTour d'Hanoï, véritable casse-têteannamite qu'il n'a pas rapporté duTonkin, quoi qu'en dise le prospectus.Cette tour se compose d'étages super-posés et décroissants, en nombre va-riable, représentés par huit pions en boispercés à leur centre, enfilés dans l'undes trois clous fixés sur une tablette. Lejeu consiste à déplacer la tour enenfilant les pions sur un des deux autresclous et en ne déplaçant qu'un seul étage àla fois, mais avec défense expresse deposer un étage sur un étage plus petit.Le jeu est toujours possible et demandedeux fois plus de temps chaque fois quel'on ajoute un étage à la tour ... .

Le nom prétendu de l'inventeur du jeu,N. Claus de Siam, mandarin de Li-Sou-Stian est tout simplement l'anagrammede "Lucas d'Amiens, professeur au lycéeSaint Louis". Lucas aimait agrémenterses récréations de pointes d'humour. SelonLucas, N. Claus de Siam préparait la pu-blication des écrits du mandarin Fer-FerTam-Tam (Lucas avait fondé le projetde publier les oeuvres de Fermat). Il rap-porte également la légende d'une tour deHanoï situé à Bénarès et comportant 64disques.

Lorsque les 264-1 c’est à dire :18 446 744 073 709 551 615

mouvements nécessaires au transport des64 disques auront été effectués, les brah-mes tomberont et ce sera la fin du monde !

illustration de latour de Hanoï

dans lesRécréations

Mathématiques.

Résolution d'une tour de Hanoï de 4 disques. Cette résolution nécessite 24 - 1 soit 15 mouvements.

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Martin GardnerJean-Jacques DUPAS

- Elève Gardner, qu'est-ce que je vois là ?Un morpion ! Je rêve ! J'aimerais qu'àl'avenir vous ne fassiez plus que desmathématiques pendant les cours demathématiques ! Le jeune MartinGardner essayait de trouver une stratégiegagnante. Ce qui veut dire qu'il faisaitdes mathématiques. Ce sujet aurait sansdoute passionné tous ses camarades etl'enseignant avait là une belle occasionde parler de combinatoire, de probabi-lité, de symétrie… Les jeux peuvent êtreune formidable introduction aux mathé-matiques.

Martin Gardner est né le 21 octobre1914 à Tulsa, Oklahoma. Il suivit lescours de l'université de Chicago où ilobtint une licence de philosophie, maispas sa maîtrise. Sa prodigieuse culturegénérale est le résultat de ses innom-brables lectures et de ses infatigablesrecherches en bibliothèques. MartinGardner adulte sera le champion desjeux mathématiques et des mathémati-ques amusantes. Il a su populariser ce genreet lui donner ses lettres de noblesse. Il fautdire qu'à l'époque de sa jeunesse leslivres sur le sujet étaient rares, il y avaitbien quelques années auparavant desprécurseurs comme le génial Lucas,Loyd, Dudeney.... Mais en 1956, pour seprocurer le classique Essais et Récréa-tions Mathématiques, de W.W.RouseBall, il fallait écrire à H.S.M Coxeter. Lapopularité de Martin Gardner est essentiel-lement due, au départ, à sa rubriqueMathematical Games du ScientificAmerican qui commença en 1956 et

s'arrêta en 1982 mais qui fut publiée parPour la Science, à partir de 1977 dansson édition française . En 1983, Gardnerfut désigné écrivain scientifique del'année en 1983 par l' Institut Américainde Physique. Dès le début, sa rubriquefut un immense succès. La premièreprésentait les flexagones, bande de pa-pier repliée dont les faces apparaissentsuivant des cycles. En observant cesbandelettes de papier obtenues pardécoupage, Feynman, montra que lesmathématiques qui se cachent derrièreelles, sont très profondes. Ce premierarticle eut tellement de succès qu'iln'était pas rare de croiser, à cette époque,aux Etats-Unis, un passant manipulantun flexagone.

Dans le courrier reçu du monde entier,Martin Gardner trouvait la substance deses articles. Il popularisera de nombreuxsujets. On ne peut que faire un choixdifficile pour en citer quelques uns. LesPolyominos sont des figures obtenues encollant des carrés par leurs côtés. Les cubesde Soma lui avaient été confiés par ledanois Piet Hein, inventeur aussi du jeu deHex, jeu que Wendelin Werner évoquepour illustrer ses recherches. Le célèbre Jeude la vie de John Conway est un jeu desimulation qui devint si populaire qu'àl'époque de sa publication, les raresordinateurs furent paralysés pendant dessemaines, occupés par ce jeu. Les pava-ges de Roger Penrose, pavage du planapériodique à partir de deux pièces debase ont trouvé des applications inat-tendues en cristallographie. N'oublions pas

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Martin Gardner

que c'est aussi dans le monde de l'art,que Martin Gardner a fait connaître augrand public l'œuvre de Maurits Escher.Dans un domaine plus austère, il futautorisé, par les auteurs eux même, àdévoiler le système de codage révolu-tionnaire, RSA, à clef publique. Sesrubriques lui permettront égalementd'introduire des personnages imagi-naires pittoresques comme le DocteurIrving Joshua Matrix, numérologiste. Lesrencontres avec le docteur Matrix et sa joliefille Yva Toshiyori seront l'occasion pourMartin Gardner de dénoncer, avecbeaucoup d'humour, la numérologie etses mé-thodes. Une grande partie de la viede Martin Gardner sera consacrée à lalutte contre les pseudo sciences et leparanormal. Pourtant depuis son plusjeune âge, Martin était passionné demagie ce qui n'a rien d'étonnant carn'avez-vous pas remarqué que les gensdont l'illusion est la profession sontextrêmement rationalistes et sontsouvent les mieux placés pour dénoncerles charlatans de tous poils ? C'est enemployant les méthodes et ressortspsychologiques des illusionnistes queMartin Gardner a donné à ses textes cecharme si particulier. Les textes deMartin Gardner ne se résument pas à sarubrique, même si celle-ci l'a renducélèbre. Il a également publié, plus de 70ouvrages sur les mathématiques, laphilosophie, la littérature, la lutte contrele paranormal. Nous avons donc affaireà un auteur à la fois prolixe et éclectique.Toute sa vie durant, il a posé un nombreincroyable d'énigmes et a eu à cœur denous faire partager leurs solutions. Il a

essayé de faire entrer les mathématiquesrécréatives dans l'enseignement et il abien mérité ainsi d'être honoré sur le Salonde la culture et des jeux mathématiques.

Pour en savoir (un peu) plus :Martin Gardner, Les Jeux mathématiques, Pour la science,Octobre 1998.Martin Gardner, Jeux Mathématiques du Scientific American,adapté par mon ami Yves Roussel, ADCS, Amiens, 1996

Un premier avril mémorable Dans sa rubrique d'avril 1975, MartinGardner relatait, non sans malice, 6 décou-vertes sensationnelles qui avaient échappéesaux média. Cela allait de l'invention parLéonard de Vinci de la chasse d'eau à unrésultat extraordinaire de la théorie desnombres en passant par une carte compli-quée où il était nécessaire d' utiliser 5 cou-leurs pour en effectuer le coloriage,confirmant ainsi la soi-disante intuition deH.S.M Coxeter alors que dans le mêmetemps le théorème des 4 couleurs venaitd'être démontré ! Martin Gardner savait queson dessin était fallacieux. Cet article delégende lui valut un torrent de courrier.Beaucoup de lecteurs prirent les articles aupremier degré, trompé par les référencesprestigieuses et le style de Martin Gardner! Comme quoi, le premier avril il faut seméfier même des journaux scientifiques etgarder son esprit critique, mais n'est-cepas là l'essence même de la science!

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www.cnrs.fr www2.cnrs.fr/jeunes

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Le CEA est un organisme public de recherche.

Ses grands domaines de compétences

Défense et sécurité

Technologies pour l’information et

la santé

Energie

Recherche fondamentale

15 000 salariés 9 centres de recherche en France

www.cea.fr

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Fondée en 1872,la Société Mathématique de France

est riche de ses deux mille adhérents et adhérentes.Reconnue d'utilité publique,

la SMF a pour seul objectif le développement desmathématiques en France. Elle veille à maintenir l'excellenceet le dynamisme des mathématiques françaises, à améliorer

leur ouverture et à leur diversité. Elle s'attache à créer des liens avec les industrieset les services, à développer le dialogue avec les autres sciences et à encourager ladiffusion des oeuvres culturelles de qualité concernant les mathématiques. Elledéveloppe les échanges culturels et scientifiques internationaux, défend la diversitélinguistique, travaille à mettre en place l'espace scientifique européen et promeut lasolidarité avec les pays du sud.

La SMF travaille à encourager un enseignement de qualité à tous les niveaux.Participer à la formation des nouvelles générations, partager avec elles notreamour des mathématiques, c'est préparer l'avenir de notre communauté scien-tifique.

La SMF publie des mathématiques depuis sa création. Ses publications sontouvertes à la communauté mathématique internationale. La qualité des texteschoisis est garante de leur pérennité et les revues et ouvrages de la SMF consti-tuent des références mondialement connues encore citées des dizaines d'annéesaprès leur parution.

La SMF diffuse des informations utiles pour l'insertion des jeunes mathéma-ticiens et mathématiciennes à la vie professionnelle.Elle attache beaucoupd'importance à leur participation à ses activités. http://smf.emath.fr

Le CIJM association créée en 1993 par des professeurs demathématiques désireux de proposer une autre réflexion surleur discipline fédère trente deux compétitions intéressant ainsi plusieurs millions de personnes tant en France qu' àl'étranger.

Le CIJM édite Panoramath, annales corrigées de ses com-pétitions et crée des jeux élaborés à partir de ces textes pourpermettre à tous de connaître la joie de la recherche mathématique ! Il proposedes expositions avec animations pour mettre la culture mathématique à la portéedu plus grand nombre.

Le CIJM dynamise son site internet, pour développer à travers le monde des liensforts entre ses associations membres, ses nombreux partenaires et son public.

Le CIJM organise une grande fête des mathématiques,le salon de la culture et des jeux mathématiques,

début juin à Paris, lieu de rencontre de nombreux pays et espace privilégié de vul-garisation et de promotion de la culture mathématique.

www.cijm.org

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Sous la direction deMarie José Pestel

Comité International des Jeux Mathématiques

avec l’aide deStéphane Jaffard

Professeur Université Paris 12

Réalisation Patrick Arrivetz

CIJM8 rue Bouilloux-Lafont 75015 Paris

tél :01 40 37 08 95 www.cijm.org

Cette brochure a réuni les signatures de

Hervé LehningElisabeth BusserBenoît Rittaud

Wendelin WernerErwann le Pennec et Dominique Picard

Jean-Christophe YoccozEtienne GhysCédric Villani

Alice GuionnetLaurent Demonet

Michel Bauer et Philippe Di FrancescoBenjamin Werner

Michel CritonMarie José Pestel

Abdelkader NecerJean-Jacques Dupas

Qu’ils soient ici tous remerciés pour avoir eu, au milieu de leur emploi dutemps surchargé, la patience et la gentillesse de s’être livrés au jeu de l’écriture.

Grâce au soutien du CNRS, du CEA, de l’INRIA et de la SMF

Illustrations de couvertureElsa Godet - www.sciencegraphique.com

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Introduction 1

Les énigmes d’hier à aujourd’huiL’infini, entre logique et paradoxes 2Equations et racines, une traque universelle 7Géométrie, une longue histoire 11

Découvertes mathématiques d’aujourd’huiLa conjecture de Riemann 15La percolation à la température critique 17Des lunettes pour un télescope spatial 22Itération de polynômes 25La dynamique qualitative 27Transport optimal 29Les grandes matrices aléatoires 31La cryptologie moderne 33Statistique des écarts 37Le théorème des quatre couleurs 41

2000 ans d’énigmes mathématiquesLes énigmes d’Archimède 44Enigmes et jeux dans le monde arabe 46Leonardo Pisano Fibonacci 48Bachet de Méziriac 50Leonhard Euler 52Sam Lyod et Henry Ernest Dudeney 54Edouard Lucas 56Martin Gardner 58

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