huitième numero (page 23)

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INTERNATIONAL 23 Crise de l’euro... Fin de partie E n une semaine et une seule, des politiciens européens, des écono- mistes européens et nord-américains ainsi que des commentateurs des deux côtés de l’Atlantique ont levé un tabou. Aussi pesant qu’inquiétant. Lequel ? Dans la foulée de la crise grecque et de son ex- tension, l’Europe tout entière doit choisir entre le fédéralisme ou la faillite. Rien de moins.Peu de temps avant qu’il ne quitte l’Élysée, Jacques Chirac avait confié que l’une de ses principales inquiétudes avait trait à la nouvelle génération des dirigeants européens. Aucun d’entre eux n’ayant connu la Seconde Guerre mondi- ale, souligna-t-il, il fallait s’attendre à ce que la fibre européenne s’effrite quelque peu. À ce que le rêve d’une Europe unie politiquement et parlant d’une seule voix se transforme en une fiction. À suivre la valse-hésitation des chefs d’État en général et d’Angela Merkel en particulier, sur fond de crise grecque, il semble bien que l’ex-président a été prescient. Car il est vrai que jamais, depuis la création du Marché commun dans les années 50, l’Eu- rope n’aura été gouvernée par des hommes et des femmes aussi peu enthou- siastes à son égard. Attardons-nous maintenant aux scènes du dernier acte. Le dimanche 19 juin, les ministres des Finances des pays partageant la monnaie commune se réu- nissent en urgence, pour la énième fois, à Bruxelles. Après huit heures de discus- sions, ils annoncent qu’aucun accord n’a été trouvé. La crise est si réelle et pro- fonde que certains économistes évo quent l’implosion de l’euro, et que font ces chers ministres des Finances ? Ils se crêpent le chignon parce que les intérêts particuliers, nationaux, ont pris L’ascendant sur l’intérêt général, sur l’Europe Rien ne symbolise mieux la polarisation qui existe actuellement au sein de l’Eu- rogroupe que les échanges acides entre Angela Merkel et Nicolas Sarkozy. Un jour, le second convainc la première que l’im- plication du secteur privé dans le sauve- tage de la Grèce doit être « volontaire et informelle. » Le lendemain, la chancelière allemande change d’idée. Elle revient à son obsession qui est d’obliger les banques, les compagnies d’assurances et les fonds de pension à donner du grain à moudre parce qu’un autre sondage confirme que désormais plus de 60 % des Allemands sont contre toute aide financière à Athènes. Entre les atermoiements des uns et les dissensions des autres, les marchés ont paniqué. À la cacophonie des uns, ils ont réagi en retirant des masses de capitaux parce qu’ils sont convaincus que la Grèce n’échappera pas à une restructuration de la dette conséquente au fait que, celle-ci atteignant 160 % du PIB, le pays ne pourra pas observer tous ses engagements finan- ciers. Quoi d’autre ? Si la Grèce est dans l’obligation de restructurer sa dette, alors l’Irlande et le Portugal n’y échapperont pas avant que l’Espagne et l’Italie soient à leur tour la cible d’assauts répétés. Bref, sur les places boursières du Vieux Continent, on parie davantage sur l’effet domino et la fin de l’euro que sur son contraire. Cette crise a ceci de pathétique et de rageant qu’elle aurait pu être réglée il y a plus d’un an maintenant. Si Merkel, en- core elle, avait eu le souci de l’unité eu- ropéenne, si elle n’avait pas multiplié les embûches, si elle avait accepté de prêter à la Grèce au cours du premier trimestre 2010, celle-ci ne serait pas dans le pétrin que l’on sait. En agissant comme elle l’a fait, la chancelière a favorisé les attaques en série contre Athènes de la part des marchés, comme elle a encour- agé une ribambelle de décotes de la part de Moody’s et consorts qui font qu’au- jourd’hui l’intérêt imposé à la mère de la démocratie est passablement plus élevé que ce qu’il était il y a une quinzaine de mois. Pour éviter la faillite, l’Europe n’a pas d’autre solution que d’opter pour plus de fédéralisme en matière économique. Con- crètement, cela signifie permettre à la Banque centrale européenne l’émission d’obligations, la création d’un ministère des Finances chargé de surveiller les budgets nationaux afin d’éviter les dérives et enfin imposer l’harmonisation fiscale. C’est dans l’intérêt de l’Europe et de Berlin au premier chef. Car si la Grèce et d’autres passent à la trappe, l’Alle- magne écopera également. Et davantage que ses voisins. Source: LeDevoir.com CONSULTEZ TOUTES NOS CONSULTEZ TOUTES NOS PLUBLICATIONS SUR PLUBLICATIONS SUR calameo / issuu / scribd calameo / issuu / scribd

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23 Attardons-nous maintenant aux scènes du dernier acte. Le dimanche 19 juin, les ministres des Finances des pays partageant la monnaie commune se réu- nissent en urgence, pour la énième fois, à Bruxelles. Après huit heures de discus- sions, ils annoncent qu’aucun accord n’a été trouvé. La crise est si réelle et pro- fonde que certains économistes évo places boursières du Vieux Continent, on parie davantage sur l’effet domino et la fin de l’euro que sur son contraire.

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INTERNATIONAL 23

Crise de

l’euro...

Fin de

partie

En une semaine et une seule, despoliticiens européens, des écono-mistes européens et nord-américains

ainsi que des commentateurs des deuxcôtés de l’Atlantique ont levé un tabou.Aussi pesant qu’inquiétant. Lequel ? Dansla foulée de la crise grecque et de son ex-tension, l’Europe tout entière doit choisirentre le fédéralisme ou la faillite. Rien demoins.Peu de temps avant qu’il ne quittel’Élysée, Jacques Chirac avait confié quel’une de ses principales inquiétudes avaittrait à la nouvelle génération desdirigeants européens. Aucun d’entre euxn’ayant connu la Seconde Guerre mondi-ale, souligna-t-il, il fallait s’attendre à ceque la fibre européenne s’effrite quelquepeu. À ce que le rêve d’une Europe uniepolitiquement et parlant d’une seule voixse transforme en une fiction. À suivre lavalse-hésitation des chefs d’État engénéral et d’Angela Merkel en particulier,sur fond de crise grecque, il semble bienque l’ex-président a été prescient. Car ilest vrai que jamais, depuis la création duMarché commun dans les années 50, l’Eu-rope n’aura été gouvernée par deshommes et des femmes aussi peu enthou-siastes à son égard.

Attardons-nous maintenant aux scènes dudernier acte. Le dimanche 19 juin, lesministres des Finances des payspartageant la monnaie commune se réu-nissent en urgence, pour la énième fois,à Bruxelles. Après huit heures de discus-sions, ils annoncent qu’aucun accord n’aété trouvé. La crise est si réelle et pro-fonde que certains économistes évo

quent l’implosion de l’euro, et que fontces chers ministres des Finances ? Ils secrêpent le chignon parce que les intérêtsparticuliers, nationaux, ont pris

L’ascendant sur l’intérêtgénéral, sur l’Europe

Rien ne symbolise mieux la polarisationqui existe actuellement au sein de l’Eu-rogroupe que les échanges acides entreAngela Merkel et Nicolas Sarkozy. Un jour,le second convainc la première que l’im-plication du secteur privé dans le sauve-tage de la Grèce doit être « volontaire etinformelle. » Le lendemain, lachancelière allemande change d’idée.Elle revient à son obsession qui estd’obliger les banques, les compagniesd’assurances et les fonds de pension àdonner du grain à moudre parce qu’unautre sondage confirme que désormaisplus de 60 % des Allemands sont contretoute aide financière à Athènes.

Entre les atermoiements des uns et lesdissensions des autres, les marchés ontpaniqué. À la cacophonie des uns, ils ontréagi en retirant des masses de capitauxparce qu’ils sont convaincus que la Grècen’échappera pas à une restructuration dela dette conséquente au fait que, celle-ciatteignant 160 % du PIB, le pays ne pourrapas observer tous ses engagements finan-ciers. Quoi d’autre ? Si la Grèce est dansl’obligation de restructurer sa dette, alorsl’Irlande et le Portugal n’y échapperontpas avant que l’Espagne et l’Italie soientà leur tour la cible d’assauts répétés.Bref, sur les

places boursières du Vieux Continent, onparie davantage sur l’effet domino et lafin de l’euro que sur son contraire.

Cette crise a ceci de pathétique et derageant qu’elle aurait pu être réglée il ya plus d’un an maintenant. Si Merkel, en-core elle, avait eu le souci de l’unité eu-ropéenne, si elle n’avait pas multiplié lesembûches, si elle avait accepté de prêterà la Grèce au cours du premier

trimestre 2010, celle-ci ne serait pas dansle pétrin que l’on sait. En agissant commeelle l’a fait, la chancelière a favorisé lesattaques en série contre Athènes de lapart des marchés, comme elle a encour-agé une ribambelle de décotes de la partde Moody’s et consorts qui font qu’au-jourd’hui l’intérêt imposé à la mère de ladémocratie est passablement plus élevéque ce qu’il était il y a une quinzaine demois.

Pour éviter la faillite, l’Europe n’a pasd’autre solution que d’opter pour plus defédéralisme en matière économique. Con-crètement, cela signifie permettre à laBanque centrale européenne l’émissiond’obligations, la création d’un ministèredes Finances chargé de surveiller lesbudgets nationaux afin d’éviter lesdérives et enfin imposer l’harmonisationfiscale. C’est dans l’intérêt de l’Europe etde Berlin au premier chef. Car si la Grèceet d’autres passent à la trappe, l’Alle-magne écopera également. Et davantageque ses voisins.

█ Source: LeDevoir.com

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