histomag'44 n°51

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  • En cette priode propice aux dpenses un peu plus denses qu laccoutume pour cause de tradition aussi thologique que commerciale, ladage tendance est on ne peut plus adapt : Travailler plus pour gagner plus nous annonce ton grands renforts de trompettes, flonflons et majorettes comprises dans le pack. Comme vous ne lignorez point, notre pch mignon, priode de Nol oblige, est lexocet entour de guirlandes ; on vous touchera donc deux mots de notre point de vue sur la question, qui fatalement, diffre donc un tantinet de ce que lon voudrait bien faire avaler au quidam . On va vous causer de perspectives davenir, de solidarit, de lesprit de Nol, en extrapolant un choua vers nos gamins. On profite du moment pour vous parler deux ; cest de circonstance que de parler des gosses, que lon soit attach la Nativit ou plus prosaquement au rayon jouets de chez Carrouf. Pourtant, ce nest pas sur leur prsent quon va vous offrir une petite bafouille mais sur leur avenir. Cest dcid : pour gagner plus, va juste falloir travailler plus. Voil donc lide lumineuse que nos portefeuilles tricolores attendaient depuis Ppin le Bref pour se rembourrer substantiellement. Ctait tellement simple que personne ny avait pens avant. Travailler plus. Voil le leitmotiv du Pcore franchouillard ; on va vous expliquer dune manire assez basique quel point le calcul est exact. Tout dab ord, le cadeau fiscal fait aux gros bonnets aux poches cousues de fifrelin a bien creus un trou quelque part quil conviendra de colmater par quelque chose qui viendra dailleurs. Le second cadeau Bonux de notre dmonstration est la suppression de la taxe de 0.3 pour cent sur les gros investissements boursiers : second cadeau, second trou et deuxime raison de trouver de la monnaie sonnante et trbuchante. Si vous cherchiez savoir pourquoi le prix du ptrole la pompe stagne alors que le prix du baril est en baisse significative, ne cherchez plus. Comme ceux qui oeuvrent pour notre bien pensent tout, les retraits faible rente pa sseront dsormais au tiroir caisse si ils veulent continuer de sextasier devant la Roue de la Fortune : lexonration de redevance TV appartient dsormais au pass. Comme quoi personne nest oubli, les friqus comme les autres. Pour les consommateurs lambdas que nous sommes une crasante proportion, ne pensez pas que ce subtil jeu des vases communicants soit un facteur de handicap dterminant : il vous suffira juste de vous limiter une som me de 50 euros chaque passage la pompe. Cest le meilleur moyen de ne pas subir la diffrence. Si des fois, aux alentours du 24 dcembre, votre budget ne vous permettait plus de complter votre rservoir, il vous suffira - comme la si justement conseill Rachida Dati - daller manger la dinde chez la tante Bernadette en vlo. Une carriole attele larrire vous permettra dy joindre utilement le reste de la famille. Il va de soit que notre Go Trouvetou en jupons a dj inaugur ce moyen de locomotion cologique : cest promis, elle ira en triporteur au Nol de lElyse. Enfin, cest tout au moins ce quon lui conseille pour rester crdible. Les pcheurs eux aussi sont mats : sils veulent rpercuter la hausse des carburants sans fermer la boutique, ils peuvent vendre leur poisson plus cher ou acheter des moteurs moins puissants. Cest Nico lui-mme qui le leur a suggr. Ils peuvent aussi vendre leur bateau et aller taquiner le poisson deau douce le long du Canal du Berry, cest encore moins dispendieux et plus reposant. Il restera juste convaincre le consommateur que le gardon fum sur sa table festive gardera le mme cachet que le saumon dEcosse. Vous pouvez toujours opter pour votre poisson habituel en appliquant le mme principe qu la station service : ne pas dpasser une certaine somme et combler ce qui vous manquera dans lassiette par des feuilles de salades. La salade, cest sain, pas cher et cest dcoratif. Bien sr, toutes ces nouvelles mesures ne vont pas sans certains ajustements qui nous vous laccordons peuvent avoir des effets secondaires un soir de rveillon. Avec lexemple qui suit, vous allez comprendre mieux ; profitant de la priode, on a choisi de vous narrer tout a sous forme dun conte de Nol. Imaginez que vous partiez de chez vous plus tard qu laccoutume noubliez pas que vous avez travaill plus pour gagner de quoi combler les trous des cadeaux faits autrui et dont vous ne verrez pas la couleur - pour votre soire annuelle chez ladite tante Bernadette qui a mis les petits plats dans les grands et sa robe en lycra molletonn. La soire commence mal : vous avez termin le turbin 21 heures et les quelques litres de gazole que vous aviez chichement pargns sont partis dans un rallye imprvu la recherche dune station service encore ouverte. Chou blanc : pas plus de station service que de beurre en broche. Vous retournez donc chez vous dpit, et attelez votre remorque la bicyclette que vous avez depuis quelque temps place en tat dalerte permanente. Le temps de rameuter la marmaille, en y ajoutant la demi heure ncessaire bobonne pour enlever ses bigoudis, monter un clairage de fortune sur la dynamo hrite du cousin Robert et vous voil partis. Il est un peu plus de 23 heures et il vous reste un peu plus de dix bornes vous taper la force du mollet. La tante Bernadett e sest dj enfil lassiette de mignardises qui de toute faon devaient se dguster chaudes et jette maintenant un il avis sur les escargots Un levage descargot est dailleurs un excellent succdan pour les pcheurs ncessiteux, puisque mme la rame ils arriveront toujours en rattraper un ban - . Le moral de lquipage est pourtant au beau fixe. Jusquau moment o un investisseur exonr de la taxe sur les gros investissements boursiers vous dpasse au volant de sa V12 flambant neuve quil vient de soffrir avec les picaillons conomiss sur son dernier achat de 400.000 actions Indosuez.-

  • La croquignolette vire champtre vient de prendre des allures de Brzina. La masse dair dplace par le puissant bolide vous a envoy valdinguer, vous, les mmes et votre Lucette, au fond dun foss. Pire encore : la roue avant est voile, plus question daller bouffer chez Bernadette qui de toute faon a fini par engloutir une bonn e partie de la dinde en vous attendant. En individu responsable, vous aurez quand mme prvu une bche que vous allez tendre avec dextrit et, la marmaille criant famine, vous ouvrirez votre paquet de gardons fums estampills Canal du Berry . Cest ainsi que vous aurez droit un Nol aussi original quin oubliable, sous une bche tendue en pleine cambrous se, ct dun vlo en vrac et dune remorque transforme en table de salle manger. Prvoyant et faisant face vos responsabilits de chef de famille, vous aurez dgott dans le champ da ct un ne et un buf, histoire de rchauffe r la Lucette qui se ple les miches depuis une bonne heure. Vous parachverez votre uvre patriarcale par un feu de camp d u meilleur effet et dans lequel sera, hlas, passe lintgrale des feux de lAmour en dition de poche que vous comptiez offrir la tante Bernadette qui ronfle dj depuis une heure pour avoir trop forc sur le Calva 25 ans dge quelle avait sorti de sa cave pour loccasion -. Puis sans comprendre ce qui vous arrive parce quil faut bien trouver une fin heureuse un conte de Nol vous verrez arriver vers vous un cortge de troi s quidams monts sur des chameaux, sarrter vers vous et vous demander la route de Bthleem. Cest ce moment que vous vous rveillerez en sursaut dans votre lit , tremp de sueur, en vous disant que finalement, travailler plus provoque de sacrs effets indsirables sur le subconscient. En matire de conte de Nol , Dickens naurait pas fai t mieux. On finira notre ballade pr hivernale par ce qui nest pas un conte, mais plutt une histoire pas marr ante dans laquelle certains risquent de ne pas trouver leur compte, un truc qui pourrait devenir ralit et qui fait froid dans le dos. Cest normal, nous direz vous, de se les peler pareille poque : on rtorquera que mme avec les fentres fermes et le chauffage fond, leffet risque dtre le mme. La rcente colre de lducation nationale, universits, collges et lyces confondus ne nous parait pas si illgitime que a en particulier pour ce qui concerne le sort rserv aux BEP ds lanne prochaine. Dans un souci de nivellement par le haut, on a dcid de coller ces diplmes de Franais moyen la dchetterie et dy substituer un BAC Pro nettement plus smart , ce qui ne change presque rien ceci prs que le programme de quatre ans sera englouti en trois ans. A larrive, il ny aura plus que deux catgories : les laurats et les autres. Pour ceux l, les temps risquent dtre durs mais on vous la dit, il faut travailler plus pour gagner plus. A linverse, pour ne rien gagner du tout, il suffira juste de ne pas travailler. Le nouveau BAC Pro a donc prvu tous les cas de figure ; cest comme la bicyclette Rachida, cest conomique, cest plein de bon sens et surtout source dmulation : plus on acclre doucement, plus on pdale moins vite. Evidemment, selon les origines sociales de chacun, on en connat qui flamberont sur un vlo douze vitesses en fibre de carbone et dautres qui pdaleront comme des couillons sur des guimbardes en fonte massive. Pour travailler plus, il faudrait dj travailler tout court, cest par l que tout commence vrai dire. Si cest bien cette socit l quon nous promet, celle peuple dune partie de notre jeunesse laisse la drive, on en vient se demander pour quel idal se sont sacrifis les pauvres types en uniforme qui se les sont geles certains soirs de rveillons, au fond de leur trou de combat. Ils ont pourtant accept dchanger un repas de fte contre une socit plus juste o mme les enfants de famille modeste auraient leur place. Parmi tous ceux l, se trouvait Guy Boure, tankiste au 12me Rgiment de Cuirassiers, un gars de Leclerc. Il ne regrette rien de rien et serait mme prt recommencer, si son ge et une saloperie qui le ron ge ne le lui interdisaient. Il pourrait dprimer, Guy Boure et il a pour cela au moins une raison valable. Fort heureusement, il lui arrive de recevoir des lettres de gamins qui peut-tre seront jets la rue comme des pestifrs faute de BAC Pro en poche. Ce sont pourtant ces futurs sous fifres de futurs laurats au concours de la performance qui donnent Guy tou tes les raisons possibles de rester debout et de se battre. A tel point que la maladie recul depuis que ces gamins quon promet au nant se sont intresss un vieil homme et lui ont communiqu leur foi en la vie. Puisque la culture de la performance est un concept trs tendance, on tenait vous signaler celle-l. Cest la performance dun vtran de 82 ans qui grce au soutien dadolescents a p u faire battre le cancer en retraite en 2007 aprs avoir ratatin les nazis en dcembre 1944. Voil le vrai conte de No l de cet dito, cest lhistoire de Guy et de ses gosses en qui il croit dur comme fer. Voil enfin la seule et vraie perfor mance qui puisse grandir lhumain : celle qui puise sa force non pas dune succession dindividus enferms dans lgosme de leurs performances respectives, mais dune communaut toute entire. Vous nous pardonnerez de ne pas nous situer dans la mouvance une fois encore et nous permettrez galement de rester persuads de ce que la seule socit viable est une socit ou chacun puisse trouver sa place. La culture de la performance nest rien de plus quune invention perfide qui profite ceux qui ont dj plusieurs longueurs da vance sur les autres ou un moyen de locomotion plus rapide. Cest leffet pervers dune socit deux vitesses ou lesprit de Nol naura plus sa place, parce que les prit communautaire aura t sacrifi sur lautel du libralisme pouss jusqu lauto destruction. Avant den arriver l, on peut encore inverser le cours de lhistoire. Non pas en incendiant des bagnoles limage des abrutis pitoyables de novembr e, qui ne cherchaient pas formuler autre chose que le plais ir de dtruire, mais en opposant des ides, des arguments ralistes et surtout une vision de la socit plus juste quun concours permanent. Avant de rflchir tout cela, prenez un brin de repos, prparez les ftes de fin danne dans la srnit et lespoir en votre prochain et si il vous reste un peu de temps, ajoutez une bougie supplmentaire larbre de Nol de Guy Boure en lui envoyant une petite bafouille (1) . Le sapin de Guy brillera dautant de lueurs despoir que les cartes quil recevra. Joyeux Nol tous et au mois p rochain. (1) Vous pouvez crire Guy Boure ladresse sui vante : Mr Guy Boure, 01 Rue des Peupliers 14150 OUISTREHAM.

  • Stphane Simonnet est historien au mmorial de CAEN , il nous propose de dcouvrir un officier de la 6th Airborne Division, au pass pres tigieux et riche, du n 1 commando la campagne dAllemagne. Pleins feux sur Geoffrey Sne ezum

    Geoffrey Sneezum est n un 6 juin ! Plus exactement le 6 juin 1919 dans une petite ville du

    Norfolk en Angleterre. Son pre, mobilis dabord dans la Somme en 1914 et 1915, puis au front jusqu la fin de la guerre, avait repris en 1923 l a droguerie et la forge familiale dans le petit village de Danham Market. Tout conduisait alors le jeune Sneezum reprendre naturellement la place de son pre qui avait d quitter les bureaux Ce quil fer a en rpondant une annonce de la Barclays Bank pour un poste de guichetier, poste quil occupera jusquen 1939, jusqu ce quil soit sauv par la dclaration de guerre. Devenu soldat en 1939, il va intgrer linfanterie, puis les units commando, avant de rejoindre la 6e division aroporte du gnral Gale qui le conduira en Normandie le 6 juin 1944. Retour sur 5 annes de combats du lieutenant Sneezum.

    Jai t, si on peut dire, sauv par la guerre. Quand elle fut dclare, javais 20 ans. Ils avaient dit que tous les jeunes gens seraient appels pour larme. Mais je nai pas attendu, et je me suis engag dans linfanterie. Avant cela, jai assist un drle dvnement. Jai assist la premire bataille de larme britannique. En 1939, les Anglais ont bombard le canal de Kiel ! Les Allemands avaient construit des bateaux dans la Mer Baltique, et pour contourner le Danemark, ils utilisaient le canal de Kiel. De nuit ils pouvaient passer de la Mer Baltique jusqu la Mer du Nord. Il tait donc trs important de bloquer ce passage. Le 3 septembre 1939, pas encore mobilis, je me rendais vlo chez mes parents, lorsque en passant prs des arodromes du Norfolk, jai entendu le bruit des avions qui tournaient. Jtais un peu tonn ! Lorsque je suis arriv tout prs de la banque o je travaillais, jai attendu parce quil y avait beaucoup dactivit. Je voyais des bombardiers chargs qui taient en train de partir. Ils partaient vers le canal de Kiel ! Ils avaient bombard le Kiel Kanal pendant la nuit du 3 au 4 septembre 1939. Personne ne savait en Angleterre o se trouvait ce canal et personne ne savait encore que la guerre tait dj commence !

    Soldats appartenant la 5 me Airlanding Brigade quelques heures avant le Jour J. (IWM)

  • Engag volontaire en 1939 Geoffrey Sneezum contacte donc un bureau de recrutement, avant dtre envoy dans un collge de Cambridge pour effectuer des tests pour lembauche dfinitive. Ctait le 25 septembre 1939. Volontaire pour linfanterie, il se retrouve affect, vus ses tats de services civils, dans des services comptables, jusquen janvier 1940. A cette poque, ils avaient embauch des femmes, civiles, pour ce travail, jai alors t envoy un cours dinfanterie dans le Norfolk. Jy ai continu mon entranement dinfanterie et jai appris toutes les manuvres de dbarquement partir des bateaux, sur les plages. A lpoque nous navions pas du tout de pniches ni de barges. Aussi lorsque les premires barges furent livres, on a t les premiers les tester, pour voir combien dhommes on pouvait mettre, combien de munitions, le temps pour dbarquer, etc... Ctait nouveau dans larme britannique, cela nexistait pas auparavant. Ctait Churchill qui avait eu cette ide l ! On savait que les Allemands avaient fabriquer en fraude des avions et des bateaux, et quils avaient lintention si possible de dbarquer en Angleterre. Le Commando n1 (janvier 1940-Juillet 1943) Le jeune soldat commence ses entranements dans le Sud-Ouest de lAngleterre, dans le port de Dartmouth, sur les ctes et les plages du Devon ou en Cornouaille. Il fait partie de lArme de Terre, mais dans un service nouveau, qui sappellera plus tard Commando. Au sein du Commando n1, le jeune Sneezum peroit un salaire supplmentaire en plus de sa solde de base, ce qui lui sert payer chaque semaine les personnes chez qui il loge. Lentranement se droule ainsi jusqu la fin du mois de mars 1940. A ce moment nous sommes alors monts en Ecosse, Inveraray, sur la cte ouest. Ctait plus tranquille pour y faire lentranement. La cte est trs longue, il y a beaucoup d e brouillard, beaucoup de nuages, les Allemands ne pourraient pas nous reprer. On couchait dehors dans des tentesNous ne sommes pas rests l longte mps, deux ou trois mois tout au plus avant de cder nos places dautres units qui arrivaient. Nous avons t envoys sur la cte Est de lEcosse, prs de Dundee, un grand port, o on a continu lentranement. Et cette fois-ci on a pass plus de temps sur lendurance, faire des marches, 10 20 km !

    Troopers de la 6me Airborne. Les brets amarante sont orns du clbre brevet parachutiste Britannique. (IWM).

  • Par la suite jai t choisi pour dbarquer Madagascar, Diego Suarez. Je ny suis jamais all ! Nous sommes pourtant bien partis dAngleterre, quips pour aller dans un climat chaud. Nous sommes arrivs dans lAtlantique, on a attendu, puis on a fait demi-tour pour dbarquer au point de dpart. Ctait au moment o on avait repr un grand bateau allemand qui avait envoy par le fonds plusieurs de nos navires britanniques, et cette fois-ci on navait pas voulu prendre de risque supplmentaire. On venait de perdre 6 semaines. Ctait rat. Par la suite on nous a annonc quon allait dbarquer Dakar. Pendant longtemps Sneezum et ses camarades du commando N1 se sont entrans pour cela en Ecosse. Le dbarquement tait prvu au Sud de Dakar pour remonter ensuite vers la ville, attaquer Dakar par lintrieur. Mais il y eu beaucoup de retard pour diverses raisons : la suractivit des Allemands dans lAtlantique, la perte de nombreux bateaux britanniqueLes commandos durent donc faire une nouvelle fois demi-tour et revenir en Ecosse. Nous ntions pas presss dtre tus, mais on simpatientait, on pensait tous quon faisait des entranements pour rien ! Un des systmes mis au point pour nous empcher de quitter les commandos, tait celui des salaires. Nous avions de bons salaires quils nous versaient. Pour les hommes maris, une partie du salaire allait directement la femme pour les enfants. Si on faisait partie des commandos, on touchait davantage dargent pour les cigarettes et la bire Beaucoup de camarades sont donc rests, mme si on pouvait partir comme on voulait. Certains de mes camarades sont pourtant partis. La seule grande punition dans notre organisation tait appele R.T.U. : Return To Unit, renvoy lUnit. Jai prfr attendre car je restais confiant et sr quon allait enfin faire quelque chose. Et quand je suis all Bayonne, a a t la mme chose, ce ntait pas une russite ! A Saint-Nazaire nous avons dbarqu, beaucoup ont t faits prisonniers, mais le travail na pas t totalement accompli, comme Bayonne ! Nous avons mme t prpar avec notre groupe pour faire un autre raid en Norvge. Mais avant de monter dans notre pniche de dbarquement pour aller terre, le bateau sur lequel tait embarque notre pniche t touch par une mine. On a tous cru quon allait couler et on tait dj bord. Ils ont rpar le trou dans le bateau et au lieu de nous laisser dbarquer, on a fait demi-tour car on avait rat notre occasion et nous sommes revenus en Angleterre sans dbarquer ! Jai fait 5 ou 6 oprations comme a qui nont pas russi.

    Discours du Brigadier General Richard Gale, commandant la 6th Airborne Division. IWM

  • Les entranements commandos Geoffrey Sneezum, na pas un physique de grand costaud, ni lendurance physique dun coureur de fond. Pourtant lentranement commando ne semble pas lui poser trop de problmes. Le plus pnible pour lui tait de porter les charges, parce que chaque homme avait tant de choses porter, armes munitionset souvent toute la journe. En revanche contrairement dautres, plus physique justement, cest un excellent nageur et il le prouvera lorsque par trois fois il sera coul en Manche et que par trois fois il sen sortira. A cette poque, comme tous ses camarades commandos, il loge chez lhabitant. Tous les soirs on rentrait en quelque sorte la maison Nous tions galement obligs davoir des vtements civils, pantalons, vestes, chemises, en plus de nos vtements militaires. Des vtements civils parce que quelquefois on nous disait : Demain matin arrivez en civil ! On arrivait donc le lendemain matin aux points de rendez-vous, tions pris par des camions, amens la gare et le train nous transportait de lautre ct du pays. Ctait surtout pour empcher lespionnage allemand de savoir o on partait. Parfois ctait pour faire des dbarquements comme celui de Boulogne. On nous mettait dans le train la veille, ou deux jours avant, et tions conduits dans le Sud de lAngleterre, pour traverser la Manche. Question de scurit !

    Le Lieutenant Geoffrey Sneezum, alors officier au 12th Devonshire

    Les personnes qui nous logeaient ne savaient pas ce quon faisait, ni o on allait. On ne devait pas parler. Les soldats ne voulaient pas tre renvoys dans leur rgiment ! Surtout pour les avantages de la paye. Je navais pas de femme, pas denfants, je ne fumais pas, je ne buvais pas, donc jai toujours eu assez dargent, mme comme simple soldat ! Aprs le travail, vers 5h on pouvait rentrer la maison pour ressortir en ville, mais nous devions porter luniforme, pour aller au cinma, pour des rencontres avec des jeunes filles... Pas le droit daller en civil !

  • Au sein du commando n1, le jeune commando va tre employ comme chauffeur du capitaine de compagnie parce quil avait dj son permis de conduire, chose rare lpoque, puis aide de camp dun commandant qui, devenu colonel la tte du n6, tentera de lemmener avec lui, sans succs. Sneezum se plaisait bien au commando n1 et il ente ndait bien y rester.

    Groupe de la 6th Airborne Brville le 10 juin 1944. Une contre attaque allemande aura lieu ce mme

    jour. IWM Le Raid sur Bayonne, 4-5 avril 1942. Les exercices dentranement du commando n1 se pou rsuivent en Ecosse : exercices dembarquements et de dbarquements de jour, de nuit, Inveraray, bord de petites embarcations en bois faites pour 12 personnes, que les commandos emmnent partout sur leur dos, de loch en loch, sur 5 10km Les semaines senchanent, de p lus en plus dures, annonant enfin la grande opration tant attendue : Bayonne. Pour le raid de Bayonne, je connaissais vaguement tous les objectifs de ce raid. Mon objectif personnel tait daider un officier britannique qui dbarquait ct de moi. Lui, avait servi dans un e batterie dartillerie dans larme britannique. Alors notre objectif tait de dtruire deux grands canons qui tiraient depuis la cte au nord de la rivire A dour 10 ou 15km vers le large en direction de convois marchands. Ctaient des canons de mme porte que ceux utiliss prs de Calais pour tirer sur lAngleterre. Nous ne sommes pas arrivs cet objectif car notre bateau sest chou sur un rocher, nous empchant davancer et de reculer. On mavait dit, pour essayer de dgager le bateau de sauter leau, ce que tous les hommes embarqus plus de 50 - ont fait. Nous tions tous prts de la plage, une centaine de mtres. On a saut puis essay de redresser le bateau pour remonter bord. Mais le bateau ne bougeait pas de son roche r. Il est minuit ce moment-l. Les hommes sont progressivement repchs puis remonts dans dautres bateaux. Moi, je suis all jusqu la plage, de mon propre gr, pied en marchant sur les rochers. Je fus le seul avoir t sur la plage. Ctait intressant pour moi, car jai vu les 2 canons allemands qui taient positionns dans des tunnels. Ces canons ont tir deux fois sur notre bateau sans le toucher. Les Allemands avaient une autre batterie de canons de lautre ct de lAdour, sur une autre plage. Eux aussi ont tir, avant de sarrter, car un des destroyers qui nous appuyait sest approch de la plage puis a tir sur ces canons. Nous tions pris entre deux feu, de part et dautre de lAdour. Il ny avait pas trop de panique au moment de la mise leau , et je suis all sur la plage.

  • Sneezum sera finalement embarqu avec les siens sur un autre bateau qui en avanant avec la surcharge prenait de plus en plus leau. A nouveau changement de bateau et retour au bateau mre aprs plus dune heure de voyage. Lobjectif une fois terre devait tre une usine qui fabriquait des munitions pour larme allemande. Ce raid a t un chec car notre bateau, qui devait tre le premier dbarquer sest accroch sur ce rocher, ensuite leffet de surprise a t rat, lalerte a t donne. Notre bateau tait guid par un pilote franais, Letourneur. A bord dun petit bate au rapide avec notre colonel, il ouvrait la voie, recevant les ordres. Il dirigeait le bateau vers lAdour, pour remonter ce cours deau jusqu notre objectif prcis. Mais ce ntait pas la faute de Letourneur, mais il sest un peu tromp, cause des courants et de la nuit paisse. Son petit bateau est pass , mais pas le ntre ! Ctait une des raisons de lchec. Les autres Landing Crafts devaient ensuite dbarquer plus loin dans lAdour. Mais cause de notre chec, ce fut lchec de toute lopration qui a t finalement annule. Pour revenir en Angleterre il fallait maintenant remonter vers le Nord, sans se faire reprer. Le convoi sloigne alors vers louest, vers lEspagne. Nous ne risquions riencar je dois vous dire que no tre bateau sur sa coque arborait le drapeau espagnol ! Je ne peux pas oubli ce dtail car cest moi qui avait t charg de faire la peinture de ce drapeau. Jai pass tout laprs-midi sur une planche avec une corde chaque bout de la planche, avec deux boites de peintureet jai peint le drape au espagnol, pour faire croire aux Espagnol que nous tions un bateau de marchandises qui passait ! Le retour en Ecosse, prs de Glasgow sera assez tranquille et les commandos reprennent avec une certaine amertume le chemin de lentranement. Pour la premire fois, en cette anne 1942, des units amricaines se sont jointes aux commandos. A programme des exercices descalade de falaises.

    Carte des DZ de la 6th Airborne et des zones attribues aux Gliders On nous a donn des trs grandes chelles et on sentranait avec des Rangers, ceux-l mme qui par la suite attaqueraient la Pointe du Hoc ! Jtais caporal lpoque et on sest entrans cela. Mettre lchelle dans la barge, dbarquer avec lchelle, la prparer contre la falaise, grimper et attaquer les troupes sur les hauteurs. Je commandais une petite quipe, puis par la suite jai t chang de place. Ils avaient envoy le commando N1 Liverpool. Avant de partir nous avons fait un dernier exercice de course dobstacles et je me suis fractur deux os mon pied gauche.

  • Je boitais et ne pouvant plus marcher ai t envoy lhpital, puis au repos en maison de convalescence pendant quelques semaines. Le Commando tait dj alors parti en Irlande du Nord, puis envoy en Mditerrane pour le dbarquement en Afrique du Nord. Le Commando n1 de Geoffrey Sneezum dbarquera donc sans lui Alger. Il y perdra encore de nombreux camarades, tandis quencore convalescent dans le Dorset, il attend patiemment son tour pour rejoindre son unit en Afrique du Nord. Lieutenant la 6 e Airborne Cest ce moment quon ma propos daller Winch ester pour passer des tests pour devenir officier. Alors jai accept bien sr. A lissue des tests, jai t accept, et jai t envoy au Pays de Galles pour intgrer un Officers Cadet Training Unit (OCTU) o la formation allait durer entre 4 et 6 mois. A la fin de novembre 1943, je passe donc lieutenant au sein du Devonshire Regiment, A Company, 12th bataillon de la 6e division. Dans cette division il y avait 6 bataillons de parachutistes et 3 bataillon aroports, par planeurs. Javais dj fait des sauts en parachutes, javais subi des cours de parachutisme Ringway. Jai fait tout a trs vite car jtais trs apte cela. La 6e Airborne est une nouvelle division, une grosse unit. La 1st Airborne division avait t envoye combattre en Afrique du Nord. La 2e airborne fut envoye en Hollande, puis la 6e fut forme en Angleterre. Le gnral Gale, officier de la premire guerre, trop g pour devenir parachutiste, avait t nomm pour commander les 5 bataillons de parachutistes britanniques, le bataillon de parachutistes canadiens et les 3 bataillons aroports : le 2e bataillon Oxfordshire and Buckinghamshire Light Infantry, le 1er bataillon irlandais du Nord et le 12th bataillon, Devonshire Regiment,

    Stick dune compagnie de Pathfinders Britanniques senvolant pour la Normandie le 5 juin au soir.

    IWM Je commande un platoon (section) de 36 hommes, le 9e platoon de la Company A. Il ny avait que des nouveaux ! Beaucoup taient des jeunes recrues, des anciens blesss rcuprs. On effectue alors un dur entranement sous la conduite de notre colonel Stevens. Il sera avec nous en Normandie, mais pas en Allemagne o il avait t remplac par le colonel Gliddell. Jaimais beaucoup ce colonelEn revanche, le commandant qui commandait n otre compagnie, tait zro pour moi ! Les autres jeunes officiers qui commandaient les autres platoon taient sans vritable exprience ! Tous ont t tus soit en France, en Belgique ou en Hollande ! Je reste le seul avoir commenc en novembre 1943 jusqu la fin de la guerre !

  • Sneezum et ses hommes sentranent au nord de Salisbury, puis dans le Devonshire, pour des exercices dattaque Ils vont dcouvrir leurs objec tifs en Normandie une semaine avant le dbarquement. La veille dembarquer, rassembls dans un grand champ, les hommes du platoon Sneezum sont aux cts des parachutistes qui vont sauter entre minuit et 3 heures du matin. On savait cet instant quon nallait pas partir l es premiers, on tait tranquille. Ces parachutistes qui ont saut 3 heures du matin ont quitt le campement 23h, et minuit ils taient tous dans les avions. On avait des radios et on savait que le dbarquement avait dj commenc. Nous avons eu un petit djeuner et on a t envoys vers un arodrome. L on nous a montr nos planeurs et on nous installs dans un hangar. Il y avait l un service de ravitaillement : des femmes sont venues avec des camions, des gteaux, du th, des cigarettes. J tais dans la salle des officiers qui eux aussi avaient des radios, et donc javais t mis au courant que le Pont-pgase avait t pris ! On est partis finalement en dbut daprs-midi dAngleterre pour arriver en fin daprs-midi au sud de Ouistreham.

    Linfanterie parachutiste et aroporte de la 6 e Division aroporte britannique le 6 juin 1944

    3e Brigade parachutiste

    - 8th batallion, Parachute Regiment - 9th batallion, Parachute Regiment - 1st Canadian Parachute Regiment

    5e Brigade parachutiste

    - 7th batallion, Parachute Regiment (Light Infantry) - 12th batallion, Parachute Regiment (Yorkshire) - 13th batallion, Parachute Regiment (Lancashire)

    6e Brigade aroporte

    - 12th batallion, Devonshire Regiment - 2nd batallion , Oxfordshire and Buckinghamshire Light Infantry - 1st batallion, Royal Ulster Rifles

    Prisonniers de la 716 infanterie Division achemins vers larrire des lignes Britanniques le 6.6.44 IWM

  • D Day Latterrissage de la 6th Airlanding Brigade tait prvu en fin daprs-midi du Jour J, sur la zone N (au Nord de Ranville) et celle dgage louest du canal jusqu Saint-Aubin dArquenay, la zone W. Le platoon de Sneezum fait alors partie de la seule compagnie du 12e bataillon qui arrivera en Normandie le 6 juin. En effet le reste du Devonshire Regiment arrivera par mer le 7 juin vers 6h du matin. Avec la compagnie A, la section de Sneezum est intgre la Parker Force forte de 600 hommes, qui rassemble une compagnie dinfanterie (A Company) avec 4 jeeps, une compagnie de reconnaissance et une batterie dartillerie. Une fois en Normandie, ce groupement tactique doit couper la voie ferre Mzidon-Cagny et la nationale 13 Caen-Paris, enfin localiser les lments de 21e Panzer Division allemande. Cette mission doit durer 3 jours au terme de laquelle la compagnie A devra tre rapatrie en Angleterre, donc, vers le 9-10 juin. Pour lheure en cet aprs-midi du 6 juin, avec sur eux 3 jours de rations, les hommes de la compagnie A doivent se concentrer sur leur objectif n1 : La prise du Pont-Pgase ! Mais celui-ci avait dj t pris. Geoffrey Sneezum le savait avant de partir ! Avant de quitter lAngleterre, il savait aussi que les Allemands contre-attaquaient et risquaient de reprendre rapidement les deux ponts. Le 9e platoon fut donc envoy, avec toute la compagnie pour reprendre ces objectifs . Chaque platoon prit place dans un seul planeur : les 4 platoons dans 4 planeurs et les headquarters des compagnies dans 2 autres planeurs. Il est 18h50 sur la base de Brize Norton, lorsque Geoffrey Sneezum prend place dans son planeur Horsa au sige n3, derrire ses deux pilot es. Derrire lui, ses 26 hommes attendent dsormais le dcollage. Les 3 heures de traverse vont seffectuer de jour et par beau temps sans aucun incident majeur. Tout le monde est bien arriv, mais nous avons t obligs de dbarquer au milieu des poteaux mis en place par les Allemands ! Et on ne staient jamais entraner cela, car on nous avait toujours di t que les poteaux seraient enlevs. Il devait y avoir des Franais qui auraient d le faire, mais cela n e la pas t. Des Anglais aussi devaient sy employer, notamment les pathfinders ! Latterrissage des planeurs a t trs dur cause de ces poteaux ! Je croyais que le pilote de notre planeur allait choisir un autre champ que celui sur lequel on allait atterrir ! Tous les hommes de mon planeur ont t blesss, sauf moi ! Javais fait beaucoup de dbarquements dans les commandos et je savais que la meilleure chose faire, une fois arriv, tait de dgager le plus rapidement possible. Alors ds que le planeur est arriv, jouvre la porte et saute terre. Je regarde derrire et vois un autre planeur qui arrive juste derrire Il heurte alors le haut de l a queue de notre planeur, soulve le fuselage, et tous mes hommes debout lintrieur, qui venaient juste denlever leur ceinture de scurit, tombent tous ensemble ! Jai vu a de dehors et je ne pouvais ri en faire ! Les planeurs atterrissent plus de 100 km/h ! Tous ont t blesss, alors que tous taient prts descendre. Certains avaient des nez casss, les dents brises

    Aprs midi du 6 juin 1944. Les planeurs Horsa de la 6th Airlanding Brigade ont atterri dans les environs de Ranville. IWM.

  • Il est 20h50 environ. Le planeur de Sneezum stait pos prs de lglise de Bnouville, sur la commune de Saint-Aubin dArquenay. En tant que planeur n1, lavion avait en se posant laiss son sillage au milieu des obstacles non mins. Les pilotes suivants qui devaient leur tour poser leur planeur sur cette zone choisirent tout naturellement de suivre cette trace, do un certain entassement en fin de course. Il ny eut heureusement aucune perte parmi le platoon 9 de Sneezum qui se tient alors prt partir. Sneezum reut lordre dattendre puis slana vers Bnouville. Lorsquil parvient la hauteur de lglise et du cimetire, il y a beaucoup de monde lentre de lglise, des brancards et des blesss arrivant de partout. Jesprai parler un mdecin ou quelquun qui au rait pu me renseigner, mais je nai vu personne ! Alors je suis all taper une porte chez un civil, jai tap la fentre, mais personne nest venu. Jai donc tourn vers ma gauche en direction du pont. Le major Howard tait encore l et le caf tait rempli de blesss. On dit toujours une chose qui plat aux Franais : que madame Gondre avait dchir des draps pour faire des pansements, et je pense sincrement que cest vrai. Au bord de la route il y avait une vingtaine de blesss et les premiers morts, dont le premier tu sur le pont, le Lieutenant Brotheridge Au pont il fallait maintena nt attendre, mais jtais enfin arriv mon premier objectif et avec tous mes hommes, mme ceux qui boitaient. On a encore attendu l-bas une vingtaine de minutes avant de minformer que le gnral Gale tait arriv Ranville et quil souhaitait que je le rejoigne. Combats Ranville Les parachutistes traversrent alors le pont de Bnouville, dcouvrant les planeurs sur leur droite et un foss lintrieur duquel des blesss attendaient dtre vacus vers les plages. Arrivs au carrefour de Ranville l o il y a aujourdhui un e plaque qui commmore laction du colonel Luard et le 12me bataillon de parachutistes Sneezum reoit lordr e du gnral Gale de gagner le cimetire de Ranville. Il est environ 23h00.

    A lintrieur de Ranville,non loin de lglise, les hommes de la 6me Brigade ont creus leur Fox Holes. Il faudra tenir la rive droite de lOrne et empcher toute contre attaque menaant la tte de pont sur Sword Beach IWM

  • L, au cimetire de Ranville, jai divis mes hommes en trois sections, pour cerner lglise sur trois cts. Nous avons fait les premires tranches la lisire de ce qui est aujourdhui le cimetire militaire, ctait lpoque des champs ! Des trous pour mettre des mitrailleuses. Ces trous ont reu par la suite les tombes des premiers soldats enterrs Ranville. Le capitaine Strafford, avec qui javais t lcole, tait employ par le gnral Gale, comme il parlait franais, pour nouer des relations avec la mairie de Ranville, et notamment pour linhumation de nos soldats dans la commune. Quant au gnral Gale, il est rest une semaine au chteau de Ranville avant que son mdecin ne soit tu ses cts pendant quil oprait. Se sentant expos aux tirs allemands, il est parti avec sa division dans les quartiers entre Amfreville et Ranville, dans les carrires de lEcarde. Geoffrey Sneezum installa ses Bren Guns autour de lglise, car le danger menaait. En effet les Allemands, avant le dbarquement, staient installs dans beaucoup de chteaux et Ranville occupaient trois grosses maison du bourg. A lannonce de latterrissage des premiers planeurs, ils taient venus attaquer les parachutistes qui taient dans le cimetire civil. Ils avaient entendu parler dun avion qui avait atterri au pont Pgase et ils taient venus pour capturer lquipage. Il y avait eu un engagement avec les parachutistes. Ils avaient un char et ils ont t obligs de faire demi-tour car ils avaient malgr tout perdu, face aux parachutistes, une demi-douzaine dhommes. Lorsque jarrive avec mon peloton de 36 hommes je prends position autour de lglise car les Allemands allaient srement revenir. En haut du clocher de lglise, le gnral Gale avait install deux sentinelles avec comme instructions de me prvenir en cas dapproches dAllemands. Mais avant que je ne monte leur rendre visite ils taient descendus. La tour avait dj t touche par les obus et ils avaient trouv trop dangereux de rester dans ce poste. Jtais mcontent, mais ces deux hommes sont rests avec moi jusqu la fin de la guerre. Finalement la contre-attaque allemande sest produite le 9 juin, mais jtais dj parti sur Hrouvillette.

    6 Juin 1944. Les hommes de la 5th Airlanding Brigade ont investi Benouville dont le clocher a t trs endommag, probablement par crainte des snipers dissimuls dans tous les points elevs du bord du Canal de CAEN. IWM De Hrouvillette Honfleur Le 7 juin, midi Sneezum et sa section sont en eff et envoys Hrouvillette avec lordre de pousser jusqu Escoville. Devant eux les Ox and Bucks Ligh t Infantry ont dj quitt le Pont Pgase pour aller sur Escoville. Ils ont eu des blesss Escoville, quils ont aussitt installs dans le chteau. Ce chteau, cible dune attaque allemande laprs-midi du 7 juin dut rapidement tre vacu. La section Sneezum fut donc appele pour se mettre en position dfensive tout prs de lglise dHrouvillette.

  • Cest Hrouvillette que jai eu des contacts avec des civils Jai t trs du de la rception des Franais. Lexemple est celui dune ferme dans laqu elle je suis all. Jy ai aperu un homme, srement le fermier. Je suis all dans la cuisine, derrire, frapp la porte et une femme est venue, pas contente, me dire quil ny avait pas dhomme ici. Je lui ai dit que javais vu un homme mais elle ma ferm la porte au nez. Je suis revenu avec deux soldats, ai refrapp la porte. Je me suis fait engueuler, mais jai insist. Jai fouill la maison et jai dcouvert un homme qui lui aussi ma engueul me disant quil tait chez lui. Je lai emmen avec moi le menaant de mon fusil. Ctait sa ferme en effetEt dans cette ferme on a retrouv, en fouilla nt, du matriel allemand quil stockaitJy ai trou v aussi du matriel anglais, qui avait t largu par les parachutes, quil avait rcupr et quil cachait. Voil la raison quil avait de se cacher et de me m entir ! Jai vit les civils dune manire gnrale, car je me mfiais quand mme. Mais les Franais eux-aussi nous vitaient ! Nous avons progress de village en village jusqu Honfleur. A Honfleur nou s avons attaqu vers minuit, aids par les pompiers de Trouville. Nous sommes rests deux nuits avant de continuer vers Berville, prs de Tancarville. Nous avons t pour la premire fois trs bien accueillis et reus Honfleur. Tout le monde tait content. Ici les gens ne savaient pas si on allait rester. A Honfleur la bataille tait joue et la mme semaine Paris tait captur, le 24 aot ! Le Retour en Angleterre A cet instant Geoffrey Sneezum et ses camarades sont repartis vers lAngleterre, par le port dArromanches. Destination Southampton o les parachutistes sont accueillis leur descente par la musique militaire du rgiment du Devonshire! Cest en train puis par camion quils vont retrouver les baraquement quitts quelques semaines auparavant. Le premier travail, une fois revenu dans ces bases, tait de remplacer les pertes de la Normandie. Chaque compagnie avait perdu au moins 50 de ses hommes tus ou blesss en Normandie. On t incorpors les rserves sur place quil fallait maintenant les former. Geoffrey Sneezum est toujours la compagnie A, accueillant et encadrant de nouvelles recruesLentranement allait durer ainsi jusquau mois de dcembre 1944. La campagne de Belgique Lentranement restait classique, apprendre march er, progresser, creuser des tranches trs vite, etc Des choses simples, mais de faire cela a vec des centaines dhommes, cest plus difficile !A la fin du mois de dcembre 1944, on apprend quon part en Belgique. Nous sommes arrivs en Belgique le 25 dcembre, cest facile se souvenir. Avant on a attendu pendant une semaine Boulogne ou Calais que des camions viennent nous chercher. On en avait marre dattendre, moi le premier. Le 24 on me donne lordre de faire route vers Dinan sur la Meuse, pour y tre vers midi. De village en village on atteint Dinan, avec un peu de difficults, en fin daprs-midi le 25. Les Allemands venant de lEst taient parvenus eux-aussi Dinan au mme moment. Il ny a pas eu de bataille le 25, mais le 26 cela a commenc. Les Allemands sont venus avec des chars prcds de motos pour vrifier le terrain. Nous avons travers la Meuse le 26 pour faire des positions dfensives. La bataille a commenc par une attaque de laviation britannique sur un bois o taient cachs les chars. Les Allemands se sont retirs en laissant plusieurs chars, faute dessenceils attendaient de lessence qui nest jamais arrive. On poursuit vers lEst et puis on apprend quun bataillon de la 101e amricaine qui avait occup Bastogne a t fait prisonnier. Nous tions alors envoys pour obliger les Allemands se retirer. Nous avions trs peu de ren seignements au niveau de la Compagnie. Tout cela tait un peu confus. Dautant plus que les Allemands se faisaient passer pour des Britanniques en squipant de tenues prises sur nos prisonniers et nos morts. Ils staient alors infiltrs dans notre secteur. Nous tions vraiment dans une bataille trs mystrieuse et on ne savait pas si on gagnait ou au contraire si on perdait la bataille actuelle. Mes soldats et moi-mme tions trs inquiets en Belgique. Geoffrey et ses hommes vont rester en Belgique jusquau dbut de fvrier, avant dtre renvoys en Angleterre, o ils allaient une nouvelle fois retrouver leurs baraquements, prs de Salisbury. La campagne dAllemagne Les oprations au dessus de Allemagne eurent lieu le 25 mars. Les parachutistes avaient dj saut, les divisions US galement, lEst du Rhin. Sneezum tait programm pour sauter avec sa section prs dune ville aprs Wesel, prs du Rhin. Son objectif tait la gare dun village aprs Amminkeln. Mais il ny arrivera jamais !

  • Nous sommes pourtant partis dun arodrome au Nord de Londres, le 24 mars 1945. Ce jour-l, avec mes 28 hommes, je prends position dans mon planeur, et on attend dtre remorqu par lavion. Jtais toujours sur le sige n3 derrire le pilote pour voir le dpart derrire le pare-brise. Nous sommes partis sur la piste. Il faut que le planeur parvienne 100km/heure pour quil se soulve. Le planeur se lve comme prvu, mais notre avion qui nous remorque narrive pas lui dcoller ! Alors imaginez sur notre petit arodrome militaire, dans notre planeur derrire ce bombardier, charg de bombes ! Au lieu de continuer, lavion a lch le cble. Alors videmment nos pilotes qui navaient jamais fait a en entranement ont t un peu surpris, et ils ont dcid de ne pas continuer tout droit cause des bombes Ils ont tourn droite et moi j ai suivi le mouvement Devant nous sur une butte, une range darbres, nous survolons alors la priphrie de larodrome. Les pilotes ont choisi le meilleur emplacement, mais en heurtant la butte, les roues du planeur ont travers le plancher en bois devant moi. Le planeur, ralenti, a pu simmobiliser, mais en morceaux. Tous mes hommes taient secous, mais on a pu tous sortis du planeur. Lavion quant lui a pu dcoller, a fait deux tours avant datterrir, un deux ses moteurs ne marchait pas. Nous devions sauter vers 3h du matin en Allemagne et nous sommes rests dans ce champ jusqu midi quand on est venus nous chercher pour revenir sur larodrome. Aussitt tous les hommes sont vus, soigns. Tous taient dus mais finalement ravis dtre sortis sains et saufs de cette accident. Il fallait trouver maintenant un autre planeur, et un autre avion galement. Mais tous les bombardiers taient cet instant employs. Ce nest que le lendemain, quun nouveau planeur, qui venait dtre rpar fut fourni lquipe Sneezum. De nouveaux pilotes davions lui furent galement prsents et semblaient faire laffaire, mme si visiblement, ces volontaires frachement sortis des bureaux, navaient jamais tir de planeurs On a pu finalement repartir, traverser la Manche, mais cette fois-ci de nuit. On a survol le Rhin, mais mon objectif avait dj brl, et il y avait tant de dgts que ctait devenu trs compliqu datterrir. Je savais que si un pilote de bombardier ne pouvait pas lcher ses bombes lendroit prvu, il devait le s ramener larodrome en Angleterre. Nous avons donc fait demi-tour vers la Belgique. Sur le rcepteur on lui dit de me ramener en Angleterre, toujours en planeur. Ce ntait pas moi qui commandais, alors jai accept la dcision. Mais pour le retour on tait face au vent du Nord , et on commenait manquer dessence. Il nous a alors lc h au dessus de la Manche. Les pilotes ont alors dcid de gagner la plage de Folkestone. A ct de ce lieu il y a une piste datterrissage utilise pour les avions en panne ou en difficults. Les pilotes taient inquiets, mais on a pu parfaitement se poser. Voil nous tions arrivs Folkestone. Jy ai pass deux nuits nuit avant dtre remis en route vers Salisbury.

    Panzer IV Ausf Lang de la 21me Panzer Division. Il sagit dun blind appartenant au Pz Rgt 100 IWM

  • La fin de la campagne dAllemagne et le retour en A ngleterre La section de Sneezum est dirige nouveau vers Fo lkestone, avant de traverser la Manche pour retrouver la bataille. Une semaine de la bataille tait dj passe, mais durant cette semaine la compagnie A avait dj perdu plus de la moiti de ses hommes, bless et tus. Sneezum arrivait donc avec du renfort, une trentaine dhommes environ. A leur arrive, ce sont des hommes vraiment fatigus et des pertes considrables qui frappent les nouveaux venus. Le moral tait bas. Le 9e platoon est alors envoy de ville en ville, pied, Hanovre, vers Hambourg, Lbeck, Wismar, Rostock. Je ne suis jamais arriv Rostock mais jtais entre Wismar et Rostock. Quand jarrivais dans un village je choisissais la maison la plus propre, je minstallais et dcouvrais les photos de familles, les dcorations, lintimit des maisons Je suis pass Bergen-Belsen, parce quen allant vers lest, les Allemands ne voulait pas une bataille au milieu dun camp o il y avait 20 0000 prisonniers, peut-tre, et ils nous avaient laiss occuper cette zone. Je ne parlais pas allemand et je nai pas pu me renseigner auprs des prisonniers. Il y avait essentiellement des Juifs de toutes les nationalits. Mais je ne me rendais pas compte de lampleur du drameC es dtenus navaient notre encontre aucune raction, ils ne parlaient pas, ils avaient faim, mais nous napportions pas de nourriture. Lorsque la fin de la guerre arrive, Geoffrey Sneezum se trouve entre Wismar et Rostock. En arrivant l-bas une ide folle lui vint alors lesprit : Je voulais prendre un bain dans la Mer Baltique. Vous comprenez, javais t coul dans la Manche entre lAngleterre et la Normandie, javais t coul dans le Golfe de Gascogne, pourquoi pas essayer la Baltique En mai leau tait froide ! Ctait le bout de mon voyage, ctait la fin de la guerre. Le 4 mai 1945 jai reu un message important quil fallait que je dise tous mes hommes : il ne fallait plus tire r un seul coup de feu, surtout ma-t-on dit pas sur un uniforme russe ! Parce que si on tirait sur un Russe, on risquait de commencer une nouvelle guerre ! Voil les trois phrases que je devais dire. Les Rus ses et les Anglais sont arrivs en mme temps Wismar. Jai rencontr les Russes sur la Baltique. Ma plus grave des blessures que jai alors reue ce fut la vodka ! Mais les Russes se sont installs Wismar.

    Les pertes du 12 e Bataillon Devonshire Regiment - 1944-1945

    177 soldats tus. 164 hommes sont enterrs en Europe

    Tus en Normandie (D Day-bataille de Normandie) 67 hommes : 41% des pertes totales juin 1944 : 38 morts (3 tus le 6 juin, 12 tus le 12 juin) juillet : 6 morts aot : 23 morts Tus en Allemagne 82 hommes : 50 % des pertes totales Pays-Bas 8 hommes : 4,8% des pertes totales Belgique 7 hommes : 4,2% des pertes totales Goeffrey Sneezum reviendra en Angleterre, aprs une semaine passe lhpital de Lbeck, pour une blessure au pied. Revenus par avion, via la Belgique, il part en permission en juin 1945 pour deux semaines. La guerre tant termine, il aurait d rester chez lui. Mais on lui propose cet instant de devenir instructeur, ce quil accepte. Il restera dans larme jusquen 1948. Geoffrey termine ainsi sa carrire militaire en devant instructeur dans les explosifs de dmolitions. Je ne souhaitais plus rester ni dans les parachutistes, ni dans les commandos, car jaurai t envoy en Palestine ou au Pakistan, a ne me plaisait pasjai prfr quitte r. Au service des cimetires britanniques En 1948, aprs deux annes de formation agricole et horticole, payes par le gouvernement britannique Geoffrey Sneezum prend un nouvel lan. Il va avoir 30 ans et pense son avenir. Il se marie Colombelles en 1948 avec une jeune femme qu il croyait facilement ramener dans son pays, en Angleterre. Je croyais que ma femme allait venir avec moi en Angleterre, mais elle prfrait rester en France pour voir ses enfants et garder son poste de directrice dcole maternelle Colombelles.

  • Javais rencontr cette femme qui tait la fille dune femme qui soccupait des tombes britanniques dans les cimetires militaires, notamment Ranvill e. Il ny avait pas de services britanniques lpoque pour les cimetires et ctait des femmes et des hommes de Ranville qui soccupaient des tombes. Ma future femme tait veuve dun mari perdu en 1944, avec trois enfants, et je me suis mari avec elle. Je suis revenu la premire fois en Normandie aprs la guerre en 1946. Et depuis je suis toujours venu Ranville le 6 juin. Je suis toujour s aujourdhui trs attach ce dbarquement. Tout allait mal, le temps, le moral, tout tait compliqumais cela a finalement march Propos recueillis par Stphane Simonnet et disponib les lcoute au Mmorial de Caen

    Le Lieutenant Geoffrey Sneezum en 2005 loccasion des journes du forum

  • ARME ALLEMANDE Le camouflage des casques dacier de la Heer (1)

    INSIGNES AMRICAINS Les insignes maills dunit de lUS Army (2)

    ARMES BLANCHES Les fusils et baonnettes 1891 rutiliss par lAllemagne 1914-18

    NORMANDIE Un soldat du Rgiment de la Chaudire en Normandie, Rosaire Gagnon 1920-40

    INSIGNES FRANCAIS Du groupe de Commandos de France au 3e bataillon de Choc

    1914-1918 La tunique du soldat allemand, 1914-18, 5-la Feldrock simplifie 1907/15

    AVIATION Le 303rd Bombardment Group de la 8th Air Force, 1-1942-1944

    ARMES BLANCHES ALLEMANDES Le couteau de chasse des tireurs

    ARME AMERICAINE Le tabac du soldat amricain (2)

    Le numro 269 de Militaria Magazine proposera en Dcembre 2007 un numro largement consacr au Rgiment de la Chaudire en Normandie, dans lequel sera relats le parcours du Sergent Rosaire Gagnon. A noter que le trooper figurant sur la couverture nest autre que lun des membres de notre forum.

    BATAILLES ET BLINDES N 22 PHILIPPE LECLERC

    Leclerc : se commander soi-mme Lpope de la 2e DB et les images inoubliables de la libration de Paris en aot 1944 ont fait du gnral Leclerc un hros populaire de lHistoire de France, toujours prsent dans la mmoire collective des Franais plus dun demi-sicle aprs la fin de

    la Seconde Guerre mondiale. Au-del de limage emblmatique du Paladin de la France Libre figure la carrire hors du commun dun dofficier dActive entame au sortir de la Grande Guerre. Cest sous cet aspect, gnralement mconnu, que nous avons fait le choix de prsenter au lecteur une personnalit hors du commun, dont on peut dire que la destine militaire nest en rien le fruit dun simple hasard.

    -18 juin 1940 -"Trois" de la 350e Millanay -Afghanistan Les btes de guerre -Le 132e Reggimento Carri, de la Lybie lIrak -La garde meurt mais ne se rend pas -GER XV, les lgrets dun atelier lourd

  • Le 11 mai 1940, la Belgique stupfaite apprend une terrible nouvelle: les Allemands consolident leurs ttes de pont sur

    le canal Albert, aprs avoir rduit au silence, et ce en quelques minutes, les canons de l inexpugnable fort dEben-

    Emael. Une question vient alors sur toutes les lvres: comment ont-ils fait ? Leffet psychologique est foudroyant,

    dsastreux et la surprise, complte. Cest qu Eben-Emael, protg par la Meuse et le canal Albert, ouvrage rcent,

    figurait parmi les forts les plus modernes dEurope, tandis qu la troue de Maastricht, les ponts qui enjambent le canal

    Albert ont, en tombant intacts dans leurs mains, ouvert aux Allemands les portes du pays jusqu la Li gne K-W, entre

    Anvers et Namur.

    Aprs la Premire Guerre mondiale, lchec des tentatives dentente entre les Pays-Bas et la Belgique avait laiss

    bante la troue de Maastricht, peine dfendue par les Hollandais. Un canal, creus le long de la frontire nord-est de

    la Belgique, permettrait de renforcer la Meuse au nord de Lige, de former une dfense naturelle hau teur de lenclave

    de Maastricht et de complter les canaux campinois. Les arguments formuls par le lieutenant-colonel Fontaine en 1905

    en vue du renforcement de la dfense dAnvers nallaient-ils pas dj dans ce sens ? Toujours est-il que, lorsquen 1927

    la Belgique cre la Commission Nationale des Grands Travaux, ce mme officier en est membre. Le secrtaire gnral en

    est J. Baudoux, professeur lEcole Royale Militai re et le commandant Gilbert y reprsente la Dfense nationale.

    Ainsi donc, des plans sont tablis et des tudes du canal ralises du point de vue militaire (dfense, destruction ... ).

    Lintrt stratgique du canal se trouve renforc vers 1930 par lvacuation de la zone doccupation du Rhin et les

    premires victoires lectorales nazies alors que persistent la faiblesse de la dfense nerlandaise et la ncessit de

    couvrir Anvers. Quand en 1936 un discours du Roi confirme le retour la neutralit, la problmatique de la dfense

    revient au centre des proccupations avec la marche ascendante du cycle des annexions et conqutes du nazisme.

    En 1939, le plan de dfense est de dtruire les ponts du canal Albert et dy retarder lennemi jusqu loccupation de

    positions de couverture tenir absolument jusqu larrive des garants britanniques et franais sur la Ligne K-W,

    intervention extrieure que lon ne demandera quaprs avoir constat lagression allemande. Alors, larme belge elle-

    mme se repliera, en cas de dbordement des dfenses, sur la mme ligne entre Anvers et Louvain, les secteurs

    Louvain-Wavre et Wavre-Namur devant tre tenus respectivement par les Britanniques et les Franais.

    Une rsistance de trois quatre jours sur le canal Albert est indispensable mais thoriquement possible, les Allemands

    devant alors tre freins dans leur progression en territoire hollandais par la destruction des ponts de la Meuse et du

    canal Juliana.

    UN FRONT TROP LONG.

    La dfense du canal Albert hauteur de Maastricht est confie la 7me division dinfanterie, commande par le gnral

    E. Van Trooyen. Forte de 16.600 hommes, elle se dploie sur un front de 19km, trois fois suprieur la ligne de front

    que pourrait normalement tenir une telle division. Au nord, le 2me Carabiniers (ponts de Veldwezelt, Briegden et Gellik);

    au centre, le 18me de Ligne (pont de Vroenhoven); au sud, le 2me Grenadiers (Kanne, Ternaaien et Klein-Ternaaien) et

    le fort dEben-Emael. Malgr la protection de la Meuse et du canal Albert, ce front reste trop long dun bon tiers, alors

    que Maastricht est le ventre mou de la dfense belge, le canal ne passant qu quelques centaines de m tres derrire la

    frontire.

  • Positions de la 7me D.I. au Canal Albert le 10 mai 1940

    1 - Tte de pont allemande

    2 - Limite entre la 4me et la 7me D.I.

    3 - Limite entre les rgiments de la 7me D.I.

    4 - Limite entre la 7me D.I. et le 3me Corps dArme

    La 7me D.I. nest pas responsable de la destruction des ponts. Des units spciales en sont charges depuis 1934. Elles

    sont sous la responsabilit du major Jottrand, commandant dEben-Emael, et du commandant Giddelo, des Cyclistes-

    Frontire; lordre de destruction pouvant tre donn diffrents niveaux. Les ponts, mins en permanence, sont munis

    de systmes pyrotechniques, parfois doubls par des circuits lectriques de dclenchement. Chacun est gard par un

    bunker avec une arme antichar, deux mitrailleuses et un projecteur, gard par un sergent, deux caporaux et neuf

    soldats. Ces bunkers sont au nombre de 22.

  • Le fort dEben-Emael est un des plus modernes dEurope. Couvrant 75 hectares, il est idalement plac pour constituer

    une position fortifie dartillerie, capable de protger par le feu, tous les ponts sur la Meuse et le canal Albert entre

    Maastricht et Vis. Son effectif organique est de 1.200 hommes, rpartis en deux groupes de 500 artilleurs se

    remplaant et 200 techniciens. Il mets en uvre deu x batteries. Lune sert les coupoles et casemates disposes sur la

    superstructure du fort: une coupole deux canons d e 120mm dune porte de 17.5km, deux coupoles deux canons de

    75mm dune porte de 11km et quatre casemates comprenant chacune trois canons de 75mm, tir rapide, d iriges sur

    Maastricht et Vis. Lautre batterie sert une srie de blocs, bunkers de dfense avec douze canons antichar de 60mm,

    ayant une porte de trois km, des mitrailleuses et projecteurs. Protg par la tranche de Kaster (1300m de long sur

    une profondeur de 65m), le Geer, un systme dinondations volontaires, et un plan deau entre le bloc II et le canal Al-

    bert, le fort est inexpugnable pour un attaquant terrestre.

    Un planeur allemand DFS 230 en partie dchiquet prs du pont de Vroenhoven

    Lintrt des Allemands pour ces constructions est vident. Les services franais craignaient mme des infiltrations par

    des ouvriers ou par la participation de certaines entreprises dOutre-Rhin. A la veille de lattaque, les terres cultivables, le

    long du canal, sont couvertes de crales qui gnent la visibilit depuis certaines positions. Ces dernires ne sont gure

    entretenues depuis le dernier hiver. Le camouflage est imparfait, certains ouvrages sont inachevs ou en ruines. Les

    lignes tlphoniques, non enterres, sont dans un tat lamentable.

    La prparation au combat de la 7me D.I. nest pas idale non plus. Aprs une longue mobilisation, le moral est bas et

    lindiscipline courante. Environ 80% des cadres sont constitus de rservistes insuffisamment instruits. Beaucoup sont

    francophones, alors que la troupe, recrute dans le Brabant, est en majorit dexpression flamande. Par souci

    dconomie nationale, entre autres raisons, leffectif a t rduit de 16% par le dpart de nombreux permissionnaires.

    Quant larmement, il est parfois incomplet: le 18 me de Ligne, notamment, a d prter un centre dinstruction une

    partie de ses armes automatiques et ne pourra les rcuprer temps.

    BLITZKRIEG

    Les Allemands nont pas sous-estim lobstacle: il faudra prendre en mme temps les ponts et le fort dEben-Emael.

    Outre le choc et la rapidit, linnovation tactique et technique sera ncessaire pour vaincre. Afin dassurer lavance des

    chars et de linfanterie en fonction de la rapidit et de leffet de surprise, des troupes aroportes par planeurs seront

    dbarques prs des objectifs, savoir les ponts de Veldwezelt, Vroenhoven et Kanne, ainsi que le fort dEben-Emael.

  • Les petits groupes destins la phase arienne de lopration subissent un entranement long et soutenu, des

    rptitions jusqu obtention de lautomatisme, notamment sur des fortifications tchques. Le groupe Stahl attaquera

    Veldwezelt, Beton Vroenhoven, Eisen Kanne et Granit Eben-Emael. Au total, 350 hommes pour 42 appareils. Ils sont

    chargs de prserver les ponts, de rduire au silence les canons dEben-Emael en attendant la rue des 3me

    et 4me Panzerdivisionen et de la 20me division motorise. Le jour de lattaque, cent volontaires en civil ou en

    uniforme nerlandais effectueront les reconnaissances et les sabotages ncessaires aux ponts de Maastricht.

    Les soldats du 151me Infanterie-Regiment et du 51me Pionierbataillon viendront largir la tte de pont tablie

    Kanne et achever de neutraliser le fort. Pendant ces combats, les avions du 4me Fliegerkorps bombarderont les

    arodromes et les voies de communication, pendant que ceux du 8me soutiendront la progression des forces

    terrestres.

    Le pont de Kanne sauta temps. Photo prise le lend emain ou surlendemain. Des civils traversent le canal sur

    des pontons

    Comme on le sait, lordre dattaque est maintes fois donn puis annul entre le 3 septembre 1939 et le 9 mai

    1940. Mais, dans la nuit du 9 au 10, les conditions climatiques sont excellentes. Pour favoriser leffet de

    surprise et la rapidit des oprations, Hitler attaque sans dclaration de guerre pralable. Mais les

    avertissements du colonel Goethals, attach militaire Berlin, ont t entendus Bruxelles. Le 9 mai, minuit,

    larme belge est en tat dalerte. Le 10, trois heures du matin, les positions de combat sont occupes, non

    sans difficults parfois. Aux Affaires trangres, les ministres Pierlot, Spaak, Janson et Denis sont runis avec

    le secrtaire du Roi et l Auditeur-Gnral. Le premier message concernant lattaque leur parvient quatre

    heures. Laide de la France et de la Grande-Bretagne est demande. Le Plan Dyle est mis en uvre sept

    heures.

    Lattaque arienne contre les arodromes est une catastrophe pour la Belgique. Les meilleurs appareils sont

    dtruits et ceux qui restent sont des proies faciles pour les Messerschmitt 109, mieux arms et plus rapides. La

    Belgique sattendait une attaque horizontale , elle sera verticale: cinq heures, 62 avions belg es sur 183

    sont hors dusage. Ensuite, les Stukas, quips de sirnes, brisent les communications et sment la panique

    par des bombardements intensifs. Toute contre-attaque est impossible, dautant plus que les lignes

    tlphoniques sont dtruites et que les liaisons radio nexistent pas en dessous de lchelon bataillon. Des

    mannequins parachuts derrire les lignes belges contribuent lnervement puis la panique.

  • Cette dernire se rpand chez les civils qui vivent toujours dans le souvenir de la dernire guerre. Les routes

    sont encombres par les colonnes de fuyards.

    LA SURPRISE

    Au Canal Albert, la dfense belge sera totalement surprise. Des trimoteurs Ju 52 ont dcoll des environs de

    Cologne, remorquant les planeurs chargs de soldats. Le dernier dcollage a bien lieu vers 3h40. A 2.500m

    daltitude, au-dessus dAix-Ia-Chapelle, les amarres sont largues: les planeurs glissent silencieusement dans

    lobscurit et arrivent 300m du but vers 4 h 30. Durant lopration, le cble de remorquage du Leutnant Witzig,

    charg de lattaque sur Eben-Emael, se rompt. Il narrivera sur le thtre des oprations que quelques heures

    aprs, alors que ses hommes ont dj agi comme une mcanique bien huile.

    Au sol, dsorients par un ennemi tomb du ciel, ne sachant sils doivent ou non appliquer les consignes

    assez ambigus de destruction, les soldats belges - cyclistes-frontire et dtachements de la 7me D.I.. -

    hsitent, puis sont contraints de se replier dans les bunkers. Les portes en sont forces la grenade , au

    lance-flammes mais surtout aux charges creuses.

    Dans le mme temps, la caserne de Lanaken est bombarde et le central tlphonique dtruit. Le

    commandant Giddelo, responsable du sautage ventuel des ponts de Briegden, Veldwezelt et Vroenhoven, gt

    parmi les morts. Pendant que le commandant du 1ier corps darme, ne recevant pas de nouvelles, envoie des

    estafettes vers la caserne, les ponts de Veldwezelt et de Vroenhoven sont dj tombs, intacts, aux mains des

    Allemands, les dtachements chargs de leur destruction ayant t pris au pige dans leurs abris.

    A 5 heures, un demi-peloton de parachutistes allemands est en position devant chaque pont. Les soldats

    belges qui sefforcent de les dloger tombent sous une grle de rafales de mitrailleuses et de bombes lances

    par les Stukas. Vers six heures, les ttes de pont ennemies sont tablies sur 600m de profondeur et un

    kilomtre de long.

    Les premiers blinds allemands traversent le pont de Vroenhoven rest intact. On aperoit gauche une

    partie dun lment antichar Cointet, totalement inutile

  • Le pont de Briegden, lui, sautera mais neuf heures seulement, grce au bataillon du gnie de la 7me D.I.. Lquipe

    charge de sa destruction tait absente, son chef tant parti chercher des recrues au camp de Beverlo, et les soldats du

    2me Carabiniers tenant le secteur ayant cherch longuement, en vain, le systme de mise feu des charges. Si le pont

    de Briegden nest pas tomb aux mains des Allemands, cest surtout parce quil ne figurait pas dans leurs objectifs.

    A Kanne, en revanche, lattaque allemande choue. Le pont est dtruit, comme prvu, sur ordre du commandant

    dEben-Emael. Les aroports allemands ont t ensuite reus par un feu nourri du 2 me Grenadiers et nont pas russi

    faire franchir le canal. Les ponts de Ternaaien et Klein-Ternaaien ont eux aussi saut temps. Globalement, cependant,

    lattaque allemande des ponts sest solde par un succs !

    Les canons dEben-Emael sont alors rduits au silence en quelques minutes. Le major Jottrand, commandant le fort, a

    donn lalarme trois heures un effectif rduit de 1.000 hommes, dont un tiers sont au repos. A 4 h 25, les planeurs

    atterrissent dans la pnombre sur un plateau de 45 hectares, proche du fort. Celui-ci ne disposait que de quatre

    mitrailleuses anti-ariennes, dont deux ont t crases par la chute des planeurs. La riposte nest gure possible, les

    Allemands tant matres du massif. La garnison se croyait labri 30km de la frontire allemande et pensait avoir le

    temps de se prparer. .. Ici encore, la surprise est complte. Le premier objectif du groupe Granit est de dtruire la

    dfense anti-arienne, les postes dobservation, les blocs et bunkers avec leur armement, les coupoles et casemates.

    Lopration est mene avec succs en dix minutes par 56 hommes rpartis en sept groupes. Les charges creuses

    dchanent lenfer. Le fort est investi et, ds 4h40, il est en grande partie hors dtat de faire feu, lexception de

    quelques coupoles que lennemi nglige. Elles allaient rendre difficile le franchissement de la Meuse vers Maastricht par

    une partie des troupes terrestres, notamment la 269me Infanterie-Division. A cause, entre autres, des difficults de liaison,

    aucune contre-attaque ne sera possible. Ds lors, les troupes aroportes attendent larrive de renforts pour largir les

    deux ttes de pont de Veldwezelt et Vroenhoven.

    LA BRECHE

    Les forces terrestres allemandes qui devaient venir renforcer les troupes aroportes au Canal Albert le plus vite

    possible passent la frontire nerlandaise 4h35 le 10 mai. La 4me Panzerdivision et le 51me Pionierbataillon subissent

    cependant des retards lors du franchissement de la Meuse Maastricht, les forces armes des Pays-Bas y ayant fait

    sauter trois ponts. Le retard qui en rsulte ne reprsente pas un mince danger pour le succs des oprations, mais les

    fantassins passent malgr tout et parviennent aux ttes de pont vers 11h30. Ces dernires sen trouvent largies et, la

    fin de la journe du 10 mai, elles iront jusqu atteindre une profondeu r dun km Vroenhoven et de deux km

    Veldwezelt.

    Le 11 mai, devant la situation prilleuse de la 7me D.l. dont toutes les tentatives de contre-attaque ont chou,

    le commandement belge dcide demployer laviation. Vers six heures, trois pelotons de bombardiers dcollent

    Aalter en direction des ponts non dtruits du Canal Albert, accompagns de six chasseurs Gloster Gladiator.

    Mais les huit bombes de 50 kg quun Fairey Battle peut emporter ne suffisent pas briser ces armatur es de

    bton et de mtal: les objectifs furent peine atteints. De plus, le systme lectrique de largage de certains

    avions na pas fonctionn. Enfin, les Fairey Battle volant basse altitude constituent des cibles faci les

    atteindre par la dfense antiarienne allemande, appuye par la Luftwaffe. Dix des quinze appareils envoys

    sont ainsi perdus tandis que les ponts restent intacts. Les renforts du 51me Pionierbataillon sont entre temps

    arrivs Eben-Emael le 11 mai six heures. Grce ces troupes fraches, on attaque systmatiquement tous

    les bunkers. Dans le fort, lair devient irrespirable et le moral seffondre quand on croit entendre lennemi

    prparer des fourreaux de mines.

  • Aprs avoir vainement tent de faire sauter les soutes munition en excution des ordres reus, le major

    Jottrand devra rendre louvrage 12h30. Un peu plu s tard, la 7me D.l. se repliera en dsordre. La victoire si

    rapide Eben-Emael ne reprsente pas seulement un formidable succs tactique pour les Allemands, mais

    aussi une victoire psychologique foudroyante. Elle naurait pas t possible sans les mthodes et techniques

    rvolutionnaires utilises par ltat-major du Reich. Attaqus avec des moyens classiques, le fort dAubin-

    Neufchteau et celui de Battice tiendront bon jusqu aux 21 et 22 mai. Aussi les Allemands tiennent-ils ces

    innovations secrtes, mme pour leurs allis.

    On ne connat pas avec certitude le nombre des victimes de la bataille du canal Albert. La 7me D.l. a perdu

    environ 900 hommes et 700 soldats ont t faits prisonniers. Parmi les Belges morts au combat, 110 ont perdu

    la vie Veldwezelt, 147 Vroenhoven, 216 Kanne et 24 Eben-Emael. Les per tes allemandes dans les

    mmes secteurs ne slvent respectivement qu 7, 7, 22 et 6 hommes ! Des dizaines de civils des villages

    environnants ont eux aussi trouv la mort au cours des bombardements et les dgts matriels ont t trs

    importants.

    Le plan mis en uvre a encore dautres consquences bien plus lourdes pour la suite des vnements. Le

    plan initial de la campagne, inspir du vieux plan von Schlieffen de 1914, prvoyait surtout une attaque du

    nord du sillon Sambre-Meuse. Celui finalement appliqu ne reprend du premier que lattaque du canal Albert

    avec pour objectif, de divertir, de dporter les forces franaises et britanniques entres en Belgique le plus au nord

    possible. Lattaque principale, elle, a bien lieu au sud du sillon Sambre-Meuse, travers les Ardenne s. Le pige tendu

    aux garants de la neutralit belge fonctionnera merveille. L aussi, lattaque du Canal Albert est p our lAllemagne un

    succs qui a contribu la rapidit du blitz allemand dans les jours suivants.

    Sur le plan de la seule arme belge, la rue allemande travers les ttes de pont rendra trs difficile la retraite du 3me

    corps darme, qui couvrait la Position Fortifie de Lige, vers la Ligne K-W. La 4me Panzerdivision a pntr Tongres

    le 11 mai vers midi, menaant la zone arrire du 3 me corps dont le flanc est dcouvert sur prs de 50km entre

    Tirlemont et Vis. Le repli, commenc le soir du 11mai, se fera dans des conditions pouvantables avec capture de

    certains lments, pendant toute la journe du 12 jusquau recueil sur la Mhaigne, tenue par des lments avancs

    franais. Les forts de la PFL. taient seuls dsormais, la ville ayant t occupe vers 18 heures le 12 mai par les

    premiers lments de la 269me I.D. allemande ...

    P. Vandenbroucke

    ( Source bibliographique : Article Luc De Vos in Jours de Guerre N 2 dit par le Crdit Communal de Belgique 1994 )

    ( Crdit Photos : voir supra et Bundesarchiv via Peter Taghon in Mai 1940 )

  • Membre assidu du forum , Jean Moulon nous propose d e dcouvrir le tmoignage de guerre de Marcel Devillers, rsistant qui entrera dans le com bat Arras pour le terminer dans la 1 re Arme Franaise.

    Dbut de la guerre Arras

    Cest Arras que jai vu le jour, le 9 fvrier 1926. Issu dune famille de 5 enfants, mon pre Eugne tait mineur1. Ma mre, Albertine, tait aide-mnagre. Jai t lev avec des valeurs propres aux classes laborieuses. Jappris trs vite que rien ne se gagnait gratuitement et quil fallait trimer pour pouvoir y arriver. Mon parcours scolaire passa par St Jean-Baptiste, puis rue des justices enfin, je passais mon certificat dtude, et jobtins en 1939 lcole de la place Quincaille2

    1939 ! Lanne qui voit la mobilisation gnrale et ses grandes affiches blanches placardes sur tous les murs. Moi qui avais lpoque 13 ans, je travaillais comme garon dpicerie. Je vis arriver dans ma ville, des troupes de rservistes qui se dirigeaient soit la citadelle , soit la casern e Schramm. Les jours suivants verront des convois partir vers la frontire.

    Cest avec larrive des effectifs du corps expditionnaire britannique, que je russis dcrocher un travail dans un camp amnag spcialement prs de la gare de Tincques. Ce camp recevait le matriel militaire anglais. Mon travail consistait simplement dcharger le matriel des wagons ou des camions qui arrivaient au camp. Cest en revenant de ce travail, que jappris le 14 mai, que lht el de lunivers avait t bombard.

    Quelques temps plus tard, je fus envoy Mareuil pour le mme travail. Deux camions anglais venaient chercher le matin le personnel qui attendait sur la petite place. Laprs-midi du 18 mai, alors que jtais occup dcharger du matriel anglais, un avion3 passa en rase-mottes au-dessus du camp. Cet avion portant la croix gamme sous ses ailes, jeta la consternation dans tout le camp. Les rumeurs commencrent courir. Les allemands sera ient prs de la ville et ils allaient bientt lance r une grande offensive

    1 Le pre de Marcel Dervillers tait mineur, aux mines dArion, dans le Pas de Calais. 2 Le directeur de lpoque tait Monsieur Sauvage. 3 Avion de reconnaissance.

  • De ces oiseaux de malheurs, les gens dArras vont malheureusement en voir de nombreux comme ce 19 mai 1940 dans laprs midi o la gare dArras, qui est bonde de rfugis, est prise pour cible. Le raid fera de nombreux morts et blesss. Les bombes des stukas de la luftwaffe tombent aussi autour de la gare. Dans la cour dun marchand de bestiaux, sur la route dAchicourt, lune delles met le feu au stock de paille et de foin qui senflamme en faisant monter un pais cran de fume. Les tmoins croient une attaque au gaz, semant une panique qu i sajoute la confusion des bombardements. Les vieux fantmes de la premire guerre mondiale r essurgissaient dans ce pays gravement prouv par ce premier conflit. Larme franaise dite du Nord tait dans une situation catastrophique et Gamelin pour viter son encerclement avait donn lordre4 de se frayer tout prix un passage vers le sud et la Somme.5

    Malheureusement, la confusion qui rgnait sur le terrain empcha la troupe franaise de faire retraite en bon ordre. Cette confusion ajoute aux bombardements de la ville dArras semait la terreur parmi la population qui courait se jeter sur les masques g az. Bon nombre de ces habitants voyant les bombardements sintensifier, prfrrent partir pour lexode travers les routes de France qui conduisaient vers le sud se mlant ainsi aux troupes franaises, risquant les mitraillages des chasseurs bombardiers de la Luftwaffe.

    En ce qui concernait ma famille. Mon pre Eugne, dcida de rester. Ces attaques bches ntaient que des mauvais moments passer et comme en 14-18, il tait persuad que les chtits-gs allaient les foutre la porte. Il fit prendr e des couvertures par la famille et nous dirigea vers un souterrain6 situ 300 mtres de la maison, qui servait l vacuation des eaux uses de la ville, venant se jeter dans un petit ruisseau Le Crinchon . Ce souterrain tait situ derrire le stade Degouvre, prs de la maison du jardinier. Toute la famille y passera deux jours et deux nuits sous les bruits et les tremblements de la terre que faisaient les dflagrations des bombes nazies. Enfin un moment daccalmie survint le 21 au matin et mon pre dcida de partir en reconnaissance. Quelques temps plus tard, il revint avec de la nourriture. Aprs stre restaur avec les moyens du bord, mon pre fit un bref compte rendu de la situation la famille. Les personnes quil avait rencontres lui avaient dit quil restait des places aux abris du palais St-Vaast. Il fut donc dcid dy aller.

    Stuka Junkers JU 87 (DR)

    4 Ordre du jour N12, du gnral Gamelin, dat du 19 mai 9h45 du matin. Le gnral Gamelin sera relev de son commandement le mme jour au soir, la citadelle de Vincennes. 5 La deuxime guerre mondiale Tome III : Lheure tragique de W.Churchill. 6 Le souterrain a t remplac par des buses et un terrain de tennis a t construit sur les lieux.

  • Le chemin que la famille prit pour se diriger vers le palais, tait jonch de cadavres de chevaux et de charrettes, de larme franaise, renverses. Fort heureusement, parmi ces dbris, aucun soldat tu. Avaient-ils eu le temps de se rfugis tous aux abris lorsque les sirnes se sont mises crier, o le urs camarades avaient-ils ramasss les cadavres ?

    Laccalmie des bombardements nallait pas durer. Ce mme jour, une contre-attaque franco-britannique fut dclenche 14heure, en partant de louest dArras, contre les VIIe et VIIIe panzerdivisionen qui menaaient la ville. La VIIe p anzerdivision avait sa tte un jeune gnral ambitieux qui allait devenir mondialement clbre, Erwin Rommel. Le dbut de lattaque se droulera lavantage des franais qui feront 400 prisonnier s. Mais le succs sera de courte dure devant un ennemi suprieur en nombre, et un dluge de feu dut un bombardement intensif. Le 23, les troupes allies doivent abandonner Arras, face aux nazis qui descendaient des hauteurs de Lorette.7

    Pendant tout ce temps, ma famille qui ne savait rien des vnements qui se passaient au dehors, resta huit jours, dans les abris du palais St-Vasst, sous les bombardements violents de la ville. Par les chaleurs du moi de mai, lair dans labri tait irrespirable cause du nombre de personnes entasses. Je dus avec quelques individus remonter vers lentre pour respirer et regarder les avions qui passaient au-dessus de nos ttes, quand trois bombes tombrent juste en face, dans le jardin public.

    Char B1 Bis dtruit dans la rgion dArras (DR)

    7 La campagne 309-40 du Col. De Bardie.

  • Le souffle de la dflagration des projectiles projeta tout le monde dans labri avec une extrme violence. Un peu abasourdi par le choc, nous constatmes quil y avait eu plus de peur que de mal. Mais les bombes avaient laiss des cratres dune telle profondeur quune maison aurait pu y tre installe.

    Dans la journe du 22 ou 23, des volontaires furent demands pour aller vacuer les malades et blesss de lhpital St-Jean, qui tait en flammes. Avec mon pre et lun de mes frres qui appartenait la dfense passive, nous nous portions volontaires. Les sirnes accompagnes des sifflements des bombes et des stukas, les plaintes, les supplications des blesss et des malades qui ne pouvaient pas se dplacer, laisseront un souvenir indlbile dans ma mmoire.

    Pendant ces huit jours de bombardement, le problme du ravitaillement faisait sortir les gens de leur tanire . Dans ce chaos, les survivants cherchaient partout de la nourriture. Cette recherche tait vitale pour la survie de chacun. Des soldats frana is aussi affams que la population, ouvraient de force les piceries et autres magasins de ravitaillement appartenant des propritaires qui avaient prfrs partir pour lexode. Sachant quil ny aurait pas assez de nourriture pour tous, la population qui se ruait sur les magasins, pillait les talages dans une cohue qui montrait quelquefois des scnes assez violentes o seule la loi du plus malin pouvait rivaliser avec celle du plus fort.

    Cest en revenant de lun de ces ravitaillements que je fus arrt par deux allemands qui dbouchaient du bout de la rue St-Aubert en Sid-car. Les deux Schleus descendirent de la moto et se dirigrent sur moi. A la demande des deux allemands, je dus ouvrir la valise qui tait remplie de nourriture. Aprs une brve inspection, les deux allemands me laissrent partir. Mort de trouille, jallongeais le pas sans demander mon reste.

    Le Caf St Aubert (DR)

    Avec larrive des troupes ennemis dans Arras, les bombardements avaient cess et ma famille put rentrer son domicile, au numro 66, dans la cit de Grigny, qui navait subi aucun dommage. Aujourdhui, la cit nexiste plus. Elle a laiss la place des terrains de tennis.

    La premire chose faire pour les habitants dArra s tait de se rorganiser afin de pouvoir reprendre une vie plus ou moins normale. La recherche dventuels survivants parmi les dcombres, fut la priorit des groupes de bnvoles qui aidaient les membres de la dfense passive dblayer les ruines de la ville.

    Dautres enterraient les cadavres dhommes et danimaux pour viter les pidmies. Chacun cherchait un proche disparu au dbut des hostilits, avec lespoir de le retrouver parmi les vivants. Dans ce vaste plan de rorganisation, les allemands autorisrent les boulangeries rouvrir. Je fus rquisitionn par la boulangerie Bucquet, rue du Nocquet dor, dans laquelle travaillait mon cousin, Marcel Garde. Mon rle tait dentretenir le four et de dfourner les pains. Ce travail me permit de manger ma fin et dapprovisionner en pain ma fami lle pendant les deux mois o je fus dans cette boulangerie.

  • Peu aprs, je trouvais une place dapprenti lent reprise du btiment Peulaboeuf, qui tait spcialise dans la construction des ponts. La Ville dArras stait installe, comme les autres villes, dans loccupation. Les nouveaux matres aussi sorganisrent. Le gnral von Falkenhausen devint le militrbefehls pour la Belgique et le nord de la France et avait sa disposition la Feldgendarmerie et la Geheme feld Polizei. Cette dernire fut dirige par Vogel jusquen 1941 et ensuite par Kleitze, jusqu la libration. Ces organismes dictrent leurs lois partout dans le nord. Les nazis placardrent des affiches ou lon pouvait lire :

    Seront passibles du tribunal de guerre les individus inculps davoir commis les faits suivant :

    1 Toute assistance prte des militaires non allemands.

    2 Toute aide des civils qui essayent de senfuir vers les territoires non occups.

    3Tout offense contre larme allemande et sur ses chefs.

    4 Les attroupements de rue, la distribution de tra cts, lorganisation dassembles publiques.

    5 Toute provocation au chmage volontaire.

    6 Dgradation dinstallation allemande.

    La rsistance

    Le 23 juin 1940, Le nord et le Pas de Calais deviennent des rgions appartenant la zone interdite o personne ne peut entrer , ni sortir. Son trac suivait le cours infrieur de la Somme, le canal de Saint-Quentin, passait par Chauny, Sainte Menehould, Saint Dizier et finissait par rejoindre la ligne de dmarcation aprs avoir long la Sane et le canal du Rhne 8. En tout, douze dpartements taient plus ou moins touchs par cette zone.

    Mai 1940. Malgr une resistance farouche , larme Franaise est dborde. Dans les villes du Nord et de lEst, lennemi dferle et parade.

    Dans le nord Pas de Calais, ds le dbut des hostilits, des mineurs avaient t arrts et fusills pour avoir ramass des armes et tents de les cacher. A Arras, une femme, avait t surprise par loccupant, alors quelle coupait des cbles tlphoniques. Un tribunal militaire allemand fut constitu dans la salle des mariages de lhtel de ville, pou r y juger la saboteuse. Madame Josphine Pougnan fut condamne mort le 17 septembre 1940. La peine fut commue en travaux forcs perptuit. Elle partit en dportation le 31 janvier 1941 pour trouver la mort Bergen-Belsen quelques jours seulement avant la libration du camp.

    8 La vie des franais sous loccupation:

  • Le mme mois de janvier, une grve avait t monte par 10.000 mineurs pour protester contre les actions collaborationnistes du gouvernement frana is lgard de loccupant. A Douges, la grve aboutit plus de 1000 arrestations. 270 dentre eu x furent dports Sachenhausen et 130 trouvrent la mort.9

    Aprs de longues tractations avec les reprsentants des mineurs, ceux-ci obtinrent satisfaction sur la nourriture et autres objets ncessaires leur bien tre. Mais le malaise tait toujours prsent. Un missaire sadressa directement aux ouvriers et leur demanda ce quils voulaient de plus. Lun deux scria : Nous voulons des fusils ! 10

    En avril de la mme anne, la BBC lanait une campagne patriotique dont le but tait de redonner espoir aux franais en incitant ceux-ci graver pa rtout o ils le pouvaient le V de la victoire. Un symbole pour tout ceux qui inspirent la libert et qui se battront contre les allemands et ce, quelque soit leurs opinions ou idaux politiques ou religieux.

    Dans la rgion dArras, comme partout en France, on pouvait voir ces V ou ces croix de Lorraine sur tous les murs des quartiers. Les portes des maisons o Crche lallemand, ntaient pas plus pargnes. Des petits malins iront mme jusqu pousser laudace de leur patriotisme, en allant graver ce symbole sur des portire de camions allemands.

    Cest en 1941, que jentrai dans un groupe de FTP (bien que ces groupes ne seront constitus officiellement qu partir de 1942). Mon premier co ntact, se fit lors dune rencontre avec trois de mes anciens camarades dcole, Louis Blondel11, Paul Camphin12, et George Santerne13, qui faisaient partie des jeunesses communistes. Ils avaient pens moi. Mon temprament rfractaire la discipline de lcole, plus la rputation de bagarreur, de redresseur de tort auprs de mes camarades, semblaient plaire ses futurs camarades de combat. Ils mincitrent venir me joindre eux pour lutter contre loccupant par tous les moyens possibles. Jacceptais, sans hsiter un seul instant. Jtais exaspr de voir larrogance de ces vert de gris qui se pavanaient en vainqueurs dans ma ville natale et faisaient plier la population par toutes sortes de brimades.

    Le mur des fusills la Citadelle dArras (DR)

    9 Le journal de la rsistance N1005/1006. 10 Les FTP de C. Tillon. 11 Mort en dportation. 12 Paul Camphin tait lectricien Arras et g de 21 ans. 13 Fusill la citadelle dArras

  • A partir du moi davril, mon premier travail que me confirent mes camarades de lutte, fut la distribution de tracts tirs par Abel Jounel, laide dune Rono. Limprimerie clandestine se trouvait Agny cot dArchicourt prs dArras. Elle devait changer de cachette en fvrier, et plusieurs fois par la suite, cause du bruit que faisait la machine. Les rceptions des paquets de tracts se faisait discrtement le dimanche, au caf Robillard, rue Saint Auber, par lintermdiaire de Paul Camphin ou de Louis Blondel.

    Il arrivait que je reoive la marchandise lors des runio