hbo: la révolution du petit écran

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Université Paul Valéry MONTPELIER 3. Mémoire de Master 1 Art du spectacle et musique, option Cinéma et audiovisuel. La révolution du petit écran. EL BAIDAOUI Vally Mémoire dirigé par Mme Delphine Robic-Diaz, Maître de conférences en Études Cinématographiques. 2011-2012.

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Etude des stratégies de communication et de programmation de la chaîne américaine câblée HBO autour de leurs séries télévisées, des années 90 à nos jours. Discours de la chaîne, étude de campagnes de promotion, d'audiences et de la structure générique et scénaristique de certaines séries.

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Page 1: HBO: La révolution du petit écran

Université Paul Valéry MONTPELIER 3.Mémoire de Master 1 Art du spectacle et musique, option Cinéma et audiovisuel.

La révolution du petit écran.

EL BAIDAOUI Vally

Mémoire dirigé par Mme Delphine Robic-Diaz, Maître de conférences en Études Cinématographiques.

2011-2012.

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Table des matières

Introduction............................................................................................................................3A. Identité de la chaîne.........................................................................................................10

a. Maintenir la distinction................................................................................................11b. L'auto-promotion et la communication........................................................................19c. Programmation et fidélisation des clients....................................................................31

B. Les séries.........................................................................................................................39a. Des séries différentes...................................................................................................39b. Des œuvres d'art...........................................................................................................45c. Entre convention et innovation....................................................................................53

Conclusion............................................................................................................................61Filmographie........................................................................................................................64

Filmographie principale : ................................................................................................64Filmographie secondaire :................................................................................................66

Films :.........................................................................................................................66Séries diffusées sur HBO :..........................................................................................67Séries diffusées sur les autres chaînes :......................................................................67Publicités :...................................................................................................................69

Bibliographie........................................................................................................................70Revue de presse....................................................................................................................73

Variety :.......................................................................................................................73The New York Times :................................................................................................74The Hollywood Reporter :..........................................................................................74Autres périodiques : ...................................................................................................75

Webographie.........................................................................................................................77Promotions et partenariats :.............................................................................................77Informations sur une œuvre :...........................................................................................77Critiques et presse en ligne :............................................................................................78Audiences : .....................................................................................................................78Vidéos :............................................................................................................................79Autres : ...........................................................................................................................79

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Introduction

Les séries télévisées sont ancrées depuis longtemps dans la culture populaire

américaine. Les télévisions se sont installées dans les foyers avec le déplacement des quartiers

résidentiels vers les banlieues dans les années 50. A cette époque, elles étaient destinées aux

ménagères et les chaînes provenaient de l'industrie radiophonique. NBC (National

Broadcasting Compagny), CBS (Columbia Broadcasting System) et ABC (American

Broadcasting Compagny) étaient les trois chaînes nationales gratuites du pays. Leur but

commun était d'installer la télévision dans la vie quotidienne des américains en créant des

routines, avec des horaires mémorables. Les sitcoms sont alors mises en scène, en direct des

scènes de Broadway, comme des représentations de la vie familiale. De ce fait,

traditionnellement les décors sont des salons dans lesquels se trouve un canapé, comme le

reflet de la vie des téléspectateurs. Cela a participé à normaliser le fait de s'asseoir sur son

fauteuil sans rien faire d'autre que de regarder l'écran. Les programmes héritent tous des

médias déjà existants, ainsi le journal télévisé n'est qu'une simple lecture de la presse écrite,

les débats télévisés proviennent de la radio, et les sitcoms héritent du théâtre. Lorsque le

tournage des séries émigra à Hollywood, elles sont devenues le premier programme purement

télévisuel, s'installant petit à petit dans les habitudes des familles1. D'après Robert J.

Thompson, le temps des pionniers a lieu de 1951 à 1960. A partir des années 60, et jusque

dans les années 80, la télévision était ensuite dominée par ce qu'on nomme les Big Three, les

trois networks nationaux et gratuits américains. Les séries se sont énormément développées à

partir des années 80, devenant un programme majeur de la télévision. Robert J. Thompson

qualifie cette période de second âge d'or des séries télévisées. A cette période, les chaînes

câblées se multiplient, détruisant petit à petit la dominance des Big Three, et permettant

notamment à la Fox de se développer et de devenir le quatrième network américain. Enfin, de

1992 à aujourd'hui, nous observons un accroissement des séries de la Fox, de HBO ou de

Showtime2. Ce qui nous intéresse dans ce classement est cette dernière étape, dans laquelle

Thompson voit une amplification de l'innovation et de la créativité3.

Nous nous intéresserons ici à la chaîne HBO. Appartenant à la multinationale Time

1 Jean-Pierre Esquenazi, « La Série, genre dominant de la télévision », Les Séries télévisées. L'Avenir du cinéma ?, p. 12-17.

2 Alain Carrazé, Les séries télé: L'histoire, les succès, les coulisses, p. 3. 3 Idem ibidem.

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Warner Inc.4, Home Box Office est une chaîne câblée qui ne semble financée que par les

abonnements mensuels de ses téléspectateurs. En se lançant dans la diffusion de séries

originales au début des années 90, elle reçut un vive succès des critiques de presse et du

public. Pour certains, ces créations ont révolutionné le petit écran5. Les chaînes du câbles,

dont HBO est la plus importante, vont réussir à concurrencer les grands networks qui

commencent à lasser leur public. L'audience de ceux-ci chute, passant de 94% en 1975 à 67%

en 1990, alors que HBO ne produisait pas encore de séries6. Pourtant à cette période, des

programmes très populaires voient le jour sur les chaînes gratuites, essuyant de très grands

succès. En 1996, un épisode de Friends7 a réuni un chiffre record de 52,9 millions de

téléspectateurs8, tandis que la série Seinfeld9 a rassemblé 76,3 millions de personnes lors de

son season final de 199810 et que E.R.11 en a amené 42,7 millions en 199712. De son côté, HBO

peine à réaliser une audience de 10 millions de téléspectateurs.

La situation observée ici nous amène à nous demander comment HBO a-t-elle réussi à

renouveler une forme sérielle déjà installée et mise en place par les networks depuis 40 ans.

De plus, comment concurrence-t-elle les Big Four malgré ses téléspectateurs a priori peu

nombreux ? Pour répondre à ces questions, nous étudierons d'abord l'image de la chaîne

véhiculée par son discours, et les moyens utilisés pour amener son public à regarder ses

programmes. Nous suivrons donc son fonctionnement en tant que chaîne et marque, et

étudierons ses manœuvres pour correspondre aux valeurs de ses clients afin de situer HBO

dans le champ culturel et industriel de l'audiovisuel. Nous analyserons également des études

de cas de campagnes de promotion et de méthodes de programmation. Dans un second temps,

nous nous intéresserons aux particularités de leurs séries télévisées. Nous en explorerons

l'innovation et l'avant-gardisme, avant d'essayer d'en comprendre l'engouement médiatique.

Enfin, nous étudierons sa position dans l'héritage des formes sérielles télévisuelles. Nous nous

appuierons sur des articles de presse de magazines spécialisés, sur des écrits généraux français

4 http://www.timewarner.com/our-content/home-box-office/ , 04 mai 2012. 5 Op. cit., Jean-Pierre Esquenazi, « Production des séries », Les Séries télévisées. L'Avenir du cinéma ?, p. 56-

57.6 Ibid, p. 55.7 David Crane, Martha Kauffman, Friends, 1994-2004, NBC.8 http://www.audiencesusa.com/article-26125110.html , 03 mai 2012. 9 Larry David, Jerry Seinfeld, Seinfeld, 1990-1998, NBC.10 Bill Carter, « Rating for Seinfeld finale grazed Super Bowl country », The New York Times, 16 mai 1998. 11 Michael Crichton, E.R. (Urgences), 1994-2009, NBC. 12 http://www.audiencesusa.com/article-29894518.html , 03 mai 2012.

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et des ouvrages plus spécialisés, majoritairement américains. Mais avant toute chose, il est

important de comprendre l'évolution historique de la chaîne.

En 1965, un certain Charles Dolan racheta une petite entreprise : la Sterling

Communications, dont une filiale, la Sterling Information Services, possédait les droits

exclusifs pour fournir Lower Manhattan en services du câble. La Time Inc. fit alors un

investissement à haut risque en achetant 20% de la société à 1 250 000 dollars13. Le câble était

relativement bon marché à développer, il ne coûtait que 10 000 dollars par mile, mais dans

une ville comme New York, le nombre de tunnels, métros et canalisations ont multiplié le prix

par plus de dix. Ainsi en 1967, la Sterling avait déjà dépensé 2 millions de dollars pour ne

fournir que 400 foyers et la société perdait beaucoup d'argent14. Dolan eu alors une idée pour

rentabiliser son achat : la Green Channel, une chaîne payante du câble spécialisée en sport et

cinéma. Les films seraient loués aux studios d'Hollywood et les événements sportifs seraient

diffusés en direct. Le seul problème était que la Sterling n'avait pas les moyens financiers de

développer cette idée. Il fallait donc trouver une autre entreprise du câble qui accepterait que

la Green Channel soit diffusée sur son système. Les dirigeants de la Time Inc. ne croyaient

que très peu en ce projet : pourquoi les gens paieraient-ils la télévision alors qu'ils l'ont déjà

gratuitement ? Peu crédibles et n'éveillant pas les soupçons des chaînes de télévision gratuite,

Dolan accompagné de Jerry Levine et de Tony Thompson développèrent la Green Channel,

qu'ils avaient maintenant nommé « provisoirement » Home Box Office15. Les trois visionnaires

s'associèrent à un opérateur du câble, par lequel passerait leur signal. Ils purent ainsi installer

leur matériel dans la ville de Wilkes-Barre, récemment inondée par l'ouragan Agnès, l'idée

étant de diffuser leurs programmes jusqu'à New York par transmetteur, puis par câble dans

toute la ville. Ainsi, le 8 novembre 197216, loin d'être prêts, et en l'absence de presse locale, la

petite chaîne de Home Box Office débuta ses programmes par le film Sometimes a Great

Notion17. Les quelques 4000 abonnées dans les trois villes de Pennsylvanie équipées, furent

très prometteurs pour la chaîne. Quatre décisions majeures peuvent expliquer leur succès :

premièrement, ils décidèrent que leur abonnement serait mensuel et non en « pay-per-view »,

le paiement à la séance, qui aurait donné beaucoup trop de travail administratif. 13 George Mair, « A cash Cow is born ». Inside HBO : The Billion Dollar War between HBO, Hollywood and

the home video revolution, p. 3-9. 14 Idem ibidem.15 Idem ibidem.16 Idem ibidem.17 Paul Newman, Sometimes a Great Notion (Le Clan des Irréductibles), 1970.

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Deuxièmement, HBO s'associa avec son fournisseur, qui recevait une partie de l'abonnement.

De cette manière, les commerciaux du fournisseurs en porte-à-porte pouvaient inciter les

abonnés à s'inscrire à HBO, ou leur envoyer de la publicité. Ils décidèrent ensuite de ne pas

envoyer leur programme par courrier, mais de les transmettre électroniquement. Cette

décision fut déterminante concernant l'identité de la chaîne en la plaçant au sommet des

avancées technologiques, telle qu'elle l'est toujours aujourd'hui. Enfin, quatrièmement, le

mélange des programmes entre sport et films fut très judicieux. Les studios ne voulant pas

céder les droits de leurs films à cette petite chaîne, programmer le sport a permis d'agrandir

l'offre de programme et donc la demande18.

Ce qu'il faut savoir à propos des chaînes nationales, est qu'elles ne diffusent qu'entre

80 et 100 films par an, ce qui équivaut à 200 heures de programme. Une chaîne câblée comme

HBO a 8760 heures de grille de programme à remplir. Il va de soit que chaque film doit donc

être rediffusé plusieurs fois par semaine. De plus, la petite notoriété de HBO ne lui permettait

pas d'avoir accès à de grands films et le plus souvent, les abonnés étaient très mécontents :

« Too often, the customer meant to sign up to see The Great Santini19, Terms of Endearment20,

and Raiders of The Lost Ark21 when, in fact, all that was shown were The Attack of the Killer

Tomatoes22 and The Amazing Colossal Man23. »24. HBO subissait une pression importante : la

Time Warner attendait 40 000 abonnés pour décembre 1974, les studios hollywoodiens

refusaient toujours de lui louer des films et la FCC (Federal Communications Commission)

lui interdisait de diffuser des films de moins de 10 ans d'ancienneté et des matchs de sports de

moins de 5 ans25. L'exclusivité était donc impossible à HBO. Mais cette année-là, la chaîne ne

diffusait ses programmes que sur un territoire très restreint du Nord-Est des États-Unis.

Pourtant 67 millions d'américains avaient la télévision à domicile et 10 millions d'entre eux

étaient équipés du câble. Cependant, parmi eux, seulement 190 000 payaient un abonnement. 18 George Mair, « A new Industrie in the shadow of the moutain », Inside HBO : the Billion Dollar War

Between HBO, Hollywood and the home video revolution, p. 10-13. 19 Lewis John Carlino, The Great Santini, 1979.20 James L. Brooks, Terms of Endearment, 1983.21 Steven Spielberg, Raiders of The Lost Ark, 1981.22 John DeBello,The Attack of the Killer Tomatoes, 1978. 23 Bert I. Gordon, The Amazing Colossal Man, 1957. 24 Op. cit., George Mair, « A new Industrie in the shadow of the moutain », Inside HBO : the Billion Dollar

War Between HBO, Hollywood and the home video revolution, p. 10-13. Nous traduisons : « Trop souvent, le client pensait signer pour voir The Great Santini, Tendres Passions et Les Aventuriers de l'arche perdue, alors qu'en fait, tout ce qui était diffusé était L'Attaque des tomates tueuses et Le Fantastique Homme colosse. ».

25 Ibid, p.18-21.

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HBO n'était donc qu'une aiguille dans une botte de foin mais cette aiguille était suffisamment

prometteuse pour commencer à effrayer ses adversaires26. Levin eu alors l'idée folle

d'envoyer un satellite pour que HBO soit transmise sur tout le territoire américain. Le 30

septembre 1975, à 21 heures, elle diffusa alors par satellite le combat de boxe de Muhammed

Ali contre Joe Frazier, en direct de Manille aux Philippines : The Trilla from Manilla. Aucune

autre chaîne ne pouvait diffuser une image aussi nette depuis l'autre bout du monde. Cette

avancée technologique attira 30 000 abonnements par mois en plus et à la fin de l'année, il y

avait 287 199 abonnés à la chaîne soit une croissance de 500% en une année. Ce que John

Levin réalisa grâce au satellite, projeta sa chaîne loin devant ses concurrents et transforma une

industrie entière, même si ce projet était très risqué pour une société qui ne réalisait pas

encore de profit27. En 1977, la chaîne réalisait enfin des bénéfices et la Time Inc. en était

ravie28. En 1980, HBO était diffusée dans les cinquante états américains et avait 4 millions de

souscriptions et en 1981, elle est devenue officiellement l'entreprise de télévision payante la

plus rentable de l'histoire des États-Unis29. Mais le taux de désabonnement était encore très

élevé, à cause du trop grand nombre de rediffusions. Un reporter du Daily News de New York,

Jack Curry, observa en 1981, que durant les six premiers mois de l'année, en combinant les

trois chaînes majeures du câble, HBO, Showtime et The Movie Channel (TMC), un

téléspectateur pouvait voir 44 fois Rocky II30, 53 fois Superman31 et 41 fois Rencontre du

Troisième Type32. Pour parer à cette rediffusion excessive, HBO tentait de participer de plus en

plus au financement de matchs de sport, ou à la production cinématographique33. A partir de

1982, HBO augmenta la création de ses programmes originaux à 18 ou 19 programmes par an

et en investit de plus en plus dans le sport, et plus particulièrement dans les combats de boxe.

De plus, elle était devenue le plus gros acheteur de films du pays, obligeant les studios à

stopper leur boycott34. Selon George Mair, c'est à partir de 1983 que la chaîne tenta de se

distinguer des autres chaînes câblées et de se diversifier35.

En 1980, la cassette vidéo fait son apparition dans les foyers américains, attisant la

26 Ibid, p.14-17.27 Ibid, p. 22-26.28 Ibid, p. 31-35.29 Ibid, p. 42-45.30 Sylvester Stallone, Rocky II, 1979.31 Richard Donner, Superman, 1978.32 Steven Spielberg, Close Encounters of the third kind, 1977.33 Op. cit., George Mair, « The Infant becomes a giant », Inside HBO : the Billion Dollar War Between HBO,

Hollywood and the home video revolution, p. 42-45.34 Ibid, p. 51-54.35 Ibid, p. 31-35.

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peur des studios hollywoodiens. Grâce à cette nouvelle technologie, tout le monde pouvait

enregistrer les films qui passaient à la télévision. Les audiences chutèrent mais également la

fréquentation des cinémas. Certains experts voyaient la solution dans le pay-per-view

(paiement à la séance) mais HBO demeurait sceptique et hésitait encore36. A cette époque,

40% des personnes équipées de câble n'étaient toujours pas abonnées à une chaîne payante, et

une maison sur quatre qui souhaitait s'abonner ne le pouvait pas, manque d'équipement. En

tout, il restait à HBO, 47 millions de souscripteurs potentiels. Selon elle, le client se moquait

de la technologie, ce qu'il souhaitait avant tout, c'était un bon divertissement à un prix

raisonnable. Elle développa alors la production de créations originales, que les spectateurs ne

pourraient voir que sur la chaîne, et l'investissement de films hollywoodiens, pour acquérir les

droits de diffusions exclusifs. Par exemple, la veille de Noël 1985, en exclusivité à 11 heures

et demie, le cadeau des abonnés était le film S.O.S. Fantômes37, seulement deux mois après sa

sortie en cassette. Le contrat avec la Columbia stipulait que la chaîne de devait pas annoncer

le titre du film en avance pour que les téléspectateurs ne l'enregistrent pas sur cassette. Ils ont

donc découvert de quel film il s'agissait au moment de sa diffusion38. En juin et juillet 1987, la

chaîne fit deux énormes contrats : un avec The Coca-Cola Compagny, et l'autre avec les

studios de la Paramount. Le premier leur apporta le tournage de quinze films, réalisés

spécialement pour le câble, et diffusés sur HBO, et le deuxième, les droits de 85 films sur cinq

ans, pour la somme de 500 millions de dollars. Ainsi en 1987, HBO est devenue le plus gros

investisseur de cinéma du monde39 et la société la plus rentable de la Time Inc.40 A cette

époque, le nombre d'abonnés à HBO et Cinemax était de 19 millions. Ce dernier contrat avec

la Paramount laisse HBO dans une situation de monopôle dans l'industrie de la télévision

payante41.

Dans les années 80, HBO se spécialisa également dans la production de stand-up

show. Elle lança la carrière de nombreux humoristes : Roseanne Barr a fait ses débuts sur

HBO, avant d'obtenir son prime-time sur ABC, tout comme les frères Wayans, qui ont créé In

Living Color42 pour FOX, et Jerry Seinfeld, auteur de la très célèbre sitcom Seinfeld. 36 Idem ibidem.37 Ivan Reitman, Ghost busters, 1984.38 Op. cit., George Mair, « The VCR Monster », Inside HBO : the Billion Dollar War Between HBO,

Hollywood and the home video revolution, p. 145-154.39 Ibid, p. 159-166.40 Ibid, p. 10-13. 41 Ibid, p. 159-166.42 Keenen Ivory Wayan, In Linving Color, 1990-1994, Fox.

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Cependant, toujours à cause de la VHS, les spectacles cessèrent petit à petit d'intéresser les

abonnés, qui pouvaient regarder leurs humoristes favoris sur cassettes. La solution pour la

chaîne était alors de créer un programme original, comique et amenant des téléspectateurs

devant leur poste de télévision : la sitcom. Leur première, Dream On43 reçut ainsi un très

grand succès qui encouragea HBO à plus de productions44.

Les séries permettent de rendre le public fidèle, curieux de découvrir le prochain

épisode. Mais pour HBO, ce produit lui permet avant tout de gagner de l'argent pour

rentabiliser son investissement. Comme le postule Jean-Pierre Esquenazi, « tout produit

culturel a à la fois une valeur marchande et une valeur culturelle ». Et c'est précisément

l'association de ces deux valeurs qui le définit tel qu'il est. La création d'une série est un long

processus qui nécessite des échanges et des associations entre différents partenaires. Jean-

Pierre Esquenazi explique, en reprenant l'idée de Fisk, qu'en premier lieu les producteurs du

programme le vendent à des distributeurs. La marchandise a une valeur uniquement

matérielle. Ce programme devient alors à son tour producteur : il produit un public qui est à

son tour vendu à des annonceurs. Pour les téléspectateurs, il n'a ici qu'une valeur culturelle

même s'ils n'en ignorent pas la valeur marchande45. Ce parcours producteur-distributeur-

annonceur n'existe pas dans la production d'une série HBO. En effet, la chaîne câblée est

productrice de ses propres programmes, elle les diffuse elle-même et puisqu'il n'y a pas de

publicités sur cette chaîne, elle ne les vend pas aux annonceurs. HBO est apparemment une

entreprise qui maîtrise tous les maillons du processus de création d'une série. C'est peut-être

une des raisons pour lesquelles c'est aujourd'hui le network le plus rentable des États-Unis46.

43 David Krane, Martha Kauffman, Dream On, 1990-1996, HBO. 44 Lisa Williamson, « Challenging sitcom conventions », It's not TV. Watching HBO in the post-television era,

p. 114.45 Op. cit., Jean-Pierre Esquenazi, « Production des séries », Les Séries télévisées. L'Avenir du cinéma ?, p. 48. 46 Op. cit., Tony Kelso, « And now no word from our sponsor », It's not TV. Watching HBO in the post-

television era, p. 49.

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A. Identité de la chaîne

HBO est une chaîne câblée payante : les abonnés payent entre 10 à 15 dollars par

mois47 pour visionner ses programmes alors que les autres chaînes sont gratuites. Il va de soit

que la chaîne doit se démener pour attirer un maximum de souscriptions. Pour cela, elle

surveille de très près son image de marque. Effectivement, HBO n'est pas une institution, mais

bien une marque, une entreprise dont le but premier est le profit. D'après François Jost, une

marque doit d'abord se constituer d'un nom, d'une charte graphique et d'un champ de

souveraineté qui s'ancrent dans le discours de la marque pour en construire son identité.48

Cette identité est ce qui va permettre aux téléspectateurs de s'identifier à la marque. Pour faire

passer son discours, une chaîne s'occupe d'abord de la programmation, mais par ses choix de

programmes, elle prend l'image d'une personne. Comme une vraie personne, à travers ses

actes et ses décisions, elle transmet ses valeurs. Cette transmission peut s'effectuer de trois

façons différentes : par son discours, par son auto-promotion et par la communication qu'elle

fait à travers les autres médias.49 François Jost réalise un schéma explicatif50 :

Dans ce chapitre, nous verrons premièrement comment se constitue l'ethos de HBO,

47 Cynthia Littleton, « A la Carte Blanche », Variety, 21-27 septembre 2009.48 François Jost, Qu'est-ce que la télévision ?, p. 32.49 Ibid, p. 32-34.50 Idem ibidem.

10

Dessin 1: Schéma des différentes compositions de l'identité d'une chaîne.

Identité de la chaîne(la télévision)

La chaîne comme responsable de la programmation

La chaîne comme personne constituée par :

La communicationL'autopromotionL'ethos

Page 11: HBO: La révolution du petit écran

pour ensuite analyser sa communication et son auto-promotion. Pour finir, nous nous

intéresserons à ses méthodes de programmation.

a. Maintenir la distinction

Aristote donne la définition de l'ethos comme étant « l'image que l'orateur donne de

lui-même à travers son discours »51. Guillaume Soulez, dans une conférence de l'université de

Paris II en 2001, tente d'appliquer cette notion aux images et aux signes médiatiques. En effet,

l'ethos d'une chaîne de télévision va permettre aux téléspectateurs d'avoir une idée quant à

l'identité de ses dirigeants. De plus, dans le cas de HBO par exemple, la chaîne cache ses

intentions commerciales : en manquant d'informations sur l'orateur, le téléspectateur ne peut

qu'avoir confiance en ce discours : « Le pouvoir persuasif de l’ethos s’appuie dès lors sur

l’idée qu’en situation publique, ce que montre l’orateur à travers son discours (et non pas le

discours qu’il tient sur lui-même) révèle d'avantage sa personnalité, son caractère moral,

voire ses intentions, que ce qu’il dit, pour reprendre une distinction bien connue. »52.

HBO doit constamment attirer les clients, et pour cela, elle doit répondre à la question

que se posent les téléspectateurs : pourquoi payent-ils ? Elle doit donc justifier en permanence

le prix de son abonnement par le contenu de ses programmes. Si le téléspectateur trouve la

même qualité de programme sur des chaînes gratuites, il se désabonne. La stratégie principale

de HBO est alors de se différencier des autres chaînes afin d'apporter au spectateur des

programmes qu'il ne peut obtenir nulle part ailleurs. La comparaison avec les networks est

alors permanente et nécessaire pour se démarquer. A la création de la chaîne, de 1972 à 1978,

le slogan était « Different and First »53. La volonté de faire la différence avec le reste de la

télévision était donc déjà très claire. A cette époque, grâce à ses programmes, qui se

composaient essentiellement de films et de sport, HBO apportait respectivement aux

téléspectateurs de la qualité (Different) et de l'exclusivité (First)54. En 1995, les séries font

51 Guillaume Soulez, « Ethos, énonciation média : sémiotique de l'ethos », Recherches en Communication n°18, p. 2.

52 Ibid, p. 3. 53 Nous traduisons : « Différent et premier ».54 Avi Santo, « Para-television and discourses of distinction ». It's not TV. Watching HBO in the post-television

era, p. 19-45.

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Page 12: HBO: La révolution du petit écran

leur apparition petit à petit. Richard Ellenson inventa alors le slogan « It's not TV. It's

HBO. »55. Ce slogan choc, devenu très célèbre, synthétise en quelques mots le discours que

HBO souhaite communiquer au public : ce n'est pas de la télévision. Nous pouvons alors nous

demander ce qu'est donc HBO. Nous allons donc essayer de nous questionner sur les

différences entre cette chaîne câblée et les chaînes nationales afin de comprendre où se situe

HBO dans le domaine des médias américains. Ainsi, nous comprendrons et analyserons

l'image de marque que la chaîne souhaite faire passer à ses clients potentiels.

Premièrement, comme nous l'avons vu précédemment, d'un point de vue économique,

la différence majeure se fait remarquer par les téléspectateurs : la chaîne ne diffuse aucune

publicité. Selon elle, en plus d'apporter un certain confort au public, ce fonctionnement la

rend libre de ses programmes et l’empêche de se retrouver dans la même situation que

certains networks gratuits. Prenons un exemple : à la rentrée 2011 est sortie sur la Fox la série

Terra Nova56. Produite par Steven Spielberg à un coût exorbitant, 10 à 20 millions de dollars

pour les deux premiers épisodes, cette série, très attendue, faisait depuis longtemps languir les

téléspectateurs à l'aide d'une immense campagne de publicité dans tout le pays. Vue comme

un mélange de Jurassic Park57 et Lost58, elle se déroule au temps des dinosaures et les effets

spéciaux très alléchants justifiaient le coût de production. Ce fut une véritable déception

lorsqu'à la rentrée, les critiques et les téléspectateurs se sont aperçus qu'il s'agissait en réalité

d'une série familiale plate, banale et sans aucun mystère59 : « Tout cela est donc extrêmement

classique, un divertissement traditionnel et sans danger. »60. Ce non-danger de la part de la

Fox est dû, premièrement, au fait que c'est une chaîne traditionnelle, contenant des publicités,

où il est courant de ne pas prendre de risque et deuxièmement, au coût de production, presque

10 fois supérieur à la normale. Ce coût est très paradoxalement piégeur puisque, ce budget

attire les téléspectateurs, impressionnés et en attente de grand spectacle et de sensations fortes.

Cependant, en prenant de tels risques financiers, la chaîne se doit de rester le plus classique

possible sur son scénario et sa forme stylistique afin d'attirer un public familial et de pouvoir

rentabiliser ce programme grâce aux publicités. Cet exemple représente exactement ce que

HBO refuse de produire, et le revendique. Cependant, les revenus de la chaîne ne proviennent 55 Idem ibidem. Nous traduisons : « Ce n'est pas de la télé, c'est HBO. »56 Craig Silverstein, Kelly Marcel, Terra Nova, 2011, Fox.57 Steven Spielberg, Jurassic Park, 1993.58 J.J. Abrams, Jeffrey Lieber, Damon Lindelof, Lost, 2004-2010.59 http://fr.tv.yahoo.com/blogs/series/terra-nova-un-faux-pas-pour-spielberg-153852832.html , 03 février 2012.60 Idem ibidem.

12

Page 13: HBO: La révolution du petit écran

pas de la publicité mais des abonnements61. Nous pouvons en déduire que le système reste

fondamentalement le même : plus il y a de souscripteurs, plus les programmes seront

rentabilisés et plus le budget des séries de HBO sera élevé. Elle doit donc attirer un maximum

de téléspectateurs, et pour se démarquer, la chaîne mise sur les comparaisons permanentes

avec les autres chaînes. Pour commencer, elle revendique le fait d'être une commercial-free

channel62 et critique sans complexe les chaînes à publicité qu'elle considère comme non libres

de leurs choix et favorisant une télévision de masse plutôt que de qualité. En effet, en utilisant

le slogan « it's not tv », HBO entretient sa distinction et élève ses programmes au rang

d'oeuvre63. Comme le fait remarquer le journaliste Verne Gray, « This single statement

contains a critique of the entire system of American commercial television. »64. La première

stratégie commerciale, et assez agressive de la chaîne est donc de produire un programme de

qualité, meilleur et « de caractère ». Chris Albrecht, directeur des programmes de la chaîne,

qualifie leurs séries de « creator-dependant »65. Selon eux, la différence réside en cela : la

chaîne propose des programmes culturels. En regardant HBO, le téléspectateur se cultive, et

n'est donc plus sujet à la consommation de masse des autres chaînes. Il en a donc pour son

argent et ne sert plus d'unique « temps d'écoute » pour les annonceurs publicitaires66. HBO est

seul maître de ses programmes et ne se met pas au service des publicitaires. Chez HBO,

« populaire » n'est pas synonyme de « bon ». Leurs programmes sont tous originaux et ils les

mettent en opposition directe avec la situation dans laquelle se trouvent les networks67.

En dénonçant ce système, les dirigeants de la chaîne établissent une critique claire du

capitalisme résidant dans le domaine des médias américains. La prise d'opinion politique est

d'ailleurs un des fondements de l'identité de la chaîne. Déjà, dans les années 80, une série de

documentaires controverses ont fait polémique auprès du FCC : la Federal Communications

Commission. Un procès a eu lieu entre HBO et la FCC : la Cour d'Appel a déclaré que les

chaînes câblées, au même titre que les journaux, pouvaient bénéficier du Premier

61 John Carman, « Why HBO is king of the box. Soprano network isn't hooked on ratings, seeks challenging shows », The San Francisco Chronicle, 3 avril 2001.

62 Nous traduisons : chaîne sans publicité.63 François Jost, De quoi les séries américaines sont-elles le symptôme ?, p. 1.64 Verne Gray, « What's make HBO tick ? », Cable World, 4 novembre 2002. Nous traduisons : « Ce simple

communiqué contient une critique de tout le système de la télévision commerciale américaine ».65 Op.cit., John Carman, « Why HBO is King of the Box. Soprano Network isn't Hooked on Ratings, Seeks

Challenging Shows », San Francisco Chronicle, 3 avril 2001. Nous traduisons : « Dépendant des créateurs ».66 Avi Santo, « Para-television and discourses of distinction », It's not TV. Watching HBO in the post-television

era, p. 25.67 Idem Ibidem.

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Page 14: HBO: La révolution du petit écran

Amendement, et ainsi faire appel au droit à la liberté de parole et de presse68. Cette étape

décisive dans l'histoire de HBO, définit le contenu des programmes créés. A partir de cette

date, dans chacun de ses programmes, elle va s'efforcer d'incorporer de la nudité, de la

violence, de la vulgarité ou des opinions politiques. Ce parti-pris va attirer tous les spectateurs

en quête de nouveauté, ceux qui ont l'impression de « se faire avoir » par les networks

gratuits, ou encore, ceux qui partagent les mêmes opinions que la chaîne. HBO s'est alors

fortement démarquée des autres réseaux en devenant une chaîne inédite, insoumise et rebelle :

une autre sorte de média, classée par la justice dans la catégorie des « câblées ». Ce n'est donc

pas une chaîne de télévision, dans le sens classique et juridique du terme. Suite au slogan,

« It's not TV. It's HBO. », Avi Santo définit le contenu de la chaîne : « The end result for HBO

is neither television in the traditional network era sens of the word […] nor not television,

but, as I will demonstrate, the production of para-television, which purposely relies in

mimicking and tweacking existing and recognizable TV forms »69. En insérant dans leur

discours leur croyance en leur différence et en leur qualité, ils amènent les abonnés à croire en

ce discours. HBO vend ainsi, aux téléspectateurs, un capital culturel qui les élève au dessus de

la « populace » qui ne fait que consommer la télévision. C'est la comparaison du fast-food

face au restaurant étoilé. La distinction par la qualité et l'exclusivité implique deux

conséquences : la qualité par rapport aux autres chaînes, permet le maintien des abonnements

tout au long de l'année et l'exclusivité permet d'attirer un maximum de souscriptions. Afin de

maintenir cette qualité tout en affirmant ses opinions, HBO a besoin de créer des programmes

originaux et ne peut se contenter de racheter des programmes aux autres chaînes. Nous

remarquons que l'image que HBO souhaite entretenir auprès de son audience est celle d'un

média différent, une télévision améliorée, apportant un programme culturel, original et de

qualité qu'aucune autre chaîne ne pourra leur donner. Pour maintenir cette image, la série

télévisée s'est avérée être le format télévisuel parfait pour exprimer cette originalité tout en

fidélisant le public à la chaîne. Chaque nouvelle série porte d'ailleurs le nom de HBO's

original serie70. Avec actuellement 41 séries en programmation71 sur ses chaînes, ce format est

maintenant non distinguable de la marque. Nous pouvons lire sur le site de la chaîne : « It's 68 Idem ibidem.69 Op. cit., Avi Santo, « Para-television and discourses of distinction », It's not TV. Watching HBO in the post-

television era, p. 23. Nous traduisons : « Le résultat final pour HBO n'est ni de la télévision dans le sens traditionnel du mot, ni de la non-télévision, mais, comme je vais le démontrer, de la production de para-télévision, qui repose volontairement sur une imitation et une amélioration des formes existantes et reconnaissables de la télévision. ».

70 Idem ibidem. Nous traduisons : « Série Originale de HBO ». 71 http://www.hbo.com/ , 07 février 2012.

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Page 15: HBO: La révolution du petit écran

HBO. The most original and innovative shows are on HBO. It's unparalleled range of quality

of programming is why year after year, HBO continues to win more Emmy-awards than any

other network. »72. La comparaison avec les autres chaînes continue encore, comme pour

assurer sa légitimité. Cette stratégie attire, certes, des abonnements mais ne correspond qu'à

une niche spécifique de téléspectateurs : les milieux sociaux aisés, plutôt démocrates, avec un

fort taux de 18-40 ans73. Le reste de la population n'est donc pas susceptible de souscrire un

abonnement à HBO et les possibilités commerciales sont donc restreintes. Afin de remédier à

ce problème, dès le début des années 80, HBO crée la chaîne Cinemax qui diffuse des films

24 heures sur 24, du cinéma classique et des succès du box-office74. Cette chaîne répond

directement à la concurrence de la chaîne Showtime, elle aussi chaîne câblée, devenue

nationale depuis 197875. A partir de cette date, la marque ajouta bien d'autres chaînes à son

panel : 15 en plus, aux États-Unis et elle diffuse ses programmes dans 59 pays à travers le

monde en Amérique du Sud, en Asie, et en Europe76. En 1990, HBO2 est lancée, elle rediffuse

tous les programmes de HBO, et Cinemax 2, maintenant appelé MoreMax. HBO3 est lancée

en 1995 et sera renommée HBO Signature trois ans plus tard. De nouvelles niches sont

ensuite appréhendées : HBO Family, en 1996, qui diffuse des programmes familiaux, pour

enfants, loin de la violence ou de la vulgarité de la marque d'origine77. HBO Zone, en 1999, ne

diffuse que des films, 24 heures sur 24, destinés aux 18-35 ans (teen movies, films du box-

office, d'action et pornographiques la nuit)78. Cette chaîne est accompagnée la même année de

HBO Comedy, au programme plus léger et moins culturel que HBO, mais tout aussi réputé.

En 1998, HBO En Español diffuse, comme son nom l'indique, tous ses programmes en

espagnol79. Cette chaîne est suivie 2 ans plus tard par HBO Latino, par laquelle de nombreux

programmes originaux sont créés, comme la série de documentaires Celebrity Habla80 ou

72 http://www.hbo.com/#/explore-hbo/tv.html , 07 février 2012. Nous traduisons : « C'est HBO. Les programmes les plus innovants et originaux sont sur HBO. Son choix sans précédent et la qualité de ses programmes est la raison pour laquelle, année après année, HBO continue de gagner plus d'Emmy Awards qu'aucune autre chaîne. »,

73 Op. cit., Jean-Pierre Esquenazi, Les Séries télévisées : l'avenir du cinéma ?, p. 34.74 Op. cit., Marc Leverette, Brian L. Ott, Cara Louise Buckley, « Introduction », It's not TV. Watching HBO in

the post-television era, p. 5. 75 Op. cit., George Mair, « Going up on the bird », Inside HBO : The Billion Dollar War between HBO,

Hollywood and the home video revolution, p. 22-26.76 http://www.timewarner.com/our-content/home-box-office/ , 7 février 2012. 77 Op. cit., Marc Leverette, Brian L. Ott, Cara Louise Buckley, « Introduction », It's not TV. Watching HBO in

the post-television era, p. 5. 78 http://www.reelz.com/channel/18431/hbo-zone/ , 7 février 2012.79 Op. cit., Marc Leverette, Brian L. Ott, Cara Louise Buckley, « Introduction », It's not TV. Watching HBO in

the post-television era, p. 5. 80 Alberto Ferreras, Celebrity Habla, 2009, HBO.

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Page 16: HBO: La révolution du petit écran

d'animation, El Perro y el Gato81. Ces deux dernières chaînes sont clairement dédiée aux 50,5

millions d'américains d'origines hispaniques82 et aux 28 millions d'hispanophones sur le

territoire américain83. Toutes ces nouvelles chaînes du bouquet HBO sont toutes destinées à

une niche spécifique qui ne correspondait pas au public de la chaîne. De plus, Cinemax a elle

aussi continué son ascension en ajoutant, dès 1996, Cinemax 3, renommée ActionMax en

1998 ; suivie de ThrillerMax la même année, puis Wmax, @Max, 5StarsMax et OuterMax,

toutes lancées en 200184. Toutes ses chaînes ne diffusent que des films. En agrandissant ce

qu'ils appellent le HBOMAX Pak85, ils sont certains de toucher tous les types de cinéphiles,

d'autant plus qu'aux États-Unis, les films ne sont plus diffusés depuis bien longtemps sur les

ondes traditionnelles, faute de rentabilité. En créant cet assortiment de chaînes, HBO est

devenue en 1990, la première chaîne à offrir un service multiple86 et réussit le coup de pouvoir

satisfaire tous les publics. La marque a donc élaboré un réseau parallèle, prêt à court-circuiter

et concurrencer le réseau ordinaire de télévision. On y trouve des chaînes de qualité,

contenant du sport en exclusivité, du cinéma pour tous les goût, des téléfilms, documentaires

et séries originaux, le tout dans deux langues. HBO est passé du stade de petite chaîne câblée

à celui de nouvel empire médiatique : une para-télévision.

La différence entre HBO et la télévision gratuite est maintenant claire. Cependant,

dans toute l'histoire de la chaîne, HBO n'a jamais cessé de s'associer ou collaborer avec

d'autres réseaux. Elle a même fourni certaines chaînes en programme. Cette hostilité envers

les réseaux n'est donc qu'une image marketing, une sorte de storytelling puisque concernant

les affaires, ils s'avèrent être indispensables à la croissance de l'entreprise. Nous remarquons

que le tabou de la chaîne télévisée comme étant une industrie n'est toujours pas levé. Une

chaîne ne peut être considérée comme une entreprise dont le but premier est le profit :

l'industrie et la culture sont encore incompatibles. HBO prend alors la décision de se ranger

du coté de la culture en apparence, tout en entretenant une industrie florissante en coulisse.

Cette politique culturelle n'est qu'une manière paradoxale d'instaurer une image de marque à

HBO, et de crédibiliser ses programmes et surtout sa présence en tant que chaîne payante face 81 Chrissie Hines, El Perro y el Gato, 2004, HBO. Op. cit., Marc Leverette, Brian L. Ott, Cara Louise Buckley,

« Introduction », It's not TV. Watching HBO in the post-television era, p. 5. 82 http://pewresearch.org/pubs/1940/hispanic-united-states-population-growth-2010-census , 7 février 2012.83 http://www.multilingualarchive.com/ma/enwiki/fr/Hispanophone#cite_note-mla-1 , 7 février 2012.84 Op. cit., Marc Leverette, Brian L. Ott, Cara Louise Buckley, « Introduction », It's not TV. Watching HBO in

the post-television era, p. 5.85 Idem Ibidem.86 Idem Ibidem.

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Page 17: HBO: La révolution du petit écran

à toutes ses chaînes gratuites. D'après Melissa Davis, « l'identité de marque est la colonne

vertébrale d'une entreprise et contribue à définir son positionnement sur son marché (et sa

position vis-à-vis des concurrents) […] En résumé, la marque est la synthèse des valeurs

véhiculées par une entreprise ; elle représente ses aspiration et ses objectifs. »87. La chaîne

doit donc correspondre à son public : puisqu'elle aspire à une niche spécifique de personnes

cultivées, au milieu aisé, son identité sera donc proche de la culture.

Quand HBO prétend ne pas contenir de publicité, elle insinue que ses programmes ne

sont pas coupés par des spots publicitaires de 30 secondes. Cependant, beaucoup de séries de

la chaîne contiennent du placement de produit, situation paradoxale puisque ce sont ces

mêmes séries qui transmettent une forte critique de la consommation et du capitalisme. Ainsi,

lorsque Zack Enterlin, vice-président de la chaîne et responsable de la campagne publicitaire

pour True Blood88, annonce au magazine PR News « Le cœur de cible est un public de

spectateurs avertis, qui n'apprécieraient pas d'être pris pour des idiots par les annonceurs, ni

d'être manipulés par de grosses ficelles », cela peut paraître ironique89. Dans The Sopranos90,

nous entendons parler du jus d'orange Tropicana ou de la nouvelle Maserati du personnage de

Johnny Sack, qui précise peu subtilement qu'elle peut rouler à 176 miles par heures et que sa

couleur s'appelle « gris de Guinée »91. Mais c'est dans la série Sex and the city92 que le

placement de produit est le plus flagrant : Prada, Dolce & Gabbana, Manolo Blahnik, Dior,

Apple... Chaque épisode mentionne une marque. Pour les publicitaires, les emplacements

dans les séries HBO sont idéaux. L'un d'entre eux déclara en 2002, à propos du placement de

produit dans la série The Sopranos : « Il n'y a pas de message publicitaire comparable. Les

gens ne cessent de revoir les épisodes à la télévision. Ensuite, ils les achètent en DVD, et ils

les regardent encore. »93. Surtout que ce programme était suivi de très prés par 11 millions

d'américains94. Et comme le soulignent Dominique Pinsolle et Arnaud Rindel, le

téléchargement illégal permet aux marques d'être vues dans le monde entier gratuitement95.

87 Melissa Davis, Les Fondamentaux du branding, p. 12.88 Alan Ball, True Blood, 2008-En production, HBO. 89 http://www.monde-diplomatique.fr/2011/06/PINSOLLE/20687#nb7 , 30 avril 201290 David Chase, The Sopranos (Les Soprano), 1999-2007, HBO. 91 Op. cit., Tony Kelso, « And now no word from our sponsor », It's not TV. Watching HBO in the post-

television era, p. 52-53.92 Darren Satr, Sex and the city, 1998-2004, HBO. 93 Op. cit., Tony Kelso, « And now no word from our sponsor », It's not TV. Watching HBO in the post-television

era, p. 52-53.94 Idem ibidem.95 Idem ibidem.

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Page 18: HBO: La révolution du petit écran

HBO souhaite rester très discrète sur les contrats avec les publicitaires. Elle ne souhaite

également aucune transaction directe, préférant abaisser les coûts de ses productions grâce

aux marques. Nous ne disposons d'aucune information quant à la nature juridique de ses

paiements mais nous pouvons supposer qu'il s'agisse de coproductions, ou de dons de matériel

ou de services. Sans transaction financière, il ne s'agit pas légalement de placement de

produit. La chaîne peut donc continuer à prétendre qu'il n'y a pas de publicité sur HBO et que

les marques ne sont là que pour renforcer le réalisme de leurs séries96.

En tant que chaîne sans spot publicitaire, la programmation de HBO ne contient aucun

talk-show de prime-time dans lequel des invités parlent de leurs derniers travaux. Afin de

contrer ce manque, la chaîne invite alors les célébrités à participer à leurs séries97. Il s'agit

d'une stratégie « gagnant-gagnant ». En effet, HBO bénéficie du prestige de ses invités, ce qui

rend l'épisode exceptionnel et crée le buzz. Les téléspectateurs seront alors plus nombreux,

ravis de voir l'événement. Les guest stars jouent le plus souvent leur propre rôle, pour

augmenter l'illusion que le téléspectateur regarde un talk-show. Pour les acteurs, une telle

apparition leur permet de promouvoir leur prochain film, album, livre ou autre. D'après Lisa

Williamson, « actors are offered a certain amount of credibility by appearing on such shows

as it demonstrates that they willing to stand outside the confines of network programming and

challenge conventions. »98. La série Entourage99 est celle qui réunit le plus grand nombre

d'invités prestigieux : Jessica Alba, Matt Damon, James Cameron, Martin Scorsese, Peter

Jackson, Gus Van Sant, Kanye West, Val Kilmer. L'épisode le plus impressionnant est le

dernier de la saison 7 dans lequel 14 stars ont été invitées100. Parmi elles, Eminem qui sortait

son album Recovery101 la même année et Christina Aguilera, pour son album Bionic102 et le

film Burlesque103.

96 http://feuilletons.blogs.liberation.fr/series/placement-produit/ , 30 avril 2012. 97 Op. cit., Lisa Williamson, « Challenging sitcom conventions », It's not TV. Watching HBO in the post-

television era, p. 119.98 Idem ibidem. Nous traduisons : « les acteurs bénéficient d'une certaine crédibilité en faisant des apparences

dans de telles séries, comme si cela accréditait leur volonté à rester en dehors des programmes de networks et à défier les conventions. ».

99 Doug Ellin, Entourage, 2004-211, HBO. 100 http://en.wikipedia.org/wiki/List_of_celebrities_appearing_on_Entourage , 30 avril 2012. 101 http://www.amazon.fr/s/ref=nb_sb_ss_i_0_10?__mk_fr_FR=%C5M%C5Z%D5%D1&url=search-alias

%3Dpopular&field-keywords=recovery+eminem&x=0&y=0&sprefix=recovery+e%2Cpopular%2C221, 30 avril 2012.

102 http://www.christinaaguilera.com/us/music , 30 avril 2012. 103 Steve Antin, Burlesque, 2010.

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Page 19: HBO: La révolution du petit écran

Pour conclure, HBO s'est affirmée en tant que para-télévision, différente et libre de ses

choix. L'austérité, apparente seulement, envers les autres networks permet de masquer son

fonctionnement économique. En trouvant sa place dans l'industrie, elle est devenue un

important fournisseur de programmes. Et c'est naturellement qu'elle décide, à partir de 1995,

de développer ses créations et de faire des séries télévisées, une des raisons pour laquelle les

téléspectateurs s'abonnent. Nous allons maintenant nous intéresser à la communication et

l'auto-promotion que HBO développe afin d'attirer le plus grand nombre de téléspectateurs.

b. L'auto-promotion et la communication

Pour une chaîne de télévision, la série est le moyen idéal pour fidéliser son public.

Contrairement à un film ou à une émission, elle propose un rendez-vous hebdomadaire, voire

quotidien, que certains téléspectateurs ne rateraient pour rien au monde. Ils y retrouvent

toujours leurs personnages préférés, leur générique, les décors, et les péripéties dont le

suspense d'une semaine était insoutenable. Mais comme pour n'importe quelle chaîne, gratuite

ou payante, la longévité des séries ne dépend que du public. En effet, il en est le seul

décisionnaire. Si le public aime et regarde le programme, il reste à l'antenne, mais si

l'audience n'est pas présente, celui-ci est immédiatement annulé. HBO n'échappe donc pas à la

règle et tente, par tous les moyens possibles, d'attirer l’intérêt des téléspectateurs. Cependant,

pour elle, l’enjeu est certainement plus grand que pour les réseaux nationaux car elle ne vit

que des abonnements. Si un client, mécontent et déçu du programme, se désabonne, il n'est

plus susceptible de regarder à nouveau la chaîne. HBO ne pourra donc pas se « racheter », en

lui proposant une nouvelle série, par exemple, car le client est définitivement parti. Les

directeurs des programmes le savent pertinemment, et gardent en tête deux objectifs

prioritaires : le premier est d'attirer un maximum d'adhésion à la chaîne, et le second est, bien

sûr, de garder ces clients en les fidélisant et en leur proposant un service de qualité.

Tout d'abord, pour obtenir un maximum d'abonnement, Home Box Office fait

campagne. Elle diffuse des publicités sur toutes les chaînes gratuites des networks. Ces

publicités sont, à l'image de la marque : osées, drôles et impertinentes. Plusieurs éléments sont

promus : la qualité de la programmation en générale, la sortie en DVD des dernières saisons,

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ou encore, la qualité des séries proposées. En 2009, une publicité montre un terroriste qui se

prépare à faire un attentat-suicide. Il place la bombe sous son manteau, et au moment de

partir, il tombe sur un sketch de Chris Rock sur HBO. Il rit tellement qu'il en oublie de partir

et il explose chez lui104. Ce genre d'humour, sur des sujets à l'origine très graves, marque

l'identité provocatrice de la chaîne. Bien entendu, dans une Amérique post-11 septembre, les

amateurs de ce spot correspondent parfaitement aux clients potentiels de la chaîne : des

classes aisées, cultivées, démocrates, ouverts d'esprit et ayant beaucoup d'humour. La

publicité Yacht105, en 2011, propose une parodie des séries policières (une autre publicité

reprendra aussi la série hospitalière), en montrant deux policiers arrêtant un bandit sur son

yacht. Les acteurs prononcent leurs dialogues en discours indirect avec les didascalies, ce qui

peut donner des dialogues tels que ceux-ci : le bandit tire sur un policier d'arrière-plan et dit :

«- And I shoot that guy, but it would be insignificant to the spotline because he doesn't even

have a name. Un agent du FBI entre alors :

« - Here is the part where we fight over juridiction. » A son tour, la policière dit :

« - And I get mad »

A la fin de ce spot, on peut lire à l'écran : « Watch Something you haven't seen a million times

before »106. L'impertinence de la marque face aux séries des networks est d'autant plus osée

que la publicité est diffusée sur ces chaînes-là. HBO veut bien sûr attirer des clients en jouant

sur l'argument que leurs séries sont différentes et de qualité. Finalement, elle tente de faire

passer le discours de HBO aux téléspectateurs qui n'y ont pas accès. Une autre publicité107, en

2007, montre des personnes très tristes, pleurant dans la rue. A la fin du spot, nous lisons :

« It's okay. The Sopranos lives on DVD »108. Ces personnes étaient donc tristes que la saison

de The Sopranos soit terminée. En 2002, alors que le DVD s'installait dans les foyers,

remplaçant les cassettes VHS, la troisième saison de The Sopranos sortait en coffret, devenant

numéro un des ventes sur Amazon.com et Buy.com, devant les derniers blockbusters. Ce

classement, très étonnant à l'époque pour un DVD de télévision, attisa la curiosité du

département des ventes de vidéo de HBO, qui avait remarqué que la majorité des acheteurs

était âgée entre 25 et 40 ans, et avaient un capital culturel important. Ils correspondaient donc

au profil type du téléspectateur de HBO. De plus, 50% d'entre eux n'avait jamais vu la série, et 104 VEM, Terrorist, 2009, http://www.culturepub.fr/videos/hbo-chaine-de-television-terrorist-vost, 7 mars 2012. 105 Tom Kuntz, Yacht, 2011, http://www.culturepub.fr/videos/hbo-go-yacht, 7 mars 2012. 106 Nous traduisons : « Regardez quelque chose que vous n'avez pas déjà vu un million de fois ».107 Simon McQuoid, The Sopranos Lives, 2007, http://www.culturepub.fr/videos/hbo-the-sopranos-the-sopranos-

lives-on , 7 mars 2012. 108 Nous traduisons : « Ne vous inquiétez pas, les Sopranos sortent en DVD. ».

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étaient juste curieux, bien que le prix du coffret soit assez élevé : 99,98$109. Les responsables

des ventes de HBO ont alors déposé un bulletin d'adhésion pour la chaîne dans chaque boite,

permettant d'avoir une réduction sur l'abonnement110. Ainsi, les fans de la série pouvaient

devenir client de HBO, attirés par l'exclusivité de la saison suivante.

En plus des publicités télévisuelles, la chaîne réalise une grande campagne d'affichage

pour chacun de ses programmes. Mais la plupart du temps, elle tente des campagnes

originales, personnalisées, en fonction du sujet de la série. Prenons l'exemple de la série

Boardwalk Empire, sorti en septembre 2010, dont la promotion s'est déroulée du 16 août au 19

septembre. Cette série se déroule dans les années 1920, à Atlantic City, et traite de la

contrebande d'alcool pendant la Prohibition, sur un décor de casinos, de jeu, de plaisirs, de

politique et d'argent. Sarah Goodnow, la directrice des comptes à Civic Entertainment (la

société qui coordonna les associations entre HBO et les marques), déclare au New York

Times : « There were three themes we focused on, […] 1920s fashion; Atlantic City itself, and

Prohibition and era of speakeasies, rum-running and bootlegging. »111. La chaîne visa

principalement les hommes de plus de 25 ans, et s'associa pour cela, avec trois grandes

marques : l'hôtel-casino Caesars d'Atlantic City appartenant au groupe Harrah's, pour le jeu et

l'argent, Canadian Club, une marque de whisky, pour l'alcool, et la chaîne de magasin

Bloomingdale's pour la mode. En tout, HBO dépensa 10 millions de dollars dans cette

campagne, soit plus du double du budget du premier épisode, lui-même tout de même très

cher. Pour leur participation, les magasins Bloomingdale's, enseigne de prêt-à-porter chic et

très répandue dans le pays, ont décoré entièrement leur magasin principal de la 3ème avenue

de Manhattan sur le thème des années 20, avec des vitrines et même des acteurs habillés

comme à l'époque. Ils ont également reproduit une promenade en planche de 35 mètres de

long (« boardwalk » en anglais), comme celle de la série. De plus, les acteurs ont posé en

couverture du catalogue de la collection automne-hiver de l'enseigne. L'hôtel Caesars, quant à

lui, a organisé une avant-première, avec tapis rouge et présence de la presse et des acteurs,

comme s'il s'agissait d'un film hollywoodien. Et quatre établissements de la chaîne Harrah's

ont loué 1920 suites à 19,20 $ la nuit, du 16 au 30 septembre. De plus, 35 restaurants et bars

109 101,93 € en Septembre 2002. 110 Stuart Levine, « DVD Formata Perfect Fit for Fanatics », Variety. 4 au 10 novembre 2002. 111 Stuart Elliott, « A Big Splash for a Prohibition drama », The New York Times, 15 août 2010. Nous traduisons :

« Il y trois thèmes sur lesquels nous souhaitons nous concentrer, […] la mode des années 20, la ville d'Atlantic City, et la Prohibition à l'époque des distilleries clandestines, des passeurs et des revendeurs ».

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de la ville adaptèrent leurs prix à ceux des années 20. La marque Canadian Club a redécoré

des bars en distilleries à Chicago, New York, Philadelphie et Los Angeles et pendant la

« Prohibition Happy Hour », un cocktail Canadian Club était offert aux clients. La marque a

aussi sponsorisé l'avant-première au Caesars. Chris Spadaccini, vice-president du département

publicité et promotion de HBO, déclara au New York Times : « We want the campaign to feel

big to reflect the scope and scale of the production. We want to position Boardwalk Empire as

an epic crime drama and make feel people it's a must-see television event. »112. Et

effectivement, lors du premier épisode, HBO réunit 4,8 millions de téléspectateurs, la

meilleure audience depuis 2004113. Lors de la promotion pour la saison 2, HBO équipa le

métro de New York en remplaçant les deux tiers de leurs trains par des modèles des années

20, entièrement décorés sur le thème de la campagne politique de Nucky Thompson, le

personnage principal de la série. Une distribution de tickets de transport gratuits fut également

organisée114. Le passage dans le métro d'une si grande ville n'est évidemment pas négligeable.

112 Idem ibidem. Nous traduisons : « Nous voulons que la campagne paraisse énorme, à l'image de l'étendue et de l'ampleur de la production. Nous voulons positionner Boardwalk Empire comme un drame épique et faire en sorte que les gens le voient comme un événement télévisuel à ne pas manquer. ».

113 « Boardwalk Empire campaign for HBO », Promo Magazine, 3 août 2011. 114 http://www.fastcocreate.com/1679200/nycs-mta-takes-the-23-train-to-yesteryear-for-hbos-boardwalk-empire-

campaign, 08 mars 2012.

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Illustration 1: Métro de New York redécoré pour la saison 2 de Boardwalk Empire.

Illustration 2: Façade du magasin Bloomingdales's de New York pour la saison 1 de Boardwalk Empire.

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Illustration 3: Campagne d'affichage pour la saison 1 de Boardwalk Empire dans le métro de New York.

Illustration 4: Affiche de Boardwalk Empire. Le thème utilisé est le jeu d'argent à Atlantic City dans les années 20.

Illustration 5: Affiche de Boardwalk Empire. Le thème choisi ici est le plaisir, les femmes et le luxe pendant l'âge d'or d'Atlantic City.

Page 24: HBO: La révolution du petit écran

Cependant, l'association de la chaîne avec d'autres marques peut s’avérer difficile, car

beaucoup d'entre elles ne souhaitent pas être rattachées à de la violence, telle qu'on en trouve

sur la chaîne. Dans le premier épisode de Boardwalk Empire, nous pouvons y voir des

meurtres, des fusillades, une femme enceinte battue, de la nudité, et de l'obscénité. Nous

pouvons nous demander alors pourquoi Bloomingdale's, Canadian Club ou encore Caesars

ont-ils accepté de s'associer à HBO. Selon Chris Spadaccini, la raison est simple : « With

HBO, they know what they’re getting into: a premium network with adult content. The

violence is not gratuitous; it’s part of the narrative. And it is Scorsese. »115. La chaîne a

maintenant atteint une notoriété telle que la violence de ses programmes freine de moins en

moins les marques. De plus, le fait d'avoir des réalisateurs ou des producteurs prestigieux leur

procure une qualité non négligeable lors des partenariats116. Pendant la campagne

promotionnelle pour la deuxième saison de la série True Blood, les dirigeants ont créé une

confusion volontaire entre le monde réel et l'univers de la série, en faisant croire que les

vampires existaient vraiment. Ils ont ainsi réalisé des publicités destinées aux vampires. Pour

cela, ils se sont associés à plusieurs marques : Gillette, Monster.com, Mini, Ecko, Harley-

Davidson et la société d'assurance Geico117. Ce co-branding permet le partenariat entre deux

marques dans le cadre d'opérations ponctuelles. Les panneaux publicitaires créés pour

l'occasion étaient affichés dans les rues des grandes villes, dans certains magazines comme le

US Weekly, le New York Times, le TV Guide et le New York Magazine, et sur certains sites

internet118. Cette campagne de grande envergure contient de nombreux avantages. Tout

d'abord, l'association de deux marques permet la création de valeurs partagées : les marques

associées à la chaîne paraissent ainsi créatives, originales, et de qualité, à l'image de HBO.

Kate Alini, directrice des communications marketing de Mini a déclaré « We're always

looking for ways to do something unique and unexpected and break through the clutter. […]

The show is thought-provoking and edgy. It's a really good fit »119. Pour la chaîne, la publicité

permet de toucher les consommateurs de toutes les marques en même temps. De plus, ce co-

115 Op. cit., Stuart Elliott, « A Big Splash for a Prohibition drama », The New York Times, 15 août 2010. Nous traduisons : « Avec HBO, ils savent dans quoi ils s'embarquent : un réseau de première qualité au contenu pour adulte. [...] La violence n'est pas gratuite ; elle fait partie de la narration. Et c'est Scorsese. ».

116 Idem ibidem.117 http://www.fastcompany.com/blog/alissa-walker/designerati/did-seasons-true-blood-campaign-achieve-

immortality-or-just-plain-suc, 30 avril 2012. 118 http://www.getthefive.com/articles/the-marketeer/hbo-partners-with-mini-geico-gillette-and-harley-d/ , 30

avril 2012. 119 http://www.usatoday.com/money/advertising/2009-05-25-fake-ads-true-blood_N.htm , 27 avril 2012. Nous

traduisons : « Nous cherchons toujours à faire quelques chose d'unique, d'inattendu, et à se démarquer. [...] La série suscite la réflexion, et est avant-gardiste. C'est une bonne association. ».

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Page 25: HBO: La révolution du petit écran

branding de niche120 permet aux marques associées de viser une catégorie de population

particulière. Ici, il s'agit du public de True Blood, jeune, urbain, et provenant des milieux

aisés, que des marques comme Monster.com, Harley-Davidson ou Geico souhaitent toucher

en priorité. D'après Dino Bernacchi, directeur de promotion de la marque Harley-Davidson,

« This is a very cool, sexy, powerful brand. It's youthful and powerful and has attitude and

strength. That's really a great partner for a brand like ours. »121. Cette stratégie est donc

positive pour les deux camps : HBO bénéficie des clients des marques et les marques

bénéficient de la catégorie de public de la série. Ainsi, pour les fans de True Blood, voir des

marques associées à leur série préférée permet d'accroître leur estime envers elles. D'après

Corinne Nardot, professeur d'économie et de gestion, un co-branding réussi mêle « créativité

et complémentarité »122. Un produit ne doit pas faire de l'ombre à l'autre sous peine que la

campagne soit un échec. Nous pouvons dire que l'originalité et la créativité de ses publicités

résident dans la présence de vampires. La complémentarité, quant à elle, a lieu dans la

diversité des marques utilisées. Aucune ne vend le même type de produit. Même Harley-

Davidson et Mini, qui semblent à première vue être des vendeurs de véhicules motorisés,

visent en réalité des clients très différents. Mini cible une clientèle jeune et féminine tandis

que les motos Harley-Davidson sont plutôt destinées aux hommes. Pour HBO, cette

campagne permet de refléter son humour, sa légèreté, sa capacité à ne jamais faire comme

tout le monde et à choquer. Pour Bill Carroll, directeur des programmes de Katz Television

Media Group, « for HBO, it's finding that balance between, “Oh my goodness, you're wasting

my time”, or “Oh my goodness, you've given me something intriguing” »123. Ces partenariats

font l'objet de contrats tenus confidentiels, mais nous pouvons supposer que cela réduit les

coûts de promotion de la chaîne puisque les frais sont partagés entre la marque et HBO. Mais

surtout, HBO n'est plus une « advertiser-free channel » comme aimait le préciser Chris

Albrecht. Certes, ses programmes ne dépendent pas des publicitaires, mais HBO s'associe

clairement avec des marques qui bénéficient de ses téléspectateurs.

120 http://www.marketing-professionnel.fr/parole-expert/co-branding-marques-strategies-coopetition.html , 27 avril 2012.

121 http://www.usatoday.com/money/advertising/2009-05-25-fake-ads-true-blood_N.htm , 27 avril 2012. Nous traduisons : « C'est une marque vraiment cool, sexy, et puissante. Elle est pleine de jeunesse et puissante et a de l'allure et de la force. C'est vraiment un super partenaire pour une marque comme la notre. ».

122 http://www.creg.ac-versailles.fr/spip.php?article57 , le 26 avril 2012. 123 R. Thomas Umstead, « HBO sinks its teeth into True Blood campaign », Multichannel News, 28 juillet 2008.

Nous traduisons : « pour HBO, le tout est de trouver l'équilibre entre “Oh mon Dieu, vous me faites perdre mon temps” et “Oh mon Dieu, vous m'intriguez” ».

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Page 26: HBO: La révolution du petit écran

26

Illustration 6: Publicité Gillette et HBO pour la campagne True Blood.

Illustration 7: Publicité Mini et HBO pour la campagne True Blood.

Illustration 8: Publicité Geico et HBO pour la campagne True Blood.

Page 27: HBO: La révolution du petit écran

27

Illustration 9: Publicité Ecko et HBO pour la campagne True Blood.

Illustration 10: Publicité Monster.com et HBO pour la campagne True Blood.

Illustration 11: Publicité Harely-Davidson et HBO pour la campagne True Blood.

Page 28: HBO: La révolution du petit écran

Pour Boardwalk Empire, la violence joue un rôle très important dans la campagne de

HBO. En effet, la plupart du temps, l'élément qui permet de toucher un maximum de

personnes est le buzz. Le principe est que le consommateur lui-même contribue à diffuser

l'information et à faire la publicité du produit. Pour cela, les dirigeants ne comptent que sur

un seul élément marketing : le bouche-à-oreille (WOMM : Word-Of-Mouth Marketing)124.

Pour Mark Hughes, auteur du livre Buzzmarketing, « Buzz starts conversations ». Il répertorie

6 éléments qui permettent de lancer un buzz et de démarrer les conversations : le tabou,

l'inhabituel, le scandale, l'hilarant, le remarquable et les secrets125. Nous pouvons évidemment

remarquer que les séries de HBO sont composées d'un grand nombre de ces facteurs. La

violence contenue dans les épisodes de Boardwalk Empire, justifiée par la réalisation de

Martin Scorsese, attire la curiosité des téléspectateurs, avant ou après la diffusion.

Contrairement aux réseaux classiques, dans lesquels les programmes doivent attirer un

maximum de spectateurs le premier soir, les séries HBO sont un peu considérées comme du

bon vin par les directeurs de la chaîne : bien sûr la première diffusion doit apporter une bonne

audience, mais surtout, le bouche-à-oreille et les critiques doivent apporter de plus en plus de

téléspectateurs tout au long de la saison. Ainsi, dans le cas de la série True Blood, le tout

premier épisode a attiré la curiosité de 1,4 millions de personnes126, tandis que le dernier en a

attiré 2,45127. Plus marquant encore, le premier épisode de la deuxième saison a réuni 3,7

millions de téléspectateurs, réalisant une croissance de 157% depuis la première diffusion de

la série128. Le final de cette saison a même apporté 5,11 millions de spectateurs129. C'est

particulièrement ce genre de croissance que les dirigeants souhaitent atteindre grâce au buzz

et au bouche-à-oreille, et heureusement pour eux, les gens aiment discuter des dernières

trouvailles créatives de la télévision. Le buzz n'est pas nouveau, cependant, grâce à internet, et

maintenant aux réseaux sociaux, la capacité de parler d'un événement local et d'en faire une

discussion à l'échelle internationale, est de plus en plus facile, et évidemment gratuite pour la

marque. HBO facilite alors le processus en proposant certains services sur internet : un site

124 Shawn McIntosh, « Will Yingshuiji buzz help HBO Asia », It's not TV. Watching HBO in the post-television era, p.73.

125 Mark Hughes, Buzzmarketing. p.27. Nous traduisons : « le buzz lance les conversations ».126 Daniel Frankel, « 1,4 Million tunes into True Blood: HBO serie premiere has descent sunday bow », Variety.

9 septembre 2008. 127 Rick Kissel, « CBS stays hot in november », Variety. 25 novembre 2008.128 http://www.broadcastingcable.com/article/294649-Cable_Ratings_True_Blood_Delivers_For_HBO.php?

rssid=20065 ,09 Mars 2012.129 http://tvbythenumbers.zap2it.com/2009/09/15/cable-ratings-usc-vmas-icarly-and-true-bloodfinale/27176/ , 09

mars 2012.

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Page 29: HBO: La révolution du petit écran

pour chaque série, avec des informations sur les acteurs et les personnages, les descriptions

des épisodes, des interviews, des vidéos des coulisses, la vente des produits dérivés, et bien

entendu, des forums de discussion. C'est en mettant en place ces forums et en tolérant les sites

internet non-officiels et les lieux de discussion des fans que HBO accélère la mise en place du

buzz. Selon Shawn McIntosh, « Word of mouth is not primarily about simply transmetting

information, but about discursively creating and sharing meanings to create our social milieu

and our very identity. »130. Dans la campagne de publicité pour True Blood, des vidéos virales

et des trailers circulaient sur Youtube, Facebook, ou autres réseaux sociaux. Sur toute la toile,

HBO laissait entendre que les vampires existaient réellement, comme c'est le cas dans la série.

Ainsi, un site de rencontre pour humains et vampires a même été créé, appelé

LoveBitten.net131. En Nouvelle-Zélande, les panneaux publicitaires distribuaient des pieux en

bois, en cas d'attaque de vampire132. Une application Facebook, « immortalize yourself », a été

conçue pour insérer des photos de l'internaute dans un extrait de la série : les 8 millions de

fans de la page Facebook ont donc pu partager le lien avec tous leurs contacts133. De la même

manière, pour la troisième saison, une vidéo virale circulait sur le net : un employé du

département marketing de la chaîne présentait ses idées toujours plus farfelues pour la

campagne de promotion de la série, comme une piscine municipale remplie de sang, ou une

carte d'anniversaire qui projette du sang au visage de celui qui la reçoit. En plus d'être une

vidéo efficace, HBO fait ici preuve d'auto-dérision, mais en profite tout de même pour

préciser deux fois le jour et l'heure du prochain épisode, pour dire que les séries HBO sont

toujours originales et hors du commun et enfin, qu'elles sont faite pour une « mature

audience »134.

130 Op. cit., Shawn McIntosh, « Will Yingshuiji buzz help HBO Asia ? », It's not TV. Watching HBO in the post-television era. p.73. Nous traduisons : « la fonction du bouche-à-oreille n'est pas juste une transmission d'informations pure et simple, mais c'est créer de manière rationnelle et partager des éléments pour bâtir notre milieu social et notre propre identité. ».

131 http://www.fastcompany.com/magazine/135/spread-the-word.html , 10 mars 2010. 132 Idem ibidem.133 http://www.digitalbuzzblog.com/hbo-true-blood-immortalize-yourself-facebook-app/ , 10 mars 2012. 134 http://true-blood.net/2010/06/13/hbo-marketing-apologizes-for-enthusiasm/ , 10 mars 2012. Nous traduisons :

« public adulte »

29

Page 30: HBO: La révolution du petit écran

La série fut très bien reçue par les téléspectateurs, comme nous l'avons vu, puisqu'avec

les deux rediffusions, le premier épisode a totalisé 7,1 millions de spectateurs en tout135. Mais

le programme fut également très bien reçu par la critique puisqu'il obtient la note moyenne

totale de 88 sur 100136. La plupart des séries HBO obtiennent une bonne critique des experts,

journalistes et universitaires. C'est bien sûr un point positif que HBO tente de conserver. En

effet, tous les articles positifs parus dans la presse sont en réalité de la publicité gratuite pour

eux et d'autant plus crédible qu'elle est faite par des experts. Le très prestigieux New York

Times ne tarit pas d'éloges sur leurs séries : en 1999, le journaliste Stephen Holden écrivit :

« The Sopranos sustains its hyper-realism with an eye and ear so perfectly attuned to

geographic details and cultural and social nuances that it just may be the greatest work of

American popular culture of the last quarter century. »137. Une critique comme celle-ci ou

encore la victoire d'un Emmys Award ou d'un Golden Globe apportent à coup sûr énormément

d'abonnés, curieux de cette qualité, mais surtout crédibilise tout le travail, la programmation et

la promotion de la chaîne. Ainsi en 2003, les Emmys ont rapporté 72 millions de dollars en

plus de leurs revenus habituels grâce à l'augmentation des inscriptions. Les Emmys

135 Op. cit., « Boardwalk Empire Campaign for HBO », Promo Magazine, 3 août 2011. 136 http://www.metacritic.com/tv/boardwalk-empire/season-1 , 8 mars 2012. 137 Christopher Anderson, « Producing an Aristocracy of culture in American television », The Essential HBO

Reader, p. 23. Nous traduisons : « The Sopranos maintient son hyper-réalisme grâce à des yeux et des oreilles si parfaitement sensibles aux détails géographiques et aux nuances culturelles et sociales, qu'il est probablement le meilleur résultat de la culture populaire américaine du dernier quart de siècle. »

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Illustration 12: Panneaux publicitaire pour la saison 1 de True Blood en Nouvelle-Zélande.

Page 31: HBO: La révolution du petit écran

permettent de créer le buzz. Le journaliste Bill Edelstein a questionné un employé de la

chaîne qui affirme : « The Emmy push is very important to them because it's about image

building and branding and that's their mantra. […] They spend an extraordinary amount of

money every year. »138. Tout est donc une question d'image de marque. La cérémonie des

Emmys leur procure une publicité gratuite. De plus cette communication n'est pas de « l'auto-

promotion », que beaucoup de téléspectateurs pourraient juger de non-objective. Il s'agit là de

l'avis, bien que parfois contesté, de membres de l'industrie audiovisuelle, neutres, experts en

la matière et donc crédibles.

Tout ce travail de communication et d'auto-promotion pour obtenir un maximum

d'abonnés est une méthode assez agressive mais plutôt efficace. HBO ne dévoile pas ses

résultats mais le magazine Variety estimait qu'en 2001, le nombre d'abonnés s'élevait à 28

millions139. Afin de compléter leur méthode et leur discours, il est cependant important de

faire en sorte que les clients soient satisfaits de leur prestation. Pour garder un maximum

d'abonnés, HBO mise donc sur la programmation et sur plusieurs avantages que leurs clients

peuvent obtenir grâce à leur abonnement.

c. Programmation et fidélisation des clients

D'après le magazine Variety, HBO réalise une très forte croissance depuis le

commencement de ses séries au début des années 1990. En 1994, elle possédait 19,2 millions

d'abonnés. Ce chiffre a augmenté de 50% entre 1995 et 2007. Aujourd'hui elle a atteint les 28

millions d'abonnés avec une croissance de 1 million de plus par an. En comptant les clients du

bouquet Cinemax, la chaîne cumule 37 millions de souscriptions140. De plus, elle possède

aujourd'hui 81 millions d'abonnés à travers le monde141. Mais un des plus grands problèmes

que rencontrent les dirigeants des chaînes câblées, est le phénomène du churning142 : certains

138 Bill Edelstein, « Emmy campaign pricey, cost of image building », Variety, 4 au 10 Novembre 2002. Nous traduisons : « L'impulsion qu'apportent les Emmys est très importante pour eux car il s'agit de la construction de leur image et de leur marque et c'est leur credo. […] Ils dépensent une quantité d'argent extraordinaire chaque année. »

139 John Dempsey, « It's lonely at the Top », Variety, 10 au 16 Septembre 2001. 140 Op. cit., John Carman, « Why HBO is king of the box. Sopranos network isn't hooked on ratings, seeks

challenging shows », The San Francisco Chronicle, 3 avril 2001. 141 http://www.monde-diplomatique.fr/2011/06/PINSOLLE/20687#nh7, 23 avril 2012. 142 Op. cit., George Mair, Inside HBO : The Billion Dollar War between HBO, Hollywood and the home video

revolution, p.11.

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Page 32: HBO: La révolution du petit écran

clients s'abonnent pour mettre ensuite fin à leur abonnement peu de temps après. Il y a

plusieurs raisons à ce procédé : financières d'abord, ils se considèrent satisfaits par la

télévision gratuite, par désintéressement pour les autres programmes de HBO ou encore, car

ils se sont abonnés à un concurrent. Par moment, le churning est même volontaire : ils

s'abonnent par exemple, de septembre à décembre, pendant la saison de leur série préférée. Le

nombre d'abonnés chaque année n'est donc pas significatif si le taux de churning n'est pas pris

en compte. En 1980, 42% des souscriptions étaient annulées en moins d'un an : sur les 12,1

millions de nouvelles souscriptions cette année-là, 5 millions se sont déconnectés143. L'année

d'après, en 1981, le taux de churning était monté à 48% : la chaîne devait trouver deux clients

dans l'espoir de n'en garder qu'un. 35% des personnes qui se déconnectaient le faisaient dans

les 90 jours, et 60%, au cours des six premiers mois144. Les principales raisons données étaient

que la chaîne ne valait pas le coût de l'abonnement, les films étaient rediffusés trop souvent et

les programmes étaient mauvais. Mais à cette époque, ce problème ne semblait pas inquiéter

les dirigeants de la chaîne qui ne prenaient aucune décision. Aujourd'hui, le churning est

toujours l’ennemi numéro un de n'importe quelle chaîne du câble mais HBO a pris plusieurs

mesures pour garder l’intérêt des spectateurs tout au long de l'année et les séries sont l'outil

idéal.

Les changements ont eu lieu dans différents domaines et tout premièrement dans la

programmation. Selon François Jost : « Le succès ou l'échec d'un programme dépend très

largement de la case horaire dans laquelle il est diffusé. Et ce pour deux raisons : il peut ne

pas “trouver” le public qu'il aurait été susceptible d’intéresser, ou l’intéresser moins que

l'émission proposée par une chaîne concurrente. »145. Dans les années 90, les séries n'étaient

pas courantes sur HBO : il a donc fallu « trouver » les spectateurs et les habituer à être

réguliers et fidèles à la chaîne afin de créer un public stable, une cible. En 1995, Jeff Bewkes

fut nommé à la tête de la chaîne. Son objectif premier était de créer un lien plus étroit dans la

relation entre la chaîne et les téléspectateurs et pour cela, la série était le moyen idéal146.

D'après Christopher Anderson :

143 Ibid, p.56.144 Ibid, p.57. 145 Op. cit., François Jost, Comprendre la télévision et ses programmes, p.52.146 Op. cit., Christopher Anderson, « Producing an Aristocracy of culture in American television », The Essential

HBO Reader, p. 32.

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Page 33: HBO: La révolution du petit écran

« […] the commercial networks recognized that the key to cultivating loyalty among

viewers depended upon a fixed, reliable schedule: the goal to integrate network

programming into the temporal rhythms of modern workweek and, on an even more

intimate level, with the temporal flow of everyday life in a family [...] »147.

A partir de 1997, la chaîne payante a tenté de diffuser ses séries (Oz148, The Larry

Sanders Show149 et Arli$$150) les soirs de semaine à 23 heures. Ils espéraient compléter le

programme de prime-time et faire en sorte que les spectateurs se transfèrent sur HBO après

avoir vu leur programme sur les grandes chaînes gratuites151. Aujourd'hui, la chaîne ose tenter

de concurrencer les autres réseaux pendant les périodes de prime-time : à l'image du succès du

network NBC qui avait instauré le Thursday lineup152 durant lequel toutes leurs séries étaient

diffusées à la suite le jeudi soir, HBO n'hésita pas à créer la séance du dimanche soir153. Chris

Albrecht, directeur des programmes à cette période, explique :

« We didn't really believe that we could compete on a weekly basis in the serie area,

which is the programming currency of the broadcast networks. We knew that we had to

become more valuable, so we made a conscious effort to explore the series area. […]

So we transformed ourselves into a regular-use network, a habitual-use network,

rather than an occasional-use network... that was a huge transformation but one that

was necessary. »154.

C'est la technique de programmation dite du checkboarding hebdomadaire : « la

147 Idem ibidem. Nous traduisons : « […] les réseaux commerciaux reconnaissaient que le secret pour entretenir la fidélité des téléspectateurs reposait sur un programme fixe et mémorisable : le but étant d'intégrer un programme de télévision dans le rythme d'une semaine de travail moderne et, sur un niveau encore plus intime, dans le quotidien d'une famille [...] ».

148 Tom Fontana, Oz, 1997-2003, HBO. 149 Dennis Klein, Gary Shandling, The Larry Sander's show, 1992-1998, HBO. 150 Ed Smart, Arli$$, 1996-2002, HBO. 151 Op. cit., Avi Santo, « Para-television and discourses of distinction », It's not TV. Watching HBO in the post-

television era, p. 27.152 Nous traduisons : « La séance du Jeudi ».153 Op. cit., Avi Santo, « Para-Television and discourses of distinction », It's not TV. Watching HBO in the post-

television era, p. 27.154 Op. cit., Christopher Anderson, « Producing an Aristocracy of culture in American television », The Essential

HBO Reader, p. 33. Nous traduisons : « Nous ne croyions pas vraiment que nous pouvions rivaliser avec une base hebdomadaire dans le domaine des séries, ce qui est le type de programmation le plus courant à la télévision. Nous savions que nous devions obtenir plus de valeur, donc nous avons fait des efforts réfléchis pour explorer le domaine des séries. […] Alors nous nous sommes transformés en une chaîne à usage régulier, une chaîne à usage habituel, plutôt qu'une chaîne à usage occasionnel...ce fut une énorme transformation mais elle était nécessaire. »

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Page 34: HBO: La révolution du petit écran

programmation de séries différentes chaque semaine dans la même case horaire »155. Cette

méthode permet à HBO de créer un public fidèle : il regardera la chaîne le dimanche soir par

habitude, pour voir des séries et non pour voir une série. Cette stratégie de faire venir

l'audience pour un soir en particulier, plutôt que pour un programme permet notamment de

garantir un succès à une toute nouvelle série en plaçant le pilote entre deux épisodes de séries

à succès : le hammocking156. Ce fut le cas en 2001 lorsque la chaîne diffusa le pilote de Six

Feet Under157 juste après sa série à succès Sex and The City158. Traditionnellement donc, sur

HBO, la soirée du dimanche commence à 21 heures par une sitcom (Sex and the City, Curb

Your Enthusiasm), suivie par un drame familial (The Sopranos, Six Feet Under), et finit par

une série plus explicite et controversée. Le tout est souvent suivi par une rediffusion du

premier épisode : ceux qui regardaient une chaîne concurrente peuvent retourner sur HBO

pour la deuxième partie de soirée. En fixant leurs séries le dimanche soir, à 21 heures, les

dirigeants du network ont su trouver leur public : les enfants étant couchés, la « télévision

disponible » à cette heure d'écoute est constituée essentiellement d'adultes et il n'y a pas

d'obligation de diffuser un programme fédérateur familial, un « less-objectionnable-

program »159. HBO est libre de diffuser leurs séries violentes, grossières et immorales160. Le

célèbre slogan « Sunday is... HBO »161 a permis à la chaîne de réaliser ses plus fortes

audiences pendant des années. A partir de 2004, la chaîne subit cependant une crise des

programmes et se fit battre par la diffusion de Desperate Housewives. ABC profita de cette

baisse d'audience pour diffuser sa série le dimanche soir, et ce fut un succès puisque le

premier épisode attira 21 millions de spectateurs162.

D'autres changements ont été effectués : les saisons ne durent que 12 épisodes. Les

avantages de cette modification sont de pouvoir éviter toute coupure pendant le déroulement

de la saison (due à un événement sportif ou politique) comme c'est souvent le cas sur les

autres chaînes : à force de ne plus voir leurs épisodes deux ou trois semaines d'affilées, les

spectateurs en perdent l'envie de connaître la suite. La plupart du temps, les chaînes perdent

ainsi beaucoup de téléspectateurs au cours de la diffusion d'une saison et il est rare que 155 Op. cit., François Jost, Comprendre la Télévision et ses programmes, p. 61. 156 Idem ibidem. François Jost traduit : « faire un hamac ».157 Alan Ball, Six Feet under (Six Pieds sous terre), 2001-2005, HBO. 158 John Dempsey, « It's lonely at the Top », Variety, 10 au 16 septembre 2011. 159 Nous traduisons : « programme le moins contestable ».160 Op. cit., François Jost, Comprendre la Télévision et ses programmes, p. 57-62. 161 Nous traduisons : « Dimanche c'est... HBO ».162 Denise Martin, « HBO has Rival as the sunday driver », Variety, 1 au 7 novembre 2004.

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Page 35: HBO: La révolution du petit écran

l'audience ne baisse pas de la première à la dernière diffusion. Cependant, cette réduction

d'épisodes a un inconvénient : la rentrée des séries étant en septembre, les saisons sont finies

en décembre. Que diffuser le reste de l'année ? En diffusant un épisode par dimanche, à raison

de 10 à 12 épisodes par saison, la série est terminée au bout de trois mois environ. Il n'était

pas question pour les dirigeants de se contenter de rediffusions pour le reste de l'année.

Chaque trimestre a donc ses séries en exclusivité et la rentrée n'a pas lieu qu'en septembre,

comme chez les autres networks, mais bien quatre fois par an. Par exemple, fin septembre

2011 et début octobre sont sortis respectivement la nouvelle saison de Boardwalk Empire163, et

la nouvelle comédie Enlightened164, qui se sont terminées en décembre 2011. Le 29 janvier et

le 19 février 2012, ont été diffusées la première saison de Luck165 et la troisième de Eastbound

and Down166. Le 1er avril a commencé la saison 2 de Game of Thrones167 qui se terminera en

juin. Et enfin, en juin, commencera normalement la saison 5 de True Blood168. qui se

terminera fin août ou début septembre. Avec ce type de programmation, le téléspectateur peut

regarder HBO tous les dimanches soir sans voir une seule rediffusion. Les dirigeants ont donc

répondu à une des critiques les plus répandues, qui est le trop grand nombre de rediffusion sur

la chaîne et la pauvreté des programmes. De plus, ils évitent que les abonnés mettent fin à leur

souscription une fois leur série préférée terminée car une nouvelle est toujours en diffusion

pour attirer leur curiosité. De plus, afin de trouver leur public, les séries sont programmées de

manière judicieuse : par exemple, la série True Blood était au début diffusée en septembre. Ne

trouvant pas son public, la saison 2 a été déplacée au mois de juin afin de trouver une cible

plus jeune, libre pendant l'été. Et ce fut un succès car l'audience a considérablement

augmentée.

Comme nous venons de l'expliquer, les séries sont diffusées le dimanche soir sur

HBO. Cependant, cela ne touche pas tous les abonnés à la chaîne : certains ne peuvent pas

regarder la télévision le dimanche soir, ou ont trouvé un meilleur programme ailleurs. Les

dirigeants ont alors eu l'idée de faire en sorte que les téléspectateurs puissent voir leurs

épisodes où ils veulent et quand ils le veulent, et cela grâce à la nouvelle technologie. Les

163 http://www.imdb.com/title/tt0979432/episodes?season=2 , 10 avril 2012. 164 http://www.imdb.com/title/tt1509004/episodes?season=1 , 10 avril 2012.165 David Milch, Luck, 2011, HBO. http://www.imdb.com/title/tt1578887/episodes?season=1, 10 avril 2012. 166 http://www.imdb.com/title/tt0866442/episodes?season=3 , 10 avril 2012. 167 David Benioff, D.B. Weiss, Game of Thrones (Le Trône de fer), 2011-En production, HBO.

http://www.imdb.com/title/tt0944947/episodes?season=2, 10 avril 2012. 168 http://www.imdb.com/title/tt0844441/episodes?season=5 , 10 avril 2012.

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Page 36: HBO: La révolution du petit écran

avancées technologiques font partie de l'image de marque de HBO. A son commencement, en

1975, elle était devenue la première chaîne payante à émettre par satellite. En 1990, elle fut la

première chaîne à offrir un service multiple grâce aux nombreuses chaînes de son bouquet169.

Enfin en 1999, elle est devenue la première chaîne payante américaine à diffuser ses

programmes en haute définition. D'après Bill Nelson, président de la chaîne : « We have a

long history of firsts in technology : satellite, multiplexe and SVOD. […] Such a commitment

reinforces our tradition of giving our customers the best programming when they want it and

how they want it. This move further solidifies HBO's leadership in the premium category »170.

Les clients de HBO appartiennent généralement aux classes sociales élevées : s'ils ont les

moyens de se payer la toute nouvelle technologie, ils attendent la même chose de la chaîne

pour laquelle ils payent $10 ou $15 par mois. HBO a donc commencé par proposer la vidéo à

la demande au début des années 2000 : grâce à leur abonnement, les clients peuvent accéder

aux programmes de chez eux, à tout moment de la journée171. Grâce au système de calcul de la

société Nielsen, ils peuvent même connaître les audiences du SVOD (Subscritpion Video On

Demand)172. Erik Kessler, coprésident de HBO déclare au magazine Variety : « Homes with

HBO on Demand actually watch twice as much HBO as homes without on Demand. What

means is that as it provides greater access to programming, it increases overall usage, and

that leads to greater satisfaction with the overall subscription. »173. Cela permet donc aux

abonnés de regarder beaucoup plus la chaîne qu'à leur habitude. En augmentant la

consommation, HBO en augmente le besoin et ralentit le churning. De plus les clients ont

l'impression d'en avoir plus pour le même prix, ils sont satisfaits et HBO voit ses audiences

augmenter. Lors du premier épisode de True Blood le 13 septembre 2009, seulement 24% des

12,4 millions de téléspectateurs l'ont regardé le dimanche soir à 21 heures. 37% ont regardé

les rediffusions, 21% l'avait enregistré et 18% sont passés par le service de vidéo à la

demande. La même année, HBO préparait son nouveau système de vidéo à la demande : HBO 169 Op. cit., Cara Louise Buckley, Marc Leverette, Brian L. Ott, « Introduction », It's not TV. Watching HBO in

the post-television era, p. 4-5. 170 Kimberly Nordyke, « All HBO, Cinemax channels to be in HD », The Hollywood Reporter, 13 juin 2007.

Nous traduisons : « Nous avons un long passé de pionnier en matière de technologie : le satellite, l'offre multiplexe et la Vidéo à la Demande. […] Un tel engagement renforce notre coutume à donner à nos clients le meilleur programme, quand ils le veulent et de la manière qu'ils veulent. De plus, cette avancée consolide la dominance de HBO dans la catégorie des chaînes de haute qualité. »

171 Paul Bond, « Collins heads up AOL TW interactive video division », The Hollywood Reporter, 17 Août 2001.172 Traci Patterson, « Nielsen to measure HBO's SVOD services », CED Magazine, 12 décembre 2007.173 Op. cit., Cynthia Littleton, « A la Carte Blanche », Variety, 21 au 27 septembre 2009. Nous traduisons :

« Les foyers équipés de la vidéo à la demande de HBO regardent, en réalité, deux fois plus la chaîne que les foyers sans VOD. Ce qui signifie que cela apporte un meilleur accès aux programmes, accroît la consommation générale, et apporte une plus grande satisfaction aux abonnements. ».

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Page 37: HBO: La révolution du petit écran

Go. HBO Go permet aux abonnés de visionner les programmes sur ordinateurs, smartphones

et tablettes tactiles : les téléspectateurs ne sont plus obligés d'être chez eux pour regarder la

télévision174. De plus, ils ont accès à 1600 heures de programme, soit dix fois plus que sur le

service de SVOD175. 85% des utilisateurs de ce nouveau service avouent regarder plus de

programme grâce à HBO Go. Alison Moore, directrice des plate-formes digitales, explique :

« On the iPad, all you have to do is [swipe your finger] and you see everything else HBO has

done. That's a pretty powerful reason not to disconnect. »176. Le but premier des dirigeants est

donc, encore une fois, d'éviter le churning. Cette petite révolution n'est que très récente mais

fait entrer la chaîne dans le domaine d'internet, une manière comme une autre de contrer le

piratage illégal. Grâce à un identifiant et un mot de passe, les clients de HBO peuvent

regarder autant de programme qu'ils le souhaitent. « The big risk we have is, if we don't offer

this programming to [consumers] », avoue Peter Stern177, directeur de stratégie de la chaîne,

« the way they want it, they'll turn to piracy. »178. D'autre part, de nombreux bonus sont

disponibles, par exemple pour la série Game of Thrones, les fans ont accès à des cartes, ou des

arbres généalogiques. Cette utilisation du transmédia permet d'utiliser plusieurs supports pour

un seul programme. HBO tente ainsi d'augmenter la dépendance des fans en faisant en sorte

qu'ils puissent revoir les épisodes encore et encore, afin accroître leur envie de visionner

l'épisode suivant.

C'est à partir de 1999 que HBO a commencé à appréhender de nouvelles formes de

distribution179. Elle lança alors The Sopranos en cassettes VHS puis en DVD. Le succès fut

immédiat puisqu'en 2004, la chaîne avait gagné 300 millions de dollars180. Les trois premières

saisons de The Sopranos furent ainsi payées par la seule vente de DVD. Sex and the city,

quant à elle, en a vendu pour 250 millions de dollars. La série Band of brothers, au budget de

120 millions, fut rentabilisée grâce aux 186 millions de dollars rapportés par les DVD181. 174 Paul Sweeting, « VOD or DVD », Video Business, 6 avril 2009.175 http://www.fastcompany.com/most-innovative-companies/2012/hbo#profile , 17 avril 2009. 176 Idem ibidem. Nous traduisons : « Sur l'iPad, tout ce que vous avez à faire c'est [faire glisser votre doigt] et

vous avez accès à tout ce que HBO a fait. C'est une bonne raison pour ne pas se désabonner. ».177 Daniel Frankel, « Cable Players make push for online. Aggressive Initiatives bring shows to internet », Daily

Variety, 3 avril 2009.178 Nous traduisons : « Le grand risque que nous courons est que si nous n'offrons pas ce programme aux

clients, ils se tourneront vers le téléchargement illégal. ».179 Op. cit., Tony Kelso, « And now no word from our sponsor », It's not TV. Watching HBO in the post-

television era, p. 58.180 Gary Levin, « HBO met its match in itself; terrific year, hard to beat with no Sex and Sopranos », USA Today,

28 septembre 2004. 181 Idem ibidem.

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Page 38: HBO: La révolution du petit écran

Malgré le succès de la marque HBO, cette nouvelle forme de distribution peut s'avérer

dangereuse pour la chaîne. En effet, comme le souligne Tony Kelso, cette dispersion de la

marque peut ébranler et dissiper sa recherche de l'exclusivité182. Si les séries HBO ne sont plus

uniquement visibles le dimanche soir à la télévision, les téléspectateurs n'ont plus besoin de

s'abonner, cela peut, à long terme devenir un encouragement au churning. En 2006, les

auteurs Epstein et al. ont même supposé « it is just a matter of time before channels such as

HBO become a relic of the past, replaced by new technologies of distribution like on-demand

program streaming, or on-line video file sharing »183. Afin de limiter cette dispersion de la

marque, les DVD sont vendus à un prix très élevé : $99,90 en moyenne pour un coffret. Cette

somme garantit à l'acheteur la qualité HBO. La chaîne peut également être sûre que ses

consommateurs possèdent un pouvoir d'achat important et soient des clients potentiels. En

vendant leurs séries au prix moyen des autres chaînes, ils ne maintiendraient plus leur

distinction. Avec la chute des prix, leurs saisons sont aujourd'hui vendues à une moyenne de

$40 mais restent au dessus des prix du marché. Fidèle à son avant-gardisme technologique,

HBO s'associa à Apple en 2008 pour vendre ses épisodes sur l'iTunes Store. Le lendemain de

leur diffusion, soit le lundi matin, tous les épisodes sont téléchargeables. HBO est la seule

chaîne autorisée par iTunes à vendre ses épisodes à plus de $1,99. Ainsi, certaines séries,

comme Deadwood, Rome184 ou The Sopranos peuvent valoir jusqu'à $2,99185. Cette méthode

de vente permet à la chaîne de réinstaurer l'exclusivité de ses programmes en habituant leurs

consommateurs à acquérir les épisodes beaucoup plus rapidement. De plus, les acheter sur

iTunes revient moins cher qu'un coffret de DVD. Aujourd'hui, HBO s'est donc imposée en

tant que distributeur. Elle est devenue une marque qui complète la chaîne de télévision.

Comme n'importe quelle marque, elle s'occupe donc d'attirer un grand nombre de

clients, de les satisfaire et de faire en sorte qu'ils se sentent proches des valeurs de la chaîne.

Cette stratégie porte ses fruits puisque HBO est l'entreprise la plus rentable de la Time Warner

Inc.186. Nous allons maintenant tenter de comprendre en quoi les séries de la chaîne sont

différentes de celles produites jusqu'à présent et sur quoi repose l'engouement médiatique. 182 Op. cit., Tony Kelso, « And now no word from our sponsor », It's not TV. Watching HBO in the post-

television era, p. 59.183 Idem ibidem. Nous traduisons : « Ce n'est qu'une question de temps avant que des chaînes comme HBO ne

deviennent des reliques du passé, remplacées par de nouvelles technologies de la distribution comme la vidéo à la demande ou le partage de fichier vidéo en ligne ».

184 Bruno Heller, William J. MacDonald, John Milius, Rome, 2005-2007, HBO. 185 « Update: Apple now selling HBO shows on iTunes Store », Dow Jones News Service, 13 mai 2008.186 Op. cit., John Dempsey, « It's lonely at the Top », Variety, 10 au 16 septembre 2001.

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Page 39: HBO: La révolution du petit écran

B. Les séries

Depuis que la chaîne câblée a commencé à produire des séries au début des années

1990, tout le monde s'accorde à penser que HBO a révolutionné le petit écran en créant des

séries nouvelles. Encensées par la critique, recevant de nombreux prix, et permettant

d'augmenter considérablement les audiences de la chaîne, elles se veulent originales et

impertinentes à l'image de HBO. Nous pouvons alors nous demander en quoi ce programme

est différent et quelles en sont ses particularités. Il serait ensuite intéressant de nous demander

si le statut si spécifique de ce programme ne serait-il pas qu'une image promotionnelle que

HBO souhaite transmettre à son public. Enfin, nous étudierons l'héritage de la forme sérielle

sur les programmes de la chaîne.

a. Des séries différentes

Afin de maintenir la concurrence, HBO doit continuellement distinguer ses

programmes de ceux des autres chaînes. Les séries télévisées n'échappent donc pas à la règle.

La chaîne a donc innover dans certains domaines de sa production. Nous allons voir quelles

sont les particularités des séries HBO, mais avant de voir en quoi elles se différencient, nous

allons d'abord nous intéresser à leur définition selon Alain Carrazé :

« On parle de série quand une fiction se déroule en plusieurs parties, donc au minimum

deux. Le lien entre ces parties peut être de trois ordres : l'histoire, les personnages ou,

plus rarement, la simple thématique. Concrètement, il existe des séries quand l'histoire

est racontée sur plusieurs épisodes, quand les personnages reviennent au fil des épisodes,

ou quand chaque épisode raconte une nouvelle histoire, certes indépendante des autres

mais sur un même schéma (thriller, science-fiction, fantastique...). Tous ces cas entrent

donc dans le sens élargi que l'on donne au terme « série ». C'est un sens global et chaque

type de série a sa propre définition. »187.

Les particularités des réalisations de HBO résident premièrement dans les sujets

abordés. Les dirigeants de la chaîne s'accordent à vouloir montrer du « jamais-vu ». Toutes les

séries font preuve d'un grand réalisme dans le déroulement de l'histoire, comme dans la

187 Op. cit., Alain Carrazé, Les Séries Télé : l'Histoire, les Succès, les Coulisses, p.10.

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Page 40: HBO: La révolution du petit écran

psychologie des personnages. Comme le souligne Ien Ang dans son étude des spectatrices de

Dallas, l'histoire n'est qu'un prétexte pour voir évoluer des personnages dans lesquelles elles

aiment se reconnaître. Leurs imperfections font d'eux des protagonistes réalistes, comme Sue

Helen, alcoolique et sujette à des problèmes de couple, qui semble être la préférée des

sondées188. Le premier succès de la chaîne en 1997, Oz, se déroule en prison et semble

montrer de manière presque documentaire, la vie carcérale. Elle aborde la violence, la

sexualité, le viol, et la drogue. Cependant, mise à part la vulgarité de langage et la violence de

certaines scènes, ce modèle n'est vraiment pas nouveau. Comme The Sopranos189, il s'agit

d'une série chorale, qui ne contient, non pas un héros mais plusieurs personnages qui se

partagent l'affiche. Ce genre fut inventé dans les années 80 avec la série novatrice Hill Street

Blues190, dans laquelle on montre le développement et les relations entre tous les personnages

d'un commissariat. Ce modèle fut repris notamment par E.R. ou NYPD Blues191. Oz et The

Sopranos reposent sur une forme déjà existante et appréciée du public, mais l'inventivité des

créateurs provient de la souplesse de leurs personnages et d'une morale presque inexistante.

En effet, n'importe quel vilain peut être un héros, et un gentil peut aussi faire preuve de

cruauté. C'est ce manque de manichéisme et ce repositionnement quasi pervers des

personnages qui donne à l'histoire un coté réaliste. « They [these series] are para-television.

In so doing, they have borrowed and modified the existing “cops and docs” workplace drama

genre that Tom Schatz identifies as central to network television, in an effort to offer potential

subscribers both familiarity and “originality”. »192. Leur originalité repose donc sur le thème

de la vie carcérale, jamais abordé à la télévision, ainsi que sur la psychologie des personnages.

Ces deux domaines se veulent réalistes car le microcosme de la vie carcérale est vu comme le

macrocosme de la société contemporaine. Tom Fontana, le créateur, avoue dans une interview

qu'il voulait une série à l'opposé de la « télévision réconfortante »193. En effet, d'après Jean-

Pierre Esquenazi, « le moyen le plus sûr de “faire vrai” dans le domaine audiovisuel a

toujours consisté à évacuer le plus clairement possible le spectacle et le spectaculaire. »194.

188 Op. cit., Jean-Pierre Esquenazi, Les Séries Télévisées, l'avenir du cinéma ?, p. 32.189 David Chase, The Sopranos (Les Sopranos), 1999-2007, HBO.190 Steven Bochco, Hill Street Blues (Capitaine Furillo), 1981-1987, NBC. 191 Steven Bochco, N.Y.P.D. Blues (New York Police Blues), 1993-2005, Fox.192 Op. cit., Avi Santo, « Para-television and discources of distinction », It's not TV. Watching HBO in the post-

television era, p. 29. Nous traduisons : « Ces séries sont de la para-télévision. Se faisant, elle ont emprunté et modifié le genre des séries chorales “flics et docus” que Tom Schatz identifie comme l'essence de la télévision gratuite, dans le but d'offrir à leur abonnés, de la familiarité ainsi que de “l'originalité”. ».

193 Manuel Mendoza, « Fontana's World not for the faint profile : The Wizard behind Oz is also preparing a show for UPN », The Dallas Morning News, 4 août 1999.

194 Op. cit., Jean-Pierre Esquenazi, Les Séries Télévisées, l'avenir du cinéma ?, p. 32.

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Page 41: HBO: La révolution du petit écran

C'est une des raisons pour lesquelles HBO s'efforce de s'attacher au genre du « docu-real »195,

que Caldwell, inventeur du terme, décrit comme « self-consciously showcase documentary

units as part of their narrative and plot/or documentary imaging as part of their mise-en-

scène. »196. En choisissant un sujet voulu « réaliste », des personnages complexes et des

intrigues pseudo-documentaires, les dirigeants de la chaîne espèrent se rapprocher de leur

public : ils s'attachent aux personnages, s'identifient à eux et en comprennent mieux les

enjeux. Cette recherche du réalisme rappelle le néo-réalisme italien, et concernant la série Six

Feet under, Jean-Pierre Esquenazi déclare : « Ne pouvant plus s'appuyer sur le champ-

contrechamp classique du soap-opera, Alan Ball fait du cinéma européen des années 60

(Antonioni, Bergman) et de son montage abrupt de personnages isolés les uns des autres la

référence visuelle de la série. »197. De plus, en proposant des thèmes jamais abordés, ils

attirent la curiosité des téléspectateurs, habitués au schéma classique de la télévision gratuite.

Ainsi, dans la série Sex and the city198, les créateurs abordent le thème osé de la

différenciation féminine entre l'amour et le sexe. Post-féministe, ce programme propose

quatre portraits de femmes lassées du modèle tant évoqué du prince charmant. Cette série se

veut être une forte critique de la consommation : les hommes sont des objets jetables, une

grande partie des scènes les plus importantes se déroulent autour d'une table de restaurant et

les personnages semblent passer leur temps à faire les boutiques, ne portant jamais la même

tenue d'un épisode à un autre. Un épisode entier est même consacré au nouvel ordinateur

Apple de Carrie Bradshaw, le personnage principal de la série199. Ils consomment, comme

pour s'affirmer dans la société américaine postmoderne. Les spectateurs observent comment

ils s'habillent, ce qu'ils mangent, quelle voiture ils conduisent, comment leur maison est

décorée, et définissent leur identité de cette façon200. Carrie et ses amies entretiennent une

forte relation avec la mode, au point de transformer l'actrice Sarah Jessica Parker en icône.

Mais la mode vient aussi de leur manière de vivre : avec de l'argent, de l'indépendance, et une

195 Op. cit., Avi Santo, « Para-television and discources of distinction », It's not TV : Watching HBO in the post-television era, p. 110. Nous traduisons par : « docu-réel ».

196 Idem ibidem. Nous traduisons : « des unités volontairement basées sur le modèle documentaire faisant partie de leur narration et leur intrigue/ ou une réalisation documentaire faisant partie de leur mise-en-scène. ».

197 Op. cit., Jean-Pierre Esquanazi, « L'inscription de la série dans l'histoire de la fiction populaire », Les Séries Télévisées. L'Avenir du cinéma ?, p. 100.

198 Darren Star, Sex and the city, 1998-2004, HBO.199 Op. cit., Avi Santo, « Para-television and discources of distinction », It's not TV. Watching HBO in the post-

television era, p. 28.200 Ibid, p. 211.

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Page 42: HBO: La révolution du petit écran

certaine liberté sexuelle. Ce programme est clairement adressé au public s’intéressant à la

mode, ou au risque de généraliser, aux femmes et aux hommes homosexuels201. Mais cette

consommation excessive est aussi un moyen de s'affirmer face aux hommes hétérosexuels202.

En effet, un des passe-temps favori des femmes, le shopping, est vu comme étant une activité

triviale, frivole, et vaniteuse en opposition aux activités sérieuses des hommes. Dans son

étude sur les femmes, Sigmund Freud identifie la vanité comme principal facteur de la

consommation de vêtements par celles-ci : « The vanity of women is a late compensation for...

original sexual inferiority... and has as its purpose concealment of genital deficiency »203.

C'est pourquoi Sex and the City utilise probablement la mode comme moyen de résistance

féministe, car comme le suggère Stephen Maddison, la stigmatisation des femmes et des

hommes homosexuels offre des « possibilities for resisting the security of hierarchical gender

authority and offer[s] profitable strategies for the acquisition of subjectivity. »204. Cette

partialité est très certainement une des raisons pour lesquelles la série reçut une très bonne

critique et un fort succès auprès du public avec en moyenne 6,5 millions de téléspectateurs par

épisode.

Au lieu de reprendre les conventions quelques peu rigides des situation comedies205

classiques, HBO décida de s'approprier le genre en utilisant les formes et le style d'univers

télévisuels déjà existant : le late-night talk show, format d'émission typiquement américain

mêlant interview et humour ; et la télé-réalité. De nombreux programmes de HBO sont basés

sur des pastiches ou des critiques des différentes formes présentes à la télévision206. Les règles

traditionnelles des sitcoms : lumière forte, caméras multiples, studio fixe sans quatrième mur

et rires pré-enregistrés, hérités du vaudeville, ne sont plus utilisés. A l'image de leur drames,

proches du documentaire, ces comédies se veulent réalistes. Avec des sitcoms comme The

Larry Sanders Show, Curb your enthusiasm207, ou The Comeback208, les plans séquences et les 201 Ibid.202 Ibid.203 Sigmund Freud, « Feminity », New Introductory lectures on psychanalysis. p. 54. Nous traduisons : « La

vanité des femmes est une compensation tardive d'une... véritable infériorité sexuelle... et a pour but de dissimuler une déficience sexuelle. ».

204 Op. cit., Cara Louise Buckley, Brian L. Ott, « Fashion(able/ing) Selves », It's not TV. Watching HBO in the post-television era, p. 212. Nous traduisons : « possibilités de résistance à la sécurité de l'autorité hiérarchique des genres et offre des stratégies payantes à l'acquisition d'une certaine partialité. ».

205 Nous traduisons : comédies de situation, dites sitcoms.206 Lisa Williamson, « Challenging sitcom conventions », It's not TV. Watching HBO in the post-television era,

p. 108.207 Larry David, Curb your enthusiasm (Larry et son nombril), 2000- En production, HBO. 208 Lisa Kudrow, Michael Patrick King, The Comeback (Mon Comeback), 2005, HBO.

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mises au point ne sont pas rares, et la caméra est tenue à l'épaule209. HBO imite en réalité les

codes du docu-soap, très en vogue à l'époque sur la télévision gratuite américaine : ce type de

programme de télé-réalité filme des « personnes réelles », dans le monde réel, à la manière

d'un documentaire mais avec une structure dramatique propre au soap-opera. Bien que les

événements présents dans les docu-soap soient fictifs, ce genre de programme est souvent

présenté par les chaînes comme un document sociologique, sans jamais en révéler la nature

fictionnelle. En proposant un pastiche du docu-soap, HBO réalise une forte critique de la

télévision américaine, et en dénonce les travers et les mensonges. Brett Mills nomme ces

sitcoms les « comedy-vérité » : « the visual characteristics of vérité have been adopted for

comedic purpose »210 . Le modèle classique de la sitcom est, d'après Lisa Williamson, un

genre « transparent », qui ne masque pas ses codes : la scène, les rires, son public, le

quatrième mur, tout est fait pour faire rire le téléspectateur qui n'en attend rien d'autre. Les

« comedy-vérité » de HBO mêlent sérieux et humour, en enlevant tous les codes signalant

l'élément comique. Grâce à son caractère documentaire, le drôle provient de la « réalité », et

n'est clairement plus adressé à un public familial, mais à une niche démographique bien plus

restreinte. La notion d'expérience collective, provoquée par les rires du public, est

abandonnée, amenant à un plaisir plus personnel du spectateur211. Marc Leverette, à propos de

la série Lucky Louie, s'étonna : « [It] was at once an anti-sitcom and a hyper-sitcom,

challenging and reifying the generic conventions of the form. »212. Ainsi, il suffit de regarder

une sitcom de HBO pour prendre du recul sur la télévision gratuite en général et pour y

distinguer les ficelles. La chaîne maintient sa distinction en évitant les productions classiques

pour créer des programmes que les téléspectateurs sont prêts à payer. Cependant, jusqu'à

présent, les drames et les sitcoms de HBO n'ont pas grand chose en commun. Il leur faut un

élément qui permette aux téléspectateurs de tout de suite identifier la touche HBO. Cet

élément devait être différent des autres chaînes et même à l'opposé total de leur

fonctionnement.

Les dirigeants de la chaîne ont opté pour une philosophie que Marc Leverette appelle :

209 Ibid, p. 109.210 Ibid, p. 111. Nous traduisons : « les caractéristiques de la vérité sont utilisés à des fins humoristiques. »211 Idem ibidem.212 Marc Leverette, « Cocksucker, motherfucker, tits », It's not TV. Watching HBO in the post-television era, p.

124. Nous traduisons : « [C']était à la fois une anti-sitcom et une hyper-sitcom, défiant et dépersonnalisant les conventions génériques de la forme. ».

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« cocksucker, motherfucker, tits philosophy »213. L'auteur fait référence à l'humoriste George

Carlin, qui, dans les années 70, avait déclaré dans un stand-up très célèbre qu'il y avait sept

mots interdits à la télévision : « shit, piss, fuck, cunt, cocksucker, motherfucker, tits »214. Cette

phrase avait fait scandale, à tel point que l'affaire avait dû être réglée par la Cour Suprême. En

effet, même quarante ans après, il est toujours interdit de diffuser de la violence, de la nudité

ou de prononcer des obscénités à la télévision américaine. Mais bien heureusement pour la

chaîne, HBO ne fait pas partie des networks gratuits américains et la loi ne s'applique donc

pas à elle. Elle en profite alors pour constamment placer des obscénités dans ses séries, une

manière pour elle de faire un pied-de-nez aux autres chaînes. Comme Marc Leverette le

souligne, le contenu explicite permet à la chaîne de se positionner en dehors de la normalité

télévisuelle215. Cependant, l'obscénité fait partie, dans l'esprit de la plupart des personnes, d'un

mouvement de sous-culture, or HBO souhaite élever sa clientèle en un certain élitisme. Nous

pouvons alors nous demander quels sont les avantages, pour l'abonné, à appartenir à cette élite

grossière. Selon John Jervis, le plaisir réside dans la transgression des règles de bonne

conduite : « [the transgressive is] reflexive, questionning both in its role and that of the

culture that has defined it in its otherness. »216. Le philosophe Michel Foucault affirme que

l'acte de transgression est captivant pour celui qui le fait car il franchit la limite de sa propre

subjectivité217 . Le spectateur de HBO ressent alors une certaine jouissance à pousser les

frontières de sa raison, sa morale : il atteint le tabou. « Yet we find intense pleasure in these

transgressive moments –as its [HBO's] millions of subscribers would attest. Perhaps we buy

into HBO in order to “hoodwink ourselves... We want to get across without taking the final

step” (Bataille, 1986: 141). »218. Avant de commencer la production de séries, la chaîne était

spécialisée dans les matchs de boxe, sport violent, et dans le programme « late-nite »,

pornographique. Et c'est donc sans retenue qu'elle inséra cette violence et cette nudité dans ses

programmes. Mais contrairement à ses films érotiques, la nudité présente dans ses séries

semble plus justifiée et moins gratuite, bien que ce point soit facilement contestable. Pour la

213 Ibid, p. 127. Nous traduisons : « La philosophie enculé, fils de pute, nichons ».214 Ibid, p. 127. Nous traduisons : « merde, pisse, putain, salope, enculé, fils de pute, nichons ».215 Ibid, p. 125.216 Ibid, p. 125. Nous traduisons : « le transgressif est réfléchi, remettant en question son rôle et ce que la

culture a défini comme étant son altérité » .217 Michel Foucault, « A Preface to transgression », Language, couter-memory, practice : Selected essays and

interviews, p. 29-52.218 Op. cit., Marc Leverette, « Cocksucker, motherfucker, tits », It's not TV. Watching HBO in the post-television

era, p. 126. Nous traduisons : « Ainsi nous ressentons un plaisir intense en ces moments de transgression –comme peuvent nous l'attester ses millions d'abonnés. Sans doute nous payons HBO au lieu de “nous aveugler... Nous voulons traverser la frontière sans pour autant faire le dernier pas.” (Bataille, 1986 : 141). ».

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chaîne, qui tente par tous les moyens de réaliser des programmes réalistes, l'obscénité se veut

être le reflet de la vie réelle.

Pour conclure, HBO repose sur le modèle de ce que Caldwell appelle « boutique-

television », une chaîne proposant des programmes faits pour un certain type de public

uniquement et non pour une audience très large et familiale. « Boutique programming

constructs for itself an air of selectivity, refinement, uniqueness, and privilege. »219. Nous

pouvons donc dire que HBO semblent proposer des séries différentes de celles proposées par

les networks. Mais nous allons voir que cette distinction est là encore ficelée par un important

travail de communication.

b. Des œuvres d'art

Comme nous venons de le voir, les séries HBO n'appliquent pas les mêmes règles

esthétiques et stylistiques que le reste de la télévision américaine. Le téléspectateur obtient

certes, un programme différent, mais qu'en est-il de la qualité ? Par quoi peut-on juger un

programme bon ou mauvais ? Car ce qui intéresse beaucoup les dirigeants de la chaîne est

d'assurer un service premium. Comme nous l'avons vu précédemment, ils se doivent de

réaliser des séries de caractère. Il serait alors intéressant de découvrir par quels moyens ils

atteignent cette qualité tant recherchée. Pour cela, nous étudierons le cas de la mini-série

Band of brothers.

En Septembre 2001, juste après le succès du film Pearl Harbor, HBO diffusa sa

nouvelle mini-série Band of brothers220. Ce format est un programme ne contenant qu'une

saison, ici de 10 épisodes. Contrairement aux séries habituelles, pouvant être renouvelées en

fonction de l'audience, les mini-séries n'ont pas de seconde saison221. Band of brothers est un

programme de 705 minutes, soit plus de 11 heures, diffusées en 9 semaines222. Bien que ce

format ait toujours été utilisé à la télévision, il représente un certain risque, car il se situe à mi-

chemin entre la série et le film. Chris Albrecht, président de la chaîne déclara au magazine 219 Ibid, p. 141. Nous traduisons : « La programmation boutique se construit sur un air de sélectivité, de

singularité et de privilège ».220 Steven Spielberg, Tom Hanks, Band of brothers (Frères d'armes), 2001, HBO. 221 Thomas Schatz, « Band of brothers », The Essential HBO Reader, p. 126.222 http://www.imdb.com/title/tt0185906/episodes?season=1 , 23 avril 2012.

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Variety : « I think one of the nice things about a miniseries is you can tackle things that can't

be done by a film, and you can have different types of talent aboard since you aren't asking

them for years of their time like you would with a series. »223. De plus, vu le nombre restreint

d'épisodes, ce format permet de créer le buzz et de rassembler un maximum de téléspectateurs

devant l’événement. Le budget que la chaîne ne cache pas, bien au contraire, est pharaonique :

120 millions de dollars, soit 12 millions par épisode. A cette époque, il s'agissait du projet le

plus cher jamais produit à la télévision et HBO comptait bien créer un buzz autour de ce

sujet224. Au fil des années, les budgets des séries se sont vite envolés aux États-Unis, passant

d'une moyenne d'un million de dollars par épisode en 1990, à 3 millions en 2007225. En se

lançant dans les séries télévisées en 1995, Jeff Bewkes, président de la chaîne, augmenta le

budget annuel de 50 millions de dollars à 300 millions. Ensuite, il changea le format de la

série pour passer à 12 ou 15 épisodes par saison au lieu des 24 traditionnels. Cependant le

budget reste le même226. Cette stratégie permet de doubler les moyens financiers par épisode

pour effectuer une compétition plus rude avec les grands networks, bien installés sur le

marché des séries télévisées depuis presque un demi-siècle. De plus, les épisodes sont tournés

deux fois moins vite, laissant le temps aux créateurs et scénaristes de développer la qualité de

leurs projets227. Chris Albrecht déclara sur le sujet : « It's much harder to do 13 good episodes

of something, […] than to do 22 bad episodes of something »228. Ainsi, The Sopranos était une

des séries les plus coûteuses en 2001 avec 3 millions de dollars par épisode229. De 2004 à

2006, Deadwood coûtait 4,5 millions de dollars alors que la même année, Lost n'en coûtait

que 2,5 millions230. Certains records furent aussi réalisés comme The Pacific231 qui bénéficiait

de 200 millions de dollars pour 10 épisodes en 2010232. Michael Lombardo, président des

programmes de la chaîne se justifie : « there are projects that demand a large budget and we 223 Justin Kroll, « Is mini Market turning macro ? », Variey, 10 au 16 mai 2010. Nous traduisons : « Je pense

qu'un des avantages de la mini-série est que vous pouvez vous attaquer à des choses que vous ne pouvez pas faire dans un film, et vous pouvez vous offrir de nombreux talents puisque vous ne leur demandez pas de vous consacrer plusieurs années de leur vie, comme pour une série. ».

224 Op. cit., Thomas Schatz, « Band of brothers », The Essential HBO Reader, p. 125.225 David Buxton, « L'Emergence de la série feuilletonnante », Les Séries télévisées. Forme, idéologie et mode

de production, p. 71. 226 Op. cit., Jean-Pierre Esquenazi, Les séries télévisées. L'Avenir du cinéma ?, p. 56.227 Idem ibidem.228 Op. cit., John Carman, « Why HBO is king of the box. Sopranos network isn't hooked on ratings, seeks

challenging shows, The San Francisco Chronicle, 3 avril 2001. Nous traduisons : « Il est beaucoup plus difficile de faire 13 bons épisodes de quelque chose […] que de faire 22 mauvais épisodes de quelque chose. ».

229 Op. cit., John Dempsey, « It's lonely at the Top. », Variety, 10 au 16 septembre 2001.230 Op. cit., http://www.monde-diplomatique.fr/2011/06/PINSOLLE/20687#nh7, 12 avril 2012.231 Steven Spielberg, Tom Hanks, The Pacific, 2010.232 Op. cit., Justin Kroll, « Is mini Market turning macro ? », Variety, 10 au 16 mai 2010.

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are out to deliver the best product to our customer. »233. Le message est clair : cette somme est

pour HBO et ses téléspectateurs, un gage de qualité. Grâce à cet apport financier, ils peuvent

embaucher les meilleurs techniciens, réalisateurs et acteurs. De plus, le budget utilisé pour

Band of brothers est plus de l'ordre de celui d'une production de film hollywoodien que d'un

simple programme télévisuel. La prise de risque financière est donc très importante pour

HBO. En effet, le fait de proposer aux téléspectateurs des programmes différents est un risque

en soit et la chaîne le fait savoir. HBO dépend de ses abonnés et non de ses sponsors : elle

peut donc prendre des risques sans offenser ses publicitaires. Elle peut aussi construire des

scénarios au déroulement plus lent que la plupart des autres séries, car les épisodes ne sont pas

coupés par la publicité234. Mais cette liberté apparente masque leur obligation à prendre des

risques235. Et prendre des risques, à la télévision, c'est montrer ce qu'on n'a jamais montré

auparavant car des millions de clients de HBO payent leur abonnement pour voir quelque

chose de différent. Un employé déclara un jour au journal The Economist, « We don't care

how many people watch our shows. […] We just want people to decide at the end of the month

that it's worth renewing their subscription. »236. HBO attend la satisfaction de son public et

non la quantité. Pour calculer son audience, elle préfère apparemment additionner celles de

tous ses programmes du mois. Si la qualité est une prise de risque, la chaîne en a besoin.

Avec un budget si élevé, HBO a également besoin de valeurs sûres. C'est pourquoi,

elle prend soin d'inclure des réalisateurs et des producteurs très célèbres à ses projets. Dans le

cas de Band of brothers, les producteurs exécutifs ne sont autres que Steven Spielberg et Tom

Hanks, associés à DreamWorks237. Évidemment leur nom ont été maintes fois cités pendant la

promotion du programme, pour jouer sur le prestige de la production et sur le succès du film

Saving Private Ryan238. Mais ce n'est pas la première fois que des producteurs, non habitués à

la télévision, travaillent pour HBO. Ainsi, Boardwalk Empire est produit par Martin Scorsese,

Entourage, par Mark Walhberg, Luck par Michael Mann et Dustin Hoffman et Tales from the

233 Idem ibidem. Nous traduisons : « Certains projets nécessitent un gros budget et nous sommes prêts à apporter le meilleur produit à nos clients. ».

234 Op. cit., Tony Kelso, « And now no word from our sponsor », It's not TV. Watching HBO in the post-television era, p. 49-51.

235 Idem ibidem.236 Idem ibidem. Nous traduisons : « Peu importe combien de personnes regarde nos programmes. [...] Nous

voulons juste que ces personnes décident de renouveler leur abonnement à la fin du mois ».237 Op. cit., Thomas Schatz, « Band of brothers », The Essential HBO Reader, p. 126. 238 Steven Spielberg, Saving Private Ryan (Il faut sauver le soldat Ryan), 1998.

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Crypt239 par Robert Zemeckis. Pour les téléspectateurs, ces noms ne sont autres que des faire-

valoirs de la qualité des programmes. Et puisque ce sont eux qui financent les séries par leurs

abonnements, ils attendent en retour un programme de valeur. HBO a également embauché les

créateurs les plus en vogue du moment : Tom Fontana pour Oz, créateur de St. Elsewhere240,

Darren Star pour Sex and the city, créateur de Melrose Place241 et Beverly Hill 90210242, ou

encore Alan Ball pour Six Feet under et True Blood, oscarisé pour le scénario du film

American Beauty243. Avec de tels producteurs pour Band of brothers, les dirigeants de HBO ne

semblaient pas si téméraires. D'autant plus qu'en 2001, le succès sourit à la chaîne : Sex and

the city, The Sopranos, Six Feet under, ainsi que le programme From the Earth to the Moon,

également produit par Tom Hanks furent récompensés par des Emmy Awards et acclamés par

la critique244.

Le projet de Band of brothers semblait donc justifié. Car, contrairement aux

programmes des networks, qui n'ont pas « d'auteur », HBO fait savoir avec force les noms de

ses créateurs245. Habituellement, tous les programmes d'une chaîne doivent appliquer une

seule et unique esthétique, de manière à homogénéiser le tout et ainsi permettre au

téléspectateur de reconnaître immédiatement la chaîne. Le fonctionnement de HBO est très

différent, elle célèbre ses auteurs avec le « David Chase's The Sopranos », « Alan Ball's Six

Feet Under » ou encore « David Milch's Deadwood246 »247. D'ailleurs HBO encourage l'édition

de biographies dans le but de rendre leurs auteurs célèbres248. La chaîne fait également savoir

que ses auteurs sont libres de leurs choix. Les créateurs peuvent utiliser les studios ou les

décors qu'ils souhaitent, ainsi, Tom Fontana, créateur de la série Oz, acheta un bâtiment entier

pour y abriter ses décors et son administration249. Dans leur ouvrage de 2001, Rogers, Epstein

239 William Gaines, Tales from the Crypt, 1989-1996, HBO. 240 Joshua Brand, John Falsey, Tom Fontana, St. Elsewhere (Hôpital St. Elsewhere), 1982-1988, NBC.241 Darren Star, Melrose Place, 1992-1999, Fox.242 Darren Star, Beverly Hills 90210, 1990-2000, Fox.243 Sam Mendes, American Beauty, 1999. Op. cit., Jean-Pierre Esquenazi, « Production des séries », Les séries

télévisées. L'Avenir du cinéma ?, p. 56-57.244 Op. cit., Thomas Schatz, « Band of brothers », The Essential HBO Reader, p. 127.245 Op. cit., Marc Leverette, « Cocksucker, motherfucker, tits », It's not TV. Watching HBO in the post-television

era , p. 141.246 David Milch, Deadwood, 2004-2006, HBO.247 Op. cit., Marc Leverette, « Cocksucker, motherfucker, tits », It's not TV. Watching HBO in the post-television

era , p. 141. Nous traduisons : « Les Sopranos de David Chase », « Six Feet Under de Alan Ball » et « Deadwood de David Milch ».

248 Op. cit., Christopher Anderson, « Drama overview », The Essential HBO reader, p. 37.249 Op. cit., Jean-Pierre Esquenazi, « Production des séries », Les Séries télévisées. L'Avenir du cinéma ?, p. 56-

57.

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et Reeves écrivent à propos de The Sopranos : « HBO has cultivated and enabled the quality

of the program by giving Chase the creative freedom that only premium cable can offer »250.

Mais cette communication est encore un moyen de se distinguer du reste de la télévision.

Chaque série possède une réalisation particulière, différente et reconnaissable. En leur

attribuant un auteur, un artiste, les séries télévisées deviennent des œuvres d'art. Selon Pierre

Bourdieu, la vision d'un créateur unique « is the ultimate basis of belief in the value of a work

of art »251. Caldwell définit ce phénomène comme étant des « subtle orchestrations of

televisual form that create the defining illusion of a personal touch »252. D'après Christopher

Anderson, « In the case of HBO dramas, the aesthetic disposition brings to television the

cultivated expectation that watching certain television series requires and rewards the

temperament, knowledge, and protocols normally considered appropriate for encounters with

museum-worthy works of art. »253. Dans la hiérarchie des œuvres, la télévision est considérée

comme un divertissement. HBO permet la légitimation des séries télévisées comme un

domaine culturel noble254. Et comme, selon Pierre Bourdieu, la culture est un champ de

distinction des classes sociales : regarder des séries HBO reviendrait à affirmer son

appartenance à un milieu, au capital économique et social élevé. Toujours d'après Pierre

Bourdieu :

« Du fait de leur appropriation suppose des dispositions et des compétences qui ne sont

pas universellement distribuées […], les œuvres culturelles font l'objet d'une

appropriation exclusive, matérielle ou symbolique, et, fonctionnant comme capital

culturel (objectivé ou incorporé), assurent un profit de distinction […] et un profit de

légitimité, profit par excellence, consistant dans le fait de se sentir justifié d'exister. »255.

En maintenant sa distinction avec le reste de la télévision, HBO a permis à son public 250 Op. cit., Avi Santo, « Para-Television and discourses of distinction », It's not TV. Watching HBO in the post-

television era, p. 32. Nous traduisons : « HBO a cultivé et facilité la qualité de son programme en donnant à Chase la liberté créative que seul le câble premium pouvait offrir. ».

251 Op. cit., Christopher Anderson, « Drama overview », The Essential HBO Reader, p. 37. Nous traduisons : « est la base de la croyance en la valeur de l’œuvre d'art ».

252 Op. cit., Marc Leverette, « Cocksucker, motherfucker, tits », It's not TV. Watching HBO in the post-television era , p. 141. Nous traduisons : « de subtiles orchestrations de la forme télévisuelle qui créent l'illusion d'une touche personnelle ».

253 Op. cit., Christopher Anderson, « Producing an Aristocracy of culture in american television » The essential HBO Reader, p. 23. Nous traduisons : « Dans le cas des drames HBO, la tendance esthétique apporte à la télévision l'exigence que regarder certaines séries requiert et demande le tempérament, la connaissance et les protocoles normalement appropriés aux admirations des œuvres d'art dignes des musées. ».

254 Pierre Bourdieu, « La Construction sociale des goûts », La Distinction. Critique Sociale du jugement, p. 267.255 Idem ibidem.

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Page 50: HBO: La révolution du petit écran

de se distinguer du reste des téléspectateurs en affirmant leur position sociale. Regarder HBO

est donc devenu un moyen d'ascension sociale.

Le New York Times a contribué à confirmer ce statut d’œuvre d'art grâce à ses critiques

très positives dès le lancement de The Sopranos en 1999256. Un buzz HBO se crée alors dans

le milieu intellectuel américain. De nombreux universitaires ont consacré une partie de leurs

ouvrages aux séries, comme Joanne Hollows et Rachel Moseley, Kim Akass, Janet McCabe,

et Imelda Welehan sur le féminisme de Sex and the city ou encore David Lavery, sur The

Sopranos257. Maurice Yacowar remarque que certains restaurants d'affaire voyaient leur

fréquentation baisser le dimanche soir car les personnes restaient à domicile pour regarder

The Sopranos. Sex and the city a même fait la couverture du Times, chose très rare pour une

sitcom258. En plus des écritures de presse ou universitaires, HBO bat des records de

nominations aux Emmy Awards. Bien que nous ne saurions dire s'il s'agit là encore d'un

phénomène de mode ou de buzz, le magazine USA Today a remarqué que la chaîne avait reçu

plus de Emmys en 2004 que les quatre networks gratuits combinés259. En 2010, comme

souvent, la chaîne câblée dominait la cérémonie avec 101 nominations260. La plupart des

séries de la chaîne ont au moins été nommées dans une catégorie. The Sopranos, par exemple,

a gagné 21 Emmys pour 112 nominations261. Concernant Band of brothers, le programme

reçut 6 Emmy Awards, un Golden Globe et un Peabody Award262. Ce phénomène culturel

permet, d'après Dominique Pinsolle et Arnaud Rindel, « d'accroître la “valeur d'usage” de

ces productions télévisuelles en leur faisant pénétrer le marché culturel parallèle dont font

depuis longtemps l'objet les œuvres cinématographiques et littéraires. »263. Ainsi, les Cahiers

du cinéma ont consacré des articles à The Sopranos ou Six Feet Under264. Le Times a qualifié

le travail de HBO de l'année 2001 de « mini “âge d'or” télévisuel »265. Disséquer les

programmes et les analyser est devenu chose commune et a permis d'élever certaines séries 256 Notons tout de même que le magazine New York Times appartient à la société Times Inc, branche de la

société-mère de HBO, la Time Warner Inc. 257 Op. cit., Tony Kelso, « And now no word from our sponsor », It's not TV. Watching HBO in the post-

television era, p. 49.258 Idem ibidem.259 Idem ibidem.260 Stuart Levine, Michael Schneider, « Kudos congruity. B'cast catches cable in top Emmy noms », Variety, 12

au 18 juillet 2010. 261 http://www.imdb.com/title/tt0141842/awards , 23 avril 2012.262 Op. cit., Thomas Schatz, « Band of brothers », The Essential HBO Reader, p. 127.263 Op. cit., http://www.monde-diplomatique.fr/2011/06/PINSOLLE/20687#nb7, 01 mai 2012. 264 http://www.cahiersducinema.com/No621-mars-2007.html , 01 mai 2012. 265 Op. cit., http://www.monde-diplomatique.fr/2011/06/PINSOLLE/20687#nb7, 01 mai 2012.

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Page 51: HBO: La révolution du petit écran

HBO au rang de « séries cultes ». Un produit télévisuel a normalement un temps de vie très

limité, appartenant plus à un effet de mode qu'à un événement culturel mais aujourd'hui

encore, il n'est pas rare que des personnes regardent Sex and the city, même 8 ans après l'arrêt

de sa production. Grâce à leur avant-gardisme, les séries HBO sont toujours d'actualité.

L'esthétique des docu-soap a même été reprise par les networks traditionnels, comme pour la

série The Office, encore en production. Puisqu'elles suscitent l’intérêt des téléspectateurs et

des intellectuels, les dirigeants ont ensuite pensé à enrichir l'univers de leurs séries en vendant

des produits dérivés. Mais comment créer, chez le téléspectateur, le besoin d'acheter des

produits liés à un programme télévisuel ? Ils ont ainsi utilisé le cross-média : l'utilisation de

différents médias pour enrichir un contenu initial. Ils ont pu créer le buzz autour de la

campagne de promotion de la saison 2 de True Blood. En faisant croire en l'existence des

vampires, ils ont amener tous les curieux à faire des recherches sur internet, non pas pour

confirmer l'information, mais pour examiner l'étendu de l’événement. De nombreuses

publicités parodiques ont été réalisées par la chaîne à l'intention des vampires : la publicité

d'un motel pour vampire266, d'un site de rencontre internet267 ou encore une campagne très

sérieuse de lutte contre la discrimination qu'ils subiraient268. Ces spots publicitaires étaient

diffusés sur la chaîne et amenaient les téléspectateurs à en voir plus sur internet. HBO a payé

un lien commercial Google pour que, lorsque les internautes recherchent par exemple

« vampire insurance » (en référence à la publicité des assurances Geico), un lien pour voir un

preview de la nouvelle saison apparaisse immédiatement, ainsi qu'un lien vers le site True

Blood de HBO. Là, le monde des vampire prenait vie, avec des dizaines d'articles, de vidéos

et de publicités à leur intention. De plus, un lien menait à la boutique en ligne de HBO. Une

boisson TruBlood beverage a été commercialisée, au parfum orange, pour rappeler la célèbre

boisson de la série269. La stratégie de la chaîne est de faire vivre la série en dehors des

périodes de diffusion, pour ne pas être oubliée du public. Les impatients peuvent lire les

bandes dessinées True Blood, acheter des tee-shirts de la ville de Bon Temps, des bar le

Merlotte's, ou le Fangtasia, des tasses, des porte-clés, des posters, les cd de la musique

originale, des verres... Chaque type de public y trouve son compte : un livre de cuisine de The

Sopranos, une coque pour iPhone Eastbound & Down270, ou encore un jeu de rôle Game of

266 http://www.youtube.com/watch?NR=1&feature=endscreen&v=K9NfudxhlCY , 01 mai 2012. 267 http://www.youtube.com/watch?v=XmSjI6bTip0 , 01 mai 2012. 268 http://www.youtube.com/watch?v=GlFUedKO_l4&feature=related , 01 mai 2012. 269 http://trubeverage.com/ , 01 mai 2012. 270 Ben Best, Danny McBride, Jody Hill, Eastbound & Down (Kenny Powers), 2009-En production, HBO.

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Page 52: HBO: La révolution du petit écran

Thrones. Zack Enterlin, directeur de promotion de True Blood, affirme :

« There's a core audience for us to engage with – a broad group of genre fans, wether its

vampire, gamers, horror, fantasy or comic book fans – that are passionate, really engaged

and very active online. […] There are thousands of sites and blogs dedicated to those

genres, so it became a real great fit and place to cultivate this audience and hopefully

create some evangelists for the show. »271

Le but des dirigeants est donc d’amener le téléspectateur à un niveau supérieur de

l'appréciation du programme. Le merchandising permet de créer des fans, des aficionados, et

même des fanatiques. HBO a ainsi créé une certaine forme de « sériephilie ».

Nous avons vu que HBO réussit à persuader son public de la valeur de leurs

programmes. Leurs séries sont donc différentes, et de qualité. Mais la qualité est un élément

271 Op. cit., R. Thomas Umstead, « HBO sinks its teeth into True Blood campaign », Multichannel News, 28 juillet 2008. Nous traduisons : « Il y a une audience très solide, engagée avec nous – un grand groupe de fan de genre, que ce soit des fans de vampires, de jeux vidéos, de l'horreur, de l'heroic fantasy ou des comic books – ils sont passionnés, très engagés et très actifs sur internet. Il y a des centaines de site et de blogs dédiés à ces genres, donc c'est un endroit parfait pour conserver notre public et espérer créer des fanatiques de la série. »

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Illustration 14: Jeu de carte Game of Thrones.

Illustration 15: Coque iPhone Eastbound & Down.

Illustration 13: Affiche pour la boisson Tru:Blood Beverage.

Page 53: HBO: La révolution du petit écran

très subjectif, et d'après Pierre Bourdieu, « The work of art is an object which exists as such

only virtue of the (collective) belief which knows and acknowledges it as a work of art. »272.

Nous pouvons donc conclure que les séries de HBO sont de qualité car nous croyons qu'elles

le sont.

c. Entre convention et innovation

Nous avons vu que les séries produites par HBO semblent être différentes et de

qualité. Mais la plupart du temps, ces caractéristiques attribuées aux programmes sont

directement communiquées par la chaîne elle-même. Cependant, les directeurs, comme Chris

Albrecht, gardent toujours la syndication en tête afin de rentabiliser leur programmes. Un

paradoxe se pose alors : leurs séries doivent se différencier de celles des networks,

suffisamment pour que le téléspectateur reconnaisse la « touche » HBO, mais doivent tout de

même conserver certains éléments traditionnels afin de ne pas le perturber, et de convenir à la

programmation des réseaux nationaux. Il serait alors intéressant de savoir où se situent

réellement leurs séries sur le plan de l'innovation artistique par rapport aux autres chaînes.

Car, afin de créer ce rendez-vous hebdomadaire ou quotidien, les chaînes ont un certain

nombre d'obligations à respecter pour ne pas déstabiliser son public : les épisodes doivent être

de la même durée ; la cadence narrative de chaque épisode doit être identique ; les décors ne

peuvent être changés et les chaînes doivent créer des rituels : générique, phrases cultes etc...

Et bien sûr, la formule originale de la série doit rester inchangée. Ainsi HBO fait toujours en

sorte que ses programmes contiennent les caractéristiques essentielles qui font d'eux des séries

télévisées. C'est pourquoi, pour reprendre une phrase de Jean-Pierre Esquenazi, les chaînes

doivent toujours rechercher « l'équilibre entre convention et innovation »273.

Premièrement, nous allons nous intéresser à la classification des séries HBO dans le

paysage générique télévisuel. Les genres ont été définis grâce à la littérature depuis des

siècles. Selon Caweldi, il s'agit « d'une combinaison ou d'une synthèse d'un certain nombre

272 Op. cit., Christopher Anderson, « Producing an Aristocracy of culture in american television », The Essential HBO Reader, p. 23. Nous traduisons : « L’œuvre d'art est un objet qui n'existe qu'à l'unique condition de la conviction (collective) qui le reconnaît et l'admet comme étant une œuvre d'art. »

273 Op. cit., Jean-Pierre Esquenazi, « Production des séries », Les séries télévisées. L'Avenir du cinéma ?, p. 51.

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de conventions culturelles spécifiques et d'une forme narrative plus générale »274. Ces genres

ont ensuite été naturellement adaptés au cinéma. Chacun d'eux dispose de ses propres

caractéristiques identificatrices. Grâce à ces codes, le spectateur sait, dès le début d'un film, à

quel genre celui-ci appartient. Par exemple, la structure du récit policier reste toujours la

même. Le schéma dramatique se déroule ainsi : une ville et l'ordre social sont dérangés par un

crime soudain, puis les gardiens de l'ordre mènent une enquête pour retrouver le criminel.

Deux récits coexistent, celui du crime et celui de l'enquête. De la même manière, trois types

de personnages sont indispensables : le criminel, l'enquêteur et les représentants de la société

dans laquelle se déroule le crime275. Les différentes catégories narratives et les fictions

populaires ont énormément influencé la fiction télévisuelle. D'après Jean-Pierre Esquenazi,

« elles [les séries] vont naturellement s'emparer des différentes conventions génériques, et les

adapter au contexte industriel et culturel télévisuel. »276 Mais, au cours de l'histoire, les séries

ont su modifier ces conventions pour les adapter aux contraintes formelles, sociales et

politiques de la télévision. Une série n'est pas un récit, c'est en réalité un ensemble de récits.

Chacun d'entre eux doit suivre un modèle stable, qui reproduit les caractéristiques d'un genre,

dans un milieu approprié à la situation. Ce modèle constitue la formule : « non pas scénario,

mais machine à fabriquer des scénarios, non pas ensemble de personnages mais réserve de

modèles de personnages, non pas mise en scène mais définition d'un cadre de mise en

scène. »277. L'exemple de CSI278 est intéressant : trois séries ont été créées, dans trois lieux

différents avec des personnages différents, mais la structure narrative reste la même, la

formule est inchangée279. Nous pouvons également affirmer qu'établir une formule revient à

fixer certains éléments d'un genre et à en garder d'autres variables. Par exemple, toujours dans

CSI, les héros et leur profession sont clairement définis et restent identiques d'un épisode à

l'autre, mais certains objets changent : les meurtriers et les crimes ne sont jamais les mêmes. Il

est alors logique que « l'établissement d'une formule suppose donc un rapport bien identifié à

un genre. »280. Chaque créateur doit établir une formule pour éventuellement voir son projet se

réaliser. HBO n'échappe pas à la règle puisque lorsqu'une formule n'est pas clairement définie,

274 Ibid, p. 90.275 Ibid, p. 89.276 Idem ibidem.277 Ibid, p. 90.278 Ann Donahue, Anthony E. Zuicker, CSI : Crime Scene Investigation (Les Experts), 2000-En production,

CBS.279 Op. cit., Jean-Pierre Esquenazi, « L'inscription de la série dans l'histoire de la fiction populaire. », Les Séries

Télévisées. L'Avenir du cinéma ?, p. 92.280 Ibid, p. 93.

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la cohérence entre les épisodes est perdue et le public ne reste pas fidèle au programme. Et

comme chacune des séries de la chaîne câblée est définie par sa formule, elles s'inscrivent

inévitablement dans un genre. Ainsi, Sex and the city et Six Feet under appartiennent au genre

du mélodrame.

La chaîne est obligée de respecter les codes du genre auquel appartiennent ses séries.

Néanmoins, l'innovation de HBO réside dans la transformation de certains codes pour les

adapter au contexte social et à la société contemporaine. Deux types de mélodrames sont

observés : le mélodrame de la fille, dans lequel une jeune fille est jetée hors du foyer familial

dans le but de trouver l'homme avec lequel elle fondera à son tour une famille heureuse ; et le

mélodrame de la mère qui met en scène une mère de famille qui tente par tous les moyens de

garder son foyer heureux. Mais ces modèles sont aujourd'hui vivement critiqués, tant ils ne

semblent plus adaptés à la société actuelle et du fait de la représentation idéologique de la

famille idéale, fondée sur l'inégalité des sexes281. Sex and the city et Six Feet under

représentent alors le mélodrame dans une société incompatible à celui-ci. Les codes du genre

sont alors clairement abattus dès les cinq premières minutes du premier épisode. Dans le pilot

de Sex and the city, le téléspectateur voit à l'écran « Once upon a time... » puis la voix off

raconte l'histoire d'une jeune femme qui rencontre un prince de la finance à New York, jusqu'à

ce qu'il l'abandonne lâchement. L'histoire de la jeune fille innocente, hors du foyer familial est

alors un échec. La voix off dit alors : « Bienvenue à l'age de la non-innocence ! »282. Le récit

mélodramatique se déroule dans une société où l'amour a disparu : les quatre jeunes femmes

de la série tentent de trouver leur place dans un monde où l'amour et le sexe sont deux

éléments séparés. Bien que l'homme soit un personnage peu développé dans les mélodrames,

il est cependant la condition de l'existence même de celui-ci : la jeune femme doit trouver son

prince et la mère au foyer doit garder sa famille unie, grâce à l'apport financier d'un mari qui

travaille. Ainsi, dans le premier épisode de la série Six Feet under, les codes du mélodrame

sont détruits lorsque le père de famille meurt brutalement dans un accident de voiture. La

mère doit alors reconstruire sa famille sans père subvenant à leurs besoins. En plus d'un choc

émotionnel, il s'agit aussi d'un choc financier, puisque la famille doit alors reprendre

l'entreprise familiale.

281 Ibid, p. 95.282 Idem ibidem.

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Les codes de certains genres ont alors été revisités par HBO, mais comment la chaîne

peut développer de telles séries, sans déconcerter son public ? Jean-Pierre Esquenazi tente de

répondre à cette question : « elles s'appuient sur l'expérience emmagasinée par la télévision

et son histoire culturelle. »283. Par exemple, Sex and the city est construite comme une

émission « omnibus » : la présentatrice est Carrie Bradshaw, elle s'adresse souvent

directement au téléspectateur, et parle constamment en voix off. Ses trois amies représentent

trois opinions différentes sur le sujet, comme lors d'un débat télévisé, et chacune illustre ses

propos par un « reportage » narrant leurs histoires respectives. Ainsi, la série est un « talk-

show », et chaque « émission » aborde un thème différent. Notons également que l'absence de

publicité sur HBO l'empêche de produire ce type d'émission, consacrées la plupart du temps à

des promotions diverses. Sex and the city permet alors d'aborder toutes les questions

concernant l'amour et la sexualité dans notre société, tout en gardant une certaine nostalgie du

mélodrame, souvent regretté. Dans Six Feet under, le créateur Alan Ball assume la destruction

des fondements du mélodrame tout en restant proche des préoccupations du genre. Bien que la

mère tente de reconstruire un foyer, les valeurs patriarcales du mélodrame ont disparu. Et bien

qu’œuvrant dans le but de rassembler les membres de sa famille, le happy-end

mélodramatique reste impossible.

HBO équilibre donc ses programmes entre conventions et innovations, entre

familiarité et nouveauté. Mais cette redéfinition des genres n'est pas nouvelle, et HBO n'est

pas le promoteur des séries de qualité, tel que nous le connaissons. En effet, les années 80 ont

vu un changement du paysage sériel télévisuel avec des séries comme Hill Street Blues, St

Elsewhere, Miami Vice284, Cagney and Lacey285. Dans les années 90 ensuite, se sont

développées NYPD Blues, E.R., X-Files286 et bien sûr Twin Peaks287 réalisé par David Lynch.

Paul Schrader relève même que le film noir a subi de grandes mutations grâce aux séries

Dragnet288, M-Squad289, Highway Patrol290 ou Lineup291. Les créateurs de HBO ne s'éloignent

283 Ibid, p. 98.284 Anthony Yerkovitch, Miami Vice (Deux flics à Miami), 1984-1990, NBC.285 Op. cit., Christopher Anderson, « Producing an Aristocracy of culture in american télévision », The Essential

HBO Reader, p. 26.286 Chris Carter, The X Files, 1993-2002, Fox.287 Mark Frost, David Lynch, Twin Peaks, 1990-1991, ABC. 288 Jack Webb, Dragnet 1967, 1967-1970, NBC.289 M-Squad, 1957-1960, NBC.290 Lee Berg, Don Brinkley, Highway Patrol, 1955-1959, NBC. 291 Paul Schrader, « Notes on film noir », Film genre reader III, p. 240.

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Page 57: HBO: La révolution du petit écran

d'ailleurs jamais beaucoup de l'héritage sériel car ils ont tous été formés par les grands

networks, CBS, NBC et ABC. La chaîne a d'ailleurs l'habitude de fournir les autres chaînes en

programmes, comme la Fox. En octobre 1990, la chaîne câblée crée HBOIP (HBO's

Independant Production) dans le but de créer des séries télévisées pour les networks et les

chaînes câblées. Leur stratégie était de se spécialiser dans la création de sitcoms et de se

promouvoir en tant que comedy-boutique. HBO était déjà très célèbre pour ses stand-up

comedies, et a fait découvrir aux téléspectateurs des humoristes aujourd'hui très célèbres292.

Ce sujet est donc une récurrence pour la chaîne qui peut bénéficier d'une certaine crédibilité.

Son premier client est la Fox, jeune chaîne créée en 1986 par Rupert Murdoch, qui souhaite se

différencier des Big Three déjà existants, en ciblant un public plus jeune. Dès 1991, le réseau

était capable de fournir des programmes de prime-times et était donc dans le besoin urgent de

nouvelles séries. Cette année-là, HBO lui fournit alors ROC293, et Down The Shore294, suivis

de The Ben Stiller Show295 en 1992, présenté par l'acteur à l'époque très peu connu, et qui

reçut un Emmy Award pour la « Remarquable performance individuelle pour l'écriture d'un

programme de variété ou musical »296. HBO produit également pour la FOX la sitcom

Martin297, qui met en scène l'humoriste et acteur Martin Lawrence, également très peu célèbre

en 1992, et Everybody Loves Raymond298 pour CBS. HBO connaît donc très bien les codes de

la télévision gratuite, elle sait s'adapter aux publicitaires et fournir un programme familiale.

Bien que HBO réalise de gros bénéfices grâce aux abonnements, il est évidemment

impossible qu'elle rentabilise ses séries en moyenne deux fois plus chères que celles des

autres networks. La chaîne profite alors de la renommée de ses programmes pour les vendre

sur un marché secondaire. Ce qu'il est important de connaître dans le fonctionnement des

réseaux américains, est le système de syndication. La loi sur les droits audiovisuels créée en

1971 est une étape fondamentale dans l'histoire des médias américains. Elle permet aux

producteurs de vendre leurs droits aux réseaux, uniquement pour un petit nombre de diffusion.

292 Op. cit., Avi Santo, « Para-Television and discourses of distinction », It's not TV. Watching HBO in the post-television era, p. 22-23.

293 Stan Daniels, ROC, 1991-1994, Fox.294 Alan Kirschenbaum, Down The Shore, 1992-1993, Fox.295 Judd Apatow, Jeff Kahn, Ben Stiller, The Ben Stiller Show, 1992-1993, Fox. 296 http://www.emmys.com/award_history_search?

person=ben+stiller&program=&start_year=1949&end_year=2011&network=All&web_category=All&winner=All, 12 février 2012.

297 Chuck Vinson, Martin : The Parents are coming, 1992-1997, Fox.298 Philip Rosenthal, Everybody Loves Raymond, 1996-2005, CBS.

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Page 58: HBO: La révolution du petit écran

Ils peuvent également vendre leurs séries en un bloc et non épisode par épisode. Dès que la

série s'est maintenue assez longtemps (90 épisodes au moins), elle est libre en totalité pour les

rediffusions : c'est la syndication. L'avantage est qu'avant que la chaîne n'atteigne les 90

épisodes, elle garde l'exclusivité de la diffusion, mais qu'à la syndication, elle puisse continuer

la production de la série grâce aux revenus engendrés par la vente299. Il va sans dire que HBO

profite amplement de ce système, au même titre que les autres chaînes. Les producteurs de

série ont donc la possibilité de gagner beaucoup plus d'argent. Puisque les réseaux cherchent

toujours à renouveler leurs programmes, les producteurs indépendants peuvent proposer leurs

idées. HBO propose alors son programme Tales from The Crypt à la FOX, mais vend la série

sous un autre nom : HBO's Tales from The Crypt. La chaîne se permet alors une publicité

gratuite sur un grand réseau et ainsi attirer encore plus de souscriptions. Mais les dirigeants de

la chaîne ne peuvent revendre leurs épisodes violents et vulgaires à des chaînes familiales.

HBO auto-censure alors ses propres séries, ne vendant que les versions retournées

spécialement pour la syndication. Nous pouvons relever que, lors du tournage de leur

première sitcom, Dream On, HBO tournait déjà deux versions de chaque épisode : une pour

une diffusion sur HBO, et une autre sans nudité ni vulgarité, en gardant la syndication à

l'esprit. Ainsi, elle pouvait revendre les épisodes aux autres chaînes. Ce type de tournage est

resté et c'est ainsi que Sex and the City, a été tourné. De plus, elle s'est également chargée de

couper chaque épisode pour y insérer des coupures publicitaires. En 2005, HBO vendit les

épisodes de The Sopranos à la chaîne A&E à un coût record de 2,5 millions de dollars par

épisode300. Cette syndication permet très facilement de rentabiliser ce programme dont le

budget était de 3 millions de dollars par épisode. En 2004, Sex and the city a rapporté 350

millions de dollars en vendant ses épisodes à TBS301. HBO sait parfaitement que ce qui plaît à

ses abonnés ne plaît pas toujours aux restes des téléspectateurs. La sitcom Arli$$ par exemple,

n'a pas bénéficié d'une importante syndication: elle n'attirait que très peu de téléspectateurs de

Friends ou Will & Grace302, les deux sitcoms les plus regardées de l'époque. Lorsqu'une série

n'obtient pas le succès prévu sur HBO, la chaîne peut alors tenter de revendre les épisodes, sur

son territoire ou à l'étranger. La série sur la Seconde Guerre Mondiale, Band of brothers, qui

fut diffusée le 9 septembre 2001, soit 72 heures avant les attentats du 11 septembre, ne reçut

299 Op. cit., Jean-Pierre Esquenazi, Les Séries télévisées. L'Avenir du cinéma ?, p. 18. 300 Andrew Hampp, « Can A&E collect on Sopranos? By limiting ads, net hopes to create a ratings champ that

will pay off long-term », Advertising Age, 8 janvier 2007.301 Op. cit., http://www.monde-diplomatique.fr/2011/06/PINSOLLE/20687#nb7, 03 mai 2012. 302 David Kohan, Max Mutchnik, Will & Grace, 1998-2006, NBC.

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Page 59: HBO: La révolution du petit écran

pas le franc succès attendu par les dirigeants. Sur toutes les chaînes, les américains pouvaient

voir une véritable « nouvelle guerre » se préparer sous leurs yeux et le programme

« distrayant » de HBO devint alors vite anachronique. Mais vu les circonstances, Band of

brothers ne fut pas un échec total. La syndication fut concluante et la chaîne britannique

BBC2 racheta les épisodes, à 1 million de dollars par épisode303. Très présente au MIPTV de

Cannes (le Marché International des Contenus Audiovisuels et Numériques), HBO a vendu en

2008 l'exclusivité de ses séries au bouquet français Orange Cinéma Série pour une somme

inconnue304. Orange Cinémax a donc pu diffuser True Blood, Generation Kill305, John

Adams306 et In Treatment307. La chaîne anglaise câblée BskyB a acheté en 2010 le catalogue

entier des séries HBO308. Puisque la chaîne diffuse ses séries dans 59 pays à travers le monde

grâce à la répartition de son bouquet international, elle peut ensuite vendre ses séries aux

chaînes locales de tous ces pays.

Les différences avec les autres networks ne résident donc qu'en quelques points : la

vulgarité, la violence, la nudité et l'absence de publicités. La modification de certains codes

génériques ne dérange absolument pas les autres chaînes, habituées à des programmes

« classiques » et familiaux. Marc Leverette releva la phrase de Bianco : « Take away the

jittery camera work –and the breasts, profanity and violence that mark it as a pay-cable

product– and you could be watching Hunter309. »310.

Pour conclure, la majorité des abonnés de HBO ont déjà été éduqués par la télévision

gratuite. La chaîne doit donc proposer des programmes à la fois familiaux et innovants. Ien

Ang a introduit l'hypothèse que les producteurs basent leurs séries sur un plaisir populaire et

ce plaisir, pour être retrouvé d'une série à une autre, ne peut être totalement nouveau ou

303 Andrew Wallenstein, « Syndicated Band plays on : HBO shopping mini to cable outlets. », The Hollywood Reporter, 24 octobre 2003.

304 http://www.orangeinfo.fr/1816-hbo-l%E2%80%99accord-avec-orange-est-parti-pour-durer.html , 03 mai 2012.

305 Ed Burns, David Simon, Generation Kill, 2008, HBO. 306 Tom Hooper, John Adams, 2008, HBO. 307 Hagai Levi, In Treatment (En Analyse), 2008, HBO. 308 James Robinson, « BskyB buy complete HBO TV catalogue », The Guardian, 29 juillet 2010.309 Frank Lupo, Hunter (Rick Hunter), 1984-1991, NBC. 310 Op. cit., Mark Leverette, « Cocksucker, motherfucker, tits », It's not TV, Watching HBO in the post-television

era , p. 140. Nous traduisons : « Enlever le travail nerveux de la caméra –et les seins, le blasphème et la violence qui le définit comme un produit un câble– et vous pourriez être en train de regarder Hunter. ».

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expérimental. Horace Newcomb, professeur à l'Université de Géorgie et directeur des

Peabody Awards, affirme d'ailleurs que le succès de The Sopranos repose précisément sur le

degré de familiarité avec les séries déjà existantes, couplé avec les modifications du genre

apportées par HBO311. En effet, la chaîne ne peut réaliser de grandes innovations sans prendre

en compte la satisfaction du public.

311 Op. cit., Avi Santo, « Para-Television and discourses of distinction », It's not TV, Watching HBO in the post-television era, p. 28.

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Page 61: HBO: La révolution du petit écran

Conclusion

Grâce à sa connaissance des autres networks, la chaîne HBO a su renouveler

suffisamment d'éléments pour distinguer ses programmes des autres, tout en conservant

l'essence même de la série télévisée. Mais les innovations les plus flagrantes sont de l'ordre

économique et marketing. Les stratégies de communications agressives de HBO ont permis

d'ancrer l'image d'institution culturelle et artistique de la chaîne dans la culture populaire

américaine. Cette prouesse a contribué à l'installation de la réputation de la qualité de ses

programmes et est en grande partie à l'origine de son succès. De plus, grâce à sa méthode de

production marginale, elle a pu s'imposer comme producteur dans le monde très fermé des

réseaux américains. Mais contrairement à ce qu'elle affirme, les networks et elle œuvrent dans

un même but : rassembler le plus possible de téléspectateurs. Car une fois le processus de

création terminé, la série est diffusée. Grâce à des outils comme l'entreprise Nielsen, la chaîne

peut savoir avec précision combien de téléspectateurs, et appartenant à quelle tranche d'âge,

ont regardé le programme. Mais HBO reste très secrète sur la question, ne dévoilant jamais

ses audiences. Chris Albrecht, président de la chaîne, va même jusqu'à insinuer que les

dirigeants basent leurs décisions sur des intuitions, sans jamais observer les études de marché

ou les audiences312. Il est cependant très difficile de croire que la société dépense son milliard

de dollars de profit annuel313 sur des pressentiments. De même, il est difficile de croire que

pour décider de la continuité ou de l'arrêt d'une série, la chaîne ne regarde aucun chiffre

d'audience. En effet, nous pouvons remarquer que la plupart des séries stoppées ces dernières

années, voyaient une forte chute du nombre de téléspectateurs. Prenons la série Luck, se

déroulant dans le milieu des courses hippiques : elle a officiellement était annulée car trois

chevaux ont été blessés ou tués sur le tournage. L'association protectrice des animaux PETA a

demandé qu'une enquête soit faite sur le tournage. Nous ne pouvons imaginer qu'une société

de l'envergure de HBO se sente tellement menacée par PETA, qu'elle finisse par annuler un

programme pouvant lui faire gagner des millions de dollars. Lorsque nous nous intéressons

aux audiences, nous remarquons que le premier épisode n'avait réuni que 1,1 million de

téléspectateurs. Celui-ci n'a visiblement pas trouvé son public puisque le reste de la saison ne

dépassait pas les 500 000 personnes par soir. Ainsi, le deuxième épisode a subi une baisse

312 Op. cit., Christopher Anderson, « Drama overview », The Essential HBO Reader, p. 33-34.313 Idem ibidem.

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Page 62: HBO: La révolution du petit écran

significative de 64%314. Rappelons tout de même que des séries comme The Sopranos étaient

visionnées par 11 millions de téléspectateurs en moyenne, tout support confondu. De la même

manière, l'épisode pilote de Game of Thrones a réuni une audience relativement moyenne de

2,2 millions de téléspectateurs315 mais le dernier en a rassemblé 3 millions316, soit une hausse

de 36%. Cette série fut immédiatement renouvelée pour une saison 2. Grâce à ces deux

exemples, nous pouvons en conclure que les dirigeants de la chaîne observent, certainement

de très près, les résultats chiffrés. Contrairement à ce qu'ils semblent affirmer, ils ne décident

pas de la tenue des série en se basant sur leur potentiel culturel ou sur l'appréciation du public

puisque la série Luck a obtenu une note de 75 sur 100317 par les critiques de la presse contre

79318 pour Game of thrones. Ainsi HBO, comme n'importe quelle autre chaîne ou entreprise,

ne prend pas ses décisions à la légère et semble en premier lieu s'assurer de la viabilité

financière de ses projets.

Comme nous avons pu le constater, un fossé s'est installé entre l'image de HBO et la

réalité de l'entreprise. Mais les téléspectateurs se prêtent volontiers au jeu et la considèrent

comme une institution artistique à part entière. Ses séries télévisées n'ont pas transformé la

forme sérielle mais juste enrichie. Mêlant réalisme et pastiches, elles sont en fait très

clairement inspirées des programmes télévisuels déjà existants. En ne s'enfermant pas dans les

exigences des annonceurs, HBO s'est plus que tout mise à l'écoute de son public. Mais sa

réputation s'est surtout faite grâce aux universitaires eux-mêmes. A la fin des années 90, Alain

Carrazé et Martin Winckler constataient qu'il était encore impossible en France de dire qu'on

aimait les séries télévisées319. Au États-Unis, HBO est surtout regardée par les classes aisées,

au niveau scolaire et culturel élevé. C'est donc ce public qui a contribué à l’élévation du

programme jusqu'à le qualifier de « huitième art »320. D'un point de vu économique, son

innovation a été de savoir faire face à l’oligopole des networks américains et de s'imposer, en

moins d'une décennie, sur le marché des séries télévisées. Elle a su trouver des alternatives

314 http://www.actucine.com/series/audiences-series-us-alcatraz-dr-house-et-luck-coulent-56399.html, 22 avril

2012. 315 http://www.actucine.com/series/audiences-series-us-games-of-thrones-fait-un-score-en-demi-teinte-

43167.html , 22 avril 2012.316 Idem ibidem.317 http://www.metacritic.com/tv/luck , 22 avril 2012. 318 http://www.metacritic.com/tv/game-of-thrones , 22 avril 2012.319 Op. cit., http://www.monde-diplomatique.fr/2011/06/PINSOLLE/20687, 06 mai 2012. 320 Idem ibidem.

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Page 63: HBO: La révolution du petit écran

aux moyens financiers apportés par les publicitaires. Ainsi, sa présence sur les marchés

secondaires lui garantissent une stabilité économique. Grâce à l'entretient de cette distinction,

elle a ouvert une nouvelle voie dans laquelle se sont engouffrées de nombreuses chaînes

câblées. Showtime et FX lui ont emboîté le pas, créant des séries comme Dexter321 ou The

Shield322. Plus récemment, c'est la chaîne AMC qui reçut de très bonne critiques pour Mad

Men323 et Breaking Bad324. Il y a quelques années, le président de HBO, Chris Albrecht fut

renvoyé suite à ses problèmes juridiques. Il fut immédiatement embauché par la chaîne câblée

Starz, qui souhaitait développer des séries télévisées. En très peu de temps, il appliqua la

« méthode HBO » : de gros budgets, des acteurs réputés, des saisons courtes, une promotion

de grande ampleur325... C'est ainsi qu'ont été créé Magic City326, Boss327 ou Spartacus328, très

appréciées par la critique. Nous pouvons alors constater que la créativité artistique des séries

HBO repose en grande partie sur leur mode de production, de communication et de promotion

très particulier. Malgré leur volonté d'être considérées comme des produits culturels avant

tout, les séries sont entièrement dépendantes de leur valeur économique. Mark Leverette

conclue alors en affirmant : « all culture is made in an industrial complex »329.

321 James Manos Jr., Dexter, 2006-En production, Showtime. 322 Shawn Ryan, The Shield, 2002-2008, FX. 323 Matthew Weiner, Mad Men, 2007-En production, AMC.324 Vince Gilligan, Breaking Bad, 2008-En production, AMC.325 http://www.deadline.com/tag/chris-albrecht-starz/ , 06 mai 2012. 326 Mitch Glazer, Magic City, 2012-En production, Starz.327 Fahrad Safina, Boss, 2011-En production, Starz.328 Steven S. DeKnight, Spartacus : Gods of the arena, 2011-En production, Starz.329 Op. cit., Mark Leverette, « Cocksucker, motherfucker, tits », It's not TV, Watching HBO in the post-television

era, p. 144. Nous traduisons : « Toute culture est faite dans un complexe industriel ».

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Filmographie 330

Filmographie principale :

1997-2003 : Oz.

Créateur : Tom Fontana

Casting : Ernie Hudson, J.K. Simmons et Lee Tergesen.

Producteurs : The Levinson/Fontana Compagny, Rysher Entertainment.

Diffuseur : HBO

Durée : 6 saisons soit 56 épisodes.

Format : 60 minutes, un épisode de 100 minutes (serie final).

Genre : Drame, Thriller.

1998-2004 : Sex and the city.

Créateur : Darren Star

Casting : Sarah Jessica Parker, Kim Cattrall et Kristin Davis.

Producteurs : Home Box Office, Darren Star Production, Sex and the city Production.

Diffuseur : HBO

Durée : 6 saisons soit 94 épisodes.

Format : 30 minutes.

Genre : Sitcom, Romance.

1999-2007 : The Sopranos (Les Sopranos).

Créateur : David Chase

Casting : James Gandolfini, Lorraine Bracco, Edie Falco

Producteurs : Home Box Office, Brillstein Entertainment Partners et The Park Entertainment.

Diffuseur : HBO.

Durée : 6 saisons soit 86 épisodes.

Format : 58 minutes330 La filmographie est séparée en deux catégories. La filmographie principale apporte des informations

complémentaires aux séries que nous avons étudiées précédemment. Elles sont classées chronologiquement, par date de première diffusion, puis par durée de diffusion. La filmographie secondaire répertorie les œuvres mentionnées dans notre développement. Elle est elle-même constituée de films, de séries diffusées sur HBO ou non, et de publicités télévisées.

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Genre : Drame, crime.

2001 : Band of brothers (Frères d'armes).

Créateur : Steven Spielberg, Tom Hanks

Casting : Scott Grimes, Damian Lewis, Ron Livingston.

Producteurs : DreamWorks Television, Home Box Office, Playtone et BBC.

Diffuseur : HBO.

Durée : 705 minutes soit 10 épisodes.

Format : 70 minutes.

Genre : Drame, Guerre.

2001-2005 : Six Feet under (Six Pieds sous terre).

Créateur : Alan Ball

Casting : Peter Krause, Michael C. Hall, Frances Conroy

Producteurs : Home Box Office, The Greenblatt Janolli Studio, Actual Size Production.

Diffuseur : HBO

Durée : 5 saisons soit 63 épisodes.

Format : 55 minutes

Genre : Drame

2004-2011 : Entourage.

Créateur : Doug Ellin

Casting : Kevin Conolly, Adrian Grenier, Kevin Dillon

Producteurs : Home Box Office, Leverage Management

Diffuseur : HBO.

Durée : 8 saisons soit 96 épisodes.

Format : 30 minutes.

Genre : Sitcom.

2008- En production : True Blood.

Créateur : Alan Ball

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Page 66: HBO: La révolution du petit écran

Casting : Anna Paquin, Stephen Moyer, Sam Trammell

Producteurs : Home Box Office, Your Face Goes Here Entertainment

Diffuseur : HBO

Durée : 5 saisons soit 52 épisodes.

Format : 60 minutes.

Genre : Drame, Thriller, Romance.

2011 : Luck.

Créateur : David Milch

Casting : Dustin Hoffman, Dennis Farina, John Ortiz

Producteurs : David Milch, Michael Mann et Carolyn Strauss.

Diffuseur : HBO

Durée : 1 saison de 9 épisodes

Format : 52 minutes

Genre : Drame, sport.

2011- En production : Game of Thrones (Le Trône de fer).

Créateur : David Benioff, D.B. Weiss

Casting : Peter Dinklage, Lena Headey, Michelle Failey

Producteurs : Home Box Office, Television 360, Grok ! Studio, Generator Entertainment,

Bighead Littlehead, Embassy Films

Diffuseur : HBO

Durée : 2 saisons

Format : 60 minutes

Genre : Drame, Fantasy

Filmographie secondaire :

Films :1957 : The Amazing Colossal Man, Bert I. Gordon.

1970 : Sometimes a Great Notion, Paul Newman.

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Page 67: HBO: La révolution du petit écran

1978 : The Attack of the Killer Tomatoe, John DeBello.

1979 : The Great Santini, Lewis John Carlino.

1981 : Raiders of The Lost Ark,Steven Spielberg.

1983 : Terms of Endearment, James L. Brooks.

1984 : Ghost busters, Ivan Reitman.

1998 : Saving Private Ryan, Steven Spielberg.

1999 : American Beauty, Sam Mendes.

2010 : Burlesque, Steve Antin.

Séries diffusées sur HBO :

1989-1996 : Tales from the Crypt, William Gaines.

1990-1996 : Dream On, David Krane, Martha Kauffman.

1992-1998 : The Larry Sander's show, Dennis Klein, Gary Shandling.

1996-2002 : Arli$$, Ed Smart.

2004 : El Perro y el Gato, Chrissie Hines.

2000- En production : Curb your enthusiasm (Larry et son nombril), Larry David.

2004-2006 : Deadwood, David Milch.

2005 : The Comeback (Mon Comeback), Lisa Kudrow, Michael Patrick King.

2005-2007 : Rome, Bruno Heller, William J. MacDonald, John Milius.

2008 : Generation Kill, Ed Burns, David Simon.

2008 : In Treatment (En Analyse), Hagai Levi.

2008 : John Adams, Tom Hooper.

2009 : Celebrity Habla, Alberto Ferreras.

2009-En production : Eastbound & Down (Kenny Powers), Ben Best, Danny McBride, Jody

Hill.

2010 : The Pacific, Steven Spielberg, Tom Hanks.

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Page 68: HBO: La révolution du petit écran

Séries diffusées sur les autres chaînes :

ABC :

- 1990-1991 : Twin Peaks, Mark Frost, David Lynch.

AMC :

- 2007-En production : Mad Men, Matthew Weiner.

- 2008-En production : Breaking Bad, Vince Gilligan.

CBS :

- 1996-2005 : Everybody Loves Raymond, Philip Rosenthal.

- 2000-En production : CSI : Crime Scene Investigation (Les Experts), Ann Donahue,

Anthony E. Zuicker.

Fox :

- 1990-2000 : Beverly Hills 90210, Darren Star.

- 1990-1994 : In Linving Color, Keenen Ivory Wayan.

- 1991-1994 : ROC, Stan Daniels.

- 1992-1993 : Down The Shore, Alan Kirschenbaum.

- 1992-1993 : The Ben Stiller Show, Judd Apatow, Jeff Kahn, Ben Stiller.

- 1992-1997 : Martin : The Parents are coming, Chuck Vinson.

- 1992-1999 : Melrose Place, Darren Star.

- 1993-2002 : The X Files, Chris Carter.

- 1993-2005 : N.Y.P.D. Blues (New York Police Blues), Steven Bochco.

NBC :

- 1955-1959 : Highway Patrol, Lee Berg, Don Brinkley.

-1957-1960 : M-Squad.

- 1967-1970 : Dragnet 1967, Jack Webb.

- 1981-1987 : Hill Street Blues (Capitaine Furillo), Steven Bochco.

- 1982-1988 : St. Elsewhere (Hôpital St. Elsewhere), Joshua Brand, John Falsey, Tom

Fontana.

- 1984-1990 : Miami Vice (Deux flics à Miami), Anthony Yerkovitch.

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Page 69: HBO: La révolution du petit écran

- 1984-1991 : Hunter (Rick Hunter), Frank Lupo.

- 1990-1998 : Seinfeld, Larry David, Jerry Seinfeld.

- 1994-2004 : Friends, David Crane, Martha Kauffman.

- 1994-2009 : E.R. (Urgences), Michael Crichton.

- 1998-2006 : Will & Grace, David Kohan, Max Mutchnik.

Showtime :

- 2006-En production : Dexter, James Manos Jr.

Starz :

- 2011-En production : Boss, Fahrad Safina.

- 2011-En production : Spartacus : Gods of the arena, Steven S. DeKnight.

- 2012-En production : Magic City, Mitch Glazer.

Publicités :

2007 : The Sopranos Lives, Simon McQuoid,

2009 : Terrorist, VEM.

2011 : Yacht,Tom Kuntz.

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Page 70: HBO: La révolution du petit écran

Bibliographie

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