harvard college lierary - … · anathématisées parl'eglise : ses provinciales en sont la...
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1
HARVARD
COLLEGE
LIER ARY
o .
LE
^PARADlSOUVERT
A PHILAGIE
PAR CENT DÉVOTIONS A LA MÈRE DE DIEU
AISÉES A PRATIQUER AUX JOURS DE SES FÊTES ET OCTAVES QUI SE
RENCONTRENT A CHAQUE MOIS DE L'ANNÉE
PAR LE R. P. PAUL DE BARRY
DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS
VINGTIÈME RÉIMPRESSION AMÉLIORÉE, ET PRÉCÉDÉE D'UNE INTRODUCTION CRITIQUE
PAR JEAN DARGHE
J'ai vu le livre du Para
dis ouvert par cent dévo
tions aisées à pratiquer...
et celui de la Marque de
Prédestination; ce sont
des pièces dignes d'être
vues. (PASCAL, ix' Lettre
à un Provincial.)
PARIS
LIBRAIRIE CATHOLIQUE MARTIN-BEAUPRÉ FRÈRES, ÉDITEURS
21, RUE MOXSIEUR-LE-PRINCE, 21
1868
Reproductions interdites.
Harvard Goiiege Library
July 1, 1914.
Bequeet of -
(Jeorgina Lowell Putnam
»
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J
LE
PARADIS
OUVERT
A PHILAGIE
OUVRAGES DE M. DARCHE
Saint Georges, martyr, patron des guerriers : étude critique et historique
sur la vie, la passion, le dragon, le culte, la protection et les ordres de che
valerie de Saint-Georges. — Ouvrage honoré des félicitations de Mgr Darboy.
archevêque de Paris, et de Mgr Chalandon, archevêque d'Aix. — Un beau
volume in-12. Prix : 2 fr. 50
« Il n'existait point encore en français de vie réellement satisfaisante du
« grand Chevalier chrétien; M. Darche a comblé dignement cette lacune.
« Son livre a une valeur incontestable non-seulement au point de vue ha-
« giographique, mais encore au point de vue de la critique historique, du
« symbolisme et de la science héraldique. » CF. Boissin.J
îfarie vient à notre secours dans tous nos besoins, trente et une lectures,
avec plus de 300 traits historiques fondus dans le texte.Vol. in-18. Prix : 2fr.
« Cet ouvrage est béni par N. S. P. le Pape Pie IX. »
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son honneur. Vol. grand in-12. Prix : 2 fr.
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des Litanies de la Sainte. Vol. in-18. Prix : 1 fr.
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Vénérable Boudon d'Evreux : ouvrage solide et très-substantiel, enrichi de
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Mois de Marie des saints Pères. Nouvelle édition. Vol. in-18. Prix : 1 fr.
Mois de Mars des âmes pieuses. Nouvelle édition, in-18. 60 c.
Dévotion à Monseigneur Saint Georges, prolecteur de l'Eglise et des ar
mées chrétiennes, dédié aux militaires et aux défenseurs du Saint-Siège.
Beau vol. in-12. Prix : 1 fr.
Sous presse : La Lecture, ou traité complet des livres Vol. in-12.
MONTAUBAN. — TYPOGRAPHIE DE VICTOR BERTUOT.
JEAN DARCHE AU LECTEUR.
Lecteur bienveillant, avant de mettre ce livre entre
vos mains, il convient que je rende raison de l'épigra
phe, qui, sans doute, aura fixé votre attention.
On lit à la fin de la Neuvième Provinciale de Pascal
une petite note, dont voici la substance : « Depuis que
« j'ai écrit cette lettre, j'ai vu le livre du Paradis ouvert
« par cent dévotions aisées à pratiquer, par le Père Barry ;
« et celui de la Marque de Prédestination, par le Père
« Binet. Ce sont des pièces dignes d'être vues. »
Et en tète de cette même Provinciale dont le fond
a été fourni à Pascal par le janséniste Nicole, on trouve
ce titre, qui accuse autant l'ignorance de son auteur
dans les matières religieuses que la mauvaise foi avec
laquelle il va faire le procès aux Jésuites et au culte
pratique de la Mère de Dieu : « De la fausse Dévotion
à la sainte Vierge que les Jésuites ont introduite.... »
Sans aucun doute Blaise Pascal suivait l'influence de
son parti, dont il partageait ouvertement les opinions
anathématisées par l'Eglise : ses Provinciales en sont la
plus forte preuve. Sans cela, il n'eût osé attaquer avec
— 2 —
l'arme séduisante de l'ironie les pratiques consacrées
par la dévotion des fidèles envers l'auguste vierge Marie.
Assurément il n'eût rien dit du Paradis ouvert par
cent dévotions si ce livre fût sorti de la plume d'un écri
vain autre qu'un membre de la Compagnie de Jésus.
Mais ce n'était pas là un motif suffisant pour qu'il vomît
sa bile et celle de tout Port-Royal contre une si utile
et si précieuse Société, et contre une dévotion toujours
salutaire quand même elle serait imparfaite.
Pascal dit bien que le livre du Père de Barry est une
pièce digne d'être vue ; mais , comme on le voit , il ne
s'exprime de la sorte que par une niaise et insultante
ironie. Ce qui, du reste, ne peut plus nous étonner
quand nous pensons que cet homme à la fois éminem
ment savant et singulièrement bizarre faisait partie d'une
école dont les tendances, comme lès doctrines, ont été
condamnées par notre Mère la sainte Eglise. Malgré
cette tirade qui accuse dans le géant de Port-Royal un
dédain pharisaïque, il n'est pas moins certain que le
Paradis ouvert par cent dévotions à la Mère de Dieu est
un de ces livres malheureusement trop rares, et qui
mérite d'être lu et surtout pratiqué par les fidèles.
On conviendra sans peine que Pascal , ami de l'er
reur, ne pouvait toujours pactiser avec la vérité ; encore
s'il n'était pas inconséquent avec lui-même ! Il admet
volontiers qu'il faut rendre un culte à la Mère de Dieu ;
mais dès là que ce culte est traduit par des pratiques
— 3 —
populaires, il semble le dédaigner, le ridiculiser même.
C'est la manie des philosophes anti-chrétiens qui atta
quent la religion dans ce qu'elle a de plus sacré. Quelle
mauvaise foi ! Pascal encore va plus loin : il blâme ce
qu'il feint d'ignorer, et il ose , le malheureux, le perfide,
l'hypocrite ! faire la critique injuste d'un livre qu'il
avoue n'avoir point lu, qu'il ne connaît que sur le rap
port de Nicole, le plus fougueux peut-être des jansé
nistes.
« Quoi! dit, en s'adressant à Pascal, M. l'abbé May-
nard , érudit interprète des Provinciales , quoi ! vous
avez écrit une lettre sur des ouvrages que vous ne con
naissiez pas, et que vous n'avez lus qu'ensuite ! L'aveu
est naïf, et se conçoit difficilement d'un homme ordinai
rement si habile : Mentita est iniquitas sibi. Preuve nou
velle que le pauvre Pascal était victime de ses amis ,
acceptant aveuglément leurs mémoires et se faisant
l'écho docile de leurs erreurs et de leurs passions. » *
1l est incontestable que Pascal fut un littérateur dis
tingué, et que la république des lettres lui est beaucoup
redevable, quoique cependant des critiques assez mo
dérés citent des morceaux de ses écrits qui ne sont pas
certes sans défauts , et où le meilleur goût ne domine pas
toujours. Nous ne disons pas cela pour ridiculiser ce
* Voir les Provinciales de Pascal , par M. l'Abbé MAYNARD,
2 vol. in-8°. Bray.
grand génie, qui savait infiniment mieux écrire que
nous ne le saurons jamais, mais pour justifier à l'avance
les endroits dans le livre du Père de Barry dont la
construction grammaticale, malgré nos soins à la recti
fier, paraîtrait encore défectueuse à un public dont le
goût est si pur, si éclairé, et quelquefois si sévère.
Cependant Pascal ne reproche pas au Père de Barry
l'incorrection de style non plus que les nombreuses fau
tes typographiques qui fourmillent dans son ouvrage ;
des sujets plus graves, selon lui , attirent et fixent son
attention et ses colères : déverser le mépris sur l'illustre
Compagnie de Jésus, et le ridicule sur les pratiques de
la dévotion envers la Mère de Dieu.
D'un côté , donc , nous le félicitons de ce qu'il a con
tribué au perfectionnement du langage français ; mais,
de l'autre, nous le blâmons fortement de l'abus volontaire
qu'il a fait de son talent et de sa plume en les mettant
au service le plus vil de la calomnie contre l'un des or
dres religieux des plus respectables et des plus éminem
ment utiles à la société catholique.
Rendons pourtant encore cette justice à Pascal, que,
outre l'invention de la brouette et du haquet, d'une uti
lité incontestable , il a laissé un très-bon recueil en
forme de Pensées sur la Religion , tiré des principaux
Pères de l'Eglise, quoiqu'il ne les cite pas, comme l'a
reconnu un écrivain moderne. Mais autant Pascal paraît
grand, sublime même dans ses pensées sur la Religion,
— 5 -
autant et plus encore il paraît rampant, imposteur, in
juste et calomniateur, j'allais dire vil, dans ses Lettres
à un Provincial, œuvre qu'on dirait sortie des officines de
l'enfer, et inspirée par Satan, le génie du mal et le cons
pirateur contre la vérité , la justice , l'ordre et la vertu ,
contre Dieu enfin !
En effet, ces Lettres réprouvées par le gouvernement
français dès leur apparition, et clandestinement impri
mées d'abord par feuilles volantes dans un sombre ap
partement et les obscurités de la nuit, qui ne dûrent
leur succès qu'à l'accueil favorable que leur firent les
ennemis des jésuites, c'est-à-dire les ennemis de Dieu et
de son Eglise, car ils n'en eurent jamais d'autres que
ceux-là , ces Lettres , dis-je , ne respirent d'un bout à
l'autre que le mensonge plus ou moins déguisé et la
haine furibonde d une Congrégation destinée , dans les
vues de la Providence, à soutenir et à défendre contre
l'impiété pharisaïque du siècle les droits de Dieu et de
son Eglise, et qui est la grande civilisatrice de l'Europe
et des contrées les plus éloignées. Aussi le Saint-Siége
Apostolique n'a pas hésité à frapper de ses anathèmes
un roman aussi scandaleux et si plein d'impostures, qui
fera perpétuellement la honte de son auteur , et à en
interdire par là même la lecture aux fidèles.
Nous ne cherchons pas ici à réfuter toutes les calom
nies forgées à plaisir par Pascal et dirigées par lui con
tre l'illustre Compagnie de Jésus; d'autres, et surtout
— G —
M. l'abbé Maynard , l'ont fait habilement avant nous;
et puis, quoique la presse ait publié en 1805 une nou
velle édition des Provinciales, qui probablement ne s'é
puisera jamais , qui est-ce qui lit tant de nos jours ces
Provinciales , dont le sort , ce qui certes n'est pas glo
rieux à l'auteur, est de pourrir dans les immondices?
Du reste, la Compagnie de Jésus, si justement célèbre
par le nombre incalculable d'écrivains éminents, de mis
sionnaires zélés, de prédicateurs excellents, de saints
illustres par leur naissance comme par leurs vertus, de
martyrs d'un courage héroïque, n'a pas besoin d'apolo
gistes. Elle peut dire fièrement à ses ennemis qui, se
vantant d'avancer le progrès, ne cessent pourtant de
déclamer contre elle : « Venez , voyez , et jugez-moi
d'après mes œuvres, et non d'après les mensonges de
ceux d'entre vous qui se fatiguent à invectiver contre
moi. » Quant à Blaise Pascal, honte à lui d'avoir servi
son parti aux dépens de la vérité !
En flétrissant le jansénisme , nous ne prétendons pas
pourtant attaquer tous les écrivains de Port-Royal ,
mais bien l'esprit qui les dominait et les dirigeait la
plupart. Par malheur c'était un esprit d'obstination , et
par suite , de secte et d'hérésie. Quel dommage donc que
Pascal et Saci aient appartenu à cette école, eux pour
tant d'une simplicité si aimable ! Mais les erreurs dont
Port-Royal était le foyer ravagèrent ces deux belles
âmes. Dans le fond , ces deux grands hommes , dont
— 7 —
l'autorité et le mérite eussent été, l'un comme apolo
giste de la religion et l'autre comme interprète des
Livres Saints , à la hauteur d'un Père de l'Eglise , n'é
taient pourtant pas aussi imbus des opinions de Port-
Royal que l'étaient les Arnauld , les Saint-Cyran, An-
dilly et Nicole ; et sans l'ascendant de ce dernier sur
Pascal et sa collaboration , assurément nous n'eussions
point eu la Provinciale qui attaque si niaisement et si
calomnieusement la sainte Compagnie de Jésus et les
pratiques du culte de la Vierge Marie.
Occupons-nous donc particulièrement de cette Pro
vinciale, et vengeons contre l'ironie de son auteur le
culte de notre céleste Mère.
Et d'abord, observons pour ceux qui n'ont pas lu les
Provinciales de Pascal, qu'elles reposent toutes sur des
fictions. Il est absolument faux que Blaise Pascal ait eu
ces entrevues par lui mentionnées avec des Pères de la
Compagnie de Jésus, et qu'il se soit entretenu avec eux
des sujets dont il parle et de la manière dont il en
parle. Il les fait donc parler à sa guise, tourne à con
tre-sens et torture ainsi par le plus criminel abus les
pensées des auteurs qu'il cite. De plus, ce qui est cer
tain de l'aveu de Pascal lui-même, c'est qu'il n'avait pas
lu le livre du Père de Barry non plus que les autres
livres des Pères par lui incriminés. Il dit à ce sujet :
« On m'a demandé si j'ai lu moi-même tous les livres
« que j'ai cités? J'ai répondu que non. Certainement il
« aurait fallu que j'eusse passé une grande partie de
« ma vie a lire de très-mauvais livres. J'ai lu deux fois
« Escobar * ; et pour les autres , je les ai fait lire par
« quelques-uns de mes amis. » — De ses amis! oui,
mais tous jansénistes comme lui.
Et quand même Pascal eût lu tous ces livres et
même plusieurs fois, chose impossible! eût-il pris le
temps de comparer les textes? Etait-il capable de les
juger en maître, lui, théologien encore bien jeune et
très-imparfait, surtout en ce qui concerne la théologie
morale ? Mais hélas ! son Œuvre des Menteuses, accuse
hautement son ignorance en ces matières si ardues.
Aussi , ce qui a donné quelque vogue à ses fades Pro
vinciales , n'était pas tant le fond que la forme ; on les
lisait , mais avec un sourire de pitié et de dédain pour
l'auteur. Toutefois, comme nous n'avons qu'à venger
l'ouvrage du Père de Barry, et par suite le culte prati
que de notre Mère des deux , laissons vite toute ques
tion oiseuse.
Ce livre déplaît à Pascal parce qu'il facilite l'entrée au
* Sous-entendez seulement la Théologie d'Escobar ; car une
vie d'homme suffirait à peine à lire tous les écrits de cet auteur,
qui roulent presque tous sur l'Ecriture-Sainte. Pour ma part, je
possède dans ma Bibliothèque dix-sept tomes in-folio de cet
auteur sur la Bible , et dans ces volumes il a écrit des choses
admirables ! Mais la théologie d'Escobar forme six volumes in-
folio : or il est douteux que Pascal les ait lus deux fois.
— 9 —
royaume des cieux à ceux qui pratiquent comme il con
vient ses enseignements salutaires. C'est que Pascal ,
comme ses amis de Port-Royal , est bien sévère pour
tout ce qui touche le culte de la Mère de Dieu.
En ce point cependant, nous ne ferons pas aux solitai
res de Port-Royal linjure de les mettre tout-à-fait sur
la même ligne que les protestants. Certains auteurs
ont porté l'exagération jusque-là ; mais l'exagération
n'est bonne à rien , il y a toujours du faux en elle. Et
quand il s'adresse au public, un écrivain consciencieux
doit respecter la raison des autres , loin de chercher à
l'obscurcir par des arguments captieux et injustes. On
voit que nous envisageons notre sujet avec la plus en
tière impartialité. *
Port-Royal reconnaissait les priviléges de la Mère de
Dieu ; mais s'il l'honorait , ce n'était pas toujours avec
l'amour filial , la tendre confiance d'un saint Bernard ,
d'un saint Bonaventure, d'un saint M. Boudon,d'un
Saint Liguori : car il lui manquait l'onction de l'Esprit-
Saint. Le coryphée de cette maison et de l'esprit qui y
régnait, Saint-Cyran, a traduit par une expression solen
nelle ce que dans ce monastère l'on pensait de la Mère
de Dieu , en disant que sa grandeur est terrible ! Divers
* Voyez ce que nous avons dit là-dessus dans notre livre
la Vraie Dévotion à Marie , l'immaculée Vierge Mère de Dieu,
tiré des écrits du V. Henri-Marie Boudon , d'Evreux ; liv. III ,
ch. 8, n. 5. Paris, Sarlit.
_ 10 —
auteurs ont glosé sur cette pensée sublime : les uns l'ont
interprétée favorablement, et d'autres ont cru y aper
cevoir l'écho de la piété jansénienne envers Marie. Pour
tant on peut bien dire avec Sainte-Beuve, reproduit par
Egron dans son Culte de la Sainte-Vierge, quoiqu'il ne
le cite pas : « Cette manière auguste de considérer la
Vierge, celle à qui, comme on l'a dit, il fut donné d'en
fanter son Créateur, ajoute, ce me semble, quelque
chose d'inattendu a sa gloire. Cet éclair d'effroi à la
Jéhova qui tombe sur ce doux front rehausse en un
point le diadème.» (Port-Royal, par Sainte-Beuve, l. n.)
Il y a donc plus de vrai que de faux dans l'expression
de Saint-Cyran, et si on l'a condamnée, c'est faute de
l'avoir comprise. Car, si c'est un tort de refuser à la
Reine des deux tous les épanchements de ses plus dou
ces caresses, la confiance et la familiarité de ses plus
fidèles serviteurs, c'en est un autre non moins grand,
selon nous, de ne voir dans cette sublime et glorieuse
créature devenue la Mère de son Dieu qu'une dame au
doux sourire, à la figure bonasse , toujours disposée à
satisfaire les exigences de tous ceux qui s'adressent à
elle , fussent-ils les plus criminels pécheurs, et à donner
une sorte d'approbation à leurs vices. C'était la remar
que d'un grand artiste dont le nom m'échappe en ce
moment. Ceux-là donc qui ne veulent nous présenter la
Vierge-Mère que dans des grâces aussi mesquines, ne
. considèrent sans doute pas qu'ils se jettent en dehors
— 11 —
du vrai et du beau. Un peu de -sévérité mêlée à une
merveilleuse douceur dans les traits ineffables de l'au
guste Vierge relève donc infiniment sa grâce extérieure,
et nous inspire pour sa personne sacrée un plus saint
respect , une plus solide confiance.
L'Eglise elle-même, puisant ses saintes inspirations
dans le Code sacré des divines Ecritures et dirigée
par l'Esprit de Dieu , nous la représente bien belle , et
gracieuse comme le .lis et la rose ; elle emprunte aussi
à la nature toutes ses magnificences pour en parer
la Mère de Dieu. * En même temps elle veut que nous
considérions cette bienheureuse Vierge avec des attri
buts dignes de sa grandeur ineffable, de sa puissance et
de sa domination sur les créatures, puissance et domi
nation qu'elle tient de Dieu qui l'a faite sa Mère. Et
voilà pourquoi l'Eglise n'hésite aucunement à la nommer
terrible comme une armée rangée en bataille (Gant. VI).
L'expression de Saint-Cyran se trouve donc justifiée par
celle même de l'Eglise. Nous pouvons ajouter que le
Père de Barry, dans le livre que nous publions de nou
veau, emploie un terme qui semble tout aussi singulier
lorsqu'il appelle Marie redoutable majesté (Ch.IX, Dév. 8).
Mais là où Saint-Cyran , comme Pascal , comme pres
que tout Port-Royal , n'est plus en harmonie avec nous,
* Voyez nos Etudes sur le Symbolisme de Marie dans l'Ecri
ture, dans l'art et la nature.
— 12 —
c'est quand il s'agit de publier l'inépuisable miséricorde
pour tous de la mère du Dieu qui , dit S. Jean est cha
rité (Joan. I). D'après l'esprit et la doctrine de cette
secte, dont Pascal était imbu, il faut bien honorer di
gnement la sainte Vierge ; mais cet honneur qui lui est
rendu doit être limité, et l'on se doit bien garder de
consacrer à cette divine Vierge les élans d'un cœur qui
appartiennent exclusivement à Dieu seul.
Et puisque nous en sommes sur Pascal , c'est avec
bien de la justesse , avec un peu trop sans doute, que
Sainte-Beuve a pu dire de lui : « Pascal , humainement,
n'a point aimé ; mais tout son amour s'est versé sur Jé
sus-Christ le Sauveur. * » C'est vrai et c'est faux. C'est
vrai : il croyait aimer en vérité Jésus-Christ,—amour
de sentiment ; c'est faux : car il ne pouvait aimer Notre-
Seigneur Jésus-Christ et en même temps calomnier de
la manière la plus méchante, la plus injuste, sa noble
et chère Compagnie et les pratiques de la dévotion à sa
très-sainte Mère.
Pascal avait une piété rigide ; mais la rigidité exclut
l'onction, l'amour et la confiance, exclut par conséquent
le culte vrai , le culte du cœur ; car le cœur aime à
s'épancher, à se communiquer, aime à admirer, à espé
rer : c'est là qu'est sa vie ! et dès qu'il cesse ces nobles
aspirations , il souffre, et sa vie se perd et s'éteint.
* Port-Royal , par M. de Sainte-Beuve , liv. III.
— 13 —
Le jansénisme ne pouvait vivre longtemps et parce
qu'il était frappé de stérilité par l'anathème de l'Eglise
et parce qu'il ne vivait pas de cette vie du cœur alimen
tée par la flamme de l'Esprit- Saint ; disons le mot , il
n'était pas protégé de la douce et salutaire influence
d'une mère céleste, de Marie. Ainsi donc, loin de trou
ver dans ses tendances hétérodoxes le salut et la vie, il
y a trouvé la perdition et la mort. Et il en a été de
même de toutes les sociétés soi-disant chrétiennes qui
ont voulu , par une singularité impuissante et par oppo
sition h la conduite de l'Eglise catholique, séparer le
culte tout d'amour et de vénération envers Marie d'avec
celui de son fils Jésus-Christ, notre Dieu. Voyez donc
un arbre frappé de mort et de stérilité complète, — c'est
l'image de Port-Royal.
Comparez maintenant sa désespérante doctrine avec
celle de la Compagnie de Jésus, et dites laquelle a formé
les saints, les grands hommes , non seulement dans
l'Eglise, mais encore dans l'Etat , les martyrs, les écri
vains des plus célèbres ; laquelle enfin a formé de vrais
serviteurs de la Mère de Dieu , et par suite des élus pour
le ciel ? Incontestablement c'est celle professée par les
Jésuites. Et la raison en est toute simple : c'est qu'elle
est conforme à la doctrine même de l'Eglise. Toute au
tre doctrine est proscrite chez eux. Quelle sûreté pour
les âmes dirigées par les Pères et par leurs ouvrages !
Comparez les livres de Port-Royal sur la très-sainte
— 14 —
Vierge, pour ne parler que de ceux-là : mais combien
en trouverions-nous ! A peine un. Comparons plutôt
ses auteurs qui en ont parlé avec les Pères qui en ont
écrit. Lisez Nicole. Comme vous le trouverez froid,
aride, indécis et court quand il parle de la Mère de
Dieu ! Comparez-le à Grasset, à Bourdaloue, par exem
ple : quelle différence !
. Singlin nous a laissé trente-trois Instructions sur les
Mystères de la bienheureuse Vierge : c'est beaucoup
sans doute quant à la matière, c'est bien écrit, c'est
fort même; mais vous y chercheriez en vain le parfum
et l'onction de la piété ; c'est une sécheresse désolante ;
pas un brin d'amour, pas un seul petit filet de confiance
que nous aimons tant dans les Pères Grasset, Croiset
et Griffet. Saint-Cyran lui-même a fait un traité de la
Dévotion à la Mère de Dieu, fort heureusement devenu
très-rare , et que nous ne recommanderons pas du reste
parce qu'il est peu propre à faire aimer cette sainte
Vierge, et que sa doctrine n'est pas toujours sûre. Mais
qu'il y a loin de ce livre à ceux du Père Escobar, du
Père Suffren , du Père Jean Grasset , du Père Croiset ,
du Père Niquet, du Père Griffet, du Père Binet, du
Père Poiré, du Père Nouet *, pour ne parler que de
* Au moment où nous écrivons, nous apprenons que les édi
teurs MM. Martin-Beaupré frères publient une nouvelle et com
plète édition des Méditations du Père Nouet, sous la direction
d'un Père de la Compagnie de Jésus.
— -15 —
quelques-uns tle ces livres composés par dos Pères fie
la Compagnie de Jésus. Dans ces bons et beaux livres ,
du nombre desquels est incontestablement celui que
nous publions, on retrouve la tradition de tous les siè
cles et de tous les âges touchant la vraie dévotion à
Marie; on y vit avec les grands docteurs de l'Eglise,
avec les saints, qui y deviennent nos maîtres et nos
guides : avantage infiniment précieux que l'on ne trouve
pas dans ce que les port-royalistes ont écrit sur la bien
heureuse Vierge. C'est que le souffle impur de l'hérésie
en a brûlé l'onction et la piété.
Il sied bien maintenant à Blaise Pascal de venir
attaquer, censurer le livre du père de Barry par rap
port aux pratiques si multipliées de la dévotion à Marie
qu'il offre à ses lecteurs ! Au reste , ce Père se garde
bien d'en imposer la pratique comme obligatoire à qui
que ce puisse être : et c'est ce qu'il ne faut pas perdre
de vue.
Quand il dit : « Tout autant de dévotions à la Mère
de Dieu que vous trouverez en ce livre, sont autant de
clés du ciel qui vous ouvriront le paradis tout entier,
pourvu que vous les pratiquiez; » et quand il ajoute
dans la conclusion : « Qu'il est content si on en prati
que une seule, » ce sont de simples conseils qu'il donne,
et rien de plus.
Quand il offre les dévotions les plus faciles aussi bien
que les plus difficiles, c'est qu'il veut rendre le salut
— 10 —
facile à tous, à ceux mêmes qui, par leur indifférence,
ne feraient pas la plus petite des dévotions pour en
commencer l'œuvre. Assurément Pascal ne regretterait
pas aujourd'hui d'avoir pratiqué ces mêmes dévotions à
la sainte Vierge au lieu de les avoir blâmées.
Que n'eût-il au moins fait pour sa Mère du ciel ce
qu'il faisait habituellement pour sa mère de la terre?
Pascal n'a-t-il jamais invoqué le doux nom de Marie?
Ne s'est-il jamais découvert ou peut-être même mis à
genoux devant quelques-unes des images de cette sainte
Mère? N'a-t-il jamais formé le désir de l'aimer, de
l'honorer, et de la faire aimer et honorer des autres?
N'a-t-il pas employé quelques petites industries pour
arriver à ce but? Ce sont pourtant ces mêmes pratiques
qu'il ridiculise dans sa Neuvième Provinciale. Et s'il
n'agissait pas de la sorte vis-à-vis sa Mère du ciel, in
contestablement , lui si bien élevé , lui si poli , il aura
rempli ces mille petits devoirs envers sa Mère de la
terre. De temps en temps il aura répondu à son sou
rire; de temps en temps, souvent peut-être il l'aura
embrassée; il lui aura dit le bonjour après s'être levé,
et le bonsoir avant de se coucher : or, je le demande ,
qu'y aurait-il d'inconvenant de faire la même chose à
l'égard de la bienheureuse Mère de Dieu? *
« Nous lui devons , dit Bergier , tout ce que peuvent devoir-
dés enfants bien nés à la plus respectable des mères. » Et ce
— 17 —
Le Père de Barry, en donnant ces petites pratiques
comme autant de clés du ciel qui ouvriront le paradis
tout entier pourvu qu'on les pratique , selon qu'il s'ex
prime , se garde bien de dire qu'on sera certainement
sauvé pour les avoir observées si on ne faisait que cela.
Il suppose nécessairement (et il était trop bon théolo
gien pour le laisser ignorer) que les plus excellentes
pratiques de la piété chrétienne , ou de simple conseil ,
ou même obligatoires , ne peuvent par elles-mêmes as
surer le salut si on ne les pratique dans l'état de grâce
sanctifiante ou habituelle. C'est donc, on le voit, une
grave inconséquence, c'est une momerie dans Pascal de
qualifier les pratiques de dévotion indiquées par le Père
de Barry de fausses dévotions à la sainte Vierge.
La dévotion extérieure à la Mère de Dieu, quelle
qu'elle soit, ne saurait être fausse en elle-même par la
raison qu'elle n'est que comme l'écorce de la piété chré
grand théologien , que certes l'on n'accusera pas d'exagération ,
ajoute : « Je puis donc interroger ici votre cœur, et prendre les
sentiments qu'inspiré la nature pour régler ceux que prescrit la
religion. Je suppose, et c'est vous rendre justice, que vous n'avez
jamais manqué à vos devoirs envers la mère dont vous avez reçu
le jour; que vous avez pour elle une amitié sincère, une con
fiance parfaite , un respect profond ; que, sensible à ce que lui
ont causé votre naissance et votre éducation , vous ne croirez
jamais pousser trop loin pour elle les attentions, la complaisance,
les égards : tels doivent être vos sentiments et votre conduite
envers Marie. (Serin, sur la Dévot, à la sainte Vierge.)
— 18 —
tienne qui réside dans l'âme et se produit par des actes.
Elle se distingue donc assez pour qu'on puisse bien ne
pas la confondre avec la dévotion du cœur. D'ailleurs ,
quelles que soient les pratiques de la dévotion à Marie,
et n'importe si elles sont pratiquées par les plus grands
pécheurs, elles deviennent toujours éminemment utiles;
d'autant plus utiles , que maintes et maintes fois elles
détournent ces pécheurs de plus grands désordres , et
amènent avec elles un résultat avantageux, sinon com
plet. Ainsi l'ont compris les plus illustres d'entre les
saints modernes. Lisez les Gloires de Marie, de saint
Liguori, les Sermons du B. Léonard de Port-Maurice,
les excellents Livres sur la Sainte Vierge du vénérable
Henri -Marie Boudon , et particulièrement ses Avis
catholiques sur lu dévotion à Marie; les beaux et solides
traités sur la dévotion à la bienheureuse Vierge et le
culte qui lui est dû , des vénérables Grignon de Mont-
fort, Jean Grasset, du Père d'Argentan, de M. l'abbé
Combalot ; les Œuvres du vénéré Olier , qualifié par
Nicole de visionnaire*, et que pourtant l'Eglise, nous en
avons l'espoir , placera bientôt dans ses fastes et au
calendrier des saints, et vous verrez si tous ces grands
serviteurs de Dieu si savants et si éclairés n'ont pas
* Voyez l'admirable traité : Vie intérieure de la Très-Sainte
Vierge, recueillie des écrits de M. Olier, par Mgr. Faillon, t. I,
préface.
— 10 —
encouragé toutes les pratiques de la dévotion extérieure
envers Marie, en les observant eux-mêmes , j'entends
toutes les pratiques autorisées par l'Eglise. Or, celles
offertes par le Père de Barry sont bien de ce nombre :
ce qui en donne la garantie , c'est que son livre
n'a jamais été censuré par le Saint-Siège apostolique.
Un beau génie de nos jours, après avoir écarté les
censeurs pointilleux de ces dévotions populaires à la
Mère de Dieu, les justifie ainsi en elles-mêmes : « Il
n'est personne, si ignorant qu'il soit, qui ne sache
qu'elles ne peuvent tenir lieu de la piété et de la vertu
véritables ; qu'elles doivent en être l'expression et le vé
hicule. On ne peut se tromper là-dessus sans se trom
per sciemment, l'out le monde sait que le salut n'est
pas une aumône que la Vierge et les Saints obtiennent
à l'importunité qui les leur demande, mais une récom
pense promise à l'effort , un prix qui ne se gagne qu'au
concours, une couronne qui ne se pose que sur le front
du vainqueur seulement. Comme nous ne pouvons
tout cela sans la grâce , nous prions de cette facon la
Vierge et les Saints de nous obtenir des grâces dont le
bon usage nous rend plus sûr, plus facile et plus doux
le chemin du ciel. Qu'y a-t-il à reprendre dans cette
doctrine ? ( Nicolas , la Vierge Marie et le Plan divin ,
III, 377.)
Honte donc à Blaise Pascal quand il vient ridiculiser
nos pratiques de dévotion à l'auguste Mère de Dieu ! Si
-20-
ce philosophe vivait de nos jours, peut-être il sourirait
en voyant un chrétien baiser une médaille, revêtir un
scapulaire, faire brûler un cierge, murmurer un cha
pelet, dire un Ave Maria, entreprendre un pélerinage...
Et le pédant ne penserait pas a tant de savants, de
saints, de rois qui ont mis à contribution ces mêmes
pratiques! un roi Louis XI qui se faisait honneur de
porter à son chapeau une médaille de la sainte Vierge ;
un saint Jean de Damas qui livre sa main au bourreau
pour la défense des images de Marie; un saint Grégoire,
-pape, qui implore son assistance en temps de peste;
une sainte Thérèse, qui lui remet dans les mains les
clefs de ses monastères; un pieux M. Olier, qui se dé
couvre la tète ;i la rencontre de ses images dans les
rues de Paris; un Suarez, qui donnerait volontiers
toute son éminente science pour le seul mérite d'un
simple Ave Maria; un vénéré Boudon, qui estime à
honneur de ramasser avec la langue la poussière du
pavé des chapelles de cette sainte Vierge; enfin, un saint
Alphonse Marie de Liguori, qui est chargé de médailles ,
de scapulaires de Marie, qui préfère la récitation d'un
Ave à tous les biens de ce monde. Tous ces beaux et
vastes génies, et mille autres que nous pourrions citer,
et dont la vie a été diaprée d'une multitude de prati
ques de dévotions populaires à la bienheureuse Vierge,
balancent bien à nos yeux les inpertinentes diatribes de
Blaise Pascal.
— 2-1 —
Dieu nous garde de cette piété tellement sévère et
pharisaïque qu'elle n'a que du dédain pour les moyens
qui mènent à lui, parce que sa divine providence les
met a portée de tous, et qui par là voudrait fermer
l'accès du ciel à ceux qui y sont appelés. C'est pourtant
ce que prétendait l'affreux génie de Pascal.
Nous concevons assez qu'il ne faut pas faire dépendre
le salut de son âme de telle ou telle de ces pratiques
prises individuellement : ce n'est pas la doctrine de
l'Eglise, et ce n'est point non plus la pensée des saints
qui nous les ont enseignées. Ne confondons pas les con
seils avec les préceptes, et ne tombons point dans une
erreur opposée à celle que nous flétrissons dans Pascal.
Ainsi donc : nulle des pratiques offertes par le Père de
Barry en dehors de la confession, de la communion,
ou de la prière, qui soit absolument obligatoire sous
peine de réprobation. Mais hâtons-nous d'ajouter qu'elles
le deviennent pourtant quelquefois, parce qu'elles nous
facilitent un plus prompt et plus sincère retour vers
Dieu, si nous sommes pécheurs, ou qu'elles contribuent
à affermir davantage notre persévérance, si nous sommes
justes.
Admettons maintenant qu'elles ne soient en aucun
point nécessaires, toujours est-il certain qu'elles peuvent
nous être grandement utiles. Les âmes qui les obser
vent le savent mieux que nous. — Utiles, répondrait
un Pascal , pourvu qu'on aime Dieu et qu'on possède sa
— 22 —
grâce en les pratiquant. Nous ne souscrivons pas en
tièrement à cette idée. Nous convenons bien qu'il est
infiniment plus avantageux de pratiquer ces diverses dé
votions extérieures en état de grâce; mais aussi nous
soutenons, avec les saints, que ces pratiques sont encore
utiles au pécheur qui par malheur est privé de l'amitié
de Dieu et de la grâce; car, et nous le répéterions
mille fois, elles lui facilitent alors son retour vers Dieu,
ce qui est déjà un bien infiniment précieux *.
Il est incontestable que pour entrer au ciel , il faut
être revêtu de la grâce sanctifiante, être ami de Dieu,
et que des milliers de ces pratiques observées ne nous
sauveraient pas sans cela; mais il est également incon
testable que , pour beaucoup , Dieu a attaché la grâce
du salut à telle de ces pratiques qui aurait provoqué le
sourire déplacé de Pascal.
Ces pratiques , oh ! combien elles sont précieuses en
* Si la dévotion à Marie ne devait être que le partage des
saints, par là même les pécheurs n'y sauraient plus jamais pré
tendre. Port-Royal prenait donc l'effet pour la cause, et en
cela plusieurs suivent ses traces. Mais si la dévotion à Marie
ne consistait essentiellement que dans l'imitation de ses vertus,
et si cette imitation était rigoureusement nécessaire pour l'ho
norer, alors que deviendraient ces titres de Mère de miséri
corde , de Refuge des pécheurs que notre mère la sainte Eglise
donne à la Mère de Dieu? (Voyez sur cet important sujet le beau
livre de l'Excellence et la Pratique de la Dévotion à la sainte
Vierge, par le Père de Gallil'et S. J.)
— 23 —
regard de la foi et de l'éternité ! Elles affermissent les
faibles, réjouissent les affligés, animent les lâches, ré
chauffent les tièdes , donnent le baume de l'espérance à
ceux qui n'ont plus d'espoir; enfin, elles attirent des
grâces de conversion sur les pécheurs N'est-ce pas le
plus grand des biens?
Accordons à nos adversaires que ceux qui pratiquent
ces dévotions à la bienheureuse Vierge n'en soient ni
meilleurs ni plus vertueux, qu'ils nourrissent même des
défauts considérables : on aurait pourtant grand tort de
les anathématiser et de les proscrire. Car qui peut
assurer que le pécheur qui pratique ces dévotions ne
serait pas plus criminel encore s'il ne les observait
pas? Par conviction, nous aimons à nous persuader du
contraire.
Le pécheur est faible et malheureux; il semble trem
bler toujours devant la face de l'Eternel, qu'il sait être
irrité contre ses désordres. Tout naturellement il cher
che un appui ferme, une protection puissante. Où trou
vera-t-il un appui plus sûr, une protection plus secou-
rable et plus efficace qu'en Marie, la très-sainte Mère
de Dieu? Il est faible, il faut bien qu'il s'accroche du
mieux qu'il pourra au côté sensible de la piété qu'il n'a
pas encore le bonheur de professer. Il est malheureux
à l'excès, ne vaut-il donc pas mieux qu'il cherche la
consolation dont il a besoin auprès de la sainte vierge
Marie , dans un tribut de respect et de reconnaissance
— 24 —
à cette bonne Mère, à cette excellente Reine, quelque
léger, quelque imparfait puisse-t-il être , plutôt que de
se vautrer toujours plus dans la fange des iniquités et
des plaisirs brutaux? Nous aura-t-on compris?
O Blaise Pascal ! je vous laisse volontiers avec votre
piété sévère, mystérieuse et guindée; je vous laisse,
avec votre force morale a vous, vous reléguer dans un
ciel inaccessible aux faibles humains; mais aussi, à
votre tour, laissez aux âmes malheureuses, timides,
incertaines et chancelantes, des sentiers moins âpres,
des voies moins étroites pour qu'elles y puissent arriver
aussi. Laissez, laissez à ces âmes que les grands de ce
monde dédaignent, que les riches outragent, que d'au
tres qui ne comprennent pas la valeur du prix du sang
d'un Dieu méprisent , une consolation et une lueur
d'espérance au moins envers la Mère du Dieu des mi-
ricordes. Laissez, laissez à ces âmes toujours trop mal
heureuses un fil de consolation et d'espoir, au moyen
duquel elles peuvent à l'occasion être soulevées vers le
ciel; et ne le rompez pas, car elles pourraient alors
tomber dans un éternel abîme. Faites silence, Pascal!
car le blasphème a souillé votre cœur, vos lèvres et
votre plume ; et sachez qu'il ne sied pas bien de s'atta
quer au culte de la Reine des cieux. Jésus-Christ lui-
même sera le vengeur des attaques dirigées contre sa
très-sainte mère : malheur donc à qui touche aux pri
viléges et au culte de la bienheureuse vierge Marie !
— 25 —
Ridiculise qui voudra; mais je préfère infiniment
mieux la philosophie chrétienne essentiellement prati
que du Père de Barry à celle ricaneuse , tracassière
de Pascal. Je préfère la bonne vieille qui dit des pa
tenôtres, étant humblement agenouillée sur les dalles
humides du sanctuaire de son église, à la foi or
gueilleuse, chicaneuse et ergotière de savants ratio
nalistes et voltairiens qui voudraient bien réformer
tous les prétendus abus qu'ils s'imaginent voir dans les
pratiques populaires de la dévotion et qui ne réforment
en aucun point leur conduite. Et qui dit que l'Etat ne
doit pas son soutien, sa force, son bien-être matériel,
son salut enfin , à telle de ces prières d'une âme hum
ble et que le monde, le beau monde paraît repousser
avec dédain ! de même aussi il pourra arriver que le
pécheur devra sa conversion et le juste sa persévérance
à certaines des nombreuses pratiques conseillées par le
Père de Barry, dans son Paradis ouvert.
En résumé, les colères de Blaise Pascal contre ce
beau livre ne font que le rendre plus aimable et plus
cher a nos yeux; et nous dirons volontiers de lui ce
que le révérend Père Jennesseaux dit du Père Binet :
« Il a mérité les censures de Pascal, c'est un honneur
pour lui. » Les doctrines toutes consolantes, le style si
plein d'onction de l'enfant d'Ignace ne pouvaient assu
rément être du goût de cette école aux maximes dures
et sévères, qui, en même temps qu'elle s'élève contre
1.
— 26 —
une restriction mentale, proclame comme une de ses
gloires l'auteur des Menteuses. (Préface de l'ouvrage :
Chef-d'œuvre de Dieu, ou les souveraines Perfections de
la sainte Vierge sa Mère, par le Père BJNET.)
Pour nous , nous pensons bien d'une âme qui offre
habituellement le plus léger hommage à la Reine des
deux , et nous espérons beaucoup d'elle , fût-elle péche
resse d'ailleurs, par la raison que Dieu, en donnant à
cette âme un sentiment de respect , de confiance en
Marie sa sainte Mère , témoigne par là qu'il veut la
sauver; et nous souhaiterions que ceux qui crient tant
contre les pratiques de dévotion observées par les pé
cheurs en l'honneur de notre sainte Mère _du ciel , vou
lussent bien méditer ce que déclare un saint et savant
évèque, M°r Ange Scotti : « que, sans une inspiration
divine, on ne peut apprécier ni désirer la protection
de Marie comme le plus grand bien, comme un bien
qui surpasse notre intelligence. » Certes, ils devraient
conclure de ces paroles que, quand le pécheur rend
quelque hommage extérieur à l'auguste Mère de Dieu ,
il ne fait qu'obéir à une grâce actuelle que l'Esprit-
Saint lui donne , et que ce bien lui vaut incomparable
ment plus que mille mondes. Donc, ne décourageons
jamais les pécheurs; engageons -les plutôt a recourir
sans cesse à l'inépuisable clémence de la sainte Vierge
Marie , afin qu'elle les réconcilie entièrement à son Fils
Jésus-Christ; puis, amenons-les avec douceur à imiter
— '27 —
les vertus de cette sainte et auguste Mère de Dieu,
car, encore une fois, et nous tenons à le redire après
le même prélat, « c'est une grande lumière de Dieu qui
nous conduit à Marie. » (Méditations.)
Quant aux faits merveilleux, aux apparitions dont
parle le Père de Barry dans son Paradis ouvert, ils
ont été puisés par l'auteur aux sources les plus sûres,
quoiqu'il ne les indique pas. D'ailleurs ils se retrou
vent, du moins le plus grand nombre, dans le Calen
drier hislorial de Charon , chanoine de l'église cathé
drale de .Nantes , publié l'an 1 637 ; dans l'Ecole de la
Vierge Marie, par le révérend Père Lenglez, mineur
récollet, publié à Namur l'an 1632, pour la 2e édi
tion ; dans le Ménologe historique de la Mère de Blémur,
bénédictine, trois beaux ouvrages de format in-4°, de
venus très-rares; et dans une foule d'autres ouvrages
sur la bienheureuse Vierge que nous avons sous la
main.
Nous n'avons pas jugé nécessaire de chercher à éta
blir les citations dans le livre du Père de Barry, parce
que , comme lui , nous l'adressons à des chrétiens qui
doivent être persuadés que le bras de l'Eternel n'est
pas raccourci, et que le pouvoir de sa sainte Mère
auprès de lui , comme son inépuisable tendresse à no
tre égard , ne sont en rien diminués. Que si quelques-
uns portaient la présomption jusqu'à douter de ces faits
et de ces apparitions, qui pourtant, nous devons l'a-
— '28 —
vouer, ne sont pas des articles de foi, à l'exception de
ceux consignés dans les divines Ecritures, nous les
prierions de faire attention à ce que dit le Père Jean
Grasset , dans son traité de la Véritable Dévotion à la
sainte Vierge : qu'autant les gens de bien sont disposés
à croire les miracles, autant les hommes pervers sont
portés à s'en moquer; et ce qu'il ajoute : que, comme
ce serait une faiblesse de tout croire sans distinction ,
de même rejeter les miracles attestés par des témoins
graves et pieux c'est ou une infidélité, si l'on juge les
miracles impossibles à Dieu, ou une témérité, si on re
fuse de les croire sur de semblables témoignages. Nous
les prierions encore d'étudier, après avoir mis bas toute
prévention , les belles pages de l'Introduction aux Ap
paritions et Révélations de la très-sainte Vierge, par
M. l'abbé Sauceret; et celles des Trésors historiques et
de la Dévotion à Marie, par le révérend Père Huguet.
Ils y verront traités ces importants sujets avec une
largeur de vues et une profondeur qui les satisferont.
Avant de quitter notre bienveillant Lecteur, il est
bon que nous fassions quelques observations sur les
pratiques de piété qu'il puisera si nombreuses dans le
livre du Père de Barry. Il n'est pas besoin de rappeler
que toutes ces pratiques sont, la plupart, approuvées
par l'Eglise, autorisées par l'exemple des plus grands
saints.
Nous prions le Lecteur qui serait choqué de celles
— 29 —
qui lui paraîtraient simples et obscures , de se gar
der bien cependant de les mépriser; mais plutôt de
considérer que l'Eternel aime les humbles , les âmes
simples, et que c'est principalement à ces personnes
qu'il se communique de la manière la plus intime , se
lon la parole de l'Ecriture. Dieu, en effet, a attaché
ses plus précieuses grâces à des choses communes et
méprisables en apparence, comme la grâce du bap
tême à quelques gouttes d'eau , la rémission des péchés
à quelques paroles d'un prêtre, et ainsi des autres.
Aucune des pratiques de dévotion à Marie offertes
par le Père de Barry ne doit par conséquent paraître
petite, si on considère l'élévation sublime de Celle à
laquelle elle s'adresse, les effets salutaires qu'elle peut
produire; et que c'est par son moyen que s'entretient
dans l'âme la piété et le feu sacré de l'amour de cette
bienheureuse Vierge.
Ces pratiques, pour l'ordinaire, ne sont méprisées
que des ignorants, qui n'en voient pas la portée, ou
des impies , _qui n'en connaissent pas la valeur et qui
ont juré une haine éternelle à Dieu et a sa très-sainte
Mère. Que leurs dédains ou leurs mépris à ce sujet ne
détournent donc jamais les serviteurs de Marie de per
sévérer dans toutes celles qu'ils auront eu embrassées.
Ce qu'il importe beaucoup d'observer, c'est que, comme
le dit très-bien le révérend Père Huguet, il en est des
dévotions comme des mets dans un repas ou des fleurs
— 30 —
dans un jardin : on n'impose à personne l'obligation de
manger de tous les mets, ni à un particulier celle de
cultiver toutes les fleurs. On ne force personne non
plus à embrasser toutes les pratiques de piété. La va
riété des fleurs dans un jardin et la diversité des mets
sur une table sont , tout à la fois , un ornement et une
nécessité pour suffire à tous les goûts. De même, la
multiplicité des dévotions est un ornement pour la
piété et une ressource pour les fidèles. Ils peuvent
choisir ce qui leur convient selon leur condition, selon
qu'elles reviennent à leurs attraits , qu'elles répondent
à leurs besoins , sans se faire scrupule , lorsque des de
voirs impérieux les y obligent , de les discontinuer une
fois ou deux par exemple. Cependant, quand on a fait
son choix , il faut y persévérer sans relâche , à quel
que prix que ce puisse être, quoique l'omission qu'on
en ferait ne constituât pas un péché mortel ni même
véniel.
Maintenant que nous avons suffisamment vengé le
beau et le bon livre du révérend Père de Barry contre
les attaques de Pascal , et élucidé la question des hom
mages extérieurs à la Mère de Dieu, il nous reste à dire
quelque chose des changements ou améliorations que
nous avons faits à ce livre. En vérité , ils sont assez peu
considérables : car on doit toujours craindre, en rema
niant le style d'un ancien auteur, de fausser sa pensée
ou en lui faisant dire ce qu'il n'a point dit ou en lui fai
- 3d —
sant dire les choses autrement qu'il les a dites. C'est
pourquoi nous n'avons modifié du Père du Barry que
quelques expressions tellement surannées qu'elles deve
naient tout-à-fait inintelligibles à des érudits même. Et
puis, nous avons dû refaire dans leur construction gram
maticale certaines phrases très-incorrectes. Quelquefois
aussi nous avons été contraint de compléter la pensée
de l'auteur, restée incomplète par l'absence de mots
tout-à-fait nécessaires pour être compris du lecteur ;
mais rarement alors nous avons ajouté plus d'un mot.
La traduction latine du Paradis ouvert à Philagie faite
par le P. Adam Schirmbeck, de la Compagnie de Jésus,
que nous possédons, nous a été d'un grand secours.
Nous avons été d'autant plus scrupuleux en ces légères
modifications, que nous tenions fortement à laisser le
Père de Barry dans sa forme naturelle.
On pourra objecter que nous pouvions lui donner une
forme plus neuve. Nous répondons que dans ce cas ce
n'eût plus été le Père de Barry que nous eussions publié,
puisqu'il eût été par là même défiguré. Or, tel n'a pas
été notre dessein. Au moins on ne nous reprochera
point d'avoir habillé l'auteur à notre mode. — Une au
tre amélioration : nous avons multiplié les alinéas, sa
chant combien c'est chose très-utile.
Recevez donc, bienveillant Lecteur, ce bon petit livre
que j'ai voulu publier pour la gloire de Dieu, celle de sa
sainte Mère, et dans l'intérêt du salut de votre âme. Je
— 32 —
l'avoue volontiers, mais il semble que je mourrai con
tent si , à mes derniers instants, il m'est donné de tenir
dans mes mains défaillantes ce petit chef-d'œuvre de
dévotion pratique à la bienheureuse Vierge, et de pou
voir dire à cette aimable Souveraine : Ma très-sainte
Mère, voilà ce que j'ai fait pour vous ; car en écrivant
tout entier de ma main le livre de votre serviteur de
Barry, il est comme devenu le mien , et je ne l'ai publié
qu'afin de vous gagner le plus de serviteurs possible.
Voyez , maintenant que mon âme va paraître devant
votre Fils, mon juge, ce que vous voulez et pouvez faire
en ma faveur. Je meurs au moins avec la consolation
d'avoir usé mes forces à publier votre gloire et vos mi
séricordes devant les hommes ; avec la consolation enfin
de laisser ce livre, entre plusieurs autres, qui conti
nuera ce que mon impuissance ne m'a pas permis de
faire pour vous.
Et vous , bien-aimé Lecteur, recommandez-moi à Jé
sus-Christ et à Marie quand vous vous servirez de ce
livre ; et de mon côté, je prierai volontiers pour vous
afin que nous allions ensemble les aimer, les louer
sans fin durant l'Eternité.
JEAN DARCHE.
Paul de Barry ou Barri, né en 1585, à Leucate,
diocèse de Narbonne, entra dans la Compagnie de Jésus
en 1001. Il fut provincial de la ville de Lyon, et mou
rut à Avignon en 1661.
Pascal, dans ses Lettres provinciales, s'est plu à jeter
le ridicule sur ses livres de piété, qui eurent autrefois
une grande vogue.
Voilà ce que nous apprend la Bibliothèque des Ecri
vains de la Compagnie de Jésus, par les "PP. Augustins
et Aloïs de Backer, tome I, pages 46, 47, 48 ; tome VII,
pages 61, 62, 63, 64, où elle rend un compte exact de
tous les ouvrages du P. de Barry, de leurs nombreuses
éditions et de leurs traductions en langues étrangères.
La plus belle gloire du P. de Barry est celle d'avoir
été ridiculisé par le janséniste Pascal. Quant à son
livre : Le Paradis ouvert à Philagie..., il est le seul que
nous sachions des ouvrages de ce Père qui ait été atta
qué par la plume de ce faussaire , et c'est ce qui prouve
son incontestable mérite, comme nous le démontrons.
Nous n'admettons pas, avec le bénédictin Chaudon, que
ce soit Pascal qui ait tiré de l'oubli les ouvrages du
P. de Barry. La preuve, c'est que celui que nous réim
— 34 —
primons , corrigé de notre main , d'après les éditions
de 1646 et de 1650, a eu, comme les autres du même
auteur, une vogue extraordinaire avant que Pascal l'eût
attaqué. Cet affreux génie, né en 1623, mort en 1662,
publia ses Provinciales en 1 656 ; or, le Paradis ouvert à
PhUagie comptait déjà plus de douze éditions, outre
des traductions. Pour ne parler que des trois dernières
éditions françaises, la 17e eut lieu en 1665, la 18" en
1681, et la 19e en 1701. On dit que cette dernière édi
tion a été corrigée , mais nous n'avons pu nous la pro
curer. On voit par là quel cas les gens qui pensaient
bien faisaient des Menteuses de Pascal, que le bénédic
tin Chaudon et quelques autres nomment avec trop
d'emphase le plus grand génie de tous les temps et de
tous les peuples.
Soit ! Eh bien ! le voilà pourtant ce fameux génie
qui, après avoir calomnié tout une société pour quel
ques légères déviations de peut-être deux ou trois de
ses membres; qui, après avoir tant déclamé contre les
merveilles extraordinaires et les pratiques de dévotion
rapportées par le Père de Barry dans son Paradis ou
vert à Philagie, devient lui-même, sur la fin de sa vie,
visionnaire, extatique et fanatique à l'excès, si pour lui
le fanatisme consiste dans les pratiques simples et po
pulaires de la dévotion : car tous les historiens convien
nent qu'après qu'il eut publié les Provinciales, sa santé
s'affaiblissant, son cerveau se dérangea ; il croyait tou
— 35 —
jours voir un abîme à son côté gauche : il y faisait
mettre une chaise pour se rassurer. Plus tard , il eut
une vision ou extase, à. la janséniste sans doute, comme
il y en eut tant depuis chez les port-royalistes , et dont
il conserva la mémoire le reste de sa vie dans un pa
pier qu'il portait sur lui entre l'étoffe et la doublure de
son habit. Pauvre génie, grand il est vrai, mais en
même temps bien petit, comme l'Eternel humilie ton
orgueil ! comme tes calomnies te sont largement payées !
Enfin, durant les dernières années de sa vie, Pascal
comprit que ces dévotionnettes qu'il avait blâmées dans
le livre du Paradis ouvert, ont bien quelque valeur, et
peuvent être utiles, sinon nécessaires au salut de l'âme ;
car alors, disent les historiens, « il se trouvait à tous
les saluts, visitait toutes les églises où l'on exposait des
reliques , et avait un almanach spirituel qui l'instruisait
de tous les lieux où il y avait des dévotions particu
lières. »
J. DARCHE.
A LA TOUJOURS AIMABLE
ET NON JAMAIS TROP AIMÉE MARIE, TRÈS -DIGNE MÈRE
DU TRÈS-AIMABLE JÉSUS.
A qui pourrais-je mieux offrir mon petit travail, qui
porte le nom de Paradis ouvert , qu'à la très-libérale et
très-magnifique Princesse qui, par ses charitables in
clinations et les affectueuses tendresses de son ineffa
ble bonté, ne cesse de l'ouvrir tous les jours à ses
plus chers amis; et qui, pour réveiller l'attention de
ceux qui s'amusant à d'autres objets ne pensent point
à l'aimer, par un chef-d'œuvre de son amour efficace
sur la créature du monde la plus ingrate et la moins
digne de ses miséricordes, me fera cette faveur tant
désirée, par surcroît des indicibles et incroyables bien
faits dont elle a toujours infiniment obligé mon cœur,
que de m'en faire l'ouverture à la fin de mes jours et
à tous ceux que je chéris , ainsi que je l'espère de son
aimable bonté.
Et puis quand tout cela ne serait pas, je veux bien
— 37 —
qu'on sache ce petit témoignage de ma bonne volonté
pour le service de Marie, dont je ne saurais faire hom
mage qu'à la souveraine grandeur de Celle pour qui je
parle, puisqu'après Jésus , mon rédempteur,
Je n'ai d'amour que pour Marie,
Point d'autre but de mes désirs ;
Et de la servir toute ma vie
Ce seront tous mes chers plaisirs.
AU LECTEUR.
Qui vous ouvrirait le Paradis, mon cher Lecteur, ne
vous obligerait-il pas parfaitement? Que ne donneriez-
vous pas pour en avoir une clé, et pour entrer dedans
quand bon vous semblerait? Si vous désiriez ardemment
le Ciel , je tiens pour assuré que vous donneriez des
millions d'or, s'ils étaient en votre pouvoir, pour avoir
cette précieuse clé.
Il ne faut point entrer en de si grands frais. En voici
une, voire cent, à meilleur compte. Tout autant de
saintes dévotions à la Mère de Dieu que vous trouverez
dans ce livre, ce sont autant de clés du Ciel qui vous
ouvriront le Paradis tout entier, pourvu que vous les
pratiquiez.
Je vous les marque à certains jours pour vous en
faciliter l'exercice. Car , si tous les jours vous devez
honorer la sainte Vierge par quelque dévotion particu
lière dont vous aurez un grand choix par la diversité
de celles que je vous présente, cela convient surtout
aux jours de ses Fêtes qui se rencontrent à chaque mois
de l'année, avec les Octaves que ses serviteurs ne man
quent par de célébrer en leurs dévotions particulières.
— 40 —
Je vous conseille donc de ne pas manquer désormais
à pratiquer celles que je vous indique ces jours-là : elles
vous ouvriront assurément le Paradis, et par avance
vous aurez cette consolation de n'avoir su aucune dé
votion à la Mère de Dieu que vous n'ayez pratiquée peu
ou beaucoup en votre vie. Dans le choix et la résolution
de pratiquer à l'avenir plus souvent celles qui seront le
plus à votre goût, vous aurez encore ce bonheur de
donner de temps en temps de nouveaux témoignages à
la Mère d'amour des sentiments que votre cœur a pour
elle, lisant à chaque jour marqué la dévotion que vous
y trouverez, pour la pratiquer, sans autre curiosité que
de lire ce qui concerne ce jour à la façon qu'on lit le
martyrologe.
Ainsi vous ne ferez point comme ceux qui se conten
tent de lire les livres de dévotion, qui louent ce qui y
est contenu sans penser à le pratiquer, laissant cela aux
autres.
C'est ce qui m'a invité à vous donner ce petit ouvrage,
l'ayant à dessein mis à part et tiré d'un manuscrit que
j'avais composé pour Philagie, qui lui fournît tous les
jours de l'année quelque dévotion de celles que les
saints ont pratiquées. Je pourrai bien vous en faire part
un jour, comme de tout ce qui concerne la dévotion à
la Mère de Dieu, pour vous délivrer de la peine de
le chercher dans de plus gros volumes. Car cette
honorable Princesse pour laquelle j'écris, va de jour
— 41 —
en jour conquérant les affections des peuples. Et Dieu
qui veut qu'elle soit aimée de toutes les nations de la
terre , répand plus que jamais un instinct général de
respect et d'amour envers elle , afin que toutes sortes de
personnes rendent hommage à ses mérites.
N'est-il donc pas raisonnable que si j'ai des inclina
tions pour son service, je les fasse paraître en donnant
occasion à ses dévots, sur l'estime qu'ils ont de ses in
comparables perfections et de l'éminence de son pouvoir,
de la révérer désormais avec toutes les plus humbles
soumissions qu'il leur sera possible, en suivant les pas
et les traces de ceux qui ont tenu à gloire de l'aimer,
et reconnaître que leur salut dépendait de ses tendres
ses inexprimables et des précieuses affections qu'elle a
pour ceux qui la servent ?
Voilà, cher Lecteur, quel est rnon dessein. Il suffit
peut-être de dire une fois pour toutes que celui-là est
bienheureux qui , après Jésus , n'a d'amour que pour
Marie; et que, quand je parle à Philagie, c'est à votre
âme que je m'adresse, dans la créance que j'ai qu'il est
malaisé d'aimer Marie sans aimer la sainteté, puisque
la dévotion à la Mère de Dieu et la sainteté sont deux
sœurs qui vont volontiers de compagnie et s'entresuivent
partout.
LE
PÂEADIS OUVERT A PHILAGIE
PAR CENT DÉVOTIONS A LA MÈRE DE DIEU.
AVANT-PROPOS
C'est une heureuse rencontre , Philagie, que tous les
mois de l'année soient sanctifiés par quelque fête de
Notre-Dame : janvier, par son sacré mariage avec saint
Joseph ; février, par sa sainte purification ; mars , par
sa glorieuse annonciation ; avril, par la mémoire de
ses amères douleurs ; mai , par son amoureux martyre ;
juin, par la douceur de son aimable cœur ; juillet, par
sa charitable Visitation : août, par sa triomphante as-
somption ; septembre , par son heureuse naissance ; octo
bre, par sa solennelle victoire de Lépante ; novembre ,
par sa dévote présentation ; décembre , par son imma
culée conception. Mais la rencontre sera plus heureuse
encore pour nous , si à ces mêmes fêtes et durant leurs
octaves nous rendons quelque hommage à cette souve
_ 44 —
raine et aimable Dame par nos fidèles services et affec
tueuses dévotions.
De vrai , une année dont les mois couleront si sain
tement ne saurait être que fortunée. Ce n'est pas qu'il
ne faille encore honorer et observer les autres fêtes de
la sainte Vierge, car tout ce qui lui appartient mérite
des honneurs incroyables ; mais j'ai fait choix des fêtes
susdites comme des plus remarquables et des plus so
lennelles, ou par le consentement universel de l'Eglise,
ou par l'estime et le sentiment cordial des dévots et des
favoris de la Reine du ciel.
J'ai fait en sorte cependant de ne pas omettre celles
qui depuis longtemps sont reçues par l'affection et la
vénération des peuples, telles que sont la fête de son
saint Scapulaire, le 19 juillet ; de Notre-Dame des Anges,
le 2 août ; de Notre-Dame aux Neiges, le 5 du même
mois, et de l'attente de son divin Enfantement le \ 8 de
décembre. Pour les autres, telles que pourraient être
celles de ses admirables grandeurs, de son auguste Nom
de Marie , du recueil de toutes ses fêtes et autres pa
reilles, je m'en remets à la dévotion particulière d'un
chacun. Comme il me suffit d'ouvrir le paradis par
cent endroits , je ne veux m'attacher aussi qu'aux sus
dites fêtes qui, avec leurs octaves, me fournissent juste
le nombre que je cherche.
Que si quelqu'un trouve a redire à mon dessein , ou
dit que j'expose parfois ici des dévotions bien petites
pour honorer une si grande Dame, ou objecte qu'il y a
déjà tant de bons écrivains qui ont parlé de Notre-
Dame et des dévotions qui lui ont rapport, je dis pour
réponse : d'abord , que ce n'est pas tant s'en prendre à
moi que de trouver à redire à ces dévotions et de les
rejeter, qu'aux saints qui les ont pratiquées , et même
à la sainte Vierge qui les a autorisées de ses faveurs
et acceptées d'un cœur maternel.
Certes! je n'ai pas prétendu donner au public de
notre siècle un livre simplement littéraire et propre à
amuser, mais bien un livre utile et qui aide à la con
quête de la bienheureuse éternité, que tout bon servi
teur de la Mère de Dieu recevra volontiers. C'est prin
cipalement au cœur que je veux parler; pour le reste,
je n'ai que ce beau mot de saint Ignace, martyr :
Ignoscite, quid mihi prosit ego scio, — pardonnez-moi,
je sais bien ce que j'entreprends et ce qui m'est avan
tageux; ou bien le riche mot de saint Augustin : De
dilecto numquàm salis. Saurait -on parler assez de la
tout aimable et non jamais assez aimée Marie.
— 4G —
CHAPITRE PREMIER
HUIT DÉVOTIONS A LA MÈRE DE DIEU POUR LA FÊTE ET OCTAVE
DE SES FIANÇAILLES ET SACRÉ MARIAGE AVEC LE GLORIEUX
SAINT JOSEPH, LE VINGT-DEUXIÈME DE JANVIER.
DEVOTION PREMIERE.
Pour le vingt-deuxième jour de Janvier.
Résolution d'aimer la Mère de Dieu, disant souvent : Je veux
aimer Marie, à l'imitation du dévot Jean Berkman-, de la
Compagnie de Jésus.
Le dévot Jean Berkman , de la Compagnie de Jésus,
singulièrement affectionné à la glorieuse Vierge , avait
coutume de dire souvent ce peu de paroles que lui
suggérait la tendresse de son cœur envers sa sainte
Mère : Volo amare Mariam, — Je veux aimer Marie.
Il disait et redisait cent fois ces paroles pour donner
de l'air à son cœur, qui ne soupirait qu'au service de
la Reine des Anges. Je ne sais pas où il avait appris à
soulager ainsi son cœur.
Pensant au bonheur de saint Joseph lors de son for
tuné mariage avec la sainte Vierge, je n'ai nullement
douté qu'il ne dit, le jour de ses noces, et bien sou
— 47 —
vent depuis : Amo et volo aman Mariam, — j'aime et
je veux aimer Marie. De sorte que j'ose faire passer
cette petite pratique comme dévotion , non seulement
du dévot Berkman, mais encore de saint Joseph; et je
la conseille désormais aux dévots de la Vierge, au
moins le jour de ses sacrées Noces, à l'imitation de son
époux saint Joseph , qui prit la résolution en ce jour
de n'avoir d'affection pour aucune pure créature que
pour Marie.
Dites-moi, Philagie, qu'y a-t-il de si aisé que de
dire cent et cent fois le jour, tout doucement, en al
lant ca et là, ou tout haut étant en sa chambre, cabi
net ou oratoire : Amo, et volo amare Mariam. C'est ce
que vous ferez aujourd'hui. J'attends cela de votre af
fection à la Mère de Dieu. Aussi bien il faut se résou
dre à aimer la Mère d'amour. Ces paroles sont si dou
ces et si tendres, qu'il est difficile de les dire souvent
sans éprouver une sensible consolation et un changement
notable de son âme. Il n'y a que d'en faire l'expérience.
Que s'il arrivait , Philagie , que ces paroles fussent
trop courtes à votre gré, je suis bien content que vous
disiez souvent le même jour, même aux plus beaux
jours de votre vie, ce qui suit :
Que mon bonheur est admirable,
Car désormais, après mon Dieu,
Dans mon cœur à sa Mère aimable
Je donnerai le premier lieu.
— 48 —
DÉVOTION II"
1*0ur le vingt-troisième jour de Janvier.
Choisir et prendre la sainte Vierge pour sa Bien-Aimée, à
l'imitation de saint Edmond.
Ne vous semble-t-il pas , Philagie , que ce serait un
trait bien hardi et la saillie d'un amour téméraire de
vouloir choisir la sainte Vierge pour votre Bien-Aimée
ou loyale Epouse, et ensuite lui offrir votre cœur et
votre service, lui présenter un anneau comme gage de
votre amour, le conserver comme chose précieuse et
avec autant d'affection que les Pérusiens conservent
l'anneau du mariage de saint Joseph et de son Epouse
sous onze clés diverses gardées par onze des plus nota
bles de la ville , et le mettre au doigt , pour le moins
l'un des jours de cette Octave?
En vérité, tout cela est faisable. La sainte Vierge à
agréé de pareilles affections, parfois même elle les a
recherchées , comme vous le saurez par ce que je vais
dire plus loin. Ne doutez pas qu'elle n'agrée la vôtre.
Tâchez seulement de donner tout votre cœur à la Mère
du bel amour, avec protestation que jamais aucune
créature ne le possédera, et qu'il sera tout pour Marie,
votre chère Maîtresse et Bien-Aimée. Et puis, ne crai
gnez rien. Laissez la crainte à ces abusés du monde
qui donnent leur cœur et les bagues pour gages de
— 49 —
leurs folles et inconstantes amitiés à des créatures qui,
tôt ou tard , les quitteront ou les tromperont , et leur
rendront pour toute fidélité des déplaisirs bien cuisants,
et peut-être suivis de regrets éternels. Marie n'en use
pas ainsi. C'est elle seule qui est par excellence l'unique-
ment fidèle et à coup sûr la plus aimante de toutes les
créatures.
Je ne vous prescris point, Philagie, de quelle manière
vous ferez cette offrande de votre cœur, ni si vous lui
présenterez un anneau et de quelle matière. Je m'en
remets à l'amour de Marie, qui est un excellent maître,
et qui enseigne parfaitement ce qu'il faut et avec quelle
prudence et quel amour on doit procéder en toutes
choses. Je me contente de vous dire ce qui est arrivé,
touchant cette dévotion que je vous marque, à quelques
favoris de la sainte Vierge. Choisissez ce qui vous sera
convenable.
Saint Robert, premier abbé de Citeaux, reçut, même
avant sa naissance, une faveur de la Mère de Dieu, qui
est bien digne d'attention : car, comme sa mère en était
enceinte, la sainte Vierge lui apparut, et lui mettant
un anneau au doigt, lui dit ces tendres paroles : Ma
fille , voilà le gage et les arrhes du mariage que je
désire contracter avec le fils que vous portez.
Le témoignage d'amour que la sainte Vierge donna
au bienheureux Alain de la Roche, religieux de l'ordre
de Saint-Dominique, n'est pas moins surprenant. Elle
— 50 —
le voulut avoir pour époux, et lui donna un riche an
neau, que l'histoire nous assure avoir été fait des pré
cieux cheveux de cette Mère-Vierge.
Quoi de plus admirable que ce qui arriva au bien
heureux Herman de Steinvald, surnommé Joseph. Il
reçut des faveurs incroyables de sa chère Maîtresse la
Mère de Dieu. Non-seulement elle lui donna une bague
au jour qu'elle le choisit pour son époux, mais -encore
elle commanda qu'il portât désormais le nom de Joseph,
qui est le nom de son premier époux. Certes ! si les
anges ne sont ravis à la vue de ces faveurs , je ne sais
pas de quoi ils peuvent s'étonner s'ils considèrent ce qui
se passe en la terre.
Il ne faut pas oublier le glorieux saint Edmond, ar
chevêque de Cantorbery, qui, dans sa jeunesse, disait à
l'une de ses tantes, qu'il était affectionné et qu'il avait
rencontré une excellente Maîtresse qu'il saluait tous les
jours. Il voulait parler de la sainte Vierge, à laquelle il
avait consacré son cœur comme à la Reine du bel amour.
Il fit vœu de perpétuelle virginité devant une image de
cette même Vierge , qu'il prit dès lors pour sa bien-
aimée et fidèle Maîtresse, mettant pour arrhes de sa
fidélité dans le doigt de l'image un anneau d'or où était
gravé l'Ave Maria. Soit que c'en fût un autre ou le
même, son anneau épiscopal était de la même matière
et de la même forme. Ce qu'il y a de certain , c'est
qu'après la mort du saint , on trouva la Salutation an
gélique gravée sur l'anneau épiscopal qu'on lui tira de
la main. Ce trait me rappelle la confiance de ce jeune
homme de Cordoue qui , pour se rendre parfait et vic
torieux en la chasteté, portait un anneau où il avait
fait graver ces deux mots : Ave, Maria. Mais je dois en
parler ailleurs.
Philagie , je vous vois dans la résolution de n'avoir
d'autre Bien-Aimée que Marie, la Mère de Dieu. Tenez
donc bien à votre résolution ; et pour la rendre ferme
et authentique, servez-vous des termes que voici, dont
se sert en pareil cas un dévot de Marie , dont je ne
vous cache pas le nom puisque je lui donne ce bel
éloge.
O sainte Vierge ! si j'ose suivre les élans de mon cœur,
je vous prends et choisis pour ma bien-aimée et chère
Maîtresse. Acceptez-moi pour l'un de ceux que vous
favorisez; rendez-moi participant de ces tendresses inef
fables et de cette précieuse bienveillance que vous avez
pour ceux qui vous appartiennent en cette qualité.
0 aimable Vierge, si jamais je vous oublie et si je fausse
la foi que je vous donne , si je contreviens à des ser
ments si solennels , fasse le Ciel que je sois à jamais
rayé du livre des vivants , et que ma mémoire périsse
entre les hommes !
— 52 —
DÉVOTION IIP
Pour le vingt-quatrième jour <le Janvier.
Avoir une image de la Vierge en sa chambre et l'honorer, à
l'imitation de saint François de Paule.
Philagie, puisque c'est votre volonté de n'aimer que
Marie, et puisque vous l'avez choisie pour votre Bien-
Aimée, que d'ailleurs elle vous chérit tendrement , per
mettriez-vous qu'il n'y eût pas quelqu'une de ses ima
ges en votre chambre? J ai peine à le croire; et je suis
persuadé que vous avez une affection toute particulière
à ses aimables portraits, que vous en voulez avoir
d'ordinaire quelqu'un devant vous, surtout en votre
chambre.
Ainsi faisaient tous les religieux de l'ordre de Saint-
Dominique au commencement de leur institution. Tou
tes leurs chambres étaient autant d'oratoires de la
Vierge, car son image y était exposée, et cette loua
ble coutume se garde encore parmi eux. Ailleurs, aux
maisons religieuses qui ont quelque affection parti
culière à la sainte Vierge, à peine verrez -vous une
chambre où la sainte Vierge ne paraisse comme la
Gardienne et la Bien-Aimée.
Le glorieux saint François de Paule en avait une
en son oratoire; elle était tout son refuge. Le roi
Louis XI , qui aimait avec tendresse le saint , voulut
— 53 —
lui faire le présent d'une qui était estimée dix -sept
mille écus. Mais le saint la refusa , disant que sa dé
votion n'était pas attachée à l'or ni à l'argent, mais à
la Reine du Ciel seulement.
Quant à moi, je ne serais pas content si un tel
meuble manquait à ma chambre, car il est plein de
bonheurs , et il apporte des biens et des profits . incom
parables. De mille biens que je pourrais vous offrir,
contentez-vous de celui-ci, qui paraîtra davantage dans
l'histoire suivante , racontée au second concile de
Nicée.
Sur le mont des Olives demeurait un reclus, homme
très-vertueux qui avait été tourmenté par l'esprit de
fornication jusqu'à son extrême vieillesse. Un jour,
accablé d'ennui , il se mit à pleurer ; et , s'adressant
au démon qui le tentait, il lui demanda jusqu'à quand
durerait son opiniâtreté à le tourmenter de la sorte;
si à la fin il ne le laisserait point en repos se dispo
ser à bien mourir? Aussitôt l'ennemi, paraissant sous
une forme visible , lui promit le repos qu'il souhai
tait, mais à la condition qu'il garderait le secret sur
ce qu'il allait lui dire. L'ermite en fit le serment.
L'Esprit malin lui dit : Je veux que tu ne te tournes
plus vers cette image de Notre-Dame tenant le Sau
veur entre ses bras que tu as dans ta cellule, que
tu ne l'honores plus en te prosternant devant elle. Le
reclus demanda un jour de délai pour lui répondre ,
— 54 —
et il prit le loisir d'aller trouver un saint abbé et de
lui découvrir tout ce qui venait de se passer. L'abbé
lui conseilla de ne plus écouter l'ennemi , de se re
fuser à sa demande, et de ne pas cesser pour cela
de garder l'image de la sainte Vierge dans sa cellule,
de lui rendre l'honneur et le respect qu'il lui rendait
auparavant.
L'ermite obéit, et le démon se vit moqué et vaincu.
Il semble qu'une image de la sainte Vierge dans
une chambre, à la vue, ne fasse pas grand bien. Ah!
combien de fois l'ennemi perd le courage de nous at
taquer à la vue d'une seule de ces images, surtout
lorsque nous l'exposons à nos regards afin qu'elle nous
serve de sauvegarde et d'objet le plus aimable que
nous ayons !
C'est par ce moyen que Pierre Garalt, religieux
de saint Dominique, se rendit victorieux de l'ennemi,
au dernier combat de la vie. Car, pendant qu'il était
malade , Satan se déguisa en docteur de théologie, et,
l'étant venu visiter, il lui proposa une question sur
le mystère de la très- sainte Trinité. Le conduisant
ainsi d'une difficulté à une autre, il lui embarrassa
tellement l'esprit qu'il allait y succomber : il ne sa
vait plus que répondre. Alors il jette les yeux sur
une image de la Vierge qui était en sa chambre,
priant sa chère Mère de le tirer de ce danger. Aus
sitôt l'image se tourna vers lui , et le regarda avec
— 55 —
tant de bienveillance et d'efficacité que tout-à-coup les
troubles suscités dans son esprit par l'ennemi s'éva
nouirent. Il répondit avec tant de force et de sagesse
aux raisons et arguments de Satan, qu'il fut contraint
de le quitter.
Philagie , je ne sais pas si jamais vous aurez de pa
reilles attaques ; mais je sais que vous auriez grand
tort de loger dans une chambre dépourvue de quelque
image de Marie, puisque la seule vue de son portrait
est capable de vous mettre l'allégresse dans le cœur,
les victoires en main, et les couronnes sur la tète.
DEVOTION IV"
Pour le vingt-cinqulèïne jour de Janvier.
Porter sur soi une image de la sainte Vierge, à l'imitation
de Louis le Débonnaire, empereur.
Mon Dieu , que j'aime la dévotion de ceux qui por
tent une image de la sainte Vierge sur eux! qui dou
tera que ce ne soit leur Bien-Aimée?
Ainsi le pratiquait Louis XI, roi de France. Il por
tait toujours sur son chapeau une image de la Mère de
Dieu. C'était là sa riche enseigne. Il l'estimait plus que
tous les diamants et les pierreries de son royaume.
Aussi il dit un jour, à l'occasion d'une image bien faite
— 56 —
sur le plomb qu'on lui avait donnée , qu'il faisait plus
de cas de ce plomb que de tout l'or de la France.
Louis le Débonnaire, empereur et roi de France , en
portait aussi toujours une sur soi ; elle lui servait par
fois d'oratoire : car, lorsqu'il se trouvait à l'écart, aux
champs ou à la chasse , il se mettait à genoux devant
elle et la priait, employant un peu de temps à l'orai
son. Sa chasse et sa récréation étaient de gagner les
bonnes grâces de la sainte Vierge , et cela tandis que
sa noblesse poursuivait les cerfs. Ne voilà-t-il pas deux
monarques recommandables pour leur piété et leur af
fection a la Mère de Dieu?
En voici encore un qui ne l'est pas moins : c'est
l'empereur Andronique le Vieux. Il portait toujours
sur soi une petite statue d'or de la Vierge pendue au
cou. A l'instant de sa mort, comme il ne put recevoir
le saint Sacrement, il la mit à sa bouche, afin qu'elle
lui servît de viatique puisqu'il ne pouvait recevoir celui
de son Fils. Il est bien probable que cette dernière ac
tion de l'empereur lui fut comptée pour l'une des plus
méritoires de toute sa vie.
Ne pensez pas , Philagie , qu'il n'appartienne qu'aux
grands , qui ont le moyen d'avoir de belles et riches
images de la Vierge, de les porter sur eux. Tous les
dévots de la sainte Vierge en peuvent faire autant , et
souvent ils vous en ont donné l'exemple. Saint Charles
Borromée, outre l'ordonnance qu'il fit exactement gar
— 57 —
der, — qu'à l'entrée de toutes les églises paroissiales il
y eût une image de Notre-Dame, — exhorta tous ses
diocésains dans ses visites de porter sur eux une de
ces images. Il les assura que les images de la Vierge
avaient un grand pouvoir contre les mauvais desseins
de l'ennemi du salut.
Un des règlements de la confrérie Notre-Dame de
Sion, en Lorraine, érigée l'an 1393 par Ferry de Lor
raine , comte de Vaudemont , ordonne que tous les
confrères seront obligés, huit jours avant et après l'As
somption de la glorieuse Vierge , de porter son image ,
soit en argent , ou en peinture , ou en broderie ; et
quiconque serait trouvé sans elle payerait une certaine
amende.
Philagie, je n'ai garde de vous obliger à quelque
amende en cas de manquement à la dévotion que je
vous présente. Il me suffit de vous dire que , si vous
prenez la bonne coutume de porter sur vous, ou au
cou , ou dans la poche , ou à la ceinture , ou ailleurs ,
une image de -la Vierge ou médaille a son effigie, je
vous estime plus heureuse que si vous aviez sur vous
et à vous un billet de douze cent mille écus.
Croyez-moi, ne soyez jamais sans ce témoignage et
cette marque d'amour envers elle. Si la mort vous
surprend , elle vous servira de viatique ; si vous êtes
en santé , vous la pourrez saluer et baiser cent fois le
jour, et l'honorer selon la dévotion de votre cœur.
— 58 —
Aimeriez-vous moins Notre-Dame que les amateurs du
monde le font de leurs profanes créatures dont ils
veulent avoir et porter les portraits, et les voir à
chaque moment? En quel état sauriez-vous être dans
lequel vous ne puissiez recevoir du bonheur d'une si
louable pratique? Vous trouverez-vous aux champs ou
ailleurs? l'ennemi ne vous approchera pas facilement.
Avez-vous envie de prier Dieu? votre oratoire sera
toujours tout préparé. Vous ne serez pas sans image,
puisque , ayant l'image de la Vierge , elle vous peut
servir d'un oratoire tout orné.
J'ai peine à quitter ce sujet, que je. ne vous aie au
paravant fait voir quelque trait du bonheur qui suit
les personnes qui portent l'image de la Vierge sur eux.
En voici un de notre temps, lisez-le ; et puis résistez, si
vous le pouvez , à la pensée que vous aurez" de n'être
jamais sans une image de la Mère de Dieu.
L'an 1631, trois voleurs rencontrèrent proche de
Dijon un gentilhomme a cheval qui portait en croupe
une religieuse qu'il avait débauchée et tirée de son cou
vent. Comme il se voulut mettre en défense, l'un d'eux
lui donna un coup d'arquebuse à la tète et le jeta par
terre raide mort. La fille aussi tomba par terre. Etant
interrogée sur sa personne et d'où elle venait, comme
elle avait tiré de son sein une image de Notre-Dame
qu'elle portait pour l'invoquer en ce danger, elle con
fessa avec franchise son crime. Elle ajouta qu'elle mé
— 59 —
ritait toute sorte de châtiments. Aussitôt un des voleurs,
touché de l'ingénuité de la demoiselle, lui demanda si
elle voulait retourner à son monastère. Elle répondit
que ce serait une des plus grandes grâces que Dieu lui
pourrait faire. Le voleur donc la mit en croupe et la
ramena au monastère. Il lui conseilla d'être plus sage
une autre fois. La fille, pensant en elle-même comment
elle pourrait reconnaître le bienfait signalé que venait
de lui procurer cet homme, se sentit inspirée de lui
donner sa Notre-Dame. Elle tire donc de son cou son
image de la Vierge et la donne à son bienfaiteur comme
le joyau le plus précieux qu'elle eût. Cet homme le
prend et s'en retourne au galop vers ses compagnons.
Mais durant le chemin, heureux de l'image qn'il portait,
il ressentit de bonnes inspirations pour le salut dé son
âme ; il eut un tel remords du malheureux état dans
lequel il vivait qu'il se résolut de changer de vie. Il
quitta donc son inconduite et ses compagnons de dé
bauche, et il alla à Notre-Dame d'Estang, qui est
une chapelle de la Vierge célèbre par des miracles, à
deux lieues de Dijon. Là il rendit ses hommages à la
Mère de Dieu comme à celle qui lui avait procuré le
bonheur de sa conversion depuis qu'il avait pris sur soi
cette image faite à la ressemblance de l'image miracu
leuse de Notre-Dame d'Estang. Ce fut le motif particu
lier qui le porta à faire ses premières dévotions dans
cette même chapelle.
DEVOTION Ve
Pour le vingt-sixième jour de Janvier.
Avoir en main l'image de la sainte Vierge durant quelques
heures, à l'imitation de sainte Edwige, duchesse de Pologne.
Si j'ai une médaille où soit l'image de la Mère de
Dieu ou autre objet semblable qui soit aisé à tenir à la
main, qui m'empêchera, pour l'amour que je porte à la
sainte Vierge, d'avoir en main son image tout un jour
ou tout un après-dîné sans qu'on y prenne garde? Et
puis, quand même on s'en apercevrait, voilà bien de
quoi se dispenser de ce témoignage d'amour envers sa
Bien-Aimée, et perdre la consolation et le mérite qu'on
en recevrait! Il n'y a qu'à vouloir, et tout sera aisé.
Il est dit dans la vie de la bienheureuse Victoire
qu'une novice ayant eu l'ordre de tenir à la main une
dizaine de chapelet pour la maîtresse des novices jus
qu'à ce qu'elle la demandât, celle-ci ayant oublié de la
redemander, la novice la tint à l'une des mains deux
jours et deux nuits entières, même pendant le travail,
de peur de manquer à l'obéissance.
Il me semble qu'une médaille est encore plus aisée
à tenir durant quelques heures que cette dizaine durant
deux fois vingt-quatre heures. Philagie , je vous con
seille aujourd'hui d'en faire l'essai. Vous ne ferez rien,
en ce témoignage d'amour à Notre-Daine, que la glo
— 61 —
rieuse Edwige , duchesse de Pologne , n'ait pratiqué.
Comme elle portait toujours sur elle une image de la
Vierge, très-souvent elle la tenait à la main. Elle voulut
mourir en la tenant ainsi , et il ne fut pas possible de la
lui ôter des mains après son heureux trépas. Vingt-cinq
ans après, comme on ouvrit son tombeau,, on trouva
ses trois doigts qui tenaient encore l'image.
A cette heure ( dernière ) , qui trouvera à redire aux
pratiques et dévotions de la Mère de Dieu ou autres,
puisque Dieu les agrée et les bénit jusqu'à faire des
miracles pour les autoriser? Philagie, a qui croirons-
nous , à qui tâcherons-nous de plaire : ou à Dieu , ou à
ces personnes qui , décriant les menues dévotions , sont
pour se rencontrer dans une saison où elles voudraient,
au prix de leur sang, avoir pratiqué ce qu'elles ont
méprisé et rejeté tout le long de leur indévote vie et
par leurs discours impertinents?
DEVOTION VIe
Pour le vingt-septième jour de Janvier.
Regarder fixement l'image de la Vierge, à l'imitation
de saint Alexis.
C'étaient les chères délices de l'aimable saint Alexis,
lorsqu'il était sous le portail de l'église de la Mère de
Dieu à Edesse, que de regarder le portrait de sa chère
2.
— 62 —
Maîtresse et Bien-Aimée. Il avait de la peine à retirer
ses yeux d'un si bel objet. Plus il la regardait, plus il
en devenait saintement passionné. Son contentement
était grand, parce qu'il trouvait .cette Maîtresse et
cette Epouse plus aimable et plus ravissante que celle
qu'il avait quittée à Rome, le premier jour de ses
noces.
Philagie, n'avez-vous pas une belle image de la
sainte Vierge, ou n'en savez-vous point en quelque
lieu? Car je vous conseille et vous prie du meilleur de
mon cœur de vous donner la peine, ou mieux le plai
sir, aujourd'hui et autres fois quand il vous plaira,
de regarder quelque image de la Mère de Dieu avec
attention. Arrêtez souvent l'œil dessus. C'est bien l'un
des objets les plus beaux et les plus profitables que
peuvent voir vos yeux. A mesure que vous la regarde
rez, vous aurez de l'affection pour elle, les pensées
des vertus s'empareront de votre cœur, et les désirs de
la chasteté germeront en votre âme. Si vous êtes con
stante à la regarder longtemps, vous la quitterez à
regret, et vous n'en sortirez que remplie de consola
tion et affectionnée plus que jamais à la Reine des
Anges.
Il en est des images de la Mère de Dieu comme de
l'original. Celui qui avait le bonheur de la voir était
assuré que son cœur serait pénétré de pensées célestes
et des désirs de la pureté. Toutes les autres beautés et
— 63 —
les visages, soit naturels, soit en peinture, de l'un et de
l'autre sexe n'ont pas tous ce privilége. C'est ce qui a
fait dire à Denis le Chartreux, expliquant ce texte du
saint Cantique Sicut lilium inter spinas, sic amica mea
inter filias : Toutes les autres beautés des vierges ont
été des épines ou pour elles ou pour les autres ; mais la
bienheureuse Vierge est sans épines : aussi les cœurs de
ceux qui la regardent se sentent conviés à la pureté.
Mais à quoi me servira, direz-vous, de regarder si
longtemps une de ces images? Essayez-le, et puis je
vous répondrai. Vous la regarderez, et elle vous re
gardera; vous lui parlerez, et elle vous parlera. Elle
vous interrogera et vous lui répondrez. Elle sait faire
tout cela à travers de ses images. Et ce qu'elle ne fait
visiblement que par circonstance, elle le fait toujours
invisiblement : de telle façon néanmoins que le cœur,
qui sait bien ce que c'est, entend son langage, apercoit
ses œillades, et reconnaît ses inclinations. Deux traits
admirables sur ce sujet, et puis dispensez-vous, si vous
le pouvez, de regarder attentivement les images de
Marie votre Bien-Aimée.
Que fera ce grand homme de bien et cet incompara
ble amateur de la Vierge et de la pureté, le Père Bal-
thazar Alvarez, de la compagnie de Jésus? Se trouvant
engagé à assister à un acte d'inquisition en Espagne,
où tout le monde, selon la coutume, était accouru, (il
se voit dans une situation critique). S'il jette les yeux
— 64 —
sur le théâtre , comme il est mal placé , il faut néces
sairement que pendant sept heures que devra durer
cette action il voie des dames qui par curiosité sont
venues à cette cérémonie : car elles sont placées entre
lui et le théâtre, et de manière telle qu'il ne peut
s'empêcher de les voir toutes en face. Un homme
chaste comme il l'était, et d'une si héroïque vertu que
la bienheureuse Thérèse avait eu révélation que c'était
l'homme de son temps le plus avancé en perfection,
voir durant sept heures des beautés de visages qui ne
donnaient pas tous des attraits à la pureté, je crois
qu'il sera bien peiné , tout saint qu'il est , et qu'il aura
beaucoup à combattre ses pensées! De quitter sa place
pour se retirer, il n'oserait ! la bienséance et l'occasion
pour laquelle il est venu ne le permettent pas ; de ne
regarder que ce qui est sur le théâtre sans jeter les
yeux sur ce qui est à l'entre-deux , c'est ce qu'il ne
peut faire. Et puis les yeux sont plus portés à ce qui
leur paraît plus agréable.
Que fera donc ce bon serviteur de Dieu? Ce qu'il
fera? Sa bonne et sainte .coutume était d'avoir toujours
sur soi une image de la Vierge, sa chère Dame. Il prit
donc cette image, et il la regarda fixement, attentive
ment et affectueusement l'espace de sept heures, sans
jamais en détourner la vue pour considérer le théâtre,
les juges, ce qui s'y faisait, ni ailleurs. Ainsi il détour
nait les yeux de l'occasion d'offenser Dieu en regardant
— 65 —
ces beautés humaines, et il avait d'ailleurs le moyen
de s'entretenir saintement avec sa bonne Mère.
Si vous me demandez maintenant qu'est-ce qu'il pou
vait tant regarder, tant penser e,t tant dire à la seule
vue d'une image, et durant sept heures, je vous répon
drai, sans vous envoyer au Ciel, où nous saurons quel
fut son entretien durant ces sept heures, que vous ob
serviez vous-même ce que vous tâcherez de regarder,
de penser et de dire durant les petits demi-quarts
d'heures que vous emploierez aujourd'hui, ou désor
mais, à contempler les aimables images de la sainte
Vierge. Essayez donc, et puis vous saurez ce que c'est.
Je me suis engagé a vous donner un autre trait sur
ce même sujet. Le voici, tiré de Vincent de Beauvais,
excellent prélat du même lieu. Il raconte que certains
jeunes hommes jouant ensemble devant une église, l'un
d'eux tira une bague qu'il avait reçue d'une jeune
demoiselle. De peur de la rompre ou de la gâter, il
entre dans l'église pour la mettre en quelque lieu
assuré, avec le dessein de la reprendre. Entré donc
dans l'église, il rencontre une image de la sainte
Vierge en relief. Il la trouve d'abord si belle et si
majestueuse, qu'il ne peut s'empêcher de se mettre à
genoux pour la prier en passant. Mais comme il est en
cette posture, regardant attentivement cette image,
plus il la regarde, plus il la trouve belle. Il éprouve
de la peine à se retirer. Il avoue ingénument a la
— 66 —
sainte Vierge qu'elle est plus belle et plus aimable que
la demoiselle dont il portait l'anneau. Il ajoute que,
si elle l'avait pour agréable, jamais fille ne posséde
rait son cœur, et qu'il n'aurait d'autre amie qu'elle, en
ne se qualifiant plus que du titre de serviteur de Marie.
Cette protestation faite, il met sa bague dans l'un des
doigts de la main de l'image , et, ô merveille ! tout-à-
coup le doigt qui reçut la bague, qui auparavant était
étendu, se plia, en signe que la glorieuse Vierge agréait
son hommage, son affection et sa confiante simplicité.
Le jeune homme , étonné de cette merveille , appelle
ses camarades, leur raconte ce qui s'est passé. Ceux-ci
l'engagent à quitter le monde pour se donner entière
ment au service de cette Dame. Tl s'y résout d'abord :
car la mère de Dieu avait puissamment touché son
cœur. Néanmoins, différant l'exécution de son dessein,"
parce que le monde n'est que trop charmant et qu'une
créature est capable de renverser tous les desseins des
plus chastes et des plus résolus, il se laisse encore en
traîner par l'affection pour le monde et à l'amitié d'une
jeune demoiselle. Il se marie. La sainte Vierge cepen
dant, qui veut qu'on lui tienne parole, lui apparut sur
le soir, lui reprocha son infidélité et son manque de
parole. Ce reproche l'ébranla un peu, mais sans lui faire
changer de résolution , car il se croyait trop engagé :
le festin était déjà préparé et on était encore au bal.
La sainte Vierge, qui ne veut pas d'affront en échange
— 07 —
de sa bienveillance, lui apparaît pour la seconde fois,
et lui fait des reproches et des menaces. Il ne put y
résister : il se dérobe du bal , de sa prétendue épouse ,
de sa maison, et s'enfuit comme un autre Alexis, pour
passer ses jours et ses années au service de Marie, sa
chère Maîtresse et fidèle Amante, plus digne d'être ai
mée que toutes les plus charmantes beautés de la terre.
Philagie, voilà ce que servit à ce jeune homme
d'avoir, une fois en sa vie, regardé attentivement et
affectueusement une image de la sainte Vierge.
DEVOTION VIP
Pour le vingt-huitième jour de Janvier.
Marcher en compagnie de Jésus et Marie, à l'imitation
de saint Augustin.
C'est le jour auquel les révérends Pères de l'Ora
toire célèbrent la fête des Grandeurs de Jésus. Il faut
donc, sans omettre une dévotion à sa sainte Mère, se
souvenir du Fils, et se servir de quelque pratique qui
soit commune à tous deux , telle que l'est celle que
marque le révérend Père Poiré en sa Triple Couronne.
Il dit avoir connu quelqu'un qui , pour se rendre plus
aisée la conversation avec le très-aimable Jésus, s'était
associé avec lui et avec sa très-sainte Mère , marchant
toujours en leur compagnie, s'entretenant sans cesse
— 68 —
avec eux, et ne faisant ou ne disant rien sans leur con
seil et leur bon plaisir.
Voilà justement ce que vous ferez aujourd'hui, Phi-
lagie. Pourriez-vous être en meilleure compagnie et pas
ser plus saintement la journée? Si vous l'entreprenez,
vous ne fûtes jamais plus modeste, jamais plus recueillie.
Toutes vos pensées ne viseront qu'à plaire à Jésus et à
Marie. Cette pratique vous procurera une indicible con
solation , et vous fera prendre envie de vous en servir
plus souvent , surtout aux jours des grandes fêtes et
de votre communion. Ne faites pas tout-à-fait comme
saint Augustin qui, se placant au milieu de Jésus cru
cifié et de Marie allaitant son Fils, ne savait de quel
côté se tourner et auquel s'adresser, tant il se sentait
obligé à tous deux. Voici comme il parle :
Hinc pascor à vulnere,
Hinc lactor ab ubere ;
Positus in medio,
Quà me vertam nescio. *
Ne faites pas ainsi; mais adressez-vous tantôt au Fils,
tantôt à la Mère. Servez-vous de ce précieux sang de
Jésus et de ce doux lait de Marie ; que ce soit vos plus
chères et aimables délices!
* Ces paroles sont si belles qu'elles auront paru intraduisibles
au Père de Barry. Je respecte sa réserve, laissant au lecteur à
en savourer les expressions.
— 69 —
DÉVOTION VIIIe
I^oxii" le vingt-neuvième jour de Janvier.
Saluer la sainte Vierge à la rencontre de ses images, à l'imi
tation de Gonzalez Sylveira, martyr.
Philagie, faire tous les jours de votre vie ce que je
viens de vous proposer, serait, ce semble, trop pour
vous; faites-le donc souvent, au moins aujourd'hui.
Autant d'images de la Vierge que vous rencontrerez ,
saluez-les toutes. Il n'est pas de jour que vous n'en
rencontriez quelques-unes.
Le vertueux Père Gaspard Bon , minime , avait une
pareille dévotion , et tout le temps de sa vie il la pra
tiqua. Le Père Gonzalez Sylveira , martyr, de la Com
pagnie de Jésus, était très-exact en cette dévotion. A
toutes les images de la Vierge qu'il rencontrait , il la
saluait tout bas, il se mettait même à genoux s'il le
pouvait faire commodément. Vincent de Beauvais, pré
lat très-dévot, l'une des lumières de l'ordre de Saint-
Dominique, raconte une histoire bien étrange d'une
dame du diocèse de Langres qui était mariée. Elle se
confessait et communiait souvent. L'hôpital , les aumô
nes, les œuvres de charité lui étaient ordinaires. Néan
moins elle avait un péché secret qu'elle n'osait jamais
confesser. Après chacune de ses confessions, elle soupi
rait, disant qu'elle se confessait de nouveau et deman
— 70 —
dait pardon des péchés omis. Son confesseur ordinaire,
craignant qu'il n'y eût quelque faute secrète en son
âme, lui conseilla et lui fournit l'occasion de changer
quelquefois de confesseur. Un jour il l'engagea à s'adres
ser pour sa confession à un religieux qu'il lui indiqua ,
qui était en grande réputation de sainteté. Elle lui obéit,
mais elle n'eut pas le courage de tout déclarer non plus
que les autres fois. Voilà comment elle passa sa vie.
Tout ce qu'elle avait de bon et qui lui procura un grand
avantage, c'était une grande dévotion aux images de la
sainte Vierge. Autant elle en rencontrait, elle les sa
luait toutes , et priait la sainte Vierge de lui obtenir le
pardon de son péché.
La voilà qu'elle tombe dangereusement malade. Elle
se confesse, mais à l'ordinaire, n'ayant pas le courage
de découvrir sa plaie (qui lui rongeait le cœur). Elle
meurt en ce pitoyable état. Il faut comparaître au ju
gement de Dieu. Comme elle est sur le point d'être
condamnée et d'être enlevée par les démons, la Mère de
bonté s'y oppose, et prie son cher Fils de lui pardonner.
Le Fils répond qu'elle est morte en péché mortel, qu'il
n'est guère temps d'y remédier ; que néanmoins, à sa
considération, il consent qu'elle revienne au monde. La
voilà donc ressuscitée ; et de la bière où elle était en
core, elle demande la confession. Elle se confesse en
effet, et faisant comme une chaire de sa bière, elle ra
conte tout ce qui s'est passé, surtout que la dévotion
— 71 —
qu'elle avait eue aux images de la sainte Vierge, la sa
luant en toute rencontre, lui avait obtenu le salut de
son âme. Peu de temps après elle mourut en paix.
Philagie, ce sont là des cas privilégiés, et vous ne
devez en tirer d'autres conséquences que celle-ci : que
si la sainte Vierge a un si grand soin du salut de ceux
qui ne lui sont pas dévots et qui sont dans la voie de
la perdition , quel soin n'aura-t-elle pas de ceux qui la
servent fidèlement avec la pureté de conscience requise
àun serviteur et dévot'de Marie ?
Le cœur me dit que désormais vous saluerez la Vierge
lorsque vous rencontrerez ses images, car elle est votre
Bien-Aimée. Faites-le, et priez-la aussi de vous obtenir
le pardon de votre vie passée.
Je ne vous demande pas qu'en la saluant vous disiez
un Ave Maria tout entier, et quand vous ne diriez que
ces deux mots, je serais content. Pourquoi ne serais-je
pas content de ce peu, puisque Notre-Dame elle-même
en est plus que satisfaite, comme elle le témoigna à son
cher mignon saint Bernard. Une fois, il salua, en pas
sant, l'image de cette Vierge qui est au monastère d'Af-
fleghem (en Brabant) , et il ne lui dit que ces deux
mots : Ave, Maria, — Dieu vous garde , Marie. Notre-
Dame lui répondit : Ave, Bernarde, — Dieu vous garde,
Bernard. Refusez maintenant de saluer à leur rencontre
les images de la sainte Vierge !
— 72 —
CHAPITRE II
HUIT DÉVOTIONS A. LA MÈRE DE DIEU POUR LA FÊTE ET L'OCTAVE
DE SA SAINTE PURIFICATION , LE SECOND DE FÉVRIER.
DÉVOTION PREMIERE.
Pour le deuxième jour de Février.
Vouloir mourir pour cette vérité que la sainte Vierge est Vierge
et Mère tout ensemble, à l'imitation de S. Zacharie.
Qui pourrait mourir pour l'amour de la Mère de
Dieu, ne serait-il pas heureux, surtout s'il s'agissait
de défendre et soutenir les plus éminentes grâces dont
Dieu l'a favorisée, telles que sont sa sainte virginité
jointe à son admirable maternité?
Il y en a qui croient, comme on le lit dans le Mar
tyrologe du cardinal Baronius, que saint Zacharie, père
de saint Jean-Baptiste , souffrit glorieusement le mar
tyre pour maintenir que Marie, la Mère de Jésus-
Christ, avait été Vierge et Mère tout ensemble.
Philagie, si vous ne pouvez avoir ce bonheur de
souffrir le martyre pour la cause de la Mère de Dieu,
ayez-en au moins le désir. Protestez-lui souvent que
vous voudriez mourir pour cette vérité : Qu'elle a été
— 73 —
Vierge et Mère tout ensemble. Au moins n'y manquez
pas aujourd'hui. Je connais quantité de personnes qui
font tous les jours cette protestation à la sainte Vierge.
Il est bien aisé, le soir en vous retirant, après lui
avoir donné le bonsoir et demandé sa sainte bénédiction,
de lui dire d'un cœur filial : Ma chère Dame, je vous
aime de toute l'étendue de mon âme, j'honore et je ché
ris tellement toutes vos plus éminentes faveurs et pré
rogatives, que mon grand désir est de mourir pour cette
vérité — que vous êtes Vierge et Mère. Qui pourrait
douter que la glorieuse Mère de Dieu n'aime et ne bé
nisse un si bon cœur! et qu'elle-même, en retour, s'il
en est besoin, ne prenne la cause d'un cœur qui a tant
d'amour pour elle!
J'ai appris autrefois d'un serviteur de Dieu un trait
qui vient fort à propos, et digne d'éternelle mémoire.
C'est un gentilhomme qui, se servant de cette dévo
tion , en tira un tel profit que son âme partit de ce
monde avec la consolation qu'il eût pu désirer. Il avait
la sainte habitude, tous les soirs, de témoigner à la
sainte Vierge un pareil désir. C'était là à peu près
toute la dévotion et la pratique de piété de sa vie, car
il était assez libertin. Le voilà alité par une bonne
maladie. Les médecins craignent pour l'état de sa
santé. Sa position devient pire : il se trouve aux prises '
avec la mort. L'ennemi n'oublie rien pour le perdre : il
le dégoûte de la confession, jette le désespoir dans son
3
— 74 —
âme et la livre à de grandes peines et a de cruelles
perplexités.
Croyez-vous , Philagie , qu'il sera sans quelque se
cours de la Mère de Dieu? Non, lui qui a protesté,
tous les jours de sa vie, à cette sainte Mère de vouloir
mourir pour sa cause ! Ce peu , certes , lui valut beau
coup ; car Notre-Dame lui apparut, l'encouragea, et lui
dit : Mon fils, ne crains rien. Tu as voulu mourir si
souvent pour la défense de ma Virginité et de ma Ma
ternité, me voici pour te secourir à l'heure de ton si
gnalé et très-important combat. Il prit courage, usa de
Bon loisir pour se munir des sacrements , et assisté de
la Mère de bonté , s'il ne mourut pas martyr, comme il
l'avait tant souhaité, il mourut comme un brave et
fidèle serviteur de la Reine des Anges et de la Mère-
Vierge.
Qui sait, Philagie, les peines que vous sentirez peut-
être en ce dernier passage et dans ce dangereux com
bat! Et moi qui vous parle, je ne sais pas non plus les
attaques que j'aurai alors. Ah! si, vous et moi, nous
pouvions obliger la Mère-Vierge, par l'assiduité à une
semblable dévotion, de nous donner de pareils secours,
paraissant à notre égard formidable à nos ennemis
comme une invincible guerrière et une puissante armée
'ordonnée en bataille!
— 75 —
DÉVOTION IIe
Pour le troisième jour de ï'évrier.
Choisir plutôt l'enfer, le péché excepté, que si la sainte Vierge
n'était pas la Mère de Dieu, à l'imitation de sainte Brigitte.
Philagie, à l'occasion de la sainte Purification de la
Mère de Dieu, mystère qu'elle a voulu accomplir en
qualité de mère, je tâche, durant cette Octave, d'hono
rer par les pratiques que je loge ici cette divine mater
nité. Faisons donc en sorte de la reconnaître et de
l'honorer, en ces premiers jours , comme Mère du Fils
de Dieu et puis comme la nôtre, puisque nous avons
le bonheur d'être ses enfants par adoption.
Aujourd'hui donc, nous imiterons sainte Brigitte qui
disait à la sainte Vierge : Ma chère Mère, il me serait
plus supportable de me voir abîmée dans les enfers,
pourvu que je fusse en la grâce de votre cher Fils ,
que si vous n'étiez pas la Mère de Dieu. Notre-Dame
eut tellement pour agréable cette action héroïque et ce
témoignage d'amour, qu'elle lui dit : Ma fille, sois assu
rée que Marie que tu chéris si fort te vaudra mille fois
plus que toutes les créatures, que ton mari, que tes
enfants, que Brigitte ne vaudra à elle-même.
Il y a de l'apparence que le prince Charles, fils de
cette sainte, avait pratiqué cette même dévotion bien
souvent et d'une manière peut-être plus parfaite, car
— 76 —
il lui disait : Ma chère Princesse, j'aimerais mieux être
en enfer, étant quitte de péché mortel, plutôt que de
voir et de souffrir la moindre diminution de votre gloire.
Cette sainte pratique lui fut avantageuse, car à la mort
il fut assisté en toutes choses par la Mère d'amour.
Elle-même chassa l'es démons, et les empêcha d'aborder
le lit du malade et de le tenter. Ce fut elle qui pré
senta l'âme de ce prince à son Sauveur et Juge; de
quoi même les démons s'en étant plaints à Notre-Sei
gneur , la Mère de Dieu répartit : Mon Fils , pourquoi
n'aurais-je pas aidé celui qui s'est toujours réjoui de
mon bonheur et de tous mes priviléges, de sorte qu'il
s'est offert plusieurs fois à souffrir plutôt les peines
éternelles que le moindre rabais de ma gloire.
Philagie, c'est aimer Marie et ses grandeurs que de
les porter jusqu'à ce point. Mais auriez-vous le courage
d'en faire autant? N'auriez-vous pas peur de ces saintes
flammes cuisantes de l'enfer si l'on vous prenait au
mot? Je suis assuré que non. Car, pour celui qui souf
frirait tous ces feux pour l'amour de Dieu ou de sa
sainte Mère , toutes ces flammes et ces brasiers ardents
se changeraient en brasiers et incendies du divin amour,
au dire de l'incomparable amoureux de Dieu, François
de Sales, très-illustre prélat de Genève.
— 77 —
DÉVOTION IlIe
Pour le quatrième jour de Février.
En l'honneur de la maternité de la Mère de Dieu, dire neuf
fois Beata viscera, etc., à l'imitation du dévot Berkman.
C'est la dévotion du dévot Jean Berkman, de la
Compagnie de Jésus. Tous les jours il disait neuf fois :
« Beata viscera Mariœ Virginis quœ portaverunt œterni
Pains Filium , — Heureuses les entrailles de la Vierge
Marie qui ont porté le Fils du Père éternel. » Il se
mettait à genoux à chaque fois qu'il récitait ce verset ,
en l'honneur des neuf mois que la sainte Vierge porta
son cher Fils dans ses flancs virginaux.
Philagie , voilà pour vous, aujourd'hui , une occupa
tion douce et aisée. Si elle vous convient, pratiquez-la
souvent, surtout durant l'Octave de la Naissance du
Sauveur : car c'est en ce saint temps, à proprement
parler, que la Vierge commença véritablement à être
la Mère du Sauveur.
Vous ne devez attendre que le bonheur de la prati
que d'un pareil exercice. La sainte Vierge a toujours
fait part de ses bonnes grâces et de ses faveurs à ceux
qui ont rendu tant soit peu d'honneur à ses sacrés
flancs virginaux, qui ont été honorés de porter pen
dant neuf mois la sacrée et adorable humanité du Sau
veur de nos âmes.
— 78 —
Qui ne sait ce qui arriva à un brave et dévot ecclé
siastique qui pratiquait une dévotion presque semblable
à celle de Berkman ! Fort souvent , en saluant la Mère
de Dieu, il disait ces paroles qui ont le même sens
que les précédentes : Beatus venter Mariœ qui portavit
œterni Patris Filium, et beata ubera quœ lactavemnt
Christum Dominum. Il avait continué durant quelques
années à donner de semblables bénédictions à sa bonne
Maîtresse , quand , attaqué d'une furieuse maladie , la
violence du mal et des douleurs le porta a se déchirer
à belles dents la langue et les lèvres, et à se mettre
en un état tel , que c'était un vrai spectacle digne de
compassion. Les anges mêmes se rendirent ses avocats,
et s'apitoyèrent à son malheur et à ses souffrances :
car l'un d'eux , il est probable que ce fut son ange
gardien, se fit voir à lui au pied de son lit. Se tour
nant ensuite vers la Mère de Dieu qui était présente,
il la conjura par tous les services empressés que lui
avait rendus son fidèle serviteur, de le secourir. Eh
quoi ! disait-il , ô la Mère de bonté ! ô le doux refuge
des affligés! souffrirez-vous que la langue de l'un de
vos amants qui a donné tous les jours de sa vie mille
bénédictions à vos chastes mamelles, soit privé de
l'honneur de chanter désormais vos divines louanges?
Sera-t-il dit que ses lèvres qui méritent les perfec
tions et l'éclat de toutes les beautés de la nature ,
pour avoir contribué à l'emploi de la parole qui vous
— 79 —
est la plus agréable, soient maintenant et à l'avenir
non-seulement défigurées, mais encore la risée de ceux
qui ayant fort peu d'amour pour vous diront : à quoi
lui ont servi tant de bénédictions qu'il donnait tous
les jours à son sacré sein et à ses virginales ma
melles? O la douce Mère de vos fidèles amants, êtes-
vous bien résolue de ne pas secourir celui-ci qui vous
a rendu des honneurs et des services beaucoup plus
grands que jamais ne vous en ont rendu plusieurs
auxquels , tous les jours , vous accordez les plus ri
ches faveurs?
A peine l'ange eut ainsi harangué la sainte Vierge ,
qu'elle fit jaillir quelques gouttes du lait de ses ma
melles sur les lèvres et sur la langue du malade. Tout-
à-coup il se trouva en parfaite santé, et avec un par
fait usage de la langue comme auparavant. Son âme
resta comblée des plus délicieuses consolations du Pa
radis. Ce fut là un vrai témoignage que Marie, sa
chère Mère, y avait apporté sa bonne et charitable
main. C'est ce qui l'obligea de se mettre à genoux
pour en remercier son aimable bienfaitrice. Et, s'étant
fait religieux, il reprit la sainte coutume qu'il avait de
lui rendre cent mille bénédictions, en attendant son
heureux trépas, auquel la Mère de Dieu ne manqua
pas d'assister, accompagnée d'un grand nombre de
Saints et d'Esprits bienheureux pour conduire l'âme de
ce fidèle serviteur au séjour de la gloire.
— 80 —
DÉVOTION IVe
Pour le cinquième jour de Février.
Saluer la sainte Vierge pour sa qualité de Mère du Fils de Dieu
et pour les autres rapports qu'elle a avec la très-sainte Tri
nité, à l'imitation du dévot Garcia.
Philagie, je vous sers aujourd'hui la dévotion du dé
vot Simon Garcia, religieux minime. C'est une prière
courte , un salut et un compliment de grand prix pour
l'indulgence qu'il porte. Ce bon religieux l'avait pres
que toujours en la bouche.
Ave, Filia Dei Patris ;
Ave, Mater Dei Filii ;
Ave, Sponsa Spiritus Sancti ;
Ave, templum totius Trinitatis.
Il y a indulgence plénière autant de fois qu'on
priera et saluera de la sorte la Mère de Dieu , comme
on le lit en la sacristie de Notre-Dame de Lorette, où
ladite prière est écrite en lettres d'or.
Quel trésor pour vous , Philagie , qui êtes pour de
meurer longtemps en purgatoire, si vous êtes soigneuse
de vous en délivrer à la faveur de la Mère de Dieu !
Combien de fois le jour pouvez-vous faire ce compli
ment et donner ce salut à la Mère de Dieu? Autant de
— 81 —
fois vous pouvez gagner cette indulgence. Que souvent
nous perdons beaucoup, faute d'un peu de dévotion et
de réflexion sur le gain qu'on peut faire à si peu de
frais !
Et puis, à vous dire tout , savez-vous ce que je pré
tends par cette dévotion que je viens de vous présen
ter? Mes désirs vont jusque-là que de vous garantir,
si faire se peut, de ces cuisantes flammes du purga
toire. Cela est bien vrai. Mais aussi je serais content
comme un ange si je pouvais vous faire concevoir ces
trois grandes qualités de Marie , et vous donner une
haute estime de ces trois glorieux titres de Fille du
Père, de Mère du Fils, et d'Epouse du Saint-Esprit,
qui sont les trois fleurons les plus rayonnants et les
plus agréables de sa triple couronne et de tous les dia
dèmes de sa gloire.
Qui jamais entendit parler de semblables alliances?
Je suis tout ravi de ce que saint Jean Damascène, vou
lant donner à Marie un trait de grande louange , la
nomme le Cabinet des Alliances. Et pour s'expliquer,
il dit qu'en ce Cabinet la divinité s'est alliée avec l'hu
manité, la souffrance avec l'impassibilité, et la mort
avec la vie. Je suis tout émerveillé de cette belle pen
sée ! Mais aussi je m'étonne qu'il n'ait pas pris garde à
des alliances plus riches que celles-là qui rendent Marie
incomparablement plus recommandable et plus élevée
que toutes les créatures. Le brave Synesius dit en quel
— 82 —
que endroit de ses Hymnes que la Sagesse incréée est
ensemble Fille, Mère et Sœur de la Divinité. C'est vrai.
Mais cette alliance est du ressort de la pure Divinité;
et après celle-là, nous arrêtant parmi les pures créa
tures, il n'y en a jamais eu ni il n'y en aura jamais de
semblable à celle de Marie, qui a l'honneur d'être Mère,
Fille et Epouse de Dieu.
Nous avons en France une princesse qui est fille,
femme et sœur du roi. Ce sont de belles alliances et
de grands honneurs, mais qui ne sont pas approchant
de ceux de la Reine des Anges. Aussi veux-je, Phila-
gie , s'il vous plaît, que vous ayez un vif désir d'hono
rer ces trois sublimes et suréminents éloges de votre
chère Princesse, la saluant souvent avec la formule ci-
dessus. Et si vous êtes résolue de suivre mes avis en
tout, il faut encore que vous m'obligiez en un point:
c'est que vous aimiez l'Aurore pour avoir avec le Soleil,
son époux, son fils et son père, de pareils rapports que
ceux de Marie avec Dieu.
L'aurore c'est la fille du soleil : car cette première
lumière qui devance le soleil levé sur l'horizon, est en
fantée et émane du soleil. L'aurore, c'est la mère du
soleil : car il sort du sein de l'aurore. L'aurore , c'est
l'épouse du soleil : car c'est elle et le soleil son époux
qui enfantent le jour. Quel rapport voulez-vous trouver
qui soit plus beau pour concevoir que Marie tant de
fois appelée par l'Esprit de Dieu Aurore, mérite cent
— 83 —
mille fois plus que l'aurore visible * d'être appelée la
Mère, la Fille, et l'Epouse du Soleil de Justice?
J'ai toujours aimé l'aurore, je l'aimerai désormais
avec passion. Je ne la verrai jamais que je ne me sou
vienne de Marie, ma chère Aurore; et je ne penserai
jamais à elle sans penser à une plus belle Aurore qui
a l'honneur d'être la Mère, la Fille et l'Epouse du
Soleil invisible.
DEVOTION Ve.
Four le sixième jour de Février.
Choisir et prendre la sainte Vierge pour Mère, à l'imitation
de sainte Thérèse.
Philagie , encore que Marie soit la Mère du Fils de
Dieu , elle ne dédaigne pas d'être la nôtre , nous rece
vant pour ses chers enfants d'adoption. Voici donc l'une
des plus douces et des plus aimables pratiques que je
vous offre : c'est de choisir et tenir la sainte Vierge
pour votre chère Mère; et en vos dévotions vous
adresser à elle comme à votre bonne mère; avec toute
humilité la nommer, la dire, la publier, dans les occa
sions qui se présenteront, votre chère Mère. Commen
cez dès aujourd'hui, et à cette intention dites-lui sou
* Le P. du Barry, écrit : Que le soleil -visible. C'est une faute.
— 84 —
vent l'Ave maris stella : car c'est là où saint Bernard
l'appelle sa Mère.
Le bienheureux Stanislas , novice de la Compagnie
de Jésus , ne la nommait ordinairement que sa Mère.
Et un jour qu'il fut interrogé s'il aimait Notre-Dame,
il répondit sur-le-champ : Eh ! pourquoi n'aimerai-je
pas ma Mère?...
Sainte Thérèse, à la mort de sa mère, se jeta aux
pieds de la sainte Vierge , et la choisit pour qu'elle fût
désormais sa Mère. Le bienheureux Pierre de Luxem
bourg ne l'appelait non plus autrement que sa Mère.
Elle-même agrée d'être nommée ainsi, comme le té
moigne ce fait raconté par le bienheureux Jourdain, de
l'ordre de Saint-Dominique. Un religieux de son ordre,
poursuivi par des voleurs, se sauva et se jeta dans des
blés en herbe. On le poursuivit encore là dedans. Se
voyant si fort pressé, il eut recours à la sainte Vierge,
et s'enhardit de la réclamer comme sa Mère. Pour
cela, il se servit des paroles -de saint Bernard : Mons-
tra te esse Matrem, et ces paroles il les redit souvent
tout bas. Cela lui servit : car ces voleurs, qui le cher
chaient partout quoiqu'ils fussent fort proches de lui
jusqu'à presque le toucher, ne l'aperçurent point. Et
ainsi il fut délivré de cet imminent danger.
Voilà ce que c'est que d'avoir un asile et un lieu de
refuge, ou, pour mieux dire, une bonne Mère. Nous
sommes sujets à tant d'accidents et à de si fâcheuses
— 85 —
rencontres ! Heureux donc celui qui a recours au
Cœur de Marie, comme au cœur de sa bonne mère!
Aussi était-ce la consolation du dévot Jean Berkman,
jésuite. Il avait coutume de dire qu'il fallait avoir un
asile auquel on pût recourir dans ses nécessités, sur
tout dans celles qui arrivent à l'imprévu ; que les
meilleurs étaient les plaies de Notre -Seigneur et le
Manteau sacré ou le Sein de sa sainte Mère. Etant
une fois interrogé de quel remède il se servait en ses
désolations, il répondit : de quatre, — de la prière , de
l'occupation, de la patience et du Cœur de Marie, ma
bonne Mère.
Philagie, vous fais-je déplaisir de vous donner un
asile si favorable et des adresses pour une si bonne
Mère? Je ne le pense pas. C'est au contraire tout ce
que vous désirez, d'être son cher enfant. Et votre
grande et première pensée d'aujourd'hui n'est autre
que de la prendre pour votre bien -aimée Mère. Et
si vous saviez les termes pleins d'affection dont ses
chers enfants se sont servis à cette occasion , vous
tâcheriez de les suivre pas à pas de parole et de
cœur.
A cela ne tienne ! Voici donc la belle raison du
cher et dévot de Marie, de l'aimable enfant de la
Mère de Dieu, qui , n'ayant de pensée que pour l'a
mour de sa Mère , nous a laissé en ce siècle , pour
gage de sa tendre affection envers elle, un saint or
dre de Filles de Sainte-Marie. Par là il nous donne
a entendre que les âmes qui voudront suivre de plus
près ses avis, ne doivent point avoir d'autre Mère que
Marie , et se rendre toutes telles qu'on les puisse vrai
ment appeler et reconnaître pour des Filles de sainte
Marie très-digne Mère de Jésus. Si vous me croyez,
vous vous servirez de cette oraison , non - seulement
aujourd'hui, mais encore ou tous les samedis ou tou
tes les grandes fêtes de la Mère de Dieu. Je parle
selon mon goût et sentiment. Essayez à cette heure
quel sera le vôtre, et dites avec ce grand prélat et
favori de Marie, après vous être mise à genoux :
« Je vous salue, très -douce Vierge Marie, Mère
de Dieu ; vous êtes ma Mère et ma Maîtresse , partant
je vous supplie de m'accepter pour fils et serviteur,
parce que je ne veux plus avoir autre Mère ni Maî
tresse que vous. Je vous prie donc , ma bonne, gra
cieuse et très - douce Mère , qu'il vous plaise de me
consoler en toutes mes angoisses et tribulations tant
spirituelles que corporelles. Ayez mémoire et souve
nance, très-douce Vierge, que vous êtes ma Mère,
et que je suis votre fils, que vous êtes très-puissante
et que je suis un pauvre homme vil et faible. Par
tant, je vous supplie, ma très-douce Mère, que vous
me gouverniez et défendiez en toutes mes voies et
actions : car, hélas ! je suis un pauvre disetteux et
mendiant qui a grand besoin de votre protection. Sus
- 87 -
donc, très-sainte Vierge, ma douce Mère, préservez
et délivrez mon corps et mon âme de tous maux et
dangers , et de grâce faites - moi participant de vos
biens et de vos vertus, et principalement de votre
sainte humilité, excellente pureté et fervente charité.
« Ne me dites pas, gracieuse Vierge, que vous ne
pouvez, car votre bien-aimé Fils vous a donné toute
puissance, tant au ciel comme en la terre. Ne me
dites pas que vous ne devez, car vous êtes la com
mune Mère de tous les pauvres humains, et singuliè
rement la mienne. Si vous ne pouviez , je vous excu
serais , disant : Il est vrai qu'elle est ma Mère , et me
chérit comme son Fils, mais la pauvrette manque d'a
voir et de pouvoir. Si vous n'étiez ma Mère, je patien
terais avec raison, disant : Elle est bien assez riche
pour m'assister; mais, hélas ! n'étant pas ma Mère,
elle ne m'aime pas.
« Puis donc, très-douce Vierge, que vous êtes ma
Mère et que vous êtes puissante , comment vous excu
serais-je si vous ne me soulagez et ne me prêtez votre
secours et assistance? Voyez, ma Mère, et voyez que
vous êtes contrainte de m'accorder et acquiescer à
toutes mes demandes. Soyez donc exaltée sur les
Cieux; et pour l'honneur et la gloire de votre Fils,
acceptez-moi poifr votre enfant, sans avoir égard à
mes misères et péchés. Délivrez mon âme et mon corps
de tout mal, et me donnez toutes vos vertus, surtout
l'humilité. Faites-moi présent de tous les dons , biens
et grâces qui plaisent à la très-sainte Trinité, Père,
Fils, et Saint-Esprit. Ainsi soit-il. »
DEVOTION VIe
Pour le septième jour de Février.
Demander la bénédiction à la sainte Vierge le matin et le soir,
du côté de quelqu'une de ses églises , à l'imitation du bien
heureux Stanislas Kostka.
Philagie, vous avez choisi et pris la sainte Vierge
pour votre Mère : il ne vous sera donc pas malaisé de
lui donner tous les matins le bonjour, et sur le tard
le bonsoir, comme font les enfants bien élevés à leur
mère. Commencez aujourd'hui cette pratique, et même
demandez-lui sa sainte bénédiction matin et soir, après
et avant votre repos, à deux genoux, vous tournant du
côté de quelque église de Notre-Dame. Car où sauriez-
vous être qu'il n'y ait quelque église dédiée à la Mère
de Dieu?
Celui qui a donné vogue et peut-être commencement
à cette dévotion, c'est le bienheureux Stanislas Kostka,
novice de la Compagnie de Jésus. Il avait cet exercice
tellement à cœur, qu'étant à Rome, au Noviciat, il n'eût
manqué pour chose quelconque de se tourner, le matin
et le soir, du côté de l'église de Sainte-Marie-Majeure,
— 89 —
pour saluer sa bonne Mère et lui demander sa béné
diction à deux genoux, lui offrant son cœur et ses
petits services. A son imitation , les autres novices ses
compagnons en faisaient autant.
Je ne doute nullement que vous n'ayez envie d'en
faire de même, au moins aujourd'hui; et quand vous
le feriez tous les matins et tous les soirs , ce serait bien .
Ainsi donc il vous faut saluer la sainte Vierge le matin
et le soir, et vous recommander à elle, si vous avez à
cœur le soin de votre salut. Que peut-il vous coûter de
lui demander sa bénédiction , de lui donner le bonjour
et le bonsoir? C'est tout comme si vous lui disiez : Ma
chère Mère, je vous demande votre sainte bénédiction,
et je désire avec ardeur que, durant ce jour (ou cette
nuit), vous soyez honorée, bénie, servie, aimée de tous
les hommes de la terre aussi bien que des anges du
Ciel; et que nul ne soit si malheureux que de vous
offenser, ou votre cher Fils, puisque les offenses qui
sont contre lui vous sont plus sensibles que celles qui
sont .contre vous.
DEVOTION VIP
four le huitième jour de Février.
Prier la Mère de Dieu par de fréquentes oraisons jaculatoires,
à l'imitation de saint François-Xavier.
C'est ici la dévotion du bienheureux François-Xavier,
— 90 —
qui disait très-souvent cette belle petite oraison jacula
toire à sa bonne Avocate : Mater Dei, memento meî, —
Mère de Dieu , souvenez-vous de moi. Il fut un temps
qu'il disait , durant ses afflictions , fort souvent aussi :
Domina, opitulare; Domina, non opitulaberis ? — Ma
bonne Dame , assistez-moi ; ma bonne Dame , ne m'as
sisterez-vous pas?
Ce bon bouvier de Citeaux qui, pour l'incapacité de
son esprit et la lenteur de sa mémoire, n'avait pu ap
prendre de l'Ave Maria que les quatre premières paro
les, n'usait pour toute oraison longue ou courte, jacu
latoire ou autre , que de ce peu de paroles : Ave, Maria,
gratia plena. Mais aussi , il les redisait cinq cents fois
le jour et avec un grand avantage spirituel. Et après
sa mort, il sortit de son sépulcre un arbre inconnu qui
avait sur ses feuilles les mêmes mots écrits en lettres
d'or. Cet arbre fut vu'd'une infinité de personnes. Et
l'évèque ayant fait des enquêtes pour la reconnaissance
dn miracle, on trouva que cet arbre sortait de la bou
che de ce saint religieux.
Je connais un serviteur de Dieu qui, pour toute
oraison jaculatoire à la sainte Vierge, ne lui disait que
ces trois mots : Marie , soyez-moi Marie ! c'est-à-dire :
Soyez ma Dame, mon Espérance, mon Etoile, ma Maî
tresse, car le mot de Marie signifie tout cela.
Il y a quantité de pareilles oraisons jaculatoires ,
desquelles on peut se servir pour prier et saluer la
— 91 —
sainte Vierge. Presque tous les versets de l'Ave ma
ris stella et les éloges qui sont aux litanies de Notre-
Dame de Lorette sont propres à cet usage, surtout celui
qui lui donne le titre de Mère aimable, et cet autre qui
la nomme Mère admirable. Aussi nous lisons que la glo
rieuse Vierge a quelquefois témoigné agréer singuliè
rement ces deux éloges.
Philagie, vous avez le choix. Dites-lui cent fois au
jourd'hui : Mater Dei, memento meî; ou bien : Mère
aimable, aimez-moi; ou bien Mère admirable, souvenez-
vous de moi ; ou bien comme il vous plaira.
Tout cela est aisé à qui aime d'une affection cordiale
la Mère de Dieu : pourquoi ne le feriez -vous pas? C'est
votre Mère, vous ne sauriez assez souvent la prier ou
penser à elle. Celui qui aime bien a de la peine à se
distraire de ce que son cœur chérit. A chaque moment,
il faut qu'il y pense, et il soupire doucement après.
N'aurions-nous pas autant d'amour pour Marie, à tout
le moins un jour de notre vie, que ces esclaves du fol
amour en ont pour l'objet de leurs affections? Jour et
nuit, ils rêvent là-dessus. Quant à moi, je suis résolu
de la prier souvent à la susdite manière, et pour le
présent je me contente de cette pensée : qu'il est mora
lement impossible que la Mère de bonté n'assiste très-
particulièrement celui qui la prie souvent et amoureu
sement.
J'ai vu à Tournon, en Vivarais, un hérétique malade
— 92 —
(c'était l'an 1610), obstiné en son erreur. Comme toute
sa vie il avait été hérétique, jamais il n'avait invoqué
la Vierge, selon qu'il le déclarait. Ayant été prié à l'im-
portunité de l'invoquer une seule fois, après avoir long
temps résisté, il consentit enfin à la prier une seule fois.
Il ne dit que ces paroles : Mère de Jésus, assistez-moi.
O merveille ! il n'eut pas sitôt fait cette petite prière
jaculatoire qu'aussitôt après il dit qu'il voulait se conver
tir. Ce qu'il fit. Il abjura donc son hérésie , recut les
sacrements , et mourut ainsi bien disposé. Ce change
ment s'opéra en deux heures. Pourtant, durant huit
jours, des jésuites qui le visitaient successivement l'a
vaient engagé, mais en vain, à revenir à Dieu. Ce ne
fut que lorsqu'un d'eux parvint à le faire prier la sainte
Vierge qu'il se convertit. Et j'ai été le témoin oculaire
de ce fait.
Philagie, voilà un perdu qui, pour avoir une seule
fois prié la sainte Vierge, a fait par le secours de
la Mère de Dieu ce que doit faire celui qui veut mou
rir heureusement. Que sera-ce d'un dévot de Marie
qui l'aura réclamée cent et cent fois le jour, et trente
mille fois l'année ! Si celui-là n'a pas le paradis et les
bonnes grâces de la Mère de Dieu, qui les aurait?
— 93 —
DÉVOTION VHP
Pour le neuvième jotrr de Février.
Méditer sur la glorieuse Vierge et Mère de Dieu ou penser
à elle, à l'imitation du dévot Taulère.
Philagie, je ne sais pas si vous savez ce que c'est que
la méditation : c'est pourquoi je me résous difficilement
à vous inviter à la pratiquer aujourd'hui. Peut-être
n'exercez-vous pas une si bonne œuvre, parce que vous
n'auriez pas le loisir de consacrer une heure ou une
demi-heure à un si saint emploi.
Si vous en avez le loisir et si vous savez méditer,
ne vous refusez pas à employer, aujourd'hui, quelque
temps à une petite méditation touchant la Mère de Dieu,
sur un mystère ou un trait de sa vie, ou sur telle de
ses vertus qu'il vous plaira : la plupart de ses serviteurs
donnent de temps en temps quelques heures à cet exer
cice.
Le dévot père François Suarez, si renommé par sa
piété et pour son savoir, faisait, tous les jours de fête
de la sainte Vierge, une méditation de deux heures sur
les Vertus de cette sainte Dame. Il pratiquait cet exer
cice avant que de dire la Messe , pour être mieux dis
posé à ce divin sacrifice et se rendre plus favorahle à
la Mère de Celui qu'il allait recevoir.
Si vous ne savez ou ne voulez pas méditer, au moins
— 94 —
vous consentirez de penser fréquemment, aujourd'hui,
à la Mère de Dieu , qui vous fait l'honneur de vouloir
aussi être la vôtre. Occupation utile quand vous ne
feriez que penser que Marie c'est la Mère de Dieu ; que
c'est elle qui est la Reine du ciel et de la terre, la bé
nie entre toutes les femmes , la plus grande et la plus
humble de toutes les créatures; si humble, qu'étant ce
qu'elle était et le sachant bien, jamais néanmoins elle
ne s'est préférée à aucune créature, ainsi qu'elle le ré
véla à sainte Brigitte; comme aussi qu'elle est tout ai
mable, et choses pareilles. Oh! qui saurait combien la
seule pensée de la Mère de Dieu et de ses perfections
est sublime, élevée, agréable à Dieu, et profitable à nos
âmesv en ferait assurément sa douce occupation ! Saint
Anselme as&ure que penser seulement de la sainte Vierge
qu'elle est la Mère de Dieu, c'est prendre la pensée la
plus haute et la plus excellente qu'il se peut, et que
c'est avoir le plus noble et le plus excellent entretien
dont un esprit soit capable, après Dieu.
Et le dévot Taulère, dont les délices étaient de pen
ser à la Mère de Dieu, avait coutume de dire qu'il ne
saurait croire qu'un homme qui comprend un peu sa
destinée, quelques occupations qu'il ait, ne doive pren
dre une heure tous les jours pour parler ou penser à
Notre-Dame. Car le moyen, disait-il, qu'on puisse vivre
sans l'aimer ! et le moyen de l'aimer, si on ne pense à
elle bien souvent ! et le moyen de bien penser à elle,
— 95 —
si on n'admire et ne médite ses perfections indicibles et
ses grâces inconcevables qu'elle a recues de Dieu ! Après
cela, Philagie, pourriez-vous me refuser de méditer
quelque temps aujourd'hui, ou du moins de penser à
la grandeur et à l'élévation d'un objet si rare et si ai
mable ! Veuillez me croire , et faites de votre mémoire
et de votre entendement un cabinet ou un oratoire à
la sainte Vierge. Si vous faites cela, saint Jean Damas-
cène vous promet la perpétuelle jouissance d'un inexpri
mable repos et d'un parfait contentement.
Je n'aurai jamais de repos, disait le dévot Jean Berk-
man, jésuite, que je n'aie obtenue une tendresse d'a
mour bien grande envers ma toute bonne Mère, la glo
rieuse Vierge. Il l'obtint par les douces et fréquentes
pensées qu'il avait de sa chère Mère (du Ciel). Philagie,
j'en attends autant de vous.
— 96 —
CHAPITRE III.
HUIT DÉVOTIONS A LA MÈRE DE DIEU POUR LA FÊTE ET L'OCTAVE
BE SA GLORIEUSE ANNONCIATION, LE XXV MARS.
DEVOTION Ire
four le vingt-cinquième jour de Mars.
Dire trente-cinq fois J'Ave Maria, tous les jours de cette Octave,
en l'honneur du nombre dejours que la sainte Vierge aparté
son Fils Jésus dans ses sacrés flancs, à l'imitation de sainte
Gertrude.
Philagie, voici l'un des grands mystères et l'une des
plus solennelles fêtes de la Mère de Dieu. Ses ennemis
mêmes honorent cette solennité ; car les Moscovites ,
quoique schismatiques , rendent un honneur fort parti
culier à cette fête. Ils ne quitteraient le travail pour
aucune des fêtes qui se rencontrent le long de l'année,
non pas même pour le jour de Pâques, estimant que
cela n'appartient qu'aux riches et aux grands sei
gneurs. Néanmoins ils cessent tout exercice manuel le
jour de l'Annonciation de la Vierge, ce jour étant, se
lon eux, le plus respectable de toute l'année.
Puisque nous sommes à un jour si solennel , je crois
— 97 —
bien que votre désir le plus grand est de rendre à la
sainte Vierge , en ce saint jour et pendant son Octave,
quelque service qui puisse lui être agréable. C'était
aussi le grand souhait de sainte Gertrude. Ce qui fut
cause que , s'adressant à la Mère de Dieu , pour savoir
d'elle quel témoignage d'amour lui serait le plu% agréa
ble en cette sainte fête, Notre-Dame lui répondit :
« Ma fille, si, tous les jours de cette Octave, tu récites
trente -cinq fois l'Ave Maria pour honorer le nombre
de jours que mon cher Fils a demeuré dans mon sein ,
qui reviennent à deux cent quatre-vingts jours , sache
que je recevrai cette dévotion de très-bon cœur. Elle
me sera plus agréable que si tu m'eusses rendu toute
sorte de services dès le jour de sa conception jusqu'à
celui de sa sainte nativité. Que si , en ce temps-là , je
n'eusse su refuser les demandes qu'on m'eût faites, je
les refuserais bien moins à cette heure -ci, ayant un
pouvoir et un crédit si grands vis à vis mon Fils. »
Philagie, que vous semble de cette affectueuse ré
ception, si vous êtes persuadée que la sainte Vierge
aura le même cœur pour vous qu'elle avait pour sainte
Gertrude? La faveur qu'elle lui accorda et l'avis qu'elle
lui donna ne sont pas pour elle seulement, mais encore
pour vous et pour tous ceux qui sont portés à honorer
cette grande fête.
Vous n'avez donc aujourd'hui à dire que trente -cinq
Ave Maria en l'honneur des trente-cinq premiers jours
3.
— 98 —
que le Fils de Dieu commença à loger dans les en
trailles virginales de sa sainte Mère, et autant aux
jours suivants de cette Octave. Faites en sorte de les
dire bien dévotement : c'est la plus riche prière que
vous sauriez faire, et l'Octave ne saurait être passée
plus saintement qu'en redisant fréquemment ce même
salut et compliment que l'archange Gabriel fit à la
sainte Vierge.
Quand on dit un Ave Maria, le Ciel s'en réjouit,
Satan prend la fuite , le cœur est fort consolé , dit
Alain de la Roche. Autant de fois qu'on le prononce,
l'archange Gabriel reçoit un nouveau rayon de gloire
et de lumière céleste, dit sainte Brigitte. Quand on le
dit dévotement, autant de fois on gagne trente ans
d'indulgence, accordée par Urbain VI à l'invocation du
nom de Jésus; on gagne même soixante ans d'indul
gence , accordée par Jean XXII , qui doubla cette in
dulgence.
Quand on récite cette prière, on fait un singulier
plaisir à la Mère de Dieu. C'est pourquoi elle dit une
fois à sainte Mechtilde, en lui apparaissant sous une
forme merveilleusement belle, et portant sur sa poi
trine la Salutation Angélique écrite en lettres d'or : Ma
fille, tu désires savoir la plus agréable prière que tu
saurais me faire? Il est impossible à une mortelle
créature de trouver un salut et une prière semblable
à celui qui m'a été envoyé du Ciel.
— 99 —
Puisque cette prière est riche de grâces et si agréa
ble à la Mère de Dieu , ne cherchez pas d'autre prati •
que durant ces huit jours que cette susdite qui revient
sans cesse. Néanmoins voici encore ce que vous pour
riez faire. Comme il y a certaines dévotions à la glo
rieuse Vierge , des plus belles et des plus importantes ,
pour la pratique desquelles il est bien difficile que je
vous détermine le jour, je vous en indiquerai une h
chaque jour de cette Octave; et après avoir dit vos
trente-cinq Ave Maria, vous prendrez la résolution de
la pratiquer aux jours qui vous seront les plus commo
des , et aux occasions qui s'en présenteront.
Philagie, vous agréez bien mon plan; il est toujours
l'effet du désir que j'ai qu'il n'y ait aucune pratique ni
dévotion à la sainte Vierge que vous n'observiez quel
quefois en votre vie.
DÉVOTION VIe
le vingt-sixième jour de Mars.
Jeûner les veilles des Fêtes de la sainte Vierge, à l'imitation
de saint Charles Borromée.
Philagie, après avoir dit les trente-cinq Ave Maria
que vous agréez de dire tous les jours de cette Octave,
voyez si vous aurez le courage de vous résoudre à jeû
ner toutes les veilles des Fêtes de la Mère de Dieu, une
— 100 —
à chaque mois, selon l'ordre indiqué dans mon Avant-
Propos. Est-ce trop pour vous? Aux sept principales,
savoir : aux cinq que l'Eglise célèbre partout, et à la
Présentation de même qu'à la Visitation, est-ce assez?
'A vous le choix, et, par suite, le mérite.
Il suffit que vous sachiez présentement que le nombre
en est grand de ceux qui jeûnent ou font quelque abs
tinence à toutes les veilles des principales Fêtes de la
Vierge.
L'admirable en cette dévotion, de notre temps, a été
saint Charles Borromée, qui les jeûnait toutes au pain
et à l'eau. Les faveurs que la sainte Vierge donne pour
récompense à de semblables jeûnes, ne sont pas à dé
daigner. Apprenez-le par l'avantage qui en revint à l'un
de ses dévots. Voici comment la chose se passa.
Le brave et dévot chevalier Vaultier de Bibrac, cousin
du duc de Louvain, avait cette sainte coutume dejeûner
au pain et à l'eau toutes les veilles des Fêtes de la
Vierge. Elle désira l'en récompenser. Un jour donc qu'il
entendait la Messe, le prêtre qui la disait, ayant élevé
le calice après la consécration, aperçut une belle croix
d'or sur le pied de ce calice avec cette petite inscription :
Portez cette croix, de la part de la Mère de Dieu, au
chevalier Vaultier, qui demeure a Bibrac. La Messe
étant achevée, le prêtre la lui donna, après avoir ra
conté en présence de tous les assistants ce qui lui était
arrivé. Vaultier ne fut pas méconnaissant de cette fa
— 101 —
veur signalée, qu'il attribuait à ces petits services qu'il
avait tâché de rendre à la Mère de bonté ; et se croyant
par cette croix invité de la Mère de Dieu à porter la
croix de Jésus-Christ son Fils, il se résolut à entrer au
plutôt dans l'ordre de Citeaux, qui était très affectionné
à la sainte Vierge : ce qu'il exécuta bientôt; et il y
vécut fort saintement. Césaire, qui raconte tout ceci,
ajoute qu'il a été en familiarité avec le dit Vaultier;
qu'il a vu souvent cette croix, beaucoup plus brillante
et façonnée que celles que les orfèvres travaillent.
Philagie, si vous êtes persuadée que vos jeûnes faits
en l'honneur de la sainte Vierge, je ne dis pas au pain
et à l'eau, mais plus modérément, seront reconnus de
votre chère Mère par de pareilles faveurs, dites-moi le
nombre des veilles de ses fêtes que vous ne voudriez
pas jeûner? Ne me le dites pas; dites-le à la sainte
Vierge en votre oratoire.
DÉVOTION IIP
Pour le vingt-septième jour de Mars.
S'abstenir, les mercredis, de manger de la viande, à l'imita
tion des confrères du Saint-Scapulaire.
Après le dessein arrêté de vos trente-cinq Ave Maria,
voici, Philagie, une dévotion des confrères du Saint-
Scapulaire de la Vierge que vous vous résoudrez à pra
— 102 —
tiquer, au moins à quelque mercredi qui vous sera le
plus commode.
Les susdits confrères ont cette louable coutume de
s'abstenir de viande tous les mercredis de l'année, à
l'honneur de la Mère de Dieu. C'est un règlement parmi
eux que les plus zélés observent saintement, et je ne
doute nullement que Dieu et la sainte Vierge ne les
bénissent dans les occasions.
Que dites-vous à cela, Philagie? Dans de pareilles
occasions, voudriez-vous avoir ce saint Scapulaire, et
avoir gardé la susdite abstinence quelque mercredi?
Mais que faire, si la communauté où vous êtes ou si
votre vocation ne permet pas cette abstinence à quel
que mercredi? En ce cas, offrez votre bonne volonté à
Dieu; et si vous désirez suppléer à cette dévotion par
une autre quelconque, prenez aujourd'hui la résolution
de dire parfois Te Deum laudamus en la manière que
le disait saint Odilon , abbé de Cluni. Quand il disait
le Te Deum, et qu'il était à ces paroles : Tu ad libe-
randum suscepturus hominem, non horruisli Virginis ute-
rum, il fléchissait humblement les genoux en l'honneur
du mystère de l'Incarnation et de la suréminente dignité
de la Maternité de la glorieuse Vierge , à laquelle il
était singulièrement dévot.
— 103 —
DÉVOTION IVe
Pour le -vingt-huitième jour de Mars.
Donner aux pauvres pour l'amour de Notre-Dame ce qu'on
gagne au jeu, à l'imitation de sainte Elisabeth; ou , si on
ne joue pas, porter parfois l'image de la Vierge à l'endroit
du cœur, à l'imitation du cardinal Baronius.
Après les trente-cinq Ave Maria récités, souvenez-
vous, Phila,gie, de la belle pratique de sainte Elisabeth,
fille du roi de Hongrie. Etant encore jeune, si elle avait
le bonheur de gagner au jeu, en dévote Princesse elle
donnait tout ce gain aux pauvres pour l'amour de Notre-
Dame; si elle avait quelqu'autre argent, elle le distri
buait aux pauvres femmes, à la condition qu'elles
diraient l'Ave Maria.
Philagie , si vous aimez le jeu , ayez aussi la bonne
volonté d'imiter cette jeune princesse , et de faire part
quelquefois aux pauvres de tout ce que vous y gagne
rez. Faites-le avec le même motif qu'elle avait : ce sera
imiter une princesse de la terre , et gagner les bonnes
grâces de la souveraine Princesse du ciel.
Que si vous n'aimez pas le jeu, ou que votre profes
sion , ou la bienséance , ne vous le permette pas , pour
que vous puissiez vous résoudre aujourd'hui à quelque
sainte pratique , je vous conseille de vous contenter ,
puisque vous avez une image de la sainte Vierge , de
— 104 —
la porter quelques jours, autant que possible sur votre
cœur, comme sa gardienne.
C'est ainsi que le pratiquait le cardinal César Baro-
nius. Le portrait de sa chère Mère du ciel était toujours
sur son cœur : que pouvait craindre ce cœur qui avait
une si affectionnée et si vigilante portière?
DEVOTION Ve
Pour le vingt-neuvième jour de Mars.
Dévotion au samedi, jour consacré à la sainte Vierge, à l'imi
tation de saint Nicolas Tolentin.
Après les trente-cinq Ave Maria récités, il faut, Phi-
lagie, entrer dans la considération de ce que vous dé
sirez faire tous les samedis , qui sont des jours dédiés
à la sainte Vierge, ou au moins à quelques-uns d'eux.
Saint Nicolas Tolentin, sainte Elisabeth, reine de
Portugal, le cardinal François Tolet, jeûnaient tous les
samedis de l'année au pain et à l'eau. C'est trop pour
vous; choisissez donc un jeûne plus modéré.
Quoi qu'il en soit, le nombre de ceux qui jeûnent, ou
font quelque abstinence le samedi, est presque infini.
Les citoyens de Trente, autrefois, n'y manquaient point.
Voici, selon Césaire, ce qui leur donna l'occasion d'em
brasser cette dévotion.
Un insigne voleur fut averti par un religieux de
— 105 —
l'ordre de Citeaux que, s'il voulait faire une bonne fin,
il n'avait qu'à se résoudre de jeûner tous les samedis à
l'honneur de la sainte Vierge; que cette sainte Dame
aurait pitié de lui tôt ou tard. Il s'y résolut. Il fit même
plus que cela, car il ne fit mal à personne (c'est-à-dire
qu'il ne vola ni ne tua personne) ce jour-là ! D'où il
arriva, quelque temps après, qu'étant attaqué un sa
medi par des archers, il ne se défendit point de peur
d'en tuer ou blesser quelques-uns : ce qui lui eût été
aisé de faire. Le voilà donc pris et mené à Trente. Il
est condamné; il se dispose à la mort, se confesse et
meurt en versant des larmes d'une contrition sincère.
On lui trancha la tète. La nuit suivante, les sentinelles
de la ville voient près du lieu où il est enterré une
lumière éclatante, et cinq Dames dont l'une était bril-v
lante comme un soleil d'été et plus belle que les autres.
Elles tirent le corps du supplicié de la fosse. Quatre
de ces Dames le portent dans un riche drap, ayant cha
cune un cierge à la main, proche la porte de la ville. La
cinquième, qui était la sainte Vierge, suivait les autres.
Elles avertissent les gardes de dire à l'évêque de
faire enterrer ce corps dans une église qu'elles nom
mèrent. Le lendemain matin , l'évêque , averti de tout
ceci, fit enterrer le corps. Toute la ville y accourut,
et on vit le corps tout entier et la tête réunis , comme -
si le coutelas n'y eût point passé. Le drap d'honneur
dans lequel les Dames l'avaient porté était en écarlate,
— 106 —
avec une broderie qui surpassait les travaux de ce genre
faits de la main des hommes.
Cette merveille toucha de telle façon le cœur des
citoyens de Trente, même ceux de tout le voisinage,
que non-seulement on fut dévot à la Mère de miséri
corde, mais, outre cela, il n'y eut ni grand ni petit qui
ne se résolût à jeûner les samedis à l'honneur de la
Mère de Dieu; et on .pratiqua bien longtemps cette
louable coutume.
Philagie , je ne vous ai offert pour bonnes œuvres
en ce saint jour que les jeûnes. Si vous avez le choix
de faire telle bonne œuvre qu'il vous plaira , faites-la.
Si vous désirez savoir les raisons pour lesquelles le
samedi est dédié à la Mère de Dieu, lisez ce qui en est
dit dans la Triple Couronne, et chez Durand, en son
Rational.
Celui-ci dit que jadis, à Constantinople , on voyait
une image de la sainte Vierge couverte toute la se
maine d'un voile. Néanmoins, le vendredi soir, on
voyait ce voile ôté et comme enlevé invisiblement par
quelque ange , afin qu'on pût mieux voir ladite image
depuis lors et le lendemain jusqu'après les vêpres. Après
les .vêpres du samedi, on voyait remettre le voile d'une
manière invisible encore, et l'image demeurait ainsi voi
lée jusqu'au vendredi suivant, où le même miracle se ré
pétait. C'est ce qui fut cause qu'on commença d'honorer
plus particulièrement la Mère de Dieu ce jour-là.
— -107 -
Quelques autres donnent pour raison du choix de
ce jour, les amertumes et les douleurs que la Mère de
Dieu souffrit le samedi avant la résurrection de son
Fils, à l'occasion de sa passion et de sa mort. Ils ajou
tent que, comme le vendredi qui le précède nous re
présente les misères de cette vie et les croix qu'il faut
souffrir a l'imitation du Sauveur qui souffrit en tel jour,
et le dimanche qui le suit les joies du Paradis, de
même le samedi dédié à la sainte Vierge, qui est comme
l'entre-deux , nous représente la grande et belle vérité
du pouvoir et du crédit de la Mère de Dieu. Nous avons
besoin de passer par ses mains, d'être secourus de sa
miséricorde, et de traverser ce milieu, si des misères
de cette vie nous voulons être transférés aux joies de
l'autre, ainsi que du vendredi on ne saurait passer au
dimanche sans passer par le samedi. Saint Germain était
bien de cet avis, lui qui disait : Nullus est qui salvus fiat
nisi per te, ô Sanclissima ! (c'est-à-dire : Nul ne peut ar
river au salut éternel sans passer par vous, ô très-sainte
Marie ! )
DÉVOTION VIe
Pour le trentième jour de Mars.
Rendre grâces à la sainte Vierge de tous les bons succès qui
nous arrivent, et lui en donner la gloire, à l'imitation de
saint François de Paule.
Parfois il nous arrive, Philagie, que ce que nous dé
— 108 —
sirons réussit à souhait; les biens et les faveurs nous
arrivent sans y penser, sans les avoir mérités ni pro
curés. Combien de personnes religieuses qui s'étonnent
dans la ferveur de leurs dévotions, et ensuite de leur
persévérance dont Dieu leur a fait la grâce ! Combien
de mondains que Dieu bénit en leurs fortunes ou ma
riages, et qui ont reçu tant de biens terrestres, tels que
des héritages qui arrivent à quelques-uns ! D'où pensez-
vous que de telles faveurs arrivent aux uns et aux au
tres? Pour l'ordinaire, c'est la sainte Vierge qui leur a
procuré tout ce bonheur.
Nous pouvons donc assurément, dans ces rencontres,
donner la gloire du succès à la glorieuse Vierge, lui
dire un grand merci, publier ses bienfaits, les racon
ter dans les compagnies, faire venir le discours là-des
sus , et reconnaître de cœur et de bouche celle qui en
est la bienfaitrice. Il est certain qu'elle nous fait cent
fois plus de faveurs que nous ne saurions l'exprimer.
Et une de nos grandes consolations au ciel , sera d'ap
prendre le soin qu'elle aura eu de nou^s et les occasions
particulières dans lesquelles elle nous aura obligés.
L'action de l'empereur Jean Comnène est digne d'é
ternelle mémoire; car, ayant gagné une singulière vic
toire à la faveur de la Mère de Dieu , il fit porter son
image en pompe sur un char de triomphe tout couvert
de pierreries. Tous les princes allaient à pied, tête
nue, conduisant les quatre chevaux blancs qui la traî
— 109 —
naient, et l'empereur lui-même les précédait aussi à
pied, portant à sa main une croix.
Si jadis les rois de Sicile furent élevés parmi les
rois , ils le dûrent à la main et à la faveur de la Mère
de Dieu , selon qu'ils le disaient. Et pour cela , ils se
faisaient couronner à Palerme, dans une chapelle de la
Vierge qui a pris , et qui le porte , le nom de Notre-
Dame la Couronnée : pour donner à entendre à tout le
monde qu'ils étaient obligés de leur couronne royale à
la Mère de Dieu.
Saint François de Paule faisait des miracles en quan
tité : aussitôt il en donnait la gloire à la Reine des
anges; et immédiatement, pour l'ordinaire, il faisait
assembler ses religieux, et leur disait : La bonne Vierge
vient de faire à l'heure même un miracle ; elle a guéri
un tel qui était malade. Allons au chœur lui en rendre
grâces et gloire; allons lui chanter par reconnaissance
un Salve Regina.
L'armée victorieuse à la journée de Lépante aimait
à publier que Notre-Dame avait gagné elle-même la
bataille et ruiné les Ottomans.
Voilà, Philagie, ce qu'il faut faire désormais au sou
venir des faveurs et des bénédictions qui vous arrivent ,
ou qui déjà vous sont arrivées. Dites partout, à votre
oratoire, dites-le aux anges, aux hommes, dans les
compagnies, et le plus souvent que vous le pourrez,
que vous en êtes redevable à la Mère de bonté; que
4
— 110 —
vous avez des obligations infinies à Marie; qu'elle vous
a traitée et conduite comme son cher enfant , et choses
semblables.
Enfin, souvenez-vous des trente-cinq Ave Maria que
vous avez à dire aujourd'hui.
DEVOTION VIIe
Pour le trente-unième jour de Mars.
Ne refuser rien de ce qu'on nous demande raisonnablement
pour l'amour et au nom de Notre-Dame, à l'imitation du
savant Alexandre de Haies.
Après les trente-cinq Ave Maria qui se disent durant
cette Octave, voici, Philagie, le sujet d'une très-belle
pratique que vous pourrez exercer dans l'occasion : c'est
de ne rien refuser, quand on peut le faire, de ce qu'on
nous demande , ou donner tout ce que l'on peut quand
on nous en prie au nom ou pour l'amour et l'honneur
de la Mère de Dieu.
C'est ce que pratiquait saint Gérard, premier martyr
de Hongrie, prélat singulièrement affectionné à la glo
rieuse Vierge. Ses diocésains savaient la résolution qu'il
avait prise à ce sujet; les affligés et les prisonniers en
étaient avertis : d'où il arrivait que les uns et les au
tres obtenaient de lui tout ce qu'ils désiraient : assis
tance, délivrance, faveur, tout enfin. Il ne pouvait rien
— 111 —
refuser au nom de Marie. Pour l'amour de la Mère de
Dieu il accordait tout ; c'était la clé qui lui ouvrait son
cœur et ses coffres.
Le docte Alexandre de Halès avait pris aussi une pa
reille résolution; ce qu'ayant su un religieux de saint
Francois, qui d'ailleurs connaissait le mérite de ce per
sonnage, il lui fit part de la conviction où il était que,
s'il entrait en son ordre, il y ferait des merveilles pour
la gloire de Dieu , et il lui demanda , au nom et pour
l'amour de la sainte Vierge, de s'y rendre religieux. Il
se mit en devoir de le faire, de sorte que le religieux
obtint ce qu'il prétendait. Alexandre donc entra dans
l'Ordre, et Dieu bénit tellement son dessein, qu'il de
vint un personnage très-illustre en sainteté et en doc
trine, et l'une des belles lumières de l'ordre de Saint
François.
Paul Jove, évoque de Corne, au duché de Milan, ra
conte en la vie de François Sforce , duc de Milan , un
trait bien remarquable sur ce sujet. On amena à ce
duc , lors de la prise de Caseneuve , une fille de rare
beauté, qui, se voyant enfermée dans la chambre du
duc, qui d'ailleurs était assez libertin, jeta les yeux
sur une image de Notre-Dame proche du lit , et aussitôt
se prosternant à genoux, les mains jointes et les larmes
aux yeux, elle conjura le duc, au nom de la Mère de
Dieu et pour le respect qu'il devait à son image, de lui
sauver son honneur.
— 1-12 —
Ces paroles, animées de la puissance de la grâce di
vine et accompagnées de larmes, touchèrent si puis
samment ce brave seigneur, qu'il lui accorda de bon
cœur ce qu'elle demandait, et de ce pas la fit conduire
en assurance à ses parents.
Philagie, ce serait bien une bonne journée pour vous
si aujourd'hui vous preniez de pareilles résolutions de
ne refuser désormais aucune charité et telles bonnes
œuvres qu'on vous demandera au nom et pour l'amour
de la glorieuse Vierge. C'est le propos que vous prenez
dès cette heure. N'est-il pas vrai que vous dites .que
oui ? Je vous demande donc tout le premier, au nom
et à l'honneur de Marie , la Mère de Dieu , que vous
pratiquiez souvent les dévotions que vous rencontrerez
dans ce petit livre.
Il y en a beaucoup que vous pouvez pratiquer tous
les jours, les autres en certaines occasions ou à votre
dévotion, sans vous attacher scrupuleusement aux jours
et afin qu'on ne sache pas précisément celle que vous
faites à tel jour. Lorsque vous les aurez toutes prati
quées, vous les reprendrez une, deux et trois fois l'an
née, pour obliger d'autant plus la Vierge de vous aimer
que vous les pratiquerez plus souvent.
Voilà ce que je vous demande au nom et pour l'a
mour de Marie. Je tiens pour certain que vous ne vous
repentirez jamais de m'avoir accordé cette demande.
Elle est toute sainte, elle est facile pour l'exécution à
— 113 —
qui aime Marie, elle est tout-à-fait conforme aux in
clinations que vous avez pour son service. Et viendra
le jour de la glorieuse éternité, où vous bénirez l'heure
et le moment auquel vous aurez concu de si bons pro
pos, qui auront peut-être été la cause de votre félicité,
ou au moins qui auront coopéré à augmenter la gran
deur de la gloire en laquelle vous serez.
DEVOTION VHP
Poiar le premier jour d'-A.vril.
Honorer les reliques de la sainte Vierge, surtout celle qui est
au saint Sacrement de l'Autel, à l'imitation de saint Ignace
de Loyola.
Sainte Hélène et sainte Pulchérie, impératrices,
avaient une singulière affectioji aux saintes reliques
de la Mère de Dieu, également aussi saint Germain,
patriarche de Constantinople.
Philagie, qui en pourrait avoir ne saurait les honorer
assez. Mais comme il est difficile d'avoir de si riches
reliques, je veux aujourd'hui vous indiquer un précieux
reliquaire, si jamais il y en eût un, dans lequel il y a
assurément des saintes reliques de la glorieuse Vierge :
c'est l'adorable Sacrement de l'Autel. Car ce sacré Corps
du Fils de Dieu que nous adorons, et que nous croyons
être au saint Sacrement de l'Autel, a été originairement
— -114 —
formé de la précieuse chair et du sang de la Vierge
Marie, comme de l'uniqne matière dont il s'est servi.
Et ainsi que l'enseigne le docte Suarez, le Sauveur ne
quitta jamais cette première et originaire substance qu'il
reçut de sa Mère en sa conception. Il la retient encore
dans le Ciel, et partant elle est au saint Sacrement,
puisque c'est le même corps qui est au Ciel. C'est dans
ce sens que l'on peut entendre le mot de saint Augustin,
qui dit : Que la chair du Fils, c'est la chair de la Mère,
Caro Christi, Caro Mariœ.
Quoi de plus lumineux encore que ce qu'il dit sur le
Psaume 98 : Que de Marie il a pris sa chair, et cette
même chair il nous l'a donnée en viande pour notre
salut; De came Mariœ carnem accepit, et ipsani carnem
Mariœ nobis manducandum ad salutem dedit.
Mais qu'est-ce qui nous pourrait faire douter si cette
première substance que Jésus-Christ a prise de Notre-
Dame s'y trouve encore? Est-ce parce que les médecins
disent communément que la chaleur naturelle et autres
causes qui agissent par le dehors contre nos corps, lui
font consumer peu à peu l'humidité radicale et cette
première substance tirée de nos parents pour la répa
ration de laquelle nous prenons les aliments 1 Mais ces
mêmes médecins n'ajoutent-ils pas que cette première
substance est si forte qu'il n'arrive jamais, si ce n'est
peut-être en une extrême vieillesse, qu'elle se perde
entièrement? Ajoutons qu'il y a d'autres philosophes
— 115 —
et médecins qui croient qu'elle ne se perd jamais, et
que, nonobstant les diverses altérations accidentelles qui
y surviennent tout le temps que dure la vie , elle sub
siste toujours.
Ainsi donc il est évident que, d'une facon ou d'autre ,
la substance que le Fils de Dieu avait prise de sa Mère
se trouve encore en son saint Corps, par la raison qu'il
n'est pas arrivé à une extrême vieillesse. Et quand cela
ne "serait point pour les raisons susdites, il faudrait dire
toujours que cette première substance est en la sainte
Eucharistie, d'autant plus que là est le même Corps qu'il
reprit en sa résurrection. Or, saint Thomas, saint Bo-
naventure et quelques autres théologiens assurent que
chaque homme doit reprendre en la résurrection la
matière et la substance dont il fut premièrement formé ,
soit qu'il l'ait perdue avant la mort, soit qu'il l'ait tou
jours conservée.
Philagie, voilà la sainte relique de la Mère de Dieu
que je désire que vous honoriez : aussi est-ce le gage
le plus précieux que nous ayons d'Elle. L'honneur que
vous lui pouvez rendre consiste en un ardent désir de
recevoir son cher Fils saintement et souvent en cet
auguste Sacrement de l'Autel, non seulement parce que
son saint Corps y est (ce qui est la fin principale), mais
encore parce que quelque partie de la chair virginale
de Notre-Dame se trouve en lui. D'où il arrive que,
nous unissant au Fils de Dieu, nous unissons aussi à
— 110 —
nous cette sainte relique de Marie : ce qui n'est pas
une petite consolation pour celui qui aime la glorieuse
Vierge.
Aussi nous lisons de saint Ignace de Loyola qu'il se
sentait doucement consolé à la pensée et en la considé
ration de cette vérité. Il dit : Je considérais que le Fils
et la Mère sont réellement en une même chair et en
un même sang, ou au moins que le Fils est une partie
de la substance de la Mère, et par cela même qu'à la
sainte Table je recevais la très-sacrée chair non seule
ment du Fils, mais aussi de la Mère; et que celui qui
s'en approche saintement s'unit et se fait une même chair
avec le Fils et avec la Mère. N'est-ce pas là, Philagie,
une douce pensée? Oserai-je dire que les anges sou
pirent après ce bonheur ?
Ce serait encore honorer cette adorable relique que
de visiter quelquefois à dessein le saint Sacrement, avec
cette principale intention d'aller honorer la précieuse
relique de la Chair de Marie qui se retrouve dans le
vénérable reliquaire qui la contient et qui -repose sur
nos autels , qui n'est autre que ce saint Sacrement.
(Arrivé là, il faudrait) faire quelque prière ou dévotion
particulière , comme nous faisons lorsque nous allons
visiter les lieux ou les Autels où reposent les reliques
des Saints. Pour arriver à ce but, commencez aujour
d'hui ou demain à faire une communion dans cette in
tention, ou bien à vous prescrire un certain nombre de
— 117 —
visites au saint Sacrement dans une même église ou
dans diverses.
N'oubliez pas aujourd'hui les trente-cinq Ave Maria,
pour remplir le nombre que vous aviez désigné de dire
durant cette Octave. Et comme c'est demain la fête de
saint François de Paule, puisque vous voudriez bien
communier, prenez de là occasion de recevoir et d'ho
norer la sainte relique dont je viens de vous entretenir.
— 118 —
CHAPITRE IVe
HUIT DÉVOTIONS A LA MÈRE DE DIEU POUR LA FÊTE ET L'OCTAVE
DE SES AMËRES DOULEURS, LE 16 AVRIL.
DÉVOTION PREMIÈRE.
Pour le seizième jour d'.A.vril.
Porter compassion aux douleurs que la sainte Vierge
a souffertes, à l'imitation de sainte Brigitte.
L'ordre de Citeaux célèbre cette fête sous le titre des
Douleurs de la Vierge, le 16 de ce mois. Quelques au
tres (l'observent) sous le nom de Notre-Dame de Pitié,
le vendredi avant le dimanche des Rameaux.
Je vous conseille, Philagie, d'en faire la mémoire au
jourd'hui, et de vous ressouvenir du glaive de douleur
prédit par le bon Siméon. Ce glaive douloureux outre-
perça bien avant le cœur de la Mère de Dieu , soit le
jour de la cruelle passion et mort de son Fils, soit aux
autres circonstances de ses souffrances et mystères dou
loureux. De là vient que la plupart des saints Pères et
Docteurs de l'Eglise ne font pas difficulté, en considérant
la grandeur de ses peines, de la nommer Martyre et
Reine des Martyrs.
— 119 —
Saint 'Bernard, en particulier, dit que les clous qui
perçaient les pieds et les mains du Fils de Dieu , péné
traient l'âme de la Mère, et que la lance qui n'endom
magea que la Chair morte du Sauveur trépassé , perça
l'Esprit de la glorieuse Vierge. Il ajoute qu'elle y fit
une ouverture si douloureuse, qu'elle n'eût pu survivre
davantage si Dieu ne l'eût réservée à de plus grandes
douleurs.
Mais je n'entreprends pas de vous dire la grandeur
de ses douleurs. Je n'ai d'autre dessein en rapportant
toutes les actions que vous pourrez faire en l'honneur
de la Mère de Dieu et de ses divers mystères, que de
vous conduire à la mémoire de ses douleurs très-amères.
C'est ce que je laisse à votre dévotion. Vous verrez
par ce que j'en dirai dans la suite, de ce que quelques-
uns ont fait à cette occasion , le bien que leur a pro
curé cette dévotion, résultat de la compassion pleine de
tendresse qu'ils ont eue envers la Mère de douleur.
Saint Grégoire-le-Grand , pour entretenir en lui-même
l'esprit de compassion aux Douleurs de la Vierge, com
posa le Stabat Mater dolorosa, prose où respire la dévo
tion, qu'il disait fort souvent, et qui, depuis, a été recue
de l'Eglise.
Sainte Brigitte avait une tendresse de cœur toute
particulière aux afflictions que la sainte Vierge avait
souffertes. Et ce qui lui avait profondément pénétré le
cœur de cette compassion, c'était une plainte amoureuse
— -120 —
que la Mère de Dieu lui fit du petit nombre de per
sonnes qui l'aimaient d'un amour sincère et véritable.
L'une des principales preuves qu'elle en donna, c'est que
peu de gens avaient le sentiment qu'il fallait de ses
douloureuses souffrances. En suite de cela, la bonne
Sainte se trouva plus que jamais portée à la pensée et
à la compassion du glaive de douleur de Marie par
l'accident heureux qui arriva a un personnage de grande
qualité. Une fois qu'elle priait à chaudes larmes pour
ce 'personnage dangereusement malade , et de noble
qualité au regard du monde quoique tout-à-fait rotu
rier devant Dieu , Notre-Seigneur exauça ses prières ,
car il lui commanda d'envoyer le prêtre qui était son
confesseur vers ce malade. Il y alla deux fois, et le
trouva toujours obstiné et résolu de mourir en cet état.
Brigitte lui ordonna, de la part de Dieu, d'y retourner
une troisième fois, et de lui représenter que Dieu était
prêt à lui pardonner et à le sauver s'il ne s'opposait lui-
même au pardon.
A ce troisième avertissement il se rendit. Dieu lui
toucha le cœur. Il avoua qu'il ne s'était jamais bien
confessé; qu'il avait vieilli en son péché; qu'il s'était
donné au diable, corps et âme ; qu'il l'avait vu visible
ment se donner à lui, et que jusqu'alors il avait quitté
tout soin de son âme et de son salut.
Le voilà donc prêt à se confesser. Et ce même jour
il se confessa à quatre reprises de tous les péchés de sa
— 12-1 —
vie passée. Le lendemain il reçut le saint Sacrement, et
six jours après il mourut saintement, plein de courage
et de confiance en la miséricorde de Dieu. Peu après,
Notre-Seigneur fit entendre à sainte Brigitte qu'il avait
été conduit en purgatoire, en suite de la contrition qu'il
lui avait gratuitement donnée, et qu'il avait été porté à
lui faire miséricorde par les témoignages de compas
sion qu'il donnait à sa sainte Mère toutes les fois qu'il
entendait parler des douleurs qu'elle avait souffertes.
Voici encore une preuve bien authentique de l'agré
ment que la Vierge reçoit à la mémoire de ses douleurs
et à la seule pensée que ses serviteurs en peuvent avoir.
Il y a en l'Eglise de Dieu un ordre de religieux appelés
Servites, ou les serviteurs de la Vierge. Il ne sont vêtus
que de noir, en témoignage des douleurs amères de leur
chère Avocate et du souvenir qu'ils en ont.
Au commencement de cet ordre, Notre-Dame apparut
aux sept premiers fondateurs , à chacun en particulier,
et en même temps environnée d'une très-grande lumière
et accompagnée d'un grand nombre d'anges. Elle tenait
d'une main un livre ouvert, qui était la règle de saint
Augustin, qu'elle désirait qu'ils gardassent; et de l'au
tre, un habit noir, qu'elle leur laissait comme une mar
que de la vie qu'elle avait passée en deuil, pleurs, dou
leurs et travaux.
Philagie, c'est à vous maintenant à choisir. Si la
prose de saint Grégoire ne vous convient pas, ne refu
— -122 —
sez pas , au moins aujourd'hui , quelques pensées et
soupirs de compassion aux Douleurs de notre chère
Mère. Les soupirs ne vous coûteront pas tant ! vous en
donneriez des centaines à la pensée d'une cuisante af
fliction qui arriverait à la personne que vous chérissez
le plus en ce monde. Si votre habit est noir, ce sera
mieux. Portez-le au moins aujourd'hui, par ce motif
qui est le même que les Servites ont en portant le leur,
et baisez-le sur cette considération. Tout cela est aisé.
Et puis dites que je ne vous fournis pas de dévotions
faciles pour acquérir les bonnes grâces de Marie ! Sou
pirer, baiser votre habit, vous ne me refuserez pas
cela.
DEVOTION IIe
Four le dix-septième jour d'_A_vril.
^
Prier la Mère de Dieu en se prosternant à terre, à l'imitation
de saint Albert.
Saint Albert, religieux du monastère de Saint-Crépin,
qui vivait l'an onze cent quarante , n'avait presque pas
d'autre pensée tous les jours que celle d'honorer la
sainte Vierge. Son cœur n'était point satisfait s'il n'a
vait accompli quantité de petites dévotions qu'il avait
entreprises- pour la prier. En voici une bien remarqua
ble : il faisait tous les jours cinquante inclinations , se
— 123 —
prosternant à terre tout le long de son corps, et à cha
cune de ses humiliations il disait un Ave Maria,
Je n'ai pas voulu, Philagie, vous taire cette prati
que, quoiqu'elle soit un peu difficile : car il vous est
utile de vous essayer de temps en temps, à quelques-
unes de celles qui sont les moins douces. Que pouvez-
vous craindre de vous prosterner à terre? De salir vos
habits? mais c'est par là, que vous vous parerez d'une
belle robe de gloire que la sainte Vierge vous prépare ;
c'est ainsi que vous honorerez le plus humblement que
vous le pourrez cette glorieuse Princesse que les anges
et toutes les créatures ne sauraient assez respecter, ni
lui rendre des honneurs qui puissent égaler ses mérites
et ses grandeurs. Et puis, qui vous empêche de jeter
ce qu'il vous plaira à l'endroit où vous vous prosterne
rez ; pourvu que vous vous humiliiez bien bas , qu'im
porte! Vous demeurerez en cette posture, et vous y
mettrez ou y resterez de nouveau tout autant qu'il vous
plaira, et vous direz a la sainte Vierge ce que vous
inspirera votre dévotion (pour elle).
Si c'est trop de cinquante inclinations pour un jour,
vous en diminuerez le nombre. Qui saura que vous fai
tes cela, que votre Ange, Marie et Jésus? Peu et bon,
c'est avant tout ce que Dieu veut et sa sainte Mère.
— 124 —
DÉVOTION IIP
Pour le dix-huitième jour d'.A.vril.
Entendre deux Messes en l'honneur de la Mère de Dieu,
à l'imitation de Sébastien, roi de Portugal.
Ce que ce grand et dévot roi de Portugal, Sébastien,
qui mourut à la guerre contre les Maures, faisait tous
les samedis en l'honneur de la Vierge, c'est, Philagie,
ce à quoi je vous invite aujourd'hui. Il entendait deux
Messes, dont il en servait une, tout roi qu'il était,
faisant pour cela quitter place au page qui la servait.
C'était un plaisir pour lui de tenir le flambeau .en sa
main à l'élévation de la sainte Hostie, afin, en adorant
le Fils, d'honorer la Mère, qu'il chérissait comme sa
bien-aimée et souveraine Princesse. Et comme ordinai
rement on dit que servir à la messe, c'est faire l'office
des anges, il voulait avoir ce bonheur en rendant ce
petit service à Dieu pour l'amour de sa Mère; et en
faisant l'office d'un ange , de la reconnaître et honorer
sous le beau titre de Reine des Anges.
Philagie , si vous savez et pouvez servir à la Messe ,
imitez ce bon roi. S'il ne vous est pas possible de le
faire, au moins entendez deux Messes à l'honneur de
votre chère Dame. Pensez aussi que vous n'êtes pas
digne d'être employée à cet honorable service dont les
anges s'estiment indignes.
_ 125 —
J'ai craint de ne pas vous indiquer toutes les sortes
de dévotions a la Mère de Dieu, il est vrai, mais j'ai
encore plus d'envie que vous ne vous contentiez pas de
la seule lecture de tout ceci , mais que vous la prati
quiez, pour avoir la consolation d'avoir fait envers la
Mère de .douceur ce que vous aurez su que les autres
ont fait pour elle. Vous n'avez point si peu d'amour
pour elle que vous permettiez qu'il soit dit que vous
ne l'aimez pas autant que les autres l'aiment.
DEVOTION IVe
Pour le dix-neuvième jour d'Avril.
Réciter les Litanies de la sainte Vierge et s'associer à ceux qui
les disent souvent, à l'imitation de plusieurs de ses dévots.
Qui n'a point d'affection à la Mère de Dieu devrait
réciter les litanies qu'on chante à Notre-Dame de Lo-
rette : bientôt il serait tout changé, car elles sont com
posées de tous les plus beaux éloges de la Reine du
Ciel. Toutes les plus riches figures de l'Ancien Testa
ment s'y trouvent, comme tout ce que les saints Pères
en ont dit de plus sublime. Quel moyen de prononcer
ces litanies et de penser à tout cela sans que le cœur
se rende à la tout aimable Mère pour se résoudre à
l'aimer ! J'ai dit ailleurs qu'elles contiennent encore
quelques titres d'honneur, tels que ceux de Mère aima
— 126 —
ble , Mère admirable , Vierge fidèle , et semblables ,
auxquels la sainte Vierge prend un plaisir indicible.
Philagie, aujourd'hui récitez-les avec plus d'attention
que jamais , pour avoir part à la consolation de ceux
qui y trouvent une dévotion ravissante. Et si déjà
vous n'êtes pas de l'association de ces litanies, le cœur
me dit que vous avez envie de vous y ranger.
Cette association est une sainte ligue de quelques
dévots de la Vierge , qui , désirant recueillir ses faveurs
pour être assistés à l'heure de la mort par son entre
mise, récitent tous les jours les susdites litanies, les
uns pour les autres à cette fin. Vous pouvez vous in
corporer aussi à cette association : car, sans autre
forme de réception ni de règle, il n'y a qu'à vous unir
de cœur et d'intention à ceux qui font ce que je viens
de dire; et puis, tous les jours, réciter ces litanies,
afin d'obtenir de la Mère de Dieu pour vous et pour
eux la grâce de bien mourir.
Quelques-uns ajoutent après lesdites litanies l'oraison
de saint Joseph : cela est bon, comme aussi de se pres
crire un certain temps , tous les jours , pour cette dé
votion. Faisant ainsi, on est plus assuré de ne jamais
manquer à un exercice si profitable.
C'est une louable invention d'amour pour la sainte
Vierge, dont le fruit est le désir qui est suivi de l'effet
d'une belle et heureuse mort. Nous ne saurions assez
faire pour parvenir sûrement h ce salut. C'est pour
— 127 —
cette affaire de la bienheureuse éternité qu'il faut avoir
et se procurer, à quelque prix que ce soit, des amis
et des aides, surtout celle de la Mère de bonté et de
miséricorde.
DEVOTION Ve
3?otir le vingtième jour d'.A.vi*il.
Dire l'Office de la sainte Vierge, à l'imitation de saint Louis,
roi de France.
Philagie, dites-moi la vérité : ne prenez-vous pas un
indicible plaisir d'entendre les discours et les louanges
de la Mère de bonté? C'est ainsi que nous aimons à
parler des personnes que nous honorons, que nous
aimons, et à les louer. Vous ne sauriez donc vous re
fuser à réciter, si ce n'est en toutes les Fêtes, au moins
aujourd'hui , l'Office de la sainte Vierge : car c'est un
petit recueil des louanges de la glorieuse Mère de Dieu
depuis longtemps en vogue dans l'Eglise de Dieu. C'est
le bienheureux Pierre Damien, cardinal, qui l'a com
posé, ou pour mieux dire, mis en ordre, il y a plus de
six cents ans ; et depuis, l'Eglise s'en est servi.
Les premiers qui embrassèrent cette dévotion , ce
furent les religieux de saint Benoît, qui continuent à le
dire inviolablement. Les Pères Chartreux se soutiennent
dans leur ferveur par la même dévotion. L'histoire a
— 128 —
rendu populaire le fait suivant. Leur ordre se perdait
en diminuant insensiblement; il fallait qu'il tombât faute
de personnes qui eussent la volonté d'y entrer. Ils s'a
dressèrent à la Mère de Dieu ; lui promirent, selon que
le leur avait conseillé saint Pierre, de la part de Notre-
Dame , que désormais ils diraient le petit Office. Ils la
conjurèrent de les assister et de conserver leur ordre.
Ils n'eurent pas plutôt commencé à dire l'Office de la
Vierge, qu'aussitôt voilà de tous côtés des gens coura
geux qui demandent à être reçus. Et depuis lors, jamais
les vocations n'ont fait défaut chez eux. Et il y a déjà
plus de cinq cents ans * que la sainte Vierge leur con
tinue cette assistance particulière.
Ce fut encore la dévotion de saint Louis, roi de
France. Quelqu'affaires importantes qu'il eut, jamais il
ne manqua de dire tous les jours l'Office de la sainte
Vierge. Saint Charles Borromée en fit autant à deux
genoux. Saint Vincent Ferrier entreprit cette dévotion
dès sa jeunesse, et il n'y manqua pas un seul jour de
toute sa vie.
En ce temps-ci, il y a beaucoup de personnes de l'un
et de l'autre sexe qui s'obligent volontairement à le
dire tous les jours , et d'autres au moins à toutes les
fêtes.
* Le Père de Barry écrivait ceci l'an 1645. On peut aujourd'hui
encore faire le même éloge de l'ordre des Chartreux, puisqu'il
n'a pas besoin de réforme.
— 129 —
Je conseille fort à ceux qui trouvent les Messes lon
gues, soit aux fêtes, soit aux autres jours, pour ne
savoir pas s'occuper, d'entreprendre à dire en ce temps
l'Office de la Vierge. Ce serait pour eux une utile oc
cupation et prière pour la demi-heure de la Messe.
Ainsi, d'une part, ils seraient délivrés des distractions
qu'apporte l'ennui d'une Messe, et de l'autre, ce serait
un motif pour se faire aimer de Notre-Dame, qui re
connaît et agrée les moindres petits services. Encore
faut-il quelquefois s'accommoder à notre faiblesse, et
tirer des moins dévots ce qu'on peut et leur donner occa
sion d'être aimés de la Mère du bel amour, qui épie le
temps favorable à secourir les siens, comme l'a remarqué
saint Anselme.
Il raconte le bonheur qui arriva, environ l'an huit cent
quarante, au frère du roi de Hongrie, pour avoir été soi
gneux de dire tous les jours l'Office de la sainte Vierge.
Le jeune prince était désireux de vivre en ecclésiastique;
néanmoins , par l'importunité des siens , il se vit con
traint de prendre en mariage une jeune dame accomplie
en beauté autant qu'on le peut imaginer.
Le jour de ses noces étant arrivé , et la messe étant
finie et la bénédiction nuptiale donnée , il se souvint
qu'il n'avait point encore ce jour-là dit l'Office de la
Vierge. Alors il congédie ses gens, s'arrête seul à l'é
glise pour payer son tribut ordinaire à la Mère de Dieu.
Comme il récitait l'antienne : Belle et agréable Fille de
— 130 —
Jémsalem..., Notre-Dame se présente à lui, accompa
gnée de deux anges. Elle lui fait ce touchant reproche :
« Eh bien! mon fils, puisque tu avoues que je suis si
belle et si agréable , pourquoi m'as-tu quittée pour une
autre? En effet, ne trouves-tu pas que je suis plus belle
que ta nouvelle amante? pourquoi m'as-tu délaissée? »
Le prince ne savait que répondre, tant il était étonné.
Mais dès qu'il se fut un peu rassuré, il dit : — « Il est
vrai, Madame, que votre beauté et vos perfections sur
passent de beaucoup les beautés de toutes les plus ex
cellentes créatures; mais quel moyen de réparer la faute
que j'ai commise! Me voici engagé : il ne m'est pas pos
sible de reculer. — Si tu as le courage, reprit la Mère
de Dieu , de quitter pour l'amour de moi celle dont il
s'agit et d'honorer mon Immaculée Conception, tu m'au
ras pour Epouse dans le ciel, et je te promets une riche
couronne au royaume de mon Fils. »
Cela dit, elle disparut; et ce prince, résolu à tout ce
que le Ciel désirait de lui , s'enfuit secrètement et se
cacha dans un monastère voisin ; de là, passant en Italie,
il y fut créé patriarche d'Aquilée. Il vécut si saintement
en cette dignité , qu'on jugeait assez qu'il ne pouvait
qu'être béni du ciel et de la terre, puisque d'ailleurs
il était sous la conduite de la Mère du saint amour.
Quant a lui, sa plus grande joie et sa plus douce con
solation étaient de continuer a réciter tous les jours
l'Office de la sainte Vierge; car il était convaincu que
— 131 —
tout son bonheur et sa plus riche fortune étaient la
récompense de cette dévotion , à laquelle il s'était si
bien affectionné dès les premières et innocentes années
de sa jeunesse.
DÉVOTION VP
1© vingt-unième joui* d'_A.vril.
Dévotion à la sainte Vierge pour le soulagement ou la déli
vrance des âmes du Purgatoire, à l'imitation de sainte Bri
gitte.
Hélas! Philagie, qui échappe à ces flammes qui ne
diffèrent, comme disent les Docteurs, de celles qui brû
lent les damnés que pour le regard de la durée , et de
la résignation qu'elles laissent en l'âme à prendre tous
ces tourments de la main amoureuse de Dieu ! Peu de
gens échappent à ces étranges ardeurs, et ceux qui sont
en ce lieu où la justice divine purifie les âmes qui atten
dent le ciel, ne sont pas soulagés si puissamment ni
délivrés sitôt pour l'ordinaire que par les prières et la
faveur de la Mère d'amour.
Que ne devrions-nous donc faire pour son service ! que
ne voudrions-nous avoir fait pour elle au jour où nous
serons environnés de ce feu dévorant I Partant , Phi
lagie, et aujourd'hui et souvent, à l'exemple de sainte
Brigitte, priez la Mère de miséricorde de vous être une
— 132 —
mère de bon secours à ce sujet, soit pour vous un jour,
soit pour quelqu'autre qui souffre déjà ces peines. Fai
tes quelque prière vocale ou autre à cette intention;
car il n'y a pas de doute qu'elle soulage plutôt, parmi
de si pénibles souffrances, ses dévots plus particulière
ment que les autres.
Elle les soulage ou par elle-même, ou par les anges.
Elle les console parmi les flammes, en leur promettant
une prompte délivrance ou leur procurant la diminu
tion des peines.
C'est ce qu'elle dit un jour à sainte Brigitte, l'assu
rant qu'il n'y avait pas de peine en Purgatoire qui, par
son moyen, ne fût adoucie. Une autre fois elle lui ajouta
que, par son entremise et par ses prières, les peines du
Purgatoire étaient à chaque instant mitigées pour ceux
qui s'y trouvent.
Comme la sainte priait une fois la sainte Vierge pour
un cavalier fort dévot et qui avait fait des aumônes abon
dantes, la Mère de bonté lui fit savoir qu'à sa considéra
tion et à sa prière, quoiqu'il fut condamné à diverses
peines bien grandes , elle lui avait obtenu la délivrance
de trois ou quatre des plus fâcheuses, — de l'effroyable
vision des démons, de la confusion que lui causaient les
reproches de sa vie passée dont il était inquiété par les
diables, et du froid glacé des étangs, où il était préci
pité pour satisfaire à ses froideurs au service de Dieu.
Que quelqu'un dise maintenant qu'il importe peu
— 133 —
d'être si exact à s'acquitter des dévotions à la Mère de
Dieu ! Qui ne voit le bien qui en résulte ! Pliilagie ,
laissez dire le monde. Quoi qu'il vous en coûte, rendez-
vous Marie favorable. Priez-la souvent pour les âmes
du purgatoire; la charité que vous leur ferez, vous sera
rendue un jour.
Je connais un serviteur de Dieu qui dit bien souvent
les litanies de la sainte Vierge pour ces âmes souffran
tes; toutefois c'est en ajoutant ceci : Ora pro nobis et
pro detentis in purgatorio. Cela veut dire que vous en
pouvez faire autant.
DÉVOTION VIP
Pour le vingt-deuxième jour d'Avril.
Dévotion aux mystères de la Vie de la sainte Vierge,
à l'imitation d'Amédée, comte de Savoie.
Philagie, je suis tout ravi de l'invention d'amour en
vers la sainte Vierge et les mystères de sa Vie que le
pape Boniface Huitième fit paraître lorsqu'il se trouva
à son départ de cette vie. Pour mériter, après sa mort,
la particulière protection de Celle qu'il avait chérie et
honorée toute sa vie, il ordonna qu'on l'ensevelît dans
une belle aube qui lui appartenait, où tous les princi
paux mystères de la Vie de la même Vierge étaient
représentés dans un bel ouvrage de soie relevé d'or
4.
— 134 —
fin. La bienheureuse Vierge fit assez paraître que cette
invention de son amour pour elle lui avait été agréable,
car elle conserva plus de trois cents ans le corps mort
de son serviteur sans aucune corruption, excepté un
peu au bout du nez, ainsi qu'on le vit à l'ouverture
qui fut faite de son sépulcre, l'an 1606.
L'invention d'amour envers les Mystères de la Vie
de la sainte Vierge que fit paraître Amédée, comte de
Savoie , l'an treize cent cinquante-six , n'est pas moins
remarquable. C'est lui qui a institué l'ordre de l'Annon-
ciade que la sérénissime royale maison de Savoie donne
a la noblesse qui se rend digne de cet honneur, pour
honorer, non-seulement le mystère de l'Annonciation,
dont l'image est au collier de l'ordre, mais aussi les
quinze Mystères de la Vie de la sainte Vierge, auxquels
il était très dévot.
Ce bon prince ne voulut pas que les chevaliers pas
sassent le nombre de quinze. C'est pour le même sujet
qu'en la fondation de la chartreuse de Pierre Chastel ,
qui est sur les confins de la Savoie , il ordonna qu'il y
eût toujours quinze religieux prêtres qui , tous les
jours, offriraient à Dieu leurs Sacrifices pour sa pros
périté et celle de sa maison , comme aussi pour la
conservation des chevaliers de l'Ordre.
Mais on peut ne s'attacher qu'aux mystères qui ne
concernent que la Vie de Notre-Dame. Il n'y en a que
neuf, savoir : sa Conception, sa Nativité, sa Présenta
— 135 —
tion, son Mariage, son Annonciation, sa Visitation, son
Enfantement , sa Purification et son Assomption.
Je sais une princesse qui était affectionnée de tout
son cœur à ces neuf Mystères : c'est Marguerite d'Au
triche, femme de Philippe III, roi d'Espagne. Quand
elle était proche de ses couches , elle faisait dire neuf
Messes consécutives en l'honneur des neuf principaux
Mystères de la vie et mort de Notre-Dame. Elle-même
y assistait fort dévotement. Au jour de l'Annonciation,
elle servait de ses propres mains neuf pauvres femmes
en l'honneur de ces mêmes mystères.
Philagie, ne sauriez-vous pas trouver quelqu'autre
invention pour honorer les Mystères de la sainte Vierge ?
Au moins, dites aujourd'hui quinze Ave Maria, ou fai
tes neuf actes d'amour de Marie, et dites sept Pater et
Ave en l'honneur de ses sept principales Fêtes, à l'imi
tation d'une bonne Chinoise convertie, à l'occasion de
laquelle et de la susdite dévotion Notre-Dame fit son
premier miracle à la Chine, en la délivrant d'un danger
évident de mort.
DEVOTION VHP
Pcmr le vingt-troisième jour d'Avril.
Parler souvent de la Vierge et publier ses louanges,
à l'imitation du dévot Berkman.
Vive saint Bernard ! Toute sa grande joie, c'était les
— 136 —
louanges de la sainte Vierge et de parler d'elle. Au
sermon de l'Assomption, il dit : « Il n'y a rien qui ra
visse tant mon cœur que quand il me faut parler de la
Mère de Dieu. » Tous les affectionnés à la Vierge ont
un cœur et une langue faite comme celle de ce favori
de Marie.
Les délices les plus chères du bienheureux Stanislas,
novice de la Compagnie de Jésus, c'était de parler de
sa bonne Mère ; c'était aussi celles du dévot Jean Berk-
man, de la même Compagnie. Il était heureux de ren
contrer des amis comme lui dévoués h Notre-Dame;
son grand plaisir alors était de la louer à l'envi de la
manière la plus élogieuse. Et quand les autres avaient
épuisé la matière, il trouvait encore de nouveaux éloges.
Le Père Alphonse Salmeron , l'un des dix premiers
compagnons de saint Ignace de Loyola, prêchait tous
les samedis en l'honneur de la Mère de Dieu.
Le Père Jacques Rhem, de la même Compagnie, qui
mourut à Ingolstad en renom de sainteté , avait institué
une confrérie de l'Annonciation de la sainte Vierge,
dont le but principal était de parler et traiter souvent
de la sainte Vierge.
Le Père Francois Retza , de l'ordre des Frères prê
cheurs, enseignant la théologie, ne manquait point,
tous les samedis, d'entonner les louanges de la glorieuse
Vierge; la moitié de sa leçon était sur cette matière.
Hemingues, évêque en Suède, grand dévot de la Mère
— 137 —
de Dieu , qui vivait au temps de sainte Brigitte , com
mençait tous ses sermons par quelque trait à la louange
de la sainte Vierge. Aussi la sainte Vierge révéla à
sainte Brigitte qu'en reconnaissance de la dévotion que
ce prélat lui témoignait en ses prédications, elle lui
servirait toujours de Mère, l'assisterait à l'heure de la
mort, et présenterait elle-même son âme au jugement
de Dieu.
Philagie, si je vous propose tous ces affectionnés de
la Vierge, c'est afin que vous les imitiez dans les occa
sions en ce qui vous sera le plus convenable.
Je n'ai rien dit de ceux qui ont employé leur plume,
leur esprit et leurs pensées, a publier et chanter les
mérites et les louanges de la Reine du Ciel : la liste en
serait trop longue. Cependant, je ne veux pas omettre
le trait de sainte affection pour la Vierge du dévot
Père Joseph Anchieta, de la Compagnie de Jésus. Il
composa la Vie de la glorieuse Vierge en vers , et la
continua jusques à quatre mille cent soixante vers :
ce qu'il entreprit, non-seulement pour louer sa chère
Dame , mais encore afin que , ne roulant dans son esprit
que des pensées et des mérites de la sainte Vierge, elle
lui conservât son âme et son corps dans le désir et la
pratique d'une sainte chasteté.
Philagie , ce sont là des serviteurs de la Vierge qui
sont bienheureux d'avoir si bien employé leurs langues
et leurs plumes. Ne sauriez-vous avoir ce bonheur, au
— 138 —
moins tout un jour, que de ne parler que de la Mère
de dilection? Commencer par elle , finir par elle , rom
pre tout discours par amour pour elle, qui ne ferait
cela pour elle quand ça se peut faire adroitement et
prudemment ! C'est forcer, mais avec douceur, le Cœur
de la Mère du bel amour à nous aimer.
Essayez-le aujourd'hui, et vous sentirez votre cœur
doucement attiré à saisir souvent la même occasion.
Essayez , surtout aux environs des fêtes , de vous en
tretenir d'un si riche sujet , que les anges et les bien
heureux du ciel pénètrent si avant !
Si je vous invitais à vous obliger par vœu à ne parler
en certain temps que des louanges de Marie, comme
le faisaient jadis à Florence ceux qui étaient de sa
confrérie, qu'on appelait « les Voués aux louanges de
la Mère de Dieu » , vous auriez raison de ne pas
m'écouter; mais je ne vous demande que d'essayer
aujourd'hui, et aux bonnes Fêtes de la Vierge, com
bien le cœur éprouve de contentement et de joie à
parler de Marie, à raconter ses rares louanges et ses
admirables perfections.
— 130 —
CHAPITRE V
HUIT DÉVOTIONS A LA MÈRE DE DIEU POUR LA FÊTE ET L'OCTAVE
DE NOTRE-DAME DES MARTYRS, LE 13 DE MAI.
*-
DÉVOTION PREMIÈRE.
IPour le treizième jour de JVIal. •
Fléchir cent fois le genou pour honorer la Vierge, récitant
un Ave Maria à chaque génuflexion, à l'imitation de saint
Albert.
Autrefois l'Eglise faisait en ce jour, par le comman
dement de Boniface IV, la fête de Notre-Dame des
Martyrs, comme étant leur Princesse, leur Reine, et
plus que Martyre. Depuis, cette fête fut transférée au
jour de la Toussaint par Grégoire IV.
Néanmoins les dévots de Marie ne laissent pas que
de l'honorer en ce jour encore, en sa qualité de Prin
cesse des Martyrs, puisque le glaive lui a causé des
douleurs qui ont surpassé de beaucoup les douleurs et
les tourments que les martyrs ont soufferts. Ceci est
aisé à concevoir par l'amour qu'elle portait à son cher
Fils. Elle seule aimait davantage ce Fils bien-aimé que
tous les hommes ensemble n'ont jamais aimé leurs en
— 140 —
fants. Et comme la mesure de la douleur se prend de
la mesure de l'amour, et que les douleurs intérieures
sont plus cuisantes que les extérieures, dans quels ex
cès, dans quels abîmes de profondes et amères douleurs
devait être plongé le Cœur si tendre, si aimant de la
Vierge !
Mais ce n'est pas là où je me dois arrêter, non plus
qu'à la belle troupe et compagnie des Martyrs qui re
connaissent la Vierge pour leur Reine. Le nombre de
cette victorieuse et triomphante armée est si grand, que
saint Grégoire dit que déjà, de son temps, il surpassait
de beaucoup le sable de la mer : Totum mundum , Fra-
tres, aspice : Martyribus plenus est. Jam pene lot qui
videamus non sumus, quot veritatis testes habemus; Deo
ergo numerabiles nobis super arenam multiplicati sunt,
quia quanti sint à nobis comprehendi non potest.
Dans la seule ville de Rome, il y en a plus de trois
cent mille , desquels cent quatre-vingt mille sont ense
velis au cimetière de Calixte. L'empereur Maximin, pour
sa part, en fit massacrer jadis en Egypte cent quarante-
huit mille. Qu'en dût-il être des autres parties du monde
où la persécution des ennemis de Jésus-Christ a tiré le
sang des veines de plusieurs millions de chrétiens ! Le
révérend Père Caussin en compte des plus connus jus
qu'à onze millions. Ne voilà-t-il pas une belle et bien
nombreuse compagnie'? Si tous ces glorieux athlètes
étaient distribués pour en faire la Fête à chaque jour
— 141 -
de l'année, il y en aurait trente mille pour chaque jour;
encore en resteraii>il plus de cent cinquante mille pour
le jour de leur grande Fête, à la Toussaint. Mais venons
à notre but.
Je n'ai exposé ces considérations qu'afin d'avoir un
motif tout particulier pour, aujourd'hui , honorer la
sainte Vierge en sa qualité de Reine de tous les Mar
tyrs. L'honneur que vous lui rendrez, s'il vous plaît,
sera celui même que lui donnait tous les jours saint
Albert, religieux du monastère de Saint-Crépin , dont
j'ai déjà parlé. Tous les soirs, il fléchissait les genoux
cent fois en l'honneur de la sainte Vierge, lui présentant
à chaque génuflexion un Ave Maria. Qui l'aimera tant
soit peu , trouvera assez de loisir d'en faire autant un
jour de sa vie, à diverses reprises, comme vingt-cinq
fois le matin , autant sur le midi , autant vers l'heure
de vêpres, le reste sur le tard. Je connais quelqu'un
qui, à l'occasion de la fête de ce jour, en faisant les gé
nuflexions susdites, salue la sainte Vierge par ce peu de
paroles : Ave, Regina martyrum. Mais cent fois, n'est-
ce pas trop? Saint Albert dit que non; et du ciel il
semble répondre qu'il en voudrait avoir fait cinq cents.
Je trouve qu'il est bien aisé d'en venir à bout. A celui
qui aime, tout est facile. Ce sont des actes de piété à la
sainte Vierge qui ont été pratiqués fort souvent par les
saints.
Sainte Catherine de Suède employait tous les jours
— 142 —
quatre heures à fléchir le genou jusqu'à terre , soit eu
adorant Dieu, soit en honorant la Vierge. Très-souvent
sainte Marie d'Ognies, dans les vingt-quatre heures de
quelques jours spécials qu'elle désignait , mettait onze
cents fois les genoux à terre pour honorer la Mère de
Dieu.
Philagie , que n'avons-nous de ces flammes qui em
brasaient le cœur de ces belles âmes?
DÉVOTION IIe
Four le quatorzième jour île Mai.
Au son de l'horloge, d'heure en heure, saluer la sainte Vierge,
à l'imitation du dévot Alphonse Rodriguez.
Le pape Léon X donne mille jours d'indulgence à celui
qui récitera , quand l'horloge sonne l'heure , un Ave
Maria pour saluer la Mère de Dieu et se recommander
à elle. Son dessein était d'inviter les dévots de la sainte
Vierge à la pratique de cette dévotion, à toutes les heures
du jour. Et en effet, en plusieurs lieux il y a des per
sonnes qui y manquent rarement.
Le dévot Alphonse Rodriguez, religieux coadjuteur de
la Compagnie de Jésus, pratiquait exactement cette dé
votion , même aux heures de la nuit. Il avait ce don
spécial de Dieu, de s'éveiller chaque fois que l'horloge
sonnait les heures.
— 143 —
Philagie, ce que ceux-là font tous les jours, ou pour
le moins fort souvent, ne le voulez-vous point pratiquer
au moins en un jour de votre vie? Prenez-en donc au
jourd'hui et de bon matin la résolution ; et priez Dieu,
la sainte Vierge et votre bon Ange de vous donner les
pensées et la réflexion de le bien faire, et l'attention
pour vous en acquitter aux heures qui sonneront. Il est
vrai qu'il est un peu malaisé d'avoir la pensée fixement
arrêtée et l'attention aux heures; mais aussi il est vé
ritable que si on vous avait promis durant un jour, à
toutes les heures quand l'horloge sonne, cent pistoles,
vous ne perdriez pas une heure de tout ce jour, et à
chacune d'elles vous y seriez parfaitement attentive et
demanderiez aussitôt votre paiement. Qu'il est vrai qu'il
n'y a qu'à le vouloir ! Le temps viendra qu'on trouvera
qu'une douzaine de saluts faits à la Mère de Dieu auront
apporté un plus grand gain et profit que si on avait mis
dans sa bourse vingt-quatre mille pistoles .*
Mais quel moyen, si je me trouve en compagnie, de
dire, à toutes les heures, l'Ave Maria? — Dites-le tout
bas, sans qu'on y prenne garde : cela est bon. — Mais
on aura telles affaires à traiter et desquelles on ne pourra
se dispenser pour cette dévotion secrète? — Je veux
m'accommoder à tout ce qu'il vous plaira. Si donc vous
* Saint Liguori, qui est l'un des plus grands Docteurs dont
s'honore l'Église, avait coutume de dire qu'un Ave Maria (bien
récité) valait plus que le monde entier.
— 144 —
ne pouvez dire un Ave Maria tout entier, ne dites que
les trois ou quatre premiers mots : vous ne sauriez vous
en dispenser. Ce peu de mots sont bientôt dits.
Tant de bons serviteurs de Dieu et de sa sainte Mère
le font ainsi, d'une façon ou d'une autre : voyez si vous
voulez en faire partie. Il ne tiendra qu'à vous. Si vous
me croyez, vous le ferez ainsi; et le faisant plus que
d'un jour, vous en pourriez prendre tellement l'habitude,
que la mort venant à sonner l'heure de son horloge,
vous mourriez en disant l'Ave Maria. Pourriez-vous
faire une mort plus glorieuse?
DEVOTION IIP
Pour le quinzième jour de Mai.
Au commencement des actions les plus importantes , saluer la
sainte Vierge par un Ave Maria, à l'imitation de sainte Ca
therine de Suède.
Philagie, il s'agit de commencer toutes nos actions
par un Ave Maria. C'est l'essai que vous devez faire
aujourd'hui , à l'imitation de plusieurs qui l'ont pra
tiqué ainsi tous les jours.
Saint Elzéar fut de ce nombre. Ses prières étaient
fort fréquentes; n'importe ! il les commençait toutes
par un Ave Maria. — Sainte Catherine de Suède pas
sait plus avant : non-seulement ses prières, mais aussi
— 145 —
toutes ses actions n'avaient d'autre commencement qu'un
Ave Maria qui leur servait d'entrée. Même, si on la
consultait sur quelque affaire, elle disait tout bas un
Ave Maria avant que de répondre. Elle le disait avec
tant d'adresse que l'on n'y prenait pas garde.
Saint Francois de Paule , tout petit enfant qu'il était ,
voulant saluer ses père et mère ou leur dire quelque^
chose , commençait toujours par ces deux mots : Ave
Maria. C'est ce qu'il continua le reste de sa vie en
tous ses discours. A son invitation, ses chers enfants
ne s'entre-saluent ou ne parlent jamais ensemble qu'a--
près avoir, avec ces mêmes mots, présenté le salut à la
Vierge. Il y a quelques autres familles religieuses qui,
en certaines rencontres, observent cette louable cou
tume.
Philagie , oserais-je vous inviter de ne commencer
vos actions les plus importantes et les plus sérieuses
que par un Ave Maria? Saint Francois de Paule, dont
je viens de vous parler, commencait ordinairement ses
longues prières et ses veilles de la nuit par le chapelet.
C'est qu'il avait appris par une longue expérience com
bien il lui était avantageux d'avoir gagné les faveurs
de la Mère de Dieu.
Au moins ne manquez pas, dans les grands accidents,
à recourir par ce salut à la sainte Vierge. Habituez-
vous a cela; c'est le vrai moyen que Dieu bénisse tou
tes vos entreprises. L'histoire rapportée par les Anna
5
— 146 —
les de l'Ordre de Saint -François en fournit une belle
preuve.
Il y est dit qu'une demoiselle fort dévote à la sainte
Vierge avait coutume de ne pas permettre que deux
enfants qu'elle élevait sortissent de la maison que pre
mièrement ils n'eussent récité la Couronne devant une
image de la sainte Vierge. Un matin donc, ces deux
petits enfants vont à l'école, selon leur coutume, après
avoir payé leur petit tribut à la Mère de Dieu. L'un
des deux en chemin s'amuse sur le pont de la rivière
et tombe dedans. On tâche aussitôt de le secourir : on
le voit perdu. Cependant quelqu'un court vers la mère
pour lui donner la nouvelle du malheureux accident.
La voilà avertie. Sans s'effrayer, elle s'en va à l'image
où les enfants avaient coutume de prier, lui dit un Ave
Maria et recommande son fils , puis elle va au pont.
Comme elle est en chemin, elle apercoit son petit qui
vient au-devant d'elle sain et sauf. Il lui dit pour la
consoler que Celle qu'il avait prié le matin l'avait tiré
des eaux et délivré de la mort. Quelle joie pour cette
bonne mère !
Philagie, à quoi attribuerez-vous cette merveille? ou
à la dévotion à une image de la Vierge , qu'il est bon
d'avoir en sa chambre pour se recommander à elle et
la prier souvent; ou au chapelet de la Vierge que ces
petits enfants avaient dit; ou à l'Ave Maria que la mère
offrit à la Mère de Dieu sur la nouvelle d'un si pénible
— 147 —
accident; ou à tout cela ensemble. Tant il est vrai que
la -Mère incomparable en miséricorde ne délaisse jamais
ceux qui la servent et qui l'invoquent dans les occasions.
DÉVOTION IVe
Pour le seizième jour de Mai.
Dire trois fois i'Ave Maria de la manière que la sainte Vierge
l'enseigna à sainte Mechtilde, à l'imitation de la même sainte,
pour obtenir la grâce de bien mourir.
Philagie, voici un trait tout particulier de la con
fiance que sainte Mechtilde avait en sa chère Maîtresse.
Il faut bien , lui dit-elle, ma bonne Mère, que vous as
sistiez à ma mort, que vous me donniez le courage de
passer heureusement ce pas. — Je le ferai , répartit la
sainte Vierge ; mais je veux aussi que tous les jours
tu me présentes trois Ave Maria a, cet effet, ajoutant à
chacun ce que je te dirai.
Après le premier, tu me feras cette prière : O ma
Souveraine, sainte Marie, comme le Père Eternel vous
a investie de sa toute-puissance, soyez-moi favorable à
l'heure de la mort, et par votre force très-efficace éloi
gnez alors de moi les puissances des ténèbres !
Après le second, tu me feras celle-ci : O ma Souve
raine, sainte Marie, comme le Fils de Dieu vous a rem
plie de la science de la lumière divine, de sorte que tous
— 148 —
les habitants des deux sont éclairés par votre entre
mise, faites qu'au moment de ma mort mon âme soit
revêtue de cette lumière de la foi , et qu'elle ne soit
pas obscurcie par les ténèbres de l'ignorance ou de
l'erreur !
Après le troisième, tu me feras celle-ci : O ma Sou
veraine, sainte Marie, comme l'Esprit-Saint vous a tel
lement remplie de la plénitude de sa douceur, qu'il a
rendu votre Cœur le plus doux des cœurs et le plus
compatissant de tous , versez alors dans mon âme une
telle douceur de charité qu'elle surmonte toutes les
souffrances et toutes les appréhensions qu'elle pourrait
avoir de la mort !
Puisque la sainte Vierge a donné et prescrit cette
dévotion , je ne pense pas , Philagie , que vous refusiez
de la pratiquer aujourd'hui, au moins une fois, d'autant
plus que vous aurez un pressant besoin de son assis
tance à l'heure de la mort.*
DEVOTION Ve
Pour le dix-septième jour de Mai.
Dire i'Ave Maria de la façon que la sainte Vierge l'enseigna
à sainte Gertrude, à l'imitation de cette même sainte.
Philagie, j'estime que vous prenez garde comme, du
rant cette Octave, je vous donne des pratiques qui con
— 149 —
cernent la dévotion au Salut de l'Ange à la Vierge.
C'est que mon dessein est de vous donner de l'affection
à cette riche prière. Et comme la variété plaît à plu
sieurs, si vous êtes de ce nombre, vous aurez de quoi
être satisfaite.
Voici donc encore une autre façon de dire l'Ave
Maria, que vous pourrez observer aujourd'hui, si cela
vous plaît et que vous y trouviez du goût. Vous en
ferez l'expérience , et elle vous sera agréable , parce
qu'elle a été enseignée à sainte Gertrude par la Mère
de Dieu de cette manière.
Elle lui dit que, lorsqu'elle prononcerait cette pa
role : Je vous salue, Marie, elle demandât du soula
gement pour ceux qui en même temps souffrent quel
que incommodité de corps ou d'esprit ; qu'en disant les
mots pleine de grâce, elle priât pour ceux qui n'ont pas
le goût qu'il faudrait de la grâce de Dieu, afin qu'elle
leur adoucît le cœur; qu'à ces paroles Je Seigneur est
avec vous, elle la suppliât, comme Mère de miséricorde,
d'obtenir le pardon aux pécheurs ; que , quand elle di
rait et le fruit de vos entrailles est béni, elle la suppliât
de s'employer soigneusement à l'avancement spirituel
des prédestinés; et au sacré nom de Jésus, de lui ac
corder la parfaite connaissance et le véritable amour
de son Fils bien-aimé; enfin qu'elle ajoutât toujours
ce mot : Jésus! c'est-à-dire Jésus la splendeur et la
clarté du Père, et la figure de sa substance.
— 150 —
DÉVOTION VIe
Pour le dix-huitième jour de Mai.
Dire le petit chapelet dès dix Plaisirs de la Vierge, à l'imi
tation de la bienheureuse Jeanne de France.
Ce chapelet est composé de dix Ave Maria et d'un
Pater qui se dit au commencement; quelques-uns ajou
tent à la fin un Ave maris stella.
Notre-Seigneur inspira cette petite prière à la bien
heureuse Jeanne de France , fondatrice de l'ordre de
l'Annonciade de Bourges. Elle voulait par ce nombre
rendre hommage aux dix principales Vertus de la sainte
Vierge, qu'elle nommait les dix Plaisirs de la Mère de
Dieu , tels que sont sa pureté , sa dévotion , sa pru
dence, son humilité, son obéissance, sa sincérité, sa
pauvreté, sa patience, sa charité, et sa conformité à la
volonté de Dieu. Des dix mille vertus de Marie, en
voilà dix. La sainte Vierge est rayonnante en vertus
et en perfections, comme le ciel l'est par la beauté des
astres.
Tôt tibi sunt dotes, Virgo, quot sidera cœli.
Cette dizaine suffit.
Cette dame disait tous les jours ce petit chapelet.
Philagie, dites-le aujourd'hui. Sa dévotion était in
croyable en le disant ; elle s'arrêtait surtout à ces deux
— 151 —
paroles : Ave, Maria, et à ces deux autres : Dominas
tecum. Elle donnait de ces chapelets à ses religieuses et
aux séculiers qui la venaient visiter, comme autant de
trésors célestes. Pour la pratique de cette même dévo
tion, elle faisait porter un cordon à dix nœuds à ses
religieuses; et pour en rendre l'usage plus fréquent,
elle obtint du pape Alexandre VI dix mille jours d'in
dulgence à celui qui dirait tous les jours ce chapelet.
Léon X les étendit après à dix mille ans.
Ceux qui aiment à servir la Mère de Dieu et les
dévotions courtes, disant que ce sont les meilleures,
ou qui à cause de leurs occupations ne peuvent pas
faire tant de prières, ne sauraient refuser cette dévo
tion courte, mais de grand profit. En faisant un tour
dans la chambre ou dans la galerie, elle est accomplie.
Philagie , je ne sais si vous aimez les longues ou les
courtes dévotions , je vous en présente de toute sorte :
aussi j'ai entrepris de vous rendre affectionnée à la
sainte Vierge. Pourvu que j'arrive à ce but, peu im
porte quelle dévotion aura servi.
— 152 —
DÉVOTION VIIe
l'ouï* le cUxi-neuvième joxir de JVTai.
Réciter la petite Couronne des Douze Etoiles en l'honneur de
la sainte Vierge, à l'imitation d'un grand nombre de ses
dévots.
La dévotion de la Couronne des Douze Etoiles est
fort aisée, beaucoup en vogue et admirablement profi
table. Je vous conseille, Philagie, de la dire, non-seu
lement aujourd'hui, mais encore tous les jours. Elle est
aisée à dire, car elle n'est composée que de trois Paler,
chacun suivi de quatre Ave Maria. Les trois Pater sont
à l'honneur de la très-sainte Trinité, qui, ayant fait la
Vierge ce qu'elle est, a fourni la matière de cette riche
couronne de douze Etoiles mentionnées en l'Apocalypse
(ch. xn), qui représentent les douze plus grandes excel
lences et faveurs de la sainte Vierge. C'est en l'honneur
de ce nombre qu'on dit ici douze Ave Maria.
L'attention à dire cette couronne est aisée. Au pre
mier Pater, on remercie Dieu le Père d'avoir choisi la
Vierge pour sa Fille; au second, Dieu le Fils de l'avoir
choisie pour sa Mère ; et au troisième, le Saint-Esprit
de l'avoir choisie pour son Epouse.
Quant à la croix qui est en cette petite couronne ,
on a coutume, à la fin, de dire sur elle le Credo.
Quelques-uns, ensuite, ajoutent le Salve Regina, puis
— -153 —
Sub tuum praesidium , et le verset Ompm nobis, sancta
Dei Genilrix , et puis enfin l'oraison Concede nos fa-
mulos.
La dévotion à cette couronne est en vogue, car le
nombre de ceux qui sont de son association et qui la
disent tous les jours, est très grand par tout le monde.
Ils la disent à cette intention et pour ces trois fins :
la première, pour remercier Dieu des faveurs qu'il a
faites à la sainte Vierge et au monde par son entre
mise; la seconde, pour demander par elle l'extirpation
des hérésies et des autres vices qui ravagent l'Eglise de
Dieu ; la troisième , pour obtenir une vie heureuse et
une bonne mort à tous ceux et celles qui sont associés
à cette dévotion et qui disent tous les jours cette sainte
couronne.
Pour être de cette association, il n'y a qu'à dire une
seule fois trois Pater et trois Ave Maria à l'intention
de tous ceux qui s'efforcent d'avancer cette dévotion ,
en témoignage du désir qu'on éprouve de coopérer avec
eux au service de la Vierge, pour le bien public et par
ticulier d'un chacun. Que s'il arrive que l'un des asso
ciés néglige ou s'oublie de dire quelquefois la susdite
couronne, tout l'inconvénient qui en résulte c'est qu'aux
jours qu'il y manquera, il est privé des indulgences
données en faveur d'elle et des prières que les autres
font ce même jour.
Elle est beaucoup profitable , comme on le voit par
— 154 —
ce qui arriva à un jeune homme qui, étant tombé entre
les mains des voleurs, qui déjà avaient égorgé ses deux
compagnons , voulaient lui en faire autant. Il leur de
manda le loisir de dire sa petite couronne. Ils l'exau
cèrent. Et comme il la récitait, ces voleurs virent une
belle Reine accompagnée de deux autres dames qui
étaient autour de lui. A chaque Pater qu'il disait, elles
cueillaient une rose vermeille , et à chaque Ave Maria
une rose blanche qui sortait de sa bouche. Les ayant
enfilées en un cordon d'or en forme de couronne, elles
la présentèrent avec un grand respect à leur Reine.
Celle-ci la posa sur la tète de celui qui s'était recom
mandé à elle, et puis elle disparut avec ses compagnes.
Les voleurs ayant apercu cette merveille, non-seule
ment laissèrent en liberté leur proie, mais encore ils
résolurent de changer de vie. Et celui à qui la sainte
Vierge Bavait fait cette faveur, en reconnaissance d'un
si grand bienfait, se consacra à son service le reste de
sa vie.
Vous seriez bien dans l'étonnement, Philagie, si, après
avoir pratiqué cette dévotion , la sainte Vierge vous
poussait à changer de vie! Tenez pour certain l'un des
deux , ou le changement de vie , ou , si la vie est telle
qu'il faut, une belle couronne que la Mère aimante
mettra sur votre tète un jour. A ce prix, refuserez-vous
de dire souvent la petite couronne?
— 155 —
DÉVOTION VHP
Pour le vingtième jour de Mai.
S'entretenir, ou savoir par cœur quelques traits de louange à
la sainte Vierge et les redire souvent , à l'imitation du bien
heureux Godric.
C'est aujourd'hui la veille de la fête du bienheureux
Godric, solitaire anglais, qui était l'un des chers nour
rissons de la Mère d'amour.
Un jour elle lui donna une belle pratique , dont,
Philagie , vous vous servirez aujourd'hui et aux beaux
jours de votre dévotion. Elle lui apprit un cantique,
et lui commanda de le dire , redire et chanter sou
vent quand il serait ennuyé. Elle ajouta qu'elle lui
accorderait tout secours, et qu'il s'en tint pour assuré.
Si vous le voulez voir tout entier, le révérend Père
Poiré le rapporte en sa Triple Couronne. Il suffit que
je vous cite ici la conclusion :
L'espoir qui va flattant mon cœur de joie
Me fait borner mes vœux,
Et dire : pourvu qu'avec Dieu je vous voie,
C'est tout ce que je veux.
Il vous est permis , Philagie , d'en faire un à votre
gré, court et affectueux. C'est le plus sûr; et puis
dites-le cent fois le jour : vous trouverez une conso
— 156 —
lation indicible en ces redites. Et si vous avez de l'en
nui, cet affectueux entretien sera capable de le dissi
per. Ne serait-ce que pour exercer votre mémoire,
apprenez quelque pièce qui soit à l'honneur et louange
de la Mère de bonté.
Le bienheureux Jourdain, de l'ordre de Saint-Domi
nique, faisant voyage, n'avait d'autre occupation que
de parler de la sainte Vierge ou de chanter des hym
nes et des cantiques en son Jionneur. Composer, ap
prendre par cœur, chanter, dire et redire quelque trait
de ses louanges, c'est un emploi digne des Saints et des
Anges.
Pour ce sujet, on a admiré l'affection du bienheu
reux saint Casimir envers la Mère de Dieu. Ce brave
prince composa un cantique de louanges à l'honneur de
sa sainte Maîtresse, cantique et prière qu'il disait tous
les jours. Il commanda que ce cantique fût mis sur son
cœur quand on l'enterrerait. On le trouva tout entier
sur sa poitrine l'an 1 609 , après qu'on eut ouvert son
sépulcre. Cette pièce si belle et si dévote est rapportée
en latin et en vers francais sur la fin de la Triple Cou
ronne.
Le cœur me dit, Philagie, que vous ferez quelque
pièce aujourd'hui qui témoignera du feu qui brûle pour
Marie dans votre cœur. Vous aurez le choix de dire
cent fois ce qui sera de vous ou d'autrui ; faites mieux,.
dites tantôt l'un et tantôt l'autre. Pourvu que votre
— -157 —
âme reçoive de la consolation et que vous aimiez Ma
rie, je suis on ne peut plus satisfait. J'ai déjà donné
par ici, par là, quelques traits de louange ou d'affec
tion envers la Mère de Dieu ; j'ai éprouvé de l'agrément
à les redire, de même que celui qui est au bout de l'é-
pître dédicatoire et celui qui termine la première pra
tique de l'Octave des Noces de Notre-Dame, en janvier.
Ce qui suit ne pourrait-il vous agréer?
O Dieu, que douce est la pensée,
Durant la nuit, durant le jour,
De l'âme qui se sent blessée
Des traits de la Mère d'amour !
ou bien ce commencement du susdit cantique de saint
Casimir :
Mon cœur, rien la nuit , rien le jour
Ne prenne part à tes pensées
Que Marie, à qui par amour
Tes libertés sont engagées !
— 158 —
CHAPITRE VI
HUIT DÉVOTIONS A LA MÈRE DE DIEU POUR LA FÊTE ET L'OCTAVE
DE SON AIMABLE CŒUR, LE 1er DE JUIN.
DEVOTION PREMIERE.
Pour le premier jour de Juin.
Avoir de la dévotion au sacré Cœur de la sainte Vierge, à l'imi
tation du bienheureux Herman, de l'ordre de Saint-Domi
nique.
Quelques dévots de la sainte Vierge, considérant la
dévotion de certains au Cœur de la Mère de Dieu, ont
dédié à la fête de ce saint Cœur le premier jour du
mois de juin; et par là ils ont peut-être voulu donner
à ce mois une fête de la Vierge, tous les autres mois
de l'année nous offrant quelqu'une de ses fêtes, excepté
celui-ci; ou bien ils l'ont fait pour donner plus de po
pularité à cette sacrée dévotion du Cœur de la Mère de
Dieu. Ils avaient sans doute égard aux grandes obliga
tions que nous avons tous à ce Cœur, la merveille des
cœurs. Peut-être encore est-ce a l'occasion de la fête
de la très-sainte Trinité, qui se rencontre fort souvent
— i59 —
les huit premiers jours de juin. Car il est très-certain
que la très-auguste Trinité a béni et chéri ce Cœur d'une
bénédiction et faveur toute extraordinaire.
Nous serons persuadé de ceci, si nous considérons ce
qui en est dit aux Révélations de sainte Gertrude. Un
jour de l'Annonciation, cette sainte vit, dans un ravis
sement divin , trois petits ruisseaux qui , tirant leur
source du Père, et du Fils , et du Saiut-Esprit, abou
tissaient et pénétraient d'une douce impétuosité le Cœur
de la Mère de Dieu, et qui après, se réfléchissant, re
tournaient à leur principe et origine. Et l'effet que pro
duisaient ces trois ruisseaux et ces trois divines influen
ces dans le Cœur de la Vierge, était que la Mère de
Dieu devenait toute-puissante après le Père, toute sage
après le Fils, toute douce après le Saint-Esprit.
Il semble donc convenable au temps où l'on fait la
fête de la très-sainte Trinité, qui a tant chéri et gratifié
le Cœur de Marie, de se souvenir aussi et de faire une
fête particulière de ce même Cœur.
Qui aura un bon cœur pour la Mère de Dieu, ne
trouvera pas mauvais, Philagie, qu'en votre particulier
vous honoriez durant cette octave le Cœur de votre chère
Mère. Que s'il est question de donner des preuves de
cette dévotion au sacré Cœur de Notre-Dame, lisez les
Chroniques de l'ordre de Saint-Dominique : vous y trou
verez que le bienheureux Herman, de cet ordre, alle
mand de nation, qui vivait l'an 1245, était très-affec
— 160 —
tienné à la Mère de Dieu , surtout à son bon Cœur :
cœur qui avait si tendrement et si ardemment aimé
Dieu ; cœur qui , par ses amoureux élans, avait avancé
l'exécution de l'Incarnation et nous avait attiré le Verbe
divin ; cœur le plus saint et le plus utile au genre humain
qui ait jamais été après celui de Jésus son Fils; cœur
qui eut un soin incomparable à élever le petit Jésus, et
à conserver toutes les paroles qu'elle entendit l'espace
de trente-trois années de la bouche de ce cher Fils ; cœur
nonpareil en constance et en douceur parmi les affronts
et les cruautés exercés sur son Enfant bien-aimé. En
l'honneur de cet aimable Cœur, ce saint religieux disait
tous les jours un Ave Maria. Il est croyable que sa dé
votion attendrit le Cœur de la Mère des bons cœurs ,
pour le secourir au besoin, principalemennt à l'heure de
la mort.
C'est à vous, Philagie, à choisir ce que vous voulez
faire aujourd'hui en -l'honneur de ce béni Cœur. Au moins
suis-je assuré que vous en ferez bien autant que ce bon
religieux. Cœur pour cœur, ce serait bien ce qu'il faut.
Mais le vôtre est un peu trop attaché et tient un peu
trop aux créatures : ce qui fait que je n'ose pas vous
inviter à offrir aujourd'hui ce petit esclave que vous
nommez votre cœur à la royale bonté et aimable dou
ceur du Cœur le roi des cœurs, et le plus vénérable de
tous après celui de Jésus.
Mon Dieu! que j'aime ces braves confrères de la
— 161 —
Congrégation de Notre-Dame, sous le titre de l'Annon
ciation, établie à Besançon ! Ils offrirent, l'an 1609, à
Notre-Dame de Montaigu , qui est honorée dans l'église
du collége de la Compagnie de Jésus de ladite ville,
un cœur d'argent, beau, riche et artistement travaillé,
la veille de la fête de l'Annonciation. La sainte Vierge
leur avait donné si souvent des témoignages de la ten
dresse de son Cœur, qu'ils ne savaient comment l'en
remercier. Ne pouvant donner leur cœur au jour où ils
renouvelaient les désirs et les résolutions qu'ils avaient
de la servir, ce que toutefois ils eussent fait bien vo
lontiers, ils lui offrirent un cœur d'argent, c'est-à-dire
le plus beau qu'il leur fût possible.
Mère de Dieu ! que j'honore ces messieurs de l'illus
tre et très-honorable Congrégation qui est érigée au
collége de la Compagnie de Jésus à Chambéry. L'an
mil six cent trente-deux, s'estimant obligés à la Mère
de Dieu d'avoir échappé à la peste et autres fléaux qui
avaient affligé la province, ils lui offrirent pareillement
un cœur d'argent , ailé et couronné d'étoiles et de crois
sants, d,'où sortait un livret d'argent couvert de pierre
ries éclatantes, dans lequel était écrits en lettres d'or
les noms de tous les confrères. Ils le portèrent en cet
état, solennellement, à Notre-Dame de Nians, qui est
à une lieue de leur ville.
Ces messieurs eussent volontiers donné des ailes a
leurs cœurs pour les joindre et les offrir au Cœur très
— 162 —
obligeant de leur chère Mère, Ces ailes n'étant point
encore prêtes , ils donnèrent des ailes à leur cœur d'ar
gent pour témoigner, autant qu'ils pouvaient, à leur
honorable Princesse et singulière Bienfaitrice ce que
leurs cœurs désiraient accomplir avec ardeur pour re
connaître aussi les bienfaits dont la bonté du Cœur de
leur chère Mère les avait comblés a l'infini.
Et vous, ma chère Philagie, ne trouverez-vous point
d'invention pour honorer aujourd'hui le sacré Cœur de
votre Bien-Aimée ? Vous contenterez-vous de faire seu
lement ce que faisait le susdit bienheureux Herman,
ou de l'offrande d'un cœur d'argent si vous en aviez
un tout prêt ? Faites plus que . tout cela , donnez-lui
votre cœur tel qu'il est, et dites-lui ce peu de paroles
qui valent bien des cœurs d'or et d'argent, mais dites-
les de bon cœur :
« O Marie, ô ma Reine, ô la Mère des bons cœurs!
voici mon cœur que je vous donne pour rendre hom
mage au vôtre. Enfin, après tant de longueurs et de
délais, je veux, à quelque prix que ce puisse être, tirer
de la captivité mon pauvre cœur, et trouver sa liberté
dans la dépendance de votre aimable Cœur et de vos
respectables volontés.
« Je proteste que mon cœur n'est plus à moi, mais à
vous, et que jamais je ne le reprendrai. Mon grand
bien sera dès maintenant, et désormais jusques aux
siècles des siècles, de vous avoir donné mon cœur, de
— -163 -
tâcher de vous plaire, et d'avoir part a la douceur et
à la bonté de votre sacré Cœur. »
O mon cœur! te voilà bien partagé d'avoir donné
tout ton amour en te donnant toi-même tout entier à
la Mère du saint amour et a la Mère des bons cœurs !
Que tes ardeurs puissent durer autant que le Cœur de
Marie, auquel elles se sont si saintement attachées et
éternellement consacrées comme sur l'autel du saint
Amour. Et pour comble de ton bonheur, faisant des
grands progrès en l'école du divin Amour, puisses-tu
devenir pour jamais une riche conquête de Jésus et de
Marie !
DEVOTION IIe
Pour le deuxième jour de Juin.
Faire de fréquents actes d'amour envers la Mère de Dieu, à
l'imitation du bienheureux Joseph Herman.
Ne me demandez pas, Philagie, les noms de ceux qui
ont pratiqué ces actes d'amour de Marie, le nombre en
est trop grand. Je serais en peine de vous les nommer
tous. Néanmoins sainte Brigitte, le bienheureux Joseph
Herman , Alphonse Rodriguez , et quelques autres , se
sont rendus signalés en ce témoignage du saint amour.
J'aime bien mieux que vous sachiez quels en sont les
actes dont on se peut servir, en quel temps et comment.
— -164 —
Pour le temps , le plus souvent c'est le meilleur. Qui
aime bien ne pense jamais assez à ce qu'il aime. Le
jour, la nuit, aux champs, à la ville, dans la maison,
hors de la maison , dans la conversation , en retraite ,
partout enfin il est bon d'élever son cœur à la Mère du
bel amour, et de lui dire : Douce Mère, je vous aime
de tout mon cœur.
Voilà toute la façon et cérémonie qui convient. Tout
ce qui rendra cet acte plus beau et plus agréable, c'est
si vous le dites deux cents fois le jour. Surtout, choisissez
un jour en votre vie qui ne soit que pour Marie. Dites-
lui alors cent et cent fois que vous l'aimez, et dites-le-
lui de toutes les meilleures manières que vous le pour
rez. Elle écoute tout, elle agrée tout, pourvu que vous
n'alliez pas jusqu'à lui dire comme le dévot Alphonse Ro-
driguez : Ma chère Mère, je vous aime plus que vous ne
m'aimez. Car elle dédaigna cet amoureux reproche, et
lui répartit sur-le-champ : Cela n'est pas vrai, Alphonse.
Hors de là, parlez-lui par les termes du saint amour
comme il vous plaira. Parcourez, si vous le voulez, tout
votre chapelet , et , à chaque grain , dites-lui que vous
l'aimez de tout votre cœur, tantôt plus que vos yeux,
tantôt plus que votre vie, tantôt plus que la lumière
du ciel, tantôt plus que votre santé, tantôt plus que
votre père, tantôt plus que votre mère, et ainsi des
autres créatures que vous chérissez. Changez , si vous
le voulez, à chaque grain la manière de vous exprimer,
— 165 —
selon les divers objets que vous aimez. Dites que vous
l'aimez plus que votre Ange gardien, plus que vos chers
amis du ciel , plus que saint Joseph , plus que tous les
anges ensemble, plus que tous les habitants de la céleste
Jérusalem, hommes et anges, pardessus toutes choses
après son Fils.
Ou bien dites-lui souvent , comme vous enseigne le
révérend Père Binet, ce que saint Augustin disait à
Dieu , ne changeant que la personne à laquelle vous
parlez : Je vous aime, ma chère Dame; et si c'est trop
peu, parce qu'en effet je vous aime bien faiblement,
obtenez-moi la grâce de vous aimer plus ardemment :
En amo te, ô Domina mea, et si parum est, imo quia
parum est amen validius.
Je connais un serviteur de Dieu qui dit fort souvent
à la sainte Vierge : Je vous aime pour votre beauté ,
ma bonne, ma rose,
Amo te quœ tam formosa,
Mea bona, mea rosa.
C'est aimer et parler bien hardiment que de nommer
la sainte Vierge sa toute bonne et sa rose.
Le bienheureux Joseph Herman est celui qui, le pre
mier, a voulu la nommer sa Rose. En vérité, Philagie,
voilà une expression bien hardie ! Si vous y trouvez à
redire, vous pouvez bien néanmoins excuser cette faute
de tendresse ; car la sainte Vierge , qui en est Tinté
— 106 —
ressée, ne laisse pas de l'excuser. En l'école de la Mère
de Dieu, tout ce qui paraît manquement ne l'est pas, et
pourtant si l'amour de Marie vous porte à en dire tout
autant, dites-le. Qui le saura? Et quand on le saurait?
Y trouve à redire qui voudra ! Il suffit que Marie l'a
grée. Pour couper court, dites-lui au moins :
Je vous chéris, la très-aimable,
La très-belle et très-agréable !
Dites-moi , Philagie , pourriez-vous passer plus sain
tement la journée qu'en de pareils actes, et à dire cent
et cent fois , tantôt d'une façon , tantôt d'une autre :
Mère de mon doux Jésus, je vous aime! Marie, Mère
de bonté, je n'ai d'amour que pour vous ! Mère du saint
amour, je vous aime vous seule plus que toutes les créa
tures ensemble !
Philagie, voilà bien de quoi choisir, ou bien prenez
tout. Vous aimez tant la sainte Vierge que vous avez
pour agréable tout ce qui la concerne, particulièrement
ce qui fournit des témoignages et des preuves de l'a
mour que vous lui portez. Dites-lui donc cent fois au
jourd'hui, et cent mille fois en votre vie :
Après Jésus, j'aime Marie,
Je la chéris plus que ma vie.
— 167 —
DÉVOTION IIP
Pour le troisième jour de Juin.
Faire de fréquents actes d'espérance et de confiance à la sainte
Vierge, à l'imitation du dévot Berkman.
Philagie, après Jésus, en qui sauriez-vous avoir plus
de confiance, et en qui mieux loger vos espérances
qu'en la Mère de la sainte Espérance? Prenez donc
cette bonne habitude des fréquents actes d'espérance en
elle. Aujourd'hui tâchez d'en faire autant que votre
dévotion vous le fournira.
Je vous ai dit ailleurs que Marie signifie espérance.
Dites - lui donc souvent : Marie , vous êtes ma chère
Marie ! ou bien , avec saint Bonaventure : En vous , ô
très-douce Marie, nous espérons; défendez -nous tou
jours, — In te, dulcis Maria, speramus; nos defendus in
œternum; ou, avec les termes plus expressifs du style
de saint Augustin : J'ai espéré en vous, ô Souveraine,
je ne serai pas confondu éternellement, —In te, Domina,
speravi , non confundar in œtemum ; ou , selon les affec
tueuses paroles du dévot Berkman, vrai Ange de la
Compagnie de Jésus : Si j'aime Marie, je suis assuré
de mon salut et de ma persévérance en religion; en
outre, j'obtiendrai de Dieu tout ce que je voudrai et
je serai tout-puissant.
Ce serait perdre mon temps de vouloir produire ceux
— 168 —
qui ont placé toutes leurs espérances , après Jésus , en
sa sainte Mère. Il ne faut que regarder toutes ces cha
pelles et églises miraculeuses qui se voient en tous les
coins de l'univers. La terre en est visiblement toute
couverte ; et les noms qu'on a donnés à ces chapelles
et églises font assez connaître que toutes les nations
du monde attendent leurs recours de la Mère de Dieu ,
qu'elles considèrent comme leur grande espérance.
Et pour ne mentionner que les noms qui sont au
tant de marques de confiance qu'on a en la sainte
Vierge, d'où viennent ceux de Notre-Dame de Lumière,
de Notre-Dame de la Garde, de Notre-Dame des Ver
tus, de Notre-Dame de l'Etoile, de Notre-Dame des
Remèdes, en Portugal; de Notre-Dame des Délaissés,
à Valence, en Espagne; de Notre-Dame de Guérison,
de Bonne-Rencontre, en Gascogne; de Notre-Dame de'
Grâce, en Provence; de Notre-Dame d'Espérance à
Aix; de Notre-Dame de Bon-Port, de Pitié, à Mar
seille ; de Notre-Dame de Vie, de Bon-Conseil , des Mi
racles, dans Avignon ou aux environs; de Notre-Dame
de Charité, de Toutes-Grâces , de Bonne-Nouvelle, de la
Victoire, dans Paris ou aux environs; de Notre-Dame
de Bon-Secours, à Nantes; de Notre-Dame la Secou
rante, de Notre-Dame de Bon-Port, à Dol, en Bretagne;
de Notre-Dame de Joie, proche de Péronne; de Notre-
Dame de Liesse, en Picardie; de Notre-Dame de Con
solation, en Flandre; de Noti*e-Dame de Paix, à Rome.
— 169 —
Et combien d'autres semblables en diverses provinces,
qui n'ont tiré ces noms que des secours qu'on a eus ou
attendus de la Mère de la sainte Espérance comme de
celle à qui tout le monde a recours.
Aussi, je ne veux pas quitter ce riche sujet sans
vous faire part d'un trait de la rare confiance et espé
rance qu'un de ses fidèles serviteurs avait en elle, quj
fut suivi d'un effet admirable du soin et de la provi
dence que la sainte Vierge a de ceux qui ont placé
toute leur espérance en sa maternelle bonté. Ce trait
est rapporté par Vincent, évèque de Beauvais. En voici
le narré, qui est digne d'éternelle mémoire.
Il y avait en Flandre un peintre fort dévot à Notre-
Dame; et d'autant plus il l'aimait, d'autant plus aussi
il haïssait son grand ennemi le diable. C'est pourquoi,
quand l'occasion se présentait, il le peignait sous la
forme la plus hideuse et la plus horrible qui lui était
possible. L'ennemi, ne pouvant souffrir cela, l'avait me
nacé d'en tirer vengeance. Il trouva son temps. Ce
peintre était monté sur un haut échafaud pour peindre
la voûte d'une église de Notre-Dame; après qu'il y eut
reproduit une très-belle image de la Vierge, comme il
peignait sous ses pieds Satan sous la figure la plus hor
rible, ce méchant Esprit, furieux dans sa rage, ébranla
puissamment le théâtre , de sorte que tout se renversa
à terre.
Le peintre, effrayé, tourna aussitôt sa pensée et son
5.
— -170 —
*
espérance, ses yeux et ses mains vers Celle pour la
quelle il travaillait : O merveille ! au même instant
l'image de la Vierge lui présente les bras et le soutient
jusqu'à ce qu'on lui ait donné du secours.
Ne fait-il pas bon, Philagie, placer son espérance en
un lieu si assuré? et n'ai-je pas bonne raison de dire
qu'il est bienheureux celui qui se confie à Marie?
Je ne saurais assez louer Louis de Bourbon , dit le
Duc, qui , l'an treize cent soixante-dix , instituant l'or
dre des Chevaliers du Cordon de Notre-Dame, com
manda qu'ils porteraient tous les jours une ceinture de
velours, couleur bleu céleste, doublée de satin rouge et
bordée en broderie d'or. Il ordonna encore qu'au grand
collier de l'ordre qu'ils devaient porter aux grandes
fêtes, ce mot d'Espérance y fut richement écrit en let
tres capitales. Comme ce bon prince avait mis toute
son espérance, après Dieu, en la très-sacrée Vierge Mère
de Dieu, il était bien aise que tout le monde le sût , et
que les provinces qui lui appartenaient en fissent autant.
Je ne prétends pas, Philagie, vous faire prendre la
ceinture et le collier de cet ordre, mais vous inviter
à graver bien avant dans votre cœur et à placer bien
souvent sur vos lèvres le mot Espérance, avec le même
dessein que ce bon prince le mettait sur sa ceinture de
velours. Si vous faites cela , vos actions et vos paroles
feront savoir à tout le monde qu'après Dieu, toute vo
tre espérance est en la Reine des Anges.
— 171 —
DÉVOTION IVe
Pour le quatrième jour de Juin.
Graver et former sur son cœur le nom de Marie, à l'imitation
du dévot François Binans, minime.
J'ai bien . envie , Philagie , puisque tout votre cœur,
tous vos amours et toutes vos espérances sont en Ma
rie, de vous donner de la dévotion à son saint Nom ,
afin que désormais vous l'aimiez de toute votre volonté.
Saint Bonaventure dit qu'il est bienheureux celui qui
aime ce Nom : Beatus qui diligit nomen tuum, beata Virgo.
C'est un Nom de salut pour les chrétiens, dit saint
Chrysologue. Ce nom, dit le savant Idiot, est par des
sus tous les noms, après celui de Jésus. Il n'y a sorte
de malheur ni de danger dont ce nom ne nous délivre,
dit saint Anselme.
Si ce Nom est si admirable et si digne d'honneur, il
faut donc bien lui rendre nos hommages. C'est ce que
nous ferons les quelques jours qui restent de cette Oc
tave, réservant quelques autres honneurs qu'on lui peut
rendre en diverses occurrences pour l'Octave de sa
Nativité , auquel temps environ lui fut imposé ce saint
Nom.
Pour le premier hommage que nous lui rendrons, je
ne veux que celui du dévot Père François Binans, mi
nime. Il grava les noms de Jésus et de Marie, tant il
— -172 —
aimait la Mère et le Fils, avec la pointe d'un canif sur
l'endroit de son cœur, ce qui lui causa une très-grande
douleur. Il voulait porter sur son corps ces Noms qui
étaient burinés bien avant dans son cœur. Ceci est ad
mirable et non pas imitable.
Aussi je ne prétends pas, Philagie, que vous graviez
de la sorte le nom de Marie sur votre cœur, mais seu
lement avec le doigt , à la façon que vous écririez votre
nom sur une table ou sur le sable. Et comme saint
Edmond formait le nom de Jésus sur son front tous les
soirs avant que de s'endormir, le soir donc, avant de
prendre votre repos, est le temps le plus favorable à
cette pratique. Ce vous sera aussi une occasion de vous
recommander à votre chère Mère, et de lui dire sur le
point de votre sommeil : Vive Marie, vive la gardienne
de mon cœur!
DÉVOTION Ve
Pour le cinquième jour de Juin.
Prononcer souvent le Nom de Marie, à l'imitation d'une
Japonaise.
La sainte Vierge révéla un jour à sainte Brigitte
l'honneur que son cher Fils avait voulu faire rendre a
son beau nom de Marie. Elle lui dit donc : Les Anges,
par la faveur de mon très-honoré Fils, entendant le
— 173 —
Nom de Marie, se réjouissent, bénissent et remercient
Dieu qui, par une merveille si grande, a uni sa divinité
avec notre humanité. Les âmes du purgatoire, en l'en
tendant nommer, en reçoivent quelque soulagement. Les
Anges gardiens sont fort satisfaits, et ils se joignent plus
intimement à ceux qui sont confiés à leur garde quand
ils prononcent ce Nom sacré. Les démons fuient et quit
tent leur proie à la seule prononciation de ce saint Nom.
Philagie, tout ceci vous invite a prononcer plusieurs
millions de fois le sacré Nom de Marie , votre unique
ment Bien-Aimée , durant toutes les années de vie que
Dieu vous donnera. Vous ferez plaisir aux anges, vous
soulagerez les âmes du purgatoire, vous chasserez loin
de vous l'ennemi.
Commencez aujourd'hui la douce redite de ce beau
Nom : elle vous sera agréable. Dites : Vive Marie,
j'aime Marie ! Ou bien, par forme d'oraison jaculatoire :
Marie, soyez-moi Marie !
Je n'ai garde de passer sous silence le beau trait de
cette dévotion rapporté aux Annales de la Compagnie
de Jésus. — L'an 1621, le baptême fut conféré à une
femme japonaise qui avait été tant adonnée au culte
d'Amida, dieu révéré des Japonais , qu'elle répétait en
son honneur ce nom jusqu'à cent quarante mille fois
tous les jours. A cette fin, elle se levait de grand ma
tin , car un esprit familier avait soin de l'éveiller et de
l'aider dans cette pratique. Dès qu'elle fut chrétienne,
— 174 —
elle changea cette superstition en dévotion, et s'obligea,
en reconnaissance de sa conversion , de prononcer au
tant de fois tous les jours les sacrés noms de Jésus et
de Marie. Comme le démon ne venait plus l'éveiller le
matin, son Ange gardien le remplaça volontiers dans
cet office, parce que Dieu prenait une grande satisfac
tion à cette simple et toutefois excellente dévotion.
Cent quarante mille fois par jour, c'est beaucoup,
c'est trop, si Dieu n'en donne la grâce particulière.
Philagie, combien de fois êtes-vous résolue de pronon
cer ce beau mot de Marie ! Choisissez un nombre satis
faisant. Quand il est porté à l'excès, il ôte la dévotion;
quand il est médiocre et qu'il est accompli sans em
pressement, il produit de la consolation, et témoigne
des tendresses de nos affections à la Mère de douceur.
DEVOTION VI-
Pour le sixième jour de Juin.
Réciter les psaumes de David et un cantique dont les premiè
res lettres forment le nom de Marie, à l'imitation du bien
heureux Joscio.
Les dévots de Marie ne se contentent pas de cher
cher des pratiques pour aimer et honorer sa personne ;
mais ils en veulent faire autant envers le sacré Nom
— 175 —
qu'elle porte , parce qu'ils savent que cette invention
peut accroître l'amour qu'ils ont pour elle.
C'est ce qui fait dire à saint Bonaventure : O louable
Marie! il n'est pas possible de prononcer votre Nom
sans vous aimer et sans être enflammé de votre amour ;
on ne saurait penser à vous sans en être réjoui et con
solé! Vous n'entrez jamais dans la mémoire de ceux
qui vous honorent, sans la pénétrer d'une ineffable
douceur !
Le bienheureux Joscio, religieux de Saint-Bertin, dé
sirant participer à ce bonheur, reçut l'inspiration de la
pratique suivante : il récitait tous les jours, à l'honneur
du beau Nom de Marie, le Magnificat, qui est le can
tique de la Vierge, avec le psaume cxix qui commence
ainsi : Ad Dominum cum tribularer; puis le psaume ni
de prime : Retribue servo tuo ; puis le psaume cxxv :
In cotivertendo ; puis enfin le psaume cxxn : Ad te le-
vavi oculos.
Il avait choisi ledit cantique et les psaumes qui le
suivent, selon cet ordre, parce que les premières let
tres de ces psaumes composent le nom de Marie. Il
commençait chacun de ces psaumes par un Ave Maria,
et le finissait par le verset : Post partum , Virgo invio-
lata permansisti; Dei genitrix, intercede pronobis; et puis
l'oraison Concede.
Pour ne pas vous donner la peine de chercher ailleurs
le susdit cantique et les psaumes, vous les trouverez
— 176 —
tous au petit Office de la sainte Vierge, au commence
ment de tierce, sexte et none. Quant au psaume Retri
bue, il est à prime du grand Office.
Philagie, selon votre loisir, aujourd'hui honorez ainsi
le nom de Marie; car, après le nom de Jésus, c'est
celui-ci que votre cœur chérit et honore le plus. Il
suffit de vous dire que la sainte Vierge agrée cette dé
votion ; car le bienheureux Joscio eh fut reconnu mira
culeusement de sa chère Dame. Après sa mort, deux
roses vermeilles sortirent de ses yeux, autant de ses
oreilles, et une de sa bouche, et sur chacune d'elles
était écrit le commencement d'un des susdits psaumes
et cantiques.
DÉVOTION VIIe
Pour le septième jour de Juin.
Réciter le cantique de la sainte Vierge et quatre oraisons ou
hymnes dont les premières lettres composent le nom de
Marie, à l'imitation du bienheureux Jourdain.
Invention sur invention pour honorer le nom de
Marie ! Je trouve que le bienheureux Jourdain, général
de l'ordre de Saint-Dominique, avait une dévotion pres
que conforme à la précédente.
Au bout de chaque psaume et du cantique, il fléchis
sait le genou jusqu'à terre. Mais un dévot personnage
— 177 —
de l'ordre de Saint-Benoît invitait souvent les serviteurs
de la sainte Vierge à se servir, au lieu des psaumes, de
quelques oraisons ou hymnes toujours pour honorer le
Nom de Marie.
Commencez par le Magnificat, puis dites : Ave, Regina
cœlorum; ajoutez le Regina cœli, l'oraison Inviolata et
l'Ave maris stella. Tout ce qu'il faut se trouve en ces
oraisons, et elles sont dans vos heures, excepté Inviolata
que voici :
Inviolata, integra et casta es, Maria,
Quœ es effecta fulgida cœli porta.
O Mater aima Christi carissima,
Suscipe, pia laudum prœconia.
Nostra ut pura pectora sint et corpora,
Te nunc flagitant devota corda et ora.
Tua per precata dulcisona,
Nobis concedas veniam per secula.
0 benigna! 0 Regina! O Maria!
Quœ sola inviolata permansisti.
Philagie , aujourd'hui honorez ainsi le beau Nom de
votre chère Mère, et à la fin de chaque oraison, hymne
et cantique, fléchissez le genou devant une image de
la sainte Vierge.
Résolument il faut honorer son saint Nom en toutes
les façons qui nous seront possibles, d'autant plus que
ses serviteurs ont fait la même chose et nous en ont
donné l'exemple.
— 178 —
Nous avons des preuves multipliées que Dieu agrée
et favorise ceux qui honorent et qui invoquent la sainte
Vierge par ce saint Nom. C'est un nom qui est un signe
de bonheur a ceux qui sont hors du vrai chemin quand
ils le prononcent.
Vincent, dévot prélat de Beauvais, raconte qu'une
Juive était depuis plusieurs jours en mal d'enfant, avec
des douleurs presque insupportables qui eussent pu la
conduire à la mort, sans pouvoir se délivrer de son
fruit. Dans cette extrémité, elle entend une voix qui
lui dit : Prononce et invoque le Nom de Marie, et tu
seras délivrée. Elle le fit , et la voilà aussitôt délivrée.
Les autres Juives, pour lui avoir entendu prononcer cet
aimable Nom, voulurent la faire mourir et la mettre
en pièces ; mais sa chère libératrice l'assista. Elle ne fut
pas ingrate, mais reconnaissante de cette faveur : car,
aussitôt après ses couches, elle se fit chrétienne; et
toute sa vie, elle aima la Mère de Dieu, et singulière
ment son sacré nom de Marie.
DÉVOTION VIIIe
l'ouï? le huitième jour de Juin.
Aimer tendrement et ardemment le Fils de Dieu notre Sauveur,
pour l'amour de sa sainte Mère, à l'imitation de sainte Bri
gitte.
Philagie, à l'Octave de la Fête du Cœur de la Mère
• _ 179 —
de Dieu, il faut bien vous inciter à aimer ce que ce béni
et amoureux Cœur a le plus ardemment chéri.
Aussi c'est l'avis que la sainte Vierge donnait un jour
à la bienheureuse sainte Brigitte : Ma fille, si tu me
veux obliger et me rendre quelque grand et agréable
service, aime mon Fils Jésus pour l'amour de moi ; aime-
le surtout pour l'amour de lui-même, attendu qu'il est
le plus beau et le plus aimable de tous les enfants des
hommes; le plus doux, le plus parfait, et le plus digne
d'être chéri, servi et honoré pardessus tout ce que tu
saurais imaginer.
Je ne veux pas à cette heure, Philagie, m'enquérir
pourquoi la sainte Vierge recommande si fort d'aimer
son cher Fils. Comme elle l'aime passionnément, elle
désire aussi qu'il soit aimé des autres de la même façon.
Et comme l'amour se chasse par un autre amour, elle
désire que le tendre amour de son Fils possède nos
cœurs, afin d'en bannir et exclure tout sentiment de
l'amour naturel et propre. Car, comme dit saint Bernard
sur les Cantiques, si le Fils de Dieu s'est revêtu de notre
chair, c'est afin que ceux qui n'avaient pas encore l'a
mour assez épuré pour aimer l'esprit, fussent attirés au
pur amour par celui d'une chair toute sainte et divine
qu'ils pouvaient innocemment aimer.
Philagie, une seule raison vous doit suffire pour aimer
Jésus avec ardeur, qui est que, puisque vous aimez
Marie, il est plus que raisonnable que vous aimiez autant
— 180 —
que vous pourrez tout ce qu'elle aime ; et d'autant plus
qu'elle aime quelque objet, d'autant plus aussi le devez-
vous aimer. C'est là l'une des lois fondamentales d'un
amour véritable et parfait , d'aimer tout ce que le Bien-
Aimé chérit. Or, vous savez assez le suréminent et non-
pareil amour dont Marie aime son cher Fils et aimable
Jésus. Aussi, je n'entreprends pas de vous le dire, non
plus que la manière d'aimer ce même Sauveur, soit par
la dévotion du saint Sacrement, soit par compassion à
la sainte Passion, soit par la vénération pour son saint
Nom, soit par les prières, les bonnes œuvres, les travaux
et les souffrances pour sa gloire.
Néanmoins, pour vous indiquer a mon ordinaire quel
que pratique, je vous conseille, pour l'amour que vous
portez à Jésus en qualité de Fils de Marie, de faire
quantité d'actes d'amour de Jésus, ou bien de dire votre
chapelet avec la pensée qu'avait celui dont il est parlé
en la Triple Couronne, qui , disant son chapelet , n'avait
que ces deux pensées : Jésus, Fils de Marie; Marie, Mère
de Jésus ! Ajoutez-y, si vous voulez: J'aime Jésus, Fils
de Marie; j'aime Marie, Mère de Jésus! Ou bien, vous
entretenant doucement avec Jésus et Marie , leur par
lant avec des paroles d'affection, comme faisait le dévot
Alphonse Rodriguez, répétez souvent ces paroles que le
même Jésus-Christ lui avait enseignées : Jésus et Marie,
mes très-douces amours, que je souffre, que je meure pour
l'amour de vous! que je sois tout a vous, et rien a moi!
— 181 —
CHAPITRE VII
HUIT DÉVOTIONS A LA MÈRE DE PIEU POUR LA FÊTE ET L'OCTAVE
DE SA CHARITABLE VISITATION, LE XI DE JUILLET.
DEVOTION PREMIÈRE.
Pour le deuxième jour de Juillet.
Visiter les églises et autres lieux dédiés à la, Mère de Dieu, à
l'imitation de saint Charles Borromée.
Philagie , au jour de la Visitation de la glorieuse
Vierge, faites de votre côté vos visites. Vous ne faites
pas de pèlerinages aux saintes chapelles de la Vierge :
voici vos petits pèlerinages; faites-les tous dans un jour.
Autant de chapelles ou çndroits dédiés à la sainte Vierge
qui sont aux lieux où vous aurez occasion d'aller, je
vous conseille de les visiter aujourd'hui, et de faire en
eux quelques courtes et dévotes prières à la bonne
Mère : ce sera le jour de vos meilleurs compliments.
Et si, à chaque visite, vous obtenez quelque grâce ou
vertu de la sainte Vierge, vous voilà riche dans un
jour.
Cette dévotion vous doit être d'autant plus recom
6
— 182 —
mandable qu'elle était gardée par le bienheureux car
dinal saint Charles Borromée, et qu'elle convient tout
particulièrement pour les jours de Fêtes , surtout de
celles de la Vierge. Car, comment saurait-on mieux
passer la journée et employer saintement les fêtes qu'en
rendant ces compliments à la Mère de Dieu , et la visi
tant dans les maisons de son domaine ?
Ce temps est bien mieux employé qu'en ces visites
longues qu'on fait aux accouchées, aux salles de bal,
aux réunions profanes où la dévotion, le temps, l'ar
gent , la pureté , la conscience se perdent pour l'ordi
naire ou courent grand risque de périls notables.
Ces saintes visites pour honorer la Mère de Dieu et
ces petits pèlerinages bien faits valent souvent plus que
les grands, qui sont sujets h tant de distractions.
En telle ville , en tel lieu , vous pourriez rencontrer
tant d'églises ou chapelles de la Mère de Dieu que vous
auriez peine de les visiter à l'aise dans un jour. Dans
Rome, il y en a quarante-six; dans Milan, il y en a
autant que de jours en l'année , et la plupart sont des
églises dédiées à la sainte Vierge. Dans Naples, il y en
a plus de quatre-vingts ; dans Marseille ou à la porte ,
il y en a soixante , et ainsi des autres villes qui ont de
grands ou pareils nombres d'églises dédiées à la Mère
de Dieu.
En tel cas, ne les visitez pas toutes dans un jour. Il
suffit qu'en celles où vous irez, vous visitiez votre chère
— 183 —
Mère avec l'amour et la charité qu'elle manifesta en
visitant aujourd'hui sa cousine sainte Elisabeth.
DÉVOTION IIe
Pour le troisième jour de Juillet.
Visiter souvent quelque lieu et oratoire où soit l'image de la
sainte Vierge, à l'imitation de la bienheureuse Victoire.
Choisissez , Philagie , ou de saluer tous les jours de
votre vie l'image de la sainte Vierge, ou de la placer
en quelque lieu particulier où elle puisse être honorée ;
ou bien, pour suppléer a cela aujourd'hui, allez souvent
l'honorer et faire devant elle quelque prière. Pour tout
avertissement à ce sujet, je n'ai qu'à vous dire que
celui qui aime Marie s'acquitte bien volontiers de ce
compliment.
La bienheureuse Victoire ne manquait point de saluer
plusieurs fois tous les jours une dévote image de la sainte
Vierge , sa bonne Mère , qui était dans l'enclos de son
monastère.
Qui empêche les personnes religieuses d'en faire autant
à quelque image de la sainte Vierge, de celles qui sont
par la maison , soit aux galeries , soit à l'entrée d'une
chambre, ou ailleurs ! Et s'il y en a plusieurs de telles,
puisqu'elles ne peuvent sortir, qui les empêche de les
visiter et saluer toutes? Pour suppléer à cette pratique,
— -184 —
observez que qui fait tout ce qu'il peut, fait ce qu'il
faut.
Les Avignonais sont remarquables et louables en ces
visites : tous les jours on en voit quantité aller à l'église
Notre-Dame des Dons , église fort ancienne et célèbre ,
pour donner le bonjour ou le bonsoir à cette glorieuse
Princesse. Quelque temps qu'il fasse, ou froid, ou chaud,
ils seraient bien marris de ne pas la saluer tous les jours.
Le dévot Berkman, de notre Compagnie, avant qu'il fut
religieux, allait souvent à Notre-Dame de Montaigu, qui
était à une lieue de sa ville, dans le plus parfait silence
et disant son chapelet. Après, étant au collége Romain,
où il y a une chapelle dédiée à la sainte Vierge, jamais
il ne manquait tous les jours de la saluer, de lui témoi
gner qu'il n'avait d'autre Dame et Maîtresse qu'elle, à
l'exemple de saint Bernardin de Sienne , qui a été l'in
comparable , même dès sa jeunesse , en cette dévotion
dont je parle ; car il allait tous les jours visiter et sa
luer une image de la sainte Vierge qui était en l'une
des portes de la ville de Sienne , lui offrant son cœur
comme à sa chère Maîtresse.
\
— 185 —
DÉVOTION IIIe
Tour le quatrième jour de Juillet.
Se priver de sommeil quelque veille de Fête de la sainte
Vierge, à l'imitation de saint Xavier.
C'est demain la fête des Joies de la glorieuse Vierge.
Comme nous voici a la veille, donnez-lui, Philagie, ce
soir quelques heures de votre sommeil. Pensez à ses
joies ; méditez quelque trait des mystères joyeux, selon
qu'il vous plaira, devant son autel ou son image, la
tenant à la main , debout ou à genoux , selon votre
dévotion.
Vous ferez plus que je ne vous saurais dire, si vous
vous remettez en mémoire le bien qui revint à saint
Ignace , notre patriarche , pour avoir passé la nuit ,
avant la fête de l'Annonciation, en prières devant l'au
tel de sa chère Mère à Mont-Serrat; et à saint Fran
çois-Xavier, qui passait fort souvent les nuits en collo
ques avec la sainte Vierge lorsqu'il travaillait aux
Indes; et à l'impératrice Pulchérie, qui, selon la sainte
coutume de son temps à Constantinople , les mardis et
mercredis, faisait sa dévotion en veillant dans l'église
de Notre-Dame.
— 18G —
DÉVOTION IVe
Four le cinquième jour de Juillet.
Se réjouir des faveurs de la sainte Vierge , à l'imitation de
saint Thomas, archevêque de Cantorbéry.
Puisque aujourd'hui, Philagie, quelques églises font la
mémoire et fête des Joies que la glorieuse Vierge a
reçues, je ne saurais offrir en ce saint jour de meilleur
sujet à votre entretien que de ces mêmes joies.
Ce fut jadis la dévotion de sainte Mecthilde; car,
comme cette sainte fille désirait offrir à la Mère de
Dieu quelque chose qui lui fût agréable , Notre-Dame
lui dit : Ma fille , fais-moi ressouvenir de la joie que
recut mon Cœur lorsque le Fils de Dieu sortit du sein
de son Père pour se loger dans mes flancs, et de celle
encore que j'éprouvais lorsque j'enfantais ce cher Fils
devenu le mien.
Saint Thomas, archevêque de Cantorbéry, disait tous
les jours sept Ave Maria en mémoire des sept joies que
la sainte Vierge reçut ici-bas lorsqu'elle était encore
sur la terre; savoir : l'ambassade de saint Gabriel, la
visite de sa cousine, la naissance de son Fils, l'adora
tion des Mages, le recouvrement, la résurrection et
l'ascension de ce même Fils.
Sur quoi Notre-Dame lui apparut, et lui dit qu'il
fallait encore se réjouir avec elle des joies qu'elle re
cevait dans le ciel. Elle ajouta qu'elle assisterait à
— 187 —
l'heure de la mort celui qui le ferait ainsi , et qui lui
donnerait cette joie et cette consolation, avec assurance
qu'elle aurait soin de son âme pour la conduire au
royaume de son Fils.
Elle ajouta de plus les points suivants, dont il fallait
se conjouir avec elle, savoir : de ce qu'aucune créature
ne la surpasse en gloire; de ce que l'excellence de sa
virginité surpasse celle de tous les Ordres, tant des
Anges que des hommes; de ce que les splendeurs de
sa belle face éclairent la sainte Sion comme un beau
soleil ; de ce que tous les citoyens de la céleste Jéru
salem l'honorent et reconnaissent comme la très-digne
Mère de Dieu ; du crédit qu'elle a sur toutes les volon
tés de son cher Fils, duquel elle n'est jamais éconduite;
du moyen qu'elle a d'avancer tous ses fidèles serviteurs ;
de ce que sa joie recoit et recevra toujours quelque
surcroît pendant toute la durée des siècles; de ce que
l'honnenr qu'elle recoit au Ciel ne durera pas moins
que toute une éternité.
Qui doutera , après cette recommandation , que la
sainte Vierge ne prenne plaisir et ne récompense la
pensée et l'honneur qu'on rend à ses saintes joies? Quoi
de pareil, en preuve de cela, que l'histoire qui est tirée
des Annales de Bancius.
L'an 1608, il y a environ vingt-six ans, * la sainte
* Le Père de Barry parle de l'époque où il écrivait.
— 188 —
Vierge apparut à un luthérien nommé Martin Gutric ,
natif de Cumberg, en Allemagne, l'avertissant qu'elle
le devait conduire au ciel la veille de Noël. Elle lui
ordonna de se réconcilier à l'Eglise catholique, et de se
disposer a ce passage par la réception des Sacrements.
Elle ajouta qu'il eût à s'adresser pour cet effet au Père
Frédéric Fournier, qui prêchait alors à Bamberg. C'est
ce qu'il fit.
Le Père, étonné de ce changement opéré par la faveur
de la Vierge, s'informe de ses bonnes œuvres et des
services qu'il pourrait avoir rendus à cette sainte
Vierge. Il apprit que tous les matins il récitait sept
fois l'Ave Maria tout entier à notre manière, et autant
de fois tous les soirs ; que son dessein était de rappeler
à la Reine des Anges l'honneur et le contentement
qu'elle avait reçus lors de l'Incarnation de son Fils. Le
Père jugea bien que c'était là ce qui avait ému les en
trailles de la sainte Vierge et qui l'avait incliné à assis
ter ce pauvre égaré.
Que dites-vous à tout ceci, Philagie? Mais que vou
lez-vous faire? Qui voulez-vous imiter de ces deux, ou
saint Thomas, ou ce bon converti? Ce n'est pas tant
que de sept Ave Maria à l'honneur de toutes les joies
que la sainte Vierge a jamais reçues !
— 189 —
DÉVOTION Ve
Pour le sixième jour de Juillet.
Reconnaître les faveurs et bénéfices reçus de la main de la
sainte Vierge, à l'imitation de sainte Mecthilde.
Nous avons tous des obligations infinies à la Mère de
Dieu : elles sont générales et particulières. C'est pour
nous un devoir de les reconnaître. Pour cela, je vous
conseille, Philagie, de dresser une liste des faveurs par
ticulières que vous croyez avoir rerues de la sainte
Vierge tout le temps de votre vie, après une sérieuse
considération que vous ferez aujourd'hui en votre ora
toire, à une heure favorable et destinée à cela. Encore
serait-il mieux si, après la susdite considération, vous
faisiez un bon-propos d'en dire grand merci de temps
en temps à votre chère Bienfaitrice.
Ou bien, aujourd'hui, faites ce que fit sainte Mechtilde,
qui, une fois qu'elle était en peine de savoir de quelle
manière elle témoignerait sa reconnaissance envers la
glorieuse Vierge, reçut cette instruction du Fils de Dieu.
Comme elle était toute triste de n'avoir rien fait encore
pour Elle qui méritât d'être considéré, le Sauveur lui
apparut et lui dit : Ma fille, pour toutes les faveurs que
tu as recues par l'entremise de ma chère Mère, loue la
rare fidélité avec laquelle elle a agréé et accompli ton tes
les volontés de mon Père, soit en ce qui me touche,
— 190 —
soit en ce qui la concerne; loue sa rare fidélité à me
rendre tous les services imaginables, et à ressentir au-
dedans de son âme tous les tourments que j'ai soufferts
en mon corps; loue encore sa nonpareille fidélité à
s'employer même maintenant à me gagner les âmes, et
l'assiduité dont elle use pour les ramener à mon bercail.
Philagie, puisque cette pratique a été dictée par la
bouche du grand Maître, nous aurions tort de la refuser,
et nous perdrions notre temps d'en chercher une autre
qui soit plus propre à reconnaître tant de bienfaits dont
la toute obligeante Mère de Dieu nous a obligés.
Louez-la donc comme il vient d'être dit, en recon
naissance de tant de bénéfices visibles et invisibles que
vous avez reçus de sa maternelle bonté. Vous en con
naissez bien quelques-uns maintenant, et vous ignorez
les autres. Au ciel tout vous sera découvert. Cependant
n'épargnez pas ses louanges. Que si vous ne savez com
ment la louer, dites alors quelques Ave Maria, en*
nombre égal à celui des bienfaits que vous aurez re
connu et marqué comme provenant de la sainte Vierge ;
ou bien, dites-lui cent fois aujourd'hui : Ma très-douce
Mère, grand merci de toufes vos faveurs; vive et vienne
le Ciel, qui me donnera le moyen de vous en remercier
durant toute l'éternité !
Après les paroles, passez aux effets. Voyez si vous
n'auriez pas de quoi donner à la postérité des témoi
gnages de votre reconnaissance pour les bienfaits les
— 191 —
plus signalés reçus de la royale main de la Mère de Dieu.
Les plus fidèles amants en ont toujours usé de la sorte.
Ladislas, cinquième roi de Pologne, après avoir rem
porté une victoire signalée sur les Prussiens, lui fait
bâtir un beau monastère à Lublin, en faveur des filles
de l'ordre de Saint-Sauveur, qu'il nomma le Triomphe
de la Vierge. Il témoignait par ce beau nom qu'il avait
triomphé sous les auspices de la sainte Vierge. Une autre
fois elle lui obtint la grâce du Ciel de convertir à la foi
chrétienne plus de trente mille païens. Aussitôt, plein
de reconnaissance à sa chère Protectrice , il fait bâtir
une maison dans laquelle il établit un beau chapitre et
une si grande quantité de chanoines et de chapelains,
qu'il n'y avait pas un seul moment, soit de nuit, soit de
jour, qu'on ne chantât continuellement les louanges de
la glorieuse Vierge aussi bien que celles de son Fils.
Mais pour ne mentionner que ce que nous avons vu
en nos jours, notre roi invincible et chéri du ciel et de
la terre, Louis-le-Juste, Louis le nonpareil, ne se fut
pas sitôt, à la faveur de la Mère de Dieu, rendu maître
et victorieux de la rebelle ville de la Rochelle , qu'il
entra dedans, et ordonna qu'on y bâtit une église à la
sainte Vierge sous le nom de Notre-Dame de la Vic
toire. Et il ne voulut pas sortir de là qu'on n'y eût
jeté les fondements et que lui-même de sa. main royale
n'y eût mis la première pierre.
Philippe III, roi d'Espagne, recut par les prières qu'il
— 192 —
fit à la Mère de Dieu la santé de son père Philippe II,
dangereusement malade, lorsqu'il fit son voyage d'Ara
gon. Tout aussitôt, par un mouvement de reconnais
sance, il offre à la même Vierge, en action de grâces
de la santé rendue à son père, deux belles couronnes
d'or fin, une pour le petit Jésus, et l'autre pour sa sainte
Mère.
DEVOTION VIe
3?our le septième jour âe Juillet.
Entendre ou faire dire des Messes de la bienheureuse Vierge ,
à l'imitation de Vaultier de Bibrac.
Le samedi, pour l'ordinaire, les dévots de la sainte
Vierge ne manquent pas d'entendre la Messe qui se dit
en son honneur. Et si leurs occupations ne permettent
point qu'aux autres jours de la semaine ils assistent a
ce divin sacrifice, néanmoins, comme le samedi leur est
un jour de fête, ils n'oseraient y manquer ce jour-là :
ils craindraient de manquer la Messe qui se dit à l'hon
neur de leur chère Maîtresse.
Philagie, je veux croire que vous entendez tous les
jours la Messe : il vous sera donc bien aisé de recher
cher l'occasion d'entendre celles qui se disent de Notre-
Dame, un jour au moins de cette Octave. Faites-le,
et quand même il vous en devrait coûter de l'argent
— 193 —
pour en faire dire une (ne reculez pas) ; si l'argent vous
manque, ce sera assez de prendre occasion de l'entendre.
Pour servir la Vierge et l'honorer, il ne faut pas
épargner la bourse : elle aura bien d'ailleurs le moyen
de vous enrichir. On ne perdit jamais pour avoir donné
aux pauvres ou aux églises quelque pièce d'argent à sa
considération. Le trait que je m'en vais raconter suffira
pour vous donner envie de pratiquer ce qui vient d'être
dit.
Vaultier de Bibrac, brave cavalier, et encore plus
brave serviteur de la Mère de Dieu, allait à un célèbre
tournoi auquel il avait été convié avec quelques autres
seigneurs. L'occasion s'étant présentée pour lui d'ouïr
la Messe sur le chemin, il les supplia de s'arrêter. Mais
comme ils craignaient d'arriver trop tard, ils s'excusè
rent et passèrent outre.
Cependant Vaultier descend de cheval, fait dire une
messe de Beata, et l'entend tout entière. S'étant recom
mandé avec confiance à la sainte Vierge et lui ayant
fait son offrande, il se mit en devoir de les suivre.
Comme il approchait du lieu destiné au combat, il
demanda à quelques-uns des seigneurs qu'il rencontra
si ce tournoi était commencé. Ceux-ci, sans le connaî
tre , répondirent que oui , qu'un certain Vaultier de
Bibrac faisait des merveilles , et qu'on ne parlait que
de lui.
C'est que la Mère de bonté, qui n'avait pas voulu
— -194 —
permettre 'que son serviteur souffrît la moindre perte,
même en une chose indifférente , pour lui avoir rendu
ce petit service, avait donné ordre à un Ange de com
battre à sa place, tandis qu'il vaquerait à sa prière et
à sa dévotion.
Qui le dirait, que la Mère de douceur agrée tout ce
qui se fait pour l'honorer, et que les secours et les ré
compenses, tôt ou tard, ne manquent jamais !
Il faut que je vous serve deux beaux traits plus mo
dernes que celui-là. Jean Nugnez, de notre Compagnie,
qui ,[pour ses rares mérites, fut fait patriarche d'Ethio
pie, avait de grandes peines à se résoudre de quitter le
monde et de faire choix d'une sainte religion. Ce n'est
pas que déjà il ne fût grand serviteur de Dieu et estimé
pour tel , puisque communément on l'appelait le saint
abbé; mais Dieu le voulait ailleurs.
Cependant, plus il priait, plus il éprouvait de plus
grands orages et de plus vives inquiétudes dans son
cœur. Ils ne cessèrent que lorsqu'enfin il appela tout
de bon la Mère de Dieu à son secours. Pour se la ren
dre plus favorable, il se proposa de lui dire un certain
nombre de Messes. Ces Messes ne furent pas plutôt di
tes, que la sainte Vierge lui apparut. Elle lui enseigna
la route qu'il devait tenir, de se ranger chez nous.
C'est ce qu'il fit, avec autant de bonheur et de promp
titude que de quiétude et repos d'esprit.
Jean Berkman eut un pareil succès dans le dessein
— 195 —
qu'il avait de quitter le monde. Quand il fut sur le
point de se résoudre pour le genre de vie qu'il embras
serait, il s'adressa alors à la sainte Vierge avec plus
d'instance que jamais. Il la pria de lui donner des
preuves de l'affection qu'elle lui portait. A cet effet, il
fit dire le plus de Messes qu'il put à l'autel Notre-Dame
de Montaigu , ce qui lui réussit selon qu'il souhaitait :
car la sainte Vierge ne tarda pas de lui faire connaître
que la volonté de son Fils était qu'il entrât dans la
Compagnie de ce même Fils.
DEVOTION VIP
Pour le huitième jour de Juillet.
Dévotion aiua Saints qui sont de la Famille ou parenté de la
sainte Vierge, à l'imitation de sainte Thérèse.
Qui ne sait la grande dévotion de sainte Thérèse au
glorieux saint Joseph , comme époux de sa chère Mère
la glorieuse Vierge? Je désire, Philagie, que vous ayez
une pareille dévotion à saint Joseph et aux autres
saints qui sont de la sainte Famille. de la glorieuse
Vierge, ou qui ont l'honneur de lui appartenir.
Tout à propos, durant cette Octave, vous pouvez
pratiquer cette dévotion pour imiter la même Vierge,
qui honora sa cousine sainte Elisabeth, saint. Zacharie,
— 196 —
saint Jean-Baptiste, en la visite qu'elle fit en leur
maison.
Je tiens pour certain que la dévotion que je vous
propose est bien agréable à la Mère de Dieu : témoin
l'amoureux reproche qu'elle fit un jour à un de ses dé
vots qui n'avait pas de dévotion pour sa mère sainte
Anne. Vous serez bien aise de savoir les particularités
de ce reproche.
La cathédrale de Reims est une église dédiée à la
Mère de Dieu et fort célèbre. Hors du chœur de cette
église, il y a un tableau assez ancien écrit en lettres
gothiques. Il y est dit qu'un Romain, fort affectionné
à la sainte Vierge, lui récitait tous les jours plusieurs
oraisons, nommément l'Ave Maria. Comme un jour il
était en prières, Notre-Dame lui apparut, et lui dit,
entr'autres choses, qu'elle eût désiré qu'il eût encore
prié et salué sa mère sainte Anne. Ce bon homme lui
ayant répondu qu'il ne savait pas de prière pour lui
dire, la sainte Vierge lui répartit : Quand vous serez'
arrivé à ces paroles de l'Ave Maria : et benedictus fruc-
tus ventris lui, Jesu, ajoutez celles-ci : et benedicta sit
sancta Anna mater tua, ex qua sine macula caro tua
processif virginea. Et puis poursuivez : Sancta Maria...
et le reste.
De peur d'un pareil reproche, vous qui aimez et
priez souvent la sainte Vierge, priez encore et ayez
quelque dévotion aux Saints et aux Anges qui ont eu
— 197 —
l'honneur de lui être plus proches. Vous savez que saint
Joseph a été son époux , sainte Anne sa mère , saint
Joachim son père, saint Gabriel son archange, saint
Jean l'Evangéliste son gardien et premier fils par
adoption , sainte Elisabeth sa cousine , saint Zacharie
et saint Jean-Baptiste ses parents.
Si vous ne savez que faire à l'honneur de ces Saints,
priez-les aujourd'hui tous ensemble; demandez-leur de
vous obtenir une cordiale affection pour Notre-Dame, et
donnez-leur une place dans vos Litanies particulières,
afin que, désormais, vous ayez occasion de les invo
quer souvent en qualité de favoris, parents et alliés de
votre souveraine Princesse et de la Bien-Aimée de vo
tre cœur.
DÉVOTION VIIIe
Pour le neuvième jour de Juillet.
Visiter les églises, chapelles ou autres lieux saints destinés à
honorer la mémoire des Mystères de la Passion de Notre-
Seigneur, à l'imitation de la glorieuse Vierge Marie.
A l'Octave de la Visitation de la sainte Vierge, il faut
se souvenir, à l'exemple de la même Vierge, de visiter
les lieux destinés à la mémoire de la passion de son
Fils. Il y a fort peu de villes où il n'y ait toujours
quelque église ou chapelle dédiée à quelque mystère
— 198 —
de la passion de Notre-Seigneur, au crucifix, ou (sim
plement) à la Croix, ou à l'Ecce-Homo , ou au Cal
vaire, ou autre semblable.
Il y a même quelques villes qui ont des petites colli
nes voisines qui leur représentent le Calvaire et les
autres lieux sanctifiés par les douleurs et tourments
que souffrit notre Rédempteur. Et les dévots à la
Passion du Sauveur les visitent les vendredis , et les
autres jours de temps en temps. Il y a aussi des mai
sons religieuses qui, dans leurs enceintes, ont de petits
lieux de dévotion et oratoires destinés à la mémoire de
tels de ces mystères, et les religieux ou religieuses y
vont en certains temps faire leurs petites stations et
dévotions.
Philagie, si aujourd'hui vous avez de pareilles occa
sions, faites-y vos visites et vos dévotions. En faisant
ainsi, vous serez agréable à la sainte Vierge, puisque
vous l'imiterez en l'une de ses plus tendres dévotions et
pratiques qui lui étaient ordinaires, comme on a su par
tradition, et selon la révélation qui en fut faite à sainte
Brigitte. « Elle allait, après ^'ascension de son Fils au
Ciel, visiter tous les jours les saints Lieux où le Sauveur
son cher Fils avait prié, ou souffert, hors de Jérusalem,
en -sa sainte passion. Elle faisait là ses prières, baisait
les endroits où il avait passé et souffert, surtout au
Calvaire et au Jardin où il avait sué si abondamment
son précieux sang. Elle y allait accompagnée des bon-
\
— 199 —
nes Dames dévotes qui étaient à Jérusalem. C'était là ses
chères délices de se rappeler ce que son cher Jésus avait
enduré, et de baiser les lieux où son Fils avait laissé
empreintes les marques de notre rédemption. »
Il ne faut nullement douter que ce ne soit une dé
votion agréable h la sainte Vierge, si nous en faisons
autant. Voici la preuve que je vous en donne , par le
récit de ce qui arriva à une sainte âme qui , comme il
y a apparence, visitait, à l'exemple de la sainte Vierge,
de semblables lieux.
C'est à la bienheureuse Zite, native de Lucques, qui
mourut l'an 1278. Au retour de la visite des saints
Lieux, qui sont hors de la ville de Lucques, se trouvant
fatiguée, elle s'assit près d'une fontaine. Comme il se
faisait tard , une Dame fort honnête se présenta à elle ,
et lui demande si elle ne voulait pas aller à la ville.
La bienheureuse Zite ayant répondu que oui , elles se
mirent en chemin; et s'étant entretenues de bons dis
cours jusqu'à la porte de la ville, elles la trouvèrent fer
mée. Mais comme elles s'en approchèrent de plus près,
elle s'ouvrit incontinent, de sorte qu'elles entrèrent.
Zite , étant près de son logis , fit ce qu'elle put pour
retenir cette brave Dame. Et comme elle la pressait
vivement, tout-à-coup elle disparut. L'affection tendre
que Zite sentit en son cœur envers la sainte Vierge, lui
servit de preuve certaine que c'était elle qui lui avait
fait cette faveur tant signalée.
— 200 —
CHAPITRE VIII
HUIT DÉVOTIONS A LA MÈRE DE DIEU POUR SES FÊTES DU SAINT
SCAPULAIRE , DES ANGES ET AUX NEIGES QUI SE RENCONTRENT
A LA MI-JUILLET ET AU COMMENCEMENT D'AOUT.
DEVOTION PREMIERE.
Pour le seizième jour de Juillet ou le cUïnaliclie
voisin.
Faire quelque mortification extérieure, à l'imitation des Con
frères du Saint-Scapulaire et de la bienheureuse Madeleine
de Pazzi pour le 16 de juillet, jour dédié au saint Scapu
laire.
Le bienheureux Simon Stok , Anglais de nation , dô
l'ordre des révérends Pères Carmes, fut celui à qui la
sainte Vierge donna le saint Scapulaire en récompense
du grand amour qu'il avait pour elle.
Une nuit qu'il était en prières devant une image de
la sainte Vierge , lui demandant quelque faveur pour
l'Ordre qu'elle avait choisi , tout-à-coup elle lui appa
rut dans une admirable clarté, au milieu d'une grande
troupe d'Anges. Elle lui donna le saint Scapulaire, et
elle l'assura que ce serait désormais le gage héréditaire
— 201 —
de l'affection qu'elle portait à l'Ordre et l'enseigne de la
Confrérie.
Depuis, on a pu se convaincre qu'elle a, en effet,
donné sa bénédiction à cette Confrérie. Il ne faut pour
cela que voir toutes les villes de la chrétienté où se
trouvent les Pères de cet Ordre; car où ils sont, ces
confréries sont en vogue, pour la consolation de ceux
qui portent ce saint Scapulaire et qui pratiquent les
règlements de la Confrérie.
J'ai rapporté ailleurs quelque trait de l'assistance de
la sainte Vierge envers ceux qui s'en acquittent comme
il faut. J'ajoute ici avoir connu un religieux qui, ayant
autrefois porté les armes , assurait que ni lui , ni six
autres de ses compagnons qui portaient tous le saint
Scapulaire de la sainte Vierge, ne furent jamais blessés
lorsqu'ils se rencontrèrent aux mêlées, aux mousque-
tades et autres occasions; tandis que quantité des au
tres soldats qui étaient avec eux furent souvent blessés.
C'est ce qu'il croit avoir été une faveur particulière de
la sainte Vierge, qui bénissait leur dévotion au saint
Scapulaire.
Philagie, si vous êtes de cette Confrérie, c'est un
bonheur pour vous. Peut-être n'en pouvez-vous pas
être. Quoi qu'il en soit, voici ce que je vous conseille
de faire aujourd'hui, à l'honneur de la sainte Fête que
font ces bons confrères.
Choisissez une mortification extérieure telle qu'il vous
— 202 —
plaira, et pratiquez-la pour l'amour de la sainte Vierge.
Il y en a un grand nombre qui font de semblables mor
tifications à son honneur au jour de ses fêtes , ou la
veille , ou en un autre temps : un tel prend la disci
pline, un autre porte le cilice, ou la haire, ou quelque
chaînette sur la chair nue; un autre visite l'hôpital;
un autre couche sur la dure; un autre prive ses yeux
de la vue d'un bel et agréable objet ; un autre se mor
tifie d'une facon ou d'une autre pour se faire aimer
de la Mère de bonté. Les jeunes enfants même s'en
mêlent.
Le bienheureux Jean Berkman, étant encore petit
écolier, se privait, à l'honneur de la sainte Vierge sa
bonne Mère, de ses petits déjeûnes et petites collations,
et puis on les trouvait par-ci par-là en la maison.
Toutes ces pratiques sont bien belles et agréables à
la Mère de Dieu. Car, entreprendre quelque mortifica
tion extérieure pour son amour, c'est un vrai moyen
pour avoir part à ses bonnes grâces , comme nous le
savons par ce que dit un jour la bienheureuse Made
leine de Pazzi, après un grand ravissement qu'elle avait
eu sur la considération de la glorieuse Assomption de
Notre-Dame. Tout-à-coup elle se prit à dire avec un
visage beau et lumineux : « Légèreté du corps , joie
du cœur, avidité en l'entendement, souvenir des bien
faits en la mémoire , pureté en l'intention , simplicité
dans. les actions, vérité dans les paroles, mortification
— 203 —
dans les sens, telles sont les qualités nécessaires a celui
qui veut monter à Marie. »
Il est croyable que la Mère du bel amour lui avait
donné tous ces avis. Philagie, prenez-les pour vous, et
Marie vous chérira plus que jamais.
DÉVOTION IIe
l?our le deuxième jour d'A.oût.
Communier le deuxième d'août, jour de Notre-Dame des Anges,
et à toutes les fêtes de la Sainte-Vierge, à l'imitation des
Milanais.
Philagie, en ce jour c'est la grande indulgence de
Notre-Dame de la Portioncule. Vous la voudrez gagner,
et pour cela il vous faudra communier. C'est aussi ce
que je voulais vous conseiller, pour continuer ou em
brasser la belle dévotion de quelques-uns, qui ne man
quent pas , pour l'amour de la sainte Vierge , de com
munier à toutes ces fêtes. C'est l'action la plus excellente,
et en même temps celle qui lui est la plus agréable, que
de recevoir son cher Fils.
Grand nombre de chrétiens le font ainsi à toutes les
fêtes de la sainte Vierge. Le cardinal Borromée invitait
tous ceux de son diocèse, aux visites qu'il faisait, qu'ils
eussent à cœur cette dévotion à la sainte Vierge plus
que toutes les autres. Et parmi ses diocésains, les Mi
— 204 —
lanais avaient si bien profité de l'avis de leur saini
prélat, que les jours de fête de la Mère de Dieu sem
blaient pour ce sujet, de son temps, des jours de Pâques,
tant il y avait de communiants.
Il n'est pas besoin d'aller à Milan pour voir cette
merveille. Les villes où Marie est beaucoup aimée se
font, en ce temps, assez admirer de ce côté, et désor
mais, Philagie, vous serez du nombre. Douze ou seize
fois l'an, aux douze ou seize fêtes de la sainte Vierge,
vous communierez. Ce n'est sans doute pas trop pour
vous. Tous ceux qui ont quelque soin de leur âme se
confessent et communient tous les mois. C'est le moins
que vous puissiez faire.
DÉVOTION IIP
Pour le cinquième jour d'.A.oût.
Se préparer par des jeûnes ou autres bonnes oeuvres à la fête
de l'Assomption de la glorieuse Vierge Marie, à l'imitation
de saint François, pour le jour de Notre-Dame des Neiges.
Comme la triomphante Assomption de la glorieuse
Vierge au Ciel est la plus grande de toutes ses fêtes,
je trouve que ses dévots et favoris ont un soin très-parti
culier d'y apporter une extraordinaire dévotion par des
jeûnes ou autres bonnes œuvres, qu'ils pratiquent quel
ques jours ou semaines avant la fête; et par ce moyen
— 205 —
ils désirent gagner les bonnes grâces de la sainte Vierge
pour obtenir, après le jour de son triomphe, quelque
faveur signalée.
Saint François jeûnait depuis le vingt-neuf de juin,
jour de saint Pierre et saint Paul, fort austèrement
jusqu'au jour de l'Assomption, pour se disposer à une
si grande fête. Le cardinal François Tolet, jésuite, faisait
un carême entier semblable à celui-là en même temps
et pour le même sujet.
La bienheureuse Cécile de. Palerme, en Sicile, reli
gieuse de l'ordre des Minimes, qui mourut l'an quinze
cent soixante et un, allait tous les ans rendre ses hom
mages et faire ses dévotions à Trapani, dans l'église
célèbre de la Vierge qui est au dit lieu , après avoir
jeûné la quinzaine qui précède cette sainte fête. Elle y
mourut le même jour, vaquant à la prière et à sa dé
votion ordinaire, et elle fut trouvée après sa mort ayant
le visage tourné vers l'autel et tenant son chapelet à la
main.
La Mère Françoise de Jésus, carmélite, disait que
Notre-Dame était malade d'amour tous ces jours qui
précédaient sa glorieuse Assomption; et dès le premier
jour d'août jusques au quinzième du même mois, qui est
le jour de son saint trépas, sept fois chaque jour elle la
visitait comme malade d'amour, lui offrant son service,
la caressant, la consolant en sa maladie d'amour. Elle
Jui parlait comme elle eût fait charitablement à une
6.
— '206 —
dame malade, blessée, et languissante par l'excès de son
amour envers le divin Epoux.
Il se lit parmi les anciens papiers des ducs de Lor
raine qu'en la chapelle Notre-Dame de Sion, qui est
au comté de Vaudemont, fut instituée une Confrérie à
l'honneur de Notre-Dame, l'an treize cent soixante-trois,
par Ferry de Lorraine, comte de Vaudemont, et Mar
guerite de Joinville, sa femme, à laquelle quasi toute
la noblesse s'enrôla. Aussi il fallait être noble pour en
être. L'un des règlements de cette confrérie ordonnait
que chaque confrère porterait sur soi, huit jours devant
et huit jours après la fête de l'Assomption, l'image de
la sainte Vierge, soit en argent, soit en peinture ou en
broderie ; et quiconque serait trouvé sans une telle image,
devrait payer une certaine amende.
Philagie, il y a encore dix jours jusqu'à la fête de
l'Assomption de la sainte Vierge : que voulez-vous faire
tous les jours jusque-là? Je vous conseille de faire quel
que bonne œuvre à cette intention, tantôt l'une, tantôt
l'autre, en commencant dès aujourd'hui.
Si vous ne portez déjà l'image de la sainte Vierge
sur vous, portez-la durant ces dix jours , et puis pen
dant l'Octave , à l'exemple de cette noblesse de Lor
raine. Ou bien, si vous aimez mieux, entreprenez quel
que jeûne, non pas si long que celui de saint Francois
ou de la bienheureuse Cécile. Mais quel mal y aurait-il
si vous jeûniez les quelques jours qui précèdent cette
— 207 —
glorieuse fête de l'Assomption? Mais combien de jours?
C'est à vous de les choisir, et à la Mère du bel amour
de vous en savoir bon gré. Elle ne manque jamais de
reconnaître les bonnes âmes qui se disposent à cette
grande et glorieuse solennité qui est la sienne.
On voit assez que la sainte Vierge bénit ces braves
âmes qui honorent singulièrement la fête de son triom
phe ali ciel, par ce que rapporte sainte Gertrude qui
lui est arrivé à elle-même. Entendant la Messe un jour
de veille de l'Assomption, elle aperçut la Mère de Dieu
qui avait sous son grand manteau royal un grand nom
bre de jeunes filles , toutes d'une rare beauté, assistées
des Anges et caressées de la sainte Vierge. Elle apprit
que c'étaient les âmes de ceux qui avaient pris la peine
de se préparer plus soigneusement à la solennité de sa
fête. En même temps elle connut qu'elles avaient, pour
s'être ainsi bien préparées, mérité trois sortes de fa
veurs : premièrement, que dès lors elles avaient été
admises par la sainte Vierge a un plus haut degré de
perfection qu'auparavant; ensuite qu'elle leur avait ac
cordé la meilleure part de ses faveurs et de ses conso
lations; enfin, que ces âmes avaient été confiées d'une
façon toute spéciale à la garde de ces bienheureux Es
prits pour être, par eux , défendues contre les ennemis
du salut.
— 208 —
CHAPITRE IX
HUIT DÉVOTIONS A LA MÈRE DE DIEU POUR LA FÊTE ET L'OCTAVE
DE SA TRIOMPHANTE ASSOMPTION, LE XV D'AOUT.
DÉVOTION PREMIÈRE.
Poiar le quinzième jour d',A-oû.t.
Avoir de la dévotion à quelque mystère de la sainte Vierge,
à l'imitation du bienheureux Cedonius.
J'ai remarqué de plusieurs serviteurs de la Mère de
Dieu que , outre la générale affection qu'ils témoignent
pour son service, ils avaient néanmoins une particulière
dévotion à quelques-uns de ses plus grands mystères
ou quelqu'une de ses principales fêtes. En retour, la
sainte Vierge leur faisait, ces jours-là, des faveurs
particulières.
Ainsi le bienheureux Cedonius, servite, avait une
affection fort remarquable au mystère de la Visitation.
A tel jour il naquit et fut baptisé, à tel jour il prit
l'habit religieux, et fit à tel jour encore sa profession;
a tel jour il dit sa première Messe, et à tel jour il
mourut, l'an 1526.
Les religieuses de la Visitation de Sainte-Marie, qui
— 209 —
ont une grande dévotion à ce sacré mystère, ne seront
pas fâchées d'avoir chéri et honoré cette sainte fête.
La sainte Vierge ne manquera pas de les bénir ce jour-là,
et de favoriser toutes les filles de l'ordre de ses meilleu
res et affectueuses bénédictions.
Le Père François Turian, de notre Compagnie, avait
son cœur a la Présentation de la sainte Vierge. Il pro
cura que l'Office en fût rétabli par Sixte V. Notre-
Dame lui en témoigna sa reconnaissance , et lui fit la
grâce de mourir le jour même de cette fête.
Saint Bernardin de Sienne naquit le jour de la Nati
vité de la sacrée Vierge, et fut baptisé le même jour.
Cette rencontre le remplit d'affection pour ce mystère.
Il remarqua que ce fut ce jour-là aussi qu'il prit l'habit
de saint François; qu'il fit, l'année suivante, sa profes
sion , et que quelque temps après, au même jour, il dit
sa première Messe.
Toutes les autres fêtes de la sainte Vierge ont été
chéries et honorées de la même façon par ses dévots.
La grande dévotion du dévot Alphonse Rodriguez
était à son Immaculée Conception ; celle de la bienheu
reuse Jeanne de France, à l'Annonciation, et, pour
cela, elle donna le nom de ce mystère à l'ordre des
Filles de l'Annonciade de Bourge.8.
La bienheureuse Ozane de Mantoue, religieuse de
l'ordre de Saint-Dominique, avait son cœur au mystère
de la sainte Purification; et la sainte Vierge lui fit
— 2iO —
voir, un jour de cette fête , tout ce qui s'était passé en
ce mystère, comme si elle y eût été présente. Le glo
rieux saint François avait sa plus grande affection à la
solennité de l'Assomption.
Philagie, vous ferez ce qu'il vous plaira en l'honneur
du mystère de la Vierge que vous chérissez le plus. Je
ne vous prescris rien. Une aumône, une pénitence exté
rieure, une retraite spirituelle, tout cela est bon. Je
vous dirai néanmoins que , si vous n'avez pas encore
logé votre affection à aucun de ces mystères , je vous
conseille de choisir celui de sa triomphante Assomption.
Je trouve que c'est en ce saint jour qu'elle dispense li
béralement ses faveurs , soit envers l'Eglise militante ,
soit à l'égard de l'Eglise souffrante.
Pour le premier chef, on sait assez que le bienheu
reux Stanislas, novice de la Csmpagnie de Jésus, eut
le bonheur de mourir au jour de l'Assomption de sa
chère Mère , et à la même heure , comme on le croit
pieusement, que la sainte Vierge rendit son bienheu
reux esprit. Saint Hyacinthe et le bienheureux Jacques
de Bretagne, * de l'ordre de Saint-Dominique, très-
dévot à ce saint mystère, eurent une pareille faveur;
et quantité d'autres comme eux.
Pour le second chef, Jean Gerson dit que c'est une
* Le Père de Barry écrit. : Jacques de Bretagne ; nous pensons
qu'il a fait une méprise , et qu'il faut lire Jacques de Bévagne.
(Note du réviseur.)
— 2M —
pieuse croyance que le purgatoire fut vidé lors de l'As
somption de la glorieuse Vierge au Ciel. Quand on cou
ronne une princesse , une reine , on élargit les prison
niers, on ouvre les prisons : eh quoi ! le Dieu d'amour
aurait refusé une pareille faveur à sa sainte Mère au
jour de son triomphe et de son couronnement, pour
ces âmes qui étaient capables d'être ainsi favorisées?
Ce que raconte le bienheureux Pierre Damien con
firme assez ce que j'ai avancé. Il dit qu'une femme étant
morte à Rome peu de jours avant l'Assomption, elle
apparut, la nuit de cette fête, à une de ses amies; et
comme celle-ci s'enquit de l'état où elle était, elle ré
pondit : Jusqu'à cette fête , j'ai été incroyablement
tourmentée; mais aujourd'hui la sainte Vierge a prié
pour nous, et m'a délivrée du purgatoire, avec quantité
d'autres personnes ; et le nombre en est si grand, qu'il
excède de beaucoup tous les habitants de Rome. Et
comme son amie semblait douter de tout ce qu'elle ra
contait , elle lui dit : En preuve de la vérité, je t'aver
tis qu'à tel jour qu'aujourd'hui, d'ici à un an, tu mour
ras. Ce qui arriva ainsi.
Philagie, aimer Marie, avoir de la dévotion à sa glo
rieuse Assomption, et mourir la veille bien tard, ne
serait-ce pas le vrai moyen de voir Dieu bientôt et sa
chère Mère? Car y aurait-il un purgatoire pour celui
qui vivrait et mourrait de la sorte?
— 212 —
DÉVOTION IIe
Pour le seizième jour d'.A-oût.
Quitter sa place du Paradis à la Mère de Dieu, si besoin était,
pour la lui céder, à l'imitation d'un dévot de la sainte Vierge.
Philagie , cette fois je verrai bientôt si vous avez de
l'amour pour Marie , que vous faites semblant d'aimer
avec tarit de passion.
Le révérend Père Binet, au Chef-d'Œuvre de Dieu,
qu'il a composé a l'honneur de la Mère de Dieu, ra
conte qu'il s'est trouvé un serviteur de la Vierge qui
lui disait avec autant de simplicité que d'affection :
Vierge sainte, ma très-chère Mère, je vous chéris à tel
point que si j'étais dans le Paradis , et qu'y étant déjà
placé il n'y eût point d'autre place pour vous que la
mienne, je la quitterais très-volontiers pour vous la
donner, et je sortirais du Paradis, s'il était en mon
pouvoir, plutôt que de vous voir hors de la gloire.
Ce trait de saint amour me remet en mémoire une
pareille invention de tendresse, pour témoigner à la
Mère de Dieu qu'on l'aime jusqu'au dernier point, et
qui est pratiqué bien souvent par une fidèle servante
de Dieu que je n'ose nommer parce qu'elle est encore
vivante et au service de Jésus et de Marie dans une
sainte religion.
On dit que saint Augustin, par un transport d'amour
— 213 —
de son Dieu disait parfois : Si j'étais Dieu et que Dieu
fût Augustin, je voudrais que Dieu fût Dieu et moi
être Augustin. Qui blâme, qui ne loue cette admirable
extase d'affection du cœur d'Augustin, qui pourtant ne
se trouve pas dans ses écrits? Qui oserait dire qu'il ne
pensa jamais a cette saillie, ou douter qu'il eût eu assez
d'amour pour parler ainsi ! Et puisque la charité des
Saints surpasse la science des plus savants, qui oserait
avancer que pareil langage n'est nullement recevable?
Quoiqu'on ne sache au vrai si saint Augustin a aimé
de la sorte ,- et s'il a emporté le prix de l'amour, au
Ciel nous saurons qu'il en est ainsi. Il me suffit de sa
voir qu'à proportion une servante de Dieu parle souvent
de la même sorte à la sainte Vierge. Elle lui dit :
Marie, ma très-aimable Mère, si j'étais la Mère de Dieu
et que Marie fût ce que je suist et si toutefois il m'était
possible de vous élever à la dignité de Mère de Dieu et
de me démettre de mes grandeurs, je voudrais que vous
fussiez la Mère de Dieu et me contenterais d'être ce que
je suis à présent.
Philagie, que vous semble de ce courage, de cet
amour? C'est aimer que d'aimer ainsi. Si vous avez le
courage d'en dire et faire autant, vous n'avez qu'à en
faire aujourd'hui votre protestation à la Mère du bel
amour, à la facon de ceux dont je viens de vous parler.
Vous le pourriez bien faire de si bonne grâce et de si
bon cœur, que ce trait de saint amour vous (acquît) une
— 214 —
place dans le Ciel; car elle les donne à qui elle veut,
et son cher Fils agrée tout ce qu'elle entreprend.
DEVOTION IIP
Pour le dix-septième joiar d'.A_oût.
Désirer ardemment de voir la sainte Vierge au Ciel, à l'imi
tation d'un dévot' ecclésiastique.
Le dévot Henri de Castus, de l'ordre de Saint-Domi
nique, priant un jour en sa chambre, tout-a-coup sa
chandelle s'éteignit. Au même temps sa , chambre fut
toute éclairée de quelque autre lumière, et il entendit
une voix qui l'appelait. Tout étonné, il s'écrie : Hélas!
qu'est-ce que j 'entends ! Alors la sainte Vierge, à la
quelle il était bien dévot, lui dit : Je suis Marie la Mère
de Jésus. Henri, plus étonné encore a cette voix, se
jette a terre, disant : « Vierge sainte, ma très-chère
Mère, puisque c'est vous, montrez-moi votre belle et
agréable face. » A quoi la Mère de Dieu répartit :
« Henri, mon fils, vous êtes encore enfant, croissez et
puis vous me verrez. »
Philagie , je vous ai donné ce fait d'abord pour vous
avertir de ne pas désirer de voir la sainte Vierge en
cette vie. Vous ne méritez pas cette faveur. Il faut, pour
cela, croître en vertu, avoir plus d'amour de Dieu que
vous n'en avez ; et puis c'est au Ciel qu'il faut attendre
— 215 —
la jouissance de ce bonheur. Désirez donc ardemment
de la voir un jour au Ciel. Ah! c'est à quoi je vous
invite aujourd'hui.
Blosius assure qu'il y a une peine de langueur en
purgatoire pour ceux qui n'ont pas désiré beaucoup, ici,
d'aller au Ciel , et de voir la toute belle et ravissante
face de Dieu. Je ne veux pas dire qu'il y en ait une
comme celle-là pour ceux qui n'ont pas désiré avec
passion de voir la sainte Vierge; mais j'ose bien dire
que c'est languir à bon escient à qui aime la Mère de
Dieu que de tarder à la voir. Pour peu qu'on vive ici-
bas, quel moyen de ne pas languir si, aimant avec pas
sion la Mère de Dieu , on est privé de l'indicible bien
qu'il y a de la voir! Un contemplatif disait à Dieu :
Deus meus es tu, et nunquam te vidi, — Quoi ! mon Dieu,
vous êtes mon Dieu et mon Seigneur, je vous sers, et
jamais je ne vous ai vu !
Philagie, si vous aimez tendrement et ardemment la
Mère de Dieu , qui d'ailleurs est votre Dame , votre
Mère, votre Bien-Aimée, puisque par cela même il ne
se peut que vous n'ayez un grand désir de la voir en
sa gloire et parfaite beauté, dites-lui cent fois aujour
d'hui et un million de fois durant votre vie : O Domina,
Mater mea es tu, et nunquam te vidi, — Comment, ma
chère Dame, vous êtes ma Mère, et je n'ai point encore
eu le bien de vous voir? ou dites-lui ce que David disait
à Dieu : O Maria, quando veniam et apparebo ante fa
— 216 —
cieni tuam ? Facies enim tua decora. — O Marie, quand
donc vous verrai-je, quand contemplerai-je votre face?
car votre face est ravissante de beauté.
C'était la sainte pratique, les amoureux soupirs et les
ardents désirs d'un jeune ecclésiastique, surtout après
l'accident qui lui arriva et que je vais raconter.
L'amour qu'il portait à la sainte Vierge le poussa à
de grands désirs de la voir durant cet exil. Il fut si
persévérant en ce désir, demandant à la sainte Vierge
qu'elle lui fit la faveur de la voir en sa beauté, qu'en
fin Notre-Dame lui envoya un Ange qui lui dit de se
tenir prêt à tel jour, que la sainte Vierge lui accorde
rait sa demande et qu'il la verrait. L'ange ajouta qu'il
devait se résoudre à perdre les yeux, parce que la
grande clarté et beauté de sa face ne pouvait être sup
portée des yeux d'un corps mortel. Le voilà content,
résolu de perdre la vue corporelle pourvu qu'une seule
fois il pût voir sa chère Mère au séjour de cette vie.
Peu après , tandis que le temps désigné approchait , ce
jeune homme fut assiégé d'une foule de pensées impor
tunes. Mais quoi, se disait-il, je perdrai donc la vue?
alors que deviendrai-je 1 qui me conduira ? qui aura
soin de moi? Quoi ! je serai réduit à la mendicité? D'un
autre côté, je ne veux pas refuser cette faveur si dési
rée. Ne suis-je pas la créature la plus heureuse de
l'univers d'avoir l'honneur de voir tant soit peu la belle
face de la Mère de Dieu? Hé! c'est quasi tout ce que
— 217 —
les Anges et les Bienheureux désirent voir au ciel !
Mais n'y a-t-il point quelque expédient pour ne pas
être privé de ce bonheur et ne point perdre mes yeux?
Qui m'eût dit que la vue de Marie fût si précieuse et
qu'on ne la voyait qu'à ce prix, je ne sais si j'eusse eu
le courage de la désirer avec tant d'ardeur. Pourtant,
je ne veux pas reculer. -J'ai donné et engagé ma parole
à l'ange envoyé de sa part, il faut s'y résoudre : arri
vera ce qui pourra! S'il le faut, je serai aveugle. Il y
en a tant d'autres qui le sont sans jouir de la faveur
qui aura donné lieu à la perte de mes yeux ! Que si je
trouve le moyen à la fois de voir la sainte Vierge et
de garder mes yeux, je m'en servirai. Gai- quel mal y
aurait-il si, en fermant un œil pour le conserver et ne
pas être aveugle, je mettais l'autre au hasard de le
perdre en voyant cette sainte Vierge? Au moins j'aurais
encore un œil, et j'aurais vu l'objet si vivement désiré.
Il trouva convenable de s'en tenir là. Et comme la
sainte Vierge se fit voir à lui, il tint fermé l'un des
yeux ; mais il la trouva si belle et si ravissante , que ,
pour la mieux voir selon son souhait, il se résolut d'ou
vrir encore l'autre œil. Et comme il l'ouvrait, la sainte
Vierge disparut, le laissant avec un œil entier et l'au
tre perdu par l'éclat de la beauté qu'il avait vue.
Néanmoins ce pauvre jeune homme se trouva fort
affligé de n'avoir pas vu de ses deux yeux et aussi par
faitement qu'il eût pu cette rare beauté du Paradis. Ah!
7
— 218 —
se dit-il, je perdrais volontiers et mes yeux et ma vie
pour voir ce que j'ai vu! Qui me consolera de ma perte !
Oh! ma chère Mère, n'y a-t-il pas moyen de vous revoir?
Je perdrais volontiers l'autre œil, j'en perdrais même
un cent , si je les avais, pour expier ma faute et rentrer
dans les premières faveurs que vous m'aviez accordées.
Tandis qu'il était dans ces détresses, un ange vint,
qui l'avertit que la sainte Vierge se laissera voir pour
la seconde fois à tel temps, mais qu'il devait se ré
soudre à perdre l'œil qui lui restait. Il en fut content.
Notre-Dame revient au jour assigné et se laisse voir.
De vous dire la joie du cœur de ce jeune homme et le
plaisir incroyable qu'il éprouva à la vue de cette belle
face, c'est ce que ma plume ne saurait faire.
Mais, ô bonté de la Mère de bonté ! pendant que le
jeune homme s'attend à perdre le peu de vue qui lui
restait, Notre-Dame qui n'a pas coutume de faire mal
à personne, non-seulement lui conserva le second œil,
mais encore elle lui rendit le premier. Ainsi donc le
voilà, comme il était auparavant, avec ses deux yeux,
satisfait comme un ange d'avoir vu selon son souhait
l'objet de ses plus véhéments désirs.
Dès-lors son occupation, le reste de sa vie, fut de
soupirer et de désirer voir au séjour éternel de la gloire
Celle qu'il n'avait vu qu'en passant, et dont la vue pas
sagère lui augmentait la soif ardente qu'il éprouvait de
la voir éternellement au Ciel.
— 219 —
Philagie , l'envie ne vous prend pas de voir au ciel vo
tre chère Maîtresse? Ayez-en aujourd'hui de grands dé
sirs, en attendant cette grâce pour le jour de votre mort
lorsqu'elle vous assistera, et puis au jour de l'éternité.
DEVOTION IVe
Pour le treizième joui- d'-A-oût.
Honorer ou orner les autels de la sainte Vierge, à l'imitation
de quantité de ses dévots.
Voici une dévotion assez universellement pratiquée.
Elle consiste à allumer des cierges , ou faire brûler les
lampes devant des images ou des autels de la Mère de
Dieu. Cette dévotion fut fort en vogue jadis, du temps
de sainte Pulchérie à Constantinople , et pour le pré
sent elle ne l'est pas moins en plusieurs endroits : car
on trouve des villes où les marchands sont soigneux à
certains coins de rues ou dans leurs boutiques de faire
éclairer quelque lampe en l'honneur de la Mère de Dieu
au-devant de quelqu'une de ses images ou de son autel.
Il se trouve aussi des villes tout entières tellement por
tées à honorer la Mère de Dieu , qu'à presque tous les
coins des rues on y met des images de Notre-Dame et
des lampes au devant, qu'on allume tous les jours sur
le tard. Les jeunes filles de chaque rue s'assemblent en
— 220 —
même temps à l'image la plus proche pour prier la sainte
Vierge, chanter les litanies, et dire des autres prières.
La ville d'Aix, en Provence, a paru signalée en cette
dévotion les années passées, le brouillard, le mauvais
temps et le froid en hiver n'étant pas capables de les dis
traire. Dans cette même ville on y pratique encore une
louable dévotion à la Mère de Dieu, qui se rapporte à
ce chef : c'est que si quelqu'un est dangereusement ma
lade , ou qu'on ait envie d'obtenir bonne issue de quel
que affaire, on fait brûler et consumer un cierge, ou
plusieurs, devant l'autel de Notre-Dame d'Espérance à
Saint-Sauveur, qui est l'Eglise cathédrale, ou devant
, l'image de Notre-Dame de Montaigu, qui est en l'église
du collége de notre Compagnie ; et il est souvent
arrivé qu'on a obtenu de la Mère de Dieu ce qu'on pré
tendait.
Ce qui se pratique en telles occasions , se peut aussi
pratiquer sans autre motif que pour honorer la Mère
de Dieu, soit en quelque lieu où la sainte Vierge soit
honorée, soit en sa propre maison au-devant de quelque
image de Notre-Dame.
Ceux-là font encore davantage , qui veulent que par
leurs libéralités la sainte Vierge soit honorée à perpé
tuité en quelqu'une des susdites façons. Je connais, dans
la même ville d'Aix, des personnes qui ont donné, à
cette intention, un revenu annuel pour se procurer
l'huile nécessaire à faire brûler les lampes devant les
— 221 —
images des susdits autels. Je connais une dame de qua
lité, au même lieu, qui ne manque point, aux fêtes de
la sainte Vierge , d'envoyer l'huile pour faire éclairer
les lampes de l'autel de Notre-Dame de Montaigu.
Je n'ai plus rien à vous dire sur cela que ce qui ar
riva à ce saint religieux nommé Jean , dont parle le
patriarche Sophronius. Il demeurait dans une grotte à
dix lieues de Jérusalem. Partant pour aller visiter les
saints Lieux, il allumait un cierge devant l'image de la
Vierge ; il lui recommandait et le cierge et la cellule.
Chose admirable ! il voyageait les quatre, les six semai
nes, parfois les six mois , et à son retour il trouvait
toujours son cierge allumé et au même état qu'il l'a
vait laissé. Par ce miracle la sainte Vierge lui donnait
à entendre combien cette dévotion lui plaisait.
Je n'attends pas, Philagie, un pareil miracle pour
vous, mais bien une pareille dévotion aux occasions.
C'est encore une pratique universelle d'enrichir de
présents les autels et chapelles de la Vierge, soit en
ornements, soit en argenterie, soit en dorures ou pein
tures. Les grandes richesses qui sont aux églises et
chapelles de la Mère de Dieu fournissent une preuve
éclatante de cette dévotion. Que ne fit pas l'empereur
Charlemagne, et tant d'autres empereurs et rois, et des
grands de la terre ! tant d'impératrices , de reines , de
princesses, tant d'autres personnes de qualité de l'un et
de l'autre sexe, qui ont donné tout ce qu'ils avaient de
_ 222 —
beau et de riche pour honorer les images et les églises
de la Mère de Dieu !
L'incomparable en ceci , fut le bon saint Henri , em
pereur, qui fonda, dota et enrichit près de mille égli
ses toutes dédiées à la sainte Vierge.
Combien allument des parfums en son honneur ! Saint
Gérard, évêque de Candie, premier prélat et premier
martyr de Hongrie, fit bâtir une chapelle en l'honneur
de la Vierge , et y fonda l'entretien de deux vieillards
qui, jour et nuit, étaient devant l'autel de la sainte
Vierge; ou, à leur défaut, ils substituaient quelques
autres pour veiller à ce que jamais l'encens ou le par
fum ne manquât dans un encensoir d'argent qu'il avait
fait faire à ce dessein.
Combien couronnent les images de la sainte Vierge
de guirlandes de fleurs, ou les envoient à ses autels
pour les embellir ! Ce petit service profita beaucoup à
l'auteur de la Couronne de la Vierge, ainsi qu'il sera
dit ailleurs, comme aussi à un Turc, dont Bentius ra
conte le bonheur qui lui arriva :
Un gentilhomme portugais avait en sa maison un es
clave turc. Etant malade et alité, il fit dresser un autel
en sa chambre, et ordonna à cet esclave de mettre sur
l'autel une Notre-Dame en relief qu'il possédait, et de
lui faire un chapeau de fleurs et d'en jeter une quantité
à l'entour de l'image. Il le fit volontiers, et par ce ser
vice il se rendit agréable à la Mère de Dieu. Voici
— 223 —
donc la merveille qui arriva : c'est que celui qui depuis
de longues années avait manifesté de l'opiniâtreté à se
convertir, et qui avait méprisé les remontrances de son
maître qui l'avait très-souvent invité à quitter sa reli
gion sans qu'il en fût écouté, l'alla trouver le lende
main. Son cœur avait été changé depuis ce petit service
rendu à la Mère de bonté. Il le pria de le vouloir faire
baptiser, et lui dit que la sainte Vierge , pour l'hom
mage qu'il lui avait rendu le jour précédent, l'avait, la
nuit d'après, exhorté à se faire chrétien.
La joie que son maître éprouva de cette nouvelle fut
telle , qu'elle le remit en santé. Il le fit baptiser, et le
nouveau converti vécut dans la suite saintement. Il fut
surtout très-affectionné au service de la Mère de Dieu.
Philagie , je laisse cette pratique d'orner ou honorer
quelque image ou autel de la sainte Vierge à votre dé
votion et aux moyens que vous avez à votre disposition.
Il suffit de vous dire que ce n'est pas une petite gloire
de contribuer à honorer les lieux dédiés a la Mère de
Dieu, et que vous puissiez dire en toute humilité :
Voilà tel ornement, ou telle pièce, ou tel embellisse
ment, ou telle somme d'argent que j'ai donnée à la
sainte Vierge pour témoigner de mon amour envers
elle.
Au moins, quand vous ne feriez rien de pareil, ne
refusez point de prêter ce que vous avez , si on vous
l'emprunte pour parer, honorer et embellir quelque
— 224 —
autel ou église de la Mère de Dieu à quelqu'une de ses
fêtes ou pareille occasion. De semblables refus déplai
sent singulièrement à la Mère d'amour, et sont indignes
d'un cœur qui fait profession d'être affectionné à son
service.
N'est-ce pas avoir un cœur bien peu gracieux de re
fuser un lit de soie, une tapisserie, des chandeliers
d'argent, un tapis, et chose pareille, à la Reine des
Anges, à Marie la Mère de Dieu, qu'elle nous fait de
mander, pour honorer une de ses fêtes ou son autel,
par ses serviteurs? C'est ce qu'on n'oserait refuser à un
prince , à un ami intime , à une accouchée , pour une
salle de bal, pour un festin, pour un lit de parade.
Faire un pareil refus à Marie la Mère du saint amour,
à la souveraine Princesse du ciel et de la terre, c'est
bien pis que d'avoir un cœur peu civil : c'est n'avoir ni
dévotion, ni cœur, ni sentiment, ni amour de Dieu. Je
ne voudrais, pour faire honte à telles gens, que faire
le récit de ce qui arriva à Cahors, en Quercy. Philagie,
faites-le pour moi quand vous serez en conversation.
Les religieux qui desservent la célèbre église de
Notre-Dame de Roc-Amadour avaient donné en gage, à
un homme riche de Cahors, les rideaux d'un beau lit
dont ils se servaient pour parer l'autel de la sainte
Vierge aux fêtes solennelles. Il arriva donc que, comme
ils n'avaient pas de quoi rendre l'équivalent, ces rideaux
étaient chez ce richard au jour d'une fête de la Vierge.
— 225 —
Ces bons religieux allèrent le prier de prêter lesdits
rideaux pour l'amour de Notre-Dame. Ils lui dirent
qu'une fois la fête passée , on les lui rendrait ; et qu'ils
étaient bien fâchés, en un si beau jour de fête, de n'a
voir pas de quoi parer l'autel.
Que répondit ce barbare indévot, si jamais il y en
eût? Notre-Dame s'en passera bien, s'il lui plaît; que
les rideaux étaient tendus au lit de sa femme qui était
accouchée ; que ses compagnes la venaient voir, et qu'il
fallait, par égard pour sa qualité, que ce fût un beau
lit de parade.
Son excuse semblait bonne selon le monde, direz-
vous ? et il y en a dix mille dans le monde qui feraient
la même réponse. Or, jugez de ce qui survint, et voyez
comme cette réponse fut sotte et impie.
Notre-Dame fut tellement offensée de ce refus , que,
le soir d'après, elle apparut à la femme de ce richard,
lui fit ses plaintes et puis ses menaces , qui furent que
dans trois jours l'enfant nouveau-né mourrait; que son
mari aussi mourrait cinq jours après, comme un chien,
sans confession ni contrition. Elle ajouta que, pour elle,
elle allât à Bethléem , où elle mourrait bientôt après ,
et que durant son voyage elle serait sujette à plusieurs
infirmités et accidents. Tout cela arriva de point en
point, comme la sainte Vierge justement irritée l'avait
prédit.
Refusez maintenant, Mesdames, vos beaux et riches
— 226 —
lits de soie, vos broderies, vos miroirs, vos tapisseries,
vos tableaux de dévotion à la Mère de Dieu et à ceux
qui vous les demandent pour elle , et un jour les his
toriens écriront , par aventure , la punition que Notre-
Dame, que vous faites semblant d'aimer et honorer,
fera de ce refus; et vous serez la risée des peuples
futurs.
Faites mieux, ne refusez jamais rien de ce que vous
pourrez prêter pour orner les autels de la Mère de Dieu.
Quand bien même ces meubles devraient quelque peu
se gâter, qu'importe ! Il vaut mieux que vos meubles
courent ce danger que de perdre les bonnes grâces de
la toute-puissante et toute aimable Mère de Dieu, et
d'offenser et irriter tant soit peu la toujours charitable
et la toute obligeante Marie, digne d'être honorée, soit
en prêt , soit en don , de toutes les beautés , pierreries
et richesses de l'univers.
Philagie, je reviens à vous. Ce sont ces dames qui
m'ont un peu diverti : il fallait leur dire ce mot pour
leur bien. Voici ce que jai encore à vous dire :
Au cas que vous n'ayez pas de quoi pour honorer
aujourd'hui quelque autel ou image de la sainte Vierge,
ni en un autre temps, ne laissez pas d'aller à quelque
autel ou image de cette Vierge sainte, et offrez-lui
quelque riche parfum d'une bonne et fervente prière.
Peut-être lui sera-t-elle plus agréable que ces présents
qui éclatent; ou dites-lui, prosternée devant son image,
— 2-27 —
que vous voudriez bien que votre corps fût changé en
cierge , pour être brûlé pour son service , et con
sommé en éclairant ses précieuses images et glorieux
autels; et que votre cœur fût changé en roses, lis, tu
lipes , et pareilles belles fleurs , pour en charger et en
embaumer tous les endroits de la terre où elle est
honorée et reconnue.
DEVOTION Ve
Pour le dix-neuvième jour d'.A_oùt.
Aimer quelque vertu en l'honneur de la sainte Vierge, à l'imi
tation de sainte Isabelle, sœur de Saint-Louis.
Tout ce que vous avez à faire aujourd'hui, Philagie,
c'est de choisir une vertu de celles dont vous avez be
soin, et puis de vaquer à l'acquisition de cette vertu
avec un soin tout particulier, comme étant la vertu qui
était en une éminente perfection dans le cœur de la
sainte Vierge , qui désire qu'elle soit pratiquée par vous
comme une vertu qui lui est beaucoup agréable. C'est
à vous de choisir et puis vous porter courageusement
à une si glorieuse conquête.
Les saints amis de la sainte Vierge nous ont frayé
le chemin de cette pratique. Saint Edouard, roi, saint
Alexis, saint Elzéar, sainte Catherine, et mille comme
eux, choisirent la chasteté pour imiter leur chaste Mai
— 228 —
tresse. Et c'était la vertu à laquelle ils vaquaient avec
le plus d'ardeur; ils n'omettaient rien pour en venir à
bout.
Témoin ce chaste confrère de la Congrégation de la
Sainte-Vierge, à Cordoue, l'an 1610. Il était résolu de
vivre chastement pour l'amour de la sainte Vierge, la
Reine des vierges. Quelqu'un lui avait dit qu'un souve
rain remède pour être bien chaste, était de porter
un anneau où fussent gravés ces mots : Ave Maria;
qu'ayant cet anneau comme marque et témoignage que
la sainte Vierge était notre Maîtresse et Bien-Aimée , et
nous tout-à-fait à elle , cela suffisait. Ce jeune homme
ne manqua pas de se pourvoir d'un pareil anneau, et
d'avoir toutes ces riches et saintes intentions. Il prend
donc son anneau et le porte; et, depuis, il n'eut ni
mouvement ni pensée contraire à la pureté, il vécut
comme s'il eût été un ange.
Combien Dieu bénit un bon cœur qui fait ce qu'il peut
et ce que l'amour de Marie lui suggère !
Sainte Isabelle, sœur unique du roi Saint-Louis, fonda
l'abbaye de l'Humilité de Notre-Dame, dite de Long-
Champ. Elle lui donna ce nom pour la dévotion qu'elle
avait à l'humilité de la sainte Vierge, et son grand soin
aussi était en la poursuite de cette vertu pardessus toutes
les autres.
La bienheureuse Jeanne de France, qui avait aussi à
cœur l'humilité pour honorer l'humilité de la sainte
— 229 —
Vierge, fonda un ordre de filles dédiées à la Mère de
Dieu. Elle ordonna que la supérieure serait appelée la
Mère-Ancelle, pour honorer l'humilité et la réponse de
la sainte Vierge, qui répondit humblement à l'Ange :
Ecce ancilla Domini, — Voici l'ancelle ou servante du
Seigneur.
DEVOTION VIe
Pcmr le vingtième jour d'A.oût.
Prier la sainte Vierge, les genoux mis à terre, à l'imitation
de saint Bernardin de Sienne.
Saint Bernardin de Sienne, même dès sa jeunesse,
faisait tous les jours une prière, les genoux mis à terre,
à sa chère Maîtresse ou devant quelqu'une de ses images.
Je connais des serviteurs de cette sainte Dame qui en
font autant tous les soirs sur le point de prendre le
repos, lui demandant sa sainte bénédiction.
Je ne vous demande pas, Philagie, que vous fassiez
de même aussi souvent; mais pour une fois vous ne
sauriez me la refuser. Rendez-lui donc aujourd'hui cet
hommage. Elle mérite bien des services plus humbles
et plus reconnaissants par l'éminence de sa dignité. Peu
m'importe que votre prière en cet état soit longue ou
courte, pourvu qu'elle soit pleine d'affection et, de ten
dresse pour une si aimable Dame, qui mérite qu'on
— 230 —
s'humilie jusqu'au centre de la terre pour acquérir ses
faveurs et implorer ses favorables assistances !
Quant à moi, j'ai toujours cru que nous ne saurions
assez nous humilier, fléchir le genou, nous prosterner
en terre, et faire de pareils actes de profonde soumission
pour honorer et reconnaître les suréminentes excellences
de la Mère de Dieu; actes qu'elle récompense par des
incroyables bienfaits. Qui ne voudra pas me croire, qu'il
prenne la peine, s'il lui plaît, de lire ce qui suit.
Un dévot religieux, en Angleterre, toute sa vie avait
fidèlement honoré par ses services et dévotions de toute
sorte, nommément des plus pénibles, telles que sont les
inclinations, les génuflexions, la glorieuse Vierge. Etant
arrivé sur ses vieux ans, il se trouva tellement faible
que, ne pouvant presque pas se remuer, son abbé char
gea deux de ses religieux de l'assister et d'être toujours
près de lui.
Comme ils avaient durant quelque temps manqué à
ce devoir, pourtant bien nécessaire , le bon vieillard , se
trouvant en peine et ne pouvant se remuer, eut recours,
comme à l'ordinaire , à sa bonne Maîtresse la Mère de
Dieu, la conjurant de secourir son pauvre serviteur.
Sa courte prière finie , tout-à-coup la sainte Vierge,
accompagnée de bon nombre d'autres vierges, se pré
sente à lui. Après que deux de ces Dames l'eurent sou
levé selon le besoin qu'il en avait, elle le consola avec
des paroles de douceur et des plus riches tendresses du
— 231 —
Paradis; et l'ayant remercié de tant de révérences,
inclinations et génuflexions, et autres petits services
qu'il lui avait rendus durant sa vie lorsqu'il était en
pleine santé, elle lui promit, en considération de tous
ces actes, de le faire rajeunir et de lui donner encore
une vie fort longue, avec les mêmes forces et la même
vigueur dont il avait joui trente ans auparavant.
Telle fut sa promesse; et dès-lors son serviteur en
expérimenta les effets. C'est ce qui l'obligea à aimer
plus saintement que jamais sa bien-aimée Libératrice,
et à lui rendre doublement tous les hommages d'autre
fois jusqu'à la fin de ses jours, en attendant qu'il l'ho
norât avec les anges , sans qu'il ressentit sa faiblesse ,
durant l'éternité des siècles sans fin.
DEVOTION VIP
Pour le vingt-et-unième jour d'A.oût.
Faire amende honorable à la sainte Vierge avant le repos,
à l'imitation de l'un de ses serviteurs.
Le révérend Père Poiré, dans la Triple Couronne de
la Bienheureuse Vierge, dit avoir connu une personne
qui ne manqua jamais le soir, avant de se retirer et
prendre son sommeil , de mettre les genoux nus à terre
et , tenant une chandelle allumée en sa main , pieds
— 232 —
nus et tète nue, de faire amende honorable à la Mère
de Dieu.
Philagie, en qualité de criminelle et ingrate envers
une si obligeante Mère , faites-en autant une fois ou plus
souvent en votre vie; et dans cet humble maintien, dites-
lui aujourd'hui un Salve Regina ; ou bien , comme vous
voulez l'honorer plus que jamais au temps de sa triom
phante Assomption , récitez en cette posture le petit
hymne qui commence par ces mots : O gloriosa Domina,
excelsa super sidera..., ou quelque autre prière. Si celle-
ci vous revient, elle est à vous; vous pouvez vous en
servir :
« Aimable Princesse, Mère de mon Dieu et Impéra
trice de l'univers, voici le plus chétif de vos enfants et le
plus déloyal de vos serviteurs qui, reconnaissant l'excès
de ses ingratitudes et l'insupportable lâcheté de ses délais
dont il use tous les jours à vous rendre ses plus hum
bles services, prenant la posture d'un criminel, se jette
à vos pieds pour faire réparation d'honneur à votre
honorable Majesté, et implorer vos magnifiques misé
ricordes.
« J'ai recours à vous, ma très-débonnaire Dame, comme
à ma singulière Protectrice, me confiant en votre bonté,
qui surpasse sans comparaison toutes mes déloyautés.
N'est-ce pas chose à déplorer par des larmes de sang,
de voir que je vous aie si peu aimée et servie si tiède
ment , si nonchalamment , si indignement ! Combien de
— 233 —
fois ai-je frustré vos désirs et vos amoureuses atten
tes lorsque même vous aviez le dessein de me rendre
le digne instrument de la gloire de votre Fils ! Combien
de fois ai-je eu des complaisances et des retours coupa
bles vers les créatures, et cela après avoir tant de fois
protesté en face du ciel et de la terre qu'après Jésus je
n'aimerais que Marie , l'honorable Princesse , désirable
refuge de nos âmes ! Pardonnez , pardonnez à ce pauvre
cœur affligé et contrit; oubliez tout le passé. Je vous
fais amende honorable; je me repens de tout mon cœur
d'avoir provoqué vos indignations, et changé la douceur
de votre amour en des amertumes de dégoût.
« Recevez-moi désormais en vos bonnes grâces. Faites
que j'embrasse de tout mon pouvoir votre saint service.
Je vous en conjure par tout ce que Jésus vous est et par
votre beau nom de Marie. C'est ce que j'espère de vos
bontés; c'est ce que j'attends aussi de ma constance à
l'aide de vos faveurs , pour, ensuite , vous en rendre des
remerciments éternels, auxquels je me réserve lorsque,
victorieuse des penchants de mon âme, j'aurai l'hon
neur de vous voir dans le séjour de la triomphante
Jérusalem. Ainsi soit-il. »
— 234 —
DÉVOTION VHP «
]?our le vingt-deuxième jour d'A.oût.
Avoir toute sorte de grands désirs pour honorer la sainte Vierge,
à l'imitation du dévot Jean Berkman.
Jetez les yeux , Philagie , sur ce que de tout votre
cœur vous feriez pour l'amour de la sainte Vierge, si
vous en aviez le pouvoir; et, parcourant tout ce que
ses grands serviteurs ont fait d'héroïque , de signalé , de
glorieux pour elle, dites-lui que vous le feriez si vous
en aviez le moyen; que vous leur cédez le pas quant à
l'exécution, puisqu'elle vous est impossible, mais non
pas quant à l'affection de votre volonté. Quoique vos
désirs ne s'accomplissent pas, ne croyez point que ce
soit peine perdue et sans mérite. La volonté d'Abraham
fut réputée pour un fait, lors du commandement qu'il
eut de sacrifier son fils; et le mérite de la volonté et
du désir qu'il eut de le faire fut si abondant , qu'il eut
ensuite l'honneur que le Messie descendît de sa posté
rité.
Le dévot Alphonse Rodriguez n'avait que de simples
désirs de la conversion de tout le monde : et pour cela
il criait miséricorde , pour cela encore il s'offrait à souf
frir éternellement tous les tourments de l'enfer plutôt
que si ces païens, ces Indiens et ces Maures ne se
convertissaient pas. Ce n'étaient que des désirs. Et
— 235 —
toutefois Dieu lui fit connaître, en un ravissement qu'il
eut, qu'avec ses fervents désirs il avait autant mérité
que s'il eût converti tous les hommes de la terre.
Tout ceci vous soit dit, Philagie, pour faire cas des
désirs que vous aurez d'honorer et aimer la Mère de
Dieu. Il y a quantité de ses dévots et serviteurs qui ne
se contentent pas de ce qu'ils peuvent faire pour elle,
mais qui ajoutent et forment bon nombre de désirs de
la gloire et de l'amour qu'ils voudraient de tout leur
cœur être effectifs en faveur de leur Bien-Aimée.
Tel était, entre autres, le dévot Berkman. Que ne
faisait-il pas pour acquérir ses bonnes grâces, pour la
servir, pour la publier à tous la plus aimable de toutes
les pures créatures! A cela il ajoutait des desseins, des
désirs, des élans, des souhaits, dont les effets ne paru
rent jamais. Déjà tout jeune et peu savant qu'il était,
il projetait de composer un livre a sa louange. Il eût
voulu que tous les hommes de la terre eussent eu,
comme lui , des cœurs très enflammés de l'amour de
Marie. Ainsi disait, ainsi pensait Berkman; voici comme
vous direz et penserez aujourd'hui à votre loisir :
« O glorieuse Princesse , Mère de mon doux Jésus ,
aimable Marie , que n'ai-je le cœur d'un saint Joseph ,
votre Epoux ; de sainte Anne, votre Mère ; de tous vos
dévots et favoris ; un cœur pareil à celui de votre Fils !
C'est de tous ces cœurs et de toutes les manières qu'ils
ont inventées pour vous aimer et honorer, que je vou
— 236 —
drais vous aimer et vous rendre honorable par tous les
endroits de la terre habitable. Que n'ai-je les richesses
et les moyens de ces grands monarques de la terre qui
vous ont bâti de superbes temples et de magnifiques
églises; qui ont enrichi les lieux consacrés à votre
gloire par des inimitables profusions et magnificences
royales ! Ne leur en déplaise, je voudrais enchérir par
dessus tout ce qu'ils ont jamais fait, et faire moi seul
plus qu'ils n'ont fait tous ensemble !
« Que n'ai-je le zèle, les industries, les adresses dont
les amateurs de votre gloire se sont servis pour vous
rendre recommandable, et vous conquérir les cœurs de
tous ceux qui vivaient en leurs siècles et de ceux qui
vivront aux siècles à venir ! Pour si grands et glorieux
qu'ils aient été en leurs entreprises, le feu qui embrase
mon cœur pour vous me fait dire que je les voudrais
tous surpasser, et vous faire rendre des amours, des
respects et des soumissions qui ne leur furent jamais
venus en pensée.
« Jacques Ier, roi d'Aragon, surnommé le Conquérant,
fit bâtir à votre honneur jadis plus de deux mille égli
ses ; et si c'était en mon pouvoir je voudrais vous faire
bâtir deux millions de temples, tous plus superbes et
magnifiques que ceux que vous ont fait bâtir Constan
tin, Charlemagne et autres monarques et grands de
l'univers , qui allaient à l'envi à qui vous rendrait de
plus grands honneurs et témoignages de leur amour.
— 237 —
« Jadis sainte Pulchérie , impératrice , vous offrit et
fit dresser un autel d'or, enrichi de pierres précieuses.
Saint Etienne, roi de Hongrie, vous fit bâtir une église
à Albe, ville royale, dont plusieurs tables d'autel étaient
d'or fin, avec quantité de rangs de pierres précieuses des
plus exquises. Et moi, je voudrais vous en offrir tout
autant, et d'or massif, comme il y a d'églises et cha
pelles en toute la chrétienté; et je voudrais que non-
seulement les autels, mais encore tous les vases, toutes
les lampes, tous les chandeliers, tous les encensoirs qui
servent à vos temples fussent tous de pur or. — Eh !
chétifs que nous sommes, à quoi saurions-nous mieux
employer nos plus éclatantes richesses? Louis XI, vous
offrant en hommage le comté de Boulogne, accompagna
cette reconnaissance d'un cœur d'or du poids de deux
mille écus, priant ses successeurs d'en vouloir faire au
tant à perpétuité. Ah! que n'ai-je l'intendance sur tous
les riches minéraux de la terre; que n'ai-je tous les lin
gots d'or et tout ce précieux travail du soleil qu'il opère
aux entrailles de la terre, je ferais un cœur du poids de
douze cents millions d'or, et j'y ferais buriner et graver
les noms de tous vos serviteurs et favoris , et puis je
vous en ferais un présent avec la plus grande solennité
et magnificence que le soleil ait jamais vue sur la face
de la terre depuis qu'il éclaire l'univers.
« On dit que la ville de Séville vous fit présent jadis,
dans l'une de vos églises, d'une riche tapisserie du prix
— 238 —
de quatre vingt mille écus, pour preuve de l'honneur
qu'elle désirait vous rendre et à votre immaculée Con
ception; et moi, je voudrais fournir des tapisseries à
rechange, des plus riches et précieuses étoffes, à vos
temples, qui aient jamais été dans les coffres des plus
riches et magnifiques empereurs, reines et princesses,
au prix chacune de quatre vingt mille écus : c'est trop
peu! de quatre vingt millions d'écus; et je voudrais
qu'elles fussent toutes ornées et parsemées de diamants,
d'escarboucles, et de toute sorte de pierreries. Car c'est
ainsi que doivent être honorés les temples de la Mère
de Dieu.
« Saint Etienne, roi de Hongrie, vous offrit son royau
me, et ne se disait que votre lieutenant. C'est bien dom
mage qu'il ne fût pas monarque de toutes les nations :
c'est l'empire que les hommes vous devraient donner
de leur plein gré. Et, tel que je suis, il me prend quasi
envie de posséder la monarchie de ce monde. Ce ne
serait pas assez pour mon dessein, il me faudrait l'em
pire et la monarchie d'un million de mondes pareils à
celui-ci. Et je vous donnerais tout cela, je vous en cons
tituerais l'Impératrice et la Souveraine ; et de ma part,
je ne me voudrais déclarer ni être en effet que votre
esclave.
« Je ne puis assez louer les inventions admirables de
certains rois d'Angleterre, qui avaient cette louable cou
tume de porter votre image en leurs armées et armoiries.
— 239 —
Ils ne voulaient d'autres victoires, ni d'autre noblesse
et grandeur que celle d'être sous vos auspices.
« Charles Septième, étant en guerre, voulait que votre
nom de Marie parût sur son étendard. Primislas, roi de
Danemark, avait un bouclier sur lequel était gravé
votre image et avec lequel il allait courageusement
assaillir tous ses ennemis.
« La ville de Montpellier, en Languedoc, a eu pour
ses armoiries votre image et celle de votre Fils qui est
entre vos bras, sur un besan de gueule. Les Avignonnais,
et beaucoup d'autres peuples, ont logé sur toutes les
portes et avenues de leurs villes quelqu'une de vos
images. Les révérends Pères Chartreux n'ont aucune
église de leur ordre qui ne vous soit dédiée.
« Je suis ravi de toutes ces inventions du saint amour,
et je voudrais avoir l'esprit d'un Ange qui me fournît d'au
tres inventions toutes belles, toutes nouvelles, toutes ad
mirables pour vous faire respecter et reconnaître partout.
« Si j'étais souverain, le moins que je ferais, c'est que
je commanderais , avec ordre , sous des peines sévères ,
qu'on eût à mettre presque partout votre portrait, votre
sacré Nom de MARIE, les histoires et représentations
de votre sainte vie. Je voudrais qu'il n'y eût ni étendard
de gens de guerre, ni bouclier de capitaine, ni armoirie
de noble , ni porte de ville , de maison , de salle et de
chambre, entrée d'église ou de chapelle, coin de rue,
avenue de grand chemin, où votre statue et image ne
— 240 —
fût posée, afin qu'il n'y eût Avivant sur la terre qui n'eût
occasion de vous révérer comme son honorable et ai
mable Princesse.
« François Premier, roi de France, ayant appris que
dans Paris, la capitale du royaume, un méchant hu
guenot avait été si détestablement impie que de s'atta
quer à votre redoutable Majesté, ayant abattu la tète
à une de vos images, voulut expier ce forfait par quelque
signalée satisfaction et réparation d'honneur. Il ordonna
une procession générale, où il se trouva lui-même en
personne, à pied et tête nue, avec un flambeau à la
main, suivi des princes ses enfants, des autres princes
du sang, de tous les grands de sa cour, des ambassa
deurs résidents, et de la cour du parlement.
« Arrivé au lieu où le crime avait été commis, il posa
de sa main votre statue, qu'il avait fait travailler fort
belle et excellente, et la mit en la place de celle qui
avait été rompue par la malice de cet abominable scé
lérat. C'est comme cela qu'il faut réparer les manque
ments qu'on fait en ce qui concerne vos honneurs.
« Ah ! s'il ne tenait qu'à moi, tous les crimes qui sont
contre vous et contre votre cher Fils (puisque ses inté
rêts sont les vôtres) , tous les déplaisirs que 'vous rece
vez et votre bien-aimé Jésus de tant de créatures qui,
pour leurs ingratitudes, indévotions et vie autant non
chalante que criminelle, ne méritent point de voir la
lumière du soleil qui les éclaire ; oui , tous ces crimes
— 241 —
et actions dignes d'un éternel oubli seraient châtiés à
l'égal du démérite. La satisfaction serait convenable
ment faite, et il ne se trouverait sous le ciel créature
si téméraire que de vous faire le moindre déplaisir.
Toutes les actions, les pensées et les paroles des hu
mains n'auraient autre but que de chérir et respecter,
après Jésus, Marie sa Mère. Et n'est-il pas raisonnable
qu'il en soit ainsi?
« Au siècle passé et dans ces dernières années, nous
avons vu glorieusement réussir les desseins des cœurs
amoureux de votre gloire et de l'avancement de votre
service par tant de saints Ordres et de saintes Maisons
érigées sous vos hospices et à l'abri de votre Nom de
Marie ou de vos vénérables Mystères : l'ordre de la Con
ception, institué par la sage Béatrix de la Forest, sœur
du bienheureux Amédée; l'ordre de l'Annonciade de
Bourges, fondé par la bienheureuse Jeanne de France ;
celui des Annonciades de Gènes, établi par la bienheu
reuse Victoire ; celui de la Visitation Sainte-Marie, par
le bienheureux François de Sales , évêque et prince de
Genève; celui des religieuses de Notre-Dame, dit de
Sainte - Ursule , par la bienheureuse Angèle , en 1 540 ,
enfin introduit en France , depuis 1612, d'abord dans
Paris, et puis par tout le royaume, nonobstant les dif
ficultés et les résistances incroyables ; celui de la Con
grégation de Notre-Dame, érigé à Nancy, en Lorraine.
« Ce n'est pas seulement ce sexe qui a eu l'honneur
7.
— 242 —
d'avoir des ordres et familles qui ont porté votre Nom,
les Servites sont vôtres , et se peuvent appeler enfants
de la Vierge et vos serviteurs. C'est de là que leur
vient le nom "de Servites; et à bon droit, puisque
les premiers de leur institut, comme ils demandaient
l'aumône par les rues de Florence, les petits enfants
encore attachés à la mamelle de leurs mères se mirent
à parler et crier : « Voilà les serviteurs de la sainte
Vierge : faites-leur l'aumône. » L'ordre des Carmes est
vôtre, et le temps a été qu'on les appelait les Frères de
Notre-Dame du Mont-Carmel. L'ordre du Mont-Vierge,
institué par saint Guillaume , évêque de Verceille , est
vôtre; il a pour titre glorieux l'une des plus belles de
vos qualités. L'ordre des Minimes est vôtre : aussi les
nommait-on au commencement les Minimes de Jésus et
Marie.
« Mon Dieu, que je prends plaisir à vous raconter tout
ceci , et beaucoup plus à voir ce grand nombre de fidè
les serviteurs et servantes qui ne respirent que votre
gloire et ne vivent que pour vous servir! Mais, il faut
le dire, ils raniment mon courage, et me poussent à
des désirs tels, que je ne sais si je les pourrai expliquer.
« Eh quoi ! glorieuse Mère de mon Dieu , croyez-vous
bien que c'est là où se terminent mes vœux, et les
amoureuses pensées et souhaits de mon cœur? Je vou
drais que toutes ces saintes maisons qui ont l'honneur
de vous appartenir, fussent peuplées bien autrement
— 243 —
qu'elles ne le sont. Mon grand désir serait que le nom
bre des enfants de la Vierge et des filles de Notre-Dame
arrivât à des millions, et qu'il n'y eût cité ni petite ville
dépourvue de pareilles maisons, et que partout on eût
le bonheur de voir ces saintes maisons comme autant
de sanctuaires et augustes temples de la vertu, dans
l'imitation de leur Mère.
« Je désavoue ces restrictions de n'en pouvoir recevoir,
sans congé particulier du Prélat , que jusqu'au nombre
de trente-trois dans chaque maison. S'il faut des res
trictions , il faut les mettre à trente-trois mille , ou à
trente-trois millions ; encore il vaut mieux ne pas bor
ner le nombre de vos enfants. Plût à Dieu qu'il y en
eût des centaines de millions dans les maisons consa
crées à votre service ! Qu'y aurait-il à craindre? que
le monde manquât? Ah! c'est ce qui n'arrivera jamais.
Il n'y en aura toujours que trop qui serviront le monde
et obvieront à cet inconvénient! Qu'y aurait-il à crain
dre? de la confusion parmi un si grand nombre de vos
enfants? Et n'ètes-vous pas la générale des armées, qui
savez ranger les bataillons et mettre les millions de
soldats en ordre de bataille ! Il vous serait donc aisé de
préserver de la confusion et de tenir en paix trente-
trois millions de vos enfants. Cette milice spirituelle est
bien plus maniable que l'autre.
« Mais, ô sacréeVierge, chère Maîtresse et Gouvernante
de mon cœur ! vous dirai-je en toute sincérité toutes
— 244 —
les pensées de mon cœur? Je voudrais que tout ce grand
nombre de serviteurs et servantes que vous auriez
parmi toutes ces maisons éparses en tous les endroits
de la terre habitable , fussent des enfants dignes d'une
telle Mère ; qu'ils eussent de l'amour pour vous et pour
votre Jésus autant que n'en saurait avoir jamais eu le
plus fidèle , le plus chaste , le plus saint et le meilleur
de tous vos amants et favoris. Je voudrais que ce fus
sent tous des Alexis, des Bernards, des Josephs Her-
mans, des François , des Dominiques , des Ignaces, des
Xaviers, des Gonzagues, des Berkmans, des Thérèses,
des Victoires, des Brigittes, des Gertrudes, des Claires,
des Angeles, des Catherines, et autres semblables.
« Ma chère Mère, je vous ai simplement exposé les
désirs de mon cœur et tous les replis de mes pensées ,
jusques où vont mes soupirs et mes souhaits. J'ajoute
que je voudrais être de la partie, et que, s'il m'était
possible, je voudrais vous rendre les honneurs, les hom
mages, les respects, les services et les devoirs que tou
tes les créatures de la terre vous ont rendus et vous
rendront jusqu'à la fin des siècles. Je voudrais les cou
vrir toutes de honte par la multitude de mes devoirs,
et vous rendre ces devoirs à deux fois cent millions par
dessus tout ce que les hommes et les anges ont jamais
fait pour vous plaire et pour servir la toute auguste et
toute vénérable Marie, très-digne Mère de Dieu.
Philagie, vous voilà bien en ferveur et en belle dé
— 245 —
votion : aussi c'est l'Octave de la belle Fête de Marie.
Continuez de même aujourd'hui, et désormais quelque
fois; car, comme tout cela part d'un bon cœur, Marie
agrée le tout. Allez, et que Dieu vous bénisse pour tant
d'amour que vous portez à la Mère d'amour.
— 246 —
CHAPITRE X
HUIT DÉVOTIONS A LA MÈRE DE DIEU POUR LA FÊTE ET L'OCTAVE
DE SA FORTUNÉE NAISSANCE , LE VIII DE SEPTEMBRE.
DEVOTION PREMIERE.
Pour le huitième jour de Septembre.
Réciter trente-cinq Ave Maria tous les jours de cette Octave ,
pour honorer le nombre des jours que la sainte Vierge de
meura dans les flancs de sainte Anne, sa mère, à l'imitation
de sainte Gertrude.
Sainte Gertrude fut instruite par Notre-Dame non-
seulement comme elle devait honorer le mystère de
l'Annonciation, ainsi que nous avons dit ailleurs , mais
encore celui de sa sainte Nativité. Elle lui dit que qui
réciterait tous les jours de cette Octave trente-cinq fois
l'Ave Maria en l'honneur des jours qu'elle demeura au
sein de sa mère sainte Anne, mériterait qu'elle lui fit
part d'une très-particulière façon de toutes les joies que
son béni cœur ressentit ici-bas, et, de plus, de tous les
contentements dont à présent Dieu comble son esprit.
Tant de riches promesses que la Mère de Dieu fait si
souvent à qui lui présente le Salut Angélique, m'obli
— 247 —
gent de croire que c'est l'une des plus agréables prières
dont nous saurions nous servir pour l'honorer, et qu'elle
désire que ce soit fréquemment et aux occasions les
plus honorables. Et je ne m'en étonne pas, d'autant plus
que je trouve que nous, qui sommes tous des hommes
faibles , chétifs , et bien éloignés de la nature , de la
beauté et de l'excellence des anges, nous lui rendons
néanmoins , en la saluant du Salut Angélique, des hon
neurs plus nobles, plus excellents et plus magnifiques
que ne fut celui que lui rendit autrefois l'Archange
Gabriel. Ce divin Archange ne la salua qu'en qualité de
simple vierge, et nous la saluons comme Mère du Fils
de Dieu, Fille du Père et Epouse du Saint-Esprit. Saint
Gabriel la salua dans la petite maison de Nazareth, et
nous la saluons triomphante dans le très-auguste palais
de l'empyrée et la toujours glorieuse demeure des Bien
heureux. Le céleste ambassadeur la salua sujette en
core a la mort et aux misères de ce déplorable séjour,
et nous la saluons affranchie de ce pitoyable état, parée
d'éternelle beauté et rayonnante de gloire. Sans doute,
c'est ce qui lui fait si fort agréer nos saluts et requérir
nos petits devoirs, qu'elle veut relever par des avanta
ges qui ne furent jamais promis aux anges.
Je ne pense pas, Philagie, que vous ayez le courage
de refuser de si belles offres, pour si peu que vous
aurez à faire aujourd'hui et les jours suivants à l'hon
neur de la Nativité de votre chère Maîtresse. Ce peu
— 248 —
encore que vous aurez à faire , et la réitération de la
même pratique, me donnera l'occasion, comme je le fis
pour l'Octave de l'Annonciation, de vous indiquer, tous
les jours de cette Octave, quelques pratiques de celles
pour l'exécution desquelles je ne puis vous donner un
jour. Il suffira donc de prendre chaque jour la résolu
tion de les pratiquer quelquefois en votre vie selon les
occurrences.
DEVOTION IIe
Pour le neuvième jour de Septembre.
Se découvrir ou faire révérence en entendant le Nom de Marie,
à l'imitation du dévot Père Binans, minime.
Au mois de juin, j'ai donné quelques pratiques pour
honorer le sacré Nom de Marie. En voici encore à quel
ques jours de cette Octave. Aussi c'est en ce temps que,
par avance, les parents de la Vierge commencèrent de
la nommer Marie. Car, encore bien que ce beau Nom
ne lui fut imposé avec cérémonie, selon la coutume des
Juifs, que deux semaines après sa naissance, ainsi qu'il
était pratiqué pour les filles, néanmoins, comme ses
père et mère avaient été avertis de lui donner ce beau
Nom, il y a bien de l'apparence qu'ils la nommaient
ainsi déjà avant qu'arrivàt le vingt-deuxième de ce
mois, auquel le nom lui fut donné.
— 249 —
Le nom de Marie est tellement vénérable qu'on ne
saurait assez le respecter. Les Polonais sont si réservés
en ce point, qu'ils ne permettent à aucune femme de
porter le nom de Marie, de quelle qualité qu'elle soit.
Ce grand respect des Polonais nous apprend avec quel
honneur il faut traiter ce riche et glorieux Nom.
Voici ce que faisait à ce sujet le dévot Père François
Binans, minime, et que vous prendrez aujourd'hui réso
lution de faire le plus souvent que vous pourrez, quand
l'occasion se présentera.
Chaque fois qu'il entendait prononcer le saint Nom
de Marie , il se découvrait par honneur, ou bien il in
clinait la tête , ou bien il faisait la révérence et une
génuflexion. Ainsi feraient les anges s'ils vivaient et
paraissaient parmi nous.
DEVOTION IIP
Pour le dixième jour de Septembre.
Par honneur pour le nom de Marie, ne pas le prononcer en
lisant, mais lui en substituer un autre, à l'imitation de
saint Gérard.
Après les trente-cinq Ave Maria, ayez, Philagie,
cette bonne volonté : qu'à la première occasion et sou
vent désormais, en lisant quelque livre où se rencon
trera le nom de Marie , nom de la Mère de Dieu , par
— 250 —
respect et par honneur vous ne la nommerez pas, mais
vous direz Notre-Dame au lieu de Marie.
Ainsi le pratiquait saint Gérard, évêque de Hongrie,
qui en avait introduit la coutume par tout le royaume.
D'où vient peut-être encore que, aujourd'hui, elle y est
appelée absolument la Dame. Ce royaume, pour la dé
votion que le roi saint Etienne et saint Gérard lui ont
donnée, a mérité d'être appelé la Famille de la Vierge.
Philagie, ce que tout un royaume faisait, vous ne
ferez pas difficulté de le faire , puisque vous avez autant
d'affection pour la sainte Vierge qu'ils en pourraient
avoir, et que vous souhaitez passionnément d'honorer
ce beau Nom. Sur quoi, vous remarquerez en passant
que Dieu a voulu que le même honneur qui fut jadis
rendu à son Nom, fût rendu à proportion à celui de
sa Mère.
C'était anciennement une commune créance que le
nom de Dieu était ineffable , et que personne ne savait
prononcer cet auguste nom de Jehova. Pour vous dire
mon sentiment, j'estime que ce beau Nom était dit
ineffable parce qu'on n'était pas fixé sur sa vraie pro
nonciation : l'un disait Jésus; l'autre, Jehosva; l'autre,
Jehova. C'était bien l'une des raisons, mais non la prin
cipale, qui faisait qu'on le disait ineffable. Ce n'est pas
qu'il ne fût tel , mais parce que aussi , par honneur, on
ne voulait point le prononcer; par là même encore il
était ineffable. En effet, quand les Juifs rencontraient ce
— 251 —
nom , ils lui substituaient Adondi, qui veut dire Sei
gneur; quelquefois ils disaient El, qui veut dire Fort;
tantôt ils mettaient Eloim, qui veut dire Dieu, ou Sa-
baot , qui signifie le Seigneur des armées , et ainsi de
quelques autres noms rapportés par saint Jérôme.
Ce peuple en usait de la sorte parce qu'il s'estimait
indigne que ses lèvres proférassent ce saint Nom de
Dieu, qui, entre tous ces noms, était le plus vénérable.
Et c'est à peu près ce que vous ferez désormais lorsque ,
dans un sentiment de respect, vous n'oserez parfois
prononcer le sacré Nom de Marie, et qu'en sa place
vous substituerez celui de Mère de Dieu, Reine des
Anges, Vierge sainte, Notre-Dame, et tel autre qu'il
vous plaira, vous estimant indigne de proférer ce riche
nom de Marie qui est la merveille des noms, et le non-
pareil après celui de Jésus.
On tient que l'Archange Gabriel ne la nomma pas
d'abord par son nom , mais bien par celui de Pleine de
Grâce, et cela par l'honneur et le respect qu'il portait à
ce riche Nom. Il s'en servit néanmoins bientôt après
quand il se fut aperçu qu'elle se troublait sur la nou
veauté de ce nom de Pleine de Grâce. Et pour la ras
surer, il parla comme le commun, et lui dit : Ne craignez
point, Marie. Mais il est certain que d'abord, pour le res
pect qu'il portait à ce Nom, il se servit d'un autre.
A vous le choix, ou d'imiter avec saint Gérard ce
divin ambassadeur, ou d'admirer aujourd'hui les inven
— 252 —
tions d'amour et d'honneur des amants de Marie pour
la gloire du Nom de cette bonne et aimable Princesse.
DÉVOTION IVe
Pour le onzième jour de Septembre.
Se mettre à genoux en entendant prononcer le Nom de Marie,
à l'imitation de saint Gérard.
Philagie, voici un hommage nouveau que vous pourrez
rendre à la Mère de Dieu lorsque votre dévotion et l'oc
casion le permettront : c'est de vous mettre à genoux
en entendant prononcer le Nom de Marie. Saint Gé
rard, évèque, dont je viens de vous parler, ne manquait
jamais de le faire, en inclinant la tète a terre. Et son
bon exemple portait tous ceux qui étaient présents à en
faire autant; de sorte que la coutume en est encore suivie
par toute la Hongrie.
Si vous ne l'osez faire devant le monde, faites-le au
moins dans votre chambre ou cabinet, quand en lisant,
ou autrement, vous prononcerez le nom de Marie. Mais
peut-être aurez-vous le courage une fois en votre vie
de le faire en présence d'autrui. Car, pour Marie, que
ne faut-il pas faire? Il n'y a respect humain ni créature
qui nous doive empêcher de l'honorer. Ce saint prélat
dont je viens de parler faisait ainsi, ce qui vaut bien ce
que nous pouvons faire, et quelque chose de plus.
— 253 —
Que si vous appréhendez tant, faites au moins quel
quefois, aux occasions, ce que pratiquait le dévot Fran
çois Retza, recteur de l'Université de Vienne en Au
triche. Il ne se peut dire combien il était dévot a Marie.
Au reste, jamais il n'entendait prononcer le nom de
Marie qu'il ne dît l'Ave Maria. Souvenez-vous du prix-
fait de cette Octave.
DÉVOTION V°
IPour le douzième jcmx' de Septembre.
Baiser la terre, ou au moins l'oratoire ou le livre, en rencon
trant le nom de Marie, à l'imitation du bienheureux Joseph
Herman.
Après les trente-cinq Ave, Maria à dire tous les jours
de cette Octave, voici encore une nouvelle invention
pour honorer le sacré Nom de Marie. Philagie, il ne
tiendra qu'à vous d'en faire autant quelquefois à l'occa
sion, et à la facon du bienheureux Herman de Steinvald.
C'était la sainte coutume de l'ordre de Prémontré,
dont il était religieux, de baiser l'oratoire qui sert
d'accoudoir autant de fois que le nom de Marie était
prononcé pendant le divin Office des jours ouvriers, et
de baiser la main dans les jours de fête. Le bienheu
reux Herman faisait cela.
Que s'il arrivait qu'il dit son Office en dehors du
8
— 254 —
chœur, particulièrement les jours de fête, il se pros
ternait à terre à la rencontre de ce saint Nom, il la
baisait, et y demeurait attaché assez longtemps.
Philagie, quand vous ferez cela, demeurez-y moins
de temps que lui, si vous le voulez. C'est bien assez que
vous fassiez cet acte d'humilité à l'honneur de Marie;
et souvenez-vous que l'on ne saurait assez respecter ce
glorieux Nom de la Mère de Dieu. Partout donc ho
norez-le , nommément en public, et a l'église , à l'imi
tation de ce saint ordre de Prémontré, qui, dans ces
rencontres, l'honore tantôt d'une façon et tantôt d'une
autre. Mais la sainte Vierge tient compte de tout, et
tôt ou tard, en temps et lieu, elle en fera ses recon
naissances. En voici une belle preuve tirée de la- vie du
glorieux Patriarche saint Dominique. On y voit que les
démons redoutent étrangement le Nom de Marie : c'est
pourquoi l'Église s'en sert aux exorcismes contre eux.
Et Denis le Chartreux donne pour avis, contre les ter
reurs paniques et les frayeurs nocturnes, de le redire
souvent; et saint Germain, patriarche de Constanti-
nople , dit que les démons les plus acharnés de l'enfer
à perdre les âmes les quittent au seul Nom de Marie.
Le bienheureux saint Dominique était savant en tout
cela : ce qui fut cause que ses religieux de Paris et de
Boulogne, étant molestés par des spectres de toute sorte,
par des lutins si importuns qu'ils en perdaient le som
meil, il ordonna pour s'en défaire qu'on chantât tous les
— 255 —
jours au chœur cette belle prière du Salve Regimi , où
la Mère de Dieu est réclamée par son beau nom de
Marie. Cette invention et oraison arrêta incontinent les
diaboliques importunités de ces démons. Un jour même,
tandis qu'ils disaient cette oraison, la glorieuse Vierge
se présenta à eux , et quelques-uns d'entre eux s'aper
curent qu'à mesure qu'on entonnait ces paroles : O dulcis
virgo Maria , elle baissait amoureusement la tête comme
pour les saluer tous.
Philagie , qui vous dirait que Marie vous salue bien
souvent, baissant son sacré chef quand vous pronon
cez ou respectez son saint Nom, ne vous donnerait -il
pas envie d'inventer de nouveaux honneurs et respects
extraordinaires que vous rendriez à l'avenir à l'incom
parable Nom de la Reine des Anges?
DÉVOTION VIe
le treizième joui* de Septemfore.
Faire voir partout qu'on aime et sert la sainte Vierge,
à l'imitation des religieux de saint Dominique.
L'amour est l'un des sentiments qui se font connaître
partout; c'est un feu qu'il est malaisé de cacher, surtout
celui qui brûle dans les poitrines des serviteurs de la
sainte Vierge.
— 25(1 —
C'est à ce feu qu'on reconnaît les religieux de l'or
dre de Saint-Dominique, enfants de la sainte Vierge.
Leur habit est blanc, aussi c'est la couleur de Marie.
Presque toutes leurs églises sont dédiées à Notre-Dame.
Leur chambre n'est pas sans l'image de leur chère Mère.
Partout on les reconnaît serviteurs de Notre-Dame.
Ainsi tous ceux qui l'aiment sont bien aises qu'on le
sache , et aux occasions ils le font paraître. Pour cela,
quelques-uns aiment le blanc , le bleu et l'incarnat , sur
la croyance que ce sont les couleurs de Notre-Dame.
Et il y a bien de l'apparence que cela est, puisque son
Bien-Aimé (Jésus-Christ dans les saints Cantiques) pa
raît avec cette livrée. Et Elle , pour l'ordinaire , et le
plus souvent , se faisant voir aux hommes , a paru re
vêtue de l'une de ces trois' couleurs.
Quand elle délivra sainte Brigitte des douleurs in
supportables lorsque celle-ci accoucha du bienheureux
Charles, son fils, ce fut en lui apparaissant revêtue de
damas blanc. Quand, la nuit de Noël, elle guérit à
Lorette Jacques, marquis de Bade, prince allemand, ce
fut en se faisant voir a lui, en songe, habillée de
blanc. Quand elle promit toute assistance à Béatrix de
la Forest, dame d'honneur d'Isabelle, reine de Castille,
qui l'avait réclamée en sa grande affliction, elle la vint
voir parée d'une belle robe blanche dessous son grand
manteau bleu. Quand elle fit la faveur à sainte Brigitte de
l'instruire sur quelques merveilles de ses perfections, ce
_ 257 —
fut en paraissant affublée d'un grand manteau bleu par
semé d'étoiles. Quand elle secourut la ville de Rossan,
en Calàbre, assiégée par les Sarrazins, ce fut en parais
sant sur les murailles habillée d'incarnat, portant en
main un flambeau allumé , qui leur donna tant d'effroi
qu'ils s'enfuirent bien vite, laissant leurs échelles sur
les murailles, où ils les avaient déjà plantées. Elle parut
aussi à Dosithée visitant les saints Lieux de Jérusalem,
couverte d'un grand manteau d'écarlate. Je ne doute
point que ce ne soient ses couleurs et sa livrée.
Quoi qu'il en soit , quelques-uns à cette occasion por
tent le blanc, comme les religieux de l'ordre de Pré
montré, les Frères Prêcheurs et les chevaliers de l'ordre
de la Milice de la Vierge , institué par Urbain IV, qui
étaient revêtus d'une belle soutane blanche. Les autres
portent l'incarnat, comme les chevaliers de l'ordre du
Cordon de Notre-Dame, institué par Louis de Bourbon,
- du temps de Charles VI, son neveu. Ces chevaliers,
aux fêtes solennelles de la Vierge, étaient obligés de
porter leur habit, qui était une soutane de damas in
carnat aux larges manches, avec une ceinture de ve
lours bleu doublée de satin rouge, aussi bien que le
grand collier. En outre, le grand manteau était de da
mas bleu céleste. Quelques autres, à ce même sujet,
portent le bleu , comme les Célestes , ainsi appelées à
cause de leur manteau qui est bleu céleste : ce sont les
religieuses de l'Annonciade de Gènes, dont l'habit est
— 258 —
une robe blanche avec un scapulaire et un manteau de
couleur céleste.
J'en connais qui seraient bien fâchés de paraître sans
quelqu'une de ces couleurs , comme étant la livrée de
la sainte Vierge. Le cordon pour le moins qui enfile
leur chapelet , ou celui de leur reliquaire, sont de quel
qu'une de ces couleurs.
On en voit qui , en d'autres occasions , donnent des
preuves de ce que leur cœur honore. S'ils essaient une
plume, c'est en écrivant le nom de Marie. Lisez ce qu'ils
ont écrit sur le papier, vous y trouverez : Vive Jésus !
vive Marie !
S'ils ont des chiffres, le nom de Marie y sera inséré.
Le cardinal annaliste, César Baronius, en toute ren
contre logeait parmi ses écrits un chiffre dont les let
tres capitales disaient ceci : Cœsar servus Mariœ, c'est-
à-dire : César serviteur de Marie. On l'a trouvé parmi
la copie de ses Annales environ six cents fois.
S'ils étudient , s'ils travaillent , ils ont une image de
la Vierge devant eux, à l'exemple de saint Edmond,
qui, étudiant, avait toujours ce gracieux objet devant
ses yeux.
S'ils embellissent une chambre, une salle, un cabinet,
ils y logent le portrait de la Mère de Dieu. Le nombre
de ceux qui font ainsi est considérable.
S'ils distribuent quelque présent, c'est de quelque
image de la Mère de Dieu. Sainte Elisabeth, fille de
— 259 —
André II, roi de Hongrie, avait quantité de telles ima
ges ou statues de la sainte Vierge, et en faisait des
présents.
S'ils ont quelque inclination à s'engager plus avant
au service de leur chère Mère, ils entrent aux confré
ries qui sont consacrées et destinées pour la servir.
Ainsi donc les voilà de la confrérie du Saint-Scapulaire
de la Vierge, ou de celle du Saint-Rosaire; ou bien ils
se rangeront aux Congrégations érigées en son honneur
dans les colléges et maisons de la Compagnie de Jésus.
Ils voudront bien qu'on sache qu'ils en sont , et qu'ils
sont serviteurs de la Reine du Ciel.
Philagie, un saint amour est toujours riche en inven
tions. Après avoir dit aujourd'hui les trente -cinq Ave
Maria que vous avez dessein de dire en suite de cette
Octave, résolvez-vous à quelqu'un des susdits traits ou
autre que votre amour vous fournira. Qu'on vous re
connaisse servante de la Mère de Dieu a la parole, à
la livrée, aux façons de faire , à quelque signe. Et si
quelque méchante langue ou respect humain vous en
veut divertir, dites hardiment : Je veux bien qu'on le
sache : je sers la Mère de Dieu, je suis à Marie, j'ap
partiens à la sainte Vierge.
— 260 —
DÉVOTION VIIe
IPour le quatorzième jour de Septembre.
Faire quelque signalée et héroïque action à l'honneur de la
sainte Vierge, à l'imitation de bon nombre de confrères qui
la servent en ses Congrégations.
Philagie, il ne faut qu'une action héroïque faite pour
Marie. Une seule faite de cette sorte est capable de
nous donner entrée à toutes les bénédictions et au
bonheur de notre salut.
Un jeune homme dans la ville de Poitiers, étant sur
le point d'offenser Dieu avec une fille débauchée , l'in
terrogea sur son nom. Ayant appris qu'elle s'appelait
Marie, il la fit sortir sur-le-champ. Dieu l'en bénit tel
lement, qu'il devint un exemplaire de chasteté et un
miroir de vertu. Et en mémoire de ce changement si
soudain , on bâtit en la place où était la maison de ce
jeune homme une chapelle , et depuis la célèbre église
de Notre-Dame de Poitiers.
Ce qui arriva au pape Innocent III est bien plus re
marquable. Toute l'action signalée qu'il avait faite, c'é
tait d'avoir bâti un monastère à l'honneur de la Mère
de Dieu, et cela lui valut le bien d'être délivré de l'en
fer. Il apparut à sainte Ludgarde tout en feu et en
flammes pour implorer ses prières , ainsi qu'il avait ob
tenu de pouvoir le faire par la faveur de Notre-Dame.
— 201 —
Le discours qu'il lui tint fut qu'il avait commis trois
péchés qui l'avaient conduit sur le bord du précipice de
la damnation éternelle; mais que la sainte Vierge lui
avait impétré , un peu avant que de mourir, la grâce
de bien se confesser ; que cette confession l'avait sauvé ;
que pour le purgatoire, il y était pour de longues années.
Voilà ce que c'est que de se porter aux actions hé
roïques en l'honneur de la sainte Vierge. En ce temps-
ci , il y a quantité d'âmes généreuses qui n'oublient pas ,
dans les occasions, de se signaler et rendre recomman-
dables. Le désir qu'elles ont de plaire à Notre-Dame
leur fait surmonter toute difficulté.
Ceux-là sont pardessus tous dignes de louanges , qui
servent la sainte Vierge en ses Congrégations. Vous le
jugerez ainsi du peu que je vais avancer.
Que vous semble de ce jeune homme de Cordoue qui,
ayant fait vœu de chasteté dans la chapelle de la Con
grégation, à son retour au logis s'ouvre lui-même la
veine, tire de son sang, en écrit la formule de son vœu,
la signe et la dépose dans son reliquaire , tout prêt à
mourir et donner son sang pour la conservation de sa
pureté !
Que dites-vous de cet autre confrère et serviteur de
la Vierge dans la Congrégation de Séville, qui mourut
l'an 1603, et qui, en mourant, dit au Préfet de la
Congrégation que , par la grâce de Dieu et de la sainte
Vierge sa Mère, il mourait, après avoir été victorieux
— 262 —
durant deux ans qu'il avait demeuré à Séville touchant
la garde de ses yeux , pour l'amour de la pureté et de
la sainte Vierge, n'ayant jamais regardé une femme au
visage, et n'en connaissant pas deux de vue excepté
une ou deux de ses proches parentes, avec qui, par
nécessité, il avait parfois fallu traiter pour sa pension
ou choses pareilles !
Combien estimez-vous ce confrère de la Congrégation
de Munich qui , ayant reçu à tort un soufflet injurieux
de son camarade, se mit néanmoins à genoux devant
lui et présenta l'autre joue , que cet insolent chargea
encore d'un autre sonfflet , qui fut reçu et souffert avec
autant de patience et de débonnaireté que le premier ! Ce
ne fut pas tout: quand il fallut faire l'accord sans que
l'offensé fut requis de rien , il se mettait déjà en devoir
de demander pardon à celui qui l'avait si injurieuse-
ment offensé.
A quel prix mettriez-vous une souffrance héroïque
pareille à celle-là, une bonté de cette trempe, un cœur
souffrant ainsi pour l'amour de la sainte Vierge ! C'est
Elle qui sent le prix de toutes ces actions, qui les ré
compense tôt ou tard de mille faveurs.
Philagie , après vos trente-cinq Ave Maria, je suis
bien d'avis de sonder votre courage pour lui donner
envie de faire parfois, aux occasions de rencontre ou
recherchées , des actions signalées et héroïques à l'hon
neur de la Mère de Dieu.
— 263 —
Je ne vous dis pas qu'elles soient semblables à celles
ci- dessus alléguées : il y en a qu'il ne faut pas imiter.
Mais il suffit bien d'entreprendre celles qui sont à votre
portée , et que Dieu ne manquera pas de vous inspirer,
si vous y mettez tant soit peu de bonne volonté.
DEVOTION VHP
Four le quinzième jour de Septembre.
Avancer l'honneur et la dévotion de la sainte Vierge de tout
notre pouvoir, à l'imitation de Jean 1er, roi de Portugal.
Philagie, quel bonheur serait-ce aujourd'hui si, après
les trente-cinq Ave Maria que vous voulez dire pour
achever le prix-fait de cette Octave, vous pouviez affec
tionner votre cœur a la gloire de la sainte Vierge ! Vous
prendrez la résolution de n'oublier désormais rien de ce
qui sera de votre pouvoir pour la faire aimer et servir,
respecter et honorer.
Il y en aurait bien assez pour vous faire perdre cou
rage, si je voulais vous donner en exemple ces grands
et éminents personnages qui, par l'excès de leurs ma
gnificences en bâtiments superbes, ou par leur riche
éloquence, ou par la bonté de leur esprit et de leur
plume, ou par la grandeur de leur zèle, ont avancé et
amplifié en cent mille manières l'honneur, le culte, la
gloire de la Reine des Anges. Je ne veux que vous pro
— 264 -
poser ce que vous pourrez imiter, et dont vous ne sau
riez vous dédire.
C'est bien un grand roi que je veux vous mettre en
exemple; mais il est inimitable au point que je mar
querai.
Il n'est pas croyable ni aisé à dire combien Jean I",
dixième roi de Portugal , était affectionné à la Mère de
Dieu , surtout à .tâcher de la faire honorer, aimer et
servir. D'après ce dessein, il lui fit bâtir trois superbes
églises, surtout celle qui est appelée Notre-Dame de
l'Olivier, proche de Lisbonne. Il y offrit autant d'argent
que pesait son corps armé de pied en cap ; il y appendit
sa lance et sa cotte d'armes ; il y donna des pièces d'or
fèvrerie de plus de quatre cent mille écus; il y fonda
un chapitre de trente-deux chanoines, à chacun des
quels il donna quatre cent cinquante écus de revenu,
sans compter le plat de l'évêque qui est de deux cent
cinquante mille écus. Il y obtint plusieurs belles indul
gences pour la rendre plus auguste , et obliger le monde
à venir honorer la Mère de Dieu.
Vous pensez peut-être déjà que c'est le trait imitable
que je vous propose? Nullement. C'est ce qu'un roi ou
un prince peut faire; et voici ce que tous peuvent faire,
si ce n'est de même, du moins à proportion de leurs
forces. Tous les jours il récitait l'Office de la Vierge
avec le sentiment de la dévotion , et il conseillait la
même pratique à tous ceux qu'il aimait le plus; il fai
— 265 —
sait tout ce qui était en son pouvoir pour en gagner
plusieurs à ce saint exercice.
En suite du louable zèle de ce glorieux prince , je ne
peux m'empêcher de vous conjurer d'en faire autant.
Invitez donc désormais ceux qui converseront avec vous
d'aimer et servir la sainte Vierge, de dire son Office
aux bonnes fêtes , de communier aux jours de ses so
lennités , à faire abstinence ou jeûner les samedis et
veilles de ses fêtes, à lui demander matin et soir sa
bénédiction , à la prier, par la bonté de son cœur, à se
réjouir souvent avec elle de ce qu'elle est Fille du Père ,
Mère du Fils et Epouse du Saint-Esprit ; à être de quel
qu'une de ses Congrégations , a prononcer souvent le
sacré Nom de la bienheureuse Vierge Marie , et à lui
protester souvent qu'on voudrait mourir pour cette vé
rité — qu'elle est Vierge et Mère, à aimer la chasteté
pour lui plaire, à dire tous les jours la Couronne des
Douze Etoiles, à n'avoir confiance qu'en Elle et en Jésus
son cher Fils , et ainsi des autres pratiques qui sont en
ce livre.
O la bonne journée pour vous si , avec la résolution
de pratiquer vous-même toutes ces choses, vous attiriez
quantité d'âmes à son grand amour!
Philagie, de quelle consolation vous jouiriez à la mort
si elle vous surprenait travaillant ainsi pour agrandir
l'empire de Marie et à lui faconner des cœurs pour
l'aimer ! Que pourriez-vous attendre en ce passage qu'un
— 266 —
gracieux visage de la Mère d'amour, et une favorable
main qu'elle vous présenterait pour vous conduire au
trône de la gloire de son Fils, et vous y servir de fidèle
Avocate et amoureuse Mère en reconnaissance de vos
travaux affectionnés pour l'agrandissement de son em
pire !
— 267 —
CHAPITRE XI
HUIT DÉVOTIONS A LA MÈRE DE DIEU POUR LA FÊTE ET L'OCTAVE
DE NOTRE-DAME DE LA VICTOIRE, LE VII D'OCTOBRE.
DÉVOTION PREMIÈRE.
Pour le septième jour d'Octobre.
N'entreprendre rien que sous la conduite et à la faveur de la
sainte Vierge, à l'imitation de sainte Thérèse.
Philagie, tout à propos de la fête de Notre-Dame de
la Victoire, je vous donne aujourd'hui cette pratique,
puisque cette puissante et grande armée des chrétiens
trouva son bonheur et la victoire contre les Turcs à la
faveur de la sainte Vierge, qu'elle avait implorée.
L'armée ennemie était de beaucoup plus puissante,
plus nombreuse et plus aguerrie que celle des chrétiens :
néanmoins, par la favorable assistance de la Mère de
Dieu qui était invoquée à cette fin par toute la chré
tienté, la victoire en demeura aux chrétiens, et si avan
tageusement, que depuis les six heures du matin jus
qu'au soir il y eut cent quatre-vingt-dix galères de
prises sur l'ennemi ; quatre-vingt-dix furent coulées ;
— 268 —
trente mille Turcs furent massacrés , dix mille faits pri
sonniers, et environ autant qui étaient à la rame des
galères des Turcs mis en liberté; cent et seize grosses
pièces de canon et cent cinquante couleuvrines furent
gagnées.
Ce grand secours de la Vierge rendit cette journée
de Lépante glorieuse pour les chrétiens, et le pape
Pie V, en reconnaissance , lui consacra ce jour sous le
nom de Notre-Dame de la Victoire.
Philagie, croyez-moi, n'entreprenez jamais aucune
affaire que vous ne la recommandiez à la sainte Vierge,
et puis laissez-lui le soin du succès. Commencez dès
aujourd'hui. Il n'est pas de jour que vous n'ayez quel
que affaire en main, quelque bon dessein à cœur.
Tous les serviteurs de Marie en ont toujours fait au
tant au commencement de leurs affaires, voyages, pro
cès, négoces, offices, travaux, bonnes œuvres, desseins,
entreprises, changement de vie et d'état, et la sainte
Vierge les a bénis.
Saint François - Xavier n'entz'eprenait ses glorieux
voyages de la conquête des âmes aux Indes que sous
les auspices de la glorieuse Vierge. Sainte Thérèse,
étant choisie prieure du monastère d'Avila, pria la
sainte Vierge d'en prendre la charge, et ayant fait
mettre son image à la place de la prieure, elle lui offrit
les clés de la maison. Aussi il arriva, peu de jours
après, qu'elle apercut la sainte Vierge assise à la chaire
— 269 —
de la prieure, tandis que les religieuses tournées de ce
côté-là chantaient un Salve Regina.
Le bienheureux François de l'Enfant Jésus ne man
quait jamais de recommander et commettre le soin de
toutes ses entreprises à la bonne Mère , dans le grand
emploi qu'il avait aux œuvres de charité, surtout de la
conversion des femmes débauchées ou de l'avancement
spirituel des repenties; et quand il y avait manqué, il
reconnaissait aussitôt que le teigneux (ainsi il nommait
le diable) traversait ses desseins par de grandes diffi
cultés et de la résistance.
Aussi parfois, prenant garde à son oubli, il retour
nait à la maison et invoquait dans sa chambre la Notre-
Dame de sa dévotion. Il mettait l'image du teigneux
sous les pieds de l'image de la sainte Vierge, et retour
nant en ville pour ses bonnes œuvres, il ne trouvait
plus les difficultés précédentes, et tout lui réussissait à
souhait.
A ce propos, je ne puis ne pas loger ici ce qui arriva
à ce dévot de la Vierge , Alexandre Marchant , dont
parle le patriarche Sophronius.
Comme il allait d'Alexandrie à Constantinople , sur
son départ , sa femme très-dévote aussi à la Mère de
Dieu l'interrogea en lui demandant à qui il la recom
mandait et toute sa famille ? Il répondit : A la Mère de
Dieu, laquelle aura grand soin de vous. Cela parut bien
tôt vrai : car, après que son mari fut parti, le valet de
— 270 —
la maison, poussé par le diable, prend un gros couteau
de cuisine , délibère de tuer sa maîtresse et sa petite
fille de six ans, puis de piller la maison et de s'enfuir.
Comme il se dispose d'aller faire le coup, tout étourdi
de la pensée de son crime, il ne peut trouver la porte
de la chambre. Il appelle donc sa maîtresse; elle lui
répond que c'est à lui de venir à elle, s'il a quelque
chose à lui dire. Il répète; mais elle tient bon.
Le malheureux, voyant que son dessein ne réussit pas
selon son désir, au lieu de tuer sa maîtresse, se tua
soi-même, en jetant un grand cri. A ce cri elle sort,
et trouve ce malheureux étendu à terre et trempé dans
son sang. Effrayée, elle appelle les voisins et la justice,
qui trouva encore en ce désespéré autant de vie qu'il
en fallait pour confesser son détestable dessein.
Voilà ce que c'est que de se jeter entre les bras de
la Mère de bonté, et lui recommander tout ce qui nous
concerne. Ce sera au Ciel un jour que nous saurons en
combien d'occasions elle nous aura été secourable!
Mais pourquoi est-ce, Philagie, que je vous mets en
avant des preuves de vieille date pour justifier mon dire ?
Voulez-vous bien que je vous serve des traits plus proches
de nos jours, et que je vous mette en exemple quelques-
unes de ces riches faveurs dont la glorieuse Vierge
s'est rendue recommandable depuis peu par les admi
rables assistances qu'elle a données à tous ceux qui ont
imploré son secours, au temps de leurs plus pressantes
— 271 —
et importantes affaires? C'est tout ce que je désire. Tout
ce vieux temps ne m'agrée pas comme ces belles actions
qui frappent nos yeux de plus près, et qui se rendent
plus sensibles et plus agréables à nos esprits par la
raison qu'elles sont manifestées au temps où nous vivons.
De plusieurs de cette nature dont je pourrais parler
ici et qui reviennent au sujet que je traite, je ne me
veux engager qu'au récit de celle qui a fait avouer à
toute la France, ces mois passés, que c'était une mer
veille du Ciel ; et à tous ceux qui en savaient toutes
ses particularités, que c'était un coup de Marie, la Mère
de Dieu.
Je veux parler de cette célèbre, glorieuse et admi
rable victoire de Leucate contre les ennemis de notre
invincible monarque Louis le Juste. Puisque c'est le
lieu de ma naissance, et qu'à cette belle occasion mes
plus proches ont ressenti les obligeantes faveurs de la
Reine du Ciel , il semble bien raisonnable de m'attacher
a ce trait plus qu'à tout autre. En outre, je dois cette
reconnaissance à leur chère Libératrice et ma très-ai
mable Maîtresse. Considérons donc un peu à loisir cette
victoire de Leucate , je voulais dire cette victoire de
Marie.
Cette place, qui n'est ni régulière, ni à la moderne,
carrée en son assiette et flanquée seulement de quatre
bastions, a soutenu glorieusement le siége durant trente
jours contre une armée de seize mille hommes de pied
— 272 —
et de dix-huit cents chevaux, qui s'y était préparée
depuis plusieurs mois. Elle s'est moquée de quatre bat-'
teries composées de plusieurs canons ; et elle a repoussé
les divers assauts qui lui ont été donnés, à la honte et
à la confusion des assaillants. Elle n'a regretté que dix
hommes qui y sont morts et une quinzaine de blessés.
Dans le même temps qu'elle triomphait des assiégeants,
elle faisait mourir, tous les jours du siége, par ses
braves combattants, environ vingt-cinq de ses ennemis,
au rapport des prisonniers de leur parti.
Or, qui a fait toutes ces merveilles, qui a raidi le
bras et prêté le courage à cette poignée de trois cents
hommes qui défendaient ce lieu? C'est Marie, la Mère de
Dieu, qui a eu le grand soin de la conservation de
cette place, comme en étant la grande protectrice. Elle
y était intéressée et voulait défendre son bien. En
effet, cette forteresse lui appartenait et elle lui ap
partient, puisque, quand on la bâtit et quand on la
fortifia, ce fut sous ses favorables auspices, et en don
nant à l'un des boulevards le nom de bastion de Notre-
Dame.
Voilà comme il importe de n'entreprendre rien où
Notre-Dame n'ait part, et de faire tout sous la conduite
et à la faveur de la sainte Vierge. Passons outre.
Durant le siége de cette forteresse, on a vu des acci
dents qui peuvent passer pour des miracles. Parmi les
bombes que les ennemis jetaient, la nuit, dans la place
— 273 —
et qui apportaient des désastres incroyables, il en tomba
une sur un endroit où il y avait quatre mille sarments
et la provision des farines et des poudres. Le feu ayant
pris à ce bois, fit un incendie grandement funeste. Ce
pendant , durant une heure , on fut heureux de passer
sans accident parmi les flammes pour retirer la farine
et la poudre sans que rien ne se perdît , et sans que le
feu se prît aux poudres , dont les barils étaient la plu
part ouverts par le dessus.
Une autre bombe fit pis encore : elle enfonça un toit
sous lequel étaient beaucoup de petits enfants dans leurs
berceaux, qu'on avait retirés du village aux approches
de l'ennemi. Le feu prit à tout ce qu'il rencontra, brûla
et ruina tout , excepté les petits innocents, qui ne furent
que noircis de la fumée des flammes. Il faut dire encore
qu'un canon qu'on dirigeait contre les ennemis creva
et éclata en cent pièces : le gouverneur et divers offi
ciers de la place , avec quelques autres personnes qui
étaient à l'entour, ne furent pas blessés par les éclats
de ces débris. En bon français , comment appelez-vous
^out cela, si ce n'est des miracles? Or, qui a fait ces
miracles , s'il m'est permis de les nommer ainsi ? C'est
Marie, la Mère de Dieu, qui écoutait alors et qui exauçait
les prières qu'on lui faisait en divers endroits pour le
succès de Leucate. Je sais fort bien qu'on l'a priée pour
cet effet en divers lieux; mais je sais bien mieux ce qui
s'est passé dans Lyon, où j'étais en ce temps-là, et ce
— 274 —
que j'ai tâché de taire pour cette fin , car eu effet j'y
étais intéressé.
Je suis assuré que plusieurs maisons religieuses de
divers Ordres firent des prières extraordinaires à la
sainte Vierge dans ce but. J'ai appris de fort bonne
part qu'une belle et dévote image de la Mère de Dieu,
qui refuse rarement ce qu'on lui demande, fut exposée
solennellement, et priée avec instance pour Leucate,
durant vingt-quatre heures, dans un monastère de re
ligieuses. Je sais bien qui fit un vœu à la Vierge-Mère
de quantité de bonnes œuvres , durant trois ans , pour
le gouverneur de Leucate et pour son fils qui s'apprê
tait avec son régiment pour attaquer des premiers par
dehors les assiégeants : de sorte que je ne doute nulle
ment que toutes ces merveilles ne soient dérivées de la
secourable et de la puissante main de Marie.
Mais ce n'est pas tout. Puisque nous y sommes en
gagés , donnons l'honneur de toute la victoire à la tou
jours triomphante Marie, la Mère de Dieu. Voilà que
les retranchements des ennemis qui assiégeaient la place,
qu'ils estimaient imprenable, furent forcés et enlevés
dans cinq heures, en pleine nuit et à la seule lumière
de la lune, par la vaillance et par la force des bras
d'une armée dressée dans quinze jours et qui n'avait
nul attirail de canons. De plus, voilà ensuite les enne
mis qui lèvent le siége, qui prennent la fuite, qui lais
sent soixante-dix pièces d'artillerie, qui abandonnent les
— 275 —
provisions de bouche , les munitions de guerre et tout
le bagage, qui furent tués au nombre de trois mille
cinq cents/^sans compter cinq cents autres qui se noyè
rent en fuyant et autant qui furent faits prisonniers.
A qui faut-il rendre la grande gloire de cette action,
de cette défaite tant signalée des ennemis, et de cette
grande et mémorable victoire que nos descendants au
raient peine à croire! A qui? a Marie, la Mère de Dieu
et la Mère des victoires ; et il ne fallait pas attendre
un si plein succès d'une autre main que de la sienne.
M8r l'archevêque de Bordeaux était très-savant en ce
point , et il témoigna assez à toute la France la grande
confiance qu'il avait en la maternelle bonté de la Mère
de Dieu par le vœu qu'il fit, le même jour de l'attaque
des ennemis, à la très-célèbre Notre-Dame qui est en
Guienne, au nom de toute l'armée et pour l'heureux
succès de son entreprise.
En voilà assez, Philagie, pour vous apprendre que
c'est à Marie qu'est due la gloire de cette victoire dont
je viens de vous entretenir. J'ajouterai cependant que ,
quand bien même on n'eût rien fait de tout ce que j'ai
dit avoir été fait pour se rendre propice la Mère de
Dieu , il n'y aurait eu encore rien à craindre. Leucate
n'en eut pas moins été victorieuse par les amoureuses
assistances de Marie. C'était une victoire que le roi*»
souhaitait passionnément ; elle était importante à sa
couronne, et elle était désirée de tous les bons Fran
— 276 —
rais. Il n'en fallait pas davantage pour incliner la sainte
Vierge à exaucer les vœux et souhaits de son favori
Louis le Juste.
Ce grand prince, qui est déjà depuis longtemps dans
la possession des victoires à la faveur et sous la con
duite de la Mère de Dieu, ne pouvait attendre que toute
sorte de bonheurs pour la délivrance de cette place. La
sainte Vierge, qui l'a rendu glorieux en l'Ile de Rhé,
redoutable en la prise de La Rochelle, et partout vic
torieux, a voulu continuer ses saintes bénédictions sur
Sa Majesté en ces jours, pour nous faire savoir qu'il
n'est rien de si avantageux et de si désirable que d'a
voir Marie pour Avocate, et de recourir en tout à son
amoureuse bonté.
DÉVOTION IIe
IPour le huitième jour «l'Octobre.
Dire le Rosaire de la sainte Vierge, à l'imitation de
saint Dominique.
Cette belle dévotion est assez en vogue; c'était celle
de saint Dominique, l'ordinaire de la bienheureuse Vic
toire tous les samedis, et cetera la vôtre aujourd'hui. Je
n'entreprends pas de vous dire son origine par le moyen
de saint Dominique , comment il le faut réciter, ses
fruits et bénédictions du Ciel que ressentit en son com
— 277 —
mencement la mère du roi Saint-Louis, Dieu lui ayant
donné un fils à la considération de cette prière.
Je ne veux non plus m'arrêter aux considérations
qu'on peut faire en le récitant; il suffit d'observer que
de quinze dizaines qu'il faut dire , les cinq premières
sont pour les cinq Mystères joyeux, savoir : l'Annon
ciation de la Vierge, la Visitation de sainte Elisabeth,
la sainte Naissance de son Fils, la Présentation qu'elle
en fit au temple le jour de la Purification, et le Recou
vrement du Même dans le temple jparmi les docteurs.
Les cinq suivantes sont pour les cinq Mystères dou
loureux, qui sont : la Sueur de sang au jardin, la Fla
gellation, le Couronnement d'épines, le Portement de la
croix, et le Crucifiement de Jésus.
Les cinq dernières sont pour les cinq Mystères glo
rieux, qui sont : la Résurrection et l'Ascension de Jé
sus, la Descente du Saint-Esprit, l'Assomption de la
Vierge et son Couronnement au Ciel.
Il y a des livres qui ne traitent d'autre sujet. Il me
suffit , Philagie, que vous pensiez sérieusement à ce que
j'ajoute ici , tiré du quatrième Livre des Révélations de
sainte Gertrude.
Cette sainte étant, un jour de la Nativité de la Vierge,
à Complles , présenta cent cinquante Ave Maria à son
Epoux Jésus-Christ, c'est-à-dire le Rosaire, qui en con
tient autant, le priant par l'affection qu'il portait à sa
sainte Mère de vouloir bien la secourir à l'heure de la
8.
— 278 —
mort. Au même temps, elle aperçut aux pieds de Notre-
Seigneur un amas de pièces d'or qui égalaient en nom
bre les paroles qu'elle avait prononcées durant sa prière.
Elle vit qu'il les remettait dans les mains de la glo
rieuse Vierge, laquelle, les ayant diligemment amassées
dans son sein, fit entendre à sainte Gertrude qu'autant
de pièces il y avait, autant elle lui compterait de grâces
et de faveurs lors de son trépas, afin qu'elle pût soute
nir les assauts de ses ennemis invisibles.
Hélas ! quelle consolation et combien de grâces et de
faveurs auront , à l'heure de la mort , ceux qui , durant
leur vie, les dix , les vingt , les quarante ans de suite ,
auront dit ou le Rosaire ou la Couronne à la Mère de
Bon-Secours ! car elle ne leur sera pas moins favorable
qu'à sainte Gertrude. A ce propos, je veux encore loger
ici un trait qui peut grandement consoler les malades
ou les personnes tellement occupées que les douleurs ou
les occupations ne leur permettent pas de dire le cha
pelet ou rosaire que volontiers elles diraient.
Il se lit de la même sainte Gertrude, que, ne pouvant
dire son chapelet entier comme elle voulait, à cause
d'une fâcheuse douleur de tète qui la tourmentait, elle
disait , à chaque dizaine, seulement ces mots : Ave, Ma
ria. Et après, la sainte Vierge s'apparut à elle avec une
belle couronne de roses, pour récompenser sa peine.
Elle lui dit que cette briève façon de dire le chapelet
lui avait autant plu que quand elle le disait tout entier,
— 279 — -
parce qu'elle faisait le peu qui était en son pouvoir avec
le désir de l'accomplir entièrement si elle eût pu.
N'admirez-vous pas, Philagie, la bonté de Dieu et
l'amour de sa sainte Mère qui prisent toutes nos prières
au poids de l'or 1 A chaque parole une grâce qui vaut
plus , pour si petite qu'elle soit , que tout l'or du Pérou,
et même ce que nous voudrions dire se compte comme
dit.
C'est bien être insensé que de n'aimer et prier un si
bon Prince et une si bonne Princesse !
DÉVOTION IIP
Pour le neuvième jour d'Octobre.
Dire la Couronne de la sainte Vierge, à l'imitation du bien
heureux François de Sales , évêque de Genève.
Durant cette Octave, je loge ici volontiers les dé
votions du Rosaire et du Chapelet ou Couronne de la
sainte Vierge, parce que, si jamais la Mère de Dieu fut
priée au moyen de cette formule par un nombre pres
que infini de personnes , ce fut surtout par toute la
chrétienté au temps où l'armée navale combattit contre
les Turcs. Car l'histoire remarque comment les grands
et les petits étaient partout en prière pour obtenir une
glorieuse victoire par l'intercession de la Mère de bonté,
et que la prière la plus ordinaire était le chapelet ou
— 280 —
rosaire. On ne se contentait pas pour lors d'en dire un
tous les jours : on en disait plusieurs.
Mais je viens à vous, Philagie. Ne vous traite-je pas
bien doucement de ne vous demander à dire en ce jour
qu'un chapelet , qui n'est que de six dizaines d'Ave Ma
ria et autant de Pater noster, en l'honneur des années
que la sainte Vierge a vécu en cette vie, avec ce qui
se dit à la croix?
Je vous dirai qu'il vous sera malaisé de lire ce qui
suit que vous ne preniez l'envie de le dire tous les jours.
Par là vous imiterez beaucoup de serviteurs de la
Vierge, qui seraient bien fâchés d'y avoir manqué un
seul jour, pour grandes que puissenfêtre vos occupa
tions. Si vous craignez d'en faire autant, gardez-vous
bien de lire ce qui suit.
La pratique de la Couronne de la sainte Vierge a été
introduite à l'occasion d'un jeune homme qui avait cette
belle dévotion à la Mère de Dieu. C'est que, tous les
jours, il mettait sur la tète d'une Notre-Dame qu'il avait
en sa chambre une couronne de fleurs, tantôt de roses,
tantôt de lis, tantôt d'autres fleurs. Or, il arriva qu'il
quitta le monde et se rangea dans l'ordre de Saint-
François. Peu de mois après qu'il y fut entré, il suc
comba à la tentation qui le pressait d'en sortir, parce
qu'il n'avait pas la facilité d'accomplir cette dévotion
tous les jours, n'ayant point de fleurs à sa disposition
comme il en avait dans le monde.
— 28-1 —
Il se met donc en train de tout quitter. — Ah ! non
pas cela , dit la sainte Vierge, qui en même temps lui
apparut. Mon fils, ajouta Marie, je te veux donner une
pratique pour satisfaire à ta dévotion : c'est que tous
les jours tu me donneras pour Couronne une prière de
soixante Ave avec sept Pater noster ; et je t'assure que
cette Couronne ne me sera pas moins agréable et à toi
profitable que la première.
Il le fit ainsi avec persévérance. Cette dévotion, étant
sue, fut embrassée de tous les affectionnés au service
de la sainte Mère. Et comme l'ordre de Saint-Dominique
est la cause du sacré Rosaire, l'ordre de Saint-François
l'est aussi de la Couronne.
Ce n'est pas tout : la sainte Vierge a, depuis, souvent
témoigné combien cette dévotion lui est agréable.
L'histoire encore de saint François rapporte cette si
gnalée faveur dont la Mère de Dieu honora un religieux
de cet ordre :
Il avait cette louable coutume de dire la couronne
tous les jours, avant le repos. Je ne sais par quel acci
dent un jour il y manqua. Quand ce fut l'heure du re
pas, il va soudain au supérieur et le prie de lui per
mettre de s'absenter un peu de temps de la communauté
pour dire son chapelet. Ayant obtenu sa permission, il
s'en va. Comme son retour tarde un peu trop au gré
du supérieur, celui-ci mande à un religieux de le faire
venir. Il y va , et trouve sa chambre toute rayonnante
— 282 —
de lumière. Il s'approche, et voit tout auprès du reli
gieux la Mère de Dieu et deux Anges ; et à mesure qu'il
disait un Ave Maria, une belle et fraîche rose sortait
de sa bouche, et les Anges les prenaient l'une après
l'autre et les mettaient sur la tête de cette sainte Reine.
Le chapelet achevé, tout disparut. Et tout fut apercu
par trois religieux, qui furent mandés l'un après l'autre
sur la cause du retard de ceux que le supérieur en
voyait : car chacun, surpris de cette merveille, s'arrê
tait pour voir quelle issue aurait cet accident si beau.
Qui vous dirait, Philagie, qu'invisiblement il vous en
arrive autant quand vous dites la couronne, ne trouve
riez-vous pas un petit quart-d'heure tous les jours pour
avoir cette faveur?
Je ne pense pas que vous ayez autant d'occupations
que le grand prélat Francois de Sales, qui, nonobstant
la presse de ses très -grandes occupations, disait tous
les jours la couronne en méditant les Mystères de la
Vie de Notre-Dame, et employait d'ordinaire une heure
à le dire. La réponse qu'il fit une fois à son secrétaire,
qui depuis est entré en la Compagnie de Jésus et m'en
a fait le récit, est digne de remarque. Comme, un jour,
ce saint prélat pour ses occupations n'avait pas eu le
loisir de dire son chapelet , que la nuit était bien avan
cée et son corps affaibli par le travail du jour et acca
blé de sommeil, son secrétaire, le voyant sur le point
d'entreprendre encore à dire sa couronne avant que de
— 283 —
prendre son repos, le pria de la différer au lendemain
et de se retirer, parce que sa santé en pourrait être
incommodée. — Mon ami, dit le prélat, jamais il ne
faut différer au lendemain ce qui peut se faire en son
temps.
L'amour et le zèle de quelques-uns à s'acquitter tous
les jours de cette dévotion envers la Mère de Dieu est
incroyable. Celui de cet incomparable prélat suffira
pour tous, et celui aussi d'un jésuite que j'ai connu,
qui , durant trois ans qu'il fut aveugle avant sa mort ,
dit plus de trente-deux mille chapelets. Son train or
dinaire était d'en dire trente tous les jours. Il mourut
à Avignon environ l'an 1628.
Je vous laisse à penser si la Vierge l'assista au jour
de son trépas, puisque aux trois dernières années de
sa vie il l'avait réclamée autant de mille fois qu'il avait
dit l'Ave Maria, c'est-à-dire plus de quinze cent mille
fois.
DEVOTION IVe
Pour le dixième jour d'Octobre.
Porter sur soi le Chapelet ou Rosaire, à l'imitation de
plusieurs serviteurs de la sainte Vierge.
C'est encore la dévotion du bienheureux François de
Sales, évèque de Genève.
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Il portait toujours sur soi son chapelet, même étant
jeune écolier; il le portait à la ceinture, à la vue de
tout le monde , et voulait bien qu'on sût qu'il était
serviteur de Notre-Dame sans se soucier de ce qu'on
dirait de lui.
Philagie, je ne dis pas que vous le portiez à la cein
ture, mais seulement que vous l'ayez toujours sur vous.
Un soldat ne va jamais sans son épée ; un officier du
roi porte volontiers la marque de son office, un page la
livrée de son maître. La Mère de Dieu est notre Prin
cesse , sa livrée c'est sa couronne et son rosaire. Les
plus insignes serviteurs de la Mère de douceur ne vont
jamais sans ce précieux gage d'amour.
Je vous laisse à penser si le dévot Berkman, jésuite,
le portait , lui qui ne chérissait singulièrement que trois
choses : son crucifix , son chapelet et ses règles ; aussi
il disait : Hœc tria mihi charissima, cum his libenter
moriar, — Ce sont là les trois choses que je chéris ten
drement, et je voudrais les avoir sur moi en mourant.
Aussi il mourut comme il le désirait, car il voulut
mourir ayant le chapelet en main.
Heureux qui le dira tous les jours ! plus heureux
qui, le disant tous les jours, le portera toujours sur
soi! très - heureux qui, l'ayant ainsi dit et porté, le
tiendra à la main en mourant! Qui vivra et mourra
ainsi, ne peut qu'être reconnu et favorisé de la sainte
Vierge. Elle ne lui refusera point ses bonnes grâces,
— 285 —
ses saintes bénédictions, et l'ouverture des portes du
Ciel.
DEVOTION Ve
Pour le onzième jour d'Octobre.
Porter le Chapelet ou Rosaire au cou, la nuit en dormant ,
à l'imitation du bienheureux Louis Bertrand.
Philagie , TOUS ne direz pas que je vous surcharge
aujourd'hui d'une fâcheuse pratique ; elle est bien aisée :
vous n'avez qu'à mettre votre chapelet au cou, le soir,
quand vous prendrez votre repos.
C'est le collier de l'Ordre de Marie, que vous porte
rez au moins une fois l'an. Les Anges et leur Reine vous
verront en cette posture et dévote cérémonie; c'est assez
de tels spectateurs.
C'était jadis la douce dévotion et pratique du bien
heureux Louis Bertrand, religieux de l'ordre de Saint-
Dominique, dont la fête est le neuvième de ce mois.
Non content de porter tous les jours son chapelet à la
ceinture, la nuit, comme il voulait reposer, il le baisait
et le mettait au cou.
Il se lit aussi que le dévot Berkman, de la Compa
gnie de Jésus, dormait de la sorte avec son chapelet au
bras, et plus souvent sur la fin de sa vie il le portait
pendu au cou.
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Philagie, si vous mourriez ce soir de mort soudaine,
au moins on vous reconnaîtrait à la marque des amants
de la Mère de Dieu.
DEVOTION VIe
Pour le douzième jour d'Octobre.
Porter le Chapelet on Rosaire en main, le long du jour, à
l'imitation de la bienheureuse Cécile, religieuse.
Il y a des personnes, Philagie, qui veulent toujours
avoir en main ou une canne , ou leurs gants , ou un
bouquet, ou un livre, ou chose pareille : c'est leur con
tenance.
Le jour de la victoire de Lépante , la contenance de
tous les dévots de la Vierge était d'avoir le chapelet ou
rosaire en main. C'était bien à propos le jour du pre
mier dimanche d'octobre , qui est le jour de la grande
solennité du Rosaire. Ce maintien donc suffisait pour
dire à la Mère de miséricorde : Souvenez-vous de nous
assister.
Mais ce que ceux-là ne firent que par occasion, la
bienheureuse Cécile, religieuse de l'ordre de Saint-Do
minique, le faisait tous les jours à dessein et avec affec
tion : car elle avait presque continuellement son rosaire
entre les mains. Et Dieu, qui voulut témoigner avoir
pour agréable cette dévotion , permit qu'après sa mort
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les doigts qui l'avaient ainsi souvent manié, retinssent
l'odeur des roses.
Voyez par ce trait, Philagie, combien Dieu agrée
même les petites dévotions, que la plupart du monde
blâme. A qui donc aimez-vous mieux plaire, au monde
ou à Dieu? Choisissez; et puisque vous dites : Vive
Dieu ! tenez le plus que vous pourrez durant tout un
jour votre chapelet en main. C'est une contenance qui
n'est pas à la mode ; mais il suffit qu'elle soit agréable
à Dieu et à sa sainte Mère, et surtout que ce soit à la
mode des Saints.
Le bienheureux Félix, capucin, demandant l'aumône
par la ville de Rome (ce qu'il a fait l'espace de qua
rante ans entiers , jusques à l'extrême vieillesse), on ne
le voyait point autrement que le chapelet à la main ,
soit pour la satisfaction d'avoir ce précieux gage en
main, soit pour le réciter le long des rues. C'est ce
qu'il faisait aussi 'dévotement que s'il eût été en sa
cellule ou à l'église.
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DÉVOTION VIP
Pour le treizième jour d'Octobre.
Remettre en sa mémoire ou apprendre par cœur les oraisons
les plus ordinaires et les plus belles qu'il faut souvent et
aux occasions dire à la sainte Vierge, à l'imitation de
sainte Brigitte.
Tout dévot à Marie doit savoir par cœur les Litanies
de Notre-Dame qu'on chante à Lorette ; le Salve Regina,
composé par le pieux Herman le Raccourci; l'Ave maris
stella, dressé par saint Bernard, et les dire bien sou
vent comme prières très-agréables à la Vierge. Mais en
outre, et c'est ce que j'estime n'être pas une petite mar
que de l'amour qu'on porte à la sainte Vierge , il doit
s'efforcer de savoir par cœur toutes les prières ordi
naires qui lui sont adressées le long de l'année par
l'Eglise ou par ses fidèles. Combien y en a-t-il qui sa
vent tout cela par cœur, même le petit Office de la
Vierge et celui de la Conception ! Saurait-on plus ri
chement meubler sa mémoire qu'avec de telles pièces*
Philagie, ce vous serait aujourd'hui un bel emploi et
exercice d'apprendre par cœur quelqu'une de ces prières
communes, belles et courtes, que vous ne savez pas,
telle que pourrait être l'oraison qui commence : 0 glo-
riosa Domina, composée par saint Ambroise. Saint An
toine de Padoue en retira une fois un grand avantage ;
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car, un soir qu'il était attaqué par le diable, il en fut
délivré en disant cette oraison.
Les- annales de saint François font foi que la sainte
Vierge fit savoir a un novice de cet ordre que cette
oraison lui était des plus agréables , ou bien le Stabat
Mater, composé par saint Grégoire le Grand, prière pro
pre à être dite tous les samedis ; ou bien l'oraison qui
commence : Quem terra pontus œthera, pièce d'un évêque
de Poitiers; ou bien ces deux belles oraisons que la
sainte Vierge dit elle-même à sainte Brigitte, lui re
commandant de les dire souvent. La première se dit
ainsi :
Omnipotens sempiteme Deus , qui pro nobis de castis-
sima Virgine nasci dignatus es, foc nos quœsumus tibi
casto corpore servile et humile mente placere, — Dieu
tout-puissant et éternel, qui pour notre salut êtes né
du sein très-pur d'une Vierge, faites-nous la grâce de
vous servir dans la chasteté du corps et dans l'humilité
d'esprit d'une manière qui vous soit agréable.
La seconde oraison est celle-ci :
Oremus te, piissima mundi Regina et angelorum Virgo
Maria, ut eis quos purgatoribus examinat ignis impetres
refrigerium , peccatoribus indulgentiam , justis in bono per-
severantiam , non quoque fragiles ab omnibus defende peri-
culis : Per Christum Dominum nostmm. Amen. — Nous
vous prions, ô très-pieuse Reine des anges et du monde,
sainte Vierge Marie , qu'il vous plaise procurer aux
9
— 290 —
âmes éprouvées par le feu du purgatoire un salutaire
rafraîchissement, obtenir le pardon aux pécheurs, la
persévérance dans le bien aux justes, et nous défendre,
nous qui sommes si faibles, contre tous les périls de
l'âme et du corps : Par Jésus-Christ Notre-Seigneur.
Ainsi soit-il.
Ces oraisons méritent bien d'être sues et dites, puisque
la Mère de Dieu les a données. Ou bien cette belle petite
prière qui se lit dans un tableau proche du chœur de
l'église Notre-Dame, à Reims, qui dit ainsi :
O Virgo virginum,
0 Virgo regia,
Sola spes hominum,
Solo, fiducia :
Nostrorum criminum
Expurga vitia
Et Patris luminum
Nos reconcilia. Amen.
« O Vierge des vierges, ô Vierge fille des rois, seule
espérance des hommes dans laquelle ils placent toute
leur confiance, purifiez-nous de nos vices, et en nous
obtenant le pardon de nos péchés, réconciliez-nous avec
le Père de la lumière. Ainsi, soit-il. »
Ou bien enfin d'autres prières semblables que nous
trouvons dans le Manuel des Oraisons, qui peuvent
servir en l'exercice des pratiques de ce livre, qui depuis
peu a été mis en lumière. A ceci se rapportent les orai
— 291 —
sons a la sainte Vierge, qui sont assez courtes et qui
peuvent servir aux oraisons jaculatoires dont j'ai parlé
ailleurs, et qu'il est bon de dire selon les occurences et
les occasions. Il sera bien, aujourd'hui, de les remettre
en mémoire ou d'en apprendre quelqu'une de nouveau.
Celle de saint Richard, évêque de Chichester, en
Angleterre, est bien aisée à retenir : Maria, mater
gratiœ, mater misericordiœ, tunosab hoste protege et hora
mortis suscipe, — Marie, mère de grâce, mère de misé
ricorde, défendez -nous contre nos ennemis maintenant,
et à l'heure de notre mort recevez notre âme.
L'ayant dite fort souvent en sa vie, il commanda à
ses chapelains que , quand il serait proche de la mort ,
on lui repétât cette prière.
Ces mêmes paroles servirent beaucoup à un jeune
homme, comme il se lit dans l'Echelle du Ciel.
Ce jeune homme, ayant perdu tout ce qu'il avait, fut
conduit par un magicien dans un bois, et là, pressé fort
rudement par le démon de renoncer à la Mère de Dieu.
Mais elle lui inspira la pensée de dire les susdites
paroles qu'il avait coutume de dire tous les jours. De
quoi le démon fut si indigné que, ne pouvant rien sur
lui, il se jeta sur le magicien et lui tordit le cou sur-
le-champ.
Celle dont se servait le bienheureux Henri de Suze,
de l'ordre de Saint-Dominique, est bien aussi aisée et
profitable : Nos cum proie pia benedicat Virçjo Maria, —
— 292 —
Que la sainte Vierge Marie nous bénisse avec la main
de son divin Fils!
Ce peu de paroles est d'une incomparable vertu. Le
diable apparut un jour à ce saint religieux, en forme
d'un monstre très-hideux qui avec une flèche le voulait
faire mourir. Il ne fit que lever les yeux au ciel et dit
ces paroles, et tout disparut.
DEVOTION VHP
Pour le quatorzième jour d'Octobre.
S'abstenir de la plus notable imperfection qu'on ait, en l'hon
neur de la sainte Vierge, à l'imitation d'un gentilhomme
converti par ce moyen à l'avertissement de saint Bernard.
Nous sommes tous sujets à quelque péché et imper
fection, qui plus, qui moins ; mais le malheur est que
bien souvent nous avons fort peu d'envie de nous en
faire quitte. Si vous en avez le vif désir, en voici le
remède salutaire.
Abstenez-vous, Philagie, pour l'amour de la sainte
Vierge, de ce péché, de ce manquement que vous savez
qui vous donne plus de peine, durant quelque temps,
au moins aujourd'hui.
Si vous aimez tendrement la sainte Vierge, votre sa
lut et votre perfection, donnez trêve à cette faute pour
quelques jours en l'honneur de Celle qui se dispose à
— 293 —
vous procurer des jours éternels pleins de bonheur.
Essayez, et vous trouverez un grand allégement à vo
tre mal , et peut-être, si vous y allez de bon cœur, une
délivrance totale.
Pour prendre courage, remettez-vous en mémoire ce
que je m'en vais dire, tiré de la vie de saint Bernard.
L'esprit de fornication avait tellement saisi le cœur
d'un gentilhomme ami de saint Bernard, qu'il lui était
impossible de passer un seul jour sans commettre quel
que acte déshonnête. Saint Bernard, qui s'était en vain
servi d'autres remèdes pour le guérir, lui proposa enfin
celui-ci : Il lui demanda trêve seulement pour trois jours,
en l'honneur de la sainte Trinité, le priant de s'abstenir
de toutes les façons, durant ces trois jours, de son vice.
Le gentilhomme, voyant le terme assez court, promit
qu'il serait sage; et en effet il le fut.
Au bout de trois jours, saint Bernard en demanda
encore trois autres en l'honneur et considération de la
Mère de Dieu. Le gentilhomme n'osa refuser si peu de
chose à la Reine du Ciel; il y consentit donc, et à son
grand avantage : car elle lui inspira tant de force et
de courage pour résister désormais à ses tentations et
attaques, que, comme saint Bernard voulait encore pac
tiser avec lui, — Non, non, mon Père! dit celui-ci, il
n'est plus besoin de trêve ; je suis résolu de faire une
entière paix avec Dieu; et, moyennant la faveur de la
sainte Vierge, je prétends lui faire vœu de perpétuelle
— 294 —
chasteté , et veux mourir plutôt que de l'offenser mor
tellement.
C'est avoir du courage que de parler et agir ainsi.
Voilà ce que c'est que de se bien conseiller, croire ceux
qui aiment nos âmes, et faire quelque peu pour la Mère
du saint amour.
Philagie, ayez courage et donnez-le aux autres. Il
n'y a ni vice ni imperfection qui ne nous quitte, si nous
avons tant soit peu de bonne volonté de nous en défaire
avec l'aide de la Mère de bonté.
— 295 —
CHAPITRE XII
HUIT DÉVOTIONS A LA MÈRE DE DIEU POUR LA FÊTE ET L'OCTAVE
DE LA PRÉSENTATION, LE XXie JOUR DE NOVEMBRE.
DÉVOTION PREMIÈRE.
Pour le vingt-et-unième jour de Novembre.
Se présenter et offrir à la sainte Vierge en qualité de servi
teur, à l'imitation du dévot Israël , prince de la Maison de
Suède, qui la choisit pour sa Dame et Protectrice.
En ce saint jour que la grande et petite Marie s'est
offerte avec tant d'amour à son Dieu , il est bien rai
sonnable, Philagie, que, l'imitant, vous lui fassiez une
offre et présentation de vous-même et de tout ce qui
vous concerne aussi solennellement et libéralement que
vous le pourrez. Et si ce jour ne suffit pas, employez-
vous-y à quelques autres jours de cette Octave , et en
toutes les manières qu'il vous sera possible donnez-vous
à elle.
Aujourd'hui je me veux contenter que vous la pre
niez pour votre Dame et Protectrice. C'est ce que fit
jadis le dévot Israël , prince de la Maison de Suède ,
frère de sainte Brigitte. Etant tombé malade en Alle
— 296 —
magne, où il était allé pour combattre les infidèles, il
se rendit dans une église, et s'étant prosterné au-devant
d'une statue de la sainte Vierge, qu'il avait toujours
parfaitement aimée et honorée, il tira un anneau de
son doigt et le mit en celui de sa très-douce Mère, lui
disant : Vous êtes ma très-honorée Dame et ma très-
chère Protectrice , je m'offre à vous comme à celle qui
par toute sorte de droits possédez toutes ces qualités
pour mon égard. C'est pourquoi je me jette éperdument
dans le sein de votre amoureuse Providence, et vous
supplie très-humblement de prendre en toute occasion
un soin particulier du plus chétif, mais du plus affec
tionné de vos serviteurs.
Philagie, il n'est pas question de vous rendre à une
église pour en faire autant; vous n'avez qu'à vous ren
dre à votre oratoire et faire comme le prince Israël.
Suivez le mouvement de Dieu, et ce vous sera une con
solation toute particulière de vous offrir de la sorte à
la Mère de Dieu, digne de tout amour, et qui mérite
qu'en toute façon on se donne à elle. J'espère qu'aux
occasions, qui ne manqueront jamais en cette vie, la
grande joie de votre cœur sera d'être étroitement unie
au service de la Dame de l'univers; et si les autres
consolations vous manquent, celle-ci, qui surpasse toutes
les délices du monde, ne vous manquera jamais.
J'en prends à témoin la dévote Rachel dite Catherine,
religieuse de l'ordre de Saint-Bernard. Voici ce qui lui
— 297 —
arriva, et ce qu'elle faisait pour sa consolation et les
chères délices de son cœur.
Le brave prélat de Lucerne raconte qu'un riche juif
de Cologne avait une petite fille âgée de cinq ans, nom
mée Rachel, qui était fort affectionnée à la religion ca
tholique. Son plus grand plaisir était d'entendre parler
de la Mère de Dieu , au nom de laquelle elle donnait
aux pauvres ce qu'elle rencontrait par la maison.
Ce fut un grand bonheur pour elle que son père alla
k Louvain comme sans s'y attendre. Il la conduisit avec
soi , lui donna le moyen de se faire instruire par un
prêtre de sainte vie, à qui la petite Rachel eut re
cours.
Son père, prenant garde à l'inclination qu'elle avait
au christianisme , et qui se fortifiait d'autant plus qu'elle
grandissait davantage, la promit en mariage à un jeune
homme de sa secte.
Rachel, en ayant connaissance, commence à appré
hender ce malheur. Mais, un beau matin, éveillée par
Notre-Dame, elle se met en marche vers Louvain, s'a
dresse à son maître et se fait baptiser dans l'église des
Bernardines ; puis , se jetant dans le monastère , elle
demande l'habit de si bonne grâce et avec tant de fer
veur qu'il lui fut donné.
Son père le sait : il crie, il tempête, il remue ciel et
terre, mais en vain : car Catherine (c'est le nom qui lui
fut donné en la religion) plaida elle-même sa cause en
— 298 —
présence de l'évèque de Liége , et la gagna si bien qu'elle
fut laissée parmi ces religieuses.
Or, voici ce qui revient à mon propos : dès lors
Catherine fut plus que jamais dévote à la sainte Vierge,
et la prit au lieu de père, mère, frère, dame, protec
trice et de tout. Et comme les parents et amis des au
tres religieuses les venaient visiter parfois, et que pour
elle personne ne la visitait (car ses parents, étant juifs,
ne pensaient point à elle, surtout son père qui était
fâché de sa résolution), que faisait cette sainte fille?
Quand elle voyait que les autres religieuses allaient à
la grille parler aux. séculiers, elle s'allait prosterner au
devant d'une image de la sainte Vierge, et lui disait :
« Vierge sainte, ne rejetez pas cette orpheline qui vient
à vous comme à sa mère. Vous êtes ma mère , mon
père, mon frère, ma sœur, ma maîtresse, ma bien-aimée,
ma protectrice, mon refuge, mon tout. »
Et disant cela, elle fondait en larmes de consolation.
Et ce pourparler lui valait plus que tous les entretiens
qu'elle eût pu avoir à la grille; et celles qui y allaient
n'avaient pas de pareilles consolations pour avoir dis
couru avec les gens du monde , mais quantité de dis
tractions et de tentations.
Philagie, auriez-vous le courage aujourd'hui ou à la
première occasion de quitter quelqu'un de vos entre
tiens, et en échange, à votre oratoire, en faire un pa
reil à celui de cette dévote bernardine? Heureux qui
_ 299 —
peut dire à la Mère de Dieu à peu près dans la pro
portion que saint Francois disait à Dieu ! Il lui disait
cent et cent fois dans une nuit : Mon Dieu et mon tout,
— Deus meus et omnia.
Heureux qui dira aussi : Marie, c'est ma Dame et
mon tout, — Maria, Domina mea et omnia.
DEVOTION IIe
Pour le vingt-deuxième jour de Novembre.
Se présenter à la sainte Vierge en qualité de vassal, à l'imi
tation du noble Vaultier de Bibrac.
L'offrande et donation que fit un jour le brave cava
lier Vaultier de Bibrac, est digne d'éternelle mémoire
et de votre imitation, Philagie. Voici donc ce qu'il fit,
et ce que vous ferez, Dieu aidant et aussi la sainte
Vierge, aujourd'hui :
Ayant avec soi un prêtre comme pour lui servir de
sacrificateur et de témoin authentique, il s'enferma
dans une bien petite église, et s'étant mis au bas de
l'autel en posture de criminel, c'est-à-dire à genoux et
la corde au cou, il se donna à la sainte Vierge dans
les termes les plus affectueux et les plus humbles qui
se puissent imaginer, comme un esclave et vassal en
tièrement dans la dépendance de sa miséricorde. Et
— 300 —
avant que de se retirer, il voulut payer ses redevan
ces : ce qu'il continua ensuite tout le temps de sa vie.
Voilà, Philagie, ce que fit ce brave cavalier et ser
viteur de la Vierge. Il ne tiendra qu'à vous d'en faire
autant. Pour témoins, au lieu d'un prêtre, vous aurez
toute la cour céleste ; et pour vos redevances, il suffira
de baiser trois fois la terre.
Si vous voulez une formule particulière de votre
offrande et donation , servez-vous de celle-ci ; c'est à
peu près celle que l'auteur de la Triple Couronne con
seille en pareille occasion :
« Très-sainte et immaculée Mère de Dieu, le refuge
de tous ceux qui espèrent en vous, je N..., aujour
d'hui, en présence de la très-adorable Trinité, de votre
très-honoré Fils , notre Sauveur, des glorieux Saints de
votre famille et parenté et les plus affectionnés à votre
service , et généralement de toute la cour céleste , je
vous choisis pour ma très-spéciale Dame et souveraine
Princesse , et me propose dès à présent de vous servir
et de tenir le rang de votre vassal et sujet tout le reste
de mes jours, le plus fidèlement qu'il me sera possible,
par moi ou par les autres sur qui j'aurai quelque pou
voir; et je vous présente en hommage tous les moments
de ma vie, tous les mouvements de mon cœur, toutes
mes pensées, paroles et actions. Je vous supplie, par
les mérites de votre Fils bien-aimé, et par la bonté de
votre aimable Cœur, de vouloir bien me recevoir en
— 301 —
votre service particulier. Daignez prendre le soin et la
conduite de ma vie et la protection de mon âme à l'heure
de ma mort. Ainsi soit-il. »
DEVOTION IIP
I?OTir le vingt-troisième jour de Novembre.
Se présenter et offrir à la sainte Vierge en qualité d'esclave,
à l'imitation du dévot Marin, frère du bienheureux cardinal
Pierre Damien.
Philagie, que l'amour est inventif! Soyez ravie de
l'ingénieuse invention du dévot Marin, frère du bien
heureux cardinal Pierre Damien.
Ce cardinal écrit que son frère étant un jour devant
l'autel de la Reine du Ciel, il s'offrit à elle, non-seule
ment à titre de serviteur et vassal , mais encore en qua
lité d'esclave ; que , comme tel , il se lia le cou de sa
propre ceinture ; et pour se traiter en vrai esclave , il
se disciplina au même lieu. Et pour n'omettre rien de
son devoir, il mit sur le coin de l'autel de la Vierge
une pièce d'argent, promettant de lui payer annuelle
ment le même tribut.
Philagie , à vous qui avez de l'amour pour Marie et
qui cherchez de vous donner en toute façon à elle, tout
cela est aisé. Si vous ne maniez point d'argent, ni de
302
discipline, changez celle-ci en actes d'humilité, vous
prosternant tout le long de votre corps à terre, et
celui-là en quelque humble oraison , telle que serait
le Salve Regina, promettant à pareil jour de continuer
chaque année le paiement d'un semblable tribut. Et si
vous désirez que votre offrande soit bien agréable à la
sainte Vierge, soit celle-ci ou autre que vous lui ferez
désormais, priez Jésus, votre Sauveur, qu'il daigne la
présenter à sa sainte Mère.
Jadis il présenta lui-même sainte Mecthilde à la glo
rieuse Vierge, après qu'elle l'en eut requis; ce que Notre-
Seigneur fit, disant à sa très-sainte Mère : Ma très-
honorée Mère, je vous recommande mon épouse, et je
vous conjure de l'aimer, d'en avoir soin comme vous
l'auriez de moi si vous me voyiez devant vous tout cou
vert de plaies. Encore une fois, je vous la recommande
comme la bien-aimée de mon cœur.
Voici donc ce qui arriva ensuite, pour votre conso
lation et pour raffermir votre courage. Quoique cette
faveur fut indicible, elle eut cette confiance de demander
encore à Notre-Seigneur s'il n'était pas prêt à faire la
même grâce et faveur à ceux qui la désiraient. A quoi
le Sauveur répondit en penchant doucement la tête, et
l'assura qu'en ce qui concerne la distribution de ses
grâces, il n'y avait aucune acception de personnes.
Hardiment, donc, Philagie, demandez cette faveur au
Fils de Dieu : il vous présentera à sa sainte Mère, et
— 303 —
elle sera à nouveau titre obligée d'avoir un soin tout
particulier de vous.
DÉVOTION IVe
Pour le vingt-quatrième jour de Novembre.
Présenter et offrir à la sainte Vierge ce qu'on a de plus cher,
la constituant son héritière et voulant être tout-à-fait à
elle, à l'imitation d'une dévote Dame.
Voici , Philagie , la dévotion d'une Dame d'Aix , en
Provence, singulièrement dévote à la sainte Vierge.
Elle avait fait un testament par lequel elle constituait
la Mère de Dieu son héritière. Ce testament était écrit
et signé de sa propre main, avec la date de l'année, du
mois , du jour, qui était celui de la Nativité de Notre-
Dame.
Ce papier lui était bien cher; elle le gardait secrète
ment , et pourtant elle ne fit pas difficulté, parce qu'elle
avait confiance en moi, de me le donner pour quelques
heures, ce que je considérai comme une faveur; et je
m'en prévalus même, et pris la liberté de copier ce qui
m'agréait davantage. Voici à peu près ce qu'elle disait:
« Sainte et sacrée Mère de mon Dieu, jeiY très-
indigne de votre aimable présence, vous choisis verba
lement et de tout mon cœur pour mon héritière uni
verselle de tout ce que j'ai fait de bon, dit, pensé
— 304 —
et enduré , soit intérieurement ou extérieurement , soit
spirituellement ou corporellement, tant pour le passé
que pour le présent et futur : ce que je confirme et
ratifie par cet écrit comme par une donation irrévoca
ble, sans qu'il puisse être cassé par un autre ou amoin
dri par quelque codicille. Je vous constitue encore l'hé
ritière de mon âme et de mon corps, de mon cœur, de
ma vie et de ma mort , à laquelle je vous supplie très-
humblement, ma très-sainte Mère et Dame, vouloir
assister, pour avoir soin de ce qui vous appartient en
qualité d'héritière. Je vous supplie encore de toute l'é
tendue de mon âme de présenter à votre très-cher Fils
ce pauvre et indigne héritage , afin qu'il daigne , pour
l'amour de vous, agréer cette action, et en tant que
votre héritage, l'accepter et mettre dans le domaine de
son infinie bonté et miséricorde. Je suis assuré que si
vous voulez me favoriser jusque-là, quoiqu'il soit moin
dre en valeur et en mérite que le denier de cette pau
vre veuve dont il est fait mention en l'Evangile, il l'ac
ceptera pour un précieux trésor, parce qu'il vient de
votre part. J'attends cela de votre favorable bonté. Ne
repoussez pas , s'il vous plaît , cette pauvre âme péche
resse, la plus misérable de toutes celles qui, par leurs
déloyautés, ont irrité votre très- aimable Fils.
« Et vous, ô les neuf Chœurs des Anges, que je prends
à témoins de cette mienne action , comme aussi tous les
bienheureux Saints du Paradis, mais vous particulière-
— 305 —
ment qui êtes les favoris de la Dame que je constitue
aujourd'hui mon héritière , je vous prie avec toute hu
milité de m'assister au grand jour du jugement, et par
avance au particulier devant mon Dieu et sa sainte
Mère, contre mes ennemis, en cas qu'ils eussent quel
que prétention sur mes œuvres, paroles ou pensées, que
j'ai toutes offertes, consacrées et données irrévocable
ment à la Mère de mon Dieu. Impétrez aussi à mon
âme, cette pauvre prodigue qui a tant dissipé de biens
et de grâces que Dieu lui a faites, la parfaite contrition
de ses offenses et la grâce de pouvoir être telle que la
divine bonté la désire. Obtenez-moi encore, s'il vous
plaît, toutes les saintes vertus qui sont requises pour
ma perfection et l'augmentation de l'héritage de la sainte
Vierge, lui protestant (de quoi je vous prends encore à
témoins) que , si je pouvais augmenter cet héritage qui
lui appartient d'autant de bonnes œuvres, d'actes d'a
mour, de foi , de reconnaissance, et de toutes sortes de
vertus qu'il y a d'étoiles au ciel, de grains de sable en
la mer, d'atomes aux rayons du soleil , de créatures ani
mées et inanimées qui ont été, sont et seront jusques a
la consommation du monde ou qui pourraient être pro
duites durant toute l'éternité, je le ferais de très-bon
cœur, et m'estimerais heureux d'avoir travaillé pour
une Dame qui est si parfaite et si accomplie. Telle est
ma volonté , et en foi de tout ce que dessus , je soussi
gné N.
— 306 —
Philagie , c'est pour vous que j'ai conservé ce testa
ment, pour vous donner occasion d'en faire un pareil,
lequel vous porterez sur vous, si vous n'aimez mieux
le tenir parmi ce que vous avez de plus cher. Faites
qu'il soit en entier écrit de votre main.
Choisissez une bonne fête de Notre-Dame, si aujour
d'hui vous n'en avez pas le loisir, et après une dévote
communion sacramentelle ou spirituelle, faites -en la
lecture en présence de la sainte Vierge et de toute la
Cour du Ciel. Marquez bien le jour de cette action, que
vous renouvellerez tous les ans comme si vous la fai
siez de nouveau, et tenez pour certain que ce jour sera
un des plus beaux jours de votre vie. Quoi de plus glo
rieux pour vous que de n'être en rien à vous, mais to
talement à Marie, la Mère de Dieu ! Quel bonheur pour
vous d'être dans la dépendance de Notre-Dame, de n'a
voir rien qui ne lui appartienne, et de tenir de sa magni
fique et royale main tout ce que vous êtes ! Je ne vois
rien qui puisse être ajouté à cet honneur et à cette
gloire durant la vie, si ce n'est d'avoir un nom qui té
moigne et donne à entendre qu'on est tout à Marie et
qu'on est sous sa dépendance.
On loue tant le bienheureux cardinal Pierre Damien
qui voulut porter le nom de son frère Damien, qui l'a
vait élevé, secouru, et lui avait servi de père en tout !
voulant donner à entendre par ce nom ajouté qu'il de
vait tout à son frère , qu'il était son protégé , que sans"
— 307 —
lui il eût été misérable et abandonné de tous. Aussi,
selon son dessein, on ferait mieux de le nommer Petrus
Damiani, c'est-à-dire Pierre de Damien, comme appar
tenant tout-à-fait à Damien qui était son frère et qui
portait le nom de Damien.
Mais, à vrai dire, je trouve qu'ils sont dignes de plus
grandes louanges ceux-là qui ajoutent à leur nom le
nom de Notre-Dame, comme s'ils voulaient dire : Je
suis tout à la sainte Vierge; je relève de Notre-Dame;
si j'ai du bonheur, si quelque grâce et faveur m'est ar
rivée , c'est de la Mère de Dieu que je la tiens ; je suis
sa propriété, après Jésus; je ne suis qu'à elle et je ne
veux dépendre que d'elle.
Je crois bien que telle est la pensée et le dessein de
ces bonnes religieuses qui , quittant le nom qu'elles
avaient au monde, portent celui de Notre-Dame. Ainsi
l'une se nommera Anne de la Mère de Dieu, l'autre
Madeleine de la Mère de Dieu, et ainsi des autres.
A mon avis, les révérends Pères Minimes avaient
bien encore ce même dessein au commencement de
leur ordre, car on les nommait les Minimes de Jésus et
de Marie.
Il y en a qui ont eu la curiosité de savoir si au Ciel
on ne changera point de nom; car, comme il y a des
noms qui ne sont pas beaux ni agréables, pourquoi les
garder en ce beau séjour où tout est beau et agréable?
Quoi qu'il en soit , il est dit dans la Vie de la Bienheu
— 308 —
reuse Villana, de Florence, du tiers-ordre de Saint-Do
minique qu'elle apparut, après son décès, à une de ses
amies et servante de Dieu. Elle l'avertit qu'elle ne s'ap
pelait plus Villana , mais Marguerite , et que son nom
lui avait été changé.
Je laisse là cette curiosité; mais qui me laisserait
faire, soit que mon nom soit beau ou ne le soit pas,
dès cette vie, même dès cette heure, sans attendre le
beau séjour de l'autre, puisque tout ce que je suis, tout
ce que j'ai, tout ce que je prétends et attends, je l'at
tends et je le tiens après mon Dieu de sa sainte Mère ,
puisque je suis tout à elle en qualité de protégé, qu'elle
m'a élevé, appelé au service de son Fils, maintenu en
la Compagnie qu'elle chérit, et que je l'ai choisie pour
ma Dame , Reine et Maîtresse , bien-aimée Protectrice
et Mère , certes je me nommerais volontiers PAUL DE
SAINTE MARIE.
Durant la vie ici-bas , pourrais-je avoir un plus beau
nom , un nom plus significatif de ce que je dois et suis
à la Mère de bonté?
Et quand on changerait mon nom au Ciel, quel plus
riche nom me pourrait-on donner que celui de Paul de
Sainte Marie? Cela serait bien selon mes souhaits :
car, d'une part, je garderais mon nom que je chéris
comme le premier nom de la merveille des Apôtres;
d'autre part, j'aurais pour surnom le beau et excel
lent nom de Marie, en reconnaissance des obligations
— 309 —
sans nombre et de toute sorte que j'ai à son inestima
ble bonté.
Là-dessus, Philagie, appelez-moi comme il vous plaira;
il me suffit de vivre et de mourir avec le désir d'être
véritablement de nom et de fait Paul de Sainte-Marie.
DEVOTION Ve
Pour le vingt-cinquième jour de Novembre.
Présenter à la sainte Vierge le Cœur ds son Fils, à l'imitation
de sainte Gertrude.
Philagie, vous n'avez point encore fait aucune offrande
à votre chère Dame qui vaille celle-ci. Offrez-lui donc
aujourd'hui le Cœur de son cher Fils Jésus-Christ, en
satisfaction de vos ingratitudes et lâchetés à son ser
vice, en action de grâces de tant de bienfaits incompa
rables qu'elle vous a faits, en reconnaissance de toutes
ses grandeurs et perfections, en témoignage de l'amour
que vous lui portez et porterez éternellement; et tenez
pour assuré que c'est une riche offrande, celle dont je
viens de vous dresser le sujet. Arrangez le tout à votre
manière, et surtout faites que le cœur parle.
Ne pensez pas que ce soit une dévotion de mon in
vention; c'est une leçon donnée du Ciel à sainte Ger
trude. Par suite, elle offrit à la sainte Vierge le Cœur
de son Fils, en satisfaction de tous ses péchés et man
— 310 —
quements. La glorieuse Vierge eut tellement pour
agréable cette offrande, qu'elle lui donna l'assurance
qu'elle surpassait toutes les autres dévotions, et ren
fermait en elle toute sorte de biens.
Je vois, Philagie, que vous attendez, pour vous dé
livrer de la peine que je vous donne, une prière dont
je viens de vous marquer le sujet. J'en suis content.
La voici, et dites-la de bon cœur, plusieurs fois même
en votre vie.
« Reine du ciel et de la terre, Marie, très-digne Mère
de mon doux Jésus, me voici à genoux en présence de
votre sacrée et sainte Majesté, pour vous offrir un présent
qui n'eut jamais son pareil. Résolument il faut qu'une
fois en mes jours je fasse une offrande agréable à vos
yeux et capable de donner de la jalousie aux Anges.
Ce ne sera pas le grand prix de toutes les richesses,
grandeurs et beautés qui sont éparses dans le monde :
c'est trop peu pour votre grandeur ! Le monde , avec
tout son éclat et avec toute sa pompe, pour tant qu'il
vaille, ne mérite point le favorable aspect de la moindre
de vos œillades. Ce ne sera rien de ce qui m'appartient
soit au corps, soit à l'âme, non pas même tout ce que
j'ai de meilleur, qui est mon cœur : car c'est un petit
mutin, et j'aurais honte de vous le présenter, ayant été
par de si lâches perfidies l'objet de la colère de votre
Fils, le sujet de vos disgrâces, et le séjour des ennemis
de votre gloire. Ce ne sera non plus rien qui soit du
— 311 —
ressort, du pouvoir et de la dépendance des Anges et
des Saints : tout ce qui est de leur domaine et appar
tenance est trop peu pour balancer l'estime de l excel
lence du présent que je me propose de vous offrir.
« Ce que je vous offre, c'est ce doux Cœur de Jésus,
votre aimable Fils et mon adorable Rédempteur. N'est-
ce pas le plus riche présent qui puisse vous être offert
sur la terre? Ce Cœur tout seul, vaut mieux que quinze
cents millions de mondes, quand même tous ces mondes
ne seraient remplis que de Séraphins , tous semblables à
ceux qui environnent le Trône Royal de votre Fils au
séjour de la gloire. Ce Cœur tout seul vaut plus que tous
les Chœurs des Anges et des Saints qui pourraient être,
si Dieu les faisait sortir du sein de sa toute-puissance.
Ce Cœur, c'est le cœur'des cœurs, le cœur parfait, le
cœur presque semblable au Cœur de la très-auguste Tri
nité ; c'est le cœur source vivante de toutes les meilleures
bénédictions et le plus bel objet de vos plus chères dé
lices; c'est ce cœur que je veux offrir, c'est le présent
que je vous donne.
« Ma chère Dame, je devais et pouvais vous procurer
beaucoup de gloire par l'imitation de vos éminentes
vertus, et je ne l'ai pas fait. Je m'en repens, et prétends
que le Cœur de votre Fils vous serve de satisfaction.
« Vous m'avez départi avec tant d'excès vos grâces et
vos faveurs accumulées les unes sur les autres sans que
je les aie reconnues, que je confesse mon ingratitude et
— 312 —
mon impuissance a vous en remercier dignement. Voici
le Cœur de votre bien-aimé Fils qui suppléera à ma
faiblesse par une charitable subrogation d'amour.
« O belle Reine! ô la vie de mon cœur! j'étais obligé
par tant de motifs de vous aimer, celui de vos incom
parables perfections m'y obligeait plus fortement que
tout autre , je ne l'ai point fait : je m'en avoue coupa
ble comme d'un grand crime, je vous en demande par
don. Ne m'imputez point mes froideurs, et acceptez, en
réparation d'amour, les ardeurs du Cœur que je vous
offre , d'où sortent les amoureuses flammes de la véri
table fournaise du divin amour.
« O Marie , plus aimable que l'amour, si vous agréez
cette riche offrande, quoiqu'elle parte d'un pauvre cœur,
je ne puis que bien espérer de toutes mes saintes pré
tentions. Je puis publier partout, voire durant la lon
gue éternité , que vous avez eu le pouvoir de triompher
de la créature la plus chétive et la plus rebelle de l'uni
vers, et, dès cette heure, avouer que vous me rendez
plus content que si j'étais reconnu l'unique monarque
de toute la terre par les solennelles acclamations des
anges et des hommes.
« C'est le bonheur que j'attends du Cœur de Jésus,
que je vous offre avec les plus humbles soumissions et
respects dont mon âme est capable. »
— 313 —
DÉVOTION VIe
Pour le vingt-sdxièine jour de ÏJ'overn'bre.
En sortant ou entrant dans sa chambre, s'offrir à la sainte
Vierge, à l'imitation des révérends Pères Chartreux.
Le dévot jésuite Thomas Sallius, qui est assez connu
par la dévotion de son Livre rempli de riches exercices
de piété et de prières, ne sortait jamais de sa chambre
qu'après avoir fléchi les genoux au devant d'une image
de la sainte Vierge qui était à son oratoire, laquelle il
baisait bien humblement, s'offrait à elle et demandait
sa bénédiction.
Les révérends Pères Chartreux font encore plus
que cela, comme on le voit d'après ce que le dévot
Lansperge, chartreux, a ordonné à tous ses frères :
que chaque fois qu'ils entreront ou sortiront de leurs
chambres , ils se souviennent de saluer la sainte Vierge
comme leur gardienne et unique espérance après Dieu.
Je ne vous invite pas , Philagie , à en faire toujours
ou souvent ainsi, ce qui ne serait que très-bon, mais
bien pour aujourd'hui de rendre un pareil honneur à
la Mère de bonté tout autant de fois que vous entrerez
ou sortirez de votre chambre et cabinet. Pourquoi
aimez-vous tant la sainte Vierge? C'est pour cela que
je suis libre de vous donner des occasions de lui témoi
9*
— 314 —
gner que vous l'aimez et honorez , et que toute votre
confiance, après son cher Fils, est a elle.
Peu s'en est fallu que je ne vous aie déjà invitée d'ho
norer désormais la Mère de Dieu à la facon que l'honorait
Gabrielle de Gadaigne , comtesse de Chevrières , qui , par
l'éclat et l'exemple de ses éminentes vertus , a embaumé
les quinze dernières années de sa vie toute la grande ville
de Lyon. Elle a laissé à tout ce grand peuple, dans sa
sainte mort, depuis peu arrivée, le regret d'avoir perdu
une dame des plus accomplies en sainteté, en perfection
et en toute sorte de vertus que la France ait admirées
aux siècles passés parmi celles qui se sont rendues re-
commandables à relever la grandeur et la noblesse de
leur maison par la publique profession de la vertu, et
dans l'exercice des actions chrétiennes qui pouvaient
agrandir le lustre et la gloire du service de Dieu.
Or, cette grande dame , à propos de la sainte dévo
tion de ceux qui saluent la Mère de Dieu au sortir de
leur chambre ou cabinet, avait aussi cette belle cou
tume sortant de sa maison , à la première démarche
qu'elle faisait, de se tourner du côté de Notre-Dame
de Fourvières, jetant un regard affectueux vers cette
sainte chapelle et faisant une profonde révérence.
Puisqu'il y a des églises de la sainte Vierge partout ,
à qui tient-il que vous n'en fassiez autant au sortir de
votre logis?
— 315 —
DÉVOTION VIIe
IPoiar le vingt-septième jour de ]S"oveirxt>re.
Faire quelque mortification intérieure et s'offrir à la sainte
Vierge, à l'imitation de ceux qui sont affectionnés à lui
plaire.
La sainte Vierge se plaît singulièrement dans les
cœurs calmes et paisibles qui ont un doux et souverain
empire sur les passions de leurs âmes. Elle voudrait
que tous les cœurs fussent semblables au sien : aussi
c'est lui faire un grand plaisir que de lui offrir de telles
mortifications et victoires. Comme elle est la grande
victorieuse et par excellence la Dame des victoires, de
pareils hommages sont ses délices, et elle les recoit
avec un cœur joyeux.
Philagie, il ne tiendra qu'à vous de donner de pa
reilles satisfactions à la Princesse du Ciel , puisque telles
victoires dépendent de vous. Il y a des objets que vous
regardez bien volontiers quand vous les rencontrez,
et même cherchez-vous les occasions de vous y porter.
Si, aujourd'hui, ils se rencontrent vers vous, ou si
la pensée vous vient de les rechercher, dites tout bas ,
en vous détournant de cette pensée ou vos yeux de
cet objet :
« Vierge sainte , ma chère Mère , pour l'amour de
vous je veux me priver du contentement que j'aurais h
— 316 —
voir ce bel objet, cette agréable rencontre et conver
sation. »
Faites ainsi des autres choses qui plaisent à vos sens
ou flattent votre esprit , et privez-vous de tout cela pour
la Mère d'amour. Croyez-moi , tôt ou tard Notre-Dame
vous en saura bon gré, et quelquefois même sur-le-
champ vous expérimenterez les effets de sa maternelle
bonté et cordiale reconnaissance. Jugez de la vérité de
ce que je dis par ce qui suit :
L'an 1609, au Mexique, un jeune homme de la
Congrégation de la Sainte-Vierge , fut longtemps pour
suivi d'une femme qui n'oubliait rien pour le séduire et
le rendre victime de sa passion. Le jeune homme ré
sista toujours. Cette malheureuse, se voyant ainsi re
butée et éloignée de son dessein, résolut de le faire
mourir, et, sous prétexte de lui faire un présent, lui
envoya des dragées et quantité de confitures des plus
exquises, mais qui portaient toutes en elles-mêmes un
poison.
Le jeune homme , pour n'être pas tout-à-fait incivil
ni trop austère , accepta le présent ; et , d'abord , il fut
sur le point de l'entamer, car la tentation le pressait
de contenter son appétit. Néanmoins, se ressouvenant
qu'il avait coutume de jeûner à tel jour à l'honneur de
de la Mère de Dieu , il se dit en lui-même : Pour l'a
mour de Marie , je veux me priver de ce plaisir de bou
che et veux garder mon jeune .
- 317 —
Ce jour écoulé, et l'appétit lui revenant de goûter
ces confitures , il commande à son valet de lui apporter
ce présent qu'on lui avait fait. Celui-ci le lui présente,
mais tout couvert de vers , gâté et puant , avec toutes
les marques de poison. Ainsi ce jeune homme , ayant
reconnu la méchanceté de cette vilaine qui, n'ayant pu
lui faire perdre son âme , lui voulait faire perdre la
vie, et l'assistance de sa bonne Mère la Vierge qui lui
avait obtenu la grâce de ne pas rompre son jeûne , et
considérant ces choses , rendit des actions de grâces à
sa chère Libératrice en rapport avec une telle faveur.
Je vous en laisse la pensée, qui vous sera d'une
grande utilité et capable de fortifier votre cœur et le
résoudre à de grandes victoires sur vos passions pour
l'amour et à l'honneur de la Mère de Dieu.
Vincent de Beauvais raconte qu'un gentilhomme,
allant en un certain tournoi en Normandie, logea chez
un homme réduit à une telle pauvreté que , n'ayant pas
de quoi vivre, il offrit à ce seigneur sa fille qui avait fait
vœu de virginité, avec tout pouvoir sur son honneur.
La pauvre fille fut bien étonnée de se voir réduite à
un tel sort. Elle se tourne de tous côtés pour fléchir
ce seigneur, et le prie de lui sauver sa vertu. Elle le
conjura surtout par le beau nom de Marie qu'elle por
tait et par le jour du samedi qui s'écoulait, jour dédié
au service de la Mère de Dieu.
Que fera ce gentilhomme? Sa passion est grande en
— 318 —
cette occasion qui lui paraît si favorable. Comme il avait
quelque peu d'amour pour la sainte Vierge , conjuré
d'ailleurs si doucement et si puissamment par cette
douce brebis, il se dit en lui-même : Pour l'amour et
la vénération que je porte à la sainte Vierge, je renonce
à ma passion et je veux conserver l'honneur de cette
fille.
Sa résolution fut si ferme que, le lendemain, il con
duisit cette fille à un monastère qu'elle affectionnait,
fournissant lui-même pour elle la dot nécessaire pour
sa réception.
Or, je vous le demande, Philagie, croyez-vous que
Notre-Dame oubliera la victoire de cette passion et
qu'elle ne la reconnaîtra pas? Ecoutez tout, et con
cluons.
Ce gentilhomme fut tué deux jours après à ce combat
des tournois où il allait, et Notre-Dame révéla à une
de ses fidèles servantes qu'il était mort en bon état,
parce qu'en considération du peu qu'il avait fait aupa
ravant pour l'amour d Elle , elle lui avait impétré la
douleur de ses péchés. Voilà ce que c'est d'honorer la
sainte Vierge en toute façon !
— 319 —
DÉVOTION VIIIe
Pour le vingt-lmitièirxe jour de Novembre.
Faire un bouquet de divers actes de vertu et bonnes œuvres
pour l'offrir à la sainte Vierge, à l'imitation de quelques
dévots de la Mère de Dieu.
Philagie, voici une dévotion à la Mère de Dieu qui
vient de bonne main : recevez-la donc d'aussi bon cœur
que vous avez reçu et agréé l'art abrégé d'aimer Dieu.
Celui qui vous l'a donnée, c'est le même qui vous donne
l'art abrégé d'aimer Marie : aussi je veux appeler la
dévotion dont je vous parle maintenant une invention
tout-à-fait belle, un riche bouquet digne d'être présenté
à la Mère de Dieu.
Ce bouquet se fait en cueillant tous les jours une
fleur, ou plusieurs, de quelques victoires de soi-même
et des passions auxquelles on est le plus sujet dans les
occasions qui se présentent durant la journée. Tout cela
réuni forme le bouquet qu'on a dessein de présenter à
la sainte Vierge à l'heure de la mort, à l'effet d'obtenir
par l'offre de ce présent ses bonnes grâces et celles de
son Fils en ce passage si important.
Je suis bien d'avis que vous soyez du nombre de ceux
qui s'emploient tous les jours à grossir et rendre plus
beau et plus riche leur bouquet; mais je ne veux pas
vous appliquer seulement aux mortifications et aux vie
— 320 —
toires sur vos passions. Je vous donne la liberté de faire
entrer en votre bouquet toute sorte de belles fleurs,
c'est-à-dire toute sorte de vertus ou bonnes œuvres
faites à l'honneur de la sainte Vierge. Et pour vous
obliger au soin de cet exercice, faites ce qui se pratique
par ceux qui s'y emploient.
On prend pour cet effet un papier plié en petit cahier
et marqué de diverses lignes, qui porte pour titre prin
cipal : Bouquet de Fleurs que j'ai cueillies tous les jours
de ma vie, pour en faire un présent à la sainte Vierge
à l'heure de ma mort. J'ai cueilli la première un tel
jour... d'un tel mois... de telle année... à telle année
de mon âge. Puis, avant que de se coucher, on marque
en la première ligne avec une croix la fleur qu'on a
cueillie , c'est-à-dire la bonne œuvre qu'on aura faite
durant la journée, ou deux, ou quatre, selon le nombre
des actions qu'on aura faites à l'honneur de la Mère de
Dieu. Que si on a laissé passer le jour sans rien faire
pour la sainte Vierge, on marque un zéro pour signifier
néant (rien), continuant ainsi tous les jours selon qu'on
aura fait.
Je ne dis rien de la consolation qu'on ressent quand,
le soir, on trouve quelque victoire sur nos passions, ou
autre bonne œuvre faite pour l'amour de notre chère
Mère ; ni du déplaisir de n'avoir rien fait, et qu'il faille
mettre un zéro, qui veut dire : aujourd'hui je n'ai rien
fait pour la Mère de Dieu, moi qui, à tous les moments,
— 321 —
devrais chercher des occasions de l'honorer pour les
obligations infinies que j'ai à sa bonté et pour les attraits
qui la rendent aimable pardessus toute pure créature.
Philagie, avisez si vous saurez arranger ce beau bou
quet pour la sainte Vierge. Si une fois vous l'entrepre
nez, tenez bon, et commencez de bonne heure à le pré
parer. Ne différez pas. Commencez dès aujourd'hui, et
puis, le jour de votre trépas, avant ou après la récep
tion de l'Extrème-Onction, offrez-le à la Mère de misé
ricorde par les mains de votre bon Ange, à moins que
vous n'aimiez mieux vous servir de l'entremise de votre
doux Sauveur.
— 322 —
CHAPITRE XIII
HUIT DÉVOTIONS A LA MÈRE DE DIEU POUR LA FÊTE ET L'OCTAVE
DE SON IMMACULÉE CONCEPTION, LE YIII DÉCEMBRE.
DÉVOTION PREMIÈRE.
Pour le huitième jour de Décembre.
Préférer l'Etre de Notre-Dame au sien propre , à l'imitation
de sainte Brigitte.
En ce saint et fortuné jour auquel la glorieuse Vierge
commença d'être , jour dont elle dit une fois à sainte
Brigitte que c'était l'heure dorée du monde, quelle dé
votion et quelle pratique vous pourrai-je donner, Phi-
lagie , que celle de la même sainte Brigitte , la grande
affectionnée de la Mère de Dieu?
Elle disait souvent à la sainte Vierge, sa bonne Mère :
Vierge sainte, je vous aime jusqu'à ce point que j'ai
merais mieux n'être point , si Dieu l'agréait ainsi , que
si vous n'étiez pas vous-même, car je préfère de tout
mon cœur votre être au mien.
Philagie , sur la joie que vous éprouverez aujour
d'hui de la création de l'âme de votre chère Dame et
aimable Princesse, dites-lui cent fois la même chose, et
— 323 —
toujours pour lui témoigner que vous l'aimez en toute
façon et autant que vous le pouvez.
Que si vous avez le loisir de convaincre votre esprit
de cette vérité — qu'il vaudrait bien mieux que vous
fussiez dans le néant que si la petite Marie n'était point
en nature,—entretenez-vous sur cette pensée, et, à force
de raisonnements, dites que Marie, au premier moment
de sa vie, vaut cent millions de fois plus que vous et
incomparablement davantage que douze cents millions
de vos semblables. Et puis, vous abandonnant aux amou
reux élans d'un cœur solidement et incroyablement
content de sa nouvelle existence , commencez par faire
savoir aux anges et aux hommes l'allégresse dont jouit
votre âme sur la création de la sainte Vierge.
Dites dès maintenant, pour le redire soixante millions
de fois en votre vie : Vive Marie, la tant désirée et
belle aurore de nos jours ! C'est la porte par où Dieu
viendra à nous. Fi de la vermine de la terre! je lui
suis tout semblable; il n'y a rien en moi qui ne soit
haïssable et digne de rebut. Je ne sais que ramper sur
la faCe de la terre.
Vive Marie, le paradis spirituel du second Adam
désiré et attendu ! C'est Elle qui est le plan pour la
salle où doit s'opérer la grande réconciliation du monde.
Fi des enfants de ténèbres! je suis un de ceux-là. Le
commencement et la suite de mes jours et de mes ac
tions, ce n'est que confusion et désordre.
— 324 —
Vive Marie, digne d'être le lit nuptial du Verbe éter
nel ! C'est la pièce de drap de laquelle sera travaillée
l'admirable robe de la sacrée humanité, dont l'ouvrier
sera le Saint-Esprit , et la main la vertu du Très-Haut.
Fi d'un chien mort et puant! Je suis tout comme cela
par mes récidives et mortelles plaies: j'ai tant de fois
honteusement foulé aux pieds la révérence du saint
Nom de Dieu, méprisé ses lois et violé indignement ses
ordonnances.
Vive Marie ! Fi de mes semblables ! Peu importe que
la vermine de la terre, que les enfants de ténèbres,
qu'un chien pourri rentre dans le néant! Au contraire,
il importe beaucoup que le jour ait son aurore, le
monde son paradis , et les hommes les douces espéran
ces du retour des bonnes grâces avec le Créateur.
Vive Marie! Fi de mes semblables! Je lui cède la
vie; et pourvu qu'elle soit, je suis content du néant,
et prends le non-être pour mon partage.
DÉVOTION IIe
Po\xr le neuvième jour de Décembre.
Dire l'office de l'Immaculée Conception de la sainte Vierge, à
l'imitation du dévot Alphonse Rodriguez.
Au temps de l'Octave et Joie de l'Immaculée Con
ception de la très-sainte Vierge , il faut lui offrir nos
— 325 —
dévotions conformes au mystère, autant que nous en
rencontrons de propres.
L'incomparable en dévotion k la très-immaculée Con
ception de la sainte Vierge, c'est le dévot Alphonse
Rodriguez, de notre Compagnie. Aussi Notre-Dame l'en
reconnut par des faveurs toutes particulières; entr'au-
tres, elle lui révéla qu'une des raisons pour lesquelles
Dieu avait mis dans son Eglise l'Ordre de la Compa
gnie de Jésus, c'était pour défendre son immaculée
Conception.
Or, l'une des dévotions de ce dévot serviteur de la
sainte Vierge, était de dire tous les jours l'Office de
son immaculée Conception. En quoi il est imité par un
grand nombre de serviteurs de la Vierge, qui en font
autant tous les jours.
C'est ce que pour le moins vous ferez aujourd'hui ,
Philagie, car le cœur me dit que vous le réciterez tous
les jours de cette Octave^
DÉVOTION III8
Pour le dixième jour de Décembre.
Faire vœu de défendre l'Immaculée-Conception de la Vierge,
à l'imitation du dévot Berkman.
Voici un ange de la Compagnie de Jésus passionné
ment affectionné et zélé de l'immaculée Conception de
10
— 326 —
sa bonne Mère la sainte Vierge. Il avait fait vœu de
défendre et maintenir à jamais son immaculée Concep
tion, au cas toutefois que l'Eglise n'en déterminât pas
autrement. Il écrivit ce vœu sur un papier, et il le
signa de son sang. Outre cela, il avait fait le vœu que
le premier livre qu'il composerait, serait sur le même
sujet.
En ce temps-ci plus que jamais on se porte à pareille
dévotion. La ville de Naples fit paraître le zèle qu'elle
avait pour honorer ce glorieux mystère l'an 1618, le
propre jour de la Conception, par un vœu qu'elle fit en
l'église de Notre-Dame la Grande, selon la teneur qui
suit, et qui pourra servir de modèle à ceux qui en
voudront faire un pareil, ne se servant que de sa sub
stance et de ce qui pourra leur être nécessaire :
« Princesse du Ciel et de la terre, Nous, Vice-Roi,
Université, Ministres du Conseil et Milice de Naples,
prosternés à vos pieds sacrés, en reconnaissance de
toutes les faveurs que nous avons reçues de Votre
Majesté, et que nous attribuons toutes, après votre
sainte bonté , à l'affection qu'il vous a plu nous donner
de maintenir l'honneur de votre immaculée Conception ;
« Appuyés de l'autorité des saintes Lettres, des sacrés
Conciles, et nommément de celui de Trente, des sou
verains Pontifes, au milieu de votre maison, en ce jour
heureux pour vous et pour nous, nous confessons que
votre Conception a été toujours Immaculée, et nous
— 327 —
prenons ce même Dieu qui est votre Fils à témoin que
notre résolution est de vouloir maintenir cette vérité,
qui depuis longtemps est gravée au fond de nos cœurs
et le sera jusqu'au dernier soupir.
« Nous protestons de la vouloir tenir et enseigner tant
en public qu'en particulier, et d'avoir soin que tous
ceux sur qui , à l'avenir, nous aurons quelque pouvoir,
tiennent et fassent de même. C'est ce que nous vouons,
ce que nous promettons tous tant que nous sommes.
Ainsi Dieu nous soit favorable !
« Nous soumettons néanmoins ce vœu et ce qui en est
le sujet à l'autorité de l'Eglise, qui est notre Mère, et
du Saint-Père, qui en est le pasteur universel. »
Philagie , je n'ose pas vous engager à faire un pareil
vœu : peut-être êtes-vous du nombre de ces personnes
qui ne peuvent entendre parler de ce vœu. Si vous le
désirez, je vous traiterai plus doucement, pour que, du
moins, vous imitiez un peu ces grands courages. Faites
que le vœu que vous ferez de défendre l'immaculée
Conception de la sainte Vierge et cette vérité qu'elle a
été conçue sans péché originel, ne soit que pour huit
ou quinze jours. Ne le signez pas de votre sang, comme
le fit Berkman.
Il me semble que vous ne sauriez maintenant repous
ser ma demande : elle est trop raisonnable. Si vous avez
le courage de faire tout de la même façon que Berk
man , me voilà encore plus satisfait. Tenez donc votre
— 328 —
papier secret et logez-le parmi vos meubles de dévotion.
Il vous pourrait bien servir à l'heure de la mort, et la
sainte Vierge pourrait bien s'en prévaloir à votre avan
tage pour le montrer, avec la couleur de votre sang,
au Juge qui doit à votre égard donner un arrêt de bon
heur ou de malheur éternel.
DEVOTION IVe
le onzième jour de Décembre.
Dire douze Salve Regina et douze Ave Maria à l'honneur de
l'immaculée Conception de la sainte Vierge, à l'imitation du
bienheureux Alphonse Rodriguez.
Je veux croire, Philagie, que votre cœur, non plus
que celui du dévot Alphonse Rodriguez, ne se contente
pas de peu pour témoigner à la sainte Vierge votre joie
de son immaculée Conception et du bonheur qu'elle a
eu de n'avoir point encouru le péché originel. Faites
donc aujourd'hui ce que faisait son même serviteur.
Il disait, tous les jours, douze Salve et douze Ave
Maria en l'honneur de la Conception immaculée de la
sainte Vierge pour la bénir de ce bonheur; et il avait
entrepris ce nombre pour correspondre aux vingt-quatre
heures du jour naturel, à cette fin qu'à toute heure la
sainte Vierge priât son cher Fils qu'il lui plût le ga
rantir de péché par son immense bonté, en considération
— 329 —
de la grâce qu'il avait faite à sa sainte Mère de la dé
livrer de toute sorte de péché, même de l'originel, le
jour de la création de son âme.
Philagie, comme vous avez un cœur pareil à celui
de ce dévot Alphonse tout porté à honorer Marie, vous
aurez aussi les mêmes intentions, la même dévotion, et
un jour le même mérite.
Je trouve néanmoins un avantage au dévot Alphonse,
qui fait que vous ne pourrez pas l'imiter tout-à-fait en
sa dévotion : c'est qu'il avait cette grâce de Dieu d'être
dans la réflexion, non-seulement à chaque heure du
jour quand l'horloge sonnait, pour être prêt à dire sa
petite prière selon son dessein, mais aussi la nuit, durant
le sommeil , de s'éveiller à toutes les heures pour pou
voir accomplir sa pratique.
Ces faveurs ne sont point pour tous. Il suffira donc
que vous disiez, au son de l'horloge, lorsque vous y
prendrez garde, ou tout à la fois, le nombre des susdites
prières qui resteront pour achever le chiffre complet de
vingt-quatre. «
— 330 —
DÉVOTION Ve
Pour le douzième jour de Décembre.
Lire les livres qui traitent de la sainte Vierge, à l'imitation
des confrères de ses Congrégations.
Tout de bon , Philagie , avez-vous envie d'aimer la
sainte Vierge, de conserver la dévotion que vous' avez
déjà pour elle, d'augmenter ce feu de l'amour de Marie
qui est dans votre cœur? Suivez donc mon conseil : lisez
les bons livres qui ont traité des louanges et des per
fections de cette glorieuse Vierge. C'est à quoi s'appli
quent les associés des Congrégations de la Mère de Dieu,
dignes à la vérité d'être imités.
Il est impossible, si vous lisez de semblables livres
comme il faut, de suite et souvent, que vous ne trou
viez votre cœur enflammé à son service , et meublé de
pensées saintes et amoureuses envers la Mère de Dieu.
Je connais un serviteur de Dieu qui s'est notablement
changé a cette seule lecture. Dès-lors il éprouva des
désirs indicibles et très ardents d'aimer et servir cette
sainte Dame. Et comme c'était en lisant la Triple Cou
ronne des Grandeurs de la sainte Vierge, livre composé
par le révérend Père Poiré, de la Compagnie de Jésus,
qu'il avait pris ce feu, il se résolut tout le reste de sa
vie de lire et relire ce livre, et quand il l'aurait une,
— 331 —
deux et plusieurs fois achevé, de le recommencer tou
jours.
Il disait pour raisons qu'il ne trouvait point un plus
riche entretien; que, comme il ne voulait aimer que
Jésus et Marie, qui seuls sont aimables, ce livre l'entre
tenait merveilleusement en cet amour, et lui donnait
des pensées de l'un et de l'autre pour connaître leurs
divines perfections et ensuite les aimer. Il ajoutait qu'il
y trouvait toujours un nouveau goût; que quasi tout
ce qui était de plus beau, de plus docte, de plus curieux,
de plus dévot à dire de la Vierge bénie, se trouvait
dans ce livre. A l'entendre parler, il était très-affec
tionné à ce livre, ou, pour mieux dire, du sujet de ce
livre.
Je sais encore une personne qui , par son nom et par
effet, montrait en tout son innocente vie et le bon cœur
qu'elle a pour sa chère Marie. Elle ne pouvait se ras
sasier de louer le susdit livre; et, passant du livre à
l'auteur, elle lui donnait mille bénédictions, et rendait
amoureusement grâces à Dieu d'avoir inspiré ce bon
Père de mettre la main h cette pièce. Elle bénissait le
moment et le jour de la naissance de ce grand servi
teur de la sainte Vierge, digne écrivain de ses divines
louanges.
Philagie, je vous dis tout ceci pour vous persuader
qu'il est vrai que la lecture des livres qui traitent de
la sainte Vierge sont grandement profitables. Ayez-en
— 332 —
donc quelques-uns, lisez-les souvent, et commencez
aujourd'hui. En vérité, la Triple Couronne est une pièce
excellente ; si vous la lisez entièrement, vous n'aurez de
cœur que pour Marie.
Le Grand Chef-d'Œuvre de Dieu, qui traite des sou
veraines perfections de la bienheureuse Vierge, composé
par le révérend Père Binet , vous agréera. Ce que le
révérend Père Ribadeneira écrit à chacune des fêtes
de la sainte Vierge, dans ses Vies des Saints, vous con
tentera pleinement. Il y en a quantité d'autres pareils,
ayez-en à rechange ou un bon pour tous; et en vous
appliquant à ces lectures, préparez-vous aux puissantes
attaques que l'Esprit de Dieu donnera à votre cœur
pour le forcer amoureusement d'aimer et servir sa sainte
Epouse et la plus que très-aimable Marie Mère de Dieu.
DEVOTION VIe
Pour le treizième jour de Décembre.
Dévotion aux Saints qui ont été dévots à la sainte Vierge, à
l'imitation des dévots de saint Bernard.
Qui possède la faveur des Saints se peut tenir assuré
d'avoir une porte du Ciel à son commandement. Le
Ciel n'est pas une cité à cent portes seulement, comme
jadis la ville de Thèbes ; c'est une cité ù cent mille por
— 333 —
tes et davantage. Autant de Saints, autant de portes;
mais de toutes ces portes , la plus belle , la plus grande
et la plus fréquentée c'est la porte de Notre-Dame, qui
par excellence doit être appelée la Belle Porte, à l'imi
tation de celle de Salomon , qui était ainsi appelée ,
comme il est manifeste par le troisième chapitre des
Actes des Apôtres, où il est dit qu'un pauvre boiteux,
étant à la Belle Porte, fut guéri par saint Pierre en
entrant dans le temple.
Ne fut-ce pas un bonheur et une riche fortune pour
ce pauvre boiteux de prendre garde à ceux qui entraient
par la Belle Porte et leur demander l'aumône ? Cela lui
valut sa guérison, et fut la cause qu'il entra, guéri,
dans le temple pour louer et bénir Dieu. Cent mille
fois plus heureux sont ceux qui s'adressent en leurs
nécessités à ceux qui entrent dans le Ciel et dans le
temple de la gloire par la Belle Porte , c'est-à-dire par
les faveurs de la glorieuse Vierge , comme étant ses
plus chers favoris. Pareille dévotion leur vaudra le
Ciel et leur donnera l'entrée au Paradis pour y aller
louer, bénir et aimer Dieu éternellement.
Je ne sais pas si je m'explique assez , mais voici ce
que je veux dire : qui veut avoir de la dévotion à Marie
Mère de Dieu et du crédit vers elle, il faut qu'il se
rende favorable ses plus affectionnés serviteurs , et par
tant qu'il ait quelque dévotion particulière à quelqu'un
ou à plusieurs de ses plus grands favoris, comme serait :
Saint Alexis, qu'Elle recommandait au sacristain de
l'église d'Edesse;
Saint Bernard, qui porte la qualité de son mignon, et
à bon droit, puisqu'Elle lui donna de son précieux lait ;
Sainte Catherine , vierge et martyre , qui fut présen
tée par Elle à son Fils Jésus pour qu'il la reçût en
qualité d'Epouse ;
Saint Dominique , qui ne demanda jamais rien à la
sainte Vierge qui ne lui fût accordé;
Saint Edmond, archevêque de Cantorbéry, à qui la
sainte Vierge envoya saint Jean l'Evangéliste pour le
châtier et reprendre de ce qu'un jour il avait manqué
à lui payer le tribut d'une oraison qu'il avait entrepris
de lui dire tous les jours ;
Le bienheureux Francois de Borgia, qui, pour faire
honorer et aimer sa bonne Mère la sainte Vierge, fai
sait travailler à quantité de belles images sur celle
que saint Luc a peinte de la bienheureuse Vierge, et
puis les envoyaient dans toutes les parties du monde;
Bienheureux Godric, solitaire anglais, à qui la Mère
de Dieu donna un cantique pour lui chanter et se con
soler dans ses ennuis et afflictions;
Bienheureux Joseph Herman, à qui la sainte Vierge
remit deux dents, et assigna un endroit où il trouverait
de l'argent lorsqu'il en aurait besoin;
Saint Jean Damascène, ;i qui la sainte Vierge remit
une main coupée;
— 335 —
Bienheureux Kostka, novice de la Compagnie de Jé
sus, autrement dit Stanislas, qui nommait toujours la
sainte Vierge sa Mère;
Bienheureux Louis de Gonzague, à qui la sainte
Vierge dit, lorsqu'il avait la pensée de quitter le monde,
de se faire religieux en la Compagnie de Jésus, son
cher Fils;
Bienheureuse Marguerite de Hongrie, cette excellente
princesse qui, dès sa jeunesse, ne rencontrait jamais une
image de la sainte Vierge sans la saluer, se prosternant
à terre et disant un Ave Maria;
Saint Nicolas de Tolentin, qui jeûnait tous les sa
medis au pain et à l'eau, à l'honneur de la Mère de
bonté ;
Sainte Opportune, abbesse, à la mort de laquelle la
sainte Mère de Dieu assista pour la conduire au Ciel;
Saint Philippe de Néry, qui avait tant de crédit au
près de la Mère de Dieu que, sitôt qu'il lui eût demandé
la santé du cardinal Baronius , désespéré des médecins,
sa demande lui fut accordée;
Saint Robert , premier abbé de Citeaux , choisi avant
sa naissance par la Mère de Dieu pour qu'il fût son
cher enfant et favori;
Saint Simon Stok, à qui la sainte Vierge donna le
saint Scapulaire commme gage de l'affection qu'elle lui
portait et à son Ordre ;
Saint Thomas d'Aquin , qui fut assisté par la Mère
— 336 —
de Dieu pour la conservation de sa pureté lorsqu'il fut
attaqué contre cette vertu dans la prison où l'avaient
jeté ses frères;
Bienheureuse Victoire , à laquelle la glorieuse Vierge
dit , après la mort de son mari , qu'elle ne fût plus tant
désolée et qu'elle prenait sur soi le soin de sa famille ;
Saint Xavier, qui passait une bonne partie de ses
nuits en des colloques amoureux avec la Reine des
Anges, pour avoir son assistance en la conquête des
âmes du Nouveau-Monde;
Saint Yacinthe , à qui une image de la sainte
Vierge, taillée en albâtre et qui était très -pesante,
dit, un jour qu'il fuyait avec le saint ciboire la persé
cution des Tartares : Mon fils Yacinthe , pourquoi me
laisses-tu ainsi à l'abandon? Il la prit et l'emporta sans
qu'il ressentît aucune pesanteur;
Saint Zénon, évèque de Véronne, qui a écrit si di
gnement et si avantageusement en faveur de la sainte
Vierge; et quantité d'autres qui soient comme ceux-là
en faveur dans la cour de Marie.
Philagie, j'ai logé ici, à dessein, les susdits favoris
de la Mère de Dieu pour vous donner un avant-goût a
les prendre pour vos intercesseurs auprès de la sainte
Vierge. Je les ai rangés par ordre alphabétique, pour
aider la mémoire de celui qui les voudra prier de temps
en temps.
Ce n'est pas qu'il n'y en ait quantité d'autres qui ont
_ 337 —
été fort affectionnés au service de la Mère d'amoar : il
y en a des milliers qui passent par cette belle porte.
Chacun choisit à son gré, pour imiter en cette pratique
la dévotion de quelques-uns qui sont dévots à saint
Bernard, par cette principale raison qu'il était le cher
mignon de la sainte Vierge. J'en connais qui, pour ce
seul motif, ont toujours quelque inclination et désir
d'honorer ce saint. Or, pour mieux faire réussir la pra
tique que j'expose, j'estime qu'une litanie de ceux qu'on
aura choisis sera assez utile pour la prier, au moins un
jour de la semaine, tel que le peut être le samedi.
Ce qu'il leur faudra demander est : que , comme ils
ont eu de l'amour pour le service de la sainte Vierge ,
et qu'ils ont recu d'Elle de secourables assistances à
l'heure de la mort et durant leur vie, il leur plaise
nous obtenir d'Elle de pareilles faveurs.
Qui ne voudra pas les prier si souvent que je l'ai
marqué, ne me refusera pas de les prier au moins au
jourd'hui, faisant la prière susdite ou quelque bonne
œuvre à l'honneur de tous les Saints qui se sont signa
lés en l'amour et au service de la Mère du saint amour.
— 338 —
DÉVOTION VIIe
I*oui* 1© quatorzième jovir de Décern.'fore.
Donner l'aumône à l'honneur de la sainte Vierge, à l'imita
tion de sainte Elisabeth.
Une aumône faite à un pauvre en l'honneur de la
Mère de Dieu porte avec elle le mérite d'une très-
grande récompense, que la sainte Vierge, qui ne veut
point se laisser surpasser en bonté, donne libéralement
en son temps.
Saint Grégoire raconte que le bienheureux Dieu-
donné, cordonnier de profession, allait tous les samedis
h l'église Saint-Pierre , de Rome , où il distribuait aux
pauvres pour l'amour de la Mère de Dieu ce qu'il avait
gagné durant la semaine. Elle agréa tellement ces au
mônes, qu'elle fit voir à l'un de ses serviteurs des ar
chitectes qui bâtissaient un palais tout d'or pour Dieu-
donné. Et ce qui l'étonna le plus, c'est qu'il apprit
qu'on ne travaillait à bâtir ce magnifique et superbe
palais que les jours de samedi.
Sainte Elisabeth savait bien que la sainte Vierge est
reconnaissante pour de semblables charités : aussi , pour
sa part, elle fit tant d'aumônes en son honneur, qu'elle
en fut réduite à aller à l'hôpital , elle et les trois petits
princes ses enfants. Mais Notre-Dame en son temps lui
rendit toutes ses aumônes au centuple.
— 339 —
Quelle confusion pour les riches et qui ont tant de
moyens quand on leur dira que , sans se mettre en
danger d'être réduits à un hôpital, ils n'ont pas donné
une aumône pour l'amour de Marie, elle qui est digne
que pour son amour on fasse toutes les charités possi-
bles! et quand on leur dira qu'un pauvre cordonnier
les a devancés en sagesse , et qu'il leur en coûtait si
peu de frais pour se bien loger au séjour de l'éternité,
et qu'ils ne l'ont pas fait!
Philagie, si vous avez de quoi, faites l'aumône au
jourd'hui et souvent pour l'amour de la sainte Vierge.
Si vous n'avez pas de quoi , faites une aumône spiri
tuelle, c'est-à-dire quelques prières pour les pauvres,
et le tout à l'honneur de la Mère de Dieu. Donner ce
qu'on peut, c'est donner beaucoup; et telle chose que
l'on peut donner vaudra plus de mille écus d'aumônes.
Ainsi saint Pierre, qui n'avait ni or ni argent, comme
il le dit lui-même à celui qui lui en demandait, en lui
donnant ce qui était en son pouvoir il lui donna des
jambes pour marcher. Ce fut une aumône qu'il prisa
plus que dix mille écus sur une table. — Argentum et
aurum non est mihi ; quod autem habeo, hoc tibi do : in
nomme Jesus surge et ambula.
Que si vous ne rencontrez pas des pauvres pour leur
faire l'aumône spirituelle , il n'est pas impossible que
vous ne rencontriez aujourd'hui de ces pauvres néces
siteux qui n'ont besoin que des prières des gens de bien :
— 340 —
j'entends ces personnes qui sont riches en moyens et
pauvres en la grâce de Dieu, que saint Augustin ap
pelle pauperes Deo , divites nummo.
Il y en a un si grand nombre comme ceux-là dans
les villes considérables, qu'on en pourrait paver les
rues. Sous le satin, il y a bien du Satan, et sous un
habit vert , bleu , blanc et incarnat souvent les âmes y
sont bien noires ; et plusieurs s'enflent et font gloire de
leur noblesse, qui se soucient fort peu que leur esprit
soit roturier.
Philagie, faites l'aumône à ces pauvres nécessiteux
et misérables. Ce sont ces personnes qui ont besoin des
aumônes spirituelles. Et pour l'amour de la sainte
Vierge, qui désire avec passion la conversion des pé
cheurs , faites-leur l'aumône de quelque fervente prière
qui incline la miséricorde de Dieu à avoir pitié de la
pauvreté et misère de leur âme.
DÉVOTION VIIIe
Pour le quinzième jour de Décembre.
Prier la sainte Vierge par de secrètes ententes , à l'imitation
de quelques personnes qui lui sont dévotes.
C'est ici une pratique dont plusieurs se servent pour
témoigner à Dieu leur bonne volonté.
Puisque l'auteur de la Triple Couronne de la Mère
— 34-1 —
de Dieu la conseille , je ne ferai point difficulté , Phila-
gie, de vous la présenter, et de vous dire de choisir
un jour pour cela. Si c'est un jour de fête , et après
votre communion, il n'en ira que mieux. Néanmoins
vous pouvez vous y exercer aujourd'hui , puisque c'est
le jour de l'Octave de l'une des grandes Fêtes de la
sainte Vierge.
Donc, ce jour choisi, faites votre pacte avec la Mère
de Dieu, et une déclaration de ce que vous voudrez
lui faire entendre à la prononciation de certaines pa
roles que vous lui direz , tantôt tout bas et tantôt à
haute voix , tantôt de bouche et tantôt de cœur, quand
vous n'aurez pas le loisir de vous expliquer entièrement
ou de vous entretenir par de longues pensées avec elle.
Voici à peu près la façon de ce pacte :
« Vierge sainte, ma chère Mère, il est bien vrai que
sans cesse mon cœur et mes pensées devraient être à
vous; mais la faiblesse de mon esprit et l'état de cette
misérable vie qui nous embarrasse de mille distractions
et occupations, ne me le permettent point. Me voici dans
la résolution de suppléer, autant que je le pourrai, à
ce manquement : de sorte qu'autant de fois que j'élèverai
mon esprit à vous et que je vous dirai, ou de bouche,
ou de cœur : Vierge sainte , je vous aime ! je désire
et entends que ce soit comme si je disais que je vous
aime de tout mon cœur, de toute mon âme , de toutes
mes forces, plus que mes chers amis et parents, plus
— 342 —
que les honneurs, les richesses, la vie, la santé, le
monde, et tout ce qui est ici-bas; plus que tout ce qui
est créé , soit au ciel ou en la terre ; donc , plus que
mon Ange, plus que tous les Anges et les Saints en
semble, plus que ma part au Paradis.
« Autant de fois, Vierge incomparable que je dirai de
cœur ou de bouche : Vierge sainte, je vous loue, ou
je vous bénis, ou je vous glorifie, j'entends de vous
donner, si je le pouvais, toutes les louanges, tous les
honneurs, toutes les bénédictions, toutes les gloires
que les Anges et toutes les nations de la terre , voire
toutes les trois divines personnes de la très-sainte
Trinité vous ont jamais données, donnent et donneront
dans le temps et dans toute l'étendue de l'éternité.
« Autant de fois encore que je dirai : Vierge sainte,
je vous offre ! c'est comme si je vous disais : Je vous
offre mon cœur, mon corps , mon âme , ma vie , ma
santé, tout ce que j'ai de plus cher; je suis et veux
être totalement à vous.
« Autant de fois que je dirai : Reine et Mère d'amour,
je vous remercie, ou chose pareille, j'entends que je
voudrais avoir les reconnaissances des Anges , les bons
cœurs de tous les amis de Dieu, les langues des esprits
les plus diserts qui furent jamais , le cœur même et le
discours de Jésus votre cher Fils, pour vous donner
des remerciments durant toute une éternité, dignes de
votre adorable et aimable Majesté , pour les obli
— 343 —
gâtions infinies que je vous ai pardessus toutes les
créatures.
« Autant de fois que je dirai : O aimable Marie, Mère
de miséricorde, j'ai placé ma confiance et mon espé
rance en vous , ou chose semblable , j'entends qu'après
votre cher Fils , toute mon espérance est en vous , que
je ne veux recourir à autre qu'à vous , que vous êtes
mon refuge, mon aide, mon tout.
« Autant de fois que je dirai : Vierge sainte, je me
réjouis, j'entends de me réjouir de vos grandeurs et
perfections, de façon que si je pouvais avoir les joies
que vos dévots et vos serviteurs ont fait paraître et
éprouvées à la pensée de tous les biens qui vous sont
arrivés, je le ferais de tout mon cœur, et dès à présent
je m'en réjouis autant que je le puis.
« Autant de fois que je dirai : Ma chère Mère, je suis
triste; Marie, je suis affligé, j'entends que je suis fâché
de vos amères douleurs et que, s'il était en mon pou
voir de ressentir toutes les amertumes de cœur que
vos serviteurs ont eu à la pensée de votre glaive de
douleur, et aux accidents fâcheux qui vous sont arri
vés, surtout lors de la passion et mort de votre Fils,
volontiers je les souffrirais toutes , et je voudrais avoir
le cœur de votre cher Fils qui les a vraiment souffer
tes, ou le vôtre même, pour les ressentir en moi-même.
Philagie , voilà à peu près ce que devra être votre
pacte avec la sainte Vierge , et ce que devront signifier
— 344 —
vos secrètes ententes. Vous les amplifierez et vous y
ajouterez ce qui sera de votre goût et de votre dévo
tion lorsque vous parlerez à la sainte Vierge et lui ou
vrirez votre cœur.
Il ne tiendra qu'à vous d'en faire d'autres, en vous
expliquant là-dessus, tels que ceux-ci : « Vierge sainte,
je vous demande, je vous honore, » et ainsi des autres
pareils.
Et puis cela fait , choisissez quelques jours pour vous
y exercer, particulièrement les bonnes fêtes ou les sa
medis. Ou bien , comme le fait quelqu'un que je con
nais , distribuez ces petits mots pour chaque jour de la
semaine. Tâchez de les dire une vingtaine ou trentaine
de fois par jour. Le dimanche , dites souvent : Je vous
aime , Vierge sainte ; le lundi : Vierge sainte , je vous
loue, et ainsi des autres. Et, comme vous ferez le
pacte aujourd'hui , il sera bon de le renouveler de temps
en temps, surtout à quelque fête de la sainte Vierge,
après la communion.
— 345 —
CHAPITRE XIV
HUIT DÉVOTIONS A LA MÈRE DE DIEU POUR LA FÊTE DE L'EXPEO
TAT10N DU DIVIN ENFANTEMENT DE SON FILS JÉSUS-CHRIST, LE
XVIII DE DÉCEMBRE.
DÉVOTIONS
Pour le dix-huitième jour de Décembre et suivants.
Se préparer aux Octaves qui précèdent les fêtes de la glorieuse
Vierge, par quelque éloge spirituel, à l'imitation de sainte
Marguerite de Hongrie.
A mesure que les bonnes âmes sentent approcher
quelque bonne fête, elles s'y disposent par de bonnes
œuvres, par des prières et des mortifications, étant très
assurées que, si elles y apportent beaucoup de disposi
tions, elles recevront aussi beaucoup de grâces. Les dé
vots de la Mère de Dieu ne manquent pas à ce devoir.
Ainsi nous lisons que sainte Marguerite de Hongrie ré
citait mille fois l'Ave Maria chaque jour des Octaves
qui précédaient immédiatement les principales fêtes de
la glorieuse Vierge : c'était son compliment spirituel.
Philagie, vous ferez ce qu'il vous plaira aux Octaves
qui précèdent les autres fêtes de la Vierge ; mais pour
— 346 —
celle-ci qui précède son saint enfantement, je vous con
seille d'imiter ces bons Chinois, nouveaux chrétiens,
dont il est parlé aux Annales des Pères de la Compagnie
de Jésus.
En l'année 1621, sur la coutume qu'ils avaient d'en
voyer des présents aux dames qui étaient prêtes d'ac
coucher, un des Pères de cette Compagnie pria ses
auditeurs d'en faire autant spirituellement, et de rendre
un pareil homm âge à la Mère de Dieu ; et puisque la
fête de Noël , qui est celle de son divin Enfant appro
chait, de lui offrir pour présent un nombre d'oraisons,
de mortifications et dejeûnes, ou autres bonnes œuvres.
C'est ce qui leur agréa si fort, que dès-lors ils commen
cèrent à embrasser cette pratique : ce qu'ils firent de
même tous les ans, faisant, huit jours avant N oël, leur
compliment spirituel à la sainte Vierge.
Choisissez donc quelques belles oraisons qui lui soient
les plus agréables, et, tous ces jours-ci , offrez-les à la
Mère de Dieu, à moins que vous n'aimiez mieux tous
les jours faire quelques mortifications nouvelles. Néan
moins , comme les oraisons , semblent vous devoir être
plus aisées et que c'était ce que sainte Marguerite lui
offrait à pareilles Octaves, j'aime mieux vous indiquer
quelques oraisons qui vous pourront servir de compli
ment spirituel en ce temps, et en tout autre de saint
entretien, quand vous voudrez vous en servir.
Aujourd'hui offrez-lui un bon nombre d'Are Maria,
— 347 —
non pas onze mille, comme le faisait la bienheureuse
Marguerite, princesse de Savoie, qui, le jour de sainte
Ursule, lui en offrait tout autant par les mains et par
les cœurs des onze mille Vierges; non pas trois mille,
comme le faisait la bienheureuse Bienvenue, religieuse
de Saint-Dominique, qui récitait trois mille Ave Maria
le jour de l'Annonciation, à cause de la dévotion qu'elle
portait à cet ineffable mystère; non pas onze cents fois,
comme le faisait sainte Marie d'Ognies, qui en disait
autant plusieurs jours de l'année; non pas mille, comme
le faisait le bienheureux Romée, religieux de l'ordre de
Saint-Dominique, qui, tous les jours de l'année, en di
sait tout autant.
Tout cela est trop pour vous.
Vous diriez que ce m'est chos e aisée de vous fixer sur
un si grand nombre. Deux cent quatre-vingts, qui est le
nombre de jours que le petit Jésus a demeuré dans les
sacrés flancs de sa sainte Mère, seront encore trop pour
vous. N'en dites donc que neuf, à l'honneur des neuf
mois que la sainte Vierge a porté son béni fruit, mais
dites-les bien dévotement; et, si vous voulez, à l'exemple
d'un serviteur de la Mère de Dieu que je connais, ajoutez
au bout de chaque Ave Maria : Beata viscera Mariœ Vir-
ginis quœ portaverunt œterni Patris Filium. Amen; c'est-
à-dire : Bénies soient les entrailles de la Vierge Marie
qui ont porté le fils du Père éternel. Ainsi-soit-il.
Si , le reste de cette Octave qui précède la sainte
— 348 —
Naissance du Fils de Dieu , vous désirez offrir à la
sainte Vierge-Mère, tous les jours , quelque prière , en
voici quelques-unes :
Le 19, qui est le lendemain, présentez-lui un certain
nombre de cette belle prière et hymne composée par
saint Bernard, qui commence par Ave maris stella. C'est
une prière bien agréable à la Vierge ; et on tient qu'elle
arrosa de son précieux lait le glorieux saint Bernard
lorsqu'il disait ces paroles qui y sont contenues : Mons-
tra te esse Matrem.
L'histoire de Lorette raconte qu'un certain jeune
homme qui s'était livré corps et âme à l'ennemi, une
fois que dans cette sainte chapelle il disait cette prière,
quand il fut à ces mêmes paroles : Monstra te esse Ma
trem, il reçut la cédule qu'il avait donnée à Satan.
C'est cette belle prière que sainte Brigitte avait eu
ordre de la sainte Vierge de dire tous les jours et d'as
sembler toute sa famille, chaque soir, à quelque heure
destinée pour la faire chanter à haute voix, avec pro
messe que, tandis qu'on lui rendrait ce devoir, elle
aurait un soin tout particulier de tous ceux qui seraient
en sa maison.
Le 20, dites-lui l'oraison: O interne-rate. C'est la prière
que saint Edmond lui offrait tous les jours. Elle se
trouve parmi les oraisons des Heures du Concile.
Le 21 , récitez-lui quelques Salve Regina, composé
par le bienheureux Herman le Raccourci. Cette prière
est si agréable à la Mère de Dieu , qu'autrefois on en
tendit les Anges qui la chantaient tous les samedis à
Ronceaux, près d'une fontaine qui se nomme à cette
occasion la Fontaine des Anges.
L'histoire des Servites raconte que, l'an 1541, comme
un soir on disait le Salve Regina en l'une de leurs égli
ses , quantité de peuple y assistant selon la coutume et
la dévotion qu'il avait à la sainte Vierge, il arriva que
la voûte sous laquelle était une tribune toute remplie
de monde tomba, et enfonça la tribune. Tout ce monde
fut enseveli dans ces ruines; et, une heure après,
comme on les croyait tous morts et qu'on tâchait de
faire ouverture pour prendre leurs corps , on les trouva
sains et entiers , sans qu'un seul eût été blessé. Par ce
miracle et cette faveur, la sainte Vierge voulait faire
savoir le plaisir qu'elle recevait à la prière du Salve
Regina, à laquelle ce peuple assistait.
Le 22, offrez-lui la belle oraison qui commence par
ces paroles : Obsecro te , Domina mea sancta Maria. Elle
se trouve dans les Heures du Concile ; grand nombre de
personnes la récitent tous les jours.
Le 23, servez -vous, en le réitérant souvent, de ce
petit hymne qui commence ainsi : 0 gloriosa Domina,
composé par saint Ambroise , et singulièrement agréé
de la sainte Vierge, comme je l'ai dit ailleurs.
La belle et petite oraison qui commence par : Sub
tuum prœsidium, sera pour le 24.
10.
— 350 —
La Chronique des Frères Mineurs montre assez com
bien valut cette prière à un jeune homme attaqué sur
le mont Cenis, avec deux de ses compagnons, d'une
horrible tempête suivie de tonnerres et de foudres ef
froyables, et d'une voix épouvantable qui criait : Tue,
tue ! Ses deux compagnons y moururent avec leurs che
vaux, frappés de la foudre. Pour Augustin, tel était
son nom, il fut sauvé de ce malheur pour avoir dit
plusieurs fois la susdite oraison : car il entendit une
voix qui, répondant à celui qui criait : Tue, tue, dit
qu'il ne pouvait tuer celui-ci, parce qu'il avait eu re
cours à Marie.
Je connais un religieux de notre Compagnie qui ,
ayant été en sa jeunesse, durant quatre ans, au service
d'un grand seigneur en qualité de page dans toutes les
occasions d'une vie libertine, sans aucune dévotion ni
prière , sauf de dire une fois tous les jours l'oraison
Sub tuum praesidium , n'ayant retenu que cela de nos
écoles qu'il avait quelque peu fréquentées, se résolut
quelque temps après de reprendre ses études et de
quitter le monde : ce qu'il exécuta fort heureusement.
Il n'attribuait son changement de vie et le bonheur de
sa vocation qu'au soin maternel que la sainte Vierge
eut de lui pour avoir dit la susdite oraison à la ma
nière que je viens de raconter.
Un certain nombre de cette oraison récité aujour
d'hui sera très-propre pour achever votre compliment
— 351 —
spirituel à la glorieuse Vierge. Si vous avez d'autres
prières et oraisons plus en rapport à votre goût et dé
votion, je vous conseille de vous en servir à cette oc
casion et autres qui se rencontreront , pour aider votre
piété par le récit de semblables hymnes et oraisons.
A l'exemple de quelques dévots de Notre-Dame, vous
devriez avoir un livret ou cahier contenant tout ce que
de temps en temps vous voudrez dire en priant la sainte
Vierge, et qui ne se trouve pas dans vos Heures ou
Diurnal. Ainsi vous y pourriez loger le petit Office de
l'Immaculée Conception ; l'Hymne de saint Bonaventure,
fait à l'honneur de la sainte Vierge, à l'imitation du
Te Deum laudamus; les Litanies de Lorette, et autres
prières semblables; même de celles qui sont par-ci par-
là dans vos Heures ou Diurnal , si ce n'est que vous les
sachiez par cœur pour les avoir avec plus d'avantage
en même endroit. Pour celles que je vous ai indiquées
à cette Octave, elles vous sont toutes aisées.
Philagie, voilà bien de quoi passer cette Octave.
Ainsi disposée, faites, pour le jour de Noël, de votre
cœur une petite crèche ou un petit berceau, et logez-y
le petit Jésus. Les grands et les princes du monde en
voient parfois aux dames et aux princesses leurs pa
rentes prêtes d'accoucher, de riches berceaux d'argent ,
ou autre précieuse matière. Un cœur humble, pur et
rempli d'amour de Dieu que vous offrirez , au lieu de
berceau , à la Mère de Dieu pour y loger son divin
— 35-2 —
Enfant, lui sera plus agréable que tous les berceaux
les plus riches et les plus précieux qu'on pourrait lui
offrir, quand bien même ils seraient tout couverts de
diamants et des pierreries les plus rares, nommément
après la préparation que vous y avez apportée durant
cette Octave par le moyen de votre petit compliment
spirituel que vous aurez fait tous les jours.
— 353 —
CHAPITRE XV
TRENTE DÉVOTIONS A LA MÈRE DE DIEU POUR SUPPLÉER A CELLES
QUI ONT ÉTÉ DONNÉES CI-DESSUS ET QUI SEMBLERAIENT MOINS
AISÉES A PRATIQUER, OU BIEN QUI POURRONT SERVIR EN QUEL
QUES AUTRES OCCASIONS, SELON L'INCLINATION D'UN CHACUN.
I
Saluer la Mère de Dieu avant le soleil levé.
C'est ce que faisait très-souvent le bienheureux Henri
de Suzo. Il avait eu pour maître de ce dévot exercice
une troupe d'Anges qu'il avait entendus chanter une
mélodie ravissante au matin, à mesure que le soleil
montait. La lettre du motet de ces bienheureux Esprits
portait ces belles paroles : Stella Maria maris hodie
processil ad ortum; c'est-à-dire :
Marie l'Etoile des mers ,
Ouvrant à ce jour sa carrière ,
Fait naître aux yeux de l'Univers
Les miracles de sa lumière.
Ravi de cet angélique concert, parfois il se joignait
— 354 —
h eux pour tenir sa partie; et quand les Anges ne se
faisaient pas entendre, il ne laissait pas que de saluer
de bon matin la très -sainte Vierge à sa façon; et
pourvu qu'il la saluât avant le soleil levé , il était con
tent.
Ainsi devraient être satisfaits ceux qui voudront faire
comme lui. Qu'ils saluent donc la Mère de Dieu , ou
comme ces Anges, ou par un Ave Maria, un Sahv
Reyina, ou un Ave maris stella, ou quelque salut sem
blable. Tout cela ne coûte guère et procure de grands
avantages.
Philagie, peut-être que le soleil est déjà bien haut
lorsque vous vous éveillez : je n'oserais donc vous con
seiller cette dévotion. Néanmoins, quand, une fois l'an,
vous feriez quelque effort pour saluer, tandis que l'au
rore monte, la belle Aurore de nos siècles, et sur le
soleil qui vient de l'Orient la Mère du beau Soleil qui
éclaire votre âme , ce serait bien. Mais si par bonheur
vous êtes de celles qui préviennent le soleil, et que
vous destiniez quelques beaux jours dans l'année pour
saluer la Reine des anges et la vôtre , ou comme ces
purs Esprits ou a votre manière, que savez-vous s'ils
ne voudront pas être de la partie? Quoi qu'il en soit,
ils y seront présents; et si vous saluez gracieusement
et de bon cœur leur céleste Reine , ils en feront reten
tir l'écho jusqu'aux voûtes les plus élevées de l'empvrée.
— 355 —
II
Saluer la Mère de Dieu en quelqu'une de ses églises, si, fai
sant chemin, on est arrivé en quelque lieu où se trouvent
des églises qui soient dédiées à son honneur.
Saint Henri, brave et chaste empereur, n'y man
quait point. Mais, bien plus! si c'était une ville où il
dût séjourner, il passait toute la nuit en prière et en
méditation dans l'église de la Mère de Dieu.
L'histoire de notre Compagnie porte que le dévot et
savant Père Thomas Sanchez n'arrivait jamais a Cor-
doue qu'il n'allât d'abord saluer Notre-Dame dans son
église , ce qu'il faisait de même avant que d'aller au
collége ; et puis , le lendemain , il y allait célébrer la
sainte Messe.
Je ne prétends pas, Philagie, vous inviter dès à pré
sent à ce dévot exercice; il suffit que vous en preniez
le dessein et la bonne volonté, et puis que vous l'exé
cutiez à la première occasion de quelque voyage où vos
affaires vous appelleront.
— 356 —
m
Prier les Anges et leur donner commission de saluer la Mère
de Dieu de notre part.
C'est la dévote invention du révérend Père François
de la Croix, de notre Compagnie, exposée dans le
beau livre qu'il a composé en l'honneur de la sainte
Vierge , intitulé le Sacré Jardin de Marie. Quel mal y
aurait-il quand vous leur diriez :
« Anges glorieux, je me trouve tant éloigné de la
pureté requise à ceux qui veulent parler à la grande
Dame de l'Univers et la saluer avec la révérence et les
soumissions que mérite cette incomparable Princesse,
obligez-moi en la saluant de ma part; mais que ce soit
avec les beaux éloges et rares louanges qui lui sont les
plus agréables. Demandez, s'il vous plaît, pour moi la
pureté , le divin amour, le grand pardon de mes crimes.
Dites-lui que vous avez parole de créance de l'assurer
que je veux vivre et mourir son cher amant et fidèle
serviteur. »
Pourrait- on trouver à redire si je prie l'archange
Gabriel de présenter encore une fois le salut angélique
à la grande Vierge Marie, l'assurant que c'est à ma
considération et humble prière qu'il lui fait la révérence?
— 357 —
Croyez-vous , Philagie , que les anges nous refuse
ront cette faveur? Hé! ils n'ont rien tant à cœur que
de se présenter pour parler à leur honorable Princesse
et nous rendre aimables à elle. Peut-être qu'ils dédai
gnent de pareilles commissions? Tant s'en faut! c'est
ce qu'ils recherchent avec passion. C'est le plus grand
honneur que reçut jamais l'archange Gabriel, d'avoir
été chargé de saluer la sainte Vierge. C'était de la part
de Dieu le Père , il est vrai ; mais ce qu'il a fait pour
le Père , il le fera bien volontiers pour les enfants.
IV
Repasser par sa mémoire et penser, une fois toutes les semai
nes, à la vie de la Mère de Dieu.
Pour bien s'en acquitter, il ne faudrait que l'esprit
aimant et dévot de la vertueuse sœur Françoise de
Jésus, carmélite, qui ne manquait point de faire cela
tout comme je viens de le proposer.
Saint Jean Damascène dit que celui qui fait de sa
mémoire et entendement un cabinet, ou plutôt un ora
toire à la Mère de Dieu, jouit sans cesse d'un indicible
repos et parfait contentement.
Le beau moyen pour essayer et goûter les délices
que ce grand saint nous promet, c'est de faire servir
— 358 —
notre mémoire, toutes les semaines, d'oratoire tout-h-
fait dressé en l'honneur de la Mère de Dieu. On y loge
par la pensée et courte méditation, ou en disant le
rosaire, ou en faisant quelque lecture sur toute sa
vie, ou en quelqu'autre manière, gardant en son cœur
toutes les images et saintes espèces des belles actions
qu'elle a pratiquées pendant le séjour qu'elle a fait en
ce monde.
Philagie, si j'avais un livre qui dit tout cela en peu
de pages, je vous en ferais présent. Toutefois, si vous
vous contentez des principaux points de sa vie pour
conduire vos pensées et guider vos affections, les voici
par la plume du révérend Père Laurens Chifflet, de
notre Compagnie , en sa dévote Couronne de Roses de la
Reine du Ciel. S'ils ne vous agréent point pour ce que
je prétends, ils vous pourront servir à bien dire votre
couronne et chapelet de la Vierge, selon lintention de
son livre. Quoi qu'il en soit, logez-les au cabinet de
votre mémoire, et en cet ordre :
Sa prédestination éternelle ; sa conception sans péché
originel et avec l'usage de la raison qu'elle exerça tou
jours par de continuels actes d'amour de Dieu ; sa pre
mière grâce, qui fut plus éminente que la dernière des
autres saints ; sa très-pure naissance ; ses parents saint
Joachim et sainte Anne; l'imposition du beau nom de
Marie; sa présentation au temple, à l'âge de 3 ans; sa
demeure et sainte retraite au temple jusques à ses noces;
— 359 —
sa préservation de tout péché actuel ; ses noces virginales
avec saint Joseph; l'annonciation de saint Gabriel, qui
d'ailleurs était son ange gardien ; son humble réponse
à l'ange, à l'incarnation du Verbe dans ses flancs; la
perplexité de saint Joseph, son époux, sur la cause de
sa grossesse ; la Visitation de sainte Elisabeth et la
sanctification de saint Jean-Baptiste ; son innocence
justifiée par l'ange et honorée par son époux; l'attente
de l'enfantement; le rebut des habitants de Bethléem;
l'entrée dans l'étable; sa haute contemplation sur ce
divin mystère : la naissance de son Jésus; le bonheur
de voir et serrer la première le petit Enfant né, su
çant ses mamelles; la dévotion des pasteurs adorant
le Fils et honorant la Mère; l'adoration des rois; la
circoncision de son Fils, à qui fut donné le nom de
Jésus; sa purification et la présentation de Jésus; la
joie de Siméon et les prophéties qu'il fit sur elle; la
fuite en Egypte avec son Fils; le retour à Nazareth;
la perte de son Fils durant trois jours : elle le trouve
au temple; sa maternelle autorité durant la vie cachée
de son Fils ; la peine qu'elle éprouva à la mort de saint
Joseph et de sainte Anne; sa joie h suivre son Fils, à
le servir et à entendre ses prédications; l'impétration
du premier miracle à Cana ; l'adieu que lui dit son Fils
en allant souffrir; la nouvelle de la prise et des autres
circonstances de la passion de son Fils; la rencontre
au chemin du Calvaire; le crucifiement, etc.; l'éléva
— 360 —
tion de la croix en sa présence; le Sauveur lui donne
saint Jean pour son fils ; elle voit expirer son Fils et
quand on lui donne un coup de lance au côté; elle
assiste à la descente de la croix et le prend sur son
sein; elle aide à ensevelir son Fils; elle pleure amère
ment pendant sa sainte solitude; elle est visitée par
Jésus ressuscité; elle le voit monter au ciel; elle re
çoit le Saint-Esprit avec les Apôtres; elle se commu
nie de la main de saint Jean; elle assiste l'Eglise de
ses soins; elle désire le départ de cette vie et d'aller
au ciel; elle meurt doucement par un saint effet du
grand amour qu'elle avait pour Dieu; son corps est
honoré et porté à la sépulture par les princes de
l'Eglise, les Apôtres, et grand nombre de fidèles. Son
corps ressuscite, et elle monte et entre glorieusement
dans le ciel. Elle y est notre Avocate, et n'oublie rien
pour le salut et l'avancement de ses fidèles amants.
Prendre au sort quelque billet qui porte certaines prières à
dire , et les vertus de la Mère de Dieu qu'il faudra prati
quer avec plus de soin durant l'Octave de quelqu'une de ses
Fêtes.
Le bienheureux Père François de Borgia donna de
la dévotion à toutes les dames qui étaient au palais de
— 361 -
Jean , prince de Portugal , par ce petit entretien de
piété : il faisait distribuer autant de billets qu'il y avait
de dames ou demoiselles à l'assemblée, puis il tirait au
sort leurs noms qui étaient en d'autres billets ; il leur
distribuait ces petits papiers, chacun disant le nombre
d'oraisons qu'il fallait réciter et la manière de le faire
tous les jours de l'Octave dans laquelle ils entraient, à
l'occasion de la fête occurrente de la Mère de Dieu, sans
oublier la vertu qui devait être le plus à cœur et en
exercice durant ce temps-là.
Il n'est pas croyable combien cela réussit à la gloire
de Dieu et celle de sa sainte Mère. Ces dames ne pen
saient plus au faste, ne parlaient plus de vanité. Tous
leurs discours étaient de ce qu'elles feraient pour la
sainte Vierge et de la manière qu'elles aimeraient la
Mère de Dieu. On ne les entendait plus caqueter, par
ler d'affections humaines, de vains plaisirs, d'aller à la
comédie : on ne parlait plus de tout cela. Le prince en
fut si fort édifié et si content, qu'il voulut lui-même
assister à cette distribution , commandant qu'on la com
mençât par une Messe solennelle et la communion géné
rale. Tout cela était suivi de quelque dévote exhortation.
Qui aimera Marie, je lui conseille, aux occasions, de
faire une partie de ce qui a été dit ci-dessus , ou au
moins le principal, non tous les quinze jours, comme
le faisait ce prince pour le profit qui lui en revenait,
mais une fois à quelque Octave de quelque belle fête
11
— 362 —
de Notre-Dame, pourvu que l'on rencontre des per
sonnes de bonne volonté pour ce dévot entretien.
VI
Prendre au sort, tous les jours , une dévotion à la Mère de
Dieu, dans la résolution de s'y employer et la pratiquer
ce jour-là.
C'est ce qu'on m'a dit être passé en coutume dans la
maison d'une très-illustre Dame de Provence, après
qu'elle eut pris quelque goût à la première édition de
mon livre. Voici de quelle manière elle s'y prend.
Quand sa famille est entièrement assemblée, elle se
fait apporter mon livre , et puis , à sa première ouver
ture, elle avertit tout son monde de la dévotion qui
s'est rencontrée et comment il faut s'y exercer et en
tretenir dans le jour. C'est là une bonne facon de se
servir de ce livre.
Si je n'étais intéressé dans cette noble invention , je
ne manquerais pas de témoigner l'obligation que j'ai ,
par surcroît aux autres, à cette dévote Dame, pour
avoir donné un si saint usage à mon livre; et, où je
prétendais qu'on ne s'en servît qu'aux Octaves des fêtes
de la Mère de Dieu, avoir trouvé le moyen de s'en
servir tous les jours. Mais puisque cela me touche , il
— 363 —
ne faut plus en parler. Recommander et louer haute
ment cette nouvelle dévotion, ce serait, ce me semble,
en quelque sorte recommander mon travail et flatter
ma Philagie sur le bon accueil qu'il a reçu dans la
ville d'Aix.
VII
Tous les mois, s'étudier à quelque vertu particulière en
l'honneur de la Vierge-Mère.
Puisque ce trait d'amour est approchant de quel-
qu'autre susmentionné, il me suffira de dire que celui
qui s'y engagerait ne ferait rien que le dévot Jean
Berkman n'ait fait, même avant son entrée en notre
Compagnie.
Au commencemement de chaque mois , il demandait
au Père de la Congrégation de quelle faute il devait
s'amender, et quelle dévotion il devait pratiquer en
l'honneur de la Reine des anges.
C'était bien là un excellent moyen pour devenir riche
en peu de temps et mettre dans ses coffres une douzaine
de vertus, à la faveur de la toute-puissante Mère qui a
plus d'envie de nous donner que nous n'avons de rece
voir.
— 36i —
VIII
Avoir soin d'estimer el de recueillir toute sorte d'images de la
sainte Vierge, quand même elles seraient usées, vieilles,
gàtées, ou moins bien faites, pour l'amour de ce qu'elles re
présentent.
On donne la louange de ce soin au dévot Père Sé
bastien Barradas, personnage assez célèbre pour ses
profitables sermons et écrits , mais beaucoup plus pour
la tendresse de son affection à la Mère de bonté. Le
cas se pourrait bien présenter pour vous de témoigner
un pareil soin.
Philagie, ajoutez ce petit service aux images et por
traits de votre chère Mère, à tant d'autres que vous lui
rendez, et, croyez-moi, tout vous sera rendu avec
usure.
J'avais quasi envie de vous servir à ce propos le trait
du bienheureux François de l'Enfant Jésus, qui faisait
plus de cas des images vieilles que des récentes, parce
que, disait-il, depuis plus longtemps Jésus et les autres
Saints de qui sont ces images ont été honorés par elles.
Mais il suffit que je vous laisse une pareille réflexion
pour celles de la Mère du Bel-Amour,
365
IX
Avoir plusieurs images de la Mère de Dieu et leur imposer de
beaux noms pleins de tendresse et conformes à l'amour
qu'Elle a pour nous, ou à celui que nous avons pour Elle.
L'admirable et dévot a cette pratique, fut le vénérable
Père Jean de Saint-Guillaume, religieux augustin ré
formé. En sa chambre, on y voyait quelques images de
Notre-Dame; il en nommait l'une sa Dévote, l'autre sa
Bien-Aimée, et ainsi des autres.
Je voudrais bien qu'on me dît s'il est rien de si aisé
à un cœur amoureux de cette sainte Princesse, que de
donner de beaux noms à ces images qui seront en nos
chambres ou en d'autres endroits de la maison; et
nommer l'une sa Belle ou sa Fidèle, l'autre sa Maîtresse
ou sa Mère; en cet endroit, sa Reine ou la Mère Ai
mable; en cet autre, la Nonpareille; et puis la servir
et l'honorer parfois avec ces beaux titres, en lui disant
tout bas affectueusement ou à pleine voix, à l'insu des
autres :
« Je vous salue, ma toute Belle; je vous aime, ma
Fidèle; je vous honore, glorieuse Marie, ô mon Incom
parable ! ô la Reine de mon cœur ! ô ma Bien-Aimée !
Je vous vénère , ô la Sérériissime ! ô la Très-Grande !
— 366 —
ô l'Eminentissime ! de la plus grande vénération dont
vous êtes digne : non pas de celle de latrie, car elle
n'est que pour la Divinité et pour ce qui est adorable
en elle; non pas de celle de dulie, car elle n'est que
pour les saints et ce serait trop peu pour vous , ô grande
Marie, qui êtes leur souveraine Princesse ! mais de celle
qui doit être rendue à votre excellentissime et très-
puissante Majesté, en qualité de Mère de Dieu, dignité
que vous possédez et posséderez en toute la grande et
incomparable durée de l'éternelle éternité!
Donner des œillades amoureuses, en passant, aux images de la
Mère de Dieu, à leur rencontre.
C'est ce que la dévote sœur Francoise de Jésus, car
mélite , qui ordinairement appelait la sainte Vierge la
Mère de son âme, faisait à dessein, regardant affec
tueusement neuf fois tous les jours une image de Marie.
Philagie, faites de même aux occasions et dans les
rencontres. Cet aspect favorable ne peut produire que
le bonheur ; les choses mêmes inanimées s'en ressentent.
Autrefois sur la muraille de Lucques était peinte une
image de Notre-Dame qui tenait le petit Jésus sur son
bras gauche, et en la main droite trois roses. Un jeune
— 367 —
berger qui conduisait son troupeau proche de cet en
droit remarqua que pas une de ses brebis n'osait appro
cher d'une grosse motte de terre, qui était d'ailleurs
assez fertile et verdoyante; au contraire, qu'elles s'en
retiraient comme si on les eût chassées. Tout cela l'in
vita à chercher la cause de cette merveille. Il s'appro
che donc de ce lieu, et quoique ce fut au mois de jan
vier, temps auquel les roses ne sont point de saison, il
y trouva une rose aussi belle et aussi fraîche que si
c'eût été le temps des roses. Il la cueillit et la porta à
son père; et en la lui présentant, il commenca à par
ler, lui qui, toute sa vie, avait été muet.
Le père avertit l'évèque de Lucques de tout ce qui
s'était passé, et lui amena son garcon. Ce prélat prit
aussitôt la résolution de se transporter sur le lieu , et ,
considérant attentivement quelle pouvait être la raison
de cette merveille, il trouva que c'était justement l'en
droit sur lequel étaient arrêtés les yeux de l'image de
la Vierge.
Le bruit de ce miracle se répandit dans le voisinage,
et la dévotion envers la chère Mère s'agrandit aux alen
tours de Lucques, et beaucoup plus encore dans la ville.
Philagie , que direz-vous de ceci ? mais que ferez-vous ?
Croyez-vous bien que les yeux des portraits de votre
Bien -Aimée ne vous seront pas aussi favorables qu'à
un gazon de terre ? Je sais bien l'utilité qui en revient
h quelqu'un, qui ne veut point que je le nomme ici. Je
— 368 —
suis fâché de ne pouvoir coucher sur ce papier le bien
qui lui en revient tous les jours , de se mettre en vue
des yeux de quelque belle image de la Mère de Dieu.
Faites ce qu'il vous plaira sur ce sujet. Quant à moi,
je sais bien ce que j'en ferai pour me prévaloir, même
en passant devant les beaux yeux et regards, pour
ainsi dire, des images de la Reine du saint Amour.
XI
Faire porter solennellement et avec pompe quelque image de
la Mère de Dieu par la ville, ou assister à la cérémonie ou
procession qui se fait pour ce sujet. — J'apprends cette pra
tique de saint Grégoire le Grand.
Tout le monde sait ce qu'il fit dans l'une des plus
grandes afflictions pour la ville de Rome, et combien
il lui fut utile d'avoir fait porter en procession la belle
image de la Vierge qui est dans cette ville.
L'empereur Jean Zemisces , ayant reçu un secours
notable contre trois cent trente mille combattants ses
ennemis , et les ayant mis en déroute pour avoir ar
boré les étendards de la Vierge-Mère à l'avant-garde
de son armée , suivit cette pratique '. car il fit préparer
un triomphe et une procession magnifiques. Sur le char
triomphal était placée l'image de la Mère de Dieu, avec
— 369 —
les dépouilles des ennemis sous ses pieds; et l'empe
reur, les princes, sa cour et le peuple suivaient.
J'ai vu autrefois les confrères de la congrégation qui
est érigée sous le titre de la Purification de la Vierge,
à Aix , en Provence , en notre collége, au jour de leur
fête, pour ne leur avoir point été permis d'exposer le
Saint-Sacrement en leur chapelle et ensuite faire une
petite procession, mettre avec un agréable appareil sur
l'autel l'image de Notre-Dame de Montaigu, et puis la
porter solennellement en procession le long des grandes
rues qui sont à l'entour du collége : ce qui donnait une
très-grande dévotion à tous les spectateurs, et beau
coup plus à ces confrères, qui voyaient leur chère
Mère portée avec tant d'honneur pour la gloire de son
Fils.
XII
Faire vœu d'accomplir quelque bonne œuvre à l'honneur de la
Mère de Dieu, ou lui promettre de faire pour son amour
quelque bonne action, soit dans le danger de quelque incon
vénient pour en être délivré, soit pour obtenir à sa faveur et
intercession quelque grâce particulière.
Philagie , si vous avez le courage de faire cela , ce
sera à l'exemple de grand nombre de personnes , nom
— 370 —
mément du bienheureux André de Chio, dont la fête
est le 29 de mai.
Attaqué d'une fièvre dangereuse et mortelle , il fit
vœu que , si la Mère de Dieu lui rendait la santé , il
garderait perpétuellement la virginité. Aussitôt guéri ,
il s'empressa d'observer son vœu; et, pour s'y engager
plus solennellement et même faire savoir à tous ce qu'il
devait à la Mère de Dieu, soit pour la santé qu'il en
avait recue, soit pour le désir qu'il avait de vivre et
mourir vierge , il s'habilla tout de blanc , symbole du
désir de la pureté; et avec cette livrée, il fit vœu pu
bliquement de vivre dans la virginité.
Tous ceux de Notre-Dame de Cléry, qui est à deux
lieues d'Orléans, savent combien vaut cette dévotion.
Il s'y fait de grands miracles. Mais en voici un, à mon
avis , d'autant plus admirable qu'il est perpétuel : c'est
que l'on y voit un grand cierge devant l'image de la
Vierge , attaché d'une grosse chaîne de fer, et à qui Dieu
a donné cette vertu que si quelque pèlerin se trouvant
en danger de mort, 'sur la terre ou sur la mer, fait
vœu pour sa délivrance d'aller à Notre-Dame de Cléry,
le cierge fait un tour ou deux avec un bruit si violent
que le peuple de la ville , en l'entendant , court de suite
à l'église et le voit tourner sans aucun moteur, ce que
dix hommes ensemble ne sauraient faire. Tout cela s'est
trouvé véritable plus de cent fois , et l'on a toujours vu
que ce mouvement se faisait à la même heure que le
— 371 —
vœu était prononcé, présenté à Dieu et à sa sainte
Mère.
L'histoire de Notre-Dame de Lorette , celle de Mont-
Serrat, et pareilles, sont remplies des preuves de la
dévotion dont je viens de parler.
XIII
Aller en pèlerinage en quelque célèbre église de Notre-Dame ,
ou à Lorette, ou au Mont-Serrat , ou au Puy, et autres
semblables.
Parfois on y va par dévotion, quelquefois par vœu :
tout est recevable et agréable à la grande Princesse,
qui ne manque pas de récompenser les peines de pareils
voyages.
Saint Ignace, fondateur de notre Compagnie, loua
et bénit tous les jours de sa vie le voyage qu'il fit à
Notre-Dame de Mont-Serrat. Il mettait les faveurs du
Ciel reçues en ce voyage entre les plus signalées grâces
qu'il eût recues de la sainte Vierge et de son cher Fils.
Tout ce que j'ai à dire sur cette dévotion , c'est qu'il
faut de grandes inspirations de Dieu pour entreprendre
de pareils voyages. Et comme j'ai fort peu d'inclination,
soit pour moi , soit pour les autres , à ces grands pèle
rinages, pour tous les dangers nombreux et inconvé
— 372 —
nients qui s'y rencontrent, j'aime bien mieux louer ces
voyages que de les conseiller, quoique d'ailleurs ils
soient recevables et dignes d'être considérés quand ils
sont entrepris comme il faut.
Je suis surtout de cet avis : que les femmes ne les
doivent nullement entreprendre, en ce malheureux siè
cle , qu'avec une forte inspiration , bon conseil et bons
guides; beaucoup moins encore faire des vœux d'aller
en tels endroits, vu quil y a tant d'autres belles occa
sions où nous pouvons témoigner les obligations et les
affections de notre cœur à la toute-puissante et obli
geante Mère.
XIV
Attacher doucement sa pensée à certains endroits, pour avoir
-une mémoire locale toute prête à se souvenir de la Mère
de Dieu. Le bienheureux Loui? de Gonzague me donne et
saint exercice.
Les images de cette sainte Mère placées par-ci par-
là sont bien propres à cet effet. Mais quand cela man
que, qui m'empêchera de dire : En cet endroit je veux
me souvenir de la bonté de la Vierge-Mère, et, en
celui-là, de l'amour qu'elle me porte. Je veux nommer
ce passage du nom de Marie; et ma chambre la cham
— 373 —
bre de Notre-Dame, et ainsi des autres; et puis, pas
sant par là , me remettre en l'esprit la douce mémoire
de ma chère Maîtresse. Ecoutez ce que faisait le bien
heureux Louis de Gonzague, et puis je vous dirai
d'autres choses.
Quand ce bienheureux Saint servait au réfectoire des
religieux et le dressait, il donnait divers noms aux
tables. Celle du supérieur, il la nommait la table de
Notre-Seigneur; celle qui était la plus proche de celle-
là , la table de la Mère de Dieu ; une autre , la table des
Apôtres; quelqu'autre , la table des Anges, et ainsi du
reste , donnant cependant loisir et occasion à la mémoire
de penser à la sainte Vierge , quand l'endroit où il y
devait penser se rencontrait.
XV
Chérir, estimer et honorer tous les dévots et affectionnés
au service de la Mère de Dieu.
Je parle des vivants, car, quant à ceux qui sont déjà
au ciel, j'en ai dit ailleurs mon sentiment; et quant à
ce que j'ai déclaré en avoir connu plusieurs qui avaient
pareilles inclinations et qui aimaient tendrement les
amants et serviteurs de la Reine-Mère de Dieu, pour
— 374 —
ne parler donc que des vivants , il suffira de rapporter
le trait du dévot Jean Berkman, de notre Compagnie.
Il disait bien souvent qu'il se sentait poussé d'une
particulière affection à l'endroit de ceux qu'il connais
sait être dévots à la sainte Vierge et l'aimer plus qu'on
ne l'aime ordinairement. Si cela est , il est croyable
qu'il priait pour les écrivains de ses louanges , pour les
prédicateurs qui parlaient volontiers et avec ferveur
d'Elle. Il y a apparence qu'il était bien aise de conver
ser, de visiter, de connaître, de correspondre avec les
bons serviteurs de Marie, de parler aux compagnies, et
de louer hautement les bonnes volontés et les saintes
flammes de leur cœur pour le service de Marie.
XVI
Donner mille bénédictions ou faire des prières pour ceux
qui ont contribué à l'avancement de la gloire et de l'hon
neur rendu à la vierge Marie, en quelque façon que ce
puisse être.
D'après ce que je vais dire, on entendra suffisamment
ce que contient cette pratique.
Le dévot Père Pierre Faber, premier compagnon de
saint Ignace, notre fondateur, assistant à Spire aux
premières vêpres qui se disaient dans la cathédrale à la
fête de la glorieuse Assomption de la Mère de Dieu avec
tant d'appareil et de magnificence, et considérant en
détail tout ce qui s'y faisait et les préparatifs qu'on avait
apportés à cette belle solennité , se mit à charger de
bénédictions ceux qui avaient prêté et préparé ces tapis
series, ceux qui avaient donné et placé les cierges, ceux
qui avaient enrichi l'autel de saintes reliques, de belles
peintures , de chandeliers d'argent , de précieux reli
quaires, de somptueux ornements et de tant de beautés.
Et continuant cette dévotion , il pria Dieu et sa sainte
Mère pour les officiants, pour les choristes, musiciens,
joueurs d'instruments, et pour les assistants qui, par
leur dévote présence, attention et piété, contribuaient
à rendre très-auguste cette admirable cérémonie.
XVII
Renouveler l'amour et les résolutions prises pour le service de
Notre-Dame, -de la manière à peu près que les religieux
renouvellent leurs vœux, le tout à l'imitation de tant de
braves et dévots confrères des Congrégations érigées pour
servir la Mère de Dieu.
Une fois l'an, à l'occasion de quelque bonne fête de
la Vierge , ils renouvellent leurs résolutions d honorer
et servir leur Princesse tout comme s'ils commençaient
— 376 —
à les former, et avec la même solennité. Ils s'y dispo
sent par de bonnes œuvres et quelque confession géné
rale depuis la dernière rénovation, par une fervente
communion et de grands désirs de servir avec plus de
ferveur cette glorieuse Dame.
Je suis ravi d'aise quand il me souvient du profit
indicible et du notable changement de cœur qui suivait
pareilles rénovations, dont j'ai autrefois en ma jeunesse
et bien souvent depuis été témoin.
Philagie , prenez part à cette joie et à ce profit par
la bonne résolution que je vous conseille de faire tou
chant l'amour que vous devez à Marie. Résolvez-vous-y
au moins une fois l'an; et si vous n'avez point d'oraison
qui soit propre à cette rénovation, servez-vous de celle
qui est à la fin de la cinquième pratique , au sixième
jour de Février, ou de la huitième parmi celles de
l'Assomption, au mois d'Août. Choisissez, ou prenez-les
toutes les deux.
XVIII
Instruire ou disposer les cœurs des petits enfants à l'amour
et à la dévotion de la Mère de Dieu.
Les parents du bienheureux François de Borgia et
du bienheureux Louis de Gonzague avaient tellement
— 377 —
instruit et façonné ces petits enfants, que la première
parole qu'ils prononcèrent, ce fut le nom de Jésus et
de Marie. Encore dans leur première enfance, c'était
leur grand plaisir que de parler ou entendre parler de
la bonne et sainte Maman , c'est-à-dire la bonne Mère
de Dieu.
Pour le bienheureux Louis , à peine pouvait-il mar
cher qu'à chaque degré en montant ou descendant, il
saluait la sainte Vierge.
Je m'estimerais beaucoup heureux si j'étais cause
qu'un petit enfant prononçât le premier mot des paroles
du nom de Marie, et si je lui pouvais donner le doux
lait de la dévotion à Marie.
Que faisait la fervente Anne de Xaintonge, de la
congrégation de Sainte-Ursule? Elle enseigna durant
vingt-sept ans environ les petites filles ; mais son grand
soin était de les rendre toutes affectionnées et dévotes
à la Mère de Dieu. Et comme parmi ce grand nombre,
elle en rencontrait de mal faites et des plus dégoûtan
tes, c'est à celles-là qu'elle voulait davantage inculquer
la dévotion envers Marie , afin que l'amour pour cette
Mère de Dieu suppléât en leur âme à ce que la nature
avait refusé de beauté à leur corps et de grâces à leur
visage. Ainsi elle les rendait aimables par l'inclination
qu'elle leur donnait à aimer Marie.
Qu'est-ce qui a été cause de la sainteté du bienheu
reux Jacques de Venise, et peut-être de son salut? Sa
— 378 —
tante, qui ne lui parlait, quand il était encore petit,
que de Notre-Dame, et l'obligeait, sur l'espoir de quel
ques petits présents qu'on fait aux enfants, de dire l'Of
fice de la sainte Vierge durant cent jours.
Bienheureux les parents qui élèvent leurs enfants de
la sorte, les faisant devenir enfants de Marie ! Ceux-là
participent encore à cette félicité, qui par devoir ou par
rencontre touchent le cœur de ces petits anges, pour
les rendre de bonne heure serviteurs de la Mère de
Dieu.
XIX
Porter son chapelet au bras, jour et nuit, en forme de
bracelet.
Je ne trouve personne qui se soit autant appliqué à
cette imitation des amants du monde, pour rendre ce
témoignage avec plus de mérite à la Reine du Ciel, que
la dévote Anne de Xaintonge, ursuline. Elle en portait
un, jour et nuit, au bras pour le baiser cent et cent fois
durant le jour, et tout autant de fois la nuit quand elle
s'éveillait.
J'ai autrefois appris d'un dévot religieux que, tout le
temps de son repos durant la nuit, il tenait en main
une image de la Vierge, soit que ce fut une médaille
— 379 —
ou quelque petite statue. Mais elle lui pouvait aisément
échapper, là où le chapelet au bras ne peut se perdre.
Tantôt l'un et tantôt l'autre , c'est ce qu'il faut pour
imiter les saints et dévots de Celle à qui on ne saurait
assez avoir de dévotion, et pour qui on ne saurait assez
trouver de nouvelles et belles inventions et témoignages
du bien qu'on lui veut et du respect qu'on lui doit ren
dre.
XX
Offrir toutes les bonnes œuvres de tout un mois ou d'un plus
long temps à la Mère de Dieu, en tant qu'elles sont satisfac-
toires ou impétratoires , s'en remettant à sa sainte volonté
et agréable disposition.
C'est le meilleur avis et conseil que donne le révé
rend Père Binet au livre du Purgatoire, qu'il a donné
au public , parmi les moyens qu'il suggère pour demeu
rer fort peu de temps dans ces flammes. De sorte que
ce sera au gré et au bon plaisir de la sainte Vierge de
recevoir ces actions méritantes, même les communions,
non pas quant à l'œuvre opérée du saint Sacrement,
l'effet n'en revenant qu'à celui qui le reçoit , mais quant
à l'œuvre de l'opérant , ainsi qu'on parle en l'école , et
les appliquer avec la permission de son cher Fils à
— 380 —
ceux qui en auront besoin ou qui en seront capables ,
nommément aux âmes du Purgatoire, et parmi celles-
ci aux plus nécessiteuses et pour lesquelles on prie le
moins.
Belle dévotion et profitable charité , qui pourrait bien
être rendue en même monnaie à ceux qui le font main
tenant avec tant de libéralité et de bon cœur par les
mains de la grande Dispensatrice des grâces et faveurs
de Dieu !
XXI
Marier de pauvres filles en l'honneur de la Mère-Vierge.
De beaucoup de grandes et saintes actions qu'on peut
faire pour l'amour de Notre-Dame, je fais choix de
celle-là , et la propose comme étant , à mon avis , très-
agréable à la Reine des vierges, soit parce que c'est
pourvoir à la pudicité de ces bonnes filles et les tirer
du danger de se perdre , soit parce que notre nature
était une pauvre fille. Si Dieu ne l'eût épousée et s'il
n'en eût eu pitié, que fussions - nous devenus? Ce fut
ce motif, entre autres, qui poussa le cardinal Turre
cremata, très-célèbre par ses mérites et sa rare doc
trine, religieux de l'ordre de Saint-Dominique, d'ériger
à Rome, dans le couvent de l'ordre qui porte le nom
— 38-1 —
de La Minerve , une confrérie à l'honneur de la Mère
de Dieu, dont le but et la fin principale est de trouver
et procurer des charités et des aumônes pour marier
de pauvres filles le jour de l'Annonciation de la Mère
de Dieu , qui fut le jour que Dieu choisit pour épouser
notre nature humaine.
Cette coutume était encore en vigueur ces années
passées , depuis l'époque de ce grand cardinal ; et tout
se passait avec magnificence et sainte dévotion , et les
aumônes étaient si abondantes, qu'il se trouvait de quoi
pour en marier soixante.
Vous n'avez pas de quoi , me direz-vous , pour faire
pareille charité : tâchez donc de procurer que ceux qui
ont les moyens fassent cette bonne œuvre. Après tout,
offrez votre volonté à Dieu, et dites-lui que vous vou
driez avoir de quoi loger cent mille filles des plus pau
vres qui soient au monde ; et priez Dieu qu'il donne
de fortes inspirations aux grands et riches du monde
pour faire cette bonne œuvre.
— 382 —
XXII
Réciter le Psautier de la bienheureuse Vierge, composé par
saint Bonaventure. *
Philagie, ce psautier est un peu long; il contient
tout autant de psaumes que celui de David. Je suis in
décis si je vous dirai de vous en servir une fois l'an, à
quelque belle fête de choix. Il est dévot, il est beau et
rempli de traits touchants à la louange de la Vierge.
* Le ministre protestant Saurin, dans un de ses sermons, qua
lifie le psautier de la sainte Vierge, par saint Bonaventure, de
scandaleux. On sait quel cas l'on doit faire d'un tel jugement.
Mais ce qui est plus surprenant, c'est que l'ex-jésuite Feller, qui
certes après tout n'est qu'un très-mauvais critique et qui man
quait de cette piété affectueuse envers Marie , ose avancer que
saint Bonaventure a perdu son temps à dégrader les beautés
simples et majestueuses des psaumes. Les Pères Goret et Galli-
fet, jésuites, ont dignement vengé la cause de saint Bonaventure
en traduisant l'un et l'autre son psautier. Ce dernier a fait pré
céder son travail d'un Avertissement salutaire , et que ceux qui
partagent le sentiment de Feller sur saint Bonaventure feraient
bien de méditer attentivement. Il dit avec raison « que ce saint
Docteur, qui a mérité par l'éminence de sa sainteté le nom de
Docteur Séraphique, était trop éclairé pour errer, et trop saint
pour remplir un ouvrage entier de sentiments qui ne fussent pas
conformes à l'Esprit de Dieu. »
— 383 —
Je ne vous cacherai point que le dévot Jean Berkman,
étant encore jeune écolier, et avant qu'il se rendît reli
gieux chez nous, récitait tous les jours ce psautier tout
entier, qui est de cent cinquante psaumes.
Ce trait serait capable de vous faire rougir, si vous
ne vouliez faire une fois l'an ce que ce jeune homme
faisait tous les jours , nonobstant les occupations ordi
naires de ses études.
Peut-être m'objecterez-vous que vous ne savez où se
trouve cette prière? Je vous répondrai bientôt. Mais il
faut, s'il vous plaît, que vous me permettiez de vous
raconter une jolie et courte histoire d'une jeune fille
de sept ans environ.
En ce bas âge, elle était déjà fort affectionnée à la
Mère de Dieu ; elle avait entendu parler de ce psautier,
et ne sachant où elle en trouverait un pour le dire, elle
en demanda un à la Mère de Dieu. Elle le fit avec une
si bonne grâce, avec tant de simplicité et de sainte fer
veur, que la sainte Vierge, se présentant à elle , lui en
apporta un et même lui apprit à le lire. Je vous laisse
à penser si , après , elle le disait de bon cœur et sou
vent.
Or, je reviens à vous. Comme vous n'attendez pas
un miracle qui favorise votre dévotion, puisqu'elle est
si froide que vous marchandez à dire le psautier de la
Vierge une fois l'an , je vous dirai qu'il est parmi les
œuvres de saint Bonaventure. Faites-en copier un et
— 384 —
puis gardez-le, ou bien achetez l'un de ces livres où il se
trouve.
C'est bien la vérité que ces livres sont assez rares : ce
qui me donne envie d'engager quelque imprimeur qui
soit dévot à la sainte Vierge de l'imprimer à part pour
le bien du public et à l'usage des dévots de Marie.
J'ai oublié de vous dire. qu'il y a encore un autre
psautier de la Vierge qui est aussi de saint Bonaven-
ture. Pour les différencier, on nomme celui-là le grand
psautier, et celui-ci le petit. Il sera bon de les joindre
dans un livret, afin qu'on ait le choix de dire celui
qu'on voudra, ou bien, comme vous le ferez, qu'on dise
tantôt l'un tantôt l'autre aux grandes fêtes de notre
Princesse.
XXIII
Dire la messe de Beata, c'est-à-dire de la bienheureuse Vierge.
Philagie, le cœur vous dit que ce n'est point à vous
que je m'adresse cette fois, puisque vous n'avez pas le
bonheur d'être revêtue du grand caractère de prêtre
pour dire la messe.
Or, sachez que c'est à vous que je parle aussi bien
qu'aux prêtres, pourvu que vous ne soyez du nombre
— 385 —
des femmes à qui il n'appartient point d'ouvrir le Missel.
Mais disons quelle est cette messe.
La messe telle que je l'entends est une messe sèche
et comme celles que les révérends Pères Chartreux la
disent tous les jours après prime, ou tierce, en leur
cellule, conformément à la sainte coutume de cet Ordre,
depuis l'avertissement d'un Ange qui les instruisit de
faire ainsi s'ils voulaient être délivrés de très-grandes
tentations et peines de toute sorte que tous les religieux
souffraient en tous les endroits du monde où leur Ordre
s'était établi.
Cette pratique leur est très-avantageuse, et en re
connaissance de ce bienfait signalé et aussi pour en
obtenir la continuation, ils ne manquent point tous les
jours de dire en leur particulier cette sainte messe à
l'honneur de leur chère Protectrice.
Celui qui voudra, une fois l'an, se servir de cette dé
votion, n'aura qu'à prendre le Missel selon le temps;
car on en dit une autre au courant de l'année et une
autre durant l'Avent. Tout ce qui est à remarquer, c'est
qu'en la messe de Beata, il n'y a point d'Introït, point
de Canon : aussi il n'en faut pas dire en cette messe
sèche ; il suffit de dire ce qui est dans le Missel ou
ailleurs pour ce sujet, ajoutant à la fin l'évangile de
saint Jean, qui commence par : In principio, qu'on a
coutume de dire ordinairement à la fin des messes.
Pour faire ressortir ici tous les avantages de cette
H.
— 386 —
louable dévotion, il suffit d'avoir dit que c'est un Ange
du Ciel qui l'a donnée aux serviteurs de Dieu, et que
ce saint Ordre en reçoit des fruits et des consolations
indicibles.
XXIV
Prier particulièrement la sainte Vierge pour les âmes du Pur
gatoire : il suffit de dire que la sainte et charitable Vierge
l'agrée.
Le bon et dévot Jean Ximenez, coadjuteur de notre
Compagnie, priant un jour, à la fête de la Toussaint,
devant une image de la Vierge, pour ces âmes qui sont
eu Purgatoire, fut touché de compassion pour elles de
ce que si peu de personnes pensaient à les soulager. Il
entendit alors une voix qui, le nommant par son nom,
l'invita de se souvenir de ces pauvres âmes qui sont
dans les peines de l'Eglise souffrante.
Cette voix, qui, a son avis, était la voix de la Mère
de Dieu, lui donna tant de désir et de courage à pro
curer des assistances par ses prières et ses bonnes œuvres
à ces âmes souffrantes et languissantes, qu'il se résolut,
le reste de sa vie, d'appliquer toutes les prières qu'il
ferait à Dieu, à la sainte Vierge, et aux Saints, comme
aussi toutes ses actions, pour leur soulagement et déli
— 387 —
vrance. C'est ce qu'il fit durant les huit ans de vie que
Dieu lui donna après cet avertissement du Ciel.
Je ne sais quel dessein avait le Père Jean Lorin, de
notre Compagnie, personnage assez connu en ce siècle
par ses curieux et savants écrits; mais je sais bien qu'il
ne saluait point la sainte Vierge, lorsque tout le monde
la salue au son de la cloche, sur le soleil couchant,
qu'il ne priât aussitôt après pour les âmes du Purga
toire. Son zèle pour ce sujet allait si avant, qu'il tâchait
d'introduire la coutume de donner en même temps un
quatrième coup de cloche pour faire souvenir le peuple
de prier pour ces âmes souffrantes, après avoir prié la
Mère de Dieu. A cet effet, il conjurait les prélats de
sa connaissance d'introduire cette louable coutume dans
les villes de leur juridiction.
XXV
S'accoutumer à prier la sainte Vierge au même temps qu'on
a prié Dieu.
On loue là-dessus une sainte âme qui a eu une re
nommée de sainteté dans l'ordre de Saint-François de
Paule. Sa prière n'était pas adressée à Dieu qu'aussitôt
après ne lui vint le souvenir de sa sainte Mère, avec une
prière qu'elle lui adressait.
— 388 —
Sur ce sujet, je peux rapporter ce que fit saint Ignace
de Loyola lors de sa conversion, quand il fit ses grandes
protestations à Dieu que le monde ne lui serait plus
rien, et que son cœur ne respirerait que pour son ser
vice. Il voulut ce que fût en présence de la Mère de
Dieu, dans son église du Mont-Serrat, la prenant à
témoin de ses bonnes volontés et saintes résolutions :
ce que pratiquent encore ses enfants qui servent Dieu
en la compagnie qu'il a instituée, quand ils font ou re
nouvellent leurs vœux. Car ils n'entreprennent ces glo
rieuses offrandes qu'en présence de leur chère Mère
et Avocate, la Vierge Marie, désirant qu'elle soit témoin
de leurs plus célèbres et importantes actions.
XXVI
Chercher et inventer les plus beaux noms, épithètes et éloges
qui se peuvent trouver pour les donner à la Mère de Dieu,
et s'en servir en la conversation, aux prédications , dans la
prière, dans les écrits, et partout.
Le bienheureux Stanislas , novice de notre Compagnie ,
fut en son temps l'incomparable en cette pratique. Tout
ce qui se pouvait dire de beau , d'avantageux pour sa
chère Mère , il le débitait avec tant de grâce , d'affec
tion et d'abondance , qu'il surpassait ceux qui s'en vou
— 389 —
laient mêler; et toujours il lui restait de beaux mots et
éloges à dire pour elle qui rendaient muets ses concur
rents. Il leur laissait ainsi la confusion de se trouver à
court et arrêtés en si beau chemin , et en une matière
où on eût pu continuer et donner de nouveaux titres
d'honneur dix ans de suite sans tout dire ni même la
moitié de ce qui se pourrait.
Peu s'en faut que l'envie ne me prenne de loger ici
plusieurs centaines des plus aimables qualités, riches
titres et éloges de la Mère du saint amour pour m'en
servir, ou en la priant, ou en parlant de ses grandeurs
et perfections. Ce serait autant d'instructions pour ma
Philagie pour quand elle entreprendrait de recourir à
la Mère de douceur et l'entretenir cœur à cœur. Que
dirais-je donc de Marie?
C'est la princesse du bel amour, la belle, la bonne,
la nonpareille, la toute aimable, la non jamais assez
aimée, la divine amante, la bien-aimée de mon cœur,
la reine, l'amie, la mère de mon âme, la reine des bons
cœurs, l'admirable Marie, ma fidèle, ma sage, ma sainte,
la cordiale, l'obligeante, les délices, les chers et précieux
amours du genre humain, et douze cents millions de
mots d'honneur comme ceux-là que je pourrais et vou
drais lui donner, si ce siècle n'était ennemi et sitôt
ennuyé des longues pages.
Avec cela, je suis quasi tenté de placer ici les plus
beaux cantiques entre ceux que la grande dévote de la
— 390 —
Mère de Dieu, Gabrielle de Gadaigne, comtesse de Che-
vrières, faisait ramasser, composer par divers bons
esprits et chanter à ses demoiselles, tous à l'honneur de
la sainte Vierge, enrichis de ses plus magnifiques et
glorieux titres. Mais ici encore il me faut quitter cette
pensée pour la même raison, tant on se plaît à être
court même aux choses les plus saintes.
Qu'on dise ce qu'on voudra si j'arrête mes desseins;
au moins il me sera permis de dire que j'y pensais. Et
à n'en point mentir, j'étais tout-à-fait résolu de placer
encore ici mille vingt-deux de ces titres et perfections
qui rendent notre chère Marie l'Incomparable, pour
justifier ce beau, cet admirable, ce bien juste, ce digne
et très-digne vers de ce brave et dévot jésuite qui disait
en peu de paroles à la Mère de Dieu qu'elle possède
mille vingt-deux qualités et titres d'honneur, autant
que les mathématiciens avouent qu'il y a d'êtres visibles
et aisés à nombrer au ciel; et qui par bonne, heureuse
et angélique rencontre peut être changé en mille vingt-
deux façons toutes diverses, sans se servir d'autres mots
et sans altérer les lois que les poètes donnent à la bonté
des vers.
Ce dessein est aussi beau que les autres. Mais une
autre considération m'oblige à le quitter : c'est que
j'aime mieux laisser ma Philagie en liberté de donner
l'essor à son cœur quand, étant à son oraison, elle par
lera à la Mère de Dieu , l'apostrophant et conjurant
— 391 —
par tout autant de ses beaux titres et rares qualités qu'il
y a d'étoiles qui brillent au firmament, sans compter
le surplus. Son cœur, plus affectionné à Marie que le
mien, lui fournira de plus excellents, de plus ravissants
et de plus honorables titres de gloire que mon petit es
prit ne m'eût pu suggérer.
Quant à moi , pauvre d'idées , je suis content de ne
pouvoir viser à une si haute entreprise, et de dire tout
ce que les autres sauraient avancer de beau en louant
la grande Marie.
Ce même vers , qui porte en essence , précis et per
fection tout ce que les esprits les plus subtils et les
bons cœurs sauraient nous raconter de ses perfections ,
ce seul vers me suffit pour tout , et je le veux dire en
mon oratoire, parlant et m'adressant à la plus belle des
belles créatures, non pas mille vingt-deux fois, mais
mille vingt-deux millions de fois , si Dieu me donne en
faveur de sa chère Mère un si aimable loisir de le faire.
Et pour commencer dès cette heure et me servir de ce
beau vers, digne d'être connu et mis en usage par tous
le plus souvent, le voici tel que je le prononce et le
veux prononcer en louant la sainte Vierge et parlant a
son honorable Majesté : •
Tôt tibi sunt dotes, Virgo, quot aidera cœlo.
— 392 —
C'est-à-dire :
Soyez mille fois, cent mille fois bénie ,
Princesse de nos cœurs, doux objet de nos yeux ;
Qu'autant de mille voix chantent votre mérite,
Qui est plus infini que les astres des cieux !
XXVII
Honorer la glorieuse Vierge par l'usage de bénédictions à la
façon de sainte Brigitte, à qui Dieu enseigna la manière
qu'elle devait garder en ses louanges de vénération , princi
palement les intérieures, dont toute personne est capable,
soit malade, soit âgée, dans la presse des affaires, en com
pagnie ou ailleurs, par lesquelles nous révérons les grâces
et les perfections qui éclatent en la très-digne Mère de Dieu.
Pour savoir à cette heure comment cela se peut faire
par voie de bénédiction , afin d'en dresser de pareilles,
en parcourant les vertus , les grandeurs et les mystères
de la vie de Notre-Dame, il me suffit d'en exposer ici
quelques-unes de celles que la glorieuse sainte Brigitte
donnai* à la Mère de Dieu.
« Très-sainte Mère de Dieu , ma Reine et ma Dame,
je vous bénis de tout mon cœur comme la plus noble
de toutes les créatures et celle qui a le plus cordiale
ment et le plus ardemment aimé votre Créateur.
— 393 —
« Je vous bénis pour l'honneur que vous avez reçu
de votre immaculée Conception.
« Je vous bénis comme celle qui a aimé Dieu dès le
premier instant que la raison a commencé de reluire en
vous.
« Princesse du ciel et de la terre, béni soit un mil
lion de fois votre vénérable chef, digne de toutes les
couronnes de l'univers.
« Bénis soient vos beaux cheveux.
« Bénie soit votre aimable face.
« Béni soit ce front plein d'une inexprimable ten
dresse.
« Bénies soient vos lèvres purpurines, où reposent
toutes les grâces de la nature.
« Bénis soient vos agréables yeux, capables de don
ner saintement de l'affection à tous les cœurs les plus
glacés.
« Bénies soient vos joues, qui sont comme le glorieux
trône de la modestie et divine chasteté. »
Ainsi sainte Brigitte bénissait et honorait sa chère
Dame.
Philagie , parfois vous ferez à peu près comme cela ;
vous vous servirez de ces hommages, ou autres, que
votre cœur vous dictera. Et vous pourrez bien tant la.
bénir, qu'en retour la Mère de bénédiction vous rendra
au centuple ces affectueux épanchements de votre cœur ;
elle versera sur votre âme ses plus favorables influen
— 394 —
ces, qui sont les plus riches bénédictions que nos cœurs
pourraient attendre de sa maternelle bonté.
XXVIII
Choisir quelque belle oraison à la sainte Vierge, afin de la
dire tous les jours.
Philagie , ce qui me fait vous inviter à cette dévo
tion , c'est le témoignage de satisfaction que la Mère de
Dieu en donna à son cher nourrisson saint Edmond,
archevêque de Cantorbéry. Tous les jours de sa vie, il
récitait à l'honneur de sa chère Mère l'oraison qui
commence par O intemerata.
Il faut bien que la Mère de Dieu eût cette coutume
pour très-agréable, puisque saint Jean l'Evangéliste fut
député de sa part vers Edmond pour lui faire des re
proches et des menaces de ce qu'il y avait manqué un
seul jour. Ce saint le reprit fortement de ce manque de
fidélité et de constance aux témoignages de son amour
pour Elle.
Il y a quantité de ces oraisons que la Mère de Dieu
écoute volontiers, et que ses serviteurs lui ont présen
tées tous les jours. Philagie, je vous en laisse le choix;
et quant au profit et au bonheur qui vous en reviendra,
je vous en réponds, et je me rends caution pour la
— 395 —
bonne Mère. Je vous prie cependant de ne point oublier
de mettre parfois à votre usage celle dont je vais vous
entretenir au paragraphe suivant.
XXIX
Dire souvent à la Mère de Dieu quelque oraison par laquelle
nous lui demandions la grâce de faire une belle et sainte
mort par son assistance favorable.
A l'exemple du dévot Henri, chartreux, de Cologne,
à qui une des onze mille Vierges compagnes du mar
tyre de sainte Ursule apparut un soir pour l'instruire
et avertir de la part de ses compagnes et de sainte
Ursule , leur chère Maîtresse, qu'il avait pour avocates
depuis longtemps auprès de Notre-Dame, de saluer tous
les jours de sa vie cette sainte Mère de Dieu en la ma
nière qui suit :
« 0 Virgo, Regina virginum, summum Trinitalis sa-
crarium, angelorum speculum, scala sanctorum omnium,
tuum peccalomm refugium, in morte tuum placatum nobis
ostende Filium et tuum vultum gloriosum. — O Vierge,
reine des vierges, temple sacré de la- Trinité sainte,
miroir des anges, échelle de tous les saints, en vous
les pécheurs ont un refuge ; daignez, à notre mort, nous
— 396 —
rendre votre Fils favorable et nous réjouir par votre
glorieuse présence. »
Elle lui promit ensuite que non - seulement Notre-
Dame lui serait favorable, mais aussi que toutes ses
compagnes l'aimeraient et assisteraient volontiers.
Henri se rendit si assidu à cette prière qu'il n'y man
qua jamais un seul jour durant les quelques mois qui
lui restèrent de vie , tant il se l'était rendue familière.
Aussi cette glorieuse martyre le vint visiter quand il
fut près de rendre l'âme, chantant avec toutes ses onze
mille compagnes un céleste cantique, et le conduisant
avec ce chant mélodieux au beau séjour de l'agréable
Sion.
XXX
Vouloir, à la mort, avoir proche de soi et à ses yeux l'image
de la glorieuse Vierge.
C'est ce que se procura le dévot Père Jean de Saint-
Guillaume, religieux augustin, étant sur le point de
mourir.
C'est ce que fit le bienheureux Stanislas , novice de
notre Compagnie, qui rendit l'âme en baisant une image
de la Mère de Dieu.
C'est ce que désira et obtint le bon Louis de Segurat,
— 397 —
jeune religieux de cette même Compagnie. En sa der
nière maladie , il fit placer tout à l'entour de son lit
diverses images de la Reine des anges , afin que de
quelque côté qu'il regardât en ce combat, et rendant
l'âme, il n'eut d'autre objet ni d'autre rencontre que la
Mère de son cœur, la bien-aimée et puissante Avocate
de notre Compagnie.
Saurait-on mourir plus glorieusement que de rendre
son âme dans le sein de la sainte Vierge , et jeter le
dernier regard de sa vie sur le portrait de celle qu'on
désire contempler éternellement?
Ainsi puissé-je rendre l'âme, ainsi puissent mourir
tous ceux qui liront et entendront cet écrit, et puis
voir face à face pour cent millions de siècles et pour
une infinité d'interminables éternités la Mère de nos
cœurs. Ainsi soit-il.
— 398 —
CONCLUSION
ET AVIS A PHILAGIE TOUCHANT LA PERSÉVÉRANCE AU SERVICE
DE LA SAINTE VIERGE
ET A L'EXERCICE DES SUSDITES PRATIQUES.
Philagie, me voici au bout de mon livre, glorieux et
content quand vous n'auriez pris la résolution que de
pratiquer toute votre vie une seule de ces dévotions que
je vous ai proposées. Mais le plus beau de tout, et qui
me rendra joyeux comme un ange du Paradis, c'est la
persévérance que j'attends de vous à aimer Marie la
Mère de Dieu, et à lui témoigner votre amour par la
pratique des dévotions que vous avez choisies.
Vive éternellement au ciel et dans la mémoire des
amants de Marie le glorieux prélat François de Sales 1
Vive sa persévérance à la dévotion envers sa chère
Mère ! L'espace de quarante ans entiers , il n'a jamais
manqué un jour de dire le chapelet de la sainte Vierge,
pour affaires, pour occupations , pour fâcheries , pour
lassitude , pour maladie qu'il eut : c'est être fidèle à la
Mère d'amour.
C'est comme cela, Philagie,. que je désire que vous
persévériez. Ne vous relâchez jamais de vos résolutions
et de vos ferveurs au service de la très-aimable Marie,
qui est si méritante de services et devoirs éternels.
— 399 —
Gardez-vous bien de lui donner occasion de se res
sentir de vos lâchetés quand vous serez en sa faveur.
Comme au bienheureux Herman, elle vous témoignerait
de la froideur; elle en recevrait un grand déplaisir, et
peut-être qu'elle vous abandonnerait. A Dieu ne plaise
que Marie vous délaisse! c'est le plus grand désastre
qui vous saurait arriver.
Vous savez comme le bienheureux Joseph Herman
était son favori? Pour s'être tant soit peu relâché, peu
s'en fallut qu'il ne perdît ses bonnes grâces.
Comme il était sacristain en son monastère, le grand
soin de la sacristie le fit se relâcher durant quelques
jours de ses dévotions accoutumées a sa chère Mère la
sainte Vierge.
Un soir il entendit du bruit à la porte de l'église.
Craignant que ce ne fût des voleurs, il y accourut, et
ne trouva qu'une femme, habillée fort simplement. A sa
voix, il reconnut que c'était la sainte Vierge qui lui
avait autrefois parlé. Fort étonné de la voir simplement
vêtue et comme une vieille toute ridée et chargée d'an
nées, il eut le courage de lui demander d'où Venait en
Elle ce changement de visage et de maintien.
Voici ce que la sainte Vierge lui répondit :
« Tu me vois, Herman, telle que je suis dans ton cœur.
Tu ne tiens plus compte de moi. Autrefois, tu me sa
luais mille fois le jour, et tu me présentais d'autres
dévotions. Te voilà refroidi : tu ne t'entretiens plus af
— 400 —
fectueusement avec moi. Parce que tu es entièrement
changé, je le suis aussi, moi que tu quittes si lâche
ment.
C'en fut assez pour réveiller la dévotion d'Herman.
Il se renouvela d'une telle facon qu'il fut plus fervent
que jamais.
Philagie, Dieu vous garde de semblables reproches.
Ne vous relâchez donc jamais de ce que vous faites pour
Marie, non pas même un jour.
Saint Edmond , comme je vous ai déjà dit ailleurs ,
n'avait manqué qu'un seul jour de lui réciter une orai
son ordinaire, et elle s'en fâcha et l'en avertit.
Le bon Thomas à Kempis n'avait aussi manqué qu'une
fois à lui réciter quelques prières- journalières. Le soir
suivant, il apercut que la sainte Vierge, visitant le dor
toir où étaient tous les religieux qui reposaient, donna
sa bénédiction à tous ; et que, quand ce fut à lui , elle
lui fit mauvais visage et lui reprocha tacitement sa né
gligence et son oubli. Dès-lors, Thomas conçut un si
grand déplaisir de sa faute, que jamais, le reste de sa
vie, il ne manqua aux petits devoirs qu'il rendait à la
sainte Vierge. '
En voilà bien assez pour vous donner un cœur fidèle
à la Mère de bonté , qui attend de vous une constance
et une fidélité admirables jusqu'au dernier soupir de
votre vie.
C'est donc à vous de voir et vous résoudre de ce que
— 401 —
vous voulez faire pour Elle. Vous avez un beau choix;
je vous ai ouvert cent portes pour aller à Elle , et le
plus beau est qu'après cela le paradis vous est ouvert.
Et si vous ne voulez pas vous attacher aux jours que
je vous ai marqués, choisissez votre meilleur.
J'en connais quelques-uns qui sont résolus , comme
l'année est composée de trois cent soixante-cinq jours,
quand ils auront passé cent jours à pratiquer chaque
jour l'un après l'autre les cent pratiques qui sont ici
exposées, de recommencer et passer ainsi toute l'an
née, pratiquant chaque jour quelqu'une de ces dévo
tions marquées. D'autres, qui veulent s'en tenir à pra
tiquer aux jours assignés ce qui est marqué, prendront
et choisiront celles qui seront plus belles et plus con
formes à leur dévotion , pour les pratiquer toutes en
semble en certains jours ou en certains temps et occa
sions qui se présenteront. Car il est bien aisé à qui a
de l'amour pour la sainte Vierge d'en pratiquer quan
tité dans un jour, nommément aux jours de loisir et
des bonnes fêtes.
Quoi de si aisé tous les jours que de porter une image
de la sainte Vierge sur soi ! Si c'est une médaille, de la
tenir en main et la baiser parfois; à la rencontre de
ses images, de la saluer ; en sortant ou entrant dans sa
chambre, de se recommander a elle; par occasion, de
prononcer souvent le nom de Marie; de faire quantité
d'oraisons jaculatoires, d'actes d'amour et d'espérance
— 402 —
à la Mère de Dieu; de dire, le matin, la couronne des
douze Etoiles; à la Messe, le chapelet, ou en un autre
temps réglé ; sur le soir, les litanies de Lorette et le
petit chapelet de la bienheureuse Jeanne de France; le
matin , de lui demander sa sainte bénédiction , le soir
aussi en ayant les genoux en terre , lui disant même
que vous l'aimez de tout votre cœur, que vous mourriez
volontiers pour cette vérité : qu'elle est Vierge et Mère
tout ensemble , qu'elle est votre Dame bien -aimée et
Mère; que vous aimeriez mieux n'être point que si elle
n'était pas ; que vous choisiriez être en enfer plutôt que
si elle n'était pas la Mère de Dieu; que vous voudriez
que l'occasion se présentât pour défendre, au péril de
votre vie, son immaculée Conception; que vous êtes
triste des douleurs qu'elle a souffertes; que vous vous
réjouissez de ses joies et contentements; que vous lui
quitteriez très-volontiers votre place au Ciel, si, en
ayant déjà une, elle n'en avait point; que vous désirez
avec passion qu'elle soit honorée et aimée de tous les
humains , la maîtresse de tous les cœurs , et éternelle
ment dans la jouissance de ses grandeurs et divines
perfections.
Quoi de si aisé de temps en temps, aux occasions,
et surtout les samedis et veilles de ses fêtes , que de
jeûner ou faire abstinence, de communier aux jours de
ses solennités, de célébrer les Octaves de ses Fêtes, de
faire amende honorable devant son image , de publier
— 403 —
ses louanges, de lire les livres qui parlent de ses mer
veilles, de visiter ses églises et oratoires, de renouve
ler vos affections pour elle , la prenant pour votre Mère ,
la constituant votre héritière , donnant l'aumône en son
honneur, faisant quelque mortification ou autre bonne
œuvre pour son amour, et ainsi des autres témoignages
d'affection !
Il n'est besoin pour cela que d'aimer. Et, si tout est
facile à celui qui aime, tout est cent mille fois plus aisé
et facile à qui aime Marie, puisqu'elle est plus que
très-aimable, comme étant la Mère du bel amour, et
l'amour même, s'il est permis de parler ainsi, travesti
en Vierge.
Philagie, encore une fois je vous conjure d'être fidèle
et constante aux petits services que vous désirez rendre
à la Mère de bonté. Que savez-vous? elle n'attend peut-
être que votre persévérance pour quelques jours et le
nombre accompli de certaines de vos dévotions envers
elle pour vous en faire recueillir une divine récompense
dans le Ciel, où elle veut vous conduire.
Le dévot Denis Richel raconte qu'il y avait un reli
gieux de l'ordre de Citeaux qui, pour tout un inonde,
n'eût manqué de dire son chapelet de la Vierge avant
le repas, lequel ayant été convié à manger chez ses
parents, se souvint, à l'heure environ du dîner, qu'il
n'avait pas encore payé son tribut ordinaire à la sainte
Vierge. A cette occasion il se retira dans une chambre,
— 404 —
où, ayant commencé sa prière, il vit devant soi la Mère
de Dieu revêtue d'un précieux manteau brodé d'or et
couvert partout de Salutations Angéliques, excepté en
un petit coin qu'elle lui montra vide, l'assurant qu'aus
sitôt qu'il l'aurait rempli, elle lui donnerait entrée au
royaume de son Fils. Tout cela fut bientôt accompli :
car, continuant et redoublant ses dévotions , dans peu
de jours la Mère de bonté remplit sa promesse , et le
conduisit au ciel, où il peut bénir éternellement Jésus
et Marie, ses chers amours.
Philagie, que savez-vous? Peut-être que la Mère
d'amour ne vous veut bénir qu'à ce prix, attendant
qu'à l'imitation de ses bons et fidèles serviteurs, vous
fassiez une bonne partie de ce qu'ils ont fait. Essayez
durant quelque temps s'il ne fait pas .bon de la servir.
Vivez quelques années avec ces petits devoirs, et té
moignez toujours et partout que vous êtes à Marie, et
durant la vie et après votre mort. Qu'on voie, qu'on
sache que tout le cœur est pour elle. Etant proche de
la mort , redoublez vos affections ; et lorsque vous
mourrez, qu'on sache, qu'on entende que Marie est
votre bonne Mère et Protectrice.
C'est ce que fit la bienheureuse Marie d'Ognies. Un
peu avant son décès, remplie d'une joie incroyable, elle
se mit à chanter le Magnificat à l'honneur de la Reine
des anges.
C'est ce que fit saint Antonin, archevêque de Florence.
— 405 —
Luttant avec la mort , la sainte Vierge lui apparut. En
la voyant, il lui dit ces belles paroles avec lesquelles
la sainte Eglise a coutume de la saluer : Sainte et Im
maculée Virginité , je ne sais avec quelles louanges je
pourrais exprimer votre gloire.
C'est ce que fit le nonpareil en dévotion François
Retza, de l'ordre de Saint-Dominique, qui mourut en
chantant le Salve Regina.
C'est ce que fit sœur Marie de l'Incarnation, fonda
trice des carmélites en France. Pendant sa dernière
maladie, elle fit mettre au pied de son lit une image de
Notre-Dame, à laquelle elle s'adressait, lui faisant mille
colloques affectueux. Cette image de sa chère Mère était
toute sa consolation parmi ses douleurs; elle avait tou
jours les yeux sur elle. Reconnaissant les avantages que
lui apportait l'image de la sainte Vierge, elle pria ins
tamment la Prieure de Pontoise, où elle mourut, de
ne laisser mourir aucune religieuse dans la maison
qu'on ne la lui présentât en pareille occasion.
C'est ce que fit le glorieux empereur Charlemagne.
Il commanda qu'on l'enterrât avec une image de sa
chère Mère la glorieuse Vierge, et attachée au cou.
Puisque je vous ai portée à tant et à toute sorte de
témoignages d'affection et de devoirs envers la sainte
Vierge, je vous conseille encore ceux-ci :
Etant proche de la mort, dites quelque belle oraison
à la sainte Vierge. Ayez au pied de votre lit, ou en la
— 406 —
main, quelque image de votre chère Mère, et vous
recommandant à elle , donnez -lui votre cœur pour la
dernière fois. Mettez ordre que, quand vous serez mise
sous la dalle et enterrée, que ce soit avec une image
de votre chère Princesse sur la poitrine. Et après avoir
vécu fidèle et constante au service de Marie jusqu'au
trépas, avec des marques de votre amour pour elle
partout , même après la mort , allez jouir éternellement
de la joie et bienheureuse gloire de tous les serviteurs
de la Mère de Dieu.
S'il arrivait que l'ennemi eût quelque prétention sur
vous, ou qu'il y eût du trouble dans la petite répu
blique de vos pensées, au temps de votre départ, tou
chant la crainte de votre salut et du lieu de votre
séjour, vous n'avez qu'à lui dire que Marie répond
pour vous; que c'est à elle qu'il faut s'adresser; que
vous tenez pour infaillible le riche mot que si souvent
on vous a dit, que je vous redis encore, et que je vous
donne en ces petits vers qui terminent ce livre, afin
qu'ils vous servent d'un agréable refrain au glorieux et
mélodieux cantique de votre triomphante victoire que
vous aurez gagnée par les favorables assistances de
l'uniquement aimable et toujours obligeante Marie,
très-digne Mère du très-adorable Jésus :
Cliens Mariœ nullus œternum periit.
— 407 —
C'est-à-dire
Vive Marie et ses amants !
Elle les. tient en assurance
D'éviter par son assistance
L'ardeur des éternels tourments.
Ses favoris sont bienheureux :
Ils n'attendent que la victoire,
Ils sont assurés de la gloire,
Il n'est de faveur que pour eux !
FIN.
QUELQUES PENSÉES
TIRÉES DU
PETlT TRAlTÉ SUR LE CULTE ET LA DÉVOTlON
A I.A TRÈS -SAINTE VIERGE MARIE EN GÉNÉRAL
Dl' ORAND ET SAINT ARCHIDIACRE D'ÉVREIIX (i).
I. On ne peut douter que la divine volonté ne doive être la
règle des nôtres : donc la dévotion à la bienheureuse Vierge
ayant pour fondement la divine volonté , cette dévotion est très-
sainte et très-solide. La divine volonté nous est connue par
ce que Dieu a fait , par ce qu'il nous a enseigné par ses
exemples. Considérant ce qu'il a fait, nous verrons que jamais
personne n'a tant aimé ni honoré la bienheureuse Vierge que
Lui, la choisissant pour sa Mère. Pourrions-nous donc mieux
faire que de l'imiter?
II. Les hérétiques nous objectent que Dieu n'a pas besoin de
la sainte Vierge : nous en demeurons d'accord. L'Eglise recon
naît qu'il est infiniment suffisant à soi-même. Mais s'il veut s'en
servir, il est juste que nous entrions dans ses desseins. Dans
l'ordre de la nature , Dieu n'a pas besoin des causes secondes :
sa toute-puissance n'y est pas liée. Cependant, dans la voie
ordinaire, il faut indispensablement nous en servir. Nous avons
(1) Ce traité, aujourd'hui inédit, même dans les éditions les plus rétentes du vénérable
Henri-Marie Boudon , est l'abrégé île son bel ouvrage : De l'Immaculée Vierge Marie.
Mère de Dieu, le plus solide sans contredit de tous ceux publiés depuis l'époque de fol
incomparable Serviteur de Dieu et de Marie très Sainte.
— 400 —
besoin de la lumière pour nous conduire, du feu pour nous
chauffer, dos viandes pour nous nourrir, de maîtres pour appren
dre les sciences, d'artisans pour les arts, de laboureurs pour
cultiver les terres ; dans l'ordre de la grâce , des saints Anges
pour nous garder, des prédicateurs pour nous apprendre les
mystères, des sacrements pour être chrétiens et participer à ses
plus grandes miséricordes. Sans doute Dieu n'a aucun besoin
de toutes ces choses, néanmoins il veut que nous nous en ser
vions.
III. De même, il est très-vrai que Dieu n'a pas besoin de la
très-sainte Vierge ; cependant il a voulu s'en servir pour se for
mer un corps dans ses chastes entrailles, et pour opérer le grand
mystère de notre salut — l'Incarnation. Il n'avait aucun besoin
d'elle pour en recevoir les applications que son enfance deman
dait, et il n'a pas laissé de les prendre. Quand il veut agir sur
son précurseur et le sanctifier, il veut qu'elle ait part à l'in
fluence de sa grâce; et en cela il fait paraître quel pouvoir il
lui donne, et veut que nous connaissions ce qu'elle devait faire
dans les autres ouvrages de la grâce, la place qu'elle y tiendrait,
et la société qu'il lui donnerait dans ses divines opérations.
IV. Quand nous avons donc recours à la bienheureuse Vierge,
nous entrons dans les desseins de Dieu, et loin de faire quelque
chose qui lui soit contraire, nous ne faisons rien en cela qui no
lui soit très-agréable, puisque nous nous conformons à sa divine
volonté. Les hérétiques insistent et disent que Dieu est un Dieu
jaloux et qu'il ne donne sa gloire à personne. Mais c'est de quoi
il ne s'agit en aucune manière. L'Eglise reconnaît cette vérité,
et déteste le contraire comme une idolâtrie. Mais tout en recon
naissant qu'il n'y a qu'à Dieu seul que l'on rend les honneurs
suprêmes qui lui sont dus, elle enseigne que l'on en peut rendre
à sa très-sainte Mère, qui sont infiniment inférieurs à ceux qu'on
rend à Dieu. Mais ne faut-il pas que les hérétiques eux-mêmes
avouent que dans la vie civile il y a des honneurs justes que l'on
rend aux personnes de la terre, et qu'ils sont plus grands à pro
portion que les personnes sont plus riches ou plus élevées en
— 410 —
dignité? Dieu lui-même n'a-t-il pas commandé d'honorer son
père et sa mère? et sa divine Parole ne nous apprend-elle pas
ce que nous devons aux rois et à leur puissance? N'ont-ils pas
eux-mêmes recours aux prières les uns des autres, sans crainte
de déroger en rien à ce qu'ils doivent à Dieu? Nous allons droit
à Dieu, disait Luther, sans nous adresser à la Vierge 4 et il ne
laissait pas cependant de se recommander aux prières des mal
heureux hérétiques comme lui.
V. La volonté de Dieu nous est encore manifestée, à l'égard
de la dévotion à la très-sainte Vierge, par les miracles qu'il opère
en sa faveur. C'est ce qui fait connaître sensiblement combien
elle lui est agréable , et par conséquent sainte et solide : car il
est impossible que Dieu autorise l'erreur et ce qui est déréglé.
Or, toute l'Histoire nous apprend des miracles authentiques opé
rés en faveur de la dévotion à la très-sainte Vierge ; et ce que le
second Concile général de Nicée nous en rapporte, est un témoi
gnage que l'on ne peut pas raisonnablement rejeter. Mais trou
ve-t-on un royaume catholique et même une province où il n'y
ait quelque lieu où la toute-puissance de Dieu n'opère des mira
cles à l'égard de ceux qui ont recours à sa bienheureuse Mère?
Ces miracles, qui ne peuvent être que des effets de la toute-
puissance de Dieu, publient hautement sa gloire en Celle dans
laquelle il a fait de si grandes choses. Ce n'est point un langage,
pour parler avec le Prophète-Roi , dont on n'entend pas la voix :
car leur bruit a retenti par toute la terre, et leurs paroles jus
qu'aux extrémités du monde.
VI. De plus , la volonté de Dieu nous est encore connue par
l'Eglise, qui est conduite par son divin Esprit. C'est pourquoi
l'Apôtre, écrivant à Thimothée, veut que l'on y ait recours, pour
savoir comment l'on se doit conduire, l'appelant la colonne et le
soutien de la vérité. Or, l'Eglise parlant parles souverains Pon
tifes et les Conciles généraux, non-seulement approuve la dévo
tion à la Mère de Dieu, mais elle y exhorte fortement, et se sert
de plusieurs moyens pour l'honorer d'une manière très-parti
culière, comme de ses fêtes qu'elle célèbre avec une grande so
— 4H —
lennité, de quantité de prières qu'elle récite en son honneur,
d'églises et de chapelles qu'elle dédie à Dieu sous son invocation,
de plusieurs associations qu'elle reçoit, comme celles du Saint-
Rosaire, et de plusieurs autres confréries et pratiques.
VII. Mais la piété générale des fidèles est encore une forte
preuve que la dévotion à la très-sainte Vierge est inspirée de
Dieu. Si les saints Pères se sont servis des usages de quelques
églises pour soutenir de certaines vérités contre les hérétiques,
quelle force doit avoir la pratique générale des catholiques, si
l'on fait réflexion que ce n'est pas seulement une pratique du
simple peuple, mais des saints Docteurs, mais des Papes et des
Prélats, des Rois et des Princes, et des plus savantes Univer
sités ! C'est dans cette piété universelle que l'on voit accomplies
ces paroles prophétiques de son Cantique : Voici que toutes na
tions me diront bienheureuse (Luc, il). Ce qui est si véritable
que les Turcs mêmes en ont une grande estime, lui attribuent
des privilèges extraordinaires, et révèrent les lieux où elle a été
pendant sa vie. Ainsi sa dévotion, ayant été établie dès les pre
miers siècles, a continué dans la succession des Ages, et elle est
venue heureusement jusqu'à nous. Son culte donc ne peut être
superstitieux, quand il demeure selon l'esprit de l'Eglise, et il
est saint et solide, ayant la volonté de Dieu pour fondement. S'il
arrive quelque abus, nous convenons qu'il le faut détruire, pre
nant garde cependant que, sous prétexte d'abus, on ne détruise
pas cette dévotion, ce qui est arrivé parmi les hérétiques. On
doit donc ôter les abus qui peuvent se rencontrer dans la célé
bration de ses fêtes , de ses associations , dans les pèlerinages
faits en son honneur. Mais ce serait bien un autre abus que de
détruire, sous ce prétexte, ses fêtes, les associations, les pèlerina
ges et les autres exercices de piété qui se font en son honneur.
VIII. C'est une injustice de se plaindre de la dévotion envers
la très-sainte Vierge , et de tant de différentes pratiques dont
on se sert pour l'honorer. S'il y a, dit saint Bernard, à se plain
dre, c'est qu'on n'a pas assez de dévotion pour la Mère de Dieu :
puisque tous les honneurs ensemble que tous les anges et les
— 412 —
saints, et le reste des hommes, lui rendent, n'approchent pas de
l'honneur qu'un Dieu lui a fait, la choisissant pour sa Mère. Mais
si nous sommes de véritables chrétiens, il faut en qualité de
membres de Jésus-Christ, que nous entrions indispensablement
dans ses inclinations. Donc nous devons l'aimer et l'honorer
d'une manière très-spéciale. Il n'y a que les dénions et les héré
tiques, ou ceux qui sont privés de l'Esprit de Notre-Seigneur,
qui lui soient opposés. (Qu'on note ces paroles du saint Archi
diacre d'Evreux.)
IX. Ayons donc pour la Reine des anges et des hommes une
sincère dévotion ; puisque Dieu veut se servir d'elle pour nous
conduire à Lui, ayons-y recours pour y arriver saintement.
Dieu veut sauver tous les hommes, et il ne veut pas qu'au
cun périsse. Saint Chrysostome, que l'on a appelé avec justice
le fidèle interprète de saint Paul , enseigne fortement cette
vérité dans les homélies qu'il a faites sur les épîtres de ce grand
Apôtre. Il y enseigne que Dieu veut le salut des hommes et même
des réprouvés ; que c'est dans cette vue qu'il a fait tant de choses
pour eux; que Jésus-Christ est mort à dessein de les sauver;
que si quelques-uns se sont perdus, c'est à leur volonté qu'il en
faut attribuer la cause.
X. C'est donc une parole véritable et digne d'être agréable
ment reçue, comme l'écrit l'Apôtre à Timothée, que Jésus-Christ
est venu en ce monde pour sauver les pécheurs ; il est l'unique
médiateur entre Dieu et les hommes , lui qui satisfait et sauve
par ses propres mérites. Mais Moïse l'est aussi en quelque sorte,
selon l'Apôtre , et les Saints le sont lorsqu'ils demandent pour
nous, comme nous faisons les uns pour les autres, l'effet des
mérites de Jésus-Christ.
XI. C'est dans ce sens que les Saints ont appelé la glorieuse
Vierge notre Médiatrice , et ils ont dit que c'est par elle que le
Fils de Dieu a donné le prix de notre rédemption ; qu'elle est
le canal par où passent ses grâces; qu'au-dessus de tous les
Saints et de tous les Anges bienheureux , elle a un pouvoir tout
— 413 —
spécial auprès delà divine Majesté. Saint Bernard nous enseigne
qu'elle est toute à tous; que par la plénitude de sa charité elle
a obligé tout le monde; qu'elle a ouvert à tous le sein de sa
miséricorde , afin que tous puisent dans sa plénitude , le captif
la liberté, le malade la santé, le triste la consolation, le pécheur
le pardon, le juste la grâce. Le même Saint dit que le Fils de
Dieu nous veut à lui par sa très-sainte Mère. — Louons le Père
des miséricordes et le Dieu de toute consolation. Qu'il soit béni
à jamais, de ce qu'il nous donne au milieu de nos peines une
Consolatrice si grande, établissant la très -sainte Vierge pour
notre Avocate, pour notre Dame et pour notre Mère : ce sont les
titres que l'Église lui donne. Quand nous la louerons avec l'Église,
nos louanges seront bien réglées. Son autorité est plus grande
que celle de ceux qui seraient dans le sentiment qu'il y a de
l'excès dans les éloges qu'elle lui attribue. Au reste, ce n'est
pas un langage nouveau : ses éloges les plus magnifiques ont
été dans la bouche des Pères , de qui nous les recevons. Les héré
tiques appellent ces louanges excessives et dures. Mais sans doute
il est plus avantageux, plus assuré de parler et d'écrire comme
les Saints, et de les imiter, que de se laisser aller aux plaintes
d'un Luther et d'un Calvin et des autres hérétiques. Il vaut
bien mieux parler, vivre et mourir comme les Saints qui les ont
publiées, et se conformer à l'Église qui persévère constamment à
les lui donner, et qui ne s'en désiste pas sous prétexte que les
hérétiques s'en scandalisent , ou sous prétexte de les adoucir
par cette condescendance.
XII. Souvenons-nous qu'il est incomparablement plus doux ,
plus avantageux et plus honorable d'être l'un des derniers, mais
véritable serviteur de l'admirable Mère de Dieu, que d'être élevé
aux premières charges du monde ; que son service est à préférer
aux empires ; et , dans un temps où il se glisse une certaine
malignité contre sa dévotion, redoublons notre zèle pour tout ce
qui regarde son honneur ; soutenons ses prérogatives et excel
lences selon l'esprit de l'Église , et entre autres son Immaculée
Conception.
— 4-14 —
XIII. Enfin, si Dieu a promis à Abraham , son serviteur (Gen.,
Xll), qu'il donnerait sa bénédiction à ceux qui le béniraient , et sa
malédiction à ceux qui le maudiraient, à plus forte raison il com
blera de ses grâces et de ses faveurs ceux qui béniront son Imma
culée Mère, et donnera sa malédiction à ceux qui lui seront oppo
sés. Il est écrit dans un endroit des Proverbes, qui lui est appliqué
par l'Église , que ceux qui la haïssent aiment la mort ; et dans le
livre des Cantiques , que ceux qui ont le cœur droit l'aiment. Et
s'il est prédit dans le livre de la Genèse, au chapitre que nous ve
nons de citer, que toutes les nations seront bénies par Abraham,
nous pouvons bien dire qu'elles le seront par la bienheureuse
Vierge, dont est sorti le Soleil de justice, qui a détruit la malédic
tion du péché et a répandu la bénédiction de sa grâce en confon
dant la mort et nous donnant la vie éternelle.
O Dieu seul, Dieu, seul, Dieu seul
en trois personnes !
TABLE DES MATIERES.
Pages.
Jean Darche au Lecteur 1
Notice biographique sur le P. de Barry 33
Dédicace. 36
Au Lecteur 39
Avant-propos 43
CHAPITRE PREMIER.
Huit dévotions à la Mère de Dieu pour la Fête et l'Octave de ses Fiançailles
et sacré Mariage avec le glorieux 8. Joseph, le vingt-deuxième de Janvier.
DÉVOTION PREMIÈRE. Pour le vingt-deuxième jour de Jan
vier. — Résolution d'aimer la Mère de Dieu, disant sou
vent : Je veux aimer Marie , à l'imitation du dévot Jean
Berkman, de la Compagnie de Jésus '. . 46
DÉVOTION DEUXIÈME. Pour le vingt-troisième jour de Jan
vier. — Choisir et prendre la sainte Vierge pour sa
Bien-Aimée, à l'imitation de saint Edmond 48
DÉVOTION TROISIÈME. Pour le vingt-quatrième jour de
Janvier. — Avoir une image de la Vierge en sa chambre
et l'honorer, à l'imitation de saint François de Paule. . . 52
DÉVOTION QUATRIÈME. Pour le vingt-cinquième jour de
Janvier. —Porter sur soi une image de la sainte Vierge,
à l'imitation de Louis le Débonnaire , empereur 55
DÉVOTION CINQUIÈME. Pour le vingt-sixième jour de Jan
vier. — Avoir en main l'image de la sainte Vierge durant
— 416 —
Pages.
quelques heures, à l'imitation de sainte Edwige, duchesse
de Pologne 60
DÉVOTION SIXIÈME. Pour le vingt-septième jour de Janvier.
— Regarder fixement l'image de la Vierge, à l'imitation
de saint Alexis 61
DÉVOTION SEPTIÈME. Pour le vingt-huitième jour de Jan
vier. — Marcher en compagnie de Jésus et Marie, à l'imi
tation de saint Augustin 67
DÉVOTION HUITIÈME. Pour le vingt-neuvième jour de Jan
vier. — Saluer la sainte Vierge à la rencontre de ses ima
ges , à l'imitation de Gonzalez Sylveira, martyr 69
CHAPITRE II.
Huit dévotions à la Mère de Dieu pour la Fête et l'Octave de sa sainte
Purification , le second de Février.
DÉVOTION PREMIÈRE. Pour le deuxième jour de Février.
— Vouloir mourir pour cette vérité que la sainte Vierge
est Vierge et Mère tout ensemble, à l'imitation de S. Za-
charie 72
DÉVOTION DEUXIÈME. Pour le troisième jour de Février. —
Choisir plutôt l'enfer, le péché excepté , que si la sainte
Vierge n'était pas la Mère de Dieu, à l'imitation de sainte
Brigitte 75
DÉVOTION TROISIÈME. Pour le quatrième jour de Février.
— En l'honneur de la maternité de la Mère de Dieu, dire
neuf fois Beatà viscera, etc., à l'imitation du dévot
Berkman 77
DÉVOTION QUATRIÈME. Pour le. cinquième jour de Février.
— Saluer la sainte Vierge pour sa qualité de Mère du
Fils de Dieu et pour les autres rapports qu'elle a avec
la très-sainte Trinité, à l'imitation du dévot Garcia. ... 80
— 417 —
Pages.
DÉVOTION CINQUIÈME. Pour le sixième jour de Février. —
Choisir et prendre la sainte Vierge pour Mère , à l'imi
tation de sainte Thérèse 83
DÉVOTION SIXIÈME. Pour le septième jour de Février. —
Demander la bénédiction à la sainte Vierge le matin et
le soir, du côté de quelqu'une de ses églises , à l'imita
tion du bienheureux Stanislas Kostka 88
DÉVOTION SEPTIÈME. Pour te huitième jour de Février. —
Prier la Mère de Dieu par de fréquentes oraisons jacula
toires, à l'imitation de saint François-Xavier. ....... 89
DÉVOTION HUITIÈME. Pour le neuvième jour de Février. —
Méditer sur la glorieuse Vierge et Mère de Dieu ou pen
ser à elle, à l'imitation du dévot Taulère. 93
CHAPITRE III.
Huit dévotions à la Mère de Dieu pour la Fête et l'Octave de sa glorieuse
Annonciation , le vingt-cinq de Mars.
DÉVOTION PREMIÈRE. Pour le vingt-cinquième jour de
Mars. — Dire trente-cinq fois l'Ave Maria, tous les jours
de cette Octave, en l'honneur du nombre de jours que la
sainte Vierge a porté son Fils Jésus dans ses sacrés flancs,
à l'imitation de sainte Gertrude 96
DÉVOTION DEUXIÈME. Pour le vingt-sixième jour de Mars.
— Jeûner les veilles des Fêtes de la sainte Vierge, à l'imi
tation de saint Charles Borromée 99
DÉVOTION TROISIÈME. Pour le vingt-septième jour de Mars.
— S'abstenir, les mercredis, de manger de la viande, à
l'imitation des confrères du Saint-Scapulaire 101
DÉVOTION QUATRIÈME.Pour le vingt-huitièmejour de Mars.
— Donner aux pauvres pour l'amour de Notre-Dame ce
qu'on gagne au jeu, à l'imitation de sainte Elisabeth ; ou,
— 418 —
Pages.
si on ne joue pas, porter parfois l'image de la Vierge à
l'endroit du cœur, à l'imitation du cardinal Baronius. . . 103
DÉVOTION CINQUIÈME. Pour le vingt-neuvième jour de
Mars. — Dévation au samedi , jour consacré à la sainte
Vierge , à l'imitation de saint Nicolas Tolentin 104
DÉVOTION SIXIÈME. Pour le trentième jour de Mars. —
Rendre grâces à la sainte Vierge de tous les bons suc
cès qui nous arrivent, et lui en donner la gloire, à l'imi
tation de saint François de Paule 107
DÉVOTION SEPTIÈME. Pour le trente-unième jour de Mars.
— Ne refuser rien de ce qu'on nous demande raisonna
blement pour l'amour et au nom de Notre-Dame, à l'imi
tation du savant Alexandre de Halès 110
DÉVOTION HUITIÈME. Pour le premier jour d'Avril. — Ho
norer les reliques de la sainte Vierge , surtout celle qui
est au saint Sacrement de l'Autel , à l'imitation de saint
Ignace de Loyola 113
CHAPITRE IV.
Huit dévotions à la Mère de Dieu pour la Fête et l'Octave de ses améres
douleurs, le seize d'Avril.
DÉVOTION PREMIÈRE. Pour le seizième jour d'Avril. —
Porter compassion aux douleurs que la sainte Vierge a
souffertes, à l'imitation de sainte Brigitte 118
DÉVOTION DEUXIÈME. Pour le dix-septième jour d'Avril.
— Prier la Mère de Dieu en se prosternant à terre, à
l'imitation de saint Albert 122
DÉVOTION TROISIÈME. Pour le dix-huitième jour d'Avril.
— Entendre deux Messes en l'honneur de la Mère de
Dieu, à l'imitation de Sébastien, roi de Portugal 124
DÉVOTION QUATRIÈME. Pour le dix-neuvième jour d'Avril.
— 419 —
Pages.
— Réciter les Litanies de la sainte Vierge et s'associer
à ceux qui les disent souvent, à l'imitation de plusieurs
de ses dévots 125
DÉVOTION CINQUIÈME. Pour le vingtième jour d'Avril. —
Dire l'Office de la sainte Vierge, à l'imitation de saint
Louis, roi de France 127
DÉVOTION SIXIÈME. Pour le vingt-unièmejour d'Avril. —
Dévotion à la sainte Vierge pour le soulagement ou la dé
livrance des âmes du Purgatoire , à l'imitation de sainte
Brigitte 131
DÉVOTION SEPTIÈME. Pour le vingt-deuxième jour d'Avril.
— Dévotion aux mystères de la Vie de la sainte Vierge ,
à l'imitation d'Amédée, comte de Savoie 133
DÉVOTION HUITIÈME. Pour le vingt-troisième jour d''Avril.
Parler souvent de la sainte Vierge et publier ses louan
ges, à l'imitation du dévot Berkman 135
CHAPITRE V.
Huit dévotions à la Mère de Dieu pour la Fête et l'Octave de Notre-Dame
des Martyrs, le treize de Mai.
DÉVOTION PREMIÈRE. Pour le treizième jour de Mai. —
Fléchir cent fois le genou pour honorer la Vierge, réci
tant un Ave Maria à chaque génuflexion, à l'imitation
de saint Albert 139
DÉVOTION DEUXIÈME. Pour le quatorzième jour de Mai.
—Au son de l'horloge, d'heure en heure, saluer la sainte
Vierge à l'imitation du dévot Alphonse Rodriguez. . . . 142
DÉVOTION TROISIÈME. Pour le quinzième jour de Mai. —
Au commencement des actions les plus importantes, sa
luer la sainte Vierge par un Ave Maria, à l'imitation de
sainte Catherine de Suède 144
— 420 —
Pages.
DÉVOTION QUATRIÈME. Pour le seizième jour de Mai. —
Dire trois fois l'Ave Maria de la manière que la sainte
Vierge l'enseigna à sainte Mecthilde, à l'imitation de la
même sainte , pour obtenir la grâce de bien mourir. . 147
DÉVOTION CINQUIÈME. Pour le dix-septième jour de Mai.
— Dire l'Ai>e Maria de la façon que la sainte Vierge
l'enseigna à sainte Gertrude, à l'imitation de cette même
sainte 148
DÉVOTION SIXIÈME. Pour le dix-huitième jour de Mai. —
Dire le petit chapelet des dix Plaisirs de la Vierge, à l'imi
tation de la bienheureuse Jeanne de France 150
DÉVOTION SEPTIÈME. Pour le dix-neuvième jour de Mai.
— Réciter la petite Couronne des Douze Etoiles en l'hon
neur de la sainte Vierge , à l'imitation d'un grand nom
bre de ses dévots 152
DÉVOTION HUITIÈME. Pour le vingtième jour de Mai. —
S'entretenir, ou savoir par cœur quelques traits de louange
à la sainte Vierge et les redire souvent , à l'imitation du
bienheureux Godric , . . 155
CHAPITRE VI.
Huit dévotions à la Mère de Dieu pour U Fête et l'Octave de ton aimable
Cœur, le premier de Juin.
DÉVOTION PREMIÈRE. Pour le premier jour de Juin. —
Avoir de la dévotion au sacré Cœur de la sainte Vierge ,
à l'imitation du bienheureux Herman, de l'ordre de Saint-
Dominique 158
DÉVOTION DEUXIÈME. Pour le deuxième jour de Juin. —
Faire de fréquents actes d'amour envers la Mère de Dieu,
à l'imitation du bienheureux Joseph Herman 163
DÉVOTION TROISIÈME. Pour le troisième jour de Juin. —
— 421 —
Pages.
Faire de fréquents actes d'espérance et de confiance à la
sainte Vierge , à l'imitation du dévot Berkman 167
DÉVOTION QUATRIÈME. Pour le quatrième jour de Juin. —
Graver et former sur son cœur le nom de Marie, à l'imi
tation du dévot François Binans, minime 171
DÉVOTION CINQUIÈME. Pour le cinquième jour de Juin. —
Prononcer souvent le nom de Marie , à l'imitation d'une
Japonaise 172
DÉVOTION SIXIÈME. Pour le sixième jour de Juin. — Réci
ter les psaumes de David et un cantique dont les premiè
res lettres forment le nom de Marie, à l'imitation du
bienheureux Joscio 174
DÉVOTION SEPTIÈME. Pour le septième jour de Juin. —
Réciter le cantique de la sainte Vierge et quatre oraisons
ou hymnes dont les premières lettres composent le nom
de Marie, à l'imitation du bienheureux Jourdain 176
DÉVOTION HUITIÈME. Pour le huitième jour de Juin. —
Aimer tendrement et ardemment le Fils de Dieu notre
Sauveur, pour l'amour de sa sainte Mère, à l'imitation
de sainte Brigitte 178
CHAPITRE VII.
Hirtt dévotions à la Mère de Dieu pour la Fête et l'Octave de sa
charitable Visitation , le deux de Juillet.
DÉVOTION PREMIÈRE. Pour le deuxième jour de Juillet. —
Visiter les églises et autres lieux dédiés à la Mère de
Dieu , à l'imitation de saint Charles Borromée 181
DÉVOTION DEUXIÈME. Pour le troisième jour de Juillet. —
Visiter souvent quelque lieu et oratoire où soit l'image
de la sainte Vierge, à l'imitation de la bienheureuse
Victoire 183
12.
— 422 —
Pages.
DÉVOTION TROISIÈME. Pour le quatrième jour de Juillet.
— Se priver de sommeil quelque veille de fête de la
sainte Vierge, à l'imitation de saint Xavier 185
DÉVOTION QUATRIÈME. Pour le cinquième jour de Juillet.
— Se réjouir des faveurs de la sainte Vierge , à l'imi
tation de saint Thomas , archevêque de Cantorbéry. . . . 187
DÉVOTION CINQUIÈME. Pour le sixième jour de Juillet. —
Reconnaître les faveurs et bénéfices reçus de la main
de la sainte Vierge,'à l'imitation de sainte Mecthilde. . . 189
DÉVOTION SIXIÈME. Pour le septième jour de Juillet. —
Entendre ou faire dire des Messes de la bienheureuse
Vierge, à l'imitation de Vaultier de Bibrac 192
DÉVOTION SEPTIÈME. Pour le huitième jour de Juillet. —
Dévotion aux Saints qui sont de la Famille ou parenté
de la sainte Vierge, à l'imitation de sainte Thérèse. . . 195
DÉVOTION HUITIÈME. Pour le neuvième jour de Juillet. —
Visiter les églises, chapelles ou autres lieux saints des
tinés à honorer la mémoire des Mystères de la Passion
de Notre-Seigneur, à l'imitation de la glorieuse Vierge
Marie 197
CHAPITRE VIII.
Trois dévotions à la Mère de Dieu pour ses Fêtes du saint Scapulaire ,
des Anges et aux Neiges qui se rencontrent à la mi-Juillet et au
commencement d'Août.
DÉVOTION PREMIÈRE. Pour le seizième jour de Juillet ou
le dimanche voisin. — Faire quelque mortification ex
térieure , à l'imitation des Confrères du Saint-Scapulaire
et de la bienheureuse Madeleine de Pazzi pour le 16 de
Juillet, jour dédié au saint Scapulaire 200
DÉVOTION DEUXIÈME. Pour le deuxième jour d'Août. —
— 423 — '
Pages.
Communier le deuxième d'Août, jour do Notre-Dame
des Anges , et à toutes les fêtes de la sainte Vierge , à
l'imitation des Milanais 203j
DÉVOTION TROISIÈME. Pour le cinquième jour d'Août. —
Se préparer par des jeûnes ou autres bonnes œuvres à
la fête de l'Assomption de la glorieuse vierge Marie, à
l'imitation de saint François, pour le jour de Notre-
Dame des Neiges 204
CHAPITRE IX.
Huit dévotions à la Mère de Dieu pour la Fête et l'Octave de sa
triomphante Assomption , le quinze d'Août.
DÉVOTION PREMIÈRE. Pour le quinzième jour d'Août. —
Avoir de la dévotion à quelque mystère de la sainte
Vierge, à l'imitation du bienheureux Cedonius 208
DÉVOTION DEUXIÈME. Pour le seizième jour d'Août. —
Quitter sa place du Paradis à la Mère de Dieu, si besoin
était, pour la lui céder, à l'imitation d'un dévot de la
sainte Vierge 212
DÉVOTION TROISIÈME. Pour le dix-septième jour d'Août.
— Désirer ardemment de voir la sainte Vierge au Ciel ,
à l'imitation d'un dévot ecclésiastique 214
DÉVOTION QUATRIÈME. Pour le dix-huitième jour d'Août.
— Honorer ou orner les autels de la sainte Vierge , à
l'imitation de quantité de ses dévots 219
DÉVOTION CINQUIÈME. Pour le dix-neuvième jour d'Août.
— Aimer quelque vertu en l'honneur de la sainte Vierge,
à l'imitation de sainte Isabelle, sœur de Saint-Louis. . . 227
DÉVOTION SIXIÈME. Pour le vingtième jour d'Août. —
Prier la sainte Vierge , les genoux mis à terre , à
l'imitation de saint Bernardin de Sienne. ....... 229
. _ 424 —
Pages.
DÉVOTION SEPTIÈME. Pour le vingt-et-unième jour d'Août.
— Faire amende honorable à la sainte Vierge avant le
repos, à l'imitation de l'un de ses serviteurs 231
DÉVOTION HUITIÈME. Pour le vingt-deuxième jour d'Août.
— Avoir toute sorte de grands désirs pour honorer la
sainte Vierge , à l'imitation du dévot Jean Berkman. . . 234
CHAPITRE X.
Huit dévotions à la Mère de Dieu pour la Fête et l'Octave de sa
fortunée Naissance , le huit de Septembre.
DÉVOTION PREMIÈRE. Pour le huitième jour de Septembre.
— Réciter trente-cinq Ave Maria tous les jours de cette
Octave , pour honorer le nombre de jours que la sainte
Vierge demeura dans les flancs de sainte Anne, sa mère,
à l'imitation de sainte Gertrude 246
DÉVOTION DEUXIÈME. Pour le neuvièmejour de Septembre.
— Se découvrir ou faire révérence en entendant le Nom
de Marie, à l'imitation du dévot Père Binans, minime. . 248
DÉVOTION TROISIÈME. Pour le dixième jour de Septembre.
— Par honneur pour le nom de Marie, ne pas le pronon
cer en lisant , mais lui en substituer un autre , à l'imi
tation de saint Gérard 249
DÉVOTION QUATRIÈME. Pour le onzième jour de Septembre.
— Se mettre à genoux en entendant prononcer le Nom
de Marie, à l'imitation de saint Gérard 252
DÉVOTION CINQUIÈME. Pour le douzièmejour de Septembre.
— Baiser la terre, ou au moins l'oratoire ou le livre, en
rencontrant le nom de Marie, à l'imitation du bienheu
reux Joseph Herman 253
DÉVOTION SIXIÈME. Pour le treizième jour de Septembre.
— 425 —
Pages.
— Faire voir partout qu'on aime et sert la sainte Vierge ,
à l'imitation des religieux de saint Dominique "iïfo
DÉVOTION SEPTIÈME. Pour le quatorzième jour de Septem
bre. — Faire quelque signalée et héroïque action à l'hon
neur de la sainte Vierge , à l'imitation de bon nombre de
confrères qui la servent en ses Congrégations 260
DÉVOTION HUITIÈME. Pour le quinzième jour de Septem
bre. — Avancer l'honneur et la dévotion de la sainte
Vierge de tout notre pouvoir, à l'imitation de Jean Ier,
roi de Portugal 263
f
CHAPITRE XI.
Huit dévotions à la Mère de Dieu pour la Fête et l'Octave de Notre-
Dame de la Victoire , le sept d'Octobre.
DÉVOTION PREMIÈRE. Pour le septième jour d'Octobre. —
N'entreprendre rien que sous la conduite et à la faveur
de la sainte Vierge, à l'imitation de sainte Thérèse. . . 267
DÉVOTION DEUXIÈME. Pour le huitième jour d'Octobre. —
Dire le Rosaire de la sainte Vierge , à l'imitation de saint
Dominique 276
DÉVOTION TROISIÈME. Pour le neuvième jour d'Octobre. —
Dire la Couronne de la sainte Vierge, à l'imitation du
bienheureux François de Sales, évoque de Genève. . . . 279
DÉVOTION QUATRIÈME. Pour le dixième jour d'Octobre. —
Porter sur soi le Chapelet ou Rosaire, à l'imitation de
plusieurs serviteurs de la sainte Vierge 283
DÉVOTION CINQUIÈME. Pour le onzième jour d'Octobre. —
Porter le Chapelet ou Rosaire au cou, la nuit en dormant,
à l'imitation du bienheureux Louis Bertrand 285
DÉVOTION SIXIÈME. Pour le douzième jour d'Octobre. —
— 42G —
Pages.
Porter le Chapelet ou Rosaire en main, le lojig du jour,
à l'imitation de la bienheureuse Cécile, religieuse. . . . 286
DÉVOTION SEPTIÈME. Pour le trezième jour d'Octobre. —
Remettre en sa mémoire ou apprendre par cœur les
oraisons les plus ordinaires et les plus belles qu'il faut
souvent et aux occasions dire à la sainte Vierge, à l'imi
tation de sainte Brigitte 288
DÉVOTION HUITIÈME. Pour le quatorzième jour d'Octobre.
— S'abstenir de la plus notable imperfection qu'on ait, en
l'honneur de la sainte Vierge, à l'imitation d'un gentil
homme converti par ce moyen à l'avertissement de saint
Bernard 292^
CHAPITRE XII.
Huit dévotions à la Mère de Dieu pour la Pète et l'Octave de la Présen
tation, le vingt-et-unième jour de Novembre.
DÉVOTION PREMIÈRE. Pour le vingt-et-unième jour de
Novembre. — Se présenter et offrir à la sainte Vierge
en qualité de serviteur, à l'imitation du dévot Israël,
prince de la Maison de Suède , qui la choisit pour sa
Dame et Protectrice 295
DÉVOTION DEUXIÈME. Pour le vingt-deuxième jour de
Novembre. — Se présenter à la sainte Vierge en qualité
de vassal, à l'imitation du noble Vaultier de Bibrac.. . . 299
DÉVOTION TROISIÈME. Pour le vingt-troisième jour de No
vembre. — Se présenter et offrir à la sainte Vierge en
qualité d'esclave , à l'imitation du dévot Marin , frère du
bienheureux cardinal Pierre Damien 301
DÉVOTION QUATRIÈME. Pour le vingt-quatrième jour de
Novembre. — Présenter et offrir à la sainte Vierge ce
qu'on a de plus cher, la constituant son héritière et
— 427 —
Nages.
voulant être tout-à-fait à elle, à l'imitation d'une dévote
Dame 303
DÉVOTION CINQUIÈME. Pour le vingt-cinquième jour de
Novembre. — Présenter à la sainte Vierge le Cœur de
son Fils, à l'imitation de sainte Gertrude 309
DÉVOTION SIXIÈME. Pour le vingt-sixième jour de Novem
bre. — En sortant ou entrant dans sa chambre , s'offrir
à la sainte Vierge, à l'imitation des révérends Pères
Chartreux 313
DÉVOTION SEPTIÈME. Pour le vingt-septième jour de No
vembre. — Faire quelque mortification intérieure et
s'offrir à la sainte Vierge, à l'imitation de ceux qui sont
affectionnés à lui plaire 315
DÉVOTION HUITIÈME. Pour le vingt-huitième jour de No
vembre. — Faire un bouquet de divers actes de vertu et
bonnes reuvres pour l'offrir à la sainte Vierge, à l'imi
tation de quelques dévots de la Mère de Dieu 319
CHAPITRE XIII.
Huit dévotions à la Mère de Dieu pour la Fête et l'Octave de son Imma
culée Conception, le huit de Décembre.
DÉVOTION PREMIÈRE. Pour le huitième jour de Décembre.
— Préférer l'Etre de Notre-Dame au sien propre, à l'imi
tation de sainte Brigitte 322
DÉVOTION DEUXIÈME. Pour le neuvième jour de Décembre.
— Dire l'Office de l'Immaculée Conception de la sainte
Vierge, à l'imitation du dévot Alphonse Rodriguez. . . 324
DÉVOTION TROISIÈME. Pour le dixième jour de Décembre.
— Faire vœu de défendre l'Immaculée Conception de la
Vierge, à l'imitation du dévot Berkman 325
— 428 —
Pages.
DÉVOTION QUATRIÈME. Pour le onzième jour de Décembre.
— Dire douze Salve Regina et douze Ave Maria à l'hon
neur de l'Immaculée Conception de la sainte Vierge , à
l'imitation du bienheureux Alphonse Rodriguez 328
DÉVOTION CINQUIÈME. Pour le douzième jour de Décembre.
— Lire les livres qui traitent de la sainte Vierge, à l'imi
tation des confrères de ses Congrégations 330
DÉVOTION SIXIÈME. Pour le treizième jour de Décembre.
— Dévotion aux Saints qui ont été dévots à la sainte
Vierge, à l'imitation des dévots de saint Bernard.. , . . 332
DÉVOTION SEPTIÈME. Pour le quatorzième jour de Décem
bre. — Donner l'aumôme à l'honneur de la sainte Vierge,
à l'imitation de sainte Elisabeth 338
DÉVOTION HUITIÈME. Pour le quinzième jour de Décembre.
— Prier la sainte Vierge par de secrètes ententes, à l'imi
tation de quelques personnes qui lui sont dévotes. . . . 340
CHAPITRE XIV.
Boit dévotions à la Mère de Dieu pour la Fête de l'Expectation du divin
enfantement de son fils Jésus-Christ, le dix-nuit de Décembre.
DÉVOTIONS Pour le dix-huitième jour de Décembre et siii-
vants. — Se préparer aux Octaves qui précèdent les
fêtes de la glorieuse Vierge , par quelque éloge spiri
tuel, à l'imitation de sainte Marguerite de Hongrie. . . 345
— 429 —
CHAPITRE XV.
Trente dévotions à la Mère de Dieu pour suppléer à celles qui ont été
données ci-dessus et qui sembleraient moins aisées à pratiquer, ou
bien qui pourront servir on quelques autres occasions , selon l'incli
nation d'un chacun.
Pages.
I. — Saluer la Mère de Dieu avant le soleil levé 353
II. — Saluer la Mère de Dieu en quelqu'une de ses égli
ses , si , faisant chemin , on est arrivé en quelque lieu où
se trouvent des églises qui soient dédiées à son honneur. 355
III. — Prier les Anges et leur donner commission de sa
luer la Mère de Dieu de notre part 356
IV. — Repasser par sa mémoire et penser, une fois toutes
les semaines, à la vie de la Mère de Dieu 357
V. — Prendre au sort quelque billet qui porte certaines
prières à dire , et les vertus de la Mère de Dieu qu'il
faudra pratiquer avec plus de soin durant l'Octave de
quelqu'une de ses Fêtes 360
VI. — Prendre au sort, tous les jours, une dévotion à la
Mère de Dieu, dans la résolution de s'y employer et la
pratiquer ce jour-là 362
VII. — Tous les mois , s'étudier à quelque vertu particu
lière en l'honneur de la Vierge-Mère 363
VIII. — Avoir soin d'estimer et de recueillir toute sorte
d'images de la sainte Vierge, quand même elles seraient
usées, vieilles, gâtées, ou moins bien faites, pour l'amour
de ce qu'elles représentent 364
IX. — Avoir plusieurs images de la Mère de Dieu et leur
imposer de beaux noms pleins de tendresse et conformes
à l'amour qu'Elle a pour nous , ou à celui que nous avons
pour Elle 365
— 430 —
Pages.
X. — Donner des œillades amoureuses, en passant, aux
images de la Mère de Dieu, à leur rencontre 366
XI. — Faire porter solennellement et avec pompe quelque
image de la Mère de Dieu par la ville , ou assister à la
cérémonie ou procession qui se fait pour ce sujet. —
Pratique apprise de saint Grégoire le Grand 368
XII . — Faire vœu d'accomplir quelque bonne œuvre à l'hon
neur de la Mère de Dieu, ou lui promettre de faire pour
son amour quelque bonne action , soit dans le danger de
quelque inconvénient pour en être délivré , soit pour ob
tenir à sa faveur et intercession quelque grâce particu
lière 369
XIII. — Aller en pèlerinage en quelque célèbre église de
Notre-Dame, ou à Lorette, ou au Mont-Serrat, ou au
Puy, et autres semblables 371
XIV. — Attacher doucement sa pensée à certains endroits,
pour avoir une mémoire locale toute prête à se souvenir
de la Mère de Dieu. Le bienheureux Louis de Gonzague
donne ce saint exercice 372
XV. — Chérir, estimer et honorer tous les dévots et affec
tionnés au service de la Mère de Dieu 373
XVI. — Donner mille bénédictions ou faire des prières pour
ceux qui ont contribué à l'avancement de la gloire et de
l'honneur rendu à la vierge Marie, en quelque façon que
ce puisse être 374
XVII. — Renouveler l'amour et les résolutions prises pour
le service de Notre-Dame de la manière à peu près que
les religieux renouvellent leurs vœux, le tout à l'imita
tion de tant de braves et dévots confrères des Congréga
tions érigées pour servir la Mère de Dieu. ; 375
— 431 —
Pages.
XVIII. — Instruire ou disposer les cœurs des petits enfants
à l'amour et à la dévotion de la Mère de Dieu 376
XIX. — Porter son chapelet au bras, jour et nuit , en forme
de bracelet 378
XX. — Offrir toutes les bonnes œuvres de tout un mois
ou d'un plus long temps à la Mère de Dieu , en tant
qu'elles sont satisfactoires ou impétratoires, s'en remet
tant à sa sainte volonté et agréable disposition 379
XXI. — Marier de pauvres filles en l'honneur de la Mère-
Vierge 380
XXII. — Réciter le Psautier de la bienheureuse Vierge,
composé par saint Bonaventure 382
XXIII. — Dire la messe de Beata, c'est-à-dire de la bien
heureuse Vierge 384
XXIV. — Prier particulièrement la sainte Vierge pour les
âmes du Purgatoire : il suffit de dire que la sainte et cha
ritable Vierge l'agrée 386
XXV. — S'accoutumer à prier la sainte Vierge au même
temps qu'on a prié Dieu 387
XXVI. — Chercher et inventer les plus beaux noms, épi-
thètes et éloges qui se peuvent trouver pour les donner
à la Mère de Dieu , et s'en servir à la conversation , aux
prédications, dans la prière, dans les écrits , et partout. 388
XXVII. — Honorer la glorieuse Vierge par l'usage de bé
nédictions à la façon de sainte Brigitte , à qui Dieu en
seigna la manière qu'elle devait garder en ses louanges
de vénération, principalement les intérieures, dont toute
personne est capable, soit malade, soit âgée, dans la
presse des affaires, en compagnie ou ailleurs, par les
quelles nous révérons les grâces et les perfections qui
éclatent en la très-digne Mère de Dieu 392".
— 432 —
Pages.
XXVIII. — Choisir quelque belle oraison à la sainte Vierge,
afin de la dire tous les jours 394
XXIX. — Dire souvent à la Mère de Dieu quelque orai
son par laquelle nous lui demandions la grâce de faire
une belle et sainte mort par son assistance favorable. . 395
XXX. — Vouloir, à la mort , avoir proche de soi et à ses
yeux l'image de la glorieuse Vierge 396
Conclusion et avis à Philagie touchant la persévérance au
service de la sainte Vierge et à l'exercice des susdites
pratiques 398
Quelques Pensées tirées du petit Traité sur le Culte et la
Dévotion à la très-Sainte Vierge Marie en général, du
Grand et Saint Archidiacre d'Evreux , Henri -Marie
Boudon 408
TABLE DES MATIÈRES 415
FIN DE LA TABLE.
TOULOUSE, IMP. DE I. VIGUIER, RUE DES CHAPEUEHS ,
31