grand dictionnaire de la philosophie

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Cet ouvrage  est paru  à l’origine  aux Edit io ns Larous se en 2003  ; sa numĂ©ri sati on a Ă©t Ă© rĂ© al is Ă©e av ec le sout ien du CNL. Cet te Ă©di tion numĂ©rique  a Ă©tĂ© spĂ©c ialement recompos Ă©e par les Edi ti ons Larousse dans le cadr e d’ une coll abor at ion av ec la BnF  pour  la  bibliothĂšque numĂ©ri que  Gallica.

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Cet ouvrage   est paru   Ă  l’origine   aux Editions Larousse en 2003   ;
sa numérisation a été réalisée avec le soutien du CNL.
Cette Ă©dition numĂ©rique   a Ă©tĂ© spĂ©cialement recomposĂ©e par
les Editions Larousse dans le cadre d’une collaboration avec la
BnF   pour   la   bibliothĂšque numĂ©rique   Gallica.
 
*Titre : *Grand dictionnaire de la philosophie / sous la dir. de Michel Blay
*Éditeur : *Larousse (Paris)
*Sujet : *Philosophie -- Dictionnaires
*Type : *monographie imprimée
*Langue : * Français
*Format : *XIII-1105 p. : couv. et jaquette ill. en coul. ; 29 cm
*Format : *application/pdf
*Relation : * http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb39020257j
*Provenance : *bnf.fr
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Cet ouvrage est paru à l’origine aux Editions Larousse en 2003 ;
sa numérisation a été réalisée avec le soutien du CNL.
Cette édition numérique a été spécialement recomposée par
les Editions Larousse dans le cadre d’une collaboration avec la
BnF pour la bibliothÚque numérique Gallica. downloadModeText.vue.download 2 sur 1137 downloadModeText.vue.download 3 sur 1137
Conception du projet et responsabilité éditoriale
Jean-Christophe Tamisier
Myriam Azé, Marie Chochon, Tiphaine Jahier, Céline Poiteaux
 
Toute reproduction ou représentation, intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, du
texte et/ou de la nomenclature contenus dans le présent ouvrage, et qui sont la propriété de
l’éditeur, est strictement interdite.
Distributeur exclusif au Canada : Messageries ADP, 1751 Richardson, Montréal (Québec).
ISBN 2-03-501053-5 downloadModeText.vue.download 4 sur 1137
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Présentation
! Ce Grand Dictionnaire de la philosophie s’efforce de passer en revue, de maniĂšre Ă  la fois
à la fois englobante et suffisamment détaillée, les origines, les développements et les pro-
longements présents de la réflexion philosophique. Outre la présentation de la philosophie
« pérenne » dans toute son extension occidentale, ont été particuliÚrement mis en relief les
rapports de la philosophie et des sciences (« dures » et humaines et sociales).
! Il est rendu compte sans parti pris ni exclusive de la cristallisation progressive des notions
fondamentales et des principaux concepts opĂ©ratoires. Une attention que l’on a voulu aussi
 
constamment référencée les problématiques récurrentes ou nouvelles. Tout ce qui est ainsi
dégagé est enrichi par le jeu de va-et-vient ouvert entre ces entrées et une abondante série de
textes d’auteurs, qui sont autant de « dissertations notionnelles » ou de « mini-essais », stimulants
pour l’esprit et appelant la discussion. L’ensemble tĂ©moigne du dynamisme de l’interrogation
philosophique, et tout le livre vise en somme à fonctionner comme une authentique « machine
à philosopher ».
! Le public auquel cet ouvrage s’adresse se veut le plus large possible. Il comprend les Ă©tu-
diants, les enseignants et chercheurs, mais aussi le grand public cultivé conscient que le désir
de sens qui l’attire vers la philosophie doit ĂȘtre informĂ© par un savoir constituĂ©, une juste
perception des jeux d’influence qui ont menĂ© Ă  la position actuelle des questions et une sai-
sie exacte de la nature des dĂ©bats et de leurs enjeux. L’ouvrage repose ainsi sur un double
pari : 1) que ceux qui se forment ou se sont formĂ©s Ă  l’étude de la philosophie restent bien
convaincus de la nĂ©cessitĂ© de maĂźtriser l’ensemble du domaine, et que la spĂ©cialisation n’a
de valeur qu’opĂ©rĂ©e sur fond d’une connaissance globale, permettant de dĂ©passer les piĂšges
de l’unilatĂ©ralisme et de la restriction des champs d’études ; 2) que ceux qui sont intĂ©ressĂ©s
par le domaine peuvent sans technicité excessive accéder à une pratique personnelle de la
philosophie qui aille bien au-delà de la consommation d’une certaine philodoxie de consola-
tion, à mi-chemin entre le développement personnel chic et la réactualisation de bons vieux
préceptes moraux.
 
! Les entrĂ©es notionnelles de l’ouvrage sont organisĂ©es de la maniĂšre suivante : le libellĂ© de la
notion est suivi gĂ©nĂ©ralement d’un aperçu Ă©tymologique, puis d’une courte synthĂšse si la lon- downloadModeText.vue.download 5 sur 1137
GRAND DICTIONNAIRE DE LA PHILOSOPHIE
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gueur et la complexitĂ© de l’entrĂ©e l’ont rendue souhaitable. Ensuite viennent l’item ou les items
de traitement encyclopĂ©dique de la notion, prĂ©cĂ©dĂ©(s) de l’énoncĂ© de la ou des discipline(s)
concernĂ©e(s). La dĂ©finition (en gras) est suivie d’un commentaire qui met en scĂšne les princi-
paux moments de l’histoire du concept et en prĂ©cise le sens, et se termine le cas Ă©chĂ©ant par
un paragraphe (marquĂ© par !) qui souligne les enjeux actuels. AprĂšs la signature de l’auteur sont placĂ©s la liste des rĂ©fĂ©rences signalĂ©es dans le texte par des chiffres en exposant, et / ou
des conseils bibliographiques. Tout Ă  la fin sont indiquĂ©s les renvois Ă  d’autres articles ou aux
dissertations en rapport avec l’item.
! Une entrĂ©e peut donc ĂȘtre mono thĂ©matique ou bien enchaĂźner plusieurs items. Le prin-
cipe général a été de faire se succéder les items de philosophie générale, en succession
chronologique (philosophie antique, puis médiévale, puis moderne, puis contemporaine par
exemple) et les items spécialisés (par exemple, philosophie morale et politique, épistémologie,
logique...).
! Le dictionnaire contient quelque onze cents entrĂ©es notionnelles et prĂ©sentations de cou-
rants et doctrines et soixante-dix dissertations. On trouvera page 1087 la liste des abréviations
utilisées pour caractériser les disciplines, et la liste générale des entrées avec mention de leurs
signataires.
 
défauts, ce dictionnaire ren-
dra de réels services, et contribuera à sa maniÚre et si modestement que ce soit à affermir des
vocations et Ă  maintenir Ă  leur meilleur niveau les Ă©tudes philosophiques. Et nous recueillerons
bien volontiers les avis et critiques des lecteurs et utilisateurs.
Jean-Christophe Tamisier downloadModeText.vue.download 6 sur 1137
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Avant-Propos
Aventures intellectuelles
« Mais l’obstacle numĂ©ro un Ă  la recherche de la lumiĂšre,
c’est bien probablement la volontĂ© de puissance, le dĂ©sir d’exhiber ses virtuositĂ©s ou de se mĂ©nager un abri contre des objections trop Ă©videntes.
La vĂ©ritĂ© est une limite, une norme supĂ©rieure aux individus ; et la plupart d’entre eux nourrissent une
animosité secrÚte contre son pouvoir. »
André Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, préface, PUF, Paris, 1926.
« C’est proprement avoir les yeux fermĂ©s, sans tĂącher jamais de les ouvrir, que de vivre sans philosopher ; et le plaisir de voir toutes les choses que notre vue dĂ©couvre n’est point compa- rable Ă  la satisfaction que donne la connaissance de celles qu’on trouve par la philosophie ; et enfin cette Ă©tude est plus nĂ©cessaire pour rĂ©gler nos moeurs, et nous conduire en cette vie, que n’est l’usage de nos yeux pour guider nos pas. » Cette phrase de Descartes, tirĂ©e de la lettre-prĂ©face qu’il adresse Ă  l’abbĂ© Picot, pour ĂȘtre placĂ©e en tĂȘte de la traduction en français des Principia philosophiae de 1644 (Principes de la philosophie, Paris, 1647), s’inscrit dans une longue tradition oĂč la philosophie s’est affirmĂ©e Ă  la fois comme quĂȘte de sagesse et souci de connaissance, comme condition de possibilitĂ© de toute aventure intellectuelle de chacun et de l’humanitĂ© en tant qu’ils prennent conscience d’eux-mĂȘmes.
 
philosophiques, construits comme des monuments de la pensĂ©e, des monuments assurĂ©ment trĂšs beaux, mais parfois un peu clos sur eux-mĂȘmes, que dans les gestes philosophiques, les gestes crĂ©atifs, ceux qui produisent des concepts, qui ouvrent le monde sur le monde. Tout le sens de la dĂ©marche philosophique est Ă  saisir dans la pensĂ©e en marche, dans celle qui se construit en s’interrogeant, toujours, dans la tension, jusqu’à l’essentiel, jusqu’au silence. Certains ont tendance, dans notre monde aux domaines d’études bien sĂ©parĂ©s, Ă  la vĂ©ritĂ© cir- conscrite, oĂč chacun est responsable de son prĂ© carrĂ©, de ses mĂ©thodes et de ses raisons, Ă  rĂ©duire la philosophie Ă  une sorte de discipline qu’elle ne peut pas vraiment ĂȘtre au regard des divers champs disciplinaires ou mĂȘme de ceux que constituent, depuis quelques dĂ©cennies, downloadModeText.vue.download 7 sur 1137
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les sciences humaines et sociales. La philosophie n’a pas vocation Ă  ĂȘtre une discipline, si ce n’est du point de vue de l’étude de son histoire, mais plutĂŽt Ă  ĂȘtre une discipline de l’esprit et de la vie – et c’est en cela qu’aujourd’hui elle est parfaitement insupportable et inadmissible : mais prĂ©cisĂ©ment ne l’a-t-elle pas toujours Ă©tĂ© lorsqu’elle savait Ă©chapper Ă  l’acadĂ©misme pour retrouver son mouvement vers le haut, son indĂ©racinable souci de vĂ©ritĂ©, la plĂ©nitude de son
sens ?
Dans cette perspective, cet avant-propos ne peut avoir de justification qu’en montrant le sens qu’il y a, comme il y a eu, Ă  philosopher, Ă  poursuivre cette aventure intellectuelle lancĂ©e depuis plusieurs millĂ©naires.
Poursuivre cette aventure intellectuelle, c’est prĂ©cisĂ©ment traverser les champs du savoir, les anciens comme les nouveaux, essayer les concepts, les dĂ©construire pour les reconstruire et, comme dans une sorte de geste de peintre cubiste, en saisir simultanĂ©ment les diffĂ©rentes implications et la multiplicitĂ© des enjeux, pour vivre aujourd’hui, c’est-Ă -dire vivre en pensant, en ouvrant les yeux.
N’y a-t-il pas alors de lieu plus Ă©clairant, plus propre Ă  faire voir toutes les choses du monde qu’un dictionnaire ; feuilleter le monde – souvenirs d’enfance devant les vieux Larousse – et s’éblouir en dĂ©couvrant des concepts ?
 
qu’aujourd’hui la publication d’un dictionnaire s’impose. Elle s’impose, en effet, d’abord pour combler une lacune entre, d’une part, des ouvrages un peu anciens tels que le remarquable Vocabulaire technique et critique de la philosophie, mis au point par AndrĂ© Lalande sous l’égide de la SociĂ©tĂ© française de philosophie, dans le premier quart du xxe s., ou d’autres, trop scolaires, ignorant les nouvelles avancĂ©es conceptuelles ; et, d’autre part, ceux qui, trop gros, trop techniques ou trop spĂ©cialisĂ©s, semblent comme se refuser et, ignorant le quidam, se referment sur leur savoir, comme dans un geste de mĂ©pris.
Nous nous sommes donc proposĂ© dans ce Grand Dictionnaire de la Philosophie de donner une place significative, mais pas toute la place, Ă  divers champs de recherche et d’études aujourd’hui en pleine rĂ©organisation et dont il est nĂ©cessaire de connaĂźtre les concepts et leur enracinement historique pour les travailler, les penser et les juger. Ainsi en est-il, par exemple, des nouveaux chantiers que constituent les approches renouvelĂ©es de la philosophie des sciences et en particulier des sciences cognitives, approches mĂȘlant apports thĂ©oriques et expĂ©rimentaux provenant de champs trĂšs divers. De mĂȘme, la psychologie du dĂ©veloppement comme la psychologie expĂ©rimentale ou les neurosciences, travaillĂ©es par des analyses phi- losophiques qui se situent autant dans la mouvance phĂ©nomĂ©nologique que dans la tradition analytique, dessinent, souvent contre les anciennes disciplines, de nouveaux chemins qu’il convient de regarder de trĂšs prĂšs pour Ă©viter – le retour des ombres du scientisme est toujours possible – de voir se dissoudre dĂ©finitivement la question du sujet, du soi crĂ©ateur. Il est bien clair que ces Ă©tudes et la comprĂ©hension de leurs enjeux ne sont possibles qu’en s’appuyant sur un ensemble de connaissances scientifiques relevant de la logique, des mathĂ©matiques, de la physique et de la biologie. Les notions essentielles ont donc Ă©tĂ© introduites dans ce dic- tionnaire sans que, pour autant, ce dernier ait vocation Ă  devenir un dictionnaire spĂ©cialisĂ© de l’une ou de l’autre de ces sciences.
La philosophie de l’art (des arts) s’est aussi considĂ©rablement renouvelĂ©e en associant les approches spĂ©cifiques de la philosophie analytique et les analyses d’orientation phĂ©nomĂ©nolo- gique et ontologique. Il nous a donc semblĂ© dĂ©terminant de donner une large place Ă  ces nou- downloadModeText.vue.download 8 sur 1137
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les Ă©tudes cognitivistes
concernant, en particulier, la perception de l’espace, des couleurs, du mouvement, etc. Ainsi,
l’oeuvre d’art, via les questions portant sur ce qu’il en est de l’expĂ©rience esthĂ©tique, devient
comme un point de rencontre pour les rĂ©flexions relatives Ă  l’analyse des processus mentaux
et pour celles qui touchent aux enjeux culturels et symboliques.
La philosophie politique, longtemps dominĂ©e par la pensĂ©e d’orientation marxiste, s’est ou-
verte, depuis quelques dĂ©cennies, sur de nouveaux territoires. La rĂ©flexion s’est dĂ©veloppĂ©e
autour du dĂ©bat sur ce que l’on peut appeler l’ĂȘtre en commun, les droits de l’homme et du
citoyen, la question de la justice et de la gouvernance, la république.
À travers ces quelques exemples, et sans parler des discussions que suscitent les avancĂ©es
rĂ©centes des sciences biologiques impliquant de rĂ©Ă©crire, si l’on peut dire, une Ă©thique, c’est
l’ensemble des champs du savoir qui, aujourd’hui comme hier, requiert l’exercice de la pensĂ©e
philosophique c’est-Ă -dire d’une pensĂ©e oĂč chacun confronte, dans la solitude, dans le silence,
dans l’isolement et dans la rigueur, sa pensĂ©e Ă  d’autres maniĂšres de penser. La mise en oeuvre
de cette pensĂ©e philosophique doit ĂȘtre amorcĂ©e de telle sorte que, chacun, le quidam dont
nous parlions prĂ©cĂ©demment, puisse y entrer pour s’en nourrir et la nourrir. C’est la raison
pour laquelle de petits essais, courts et percutants, des textes d’auteurs, portant sur des ques-
tionnements d’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral, relevant de ce qu’on nomme habituellement les « grandes ques-
tions », ont été insérés dans le corps de ce dictionnaire. Ces essais ne sont que des exemples,
des efforts de pensée, des signes vers la pensée de chacun, de chaque lecteur, des signes qui
 
née, conceptuelle, bien référencée et ouverte sur le monde, pour tout le monde ; de ce dic-
tionnaire, nous avons voulu faire, pour parler nettement, un instrument de philosophie active.
En ce sens, la publication d’un tel dictionnaire, oeuvre collective Ă©crite et pensĂ©e par des
individus, tant par l’ensemble des dĂ©finitions conceptuelles qu’il offre, en les inscrivant dans
leur dimension historique, que par la mise en oeuvre de ces concepts dans de brefs essais, n’a
pour but, à travers les divers champs de la réflexion philosophique, que de tendre la main à
la pensĂ©e, que de l’aider Ă  surgir, que de rendre Ă  chacun, contre les caricatures du savoir qui
s’affichent sur le devant de la scĂšne, ces biens inaliĂ©nables que sont la libertĂ© intĂ©rieure et le
sens de la méditation.
* * *
Ce dictionnaire n’existerait pas sans les efforts, le travail, la volontĂ© farouche et, bien sĂ»r – mais
cela va de soi –, les compĂ©tences de Fabien Chareix et de Jean-Christophe Tamisier. Leur exi-
gence intellectuelle s’exprima Ă  tout moment ; jamais ils ne voulurent cĂ©der Ă  la facilitĂ©. Je les
en remercie. Je tiens aussi Ă  remercier les responsables des sections et tous leurs collaborateurs
et collùgues qui s’engagùrent dans cette entreprise, comme dans une navigation au long cours
et qui, toujours, surent tenir le cap, en dépit, parfois, du gros temps et des vents contraires. Je
ne voudrais pas non plus, dans ces remerciements, oublier tous ceux qui, au quotidien, chez
Larousse, dans des conditions parfois trĂšs difficiles, donnĂšrent leur temps et leur savoir avec
une immense générosité.
Quant aux imperfections et aux manques de ce dictionnaire, ils sont de mon entiĂšre responsa-
bilitĂ© ; j’attends philosophiquement les critiques et les reproches.
MICHEL BLAY
Direction d’ouvrage
Suivi de la rédaction
Équipe interne de rĂ©daction
Sébastien Bauer, André Charrak, Fabien Chareix, Clara Da Silva-Charrak, Laurent
Gerbier, Didier Ottaviani, Elsa Rimboux
Ont collaboré à cet ouvrage
Olivier ABEL, Professeur, Faculté de théologie protestante, Paris.
Jean-Paul AIRUT, Chercheur en histoire de la philosophie, collaborant au centre Raymond de recherches politiques (EHESS) et Ă  l’Équipe internationale et interdisciplinaire de philosophie pĂ©nale (Paris II).
Anne AMIEL, Professeur de philosophie en classes prépara- toires, Lycée Thiers, Marseille.
Saverio ANSALDI, Maßtre de conférences associé en philoso- phie, Université de Montpellier III.
Diane ARNAUD, Chargée de cours, Université de Paris III.
Anne AUCHATRAIRE, Responsable des scĂšnes nationales et du festival d’Avignon, direction de la musique, de la danse, du thĂ©Ăątre et des spectacle, MinistĂšre de la culture, Paris.
Benoßt AUCLERC, Allocataire-moniteur normalien en philoso- phie, Université de Lyon II.
Nicolas AUMONIER, MaĂźtre de confĂ©rences en histoire et philoso- phie des sciences, UniversitĂ© de Grenoble I – Joseph-Fourier.
Anouk BARBEROUSSE, Chargée de recherches, CNRS, équipe REHSEIS, Paris.
SĂ©bastien BAUER, Directeur adjoint de l’Alliance française de
 
Sabadell, Espagne.
Raynald BELAY, AttachĂ© de coopĂ©ration et d’action culturelle, Ambassade de France au PĂ©rou.
Michel BERNARD, Professeur Ă©mĂ©rite d’esthĂ©tique thĂ©Ăątrale et
chorégraphique, Université de Paris VIII.
MichĂšle BERTRAND, Psychanalyste et Professeur de psychologie
clinique, Université de Franche-Comté.
phie, Université de Nice Sophia-Antipolis.
Alexis BIENVENU, Allocataire-moniteur normalien en philoso- phie, Université de Paris I.
Jean-BenoĂźt BIRCK, Professeur de philosophie, CNED, Vanves.
Michel BITBOL, Directeur de recherche, CNRS.
Michel BLAY, Directeur de recherche, CNRS.
André BOMPARD, Psychiatre, psychanalyste, ancien attaché des
HĂŽpitaux de Paris.
Jean-Yves BOSSEUR, Directeur de recherche, CNRS, et compositeur.
Christophe BOURIAU, Maßtre de conférences en philosophie, Université de Nancy II. downloadModeText.vue.download 10 sur 1137
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Laurent BOVE, Professeur de philosophie, Université de Picar- die Jules-Verne.
Anastasios BRENNER, MaĂźtre de confĂ©rences en philosophie, UniversitĂ© de Toulouse II – Le Mirail.
Fabienne BRUGÈRE, Maßtre de conférences en philosophie, Université de Bordeaux III.
Jean-Michel BUÉE, MaĂźtre de confĂ©rences en philosophie, IUFM de Grenoble.
 
Anne CAUQUELIN, Professeur émérite de philosophie, Univer- sité de Paris X.
Jean-Pierre CAVAILLÉ, MaĂźtre de confĂ©rences, enseignant l’his- toire intellectuelle, EHESS, Paris.
Fabien CHAREIX, Maßtre de conférences en philosophie, Uni- versité de Lille I.
André CHARRAK, Maßtre de conférences en philosophie, Uni- versité de Paris I.
Dominique CHATEAU, Professeur d’esthĂ©tique, DĂ©partement d’arts plastiques et sciences de l’art, UniversitĂ© de Paris I.
André CLAIR, Professeur de philosophie, Université de Rennes I.
Françoise COBLENCE, Professeur de philosophie, Université de Picardie Jules-Verne, Amiens.
DaniĂšle COHN, Professeur de philosophie, EHESS, Paris.
Denis COLLIN, Professeur de philosophie, lycĂ©e Aristide Briand, Évreux.
Catherine COLLIOT-THÉLÈNE, Professeur de philosophie, Univer- sitĂ© de Rennes I ; directrice, centre Marc-Bloch, Berlin.
Jean-Pierre COMETTI, Professeur de philosophie, Université de Provence Aix-Marseille I.
Edmond COUCHOT, Professeur Ă©mĂ©rite, Arts et technologies de l’image, UniversitĂ© de Paris VIII.
CĂ©dric CRÉMIÈRE, Allocataire-Moniteur, MusĂ©um national d’his- toire naturelle, Paris.
Clara DA SILVA-CHARRAK, Professeur de philosophie, LycĂ©e de l’Essouriau, Les Ulis.
Jacques DARRIULAT, Maßtre de conférences en philosophie, Université de Paris IV.
Olivier DEKENS, Chargé de cours, Université de Tours.
Natalie DEPRAZ, Maßtre de conférences en philosophie, Uni- versité de Paris IV.
Olivier DOUVILLE, Membre de l’unitĂ© de recherche « mĂ©decine, sciences du vivant, psychanalyse », UniversitĂ© de Paris VII.
Jacques DUBUCS, Directeur de recherches au CNRS et directeur de l’IPHST, Paris I.
Jean-Marie DUCHEMIN, ancien Ă©lĂšve de l’ENS de Fontenay-Saint-Cloud.
Colas DUFLO, Maßtre de conférences en philosophie, Univer-
 
Eric DUFOUR, Professeur de philosophie, T.Z.R., Bobigny.
Alexandre DUPEYRIX, Allocataire-moniteur normalien, ENS- LSH, Lyon.
Pascal DUPOND, Professeur de premiÚre supérieure, Lycée St
Sernin, Toulouse.
Abdelhadi ELFAKIR, Maßtre de conférences en psychologie cli- nique, Université de Bretagne occidentale, Brest.
Pascal ENGEL, Professeur de philosophie, Université de Paris IV.
Raphael ENTHOVEN, Allocataire-moniteur normalien en philo- sophie, Université de Paris VII.
Jean-Pierre FAYE, Philosophe.
Mauricio FERNANDEZ, Professeur, UniversitĂ© d’Antioquia, Me- dellin, Colombie.
Wolfgang FINK, MaĂźtre de confĂ©rences en philosophie, Uni- versitĂ© de Lyon II – LumiĂšre.
Franck FISCHBACH, MaĂźtre de confĂ©rences en philosophie, Uni- versitĂ© de Toulouse II – Le Mirail.
Jean-Louis FISCHER, Ingénieur de recherche, CNRS, Paris.
Denis FOREST, Maßtre de conférences en philosophie, Univer- sité de Lyon III.
Marie-Claude FOURMENT, Professeur de psychologie de l’en- fant, UniversitĂ© de Paris XIII.
GeneviÚve FRAISSE, Directrice de recherche au CNRS, députée européenne.
HélÚne FRAPPAT, Chargée de cours de philosophie, Université de Paris III.
Pierre FRESNAULT-DERUELLE, Professeur, UFR Arts plastiques et sciences de l’art, UniversitĂ© de Paris I.
Dalibor FRIOUX, Professeur de philosophie, Lycée Jean-Mou- lin, Saint-Amand Montrond.
Frédéric GABRIEL, Chercheur, Université de Lecce, Italie.
Sébastien GALLAND, Professeur de culture générale en classes préparatoires à Sciences Po., Saint-Félix, Montpellier.
Isabelle GARO, Professeur de philosophie, Lycée Faidherbe,
 
GĂ©rard GENETTE, Directeur d’études, CRAL, EHESS, Paris.
Laurent GERBIER, Maßtre de conférences en philosophie, Aix-en-Provence.
Marie-Ange GESQUIÈRE, Aspirant chercheur, FNRS, Université Libre de Bruxelles.
Cécile GIROUSSE, Professeur de philosophie, Lycée Claude Mo- net, Paris ; chargée de cours, Université de Paris III.
Jean-Jacques GLASSNER, Directeur de recherche, CNRS (Labora- toire « ArchĂ©ologie et sciences de l’AntiquitĂ© », Paris.
Jean-Marie GLEIZE, Directeur du Centre d’études poĂ©tiques, ENS, Lyon.
Jean-François GOUBET, Professeur de philosophie, Lycée Al- fred Kastler, Denain.
Jean-Baptiste GOURINAT, Chargé de recherche, CNRS (Centre de recherche sur la pensée antique), Paris.
Mathias GOY, Professeur de philosophie, Lycée Alain Colas, Nevers.
Juliette GRANGE, Professeur de philosophie, Université de Strasbourg. downloadModeText.vue.download 11 sur 1137
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Eric GRILLO, Maßtre de conférences, UFR communication, Uni- versité de Paris III.
Laurent GRYN, Professeur de philosophie.
Xavier GUCHET, AttachĂ© temporaire d’enseignement et de re- cherche en philosophie, UniversitĂ© de Paris X – Nanterre.
Sophie GUÉRARD DE LATOUR, allocataire-moniteur normalien, UniversitĂ© de Bordeaux III – Michel de Montaigne.
Caroline GUIBET LAFAYE, AttachĂ©e temporaire d’enseignement et de recherche, UniversitĂ© de Toulouse II – Le Mirail.
Antoine HATZENBERGER, allocataire moniteur normalien en phi- losophie, Université de Paris IV.
Nathalie HEINICH, Directeur de recherches, CNRS, Paris.
Yves HERSANT, Directeur d’études, EHESS, Paris.
 
BérengÚre HURAND, Allocataire couplée en philosophie, Uni- versité François-Rabelais, Tours.
FrĂ©dĂ©rique ILDEFONSE, ChargĂ©e de recherche, CNRS (Histoire des doctrines de l’AntiquitĂ© et du haut Moyen Âge), Villejuif.
Nicolas ISRAEL, AttachĂ© temporaire d’enseignement et de re- cherche, UniversitĂ© de Lyon III.
AndrĂ© JACOB, Professeur Ă©mĂ©rite de philosophie, UniversitĂ© de Paris X – Nanterre.
Pierre JACOB, Directeur de recherches au CNRS et directeur de l’Institut Jean Nicod, CNRS.
Tiphaine JAHIER, Doctorante en philosophie.
Vincent JULLIEN, Professeur de philosophie, Université de Bre- tagne occidentale, Brest.
Bruno KARSENTI, Maßtre de conférences en philosophie, Uni- versité de Paris I.
Mathieu KESSLER, MaĂźtre de confĂ©rences en philosophie, IUFM d’OrlĂ©ans-Tours.
Étienne KLEIN, Physicien, CEA.
Mogens LAERKE, Doctorant en philosophie, UniversitĂ© de Pa- ris IV – Sorbonne.
Michel LAMBERT, Assistant, Centre De Wulf Mansion, Université catholique de Louvain.
Fabien LAMOUCHE, Allocataire-moniteur normalien, Université de Rouen.
ValĂ©ry LAURAND, AttachĂ© temporaire d’enseignement et de recherche, UniversitĂ© de Bordeaux III.
Guillaume LE BLANC, MaĂźtre de confĂ©rences en philosophie, UniversitĂ© de Bordeaux III – Michel de Montaigne.
JérÎme LÈBRE, Professeur de philosophie, Lycée Olympe de Gouges, Noisy-le-Sec.
CĂ©line LEFÈVE, AttachĂ©e temporaire d’enseignement et de re- cherche, UniversitĂ© de Bourgogne, Dijon.
Jean LEFRANC, Professeur émérite de philosophie, Université de Paris IV.
GĂ©rard LENCLUD, Directeur de recherches au C.N.R.S., Labora- toire d’anthropologie sociale, Paris.
Jacques LE RIDER, Professeur, EPHE, Paris.
 
Françoise LONGY, Maßtre de conférences en philosophie des
sciences, Université Marc-Bloch, Strasbourg.
Pascal LUDWIG, Maßtre de conférences en philosophie, Univer- sité de Rennes I.
Fosca MARIANI ZINI, Maßtre de conférences en philosophie, Université de Lille III.
Claire MARIN, AttachĂ©e temporaire d’enseignement et de re- cherche, UniversitĂ© de Nice.
Eric MARQUER, AttachĂ© temporaire d’enseignement et de re- cherche, ENS-LSH, Lyon.
Olivier MARTIN, Maßtre de conférences en sociologie, Univer- sité de Paris V.
Marianne MASSIN, Professeur de philosophie, ENSAAMA, Paris.
Florence de MÈREDIEU, MaĂźtre de confĂ©rences, UFR Arts plas- tiques et sciences de l’art, UniversitĂ© de Paris I.
Marina MESTRE ZARAGOZA, AttachĂ©e temporaire d’enseignement et de recherche, Institut d’études IbĂ©riques, UniversitĂ© de Paris IV.
Christian MICHEL, Prag en philosophie, UniversitĂ© d’Amiens.
Marie-José MONDZAIN, Directeur de recherches, CNRS (Com- munication et politique).
Jean-Maurice MONNOYER, Maßtre de conférences en philoso- phie, Université Pierre Mendés-France, Grenoble.
Michel MORANGE, Professeur de biologie, ENS (Ulm), Paris VI.
Pierre-François MOREAU, Professeur de philosophie, ENS – LSH, Lyon.
Jacques MORIZOT, Professeur, DĂ©partement d’arts plastiques, UniversitĂ© de Paris VIII.
Jean-Marc MOUILLIE, Prag en philosophie, Faculté de Méde- cine, Angers.
Gilles MOUTOT, AttachĂ© temporaire d’enseignement et de re- cherche, UniversitĂ© de Montpellier III – Paul-ValĂ©ry.
Michel NARCY, Directeur de recherche, CNRS (Histoire des doctrines de la fin de l’AntiquitĂ© et du Haut Moyen Âge), Villejuif.
Sophie NORDMANN, Allocataire-moniteur normalien, Université de Paris IV.
 
Michel ONFRAY, Philosophe.
Jean-Paul PACCIONI, Professeur de philosophie, Lycée Jean Monnet, Franconville, lycée Hoche, Versailles.
Élizabeth PACHERIE, ChargĂ©e de recherche au CNRS, Paris.
Marc PARMENTIER, Maßtre de conférences en philosophie, Uni- versité de Lille.
Charlotte de PARSEVAL, Titulaire d’un DEA de philosophie mo- rale et politique.
Marie-FrĂ©dĂ©rique PELLEGRIN, MaĂźtre de confĂ©rences, UniversitĂ© de Lyon III – Jean Moulin.
Isabelle PESCHARD, Doctorante en philosophie des sciences, École doctorale de l’École Polytechnique, Paris.
Alain PEYRAUBE, Directeur de recherche, CNRS, EHESS, Paris.
Emmanuel PICAVET, Maßtre de conférences en philosophie, Université de Paris I. downloadModeText.vue.download 12 sur 1137
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Marie-Dominique POPELARD, Professeur de logique et philoso- phie de la communication, Université de Paris III.
MichÚle PORTE, Psychanalyste, professeur des Universités, Université de Bretagne occidentale, Brest.
Roger POUIVET, Professeur de philosophie, Université de Nancy II.
Julie POULAIN, Professeur de philosophie, Lycée Louise-Michel, Gisors.
Dominique POULOT, Professeur, École du Louvre, Paris.
Jean-Jacques RASSIAL, Psychanalyste, professeur, Paris, Aix- Marseille, Sao Paulo.
Paul RATEAU, Ancien Ă©lĂšve ENS Fontenay.
GĂ©rard RAULET, Professeur de philosophie, ENS-LSH, Lyon.
Olivier REMAUD, Chercheur, Fondation Alexander von Hum- boldt, centre Marc-Bloch, Berlin.
 
Emmanuel RENAULT, MaĂźtre de confĂ©rences en philosophie, ENS – LSH, Lyon.
Julie REYNAUD, ChargĂ©e de cours d’esthĂ©tique en Arts plas- tiques, UniversitĂ© de Montpellier III.
Elsa RIMBOUX, Professeur de philosophie, Lycée Roumanille,
Nyons.
Rainer ROCHLITZ, chercheur, CNRS, EHESS, Paris.
Christophe ROGUE, Professeur de philosophie, Lycée Per- seigne, Mamers.
Georges ROQUE, Directeur de recherches, CNRS (CRAL), EHESS, Paris.
François ROUSSEL, Professeur de philosophie en classes prépa- ratoires, Lycée Carnot, Paris.
Pierre SABY, MaĂźtre de confĂ©rences en musicologie, UniversitĂ© de Lyon II – LumiĂšre.
Baldine SAINT-GIRONS, Maßtre de conférences en philosophie, Université de Paris X.
Anne SAUVAGNARGUES, Prag, ENS-LSH, Lyon.
Jean-Marie SCHAEFFER, Directeur de recherches, directeur du CRAL, CNRS, EHESS, Paris.
Alexander SCHNELL, Maßtre de conférences, Université de Poitiers.
François-David SEBBAH, Prag, Université de technologie de CompiÚgne.
Jean SEIDENGART, Professeur de philosophie, histoire des sciences et épistémologie, Université de Reims.
Michel SENELLART, Professeur, ENS-LSH, Lyon.
Daniel SERCEAU, Professeur, Université de Paris I.
Pascal SÉVERAC, ATER, UniversitĂ© de Paris I – PanthĂ©on-Sorbonne.
Philippe SIMAY, Professeur de philosophie en Ă©cole d’architecture.
Suzanne SIMHA, Professeur de philosophie en premiÚre supé- rieure, Lycée Cézanne, Aix-en-Provence.
AndrĂ© SIMHA, Inspecteur d’acadĂ©mie – Inspecteur pĂ©dago- gique rĂ©gional de philosophie (acadĂ©mie d’Aix-Marseille).
Hourya SINACEUR, Directeur de recherche, CNRS, Paris.
 
Rabat, Maroc.
Léna SOLER, Maßtre de conférences en philosophie, IUFM, Nancy.
Jean-Luc SOLÈRE, ChargĂ© de recherche, CNRS (centre d’étude des religions du Livre), Villejuif, ; chargĂ© de cours, UniversitĂ© libre de Bruxelles, UniversitĂ© catholique de Louvain.
Sylvie SOLÈRE-QUEVAL, MaĂźtre de confĂ©rences en philosophie de l’éducation, UniversitĂ© de Lille III.
Gérard SONDAG, Maßtre de conférences en philosophie, Uni- versité Blaise Pascal, Clermont-Ferrand.
François SOULAGES, Professeur de philosophie, DĂ©partement d’arts plastiques, UniversitĂ© de Paris VIII.
Jacques SOULILLOU, Chargé de mission, MinistÚre des Affaires étrangÚres.
Wiktor STOCZKOWSKI, Maßtre de conférence, EHESS, Paris.
Ariel SUHAMY, Professeur de philosophie, CNED.
Jean TERREL, Professeur des UniversitĂ©s, professeur Ă  l’UFR
de philosophie, UniversitĂ© de Bordeaux III – Michel de
Montaigne.
Christelle THOMAS, Élùve, ENS-LSH, Lyon.
Jean-Marie THOMASSEAU, Professeur, DĂ©partement d’études
théùtrales, Paris VIII.
Paris XII.
Bischeim.
Toulouse II – Le Mirail.
Grenoble II.
 
IUFM, Grenoble.
Gérard WORMSER, Chargé de mission, ENS-LSH, Lyon ; maßtre de conférences, IEP, Paris.
Carole WRONA, Chargée de cours, Université de Paris III.
Jean-Claude ZANCARINI, Maßtre de conférences en philosophie, ENS-FCL, Lyon. downloadModeText.vue.download 13 sur 1137 downloadModeText.vue.download 14 sur 1137 downloadModeText.vue.download 15 sur 1137
A
ABDUCTION Du latin abducere, « tirer », et de l’anglais abduction.
PHILOS. CONN., LOGIQUE
Terme introduit par C. S. Peirce pour désigner le pro- cessus de formation des hypothÚses.
Peirce 1 appelle « abduction » un processus crĂ©atif de forma- tion des hypothĂšses, par des raisonnements du type : le fait surprenant C est observĂ© ; mais si A Ă©tait vrai, C irait de soi ; il y a donc des raisons de soupçonner que A est vrai. L’abduction se distingue de la dĂ©duction et de l’induction quantitative, qui gĂ©nĂ©ralise Ă  partir du particulier, mais elle est proche de l’induction qualitative, qui comporte un Ă©lĂ©- ment de « devinette » (guessing). C’est une infĂ©rence « amplia- tive », qui augmente notre connaissance, une des espĂšces de l’épagĂŽgĂš aristotĂ©licienne. InfĂ©rence logique, l’abduction est aussi liĂ©e Ă  l’instinct : elle permet de deviner, et de deviner juste. Introduisant Ă  des idĂ©es nouvelles, elle a valeur expli- cative, d’oĂč son importance, aux cĂŽtĂ©s de la dĂ©duction et de l’induction auto-correctrice, dans l’économie (rĂ©aliste) de la recherche et de la connaissance, qui reste fonciĂšrement conjecturale et faillible.
! En philosophie des sciences, Popper 2 a repris la notion
d’abduction comme Ă©lĂ©ment essentiel de la logique de la dĂ©couverte scientifique. On la dĂ©signe souvent sous le nom
d’ « infĂ©rence Ă  la meilleure explication ». Ce type de raison- nement a Ă©tĂ© particuliĂšrement Ă©tudiĂ© en Intelligence artifi- cielle, oĂč il sert en particulier aux mĂ©thodes d’infĂ©rences Ă  partir de diagnostics.
Claudine Tiercelin
! 1 Peirce, C. S., Collected Paper, (8 vol.), Harvard University Press, 1931-1958.
2 Popper, K., Conjectures et réfutations, trad. Complexe, 1986.
 
Voir-aussi : Charniak, E., et McDermott, D., Artificial Intelli- gence, Addison Wesley, New York, 1985.
! CONFIRMATION (THÉORIE DE LA), CONJECTURE, HYPOTHÈSE, INDUCTION
ABRÉACTION
D’aprĂšs l’allemand Abreagieren, nĂ©ologisme crĂ©Ă© par Freud et Breuer (1892), composĂ© de reagieren, « rĂ©agir », et de ab- marquant la diminu- tion, la suppression.
PSYCHANALYSE
RĂ©action Ă©motionnelle par laquelle l’affect liĂ© au sou- venir d’un Ă©vĂ©nement traumatique est exprimĂ© et liquidĂ©.
Si cette réaction (rage, cris, pleurs, plaintes, récit...) est répri-
mĂ©e, les affects sont « coincĂ©s » (eingeklemmt) 1, et les reprĂ©- sentations qui leur sont liĂ©es, interdites d’oubli. Elles risquent alors de devenir pathogĂšnes (trauma).
Si l’abrĂ©action thĂ©rapeutique des affects est le but pour- suivi par la mĂ©thode dite cathartique, la cure analytique lui accorde un rĂŽle moindre, privilĂ©giant l’élaboration par le lan- gage, dans lequel « l’ĂȘtre humain trouve un Ă©quivalent de l’acte », et grĂące auquel « l’affect peut ĂȘtre abrĂ©agi Ă  peu prĂšs
de la mĂȘme façon » 2.
Christian Michel
! 1 Freud, S., Über den psychischen Mechanismus hysterischer PhĂ€nomene, 1892, G.W. I ; le MĂ©canisme psychique des phĂ©- nomĂšnes hystĂ©riques, in Études sur l’hystĂ©rie, PUF, Paris, p. 12.
2 Ibid., pp. 5-6.
ABSOLU
Du latin absolutus, de absolvere « dĂ©tacher, dĂ©lier » et « venir Ă  bout de quelque chose, mener quelque chose Ă  son terme, parfaire ». Le terme absolutus signifie une relation, quand bien mĂȘme cette relation serait nĂ©gation de la relation.
 
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c’est-Ă -dire l’union des hommes en un tout, ayant un droit souverain collectif sur tout ce qui est en son pouvoir. La souverainetĂ© absolue n’est pas, par consĂ©quent, intrinsĂšquement monarchique.
GÉNÉR.
Ce qui se soustrait Ă  tout rapport, Ă  toute limitation.
C’est l’inconditionnĂ©.
L’absolu est l’indĂ©terminĂ©
Étant nĂ©gation de tout rapport, l’absolu Ă©chappe Ă  toute dĂ©termination particuliĂšre et, par consĂ©quent, Ă  toute dĂ©fi- nition. Pour ces raisons il est nĂ©cessairement unique et se
soustrait au discours, à tous les noms – y compris divins –
par lesquels on voudrait le saisir. Le discours sur l’absolu
s’épuise dans une sĂ©rie indĂ©finie de nĂ©gations, le dĂ©signant
comme l’indĂ©terminĂ©, l’incomposĂ©, l’informe ou l’absolument
inconnaissable.
s’épuise, comme le montre Hegel, dans la contradiction de
son propre objet, puisque force est d’admettre que l’absolu, en lui-mĂȘme, n’est rien, rien de ce qui est. L’ĂȘtre absolument indĂ©terminĂ© est pur nĂ©ant 1.
L’absolu est l’ĂȘtre en tant que tel
La dĂ©termination nĂ©gative et aporĂ©tique de l’absolu oblige Ă  en chercher une dĂ©termination positive. L’attribution de l’adjectif « absolu », dans le latin mĂ©diĂ©val, est double. Il concerne soit une forme ou une propriĂ©tĂ© quelconque, soit l’ĂȘtre comme tel.
Lorsque l’absoluitĂ© concerne l’ĂȘtre et en accompagne les dĂ©terminations, elle caractĂ©rise positivement le divin. Ainsi, « l’ĂȘtre dit tout simplement et absolument s’entend du seul
 
l’absolument Ă©tant, mais, toujours, il se constitue moyennant une opposition Ă  un terme moins essentiel ou secondaire. Il
se trouve, donc, inscrit dans une relation Ă  un autre, dans une relation Ă  son autre.
L’absolu est sujet
La prĂ©servation de l’absoluitĂ©, au sein de cette opposition, n’est possible que si la relation Ă  l’autre est intĂ©grĂ©e dans cette absoluitĂ©. L’absolu est absolument lui-mĂȘme, lorsque
la relation Ă  l’autre est comprise dans le mĂȘme et se trouve,
alors, surmontĂ©e. Seule la structure du « sujet », au sens mo- derne, c’est-Ă -dire du « soi » de la conscience de soi actualise cette relation Ă  l’autre, cette nĂ©gation radicale.
L’esprit, le concept, conformĂ©ment Ă  sa dĂ©termination hĂ©gĂ©lienne, est prĂ©cisĂ©ment ce qui fait abstraction de tout ce qui lui est extĂ©rieur et de sa propre extĂ©rioritĂ©, c’est-Ă - dire de son individualitĂ© immĂ©diates 3. Il supporte la nĂ©gation de cette derniĂšre. Cette absolue nĂ©gativitĂ© du concept est ce par quoi la libertĂ© et, par consĂ©quent, le soi se dĂ©finissent. La nĂ©gativitĂ© est alors sans restriction et telle que le concept n’a rien hors de soi. Sa nĂ©gativitĂ© s’identifie Ă  son identitĂ© autarcique Ă  soi-mĂȘme, de telle sorte que l’absolu est, au sens hĂ©gĂ©lien, esprit. L’interprĂ©tation de l’absoluitĂ© comme l’abso-
lument Ă©tant s’inflĂ©chit vers le soi, qui est absolu, parce qu’il
a converti toute relation à l’autre en relation à soi.
! L’absolu n’est donc pas un concept vide ou contradictoire, comme sa dĂ©termination nĂ©gative au titre de l’absolument indĂ©terminĂ© le suggĂšre. Il consiste en un processus de nĂ©ga-
tion infini, qui porte en lui-mĂȘme tout ce qui lui est autre, le
fini, le dĂ©terminĂ©, le diffĂ©renciĂ©. Ainsi, l’absolu n’a de rapport Ă  lui-mĂȘme que comme totalitĂ© des dĂ©terminations possibles
qu’il pose, nie et reprend en lui.
Caroline Guibet Lafaye ! 1 Hegel, G. W. Fr., Science de la logique, t. 1, livre 1, « L’ĂȘtre », Aubier, Paris, 1976, p. 58.
2 Thomas d’Aquin, Quaestiones disputatae de veritate, Vrin,
Paris, 1983, 2, 3.
3 Hegel, G. W. Fr., Encyclopédie des sciences philosophiques,
t. III, Philosophie de l’esprit, § 382, Vrin, Paris, 1988, p. 178.
Voir-aussi : Aristote, MĂ©taphysique, Vrin, Paris, 1991.
 
Hegel, G. W. Fr., Science de la logique, trad. P.-J. LabarriĂšre et G. Jarczyk, Aubier, Paris, 1976, 1978, 1981.
Heidegger, M., Chemins qui ne mĂšnent nulle part, « Hegel et son concept d’expĂ©rience », Gallimard, « Tel », Paris, 1962.
Kant, E., Critique de la raison pure, trad. A. Renaut, Aubier, Paris, 1997.
Schelling, Fr. W. J., le SystĂšme de l’idĂ©alisme transcendantal, Louvain, Peeters, 1978.
! DIEU
ABSTRACTION
Du latin abstractio, « action d’extraire, d’isoler et son rĂ©sultat ».
Dans le contexte de la reprise mĂ©diĂ©vale d’Aristote, l’aphairesis se trouve
hissĂ©e Ă  la valeur d’une vĂ©ritable catĂ©gorie philosophique qui permet en
particulier de mieux articuler, dans le jugement, individualité et univer-
salitĂ©. La critique de l’abstraction est faite par l’idĂ©alisme allemand, bien
aprĂšs la rĂ©volution galilĂ©enne qui en fait un critĂšre d’établissement des
lois. Hegel oppose l’abstrait à l’effectif en des termes qui marquent dura-
blement l’ensemble des doctrines philosophiques nĂ©es sur les dĂ©bris de
l’idĂ©alisme absolu – marxisme compris.
PHILOS. ANTIQUE
OpĂ©ration de l’esprit qui consiste Ă  sĂ©parer d’une re-
prĂ©sentation ou d’une notion un Ă©lĂ©ment (propriĂ©tĂ© ou re-
lation) que la représentation ne permet pas de considérer
à part ; résultat de cette opération.
La notion d’abstraction a Ă©tĂ© Ă©laborĂ©e une fois pour toutes
par Aristote. Dans le TraitĂ© de l’ñme, il explique comment,
par une opĂ©ration d’abstraction, l’esprit passe de la reprĂ©-
sentation d’un nez camus Ă  la pensĂ©e de la concavitĂ©, qualitĂ©
 
toniciennes 2, la notion d’abstraction joue un rĂŽle important dans sa propre doctrine. De mĂȘme que la quantitĂ©, tout ce qui entre sous les catĂ©gories autres que celle de substance (qualitĂ©s, relations, etc.) est pensĂ© par abstraction. C’est aussi par abstraction que chaque science dĂ©limite son objet propre, Ă  commencer par la science de l’ĂȘtre en tant qu’ĂȘtre ou phi-
losophie premiĂšre 3. downloadModeText.vue.download 17 sur 1137
GRAND DICTIONNAIRE DE LA PHILOSOPHIE
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! La querelle des universaux (genre, espĂšce, diffĂ©rence, propre et accident sont-ils de simples abstractions, comme le penseront les nominalistes, ou, Ă  titre de « causes » des ĂȘtres individuels, ont-ils une existence propre ?) est un cas particu- lier d’une controverse plus gĂ©nĂ©rale sur les idĂ©es abstraites, qui traverse toute l’histoire de la philosophie.
Annie Hourcade
! 1 Aristote, TraitĂ© de l’ñme, III, 7, 431 b 12-17 ; MĂ©taphysique, XI, 3, 1061 a 28-b3 ; Physique, II, 2, 193 b 22-194 a 12.
2 Aristote, MĂ©taphysique, XIII, 1, 1076 a 18-19.
3 Ibid., XI, 3, 1061 b 3-5 ; IV, 1, 1003 a 21-26.
! CONCEPT, EIDOS, FORME, IDÉE, MATIÈRE, UNIVERSAUX
PHILOS. MODERNE
AprĂšs le XVIIIe s., les termes « abstrait » et « abstrac- tion » prennent un sens en partie pĂ©joratif, dans des philo- sophies qui mettent l’accent sur la totalitĂ©, le devenir ou la vie.
Chez Hegel, le moment de l’abstraction reprĂ©sente l’étape de l’entendement dans le devenir de l’Esprit. L’attitude phi- losophique qui lui correspond dans la PhĂ©nomĂ©nologie est le dogmatisme. À la reproduction du rĂ©el sous la forme du « concret pensĂ© » par la « mĂ©thode qui consiste Ă  s’élever de l’abstrait au concret », Marx oppose « le procĂšs de la genĂšse du concret lui-mĂȘme » ; les catĂ©gories ne peuvent exister autre- ment « que sous forme de relation unilatĂ©rale et abstraite d’un
tout concret, vivant, dĂ©jĂ  donnĂ© » 1. Pour Bergson, l’abstraction arrache les idĂ©es Ă  leur Ă©tat naturel pour les dissocier en les faisant pĂ©nĂ©trer dans le cadre du langage. « Cette dissociation des Ă©lĂ©ments constitutifs de l’idĂ©e, qui aboutit Ă  l’abstraction, est trop commode pour que nous nous en passions dans la
 
! Dans de telles problĂ©matiques, au moins dans leur forme originelle, il s’agit moins de discrĂ©diter l’abstraction que d’en indiquer les limites ou les conditions de validitĂ©.
Pierre-François Moreau
! 1 Marx, K., Introduction Ă  la Critique de l’économie politique.
2 Bergson, H., Essai sur les données immédiates de la conscience,
ch. II.
dissociation, séparation, ou réunion des éléments com- muns à plusieurs instances.
L’abstraction dĂ©signe Ă  la fois la procĂ©dure cognitive qui ex- trait un trait commun de propriĂ©tĂ©s particuliĂšres et le produit de cette procĂ©dure, l’idĂ©e abstraite. En ce sens, le problĂšme de l’abstraction est le mĂȘme que celui des universaux, et peut recevoir trois grands types de solutions : le rĂ©alisme platoni- cien, qui sĂ©pare les abstraits de leurs instances ; le concep- tualisme rĂ©aliste aristotĂ©licien et thomiste, selon lequel les abstraits sont dans l’esprit et dans les choses (abstrahentium non est mendacium : abstraire ce n’est pas mentir) ; et le nominalisme, qui refuse d’hypostasier les idĂ©es abstraites et les rĂ©duit Ă  des signes.
! La querelle des idĂ©es abstraites, qui opposa Berkeley 1 Ă  Locke 2, traverse toute l’histoire de la philosophie. Elle est
particuliÚrement vive en philosophie des mathématiques, et
a ressurgi Ă  la fin du XIXe s. avec l’idĂ©e de dĂ©finition des
nombres par abstraction chez Dedekind 3 et Russell 4, et dans les systĂšmes de construction du monde Ă  partir du sensible chez Carnap et Goodman.
Claudine Tiercelin
! 1 Berkeley, G., Principes de la connaissance humaine, Flam- marion, Paris, 1991.
2 Locke, J., Essai sur l’entendement humain, trad. Coste, Vrin, Paris, 1970.
3 Dedekind, R., Was sind und was sollen die Zahlen ? trad. Ana- lytica 12-13, Bibliothùque d’Ornicar, 1979.
4 Russell, B., et Whitehead, A. N., Principia Mathematica, Cam- bridge, 1910.
Voir-aussi : Laporte, R., le Problùme de l’abstraction, Alcan, Paris, 1946.
 
LOGIQUE, PHILOS. SCIENCES
Opération (ou produit de cette opération) consistant
Ă  sĂ©lectionner une propriĂ©tĂ© sur un objet ou sur un en- semble d’objets, pour la considĂ©rer isolĂ©ment.
Dans les sciences en gĂ©nĂ©ral, l’abstraction remplit deux fonc- tions principales : elle isole certaines propriĂ©tĂ©s dans les ob- jets pour en simplifier l’étude ; et elle permet de gĂ©nĂ©raliser certaines propriĂ©tĂ©s Ă  des ensembles d’objets Ă©quivalents.
C’est notamment en logique (Ă  distinguer des analyses psychologiques) que le procĂ©dĂ© d’abstraction fut Ă©tudiĂ©. Les travaux de Frege, Dedekind, Cantor, Peano et Russell per- mirent d’en proposer une formalisation rigoureuse. Suivis par Whitehead et Carnap, ces auteurs cherchĂšrent les rĂšgles
strictes permettant de regrouper en classes (ou en concepts, ensembles, etc., en fonction du contexte) des éléments parta-
geant une certaine propriĂ©tĂ©. Cette propriĂ©tĂ© est alors appe- lĂ©e une « abstraite ». C’est ainsi « par abstraction » que Russell dĂ©finit le concept de « nombre » (selon lequel « le nombre d’une classe est la classe de toutes les classes semblables Ă 
une classe donnĂ©e »1), puis les concepts d’ordre, de grandeur,
d’espace, de temps et de mouvement.
Comme le résume J. Vuillemin 2, la « définition par abstrac- tion » chez Russell, inspirée de Frege et Peano, se déroule en
quatre moments : 1) on se donne un ensemble d’élĂ©ments ;
2) on dĂ©finit sur cet ensemble une « relation d’équivalence » (relation rĂ©flexive, transitive et symĂ©trique) ; 3) cette relation partitionne l’ensemble donnĂ© en « classes d’équivalence » ; 4) « l’abstrait » est alors une propriĂ©tĂ© commune Ă  tous les Ă©lĂ©ments de l’une de ces classes d’équivalence. L’originalitĂ© de Russell consiste Ă  ajouter un cinquiĂšme moment, le « prin- cipe » d’abstraction proprement dit, qui sert Ă  garantir l’« uni- citĂ© » de la propriĂ©tĂ© obtenue.
Ces recherches mĂ©tamathĂ©matiques sur l’abstraction obĂ©issaient, chez Russell, Ă  un projet philosophique : montrer que les mathĂ©matiques sont fondĂ©es sur la logique.
AprĂšs les dĂ©sillusions sur ces tentatives logicistes, l’abs- traction fut mobilisĂ©e Ă  nouveau frais par A. Church, en 1932, pour fonder les mathĂ©matiques sur le concept de « fonction » (envisagĂ©, cette fois, d’un point de vue « intensionnel », et non plus « extensionnel »). C’est dans cette perspective qu’est
né le « lambda-calcul » 3, qui formalise les rÚgles permettant
 
16
d’« abstraire » les fonctions, au moyen de l’opĂ©rateur lambda ("), Ă  partir des expressions servant Ă  les expliciter.
LĂ  encore, l’entreprise fondationnelle a Ă©chouĂ©. Mais cette thĂ©orie s’est rĂ©vĂ©lĂ©e trĂšs fĂ©conde d’un point de vue opĂ©ra- toire. Elle a, en effet, pour but de considĂ©rer et de travailler sur les fonctions « en elles-mĂȘmes », comme pures « rĂšgles » (et non comme « graphes »), indĂ©pendamment des valeurs qu’elles prennent pour chaque argument. On peut ainsi Ă©tudier directement les propriĂ©tĂ©s les plus gĂ©nĂ©rales de ces fonctions, notamment leur calculabilitĂ©. L’abstraction devient
ainsi un véritable outil mathématique, et non plus seulement métamathématique.
L’abstraction a, en outre, Ă©tĂ© Ă©tudiĂ©e d’un point de vue psychologique. AmorcĂ©e dĂšs l’ñge classique, principalement par les empiristes, cette Ă©tude a Ă©tĂ© profondĂ©ment renouvelĂ©e par J. Piaget, qui en a examinĂ© le fonctionnement selon des mĂ©thodes proprement expĂ©rimentales, et non plus seulement d’un point de vue introspectif ou spĂ©culatif 4. L’abstraction « rĂ©flĂ©chissante » (c’est-Ă -dire « seconde », par diffĂ©rence avec l’abstraction « empirique », qui porte sur les classes d’objets, et non sur les opĂ©rations exercĂ©es sur ces objets) naĂźt, selon Piaget, dans la prise de conscience par l’enfant de la coordi-
nation de ses gestes. Cela fournit, selon lui, la base psycholo-
gique de l’abstraction formelle.
! Les procĂ©dures abstractives reprĂ©sentent aujourd’hui un
domaine florissant de recherche en informatique, en ma-
thématiques et en sciences cognitives, car elles permettent
de gagner en généralité et en constructivité dans toutes les
études portant sur les propriétés communes à des ensembles
d’objets. L’abstraction est Ă©galement travaillĂ©e actuellement en « logique floue ».
Alexis Bienvenu ! 1 Russell, B., The Principles of Mathematics (1903), Routle- dge, Londres, 1992, § 111, p. 115.
2 Vuillemin, J., la Logique et le Monde sensible, Ă©tudes sur les thĂ©ories contemporaines de l’abstraction, Flammarion, Paris,
1971, p. 31.
 
Church, A., The Calculi of Lambda Conversion, Princeton Uni- versity Press, 2e Ă©d. 1951.
4 Piaget, J. (dir.), Recherches sur l’abstraction rĂ©flĂ©chissante, PUF, Paris, 1977.
Voir-aussi : Barendregt, H. P., The Lambda Calculus, North Hol- land P. C., Amsterdam, Ă©d. rev. 1984.
Frege, G., les Fondements de l’arithmĂ©tique, recherche logico- mathĂ©matique sur le concept de nombre (1884), trad. C. Imbert,
Seuil, Paris, 1970.
Geach, P., Mental Acts. Their Content and Their Objects, Routle- dge and Kegan Paul, Londres, 1957.
! ABSTRAIT, CALCUL, CONCEPT, EXTENSION, FONCTION, RÉCURSIVITÉ
ESTHÉTIQUE
Conception de l’art qui trouve sa justification en dehors de toute rĂ©fĂ©rence Ă  la rĂ©alitĂ© sensible et met dĂ©libĂ©rĂ©- ment l’accent sur les composantes plastiques. REM. Le terme s’est conservĂ© en dĂ©pit des rĂ©sonances nĂ©gatives dĂ©plorĂ©es par les premiers dĂ©fenseurs de l’abstraction ; au- cun des termes alternatifs proposĂ©s (art concret, art rĂ©el,
etc.) n’a prĂ©valu.
Toute oeuvre d’art est une abstraction : des analystes rigou- reux ont prĂ©tendu Ă  juste titre que chaque reprĂ©sentation procĂ©dait d’une abstraction – stricte dĂ©finition de l’opĂ©ration mentale grĂące Ă  laquelle l’artiste opĂšre des choix en fonction
de ses intentions et de la nature de son art spĂ©cifique 1. Ainsi, le dessinateur se distingue du cordonnier prĂ©cisĂ©ment parce qu’il ne fabrique pas une chaussure, mais nous en donne Ă  voir certains aspects, jamais tous. Ceux qui raisonnent ainsi voient dans l’abstraction une condition gĂ©nĂ©rale de toute acti- vitĂ© artistique, et ils prĂ©conisent l’usage de la locution « art non figuratif » pour dĂ©signer les rĂ©alisations qui renoncent volontairement Ă  tisser des liens de ressemblance entre les
formes crĂ©Ă©es et celles du monde extĂ©rieur, telles qu’elles sont perçues par l’intermĂ©diaire de nos sens. Cette distinction
demeure valide, du point de vue philosophique, mais l’usage
courant a retenu le terme abstraction pour qualifier des réa-
lisations qui rompent dĂ©libĂ©rĂ©ment avec l’antique nĂ©cessitĂ©
d’un recours à la mimùsis. Ainsi comprise, la notion d’art abs-
trait n’a de sens que dans un contexte oĂč la reprĂ©sentation,
aussi dĂ©formĂ©e ou allusive qu’elle puisse paraĂźtre, semblait
 
s’imposer comme une nĂ©cessitĂ© absolue. C’est pourquoi elle
apparut et se développa au sein des arts plastiques, voués à
l’imitation, une imitation considĂ©rĂ©e sinon comme but ultime,
du moins comme un moyen indispensable.
Tournant historique
Dans cette perspective, l’abstraction – ou non-figuration –
constitue une rupture majeure, et les dĂ©bats auxquels elle donna lieu attestent de la violence du sĂ©isme qu’elle provo-
qua. L’une des interrogations rĂ©currentes qui furent posĂ©es Ă 
son sujet concernait son rapport avec l’art ornemental, plai-
sant Ă  l’oeil mais dĂ©pourvu de plus hautes ambitions 2. Pour
contrecarrer ces attaques, les premiers crĂ©ateurs de l’art abs-
trait ont souvent développé dans leurs écrits des thÚses qui
tendaient Ă  accrĂ©diter l’importance du contenu spirituel dont leurs oeuvres seraient la manifestation visible 3. C’est Ă©gale-
ment ainsi que fut abandonnĂ©e la rĂ©fĂ©rence Ă  l’ut pictura
poesis au profit d’un nouveau paradigme, l’ut pictura musica.
La musique recourt rarement à l’imitation et elle n’en a aucun
besoin pour proposer des compositions qui ne relĂšvent nul-
lement des seuls arts d’agrĂ©ment.
Ainsi, au-delĂ  de l’apparente rupture introduite au sein des arts visuels, l’idĂ©e d’une fondamentale continuitĂ© dans
le dĂ©veloppement des arts tendait Ă  s’imposait. L’art abstrait poursuivait les ambitions de toujours, celles que Hegel, par exemple, avait mises au jour. Pour la vision tĂ©lĂ©ologique aimantĂ©e par la foi dans le progrĂšs, l’abstraction constituait
une Ă©tape dĂ©cisive. Se privant volontairement de l’assujet- tissement aux apparences du monde, l’art abstrait gagnait une libertĂ©, une indĂ©pendance, qui lui permettait d’atteindre
plus sĂ»rement Ă  des vĂ©ritĂ©s rĂ©putĂ©es d’autant plus substan-
tielles qu’elles ne ressortissent pas de l’ordre du visible trivial.
 
tiques rĂ©flexives : l’art, loin de nous entretenir du monde, peut procĂ©der Ă  un retour analytique sur soi qui ouvre sur une ontologie.
En dĂ©pit de ces perspectives stimulantes, la critique de l’abstraction est demeurĂ©e vive jusqu’aux annĂ©es 1960. On
accusait celle-ci de confondre liberté et vacuité ou autonomie
et autisme. Il lui Ă©tait aussi reprochĂ© de proposer en guise de crĂ©ation un quelconque maniĂ©risme formel, menacĂ© d’aca- dĂ©misation rapide. Beaucoup s’accordaient aussi Ă  lui faire
grief de n’exiger aucune compĂ©tence artistique spĂ©cifique, downloadModeText.vue.download 19 sur 1137
GRAND DICTIONNAIRE DE LA PHILOSOPHIE
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de contribuer ainsi à la perte du métier et des repÚres axiolo- giques qui lui sont attachés.
MalgrĂ© ces attaques, l’abstraction s’est imposĂ©e. Elle doit son succĂšs Ă  sa vitalitĂ©, attestĂ©e par une grande diversification des pratiques, des styles ou des maniĂšres et des intentions ex- plicites qui la suscitent. Elle le doit aussi au fait qu’elle a, plus ou moins durablement, Ă©tendu son empire. AprĂšs la peinture, initiatrice en ce domaine, puis la sculpture, le cinĂ©ma ou la photographie ont connu des rĂ©alisations non figuratives.
! L’abstraction n’a jamais Ă©liminĂ© l’art figuratif, elle a plutĂŽt
contribué à le rendre plus exigeant. Elle a par ailleurs abouti
Ă  une extension du domaine des arts plastiques oĂč se croisent
aujourd’hui maintes techniques qui ne sont pas issues de la
tradition des beaux-arts, telles la vidéo ou la photographie
plasticienne, qui contribuent à une floraison d’images – de
nouvelles sortes d’images mais aussi des reprĂ©sentations que
l’abstraction congĂ©diait.
Denys Riout
! 1 KojĂšve, A., « Pourquoi concret » (1936, inĂ©dit jusqu’en 1966), in Kandinsky, W., Écrits complets, t. II, la Forme, DenoĂ«l- Gonthier, Paris, 1970.
2 Connivence dĂ©noncĂ©e par les cubistes, notamment Kahnweiler et Picasso, et rĂ©Ă©laborĂ©e dans les annĂ©es 1960 par les dĂ©trac- teurs de l’expressionnisme abstrait.
3 En particulier chez Kandinsky, Mondrian, Kupka, Malevitch, etc.
 
Voir-aussi : The Spiritual in Art : Abstract Painting 1890-1985, catalogue de l’exposition Ă©ponyme, Los Angeles County Mu- seum of Art, Abbeville Press, New York, 1986.
Mozynska, A., l’Art abstrait, 4 vol., Macght, Paris, 1971-1974.
Schapiro, M., l’Art abstrait (art. 1937-1960), trad. Éditions CarrĂ©, Paris, 1996.
! CONTENU, FORMALISME
GÉNÉR.
Ce qui est sans rapport direct avec l’expĂ©rience quotidienne.
Les idĂ©es abstraites sont, dans une perspective empiriste, celles qui s’obtiennent en sĂ©parant certaines propriĂ©tĂ©s de la chose Ă  laquelle elles sont liĂ©es dans l’expĂ©rience. Il est alors possible de les envisager pour elles-mĂȘmes et de considĂ©- rer qu’elles sont communes Ă  plusieurs objets. L’abstraction dĂ©bouche donc sur la gĂ©nĂ©ralisation 1.
AndrĂ© Charrak ! 1 Locke, Essai philosophique concernant l’entendement hu- main, liv. II, chap. XI, § 9, trad. Coste, Vrin, Paris, 1994, p. 113. ! ABSTRACTION, EMPIRISME, GÉNÉRALISATION
ABSURDE
D’abord conçu nĂ©gativement comme rĂ©vĂ©lant la vĂ©ritĂ© par contraste,
dĂ©faut et opposition, l’absurde se fait compagnon de la libertĂ©, dans le
sillage des philosophies de l’existence. D’une problĂ©matique d’entende-
ment, on passe insensiblement Ă  une perspective Ă©thique.
LOGIQUE, MORALE
Ce qui est contraire au sens commun ou qui comporte
une contradiction logique. Par extension, sentiment que le
monde, la vie, l’existence, n’ont pas de sens (XXe s.). Pour Camus, ce sentiment rĂ©sulte de la rencontre entre les cla-
meurs discordantes du monde et notre « désir éperdu de
clarté », entre son silence et notre appel 1. Et, pour Sartre,
 
hasard 2.
Une premiĂšre source du thĂšme est issue de la prĂ©dication protestante de la grĂące, don gratuit de Dieu, qui peut donner le sentiment que nos existences sont superflues, et l’inquiĂ©- tude de savoir ce que nous faisons lĂ , comme le demande Kierkegaard, et d’une certaine maniĂšre Emerson. Une se- conde source apparaĂźt avec l’idĂ©e de Schopenhauer que le vouloir-vivre n’a aucun sens, sinon sa propre prolifĂ©ration aux dĂ©pens de lui-mĂȘme : l’absurde et la contradiction nous conduisent alors au dĂ©tachement, Ă©ventuellement accompa- gnĂ© de compassion. Nietzsche rĂ©agit autrement Ă  ces sen- timents : l’acceptation de l’absurde et de l’insensĂ©, loin du renoncement, peut conduire par la rĂ©volte Ă  une innocence seconde. L’absence de finalitĂ©, la mort de Dieu nous ren-
voient Ă  nous-mĂȘmes, abandonnĂ©s Ă  la responsabilitĂ© de donner nous-mĂȘmes sens et valeur Ă  ce que nous sentons, faisons et disons. C’est ce que fait le hĂ©ros mythique de Ca- mus, et « il faut imaginer Sisyphe heureux ». Si, pour Sartre, le sens n’est pas donnĂ©, c’est qu’il est Ă  construire. Le problĂšme est, alors, que cette augmentation infinie de la responsabilitĂ© peut s’accompagner d’une angoisse infinie, celle de la libertĂ©.
Mais il y a aussi une source littĂ©raire, et l’atrocitĂ© des guerres contemporaines a ravivĂ© le sentiment que le malheur est trop injuste et, plus encore, absurde (Job), et qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil (l’EcclĂ©siaste). Cette veine
biblique du genre sapiential se trouvait chez Shakespeare (« une histoire racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur, et qui ne veut rien dire » 3) et chez Calderon 4, mais
elle prend toute son expansion avec Kafka 5 et le thĂ©Ăątre de l’absurde (Beckett, Ionesco, Sartre, Camus). En revenant au langage ordinaire et Ă  l’humour de l’absurde quotidien, les auteurs jouent sur les hasards des mots et des langues 6, et, comme le dit PrĂ©vert : « Pourquoi comme ci et pas comme
ça ? » Ils jouent sur les conversations oĂč les interlocuteurs ne parlent pas de la mĂȘme chose, ou ne cherchent pas Ă  parler de ce qui leur importe. Ils explorent l’impossibilitĂ© de com- muniquer l’incommunicable ou d’expliquer l’inexplicable.
! La crise de l’absurde n’est pas par hasard contemporaine d’une crise du langage, et de la confiance au langage or- dinaire. La rĂ©ponse Ă  l’angoisse de l’absurde pourrait d’ail- leurs bien se trouver dans cette euphĂ©misation littĂ©raire de l’absurde, maniĂšre d’en rire ou de l’apprivoiser. Le modĂšle en serait alors le jugement esthĂ©tique de Kant, et sa finalitĂ© sans fin : le sentiment que cela a un sens mĂȘme si on ne sait pas lequel. Mais le labyrinthe kafkaĂŻen nous place sans cesse
dans des situations dont le sens nous Ă©chappe et nous me- nace d’autant plus, comme si les rĂ©ponses et les questions ne
correspondaient jamais. Peut-ĂȘtre le sentiment de l’absurde,
 
de jamais pouvoir rencontrer une autre existence, provient-il d’un trop grand dĂ©sir de clartĂ©. Reste alors Ă  multiplier les voyages et les dĂ©placements pour se faire croire que la vie a un sens.
Olivier Abel
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2 Sartre, J.-P., la NausĂ©e, Gallimard, Paris, 1938. L’existentialisme est un humanisme, Gallimard, Paris, 1946.
3 Shakespeare, W., Macbeth (1605).
4 Calderon de la Barca, P., La vie est un songe (1636), Garnier- Flammarion, Paris.
5 Kafka, Fr., le ProcĂšs (1914) ; Journal (1910-1923).
6 Joyce, J., Ulysse (1922).
! COHÉRENCE, EXISTENCE, EXISTENTIALISME, SENS
" RAISONNEMENT PAR L’ABSURDE
LOGIQUE, MATHÉMATIQUES
Depuis Aristote et Euclide, le raisonnement par l’ab- surde (apagogique ou indirect) est d’usage courant en sciences.
PlutĂŽt que de procĂ©der Ă  un impossible examen de tous les corbeaux pour vĂ©rifier la proposition : « Tous les cor- beaux sont noirs », il suffit de s’arrĂȘter au premier corbeau non noir venu. Cette mĂ©thode du contre-exemple Ă©tablit la supĂ©rioritĂ© d’une stratĂ©gie de falsification sur celle directe de vĂ©rification 1.
De mĂȘme, en logique, il est plus aisĂ© de procĂ©der par
l’absurde plutît que de prouver directement une proposition
 
ne peut plus inférer que ce nombre existe. Est requise une construction effective qui exhibe un tel nombre.
La tentative infructueuse du PĂšre Saccheri en 1733 pour dĂ©montrer par l’absurde le postulat euclidien des parallĂšles ouvrit la voie aux gĂ©omĂ©tries non euclidiennes.
Denis Vernant
! 1 Popper, K., la Logique de la dĂ©couverte scientifique, trad. Tyssen-Rutten N. et Devaux P., Payot, Paris, 1984.
2 Gardies, J.-L., le Raisonnement par l’absurde, PUF, Paris, 1991.
! APAGOGIQUE, FALSIFIABILITÉ, INTUITIONNISME, TIERS EXCLU
ACADÉMIE
ESTHÉTIQUE
Institution culturelle, indépendante des universités et des corps de métier, consacrée à la pratique ou à la théorie des activités littéraires, artistiques ou scientifiques.
Inspirées du modÚle antique, les académies se développÚrent
en Europe Ă  partir de la Renaissance, d’abord dans le do- maine des arts libĂ©raux, oĂč elles entraient en concurrence
avec les universitĂ©s et les salons, puis des arts mĂ©caniques, oĂč elles prirent rapidement le pas sur les corporations mĂ©diĂ©- vales. Ainsi, aprĂšs les acadĂ©mies encyclopĂ©distes et huma- nistes du Quattrocento italien – telle l’Accademia platonica de M. Ficin et Pic de la Mirandole, crĂ©Ă©e Ă  Florence en 1462 – apparurent des acadĂ©mies plus spĂ©cialisĂ©es, qui prirent leur
essor en France au XVIIe s. : l’AcadĂ©mie française en 1635, l’AcadĂ©mie royale de peinture et de sculpture en 1648 (com-
plĂ©tĂ©e en 1666 par l’AcadĂ©mie de France Ă  Rome), puis, sous
Louis XIV, celles de danse (1661), des inscriptions et belles-
lettres (dite « petite acadĂ©mie », 1663), des sciences (1666), de musique (1669), d’architecture (1671). La province suivra au XVIIIe s., tandis que fleurissaient de semblables initiatives dans
toute l’Europe.
Le phĂ©nomĂšne acadĂ©mique procĂšde, tout d’abord, d’un
effet d’institution, par une formalisation portant à la fois sur le
 
cessus fonciÚrement élitaire, sélectionnant et regroupant les
« meilleurs ». Mais le principe de sĂ©lection est beaucoup plus dĂ©mocratique que ne l’étaient sous l’Ancien RĂ©gime le critĂšre
aristocratique du nom et le critĂšre bourgeois de la fortune ;
et il est plus souple que le critĂšre universitaire des diplĂŽmes, dans la mesure oĂč il repose avant tout sur la qualitĂ© purement
individuelle et partiellement rĂ©versible qu’est le talent, qu’il
soit basĂ© sur le travail et l’étude, selon le modĂšle classique,
ou sur le don inné selon le modÚle romantique.
! Si le mouvement acadĂ©mique favorise ainsi l’émergence d’une Ă©lite proprement culturelle, il connaĂźt nĂ©anmoins d’inĂ©-
vitables perversions : perversion de l’effet d’institution, par la
routinisation des pratiques et des normes, facteur d’immobi-
litĂ© ; perversion de l’effet de corps, par la fermeture Ă  tout Ă©lĂ©-
ment extĂ©rieur, facteur de conformisme. Et ce sont ces effets pervers que l’on dĂ©signe aujourd’hui par le terme, devenu
pĂ©joratif, d’« acadĂ©misme », stigmatisant une dĂ©rive indisso- ciable du principe mĂȘme de toute acadĂ©mie.
Nathalie Heinich
! Boime, A., The Academy and French Painting in the 19th
Century, Phaidon, Londres, 1971.
Hahn, R., The Anatomy of a Scientific Institution. The Paris Academy of Sciences, 1663-1803, University of California Press, Berkeley, 1971.
Heinich, N., Du peintre Ă  l’artiste. Artisans et acadĂ©miciens Ă 
l’ñge classique, Minuit, Paris, 1993.
Pevsner, N., Academies of Art. Past and Present, Cambridge Uni-
versity Press, 1940.
Roche, D., le SiÚcle des LumiÚres en province. Académies et aca-
démiciens provinciaux, 1680-1803, Mouton, Paris, 1978.
Viala, A., Naissance de l’écrivain, Minuit, Paris, 1985.
Yates, F., The French Academies of the 16th Century, Londres,
Warburg Institute, 1947.
ACATALEPSIE Mot grec akatalepsia, « fait de ne pouvoir comprendre, saisir ».
PHILOS. ANCIENNE
Chez les Pyrrhoniens, disposition de l’ñme qui, par prin-
cipe, renonce Ă  atteindre une quelconque certitude.
! KATALÊPSIS, SCEPTICISME downloadModeText.vue.download 21 sur 1137
GRAND DICTIONNAIRE DE LA PHILOSOPHIE
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ACCIDENT
Du latin accidens, part. prĂ©sent de accidere, « arriver » (pour un Ă©vĂ©ne- ment), traductions respectives du grec sumbebĂȘkos et sumbainein.
PHILOS. ANTIQUE
Le concept d’« accident » (sumbebĂȘkos) apparaĂźt chez Aris-
tote, relatif au concept d’ousia, essence et substance. Alors
que l’ousia est au principe de l’identitĂ© d’un individu singu-
lier, les accidents en sont les modifications non nĂ©cessaires, qui l’affectent plus ou moins provisoirement : on distinguera entre hexis, « Ă©tat stable », ou habitus, et diathesis, « disposi- tion passagĂšre ». « Accident se dit de ce qui appartient Ă  un ĂȘtre et peut en ĂȘtre affirmĂ© avec vĂ©ritĂ©, mais n’est pourtant ni nĂ©cessaire ni constant : par exemple, si, en creusant une fosse pour planter un arbre, on trouve un trĂ©sor. C’est par accident que celui qui creuse la fosse trouve un trĂ©sor, car l’un de ces faits n’est ni la suite nĂ©cessaire ni la consĂ©quence de l’autre,
et il n’est pas constant qu’en plantant un arbre on trouve un
trĂ©sor. 1 » En ce premier sens, l’accident se distingue de l’attri-
but par soi : « Ce qui appartient en vertu de soi-mĂȘme Ă  une
chose est dit par soi, et ce qui ne lui appartient pas en vertu
de soi-mĂȘme, accident. Par exemple, tandis qu’on marche, il
 
avec la qualitĂ©, qu’elle soit essentielle ou inessentielle : c’est
celui qui prévaudra chez les scolastiques.
À partir du mĂȘme verbe sumbainein, les stoĂŻciens Ă©labo-
reront les deux concepts logiques de sumbama et de para-
sumbama : dégagés du joug de la substance, plus proches
du sens de la racine « ce qui arrive », il s’agira d’évĂ©nements.
Frédérique Ildefonse
2 Aristote, Analytiques seconds, I, 4, 73b10-13.
3 Aristote, MĂ©taphysique, V, 30, 1025a30-32.
Voir-aussi : Aristote, Topiques I, 5.
Porphyre, Isagoge, V, 4.
Du latin actum, de agere, « agir » ; en grec : energeia.
Si l’on s’entend Ă  dire, en philosophie, que le passage d’une puissance Ă  un acte est le symptĂŽme d’un mouvement, i.e. d’un sujet en mouvement, il convient de noter que l’actualisation est un processus dans lequel ce sujet (hypokheimenon) est soit indĂ©terminĂ© et indĂ©terminable (energeia
aristotĂ©licienne), soit au contraire complĂštement exposĂ© (l’acte d’ac-
complissement). De son origine grecque aux développements les plus
rĂ©cents de l’analyse cognitive, la notion d’acte est irrĂ©ductiblement liĂ©e
à une fonction de mise en relation dans laquelle le sujet est soit posé, soit escamoté.
PHILOS. ANTIQUE
Chez Aristote, rĂ©alisation par un ĂȘtre de son essence ou
forme, par opposition Ă  ce qui est en puissance.
En un premier sens, l’acte (energeia) s’entend « comme le
mouvement relativement Ă  la puissance »1 : ainsi l’ĂȘtre qui
 
daient qu’« il n’y a puissance que lorsqu’il y a acte, et que, lorsqu’il n’y a pas acte, il n’y a pas puissance : ainsi, celui qui ne construit pas n’a pas la puissance de construire, mais seulement celui qui construit, au moment oĂč il construit » 2.
En un second sens, l’acte est « comme la forme (ou l’es- sence, ousia) relativement Ă  une matiĂšre »3 : c’est le fait pour une chose d’exister en rĂ©alitĂ©, et non en puissance (duna-
mis). La distinction entre acte et puissance intervient dans l’analyse physique du devenir : le mouvement naturel du composĂ© sensible, de matiĂšre et de forme, est le mouvement de rĂ©alisation de sa forme, principe moteur de son devenir et de sa dĂ©termination, absente de sa matiĂšre.
AntĂ©rieur Ă  la puissance selon la notion et l’essence, l’acte lui est, en un sens, postĂ©rieur selon le temps (l’actualisation de la forme se fait Ă  partir de la puissance) mais, en un autre sens, antĂ©rieur, car, « si c’est Ă  partir de l’ĂȘtre en puissance que vient Ă  ĂȘtre l’ĂȘtre en acte, la cause en est toujours un ĂȘtre en acte, par exemple un homme Ă  partir d’un homme [...] : toujours le mouvement est donnĂ© par quelque chose de pre- mier, et ce qui meut est dĂ©jĂ  en acte » 4. Alors que la matiĂšre est pure puissance en attente de la forme, l’acte est principe
d’actualisation et d’actualitĂ© de la forme : Dieu, pour Aristote, est acte pur, dĂ©pourvu de toute potentialitĂ© et, pour cette raison, quoique premier moteur, immobile.
Si, lorsque Aristote parle de l’acte comme action (par exemple, le blanchissement), l’acte par excellence est pour lui le mouvement, ce dernier n’est pourtant pour lui qu’un « acte incomplet » (energeia ateles) ; en un autre sens, l’acte est la « fin de l’action », ou ce qu’elle « accomplit » (ergon). « C’est pourquoi, dit Aristote, le mot « acte » (energeia) est employĂ© Ă  propos de « l’oeuvre accomplie » (ergon) et tend
vers l’entĂ©lĂ©chie. 5 »
2
 
notion, puis une saisie du regard.
Leibniz reprend Ă  son compte 1, en tant qu’elle est conforme Ă  la philosophie naturelle des Modernes, la distinction aristotĂ©- licienne de la puissance et de l’acte. Si l’acte est toujours celui d’un sujet ou d’une substance qui se tient sous des dĂ©termina- tions, cela signifie prĂ©cisĂ©ment que, comme le signifiait Aris- tote au point de dĂ©part de sa physique, c’est Ă  la substance (actiones sunt suppositorum 2) que revient le statut de prin- cipe pour l’actualisation de ce qui n’est encore en elle que tendance, volition, dĂ©sir. Ainsi la dĂ©finition selon laquelle le downloadModeText.vue.download 22 sur 1137
GRAND DICTIONNAIRE DE LA PHILOSOPHIE
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mouvement est l’acte de ce qui est en puissance, en tant qu’il est en puissance, c’est-Ă -dire en tant qu’il reste suspendu Ă  un processus d’effectuation, devient audible sous les espĂšces de la dynamique leibnizienne qui confie Ă  un supĂ©rieur, la force, le soin d’ĂȘtr