gajdos 2010
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UNIVERSITE PARIS XI
FACULTE DE MEDECINE PARIS-SUD
Année : 2010 N°attribué par la bibliothèque
THESE
Pour obtenir le grade de
DOCTEUR DE l’UNIVERSITE PARIS XI
Spécialité : SANTE PUBLIQUE, option RECHERCHE CLINIQUE
Présentée et soutenue publiquement par
Vincent GAJDOS
Le 14 décembre 2010
PRISE EN CHARGE DE LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON : EVALUATION DES PRATIQUES
Directeur de Thèse : Mr Jean Bouyer
JURY
Mme Marie-Aline CHARLES Président
Mr Alain MARTINOT Rapporteur
Mr Jean-Christophe ROZE Rapporteur
Mr Behrouz KASSAI-KOUPAI Examinateur
Mr Babak KHOSHNOOD Examinateur
Mr Jean BOUYER Directeur
A Isabelle, Simon et …
sans lesquels tout cela n’aurait pas grand sens.
REMERCIEMENTS
Je remercie Jean Bouyer d’avoir accepté de diriger mon travail doctoral et de m’avoir si bien guidé. Je me souviens de notre premier échange téléphonique, quand tout n’était pas si simple et au cours duquel, très vite, tu m’as témoigné d’une confiance que j’espère n’avoir pas déçu… J’ai passé deux formidables années « à l’abri » dans ton unité et c’est un plaisir et un besoin aujourd’hui que d’y venir me ressourcer à chaque fois que cela m’est possible. Ta disponibilité, ta chaleur, ton écoute et ta rigueur m’ont été précieux pour mener ce travail. J’ai apprécié ta manière si discrète et bienveillante de me faire progresser au-delà de ce que j’avais imaginé. De nos discussions, je sortais toujours avec les idées plus claires et avec de nouvelles perspectives. Ton optimisme m’a redonné confiance à chaque fois que celle-ci me manquait. De ce travail naissent de nouvelles perspectives et je n’imagine pas poursuivre mes travaux de recherche autrement qu’à tes côtés.
Je remercie les Professeurs Alain Martinot et Jean-Christophe Rozé d’avoir accepté d’être mes rapporteurs et pour la qualité de leurs rapports. Vos remarques constructives et avisées m’ont permis d’améliorer mon manuscrit et de poursuivre plus avant mes réflexions.
Je remercie Madame Marie-Aline Charles d’avoir accepté de présider mon jury de thèse et Messieurs Berhouz Kassai et Babak Khoshnood d’avoir accepté d’y participer. J’espère que cette première rencontre n’est que le début d’échanges et de collaborations fructueuses.
J’ai une pensée émue pour Philippe Labrune qui m’encourage et me soutient au-delà de l’imaginable depuis maintenant de longues années. Tu le sais, notre rencontre alors que je n’étais qu’étudiant hospitalier est pour beaucoup dans ce que j’ai fait ensuite. La plupart de ces travaux n’auraient pas vu le jour si tu ne m’avais pas conseillé, guidé et soutenu. La liste de ce que tu m’as appris est trop longue pour être détaillée ici. Entre autres, tu m’as appris à regarder et à écouter les enfants, à prendre une décision même quand il n’y en a pas de « bonne ». Tu as su vaincre mes résistances, toujours avec douceur, jamais sans détermination et m’a permis de faire ce long chemin qui aujourd’hui nous ouvre des perspectives enthousiasmantes. Ta confiance n’a jamais fait défaut, ton bureau est un havre de paix et nos longues discussions sont toujours l’occasion de progresser, d’apprendre et de comprendre. Je n’imagine pas construire le futur autrement qu’à tes côtés.
Je remercie l’ensemble des personnes qui ont contribué de près ou de loin aux travaux qui nourrissent mon travail doctoral.
Parmi eux, j’ai une pensée pour Sylvain Bailleux, mon compère de l’aventure Bronkinou qui répond toujours présent, même pour les plus mauvais coups, toujours avec gentillesse, professionnalisme et pragmatisme. Mon admiration pour ta manière de t’occuper des enfants est énorme et tu es souvent un exemple pour moi.
J’en ai une autre pour « mes » deux pneumo-pédiatres préférés, Nicole Beydon et Ralph Epaud, Docteurs es humour, qui êtes toujours là pour écouter, discuter, construire et qui avez toujours dit oui, même quand le temps manquait et qu’il fallait répondre pour « hier ». Bronkinou vous doit beaucoup.
Je remercie Sandrine Katsahian avec qui, les discussions statistiques ont été si riches et productives. Quelques années avant, je n’aurai pas dit que l’on pouvait rigoler autant en parlant de modèles et de programmation.
Je remercie tous les parents et les enfants qui nous ont témoigné de leur confiance et ont accepté de participer à l’ensemble de ces travaux. C’est à eux qu’ils appartiennent.
Je remercie bien sur tous les investigateurs, kinésithérapeutes, psychologues, infirmières et attachés de recherche clinique qui ont contribué à la réalisation de ces études cliniques, sans lesquels rien n’aurait été possible et qui ont travaillé sans compter, avec rigueur et efficacité.
J’ai une pensée pour tous mes collègues d’Antoine Béclère avec lesquels c’est un tel bonheur de travailler au quotidien. Vous êtes toujours là quand il le faut, j’espère mériter votre confiance
A tous les habitants de l’« ex U822 », je voudrai dire mon plaisir d’avoir passé tant de temps à vos côtés. Votre accueil a été chaleureux, votre aide souvent précieuse.
Je dois beaucoup à Alix & Younes Boudjemline, Laurence Foix-L’Hélias, Vincent Guigonis, Caroline & Laurent Moreau, Daniel & Marie-Odile Orbach, Francis & Noëlle Perreaux et Loïc de Pontual avec lesquels les discussions sont tellement riches et constructives. Votre amitié est un bien inestimable.
Enfin, les miens savent tout ce que je leur dois et combien ils me sont chers.
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8
RESUME
La bronchiolite aiguë est une infection respiratoire basse d’origine virale qui touche entre 450 et 500 mille nourrissons chaque hiver. Elle est le plus souvent liée à une infection par le virus respiratoire syncitial. Elle se manifeste par une détresse respiratoire dont le retentissement peut être des difficultés alimentaires, des troubles du sommeil et au maximum, la constitution d’une insuffisance respiratoire aiguë. Aucun des différents traitements évalués n’a montré son efficacité en termes de diminution du retentissement ou d’accélération de la guérison.
Le travail doctoral avait pour but d’évaluer certaines des pratiques dans la prise en charge de la bronchiolite aiguë du nourrisson. La première question à laquelle nous souhaitions répondre était la reproductibilité inter-observateurs d’un score clinique simple d’évaluation de la détresse respiratoire. Nous avons montré que cette reproductibilité était bonne, même quand il s’agissait de couples d’observateurs de métiers différents (infirmières, kinésithérapeutes, médecins). Ces résultats plaident pour l’utilisation de tels scores en pratique courante ou dans le care d’études.
La deuxième question était celle de l’efficacité de la kinésithérapie respiratoire dans la prise en charge des nourrissons hospitalisés pour une première bronchiolite aiguë. Nous avons réalisé un essai randomisé, contrôlé en double aveugle dans lequel 496 nourrissons ont été inclus. Nous n’avons pas mis en évidence de diminution du délai de guérison selon que les nourrissons recevaient ou non de la kinésithérapie respiratoire. Cependant, des analyses post hoc ont permis de générer des hypothèses sur une possible différence d’efficacité de la kinésithérapie respiratoire selon que les nourrissons étaient atopique ou non d’une part, hypoxémique ou non d’autre part.
Enfin, nous nous sommes intéressés aux facteurs cliniques associés à la réalisation d’une radiographie de thorax chez les nourrissons consultant aux urgences pour dyspnée sifflante ainsi qu’à ceux associés à la présence d’une anomalie radiologique. Plus de 800 nourrissons ont été inclus dans cette étude. Les variables associées de manière indépendante à la réalisation d’une radiographie de thorax étaient le jeune âge, l’existence de difficultés alimentaires, la fièvre, l’hypoxémie, la présence de signes de lutte respiratoire, de râles crépitants ou bronchiques. Parmi ces variables, seules la fièvre et à la limite de la significativité, l’hypoxémie et la présence d’une conjonctivite étaient associés de manière indépendante à la présence d’une anomalie radiologique. Ces résultats plaident pour une diminution du nombre de radiographies de thorax qui devrait entraîner une diminution des antibiothérapies inutiles.
Mots clés : Bronchiolite aiguë du nourrisson, Kinésithérapie respiratoire, Score, Reproductibilité, Radiographie de thorax, Evaluation des pratiques
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TABLE DES MATIERES
CHAPITRE 1: LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON ...................................................................... 16 1 INTRODUCTION .............................................................................................................................. 17 2 AGENTS INFECTIEUX IMPLIQUES ET PHYSIOPATHOLOGIE ............................................................. 18 3 EPIDEMIOLOGIE ............................................................................................................................. 19 4 FACTEURS AYANT UN IMPACT SUR L’HISTOIRE NATURELLE DE LA MALADIE ............................... 22
4.1 Facteurs environnementaux ........................................................................................................ 22 4.2 Facteurs liés à l’hôte ................................................................................................................... 23
5 RISQUES DE DEVELOPPER UN ASTHME ? ........................................................................................ 24 6 PRISE EN CHARGE .......................................................................................................................... 25
6.1 Evaluation clinique et para-clinique ................................................................................... 25 6.2 Traitements ................................................................................................................................. 26
6.2.1 La Ribavirine ..................................................................................................................... 27 6.2.2 Les bronchodilatateurs ...................................................................................................... 27 6.2.3 Les corticoïdes ................................................................................................................... 28 6.2.4 Montelukast ....................................................................................................................... 28 6.2.5 Solutés salés hypertoniques ............................................................................................... 29 6.2.6 Kinésithérapie respiratoire ................................................................................................ 30 6.2.7 Les traitements en réanimation .......................................................................................... 31 6.2.8 Palivizumab ....................................................................................................................... 32 6.2.9 Les traitements de demain ................................................................................................. 34
CHAPITRE 2: OBJECTIFS DE LA THESE ................................................................................................... 35
CHAPITRE 3: ETUDE DE LA REPRODUCTIBILITE INTER-OBSERVATEUR ENTRE INFIRMIERES, MEDECINS ET KINESITHERAPEUTES D’UN SCORE CLINIQUE D’EVALUATION DES NOURRISSONS AYANT UNE BRONCHIOLITE AIGUË ............................................................................................................................ 38 1 INTRODUCTION .............................................................................................................................. 40 2 PATIENTS ET METHODES ............................................................................................................... 42
2.1 Organisation de l’étude ............................................................................................................... 42 2.2 Outil d’évaluation respiratoire ....................................................................................... 43 2.3 Analyse statistique .......................................................................................................... 44
3 RESULTATS .................................................................................................................................... 48 3.1 Score Global (Tableau 3) ............................................................................................................ 49 3.2 Sous-scores (Tableau 4) ................................................................................................. 50
4 DISCUSSION ................................................................................................................................... 53
CHAPITRE 4: EFFICACITE DE LA KINESITHERAPIE RESPIRATOIRE CHEZ LES NOURRISSONS HOSPITALISES POUR BRONCHIOLITE AIGUË: ETUDE MULTICENTRIQUE RANDOMISEE CONTROLEE .................................. ....................................................................................................................................................... 63 1 INTRODUCTION .............................................................................................................................. 65 2 METHODES ..................................................................................................................................... 67
2.1 Patients ....................................................................................................................................... 67 2.2 Traitements comparés .................................................................................................... 68 2.3 Autres traitements .......................................................................................................... 70
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2.4 Randomisation ............................................................................................................................ 71 2.5 Critères de jugement ....................................................................................................... 72
2.5.1 Critère de jugement principal ............................................................................................ 72 2.5.2 Critère de jugement secondaire ......................................................................................... 72
2.6 Estimation du nombre de sujets nécessaires ............................................................................... 73 2.7 Analyse statistique .......................................................................................................... 74
3 RESULTATS..................................................................................................................................... 76 3.1 Patients ....................................................................................................................................... 76 3.2 Critère de jugement principal ......................................................................................... 79 3.3 Critères de jugement secondaires ................................................................................... 80 3.4 Analyse post hoc : recherche d’interaction et analyses en sous-groupes ....................... 84
4 DISCUSSION .................................................................................................................................... 86
CHAPITRE 5: ETUDE DES FACTEURS ASSOCIES A LA REALISATION D’UNE RADIOGRAPHIE DE THORAX CHEZ LES NOURRISSONS CONSULTANT POUR DYSPNEE SIFFLANTE ET DES FACTEURS CLINIQUES ASSOCIES A UNE ANOMALIE RADIOLOGIQUE 1 INTRODUCTION .............................................................................................................................. 94 2 PATIENTS ET METHODES ............................................................................................................... 96
2.1 Recueil des données ................................................................................................................... 96 2.2 Interprétation des radiographies de thorax ..................................................................... 97 2.3 Analyse statistique .......................................................................................................... 98
3 RESULTATS .................................................................................................................................... 99 3.1 Patients (Tableau 1) .................................................................................................................... 99 3.2 Description des radiographies (Figure 1) ..................................................................... 102 3.3 Facteurs associés à l’indication d’une radiographie ..................................................... 103
3.3.1 Analyse univariée ............................................................................................................ 103 3.3.2 Analyse multivariée ........................................................................................................ 104
3.4 Facteurs associés à la présence d’une anomalie radiologique. ..................................... 105 3.4.1 Analyse univariée ............................................................................................................ 105 3.4.2 Analyse multivariée ........................................................................................................ 106
4 DISCUSSION ................................................................................................................................. 107
CHAPITRE 6 : CONCLUSION ET PERSPECTIVES .................................................................................... 118
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................................... 123
ANNEXES : PRODUCTION SCIENTIFIQUE REALISEE .............................................................................. 144
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LISTE DES ABREVIATIONS
AFE : Augmentation du Flux Expiratoire
AN : Aspiration nasale
ANAES : Agence nationale d’accréditation et d’évaluation pour la santé
ARN :Acide Ribo-Nucléique
ATP : Adénosine Tri-Phosphate
BAN: Battement des ailes du nez
BTA: balancement thoraco-abdominal
FR : fréquence respiratoire
hMPV : Métapneumovirus humain
HR : Hazard Ratio
IQR = Intervalle interquartile
PaCO2 : pression partielle en dioxyde de carbone
PRISM : Pediatric risk of mortality
SA : semaines d’aménorrhées
SiRNA : ARN interférent
SpO2 : saturation percutanée de l’hémoglobine en oxygène
TIC : tirage inter-costal
TP : Toux Provoquée
TSC : tirage sous-costal
VI : ventilation invasive
VNI : ventilation non invasive
VRS : virus respiratoire syncitial
PRODUCTION SCIENTIFIQUE
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PRODUCTION SCIENTIFIQUE
Articles publiés
Gajdos, V., et al. (2009), 'Inter-observer agreement between physicians, nurses, and respiratory therapists for
respiratory clinical evaluation in bronchiolitis', Pediatric Pulmonology, 44 (8), 754-62
Gajdos V, Katsahian S, Beydon N, Abadie V, Pontual L., Larrar S, Epaud R, Chevallier B, Bailleux S, Mollet –
Boudjemline A, Bouyer J, Chevret S, and Labrune P. Effectiveness of Chest Physiotherapy in Infants
Hospitalized with Acute Bronchiolitis: a Multicenter, Randomized, Controlled Trial. PLoS Medicine.
2010;7(9):e1000345
Contribution des travaux de la thèse à d’autres publications
V. Gajdos. Bronchiolite aiguë du nourrisson. Abrégé d’urgences pédiatriques Nestlé, 2010
V. Gajdos,N. Beydon. La bronchioliteaiguë du nourrisson. Pneumologie pédiatrique pratique. Edition Masson.
Sous presse
Articles en cours de rédaction
Bronchiolite aiguë du nourrisson : état de l’art. (prévision de soumission à l’ERJ)
Etude des facteurs associés à la réalisation d’une radiographie de thorax chez les nourrissons consultant pour
dyspnée sifflante et des facteurs cliniques associés à une anomalie radiologique (Prévision de soumission à
Pediatric Radiology)
Communication orale
F. Bremont, S. Bailleux, V. Gajdos. Kinésithérapie respiratoire en pédiatrie : de son rationnel à l’évaluation de
son efficacité : pour une prescription mesurée. Congrès de la SFP – Paris – Juin 2010
PRODUCTION SCIENTIFIQUE
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V. Gajdos, S. Bailleux, T. Coppens, J.C. Jeulin, C. Barazzone-Argiroffo. Table ronde : « Quelles limites pour la
kinésithérapie respiratoire dans la bronchiolite du nourrisson ? Pour quels types d’atteintes respiratoires? A quel
stade d’évolution ? Est-elle sans danger ? » 7èmes Journées des Réseaux Bronchiolites, Paris – Juin 2010
V. Gajdos, N. Beydon, S. Bailleux. Bronchiolite aiguë du nourrisson : quelle kinésithérapie respiratoire pour
quels enfants ? 14ème Rencontres de Pédiatre Pratique – Paris, janvier 2010
V. Gajdos, S. Katsahian, N. Beydon, S. Bailleux, S. Chevret, P. Labrune. Efficacité de la kinésithérapie
respiratoire avec augmentation du flux expiratoire dans la prise en charge de la première bronchiolite aiguë du
nourrisson hospitalisé : essai multicentrique randomisé et contrôlé en double insu. Journées Parisiennes de
Pédiatrie. Paris, octobre 2009
V. Gajdos. Place des solutés hypertoniques dans la prise en charge des bronchiolites aiguës du nourrisson.
13ème Rencontres de Pédiatre Pratique – Paris, janvier 2009
V.Gajdos, S. Katsahian, N. Beydon, V. Abadie, L. de Pontual, S. Larrar, R. Epaud, B. Chevallier, S. Bailleux, J.
Bouyer, S. Chevret, P. Labrune. Efficacité de la kinésithérapie respiratoire avec augmentation du flux expiratoire
dans la prise en charge de la première bronchiolite aiguë du nourrisson hospitalisé : essai multicentrique
randomisé et contrôlé en double insu. Société Française de Pédiatrie, Toulouse, Juin 2009. Communication orale.
V. Gajdos, S. Bailleux. La kinésithérapie respiratoire dans les bronchiolites aiguës du nourrisson : Quel
Rationnel ? Journées de Pédiatrie d’Urgence. Paris Septembre 2007.
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CHAPITRE 1 : LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
17
CHAPITRE 1
LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
1 Introduction
La bronchiolite aiguë du nourrisson a été décrite pour la première fois en 1940 par Engle et
Newns (Engel and Newns, G. H. 1940). Il s’agissait d’une série descriptive
anatomopathologique d’enfants décédés dans un tableau de détresse respiratoire ; les auteurs
décrivaient une bronchiolite proliférative murale qui, selon les patients, comportait une
atteinte modérée sans lésion épithéliale, des lésions plus prolifératives avec un infiltrat
inflammatoire des cellules épithéliales et des cellules basales et, au maximum, une destruction
totale de l’épithélium et des structures adjacentes. Les auteurs émettaient l’hypothèse d’une
cause virale à l’origine de ces détresses respiratoires, invoquant le rôle possible des virus de la
rougeole ou du virus influenza. En 1973, une première étude a rapporté la fréquence des
différents symptômes présents chez les nourrissons qui avaient une bronchiolite aiguë : la
grande majorité des nourrissons atteints avaient une toux, une dyspnée et un wheezing tandis
qu’une partie d’entre-eux seulement avaient des signes de lutte respiratoire, une distension
thoracique, des ronchi, une rhinopharyngite, de la fièvre, des vomissements ou une cyanose
(Court, S. 1973). Depuis ces descriptions princeps, la bronchiolite aiguë du nourrisson a été
définie de multiples manières, toutes les définitions associant de manière variable des
éléments physiopathologiques, sémiologiques (détresse respiratoire plutôt expiratoire et
sifflante précédée d’une rhinite plus ou moins fébrile), microbiologiques et liés au terrain
(Viswanathan, M. et al. 2003). La définition retenue dans les recommandations de l’académie
américaine de pédiatrie fait de la bronchiolite « une maladie le plus souvent causée par une
CHAPITRE 1 : LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
18
infection virale des voies aériennes respiratoires inférieures caractérisée par une inflammation
aiguë, un œdème et une nécrose des cellules épithéliales des voies respiratoires de petit
calibre, une augmentation de la production de mucus et un bronchospasme » (Subcommittee
on Diagnosis and Management of Bronchiolitis 2006).
2 Agents infectieux impliqués et physiopathologie
L’agent infectieux de loin le plus fréquemment retrouvé est le virus respiratoire syncitial
(VRS) ; il s’agit d’un virus appartenant à la famille des paramyxoviridae et au genre des
pneumovirus dont il existe deux types (A et B) qui diffèrent par leur glycoprotéine G. C’est
un virus enveloppé à ARN ; l’ARN code pour 10 protéines dont 8 ont un rôle parfaitement
établi : trois protéines sont présentes dans la nucléocapside et sont impliquées dans la
réplication virale (protéine N, phosphoprotéine P et polymérase L), trois protéines sont
associées à la matrice (protéine M1 qui assure la libération des virions, protéine M2 qui assure
le maintien entre la nucléocapside et l’enveloppe et protéine SH). Deux glycoprotéines
externes permettent l’attachement du virus à la surface cellulaire (Protéine G) et la fusion de
l’enveloppe virale à la membrane cytoplasmique (protéine F) qui permet la pénétration
intracellulaire de la capside virale. Ces deux dernières protéines sont les seules à induire la
formation d’anticorps neutralisants. Ce virus est retrouvé dans 50 à 80% des bronchiolites
aiguës du nourrisson (Henrickson, K. J. et al. 2004; Wright, A. L. et al. 1989) et survient sur
un mode épidémique (en France, classiquement entre octobre et février).
D’autres virus sont également retrouvés chez des nourrissons chez lesquels le diagnostic
clinique de bronchiolite est posé et le nombre de virus ne cesse d’augmenter avec l’avènement
de nouvelles techniques de diagnostic utilisant l’amplification moléculaire : citons les virus
Para-influenza, Influenza, les Adénovirus, le Métapneumovirus humain (hMPV), les
CHAPITRE 1 : LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
19
Rhinovirus (Antunes, H. et al. 2010; Boivin, G. et al. 2003; Mansbach, J. M. et al. 2008a;
Marguet, C. et al. 2009; Wolf, D. G. et al. 2006). Il a également été décrit des co-infections
impliquant plusieurs virus ; cette situation serait retrouvée dans 6 à 30% des cas de
bronchiolites (Hall, C. B. et al. 2009; Paranhos-Baccala, G. et al. 2008; Semple, M. G. et al.
2005). La question du lien entre le type de virus et la sévérité de la maladie est largement
débattue de même que celle de l’influence des co-infections sur la gravité de la maladie ;
tandis que l’existence d’une coinfection a été décrite comme un facteur de risque de
bronchiolite aiguë sévère dans certaines études (Richard, N. et al. 2008; Semple, M. G. et al.
2005), cela n’a pas été confirmé dans d’autres études (Caracciolo, S. et al. 2008; Marguet, C.
et al. 2009).
3 Epidémiologie
Différentes études ont tenté d’évaluer la fréquence de la bronchiolite aiguë du nourrisson et sa
morbidité. La plupart de ces études se sont focalisées sur les infections causées par le VRS.
Dans une étude américaine récente qui a recherché le VRS chez tous les enfants âgés de
moins de 5 ans consultant aux urgences pédiatriques ou chez le praticien pour infection
respiratoire (Hall, C. B. et al. 2009), le virus a été retrouvé chez 18% des enfants inclus et plus
précisément, chez 20% des nourrissons hospitalisés, 18% des nourrissons consultant aux
urgences et chez 15% des nourrissons consultant chez le médecin traitant pour infection
respiratoire aiguë entre novembre et avril. Cette étude estimait le taux annuel
d’hospitalisations liées au VRS à 3 pour 1000 enfants âgés de moins de 5 ans et à 17 pour
1000 enfants âgés de moins de six mois. Elle estimait le taux de consultations annuelles aux
urgences pédiatriques à 28 pour 1000 enfants âgés de moins de 5 ans et à 55 pour 1000
enfants âgés de moins de 6 mois. Le taux annuel de consultations du pédiatre de ville liées à
une infection respiratoire à VRS était estimé à 80 pour 1000 enfants âgés de moins de 5 ans et
CHAPITRE 1 : LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
20
à 132 pour 1000 enfants âgés de moins de 6 mois. Une autre étude publiée en 2003 étudiant
les principales causes d’hospitalisation des enfants aux Etats-Unis plaçait la bronchiolite à
VRS dans les premières causes infectieuses d’hospitalisation chez l’enfant (23,5%) et au
deuxième rang des hospitalisations toutes causes confondues (10,4%) (Yorita, K. L. et al.
2008). Enfin, une revue de la littérature récente a permis d’estimer, à travers le monde, le
nombre de cas d’infection à VRS en 2005 chez des enfants âgés de moins de 5 ans à 33,8
millions dont au moins 3,4 millions ont nécessité une hospitalisation (Nair, H. et al. 2010).
Il semble que le nombre d’hospitalisations ait augmenté au cours du temps. Une étude
américaine a estimée que l’incidence annuelle d’hospitalisations pour bronchiolite aiguë chez
l’enfant âgé de moins de 1 an était passée de 12,9 pour 1000 en 1980 à 31,2 pour 1000 en
1996 (Shay, D. K. et al. 1999). Plusieurs études ont cherché à mettre en évidence des facteurs
prédictifs d’hospitalisation (Mansbach, J. M. et al. 2008b; Shaw, K. N. et al. 1991; Voets, S.
et al. 2006; Walsh, P. et al. 2004) ou de gravité chez les nourrissons hospitalisés (Mulholland,
E. K. et al. 1990); les facteurs les plus communément retrouvés étaient le jeune âge, les
antécédents de prématurité, le mauvais état général au moment de la consultation, la
constatation d’une hypoxémie lors de la consultation et pour certains, une augmentation de la
fréquence respiratoire, l’importance des signes de lutte respiratoire et la mise en évidence
d’une anomalie radiologique. On peut s’interroger sur le rôle de la mesure de la saturation
transcutanée en oxygène dans la décision d’hospitaliser un nourrisson qui a une bronchiolite
aiguë car le choix du seuil en deçà duquel le diagnostic d’hypoxémie est retenu est posé de
manière tout à fait arbitraire et qu’il ne tient pas compte de la variabilité de la mesure. Il a été
montré que les praticiens changeaient radicalement leurs modalités de prise en charge pour
une variation de la saturation de seulement 2% autour du seuil habituellement reconnu (94%
versus 92%) (Mallory, M. D. et al. 2003) et que la mise en évidence d’une saturation
transcutanée en oxygène inférieure à 94% s’accompagnait d’une multiplication par 5 du taux
CHAPITRE 1 : LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
21
d’hospitalisation (Mansbach, J. M. et al. 2008b). De même, plusieurs auteurs ont montré que
la poursuite de la surveillance de la saturation transcutanée en oxygène était un facteur
d’allongement de la durée d’hospitalisation (Schroeder, A. R. et al. 2004; Unger, S. and
Cunningham, S. 2008). Des travaux sont actuellement menés pour évaluer l’apport réel de cet
outil de mesure : une première étude vise à évaluer l’influence de la mesure de la saturation
transcutanée en oxygène sur la probabilité d’hospitalisation des nourrissons qui consultent
aux urgences pour une bronchiolite aiguë du nourrisson (Schuh et al. Clinicaltrials.gov n°
NCT00673946) ; L’hypothèse des auteurs est que les cliniciens ne prennent pas en compte
l’imprécision de mesure de l’instrument utilisé et prennent des décisions différentes selon que
la valeur est au dessus ou au dessous du seuil sans tenir compte de la variabilité de la mesure.
Dans cette étude, la randomisation va permettre de comparer la prise en charge d’un groupe
de nourrissons pour lesquels le saturomètre affichera la valeur mesurée de la saturation
transcutanée en oxygène à celle d’un groupe de nourrisson pour lequel l’appareil indiquera
une valeur correspondant à la mesure majorée de 3% (ce qui correspond à la variabilité de la
mesure et qui est considéré comme physiologiquement non significatif). La deuxième étude
déclarée en cours compare la surveillance continue de la saturation à la surveillance
intermittente ; là encore, il s’agit de montrer que la durée d’hospitalisation est augmentée
quand la surveillance est continue (Alverson & McCulloh, Clinicaltrials.gov n°
NCT01014910). Un dernier élément majorant le risque d’hospitalisation est la notion de
survenue d’apnées à l’interrogatoire ou constatées lors de l’examen clinique initial ; leur
fréquence était estimée entre 2% et 20% selon les études (Church, N. R. et al. 1984; Ralston,
S. and Hill, V. 2009; Willwerth, B. M. et al. 2006) et les enfants les plus à risques sont les
nourrissons nés prématurés et les nourrissons les plus jeunes.
Certains des nourrissons hospitalisés vont nécessiter un séjour en réanimation. Les principaux
facteurs de risque sont la prématurité, l’existence d’une pathologie respiratoire chronique ou
CHAPITRE 1 : LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
22
d’une cardiopathie sous-jacente, la présence d’une atélectasie sur la radiographie de thorax
(Chevret, L. et al. 2005; Prais, D. et al. 2003)
La mortalité de cette maladie a considérablement diminué au fil des années. La mortalité a été
estimée aux Etats-Unis à 2 pour 100000 naissances vivantes à la fin des années 1990
(Holman, R. C. et al. 2003) et au Royaume Uni à 1,82 pour 100000 naissances vivantes en
2000 alors qu’elle était estimée à 21,47 pour 100000 naissances vivantes dans le même pays
en 1979 (Panickar, J. R. et al. 2005). Elle reste élevée dans les pays en voie de
développement : le nombre de décès attribuables à une infection respiratoire à VRS à travers
le monde a été estimé, en 2005, entre 66000 et 199000 dont 99% survenaient dans les pays en
voie de développement (Nair, H. et al. 2010). Les facteurs les plus souvent associés à une
augmentation du risque de mortalité sont la prématurité, le faible poids de naissance et
l’existence d’une pathologie respiratoire chronique ou d’une cardiopathie congénitale
(Leader, S. and Kohlhase, K. 2003; Shay, D. K. et al. 2001).
4 Facteurs ayant un impact sur l’histoire naturelle de la maladie
4.1 Facteurs environnementaux
Des travaux récents ont montré que la pollution atmosphérique en général et celle liée à la
circulation automobile en particulier augmentait le risque de bronchiolite à VRS et ce même à
des niveaux considérés habituellement comme acceptables (Karr, C. J. et al. 2009b; Karr, C. J.
et al. 2009a). Le deuxième facteur associé à une augmentation de la fréquence des infections à
VRS et à leur sévérité est le tabagisme passif (Bradley, J. P. et al. 2005; Gurkan, F. et al.
2000). Un travail récent a suggéré que l’effet du tabac serait lié à une augmentation de la
nécrose épithéliale associée à une augmentation de la charge virale (Groskreutz, D. J. et al.
CHAPITRE 1 : LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
23
2009). Ces données expérimentales in vitro doivent toutefois être confirmées par des
observations in vivo.
4.2 Facteurs liés à l’hôte
Il est maintenant assez bien établi que les facteurs environnementaux ne sont pas les seuls en
cause dans le risque qu’un nourrisson développe une bronchiolite et que celle-ci soit sévère
(Vicencio, A. G. 2010). Des études récentes se sont intéressées à la réponse immunitaire
locale secondaire à une infection à VRS. L’examen postmortem de tissus pulmonaires
d’enfants décédés dans les suites d’une infection à VRS a montré une diminution de la
réponse locale des lymphocytes T CD4+ et CD8+ suggérant un lien entre une réponse
immunitaire locale anormalement faible et la survenue d’une maladie sévère (Welliver, R. C.
2008; Welliver, T. P. et al. 2008). Cette observation va à l’encontre de l’idée communément
admise d’une réaction hyper-immune responsable de tableaux cliniques plus sévères. La
même équipe de recherche a mis en évidence un déficit de fonction des macrophages
alvéolaires qui pourrait en partie expliquer l’augmentation du risque de bronchiolite sévère,
possiblement en raison d’une diminution de l’élimination des débris cellulaires (Reed, J. L. et
al. 2008). Dans le prolongement de ces travaux, les auteurs ont montré que l’infection de
l’épithelium respiratoire par le VRS jouait un rôle majeur via la sécrétion de facteurs qui
pouvait induire la production de d’Anticorps indépendamment des lymphocytes T (Reed, J. L.
et al. 2009). Ces travaux suggèrent donc le possible rôle d’un déficit de l’immunité, en
particulier des lymphocytes T et de la fonction macrophagique, dans la survenue de tableaux
sévères de bronchiolite aiguë.
La deuxième avancée récente concerne l’identification d’un certain nombre de gènes de
l’immunité innée et adaptative impliquées dans le développement de tableaux cliniques de
bronchiolite aiguë sévères. Cela concerne, mais non exclusivement, les gènes des cytokines
CHAPITRE 1 : LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
24
IL-4, TLR4, IL-8, IL-10, TLR2, et SP-D (Choi, Eun H. et al. 2002; Hoebee, B. et al. 2003;
Hoebee, B. et al. 2004; Lahti, M. et al. 2002; Murawski, M. R. et al. 2009; Puthothu, B. et al.
2006; Tal, G. et al. 2004). Par ailleurs, une étude d’association génétique utilisant des
méthodes permettant de rechercher des gènes candidats sur le génome entier a été réalisée sur
un échantillon de 470 nourrissons hospitalisés pour bronchiolite aiguë ; cette étude a confirmé
que des variations de certains gènes de l’immunité innée pourraient expliquer la variabilité
phénotypique de la maladie (Janssen, R. et al. 2007). Il s’agit en particulier des gènes VDR,
JUN, IFNA5 et NOS2 qui sont associés à des degrés divers dans le formation de radicaux, la
transduction du signal, la voie de l’interféron et la réponse pro-inflammatoire. La même
équipe a également mis en évidence des gènes de susceptibilité impliqués à la fois dans la
réponse immunitaire innée et dans le remodelage des voies aériennes (Siezen, C. L. et al.
2009).
5 Risques de développer un asthme ?
Une question imparfaitement résolue est de savoir dans quelle mesure le fait qu’un nourrisson
ait eu une bronchiolite aiguë augmente son risque de développer un asthme. Il semble établi
que l’existence d’un terrain atopique est un facteur de risque de sévérité d’une bronchiolite
(Henderson, F. W. et al. 1992). Les mêmes auteurs ont montré que la survenue d’une
bronchiolite à VRS était significativement et indépendamment associée à un plus grand risque
de wheezing et d’asthme à l’âge de 7 ans (Henderson, J. et al. 2005). Il n’y avait pas dans
cette étude de différence pour ce qui était de la positivité de tests cutanés réalisés à l’âge de 7
ans à la recherche d’atopie.
CHAPITRE 1 : LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
25
6 Prise en charge
6.1 Evaluation clinique et para-clinique
Les outils pour standardiser la surveillance clinique des nourrissons qui ont une bronchiolite
aiguë sont nombreux et hétérogènes. Ils reprennent tous, au moins pour partie, les facteurs de
gravité précédemment décrits mais leur reproductibilité n’a pas toujours été bien étudiée et
quand elle l’a été, il ne s’agit pas toujours d’outils facilement utilisables en pratique courante.
Ils sont tous plus ou moins hérités du score de Silverman qui a été développé pour évaluer
l’état respiratoire d’un nouveau-né et qui quantifie l’importance des signes de lutte
respiratoire (battement des ailes du nez, tirage inter-costal, geignement expiratoire, entonnoir
xiphoïdien, balancement thoraco-abdominal). De nombreux scores ont été développés par la
suite intégrant à des degrés variables les signes de lutte respiratoire, la fréquence respiratoire,
la mesure de la saturation transcutanée en oxygène ou d’autres signes d’hypoxémie (cyanose)
ainsi que des informations issues de l’auscultation. La plupart de ces scores ont été peu ou pas
validés, que ce soit en termes de reproductibilité inter-observateur ou de sensibilité. Cette
validation est pourtant essentielle pour qu’ils puissent être utilisés en pratique courante, que
ce soit pour la surveillance et la prise de décision dans le cadre des soins, ou pour être utilisés
dans le cadre de la recherche clinique.
La nécessité de réaliser une radiographie de thorax aux nourrissons qui ont une bronchiolite
aiguë du nourrisson a été largement débattue. Son intérêt théorique peut être double : elle
permet d’une part de rechercher des complications (principalement à type de foyer de
condensation en faveur d’une surinfection bactérienne ou de lésions rétractiles) et d’autre part
de rechercher d’éventuels diagnostics différentiels (principalement les cardiopathies). Son
utilité pratique est toutefois discutée. De nombreuses études cliniques ont comporté la
réalisation d’une radiographie de thorax. Il n’a en revanche pas été montré que la pratique
CHAPITRE 1 : LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
26
d’un tel examen permettait d’améliorer la prise en charge clinique et thérapeutique. Si
certaines études ont mis en évidence une corrélation entre la présence d’une anomalie
radiologique et la sévérité clinique (Shaw, K. N. et al. 1991), d’autres n’ont pas retrouvé de
corrélation radio-clinique (Dawson, K. P. et al. 1990). Le lien entre la réalisation d’une
radiographie de thorax et la prescription d’une antibiothérapie a été évoqué (Schuh, S. et al.
2007) et mérite d’être mieux évalué et d’être pris en compte dans la discussion de la
prescription de cet examen. Sa réalisation n’est pas recommandée par l’Académie Américaine
de Pédiatrie sauf chez les enfants hospitalisés dont l’état clinique ne s’améliore pas, ou dans
l’hypothèse d’un diagnostic différentiel (Subcommittee on Diagnosis and Management of
Bronchiolitis 2006).
6.2 Traitements
Plusieurs traitements ont été évalués dans la prise en charge de la bronchiolite aiguë du
nourrisson, qu’il s’agisse de traitements curatifs, préventifs ou dont l’objectif était de
raccourcir la durée des symptômes et d’agir éventuellement sur leur sévérité. De fait, aucun
de ces traitements ne s’avère réellement efficace et la prise en charge actuelle est donc
essentiellement symptomatique et vise surtout à dépister le plus précocement possible les
complications et le cas échéant de les prendre en charge de la manière la plus efficace et la
moins invasive possible. En France, la conférence de consensus sur la prise en charge de la
bronchiolite aiguë du nourrisson recommande le fractionnement de l’alimentation, la
réalisation de désobstructions nasales, de kinésithérapie respiratoire et d’hospitalisation en cas
de survenue de signes de mauvaise tolérance.
CHAPITRE 1 : LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
27
6.2.1 La Ribavirine
La Ribavirine est un analogue nucléosidique de la guanosine, à large spectre antiviral qui a été
testé dans la prise en charge des bronchiolites aiguës du nourrisson. L’analyse de l’ensemble
des essais disponibles résumée dans une méta-analyse ne met pas en évidence de différence
significative de durée d’hospitalisation, de mortalité (essais portant sur des nourrissons en
insuffisance respiratoire sévère) ou du risque de développer un asthme (Ventre, K. and
Randolph, A. G. 2007).
6.2.2 Les bronchodilatateurs
La justification de leur utilisation repose sur l’idée qu’une partie du syndrome obstructif
bronchiolaire est due à un bronchospasme. Plusieurs molécules ont été évaluées,
principalement de la famille des β2-mimétiques (Salbutamol, Albuterol, Terbutaline …) ou
des adrénergiques (Adrénaline, Epinéphrine). Les études ont évalué différents critères
d’efficacité qu’il s’agisse de délai de guérison, de taux d’hospitalisation ou de modification de
l’état respiratoire (attesté par un score clinique) avant/après administration de la molécule.
Une méta-analyse de la Cochrane Collaboration récente a étudié l’efficacité des β2-
mimétiques, seuls ou en association, et a conclu à un effet modéré et de courte durée sur la
dynamique respiratoire évaluée par un score clinique et sur l’oxymétrie, et à l’absence
d’efficacité sur le taux d’hospitalisation et sur la durée d’hospitalisation (Gadomski, A. M.
and Bhasale, A. L. 2007). L’Epinéphrine a également fait l’objet de nombreuses études et une
méta-analyse de la Cochrane Collaboration a également mis en évidence un effet modéré sur
le score clinique 30 et 60 minutes après réalisation du traitement sans montrer d’effet sur
l’amélioration de la saturation transcutanée en oxygène ni sur le taux d’hospitalisation et sa
durée le cas échéant (Hartling, L. et al. 2004). Une étude plus récente a mis en évidence une
CHAPITRE 1 : LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
28
diminution significative du taux d’hospitalisation chez les nourrissons recevant une
association d’Epinephrine et de Dexaméthasone par rapport à ceux recevant un placebo, mais
d’une part les auteurs n’avaient pas prévu l’existence d’une interaction entre l’effet de
l’épinéphrine et celui de la dexaméthasone et d’autre part, cette différence n’est plus
significative après modification des seuils de signification pour prendre en compte la
réalisation de tests multiples (Plint, A. C. et al. 2009). Cette étude permet toutefois de générer
une hypothèse novatrice et doit permettre de mener de nouveaux essais cliniques comparant
spécifiquement l’effet de l’association de ces deux molécules à celle de deux placebos.
6.2.3 Les corticoïdes
Les raisons de leur utilisation résident dans le rôle joué par l’inflammation locale dans la
physiopathologie de la bronchiolite aiguë du nourrisson. De nombreuses études ont été
réalisées dont la plupart sont analysées de manière conjointe dans la méta-analyse de la
Cochrane Collaboration (Patel, H. et al. 2004) : cette étude ne met pas en évidence de
bénéfice en termes de score clinique, de taux, de durée d’hospitalisation ou de fréquence des
ré-admissions. Les auteurs de cette méta-analyse notaient une grande hétérogénéité entre les
études qui devait rendre prudent dans l’analyse de ses résultats. La principale étude disponible
depuis cette méta-analyse est celle de Corneli et coll qui a évalué l’intérêt de l’administration
de Dexaméthasone aux urgences et qui n’a mis en évidence ni amélioration du score clinique,
ni diminution du taux d’hospitalisation ou de sa durée (Corneli, H. M. et al. 2007).
6.2.4 Montelukast
Des études ont évalué l’intérêt d’un traitement des nourrissons qui ont une bronchiolite aiguë
par le Montelukast qui est un inhibiteur des leucotriènes. La justification de leur utilisation
repose sur la constatation de niveaux élevés de Cysteinyl leukotrienes (CysLTs) lesquels sont
CHAPITRE 1 : LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
29
connus pour être favoriser l’obstruction bronchiolaire et l’œdème muqueux(van Schaik, S. M.
et al. 1999; Volovitz, B. et al. 1988), et pour favoriser l’hyper-réactivité bronchique
(Bisgaard, H. 2001). Des essais cliniques ont donc évalué l’intérêt de cette molécule dans
l’espoir d’accélérer la guérison d’une part et de diminuer les risques d’asthme du nourrisson
d’autre part. Cette molécule n’a fait la preuve de son efficacité pour aucun de ces objectifs
(Amirav, I. et al. 2008; Bisgaard, H. et al. 2008).
6.2.5 Solutés salés hypertoniques
L’infection à VRS entraine une augmentation du rapport mucus/eau secondaire à une
augmentation de la sécrétion de mucus qui est responsable d’une déshydratation de la surface
liquidienne des voies aériennes. De plus, le VRS, en augmentant l’activité ATPase, diminue
les concentrations extracellulaires d’ATP ce qui a pour conséquence une réduction de
l’inhibition des canaux sodium et donc une augmentation de l’absorption du sodium. In vitro,
l’ajout de soluté salé hypertonique à la surface des voies aériennes diminue l’œdème
épithélial, améliore les propriétés rhéologiques du mucus et en accélère le transport. In vivo,
l'inhalation de sérum salé hypertonique augmente le taux de transport muco-ciliaire même
chez les sujets sains qui ne présente aucun signe de déshydratation, d’hypersecrétion de
mucus ou d’œdème sous-épithélial (Mandelberg, A. and Amirav, I. 2010). Plusieurs essais
cliniques ont été menés dont les données ont été analysées dans une méta-analyse de la
Chochrane Collaboration : celle-ci a permis de mettre en évidence une diminution de la durée
d’hospitalisation et une amélioration des scores cliniques respiratoires chez les enfants traités
par aérosols de sérum salé hypertonique comparativement à ceux recevant un simple aérosol
de sérum physiologique (Zhang, L. et al. 2008). Les auteurs notaient que l’effet du traitement
sur le score respiratoire était plus marqué chez les enfants non hospitalisés. Une étude récente
CHAPITRE 1 : LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
30
a remis en cause l’efficacité de ce traitement (Grewal, S. et al. 2009) et de nouvelles études
sont nécessaires pour mieux comprendre son intérêt.
6.2.6 Kinésithérapie respiratoire
La kinésithérapie respiratoire a également été proposée dans le but d’augmenter la clairance
des secrétions bronchiolaires. Son objectif principal est de lever l’obstruction des voies
aériennes les plus distales, de réduire les résistances des voies aériennes et ainsi d’augmenter
les échanges gazeux et de diminuer les efforts respiratoires nécessaires pour maintenir une
hématose correcte. Sa justification repose sur le fait que l’obstruction des voies aériennes est
d’autant plus fréquente en pédiatrie que les voies aériennes des nourrissons sont étroites et
compliantes (ce qui favorise leur collapsus). Plusieurs techniques ont été décrites ; les
premières sont les techniques manuelles qui associent à des degrés divers l’utilisation de
pressions thoraciques, de déclenchement de toux, de modulation des flux et de drainage
autogène. Les techniques de modulation de flux sont les plus utilisées dans les pays
francophones. Cette modulation peut être active ou passive, lente ou rapide et la technique
développée et utilisée en France est celle de l’augmentation du flux expiratoire (AFE) en
association avec la toux provoquée. D’autres techniques manuelles telles que le clapping ou
les percussions ont été décrites. Des techniques instrumentales sont également décrites
(augmentation de la pression expiratoire, percussion intra-thoracique ou oscillation extra-
thoracique » mais ces techniques ne sont pas utilisées en France. Des essais cliniques
comparatifs ont porté sur les techniques de vibration et de drainage postural (Bohe, L. et al.
2004; Nicholas, K. J. et al. 1999) ou de percussion (Webb, M. S. et al. 1985). Aucune de ces
étude n’a mis en évidence un bénéfice de ces techniques (Perrotta, C. et al. 2007). Les seules
études existantes sur les techniques d’augmentation de flux sont des études « avant/après »
réalisation d’une séance de kinésithérapie et ne permettent pas de répondre à la question de
CHAPITRE 1 : LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
31
l’efficacité de ce traitement (Bernard-Narbonne, F. et al. 2003). Cette technique, bien que
n’ayant pas fait la preuve de son efficacité a été recommandée en France par la conférence de
consensus sur la prise en charge des bronchiolites aiguës du nourrisson (ANAES 2001) et son
utilisation est largement répandue. Cette recommandation est basée sur un avis d’expert
(grade C selon la classification ANAES) et le texte de la conférence de consensus
recommande la réalisation d’études de validation de cette technique. Il y a donc là une réelle
nécessité de mener des études pour évaluer l’efficacité de ces techniques de drainage.
6.2.7 Les traitements en réanimation
Le pourcentage de nourrissons avec une bronchiolite aiguë qui développent une insuffisance
respiratoire et qui sont admis en réanimation n’est pas précisément connu ; il est cependant
considéré comme extrêmement faible. De nombreuses études ont évalué les différentes
alternatives thérapeutiques qui ont toutes pour objectif de limiter les besoins ventilatoires des
nourrissons. Des mélanges gazeux Helium/Oxygène (Heliox) ont été utilisés ; s’ils permettent
de diminuer l’intensité des signes de détresse respiratoire dans les heures qui suivent le début
du traitement, ils ne permettent pas de diminuer le taux d’intubation, de ventilation mécanique
ou la durée de séjour en réanimation (Liet, J. M. et al. 2010). L’instillation de surfactants
exogènes à également été proposée dans les situations les plus graves, sans que son efficacité
ne puisse être démontrée (Ventre, K. et al. 2006). Les progrès récents les plus importants
concernent le développement de méthodes de ventilation non invasive (VNI) dans cette
indication. Il s’agit de proposer un mode d’assistance ventilatoire non invasif qui évite (ou
remplace) l’intubation trachéale et la ventilation invasive et donc les effets secondaires qui
leur sont liés. Plusieurs techniques peuvent être proposées. La plus simple est d’appliquer une
pression positive continue dans les voies aériennes dans le but de maintenir les voies
aériennes ouvertes, d’augmenter la clairance des secrétions, de réduire le travail ventilatoire
CHAPITRE 1 : LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
32
et, in fine, d’améliorer les échanges gazeux (Greenough, A. 2009). Des études ont montré que
l’utilisation de cette technique permettait d’améliorer la PaCO2, de diminuer le nombre
d’apnées obstructives et d’améliorer la qualité du sommeil (Beasley, J. M. and Jones, S. E.
1981; McNamara, F. and Sullivan, C. E. 1997). Dans une étude non randomisée portant sur
12 patients, l’utilisation de la VNI semblait diminuer le travail respiratoire (Cambonie, G. et
al. 2008). Une étude plus récente a montré que l’utilisation de la VNI permettait de diminuer
significativement la PaCO2 chez des nourrissons hospitalisés pour une bronchiolite aiguë et en
situation d’hypercapnie (Thia, L. P. et al. 2007). Une étude française a évalué l’évolution des
nourrissons admis en réanimation selon qu’ils étaient traités par ventilation mécanique
invasive (VI) ou par VNI. (Larrar, S. et al. 2006). Les auteurs identifiaient comme facteur de
risque d’échec de la VNI (et de recours secondaire à la VI) la gravité initiale (mesurée à l’aide
du score de gravité PRISM qui est un score développé par les pédiatres réanimateurs). Ils
notaient que la VNI permettait une réduction significative de la fréquence respiratoire et de la
PaCO2, et que les durées de ventilation et d’hospitalisation en réanimation étaient plus
longues pour les enfants traités par VI. Toutefois, ce résultat est d’interprétation difficile et
cette différence peut s’expliquer par la gravité initiale.
6.2.8 Palivizumab
Une autre approche thérapeutique récente réside dans la mise au point d’anticorps
monoclonaux dirigés contre le VRS pour prévenir la survenue d’une bronchiolite aiguë à VRS
chez le nourrisson. Il s’agit d’un anticorps humanisé dirigé contre la protéine de fusion du
VRS (Johnson, S. et al. 1999). Deux études menées chez des nourrissons nés prématurément
(âge gestationnel inférieur à 35 semaines) ou qui avaient une dysplasie broncho-pulmonaire
ont montré que des injections répétées de Palivizumab pendant la période épidémique
permettaient de réduire le pourcentage d’enfants hospitalisés pour bronchiolite à VRS ainsi
CHAPITRE 1 : LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
33
que, chez ceux hospitalisés, la durée d’oxygénothérapie et d’hospitalisation (IMpact-RSV
Study Group 1998; PREVENT Study Group 1997). Son efficacité a également été démontrée
pour réduire le risque de bronchiolite aiguë sévère à VRS chez les enfants ayant une
cardiopathie congénitale (Feltes, T. F. et al. 2003). Une revue de la littérature récente a conclu
que la prévention des bronchiolites aiguës à VRS permettait de réduire le risque d’infection
respiratoire basse à VRS nécessitant une hospitalisation chez les enfants à risque élevé mais
que son utilisation était économiquement efficace uniquement chez les nourrissons nés à un
âge gestationnel inférieur ou égal à 30 semaines s’ils étaient âgés de moins de trois mois au
début de l’épidémie, et chez les nourrissons nés à un âge gestationnel inférieur ou égal à 26
semaines s’ils étaient âgés de moins de six mois au début de l’épidémie (Wang, D. et al.
2008). Dans le cas où il y avait un enfant de la fratrie vivant en collectivité (crèche, école),
l’efficacité médico-économique était vérifiée pour les enfants âgés au début de l’épidémie de
moins de trois mois s’ils étaient nés à 35 semaines ou moins, de moins de six mois s’ils
étaient nés à 30 semaines ou moins et de moins de neuf mois s’ils étaient nés à 26 semaines
ou moins.
Les recommandations actuelles de l’Académie Américaine de Pédiatrie sont de proposer ce
traitement aux nourrissons qui ont une cardiopathie congénitale, une dysplasie
bronchopulmonaire ou qui sont nés à moins de 32 semaines d’âge gestationnel, et de ne
proposer le traitement aux nourrissons nés entre 32 et 34 semaines d’âge gestationnel que si
eux ou un membre de la fratrie âgé de moins de cinq ans vit en collectivité (American
Academy of Pediatrics 2009).
Une étude a suggéré que le fait de traiter des nourrissons nés prématurément (avant l’âge
gestationnel de 35 semaines) et qui n’avaient pas de dysplasie broncho-pulmonaire permettait
CHAPITRE 1 : LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
34
de réduire le risque d’asthme du nourrisson (Simoes, E. A. et al. 2007). Les résultats de cette
étude nécessitent d’être confirmés par de nouveaux travaux.
6.2.9 Les traitements de demain
Des recherches se poursuivent en ce qui concerne les anti-viraux. La difficulté est que pour
être efficaces, ils doivent être donnés extrêmement précocement, idéalement dans les 48
premières heures de la maladie. Or à ce stade, il est souvent difficile de préjuger de la sévérité
puisque l’acmé de la symptomatologie survient au décours de la réponse inflammatoire et
immune, à un stade ou la concentration en particules virales est déjà en train de diminuer
(Openshaw, P. J. M. and Tregoning, J. S. 2005). Il existe néanmoins des voies de recherche et
de développement de nouveaux anti-viraux et notamment celui de fragments d’ARN
interférents (SiRNA) dirigés contre les gènes NS1, V, P, N ou L (Bitko, V. et al. 2005; Zhang,
W. et al. 2005). Il s’agit de petits fragments d’ARN qui sont complémentaires d’ARN
messagers existants (en l’occurrence codant des protéines virales) qui vont pouvoir former des
complexes SiRNA–ARNm et ainsi bloquer la traduction de la protéine d’intérêt. Des travaux
préliminaires in vitro ont permis de montrer que l’utilisation de SiRNA dirigés contre la
protéine P permettait de diminuer significativement l’expression de tous les gènes du VRS
ainsi que la croissance d’une culture virale de VRS (Bitko, V. and Barik, S. 2001). Par la
suite, il a été montré que l’instillation intranasale de SiRNA ches des souris préalablement
infectées par le VRS permettait de réduire le titre viral dans le poumon de la souris (Bitko, V.
et al. 2005; Zhang, W. et al. 2005). Tout récemment, un essai randomisé a permis de
comparer l’évolution d’adultes sains expérimentalement infectés par le VRS selon qu’ils
étaient ou non traités par un SiRNA : les auteurs ont montré que les sujets du groupe recevant
le SiRNA étaient significativement moins infectés que ceux du groupe contrôle sans que
CHAPITRE 1 : LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
35
puisse être mis en évidence de différence en termes de charge virale ou d’expression clinique
(l’étude n’était toutefois pas réalisée dans cette objectif) (DeVincenzo, J. et al. 2010)
36
CHAPITRE 2 : OBJECTIFS DE LA THESE
37
CHAPITRE 2
OBJECTIFS DE LA THESE
Cette revue de la littérature confirme que la bronchiolite aiguë du nourrisson est une maladie
fréquente, avec un impact médico-économique important et pour laquelle subsistent de
nombreuses questions tant pour son diagnostic, pour l’évaluation clinique et para-clinique de
sa sévérité que pour ses traitements.
Nous nous sommes fixé pour objectifs de répondre à trois questions : la première est celle de
la reproductibilité de l’évaluation clinique de la sévérité de la maladie. Cette évaluation
clinique est réalisée de manière répétée et sous-tend les décisions thérapeutiques, ou est
utilisée comme critère de jugement dans les essais thérapeutiques visant à évaluer l’efficacité
de tel ou tel traitement de cette maladie. Il est fréquent que plusieurs acteurs de soins
interviennent chez un même enfant et il est donc indispensable que tous les soignants évaluent
l’état respiratoire des nourrissons de manière homogène. L’utilisation d’un score de gravité
nécessite de s’être assuré de sa reproductibilité inter-individuelle. Nous avons donc mené une
étude pour évaluer dans quelle mesure l’appréciation de l’état respiratoire d’un nourrisson
atteint d’une bronchiolite aiguë était reproductible, et ce, quelle que soit la fonction du
soignant (infirmière, kinésithérapeute, médecin).
La deuxième question à laquelle nous nous sommes intéressés est celle de l’efficacité de la
kinésithérapie respiratoire dans cette maladie. Il s’agit d’un domaine peu étudié et nous avons
mené un essai thérapeutique pour évaluer l’efficacité de la technique utilisée en France
(Augmentation du flux expiratoire) sur le délai de guérison des nourrissons hospitalisés pour
première bronchiolite aiguë.
CHAPITRE 2 : OBJECTIFS DE LA THESE
38
Le troisième volet de ce travail est dédié à l’évaluation de la prescription de radiographie de
thorax chez les nourrissons consultant aux urgences pour dyspnée sifflante ; il nous est en
effet apparu important d’étudier les facteurs qui conduisaient un praticien à poser l’indication
de la réalisation d’une radiographie de thorax dans cette indication, et de confronter ces
critères à ceux décrits dans la littérature ainsi qu’aux facteurs connus pour être prédictifs de la
survenue d’une complication justifiant une prise en charge particulière.
39
CHAPITRE 3 : REPRODUCTIBILITE INTER-INDIVIDUELLE D’UN SCORE CLINIQUE
40
CHAPITRE 3
ETUDE DE LA REPRODUCTIBILITE INTER-OBSERVATEUR ENTRE INFIRMIERES, MEDECINS ET
KINESITHERAPEUTES D’UN SCORE CLINIQUE D’EVALUATION DES NOURRISSONS AYANT UNE
BRONCHIOLITE AIGUË
1 Introduction
Les modalités de la prise en charge hospitalière d’un enfant ayant une bronchiolite aiguë du
nourrisson sont fondées sur le résultat de son évaluation clinique. Celle-ci est réalisée
plusieurs fois par jour et fait intervenir plusieurs catégories de soignants (infirmières,
kinésithérapeutes, médecins). L’évaluation clinique prend en compte l’examen respiratoire
(fréquence respiratoire, compliance thoracique, présence ou non de signes de lutte, évaluation
de la saturation transcutanée en oxygène, auscultation pulmonaire) ainsi que le retentissement
d’une éventuelle détresse respiratoire (état d’éveil, alimentation). Les traitements sont adaptés
en fonction de l’évolution de l’état clinique, que ce soit l’escalade thérapeutique (mise en
route d’une assistance alimentaire par exemple), la désescalade, voire la décision de sortie de
l’enfant. Il est donc indispensable de disposer d’un outil d’évaluation performant. Pour qu’un
outil d’évaluation clinique soit utilisable, il doit avoir plusieurs propriétés (Van Der Windt, D.
A. W. M. et al. 1994), et notamment une bonne reproductibilité inter-observateurs c'est-à-dire
que son résultat soit comparable quand il est utilisé par deux soignants différents qu’ils aient,
ou non la même formation. Cette reproductibilité inter-observateur est une des propriétés
essentielles d’un outil d’évaluation clinique car dans le cas contraire, il serait impossible pour
un soignant de décider d’une prise en charge en tenant compte de l’évaluation clinique faite
par un autre ; plus encore, l’absence de reproductibilité rendrait caduque toute tentative
CHAPITRE 3 : REPRODUCTIBILITE INTER-INDIVIDUELLE D’UN SCORE CLINIQUE
41
d’évaluation de l’évolution dans le temps d’un enfant. L’outil d’évaluation doit également
avoir une bonne validité (c'est-à-dire décrire de manière fiable l’état du patient) et une bonne
sensiblilité (c'est-à-dire permettre de détecter une modification de l’état clinique et plus
particulièrement de la gravité en fonction du temps, ou de la réponse à une intervention).
Plusieurs outils d’évaluation ont été développés pour la prise en charge des nourrissons
hospitalisés pour une bronchiolite aiguë (Berger, I. et al. 1998; Dabbous, I. A. et al. 1966;
Gadomski, A. M. et al. 1994; Kristjansson, S. et al. 1993; Liu, L. L. et al. 2004; Lowell, D. I.
et al. 1987; Richter, H. and Seddon, P. 1998; Schuh, S. et al. 1990; Tal, A. et al. 1983;
Wainwright, C. et al. 2003; Walsh, P. et al. 2004; Walsh, P. et al. 2006; Wang, E. E. et al.
1992). La reproductibilité inter-observateur de ces outils n’a été évalué que pour la moitié
d’entre eux (Dabbous, I. A. et al. 1966; Gadomski, A. M. et al. 1994; Liu, L. L. et al. 2004;
Lowell, D. I. et al. 1987; Tal, A. et al. 1983; Walsh, P. et al. 2006; Wang, E. E. et al. 1992).
De plus, cette évaluation n’a utilisé la statistique de kappa que pour quatre de ces outils (Liu,
L. L. et al. 2004; Lowell, D. I. et al. 1987; Walsh, P. et al. 2006; Wang, E. E. et al. 1992).
Trois de ces études ont été réalisées qu’avec seulement deux paires d’observateurs (deux
médecins ou un médecin et un kinésithérapeute) ce qui limite considérablement la portée de
leurs résultats (Liu, L. L. et al. 2004; Lowell, D. I. et al. 1987; Wang, E. E. et al. 1992). Il est
en effet difficile d’extrapoler avec certitude la bonne reproductibilité observée entre deux
observateurs ayant participé à une étude (et donc sensibilisés et entraînés) à un nombre
important d’intervenants impliqués dans la pratique clinique. L’étude de Liu et al a impliqué
un grand nombre d’observateurs mais les patients inclus dans cette étude étaient très
hétérogènes et seuls 17 des 55 enfants inclus avaient une bronchiolite aiguë du nourrisson (les
autres ayant principalement des crises d’asthme).
La reproductibilité inter-individuelle entre différents types de soignants des outils
d’évaluation de l’état respiratoire des enfants hospitalisés pour bronchiolite aiguë est donc peu
CHAPITRE 3 : REPRODUCTIBILITE INTER-INDIVIDUELLE D’UN SCORE CLINIQUE
42
étudiée. L’objectif de la présente étude était d’évaluer la reproductibilité inter-individuelle
entre infirmières, kinésithérapeutes et médecins de l’évaluation de l’état respiratoire de
nourrissons hospitalisés pour bronchiolite aiguë à l’aide d’un score clinique simple et
couramment utilisé dans le cadre des soins ou de la recherche clinique.
2 Patients et Méthodes
2.1 Organisation de l’étude
L’étude a été réalisée entre le 15 septembre 2003 et le 15 janvier 2004 dans quatre services
hospitaliers pédiatriques de la région parisienne (Antoine Béclère – Clamart, Robert Debré –
Paris, Centre Hospitalier Intercommunal – Poissy et Jean Verdier – Bondy). Les enfants âgés
de moins de 18 mois hospitalisés pour une première bronchiolite aiguë du nourrisson étaient
incluables. La définition retenue pour la bronchiolite aiguë était celle proposée par
l’Académie Américaine de Pédiatrie (constellation de symptômes et de signes incluant des
prodromes respiratoires « hauts » attribuables à une infection virale suivi d’une augmentation
des efforts respiratoires – tachypnée, signes de lutte – et la présence de sibilants à
l’auscultation) (Subcommittee on Diagnosis and Management of Bronchiolitis 2006). La
décision d’hospitaliser l’enfant était prise lors de la consultation aux urgences,
indépendamment de la réalisation de cette étude. Elle prenait en compte la nécessité de
proposer une assistance alimentaire (entérale ou intraveineuse), la nécessité de mettre en place
une oxygénothérapie ainsi que celle d’une surveillance rapprochée. Les enfants ne nécessitant
pas d’hospitalisation ou nécessitant immédiatement une prise en charge en réanimation n’ont
pas été inclus dans cette étude.
Pour des raisons pratiques, il n’était pas possible de désigner les observateurs au hasard pour
chaque observation. Les paires d’observateurs ont donc été constituées comme suit : quand un
soignant effectuait un examen clinique dans le cadre des soins habituels, il sollicitait un autre
CHAPITRE 3 : REPRODUCTIBILITE INTER-INDIVIDUELLE D’UN SCORE CLINIQUE
43
soignant pour participer à l’observation. Chaque observateur réalisait alors un examen
clinique respiratoire (Fréquence respiratoire, estimation des signes de lutte et de la présence
ou non de sibilants) de façon indépendante (il n’avait pas connaissance du résultat de
l’examen réalisé en même temps par le second observateur). Avant le début de l’étude,
chaque participant à l’étude a reçu une note d’information expliquant les objectifs de l’étude,
les modalités de son déroulement et dans laquelle était présenté le score clinique utilisé
(tableau 1). Comme dans la pratique courante il n’est pas habituel de former spécifiquement
les soignants à l’utilisation de cet outil d’évaluation, nous n’avons pas réalisé d’entrainement
des soignants à l’utilisation du score respiratoire avant le début de l’étude.
Avant de débuter une observation, le couple d’observateurs expliquait aux parents l’objectif et
les modalités de réalisation de l’étude en leur précisant qu’il s’agissait d’une étude purement
observationnelle qui ne changeait en rien les modalités de prise en charge de leur enfant. Les
parents pouvaient, s’ils le souhaitaient, ne pas participer à l’étude. Les modalités de l’étude
ont été approuvées par le comité de protection des personnes de Saint Germain en Laye.
Pour chaque enfant inclus, nous avons recueilli la date de naissance et d’admission, la date de
réalisation de l’évaluation. La qualité (infirmière, kinésithérapeute, médecin) de chaque
soignant participant était consignée ainsi que le résultat de l’évaluation de chacun d’entre eux.
Toutes les observations ont été réalisées entre 8h00 et 23h00 quand l’enfant était à l’éveil et à
distance d’un repas.
2.2 Outil d’évaluation respiratoire
Le score utilisé pour évaluer l’état respiratoire des nourrissons était composé des paramètres
habituellement pris en compte dans l’évaluation de l’état respiratoire d’un nourrisson :
Fréquence respiratoire, signes de lutte, sibilants). Chaque sous-score était coté de 0 à 3 sauf
celui de la fréquence respiratoire (adapté à l’âge) qui était coté de 1 à 3. Le score total, somme
CHAPITRE 3 : REPRODUCTIBILITE INTER-INDIVIDUELLE D’UN SCORE CLINIQUE
44
des trois sous-scores pouvait prendre toutes les valeurs entre 1 et 9 (tableau 1). Les variables
choisies pour constituer chacun des sous-scores l’ont été de manière pragmatique en se
rapprochant le plus possible de la pratique courante actuelle. Ce choix était motivé par le
souci de se mettre dans une situation optimale et notamment d’utiliser des paramètres qui,
pour la plupart d’entre eux, étaient utilisés en routine par les infirmières. Il s’agit par ailleurs
des paramètres habituellement pris en compte dans la plupart des scores existants. En ce qui
concerne le choix des attributs, nous nous sommes également inspirés des scores existants.
Tableau 1: Score respiratoire étudié
0 point 1 point 2 points 3 points Fréquence respiratoire (/min) Age < 2 mois ≤ 60 61 – 69 ≥ 70 Age 2 – 12 mois ≤ 50 51 – 59 ≥ 60 Age 12 – 24 mois ≤ 40 41 – 44 ≥ 45
Signes de lutte Aucune TIC isolé TIC et TSC et/ou entonnoir xiphoïdien
TIC sévère avec BAN ou thorax bloqué ou BTA grade II
Score de sibilance Aucune Fin d’expiration Inspiratoire et expiratoire
Audible sans stéthoscope
TIC : tirage inter-costal, TSC : tirage sous-costal, BAN: Battement des ailes du nez, BTA: balancement thoraco-abdominal.
2.3 Analyse statistique
Nous avons dans un premier temps décrit les fréquences des différentes valeurs prises par le
score.
Nous avons ensuite estimé la concordance inter-observateur. Le taux de concordance entre les
deux observateurs a été estimé en calculant la statistique des kappas pondérés (Kw) qui tient
compte du fait que la concordance entre deux observateurs peut être liée au hasard (Cohen, J.
1968). Cela revient à dire que sous l’hypothèse nulle (indépendance des juges), la
concordance aléatoire (Pa) n’est pas nulle ; de ce fait, on considère que l’accord entre deux
CHAPITRE 3 : REPRODUCTIBILITE INTER-INDIVIDUELLE D’UN SCORE CLINIQUE
45
juges n’est « intéressant » que si la probabilité de concordance observée (Pobs) est supérieure à
la probabilité de concordance aléatoire Pa. C’est ce qu’illustre la statistique kappa (K) :
a
aobs
PPPK
−−
=1
Certaines discordances entre juges (valeurs plus éloignées l’une de l’autre) étant plus graves
que d’autres, il est nécessaire pondérer la statistique kappa. Nous avons choisi d’utiliser un
système de pondération linéaire ou le poids attribué à chaque probabilité de concordance
prend la valeur w :
11
−−
−=r
jiw
Où i et j sont les valeurs du score prises par chaque observateur et r la valeur maximale que
peut prendre le score.
Si la concordance observée Po(w) de la statistique de kappa pondéré est définie par
∑∑= =
=r
i
r
jijijwo pwP
1 1)(
Et la concordance aléatoire Pa(w) par
∑∑= =
=r
i
r
jjiijwa ppwP
1 1)(
pi étant la probabilité que le score prenne la valeur i (ni/n), pj celle que le score prenne la
valeur j (nj/n), pij la probabilité que le score prenne la valeur i pour le premier observateur et
la valeur j pour le second. Enfin, n représente le nombre total de couple d’observations.
Alors le kappa pondéré prend la valeur :
CHAPITRE 3 : REPRODUCTIBILITE INTER-INDIVIDUELLE D’UN SCORE CLINIQUE
46
)(
)()(
1 wa
wawow P
PPK
−−
=
L’intervalle de confiance à 95% de la statistique du Kappa pondéré a été calculée en réalisant
des ré-échantillonnages par la méthode du boostrap (1000 itérations) (Efron, B. and
Tibshirani, R. 1986; Reichenheim, M. E. 2004). Les limites supérieure et inférieure des
intervalles de confiance pour chaque coefficient kappa ont été définies comme le 2,5ème et le
97,5ème percentiles des distributions bootstraps respectives.
Les taux de concordance pondérés ont été calculés pour des couples du même type
(infirmière-infirmière, kinésithérapeutes-kinésithérapeutes et médecin-médecin) et pour des
couples de soignants différents (médecin-infirmière et médecin-kinésithérapeutes). Comme
nous avons fait l’hypothèse que la concordance entre infirmières et médecins serait moins
bonnes pour certains sous-scores (score de sibilance en particulier), nous avons calculé le
score de kappa pondéré et son intervalle de confiance pour chacun des sous-scores. Enfin,
nous avons calculé le score de kappa pondéré, global, de chaque sous-score, et en fonction du
type d’intervenant pour chaque tranche d’âge (nourrissons âgés de moins de un mois, entre un
et rois mois, entre trois et six mois, et de plus de six mois).
Nous avons qualifié la qualité de la reproductibilité inter-observateur conformément à la
classification de Landis et Koch (Landis, J. R. and Koch, G. G. 1977)(tableau 2).
Tableau 2 : Classification de Landis et Koch
Kappa Concordance
0 – 0,20 Mauvaise
0,21 – 0,40 Médiocre
0,41 – 0,60 Modérée
0,61 – 0,80 Bonne
0,81 – 1,00 Excellente
CHAPITRE 3 : REPRODUCTIBILITE INTER-INDIVIDUELLE D’UN SCORE CLINIQUE
47
La méthode suivante a été utilisée pour comparer deux scores de kappa entre eux (Fleiss, J.
1981) : L’écart-type de chaque coefficient est estimé la manière suivante :
2)1()1(
a
ooK Pn
PPS−−
=
Dans un second temps, si l’effectif est suffisamment important pour que la loi des grands
nombres soit vérifiée, alors, il est possible de comparer deux coefficients Kappa par la
statistique de test suivante qui suit une loi normale centrée réduite sous l’hypothèse d’égalité
des kappas :
22
21
21 KK SS
KK
+
−=ε
Les tests ont été considérés comme significatif pour un p<0,05.
Enfin, pour illustrer la concordance entre observateurs en fonction de chaque valeur du score,
nous avons construit un diagramme de Bland et Altman (Bland, J. M. and Altman, D. G.
1995). Ce diagramme qui représente les différences de résultats des deux évaluations d’une
même paire (en ordonnée) en fonction de la moyenne de ces résultats (en abscisse) permet de
vérifier que la concordance n’est pas sensible à la valeur du score en donnant une
visualisation des erreurs de mesure en fonction de la valeur des résultats et permet ainsi
d’objectiver un éventuel biais lié à la valeur du score.
Toutes les analyses statistiques ont été réalisées avec le logiciel Stata 10 (StataCorp. 2007.
Stata Statistical Software: Release 10. College Station, TX: StataCorp LP).
CHAPITRE 3 : REPRODUCTIBILITE INTER-INDIVIDUELLE D’UN SCORE CLINIQUE
48
3 Résultats
Quatre-vingt deux soignants ont participé à cette étude et rempli des évaluations cliniques
pour 180 nourrissons (360 évaluations au total) sur une période de quatre mois. L’âge des
nourrissons inclus allait de 12 jours à 15,5 mois avec une médiane de 2,1 mois. Les soignants
qui ont participé étaient des infirmières pour 51% d’entre eux, des kinésithérapeutes pour
15% d’entre eux, et des médecins pour 34% d’entre eux. 20% des évaluations ont été réalisées
par des infirmières, 15% par des kinésithérapeutes et 65% par des médecins. Les paires de
soignants étaient le plus souvent constituées de deux médecins (n=85, 47,2%) puis par un
médecin et une infirmière (n=30, 16,7%), une infirmière et un kinésithérapeute (n=27, 15,0%)
ou un médecin et un kinésithérapeute (n=23, 12,8%). Onze paires étaient constituées de deux
infirmières (6,1 %) et quatre (2,2%) de deux kinésithérapeutes. Les scores observés allait de la
valeur 1 à la valeur 9 ; la distribution des valeurs n’était pas normale (figure 1).
Figure1 : Distribution du score respiratoire (n=360 observations)
0
5
10
15
20
25
Pou
rcen
tage
3 6 9Score global
CHAPITRE 3 : REPRODUCTIBILITE INTER-INDIVIDUELLE D’UN SCORE CLINIQUE
49
3.1 Score Global (tableau 3)
Le taux de concordance du score global pour l’ensemble des paires d’observateurs était de
93,1% et le coefficient de kappa pondéré de 0,72 (IC.95 = [0,66 – 0,78]), ce qui correspond à
une bonne concordance. Quand la paire d’observateurs était composée de deux médecins, le
taux de concordance était de 92,9% et le coefficient de kappa pondéré de 0,74 (IC.95 = [0,64 –
0,84]), ce qui correspond également à une bonne concordance. Le taux de concordance pour
les paires composées d’un médecin et d’un soignant autre (infirmière ou kinésithérapeute)
était de 90,3% et le coefficient de kappa pondéré de 0,69 (IC.95 = [0,56 – 0,78]), ce qui
correspond à une concordance modérément bonne à bonne. Les coefficients de kappa
n’étaient pas statistiquement significativement différents selon que la paire d’observateur était
constituée de deux médecins ou d’un médecin et d’un soignant d’un autre type (p=0,95).
Tableau 3 : Score respiratoire global (évaluation de la fréquence respiratoire, des signes de lutte et de
la sibilance)
n Concordance
observée (%)
Coefficient de
kappa pondéré
95% CI
Selon le type de paire
Toutes les paires 180 93,1 0,72 0,66 – 0,78
deux médecins 85 92,9 0,74 0,64 – 0,84
un médecin – un non
médecin
53 90,3 0,69 0,56 – 0,78
Par age (mois)
< 1 21 92,9 0,78 0,59 – 0,94
1 – 3 101 91,1 0,68 0,59 – 0,77
3 – 6 45 91,9 0,74 0,63 – 0,83
6 – 15 13 87,5 0,62 0,20 – 0,89
CHAPITRE 3 : REPRODUCTIBILITE INTER-INDIVIDUELLE D’UN SCORE CLINIQUE
50
3.2 Sous-scores (tableau 4)
Concernant la mesure de la fréquence respiratoire, le taux de concordance pour l’ensemble
des paires d’observateurs était de 94,9% et coefficient de kappa pondéré de 0,81 (IC.95 = [0,72
– 0,91]), ce qui correspond à une concordance bonne à excellente. Quand la paire
d’observateurs était composée de deux médecins, le taux de concordance était de 99,4% et le
coefficient de kappa pondéré de 0,97 (IC.95 = [0,89 – 1,00]), ce qui correspond également à
une excellente concordance. Le taux de concordance pour les paires composées d’un médecin
et d’un soignant autre (infirmière ou kinésithérapeute) était de 93,4% et le coefficient de
kappa pondéré de 0,76 (IC.95 = [0,52 – 0,92]), ce qui correspond à une concordance modérée à
excellente. Les coefficients de kappa n’étaient pas statistiquement significativement différents
selon que la paire d’observateur était constituée de deux médecins ou d’un médecin et d’un
soignant d’un autre type (p=0,75).
Concernant la mesure du sous-score évaluant les signes de lutte respiratoire, le taux de
concordance pour l’ensemble des paires d’observateurs était de 93,1% et coefficient de kappa
pondéré de 0,77 (IC.95 = [0,68 – 0,84]), ce qui correspond à une concordance bonne à
excellente. Quand la paire d’observateurs était composée de deux médecins, le taux de
concordance était de 91,8% et le coefficient de kappa pondéré de 0,64 (IC.95 = [0,50 – 0,77]),
ce qui correspond à concordance modérée à bonne. Le taux de concordance pour les paires
composées d’un médecin et d’un soignant autre (infirmière ou kinésithérapeute) était de
93,1% et le coefficient de kappa pondéré de 0,79 (IC.95 = [0,66 – 0,90]), ce qui correspond à
une concordance bonne à excellente. Les coefficients de kappa n’étaient pas statistiquement
significativement différents selon que la paire d’observateur était constituée de deux médecins
ou d’un médecin et d’un soignant d’un autre type (p=0,72).
CHAPITRE 3 : REPRODUCTIBILITE INTER-INDIVIDUELLE D’UN SCORE CLINIQUE
51
Enfin, concernant la mesure du sous-score évaluant la sibilance, le taux de concordance pour
l’ensemble des paires d’observateurs était de 91,3% et coefficient de kappa pondéré de 0,73
(IC.95 = [0,63 – 0,80]), ce qui correspond à une concordance modérée à bonne. Quand la paire
d’observateurs était composée de deux médecins, le taux de concordance était de 94,9% et le
coefficient de kappa pondéré de 0,81 (IC.95 = [0,66 – 0,92]), ce qui correspond à concordance
bonne à excellente. Le taux de concordance pour les paires composées d’un médecin et d’un
soignant autre (infirmière ou kinésithérapeute) était de 86,2% et le coefficient de kappa
pondéré de 0,62 (IC.95 = [0,43 – 0,77]), ce qui correspond à une concordance modérée à
bonne. Les coefficients de kappa n’étaient pas statistiquement significativement différents
selon que la paire d’observateur était constituée de deux médecins ou d’un médecin et d’un
soignant d’un autre type (p=0,75).
L’âge des enfants ne semblait pas affecter la reproductibilité inter-individuelle de l’évaluation
du score global ou des sous-scores (fréquence respiratoire, signes de lutte respiratoire,
sibilance).
CHAPITRE 3 : REPRODUCTIBILITE INTER-INDIVIDUELLE D’UN SCORE CLINIQUE
52
Tableau 4 : Evaluation de la reproductibilité de chacune des composantes du score respiratoire
n Concordance observée (%)
Coefficient de kappa pondéré
95% CI
Fréquence respiratoire Selon le type de paire
Toutes les paires 180 94,9 0,81 0,72 – 0,91 deux médecins 85 99,4 0,97 0,89 – 1,00 un médecin – 1 non médecin 53 93,4 0,76 0,52 – 0,92
Selon l’âge (mois) < 1 21 97,65 0,87 – 1 – 3 101 95,4 0,81 0,66 – 0,92 3 – 6 45 91,1 0,72 0,17 – 0,94 6 – 15 13 100,0 1,00 – Signes de lutte respiratoire
Selon le type de paire Toutes les paires 180 93,1 0,77 0,68 – 0,84 deux médecins 85 91,8 0,64 0,50 – 0,77 un médecin – 1 non médecin 53 93,1 0,79 0,66 – 0,90
Selon l’âge (mois) < 1 21 96,8 0,88 0,68 – 1,00 1 – 3 101 90,7 0,65 0,52 – 0,76 3 – 6 45 96,3 0,89 0,79 – 0,98 6 – 15 13 94,9 0,83 0,61 – 1,00 Sibilants
Selon le type de paire Toutes les paires 180 91,3 0,73 0,63 – 0,80 deux médecins 85 94,9 0,81 0,66 – 0,92 un médecin – 1 non médecin 53 86,2 0,62 0,43 – 0,77
Selon l’âge (mois) < 1 21 92,9 0,66 0,35 – 1,00 1 – 3 101 93,1 0,73 0,60 – 0,85 3 – 6 45 88,1 0,71 0,55 – 0,83 6 – 15 13 82,0 0,51 0,00 – 0,86
CHAPITRE 3 : REPRODUCTIBILITE INTER-INDIVIDUELLE D’UN SCORE CLINIQUE
53
La figure 2 représente pour chaque paire d’observations la différence entre les deux
observations en fonction de la moyenne des deux observations. Ce diagramme de Bland et
Altman montre que la variabilité inter-observateur est peu sensible à la valeur du score et
qu’il n’y a pas de biais évident lié au niveau de gravité de l’enfant dans l’évaluation de cette
variabilité.
Figure 2 : Diagramme de Bland et Altman : différences entre les scores des deux observateurs de la même paire
4 Discussion
Nous avons observé dans cette étude une reproductibilité satisfaisante entre les différents
soignants (infirmières, kinésithérapeutes, médecins) dans l’utilisation de l’outil proposé
d’évaluation clinique de l’état respiratoire des nourrissons hospitalisés pour première
bronchiolite. Cette bonne reproductibilité se traduit par une concordance inter-observateur
globalement comprise entre 85 et 95% et des scores de kappas pondérés entre 0,60 et 0,80.
L’outil d’évaluation clinique proposé repose sur l’observation de signes cliniques
habituellement recueillis par les différents soignants qui sont considérés comme fortement
corrélés à l’importance de la détresse respiratoire et dont le recueil au chevet du patient est
relativement simple.
CHAPITRE 3 : REPRODUCTIBILITE INTER-INDIVIDUELLE D’UN SCORE CLINIQUE
54
Comme cela était prévisible, des niveaux plus élevés de concordances entre les différents
soignants ont été observés pour des paramètres quantitatifs (fréquence respiratoire par
exemple) que pour des paramètres plus subjectifs (signes de rétraction, sibilance). Il n’y avait
pas de différence significative des scores de kappas pondérés qu’il s’agisse de la
reproductibilité entre médecins et non médecins ou de celle entre deux médecins comme en
témoignent le chevauchement des intervalles de confiance des estimateurs des coefficients de
kappas et les tests statistiques réalisés.
L'objectif principal de notre étude était d'évaluer la reproductibilité de l'évaluation clinique
indépendamment de l'âge de l'enfant, chez les enfants hospitalisés pour une bronchiolite. Une
analyse stratifiée sur l'âge (<1 mois, 1 à 3 mois, 3 à 6 mois et> 6 mois) n'a montré aucune
différence dans les estimations des coefficients de kappas pondérés, ce qui suggère que cet
outil d'évaluation clinique est utilisable pour tous les nourrissons hospitalisés pour une
bronchiolite aiguë, quel que soit leur âge.
L'évaluation de l'état respiratoire est utile aussi bien dans le cadre du soin quotidien des
nourrissons atteints de bronchiolite aiguë que pour la réalisation d'études cliniques relatives à
cette pathologie. Dans de nombreuses études, certains paramètres cliniques, tels que les signes
de rétraction, la sibilance et la fréquence respiratoire, ont été inclus dans les scores
d’évaluation parce qu'ils sont considérés étroitement liés à l'état respiratoire des enfants ayant
une détresse respiratoire (tableau5). Toutefois, le caractère qualitatif de certains de ces
paramètres implique une certaine subjectivité dans leur évaluation et pose inévitablement des
questions sur la reproductibilité inter-observateur dans l'évaluation clinique utilisant les scores
utilisant ce type de paramètres.
CHAPITRE 3 : REPRODUCTIBILITE INTER-INDIVIDUELLE D’UN SCORE CLINIQUE
Tableau 5 : Scores publiés pour l’évaluation des bronchiolites aiguës du nourrisson.
Fréquence Respiratoire Signes de Rétraction Wheezing Apparence
Générale coloration cutanée /
cyanose Autres Validation
(Berger, I. et al. 1998)
4 classes non ajusté sur l’âge
- Aucun - Légers - Modérés - Sévères avec
battement des ailes du nez
- Aucun - Expiratoire et inspiratoire - aux deux temps audible sans sthétoscope ou silence auscultatoire
- - Geignement Non
(Dabbous, I. A. et al. 1966)
≤ 40/min 40 – 50/min 50 – 60/min
> 60/min
Score de Silverman‡
- Aucun - Suspiscion - Audible au stéthoscope - Audible sans stéthoscope
- Normale - Légèrement irritanle - anxiété – asphyxique - prostration
- Aucune cyanose - discrète cyanose péribuccale à l’effort - Cyanose des extrémités à l’effort - Cyanosie présente au repos
Toux Ratio expiration/Inspiration Tympanisme Ptose hépatique
« une étude pilote a permis de démonter sa reproductibilité » (pas de référence
Gadomski et al.(Gadomski, A. M. et al. 1994)
FR/min, quantitatif
Semi-quantitatif (aucun – mineur/intermittent – marqué/persistent) pour chaque muscle (sus claviculaire, intercostal et battement des ailes du nez)
Durée - Aucun - fin d’expiration - toute l’expiration - Expiratoire et inspiratoire Localisation - Aucun - Segmentaire - Diffus - Audible sans stéthoscope
Irritabilité Cri Intéraction,
- -
Reproductibilité entre deux observateurs (aucune information sur le nombre d’observateurs impliqués dans l’étude Corrélation à la SpO2
Kristjansson et al.(Kristjansson, S. et al. 1993)
3 classes non ajusté sur l’âge
- Aucun - Modéré costo-diaphragmatique - Sévère, plus affaissement costal et cervical
- Murmure vésiculaire - Wheezing + râles/ronchi - abolition du murmure vésiculaire +/- Wheering sévère +/- râles/ronchi importants
- Normale - modérément altérée - Sévèrement affecté
- Normal - Paleur - Cyanose
- Non
Liu et al.(Liu, L. L. et al. 2004)
3 classes Ajusté sur l’âge
- Aucun - Intercostal - Intercostal et sus-sternal - idem + sus claviculaire
- Aucun - Fin d’expiration - Toute l’expiration - Inspiration et expiration
- - Dyspnée lors de l’alimentation et à la parole
Etude de validation de la reproductibilité inter-observateur (Kappa) -17 bronchiolites - 98 soignants
Lowell et al.(Lowell, D. I. et al. 1987)
FR/min
Semi-quantitatif (aucun – mineur/intermittent – marqué/persistent) pour chaque muscle (sus claviculaire, intercostal et sous-costal
Expiration - Aucun - Fin d’expiration - 50% de l’expiration - 75% de l’expiration - 100% Inspiration - Aucune - En partie - toute l’inspiration
- - -
Validation de la reproductibilité inter-observateur (Kappa) - nombre d’enfants ? - 2 observateurs
CHAPITRE 3 : REPRODUCTIBILITE INTER-INDIVIDUELLE D’UN SCORE CLINIQUE
Localisation - Aucun - Segmentaire, ≤ 2 des 4 champs pulmonaires - Diffus, ≥3 des 4 champs pulmonaires
Richter et al.(Richter, H. and Seddon, P. 1998)†
FR/min quantitative Intensité de la rétraction Présence d’un wheezing - -
- Concentration en Oxygène nécessaire pour mapintenir une SpO2 > 92% - Nécessité d’une perfusion ou d’une nutrition
No
Tal et al.(Tal, A. et al. 1983)
4 classes non ajusté sur l’âge
0- Aucun 1- +/- 2- ++ 3- ++++
0- Aucun 1- Fin d’expiration 2- Inspiration/Expiration au stéthoscope 3- Inspiration/Expiration sans stéthoscope
-
0-Pas de cyanose 1- péribuccal au cri 2- péribuccal au repos 3- Cyanose généralisée au repos
-
Etude pilote de validation incluant 25 enfants. Pas de différence de plus de un point. Pas de référence
Schuh et al.(Schuh, S. et al. 1990)
- Aucune rétraction - Rétraction intercostale modérée - rétraction modérée avec tirage trachéo-sternal - Rétraction sévère avec battement des ailes du nez
- Aucun - Fin d’expiration - Expiration/Inspiration au sthétoscope - Expiration/Inspiration au sthétoscope sans stéthoscope
- - SpO2 No
Wang et al.(Wang, E. E. et al. 1992)
4 classes non ajusté sur l’âge
- Aucun - Intercostal - Tracheosternal - sévère avec battement des ailes du nez
- Aucun - Fin d’expiration ou seulement au sthétoscope - Toute l’expiration ou sans le sthétoscope - Inspiration/Expiration sans sthétoscope
- Normal - Irritabilité, léthargie et difficultés alimentaires
- -
Validation de la reproductibilité inter-observateur (Kappa) 56 enfants Nombre d’observateurs ?
Wainwgright et al. (Wainwright, C. et al. 2003)
FR ajusté sur l’âge - -2 SD à +2 SD - 2 à 3 SD - > 3 SD.
Pour chaque muscle (intercostal, sous-costal, sous-sternal, tracheal, battement des ailes du nez - Absent, - Léger à modéré - Sévère
- -
SpO2
- 95 – 100% - 90 – 94% - < 90%
No
Walsh et al.(Walsh, P. et al. 2006)
Score = [Rétraction (Oui/Non) x 2,221] + [FC > 97centile (Oui/Non) x 1,330] + [Age (mois) x -0,150] + [Déshydratation (0/1/2/3) x 0, 933]
Reproductibilité inter-observateur (Kappa) 27 observateurs 146 enfants 2 centres
†Adapté de Westley et al .(Am J Dis Child 1978; 132: 484-7 ‡Silverman score. Pediatrics 1956; 17 : 1
CHAPITRE 3 : REPRODUCTIBILITE INTER-OBSERVATEUR D’UN SCORE CLINIQUE
57
Il paraissait donc nécessaire d’évaluer la reproductibilité de l’évaluation des trois paramètres
cliniques les plus fréquemment utilisés (signes de rétraction, sibilance et fréquence
respiratoire) et ce, pour au moins trois raisons : premièrement, la plupart des scores publiées
antérieurement incluent ces paramètres (Dabbous, I. A. et al. 1966; Gadomski, A. M. et al.
1994; Kristjansson, S. et al. 1993; Liu, L. L. et al. 2004; Lowell, D. I. et al. 1987; Richter, H.
and Seddon, P. 1998; Schuh, S. et al. 1990; Tal, A. et al. 1983; Wainwright, C. et al. 2003;
Walsh, P. et al. 2006; Wang, E. E. et al. 1992). Deuxièmement, ces paramètres cliniques sont
faciles à évaluer sans équipement particulier et l’utilisation de scores cliniques les intégrant
peut être très large. Enfin, ces trois composantes (fréquence respiratoire, signes de lutte et
sibilance) sont des signes qui ont un place déterminante dans l’évaluation des nourrissons
atteints de bronchiolite aiguë du nourrisson car ils sont corrélés à la sévérité de la
bronchiolite. Il a en effet été montré que la fréquence respiratoire (Shaw, K. N. et al. 1991)
ainsi que les signes de lutte (Mulholland, E. K. et al. 1990) étaient corrélés à la sévérité et
probablement à l’hypoxémie (et donc au recours à l’oxygénothérapie) chez les nourrissons
atteints de bronchiolite aiguë du nourrisson. Toutefois, ces résultats qui reposent sur des
études relativement anciennes mériteraient sans doute d’être confirmés par de nouvelles
études. De même, il a été montré que la tachypnée était corrélée à la présence d’une infection
des voies respiratoires basses ou d’une pneumopathie infectieuse (Mahabee-Gittens, E. M. et
al. 2005; Margolis, P. and Gadomski, A. 1998) et cela a conduit à intégrer dans les
recommandations la prise en compte de ce symptôme dans le dépistage de complications
d’une bronchiolite aiguë du nourrisson (Subcommittee on Diagnosis and Management of
Bronchiolitis 2006). Dans une étude prospective réalisée aux urgences pédiatriques, il a été
montré que la fréquence respiratoire élevée était un facteur à prendre en compte en synergie
avec la saturation transcutanée en oxygène pour prédire au mieux la sévérité d’une
bronchiolite (Voets, S. et al. 2006). La limitation à la prise en compte des la fréquence
CHAPITRE 3 : REPRODUCTIBILITE INTER-OBSERVATEUR D’UN SCORE CLINIQUE
58
respiratoire est la situation d’un épuisement respiratoire du nourrisson, situation dans laquelle
la tachypnée et les signes de luttes sont remplacés par une polypnée superficielle et inefficace
et/ou la répétition d’apnées.
Il existe d’autres paramètres importants dans l’évaluation d’un nourrisson atteint de
bronchiolite aiguë, que ce soit des paramètres dont la mesure est objective (saturation
transcutanée en oxygène ou statut alimentaire), ou des paramètres dont la mesure est
beaucoup plus imprécise et subjective (comme l’état général, le tonus, qualité des pleurs,
cyanose). Ces derniers paramètres cliniques outre qu’ils sont difficiles à évaluer et que cette
évaluation est subjective, ne sont qu’une évaluation très indirecte et non spécifique de la
détresse respiratoire. Leur apparition est de plus tardive et il est nécessaire de repérer
l’aggravation clinique avant l’apparition de tels signes. La mesure de la saturation trancutanée
en oxygène remplace avantageusement la recherche d’une cyanose : en effet, la possibilité de
réaliser une mesure continue, la précision et la reproductibilité de la mesure de celle-ci en font
un outil performant. Nous n’avons donc pas inclus la mesure de la cyanose dans notre étude.
Nous n’avons pas non plus étudié la reproductibilité de la mesure de la saturation en oxygène
dans la mesure où elle ne consiste qu’en la lecture d’un chiffre sur un écran, ce qui ne pose
pas de problème de reproductibilité inter-observateur. Il faut toutefois noter qu’un certain
nombre de questions persistent à propos de son utilisation : d’une part, la reproductibilité de la
mesure dépend de la facilité de pose du capteur sur le nourrisson ; d’autre part, il n’est pas
évident que la précision de la mesure soit suffisamment bonne notamment quand la valeur
indiquée par l’appareil (qui a une précision de +/- 3%) se situe autour du seuil qui permet de
dire que l’hématose est normale ou non. L’étude clinique randomisée en cours de réalisation
(ClinicalTrials.gov: NCT00673946) permettra de mieux apprécier l’impact de cette mesure
dans la prise de décision des praticiens et en particulier, évaluer le pourcentage des
hospitalisations « à tort » que son utilisation engendre.
CHAPITRE 3 : REPRODUCTIBILITE INTER-OBSERVATEUR D’UN SCORE CLINIQUE
59
L’objectif principal était donc d’évaluer la reproductibilité inter-observateurs des différents
paramètres de surveillance qui nous paraissaient pertinents entre différents type de soignants.
Cette reproductibilité nous parait en effet fondamentale à plusieurs titres : que ce soit en
pratique clinique courante ou dans le cadre d’études cliniques, ces évaluations permettent de
prendre des décisions thérapeutiques et/ou de juger de la réalisation d’un objectif (évaluation
d’un critère de jugement). Dans une pathologie aiguë où l’évolution est rapide, les évaluations
cliniques doivent être rapprochées si l’on veut prendre les décisions thérapeutiques en temps
réel et/ou évaluer un critère de jugement comme un délai de réalisation aussi précisément que
possible. Cela implique donc que les évaluations soient réalisables vingt quatre heures sur
vingt quatre. Il est donc indispensable que plusieurs intervenants différents puissent évaluer
les nourrissons et que cette évaluation ne repose pas sur les seuls médecins. La question de
savoir si un même score d’évaluation peut être indifféremment utilisé en pratique clinique
courante et dans le cadre d’étude clinique mérite d’être posée. Dans la situation clinique qui
nous intéresse, il parait important, si nous voulons pouvoir extrapoler les résultats des études
cliniques à la pratique courante, d’utiliser des critères de jugement dans les dites études qui
permettent de répondre aux questions posées au quotidien. Ainsi, si un traitement est évalué
dans l’espoir qu’il permette d’accélérer la guérison, il est indispensable que les critères de
jugement utilisés rendent compte de la guérison telle qu’elle est estimée dans la pratique
courante. De même, si une étude évalue l’effet d’une intervention sur le taux
d’hospitalisation, il est impératif que le critère de jugement de l’étude prenne en compte les
éléments qui sont, dans la réalité, pris en compte pour décider de l’hospitalisation ou non du
nourrisson.
Peu d’études ont par le passé évalué la variabilité inter-individuelle des scores respiratoires
utilisés dans les bronchiolites aiguës du nourrisson et la plupart de ces études manquaient de
puissance en raison d’un petit nombre d’évaluations ou ne prenaient en compte qu’un petit
CHAPITRE 3 : REPRODUCTIBILITE INTER-OBSERVATEUR D’UN SCORE CLINIQUE
60
nombre d’observateurs (Dabbous, I. A. et al. 1966; Gadomski, A. M. et al. 1994; Liu, L. L. et
al. 2004; Lowell, D. I. et al. 1987; Tal, A. et al. 1983; Walsh, P. et al. 2006; Wang, E. E. et al.
1992). Dans seulement quatre de ces études, l’évaluation de la reproductibilité inter-
individuelle a pris en compte que la concordance entre deux observateurs pouvait être le fait
de la seule chance en faisant intervenir le calcul d’une statistique de Kappa (Liu, L. L. et al.
2004; Lowell, D. I. et al. 1987; Walsh, P. et al. 2006; Wang, E. E. et al. 1992). Cependant,
trois de ces quatre études ne reposaient que sur les observations de 2 observateurs (Lowell, D.
I. et al. 1987; Walsh, P. et al. 2006; Wang, E. E. et al. 1992) ce qui diminue probablement la
variabilité des observations mais est une situation éloignée de la réalité clinique où, pour un
même enfant au cours d’un même séjour, de nombreux intervenants de formation différentes
vont évaluer l’état clinique du patient. Ce type d’étude basée sur la participation de deux
observateurs seulement surestime probablement la reproductibilité inter-observateur du score.
Les résultats de notre étude sont cohérents avec ceux des études précédentes (Liu, L. L. et al.
2004; Walsh, P. et al. 2006; Wang, E. E. et al. 1992). Ils confirment en particulier, sur un
échantillon de plus grande importance, les résultats de Liu et al (Liu, L. L. et al. 2004) qui ont
trouvé un niveau élevé de reproductibilité inter-individuelle entre les différents types de
soignants pour l’évaluation de signes cliniques similaires. Notre étude apporte toutefois
quelques informations supplémentaires : d’une part, aucune des études précédentes n’a évalué
la reproductibilité inter-observateur des scores respiratoires dans le cas spécifique de la
bronchiolite ; notre étude se distingue des autres dans la mesure où n’ont été inclus que des
nourrissons présentant un premier épisode de dyspnée sifflante hospitalisés au cours d’une
épidémie d’infection à VRS ; nous nous sommes ainsi assurés que l'échantillon de patients
étudiés était très homogène. Deuxièmement, notre étude a porté sur la reproductibilité de
l'évaluation clinique entre des paires de soignants d’horizons différents (infirmiers, médecins
et kinésithérapeutes). Liu et al. ont également rapporté une bonne reproductibilité inter-
CHAPITRE 3 : REPRODUCTIBILITE INTER-OBSERVATEUR D’UN SCORE CLINIQUE
61
observateurs (Liu, L. L. et al. 2004), mais dans cette étude, l’échantillon de patients n’est pas
homogène puisque seuls 17 d’entre eux avaient une bronchiolite aiguë, les autres enfants
inclus ayant une crise d’asthme. La physiopathologie de ces deux maladies d’une part, les
différences de dynamique thoracique selon l’âge d’autre part (moins bonne compliance de la
paroi thoracique et diminution des résistances des voies respiratoires, modification de la
forme du thorax et augmentation de l'efficacité du diaphragme), sont deux arguments
importants pour penser que la reproductibilité inter-individuelle doit être évaluée de façon
indépendante dans ces deux indications.
Notre étude confirme donc sur un échantillon de grande taille et en se focalisant sur la
population bien particulière des nourrissons atteint de bronchiolite aiguë, que l’outil
d’évaluation habituellement utilisé pour évaluer les nourrissons dans cette pathologie est bien
reproductible. En conséquence, ses résultats peuvent être facilement partagés par les différents
types de soignants impliqués dans la prise en charge de ces nourrissons.
Notre étude comporte certaine limites. La première est qu’elle a été réalisée chez des
nourrissons hospitalisés dans un service de pédiatrie et avec des observateurs hospitaliers. Il
est donc difficile d’extrapoler ces résultats à l’ensemble des nourrissons consultant pour
bronchiolite aiguë, que ce soit en médecine de ville ou aux urgences. Les populations sont en
effet différentes, notamment dans le cadre de la médecine de ville où probablement, le niveau
moyen de gravité est différent que chez les nourrissons évalués en hospitalisation. De même,
les soignants hospitaliers ont probablement également des caractéristiques différentes de
celles des soignants en médecine ambulatoire. D’autres études sont néanmoins nécessaires
pour évaluer la reproductibilité de ce score dans la prise en charge ambulatoire des
nourrissons atteint de bronchiolite aiguë.
CHAPITRE 3 : REPRODUCTIBILITE INTER-OBSERVATEUR D’UN SCORE CLINIQUE
62
Une seconde limite à notre étude est que nous n’avons pas pris en compte dans l’analyse le
niveau de formation et d’expérience des soignants. Ces paramètres jouent probablement un
rôle dans l’acuité de l’évaluation clinique, même si ce rôle n’est pas parfaitement connu.
L’hétérogénéité d’expérience peut probablement conduite à une sous-estimation de la
concordance ; toutefois, sa prise en compte permet de se rapprocher le plus possible des
conditions d’utilisation du score en pratique courante. De plus, il n’avait pas été mis en
évidence de lien entre le niveau de formation et la reproductibilité inter-individuelle (Walsh,
P. et al. 2006).
Nous n’avons pas étudié l’ensemble des paramètres cliniques utilisés couramment pour
l’évaluation des nourrissons ayant une bronchiolite aiguë. Nous n’avons en particulier pas
tenu compte de la présence d’apnées dont la survenue constitue pourtant un critère de gravité
reconnu dans la bronchiolite aiguë du nourrisson. Il faut toutefois noter que les nourrissons
atteints de bronchiolite aiguë initialement très sévère n’étaient pas inclus dans notre étude
puisque ceux-ci sont le plus souvent admis dans des unités de réanimation ou de soins
intensifs. Il a par ailleurs été montré que la fréquence des apnées chez les jeunes nourrissons
hospitalisés pour bronchiolite était faible (2,7%) et que la survenue d'apnées au cours de la
prise en charge pouvait être prédite à partir de trois facteurs simples que sont la prématurité,
l’âge inférieur à un mois et le fait que les parents ou les soignants aient été témoins de la
survenue d’apnée(s) (Willwerth, B. M. et al. 2006). Il est donc fort probable que la survenue
d’apnées constitue un évènement extrêmement rare dans notre population qui ne comptait que
21 enfants âgés de moins d'un mois, et dont aucun n'avait de critère d'hospitalisation en unité
de soins intensifs ou en réanimation.
Enfin, nous avons uniquement étudié la reproductibilité inter-observateur, qui n'est que l'une
des propriétés qu’il faut considérer avant de recommander l’utilisation d’un score clinique.
CHAPITRE 3 : REPRODUCTIBILITE INTER-OBSERVATEUR D’UN SCORE CLINIQUE
63
Les autres propriétés requises pour l'utilisation d'un score clinique sont la validité et la
sensibilité (Van Der Windt, D. A. W. M. et al. 1994). Nous nous sommes concentrés sur la
reproductibilité inter-observateur car il nous semblait que celle-ci était très peu étudiée et était
une condition nécessaire avant l’étude des autres propriétés du score. L’évaluation de ces
différentes propriétés nécessite de larges échantillons et avant de les envisager, il paraissait
raisonnable de s’assurer de la qualité de la reproductibilité inter-observateur et ainsi, de la
possibilité de partager cet outil d’évaluation clinique.
En conclusion, notre étude montre qu'une évaluation clinique simple pour évaluer l'état des
voies respiratoires chez les nourrissons atteints de bronchiolite est réalisable avec une bonne
reproductibilité inter-individuelle entre soignants de divers types (infirmières,
kinésithérapeutes, médecins). D’autres études sont nécessaires pour évaluer la validité et la
sensibilité pour compléter l’évaluation de cet outil.
64
CHAPITRE 4 : KINESITHERAPIE RESPIRATOIRE DANS LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
65
CHAPITRE 4
EFFICACITE DE LA KINESITHERAPIE RESPIRATOIRE CHEZ LES NOURRISSONS HOSPITALISES
POUR BRONCHIOLITE AIGUË: ETUDE MULTICENTRIQUE RANDOMISEE CONTROLEE
1 INTRODUCTION
Comme cela a été rappelé dans l’introduction, le traitement de la bronchiolite aiguë du
nourrisson est essentiellement symptomatique et comporte selon les situations une
oxygénothérapie voire une assistance respiratoire, la réduction au maximum des stimulations
et un support nutritionnel entéral voire parentéral.
La kinésithérapie respiratoire est régulièrement utilisée chez les enfants atteints de maladies
respiratoires chroniques comme la mucoviscidose ou la dyskinésie ciliaire primitive, ou chez
les enfants atteints de pathologies neuromusculaires. L’objectif de cette technique est de
faciliter le drainage et l’élimination des secrétions trachéo-bronchiques. Le but ultime de la
kinésithérapie est de diminuer l’obstruction des voies aériennes et ce faisant, de diminuer la
résistance et ainsi d’améliorer les échanges gazeux, ce qui permet de diminuer le travail
respiratoire. Les recommandations internationales ne préconisent pas la kinésithérapie
respiratoire dans la prise en charge des nourrissons atteints de bronchiolite aiguë (Scottish
Intercollegiate Guidelines Network (SIGN) 2006; Subcommittee on Diagnosis and
Management of Bronchiolitis 2006). Ces recommandations sont basées sur une revue récente
de la Cochrane Data Base, dont l’analyse de trois essais cliniques (Perrotta, C. et al. 2007) ne
permet pas de répondre définitivement à la question de l’efficacité de cette technique, et ce
pour plusieurs raisons. Une des raisons principales est que ces études évaluaient des
CHAPITRE 4 : KINESITHERAPIE RESPIRATOIRE DANS LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
66
techniques de kinésithérapie respiratoire basées sur la percussion et les vibrations. Ces
techniques diffèrent énormément de la technique de l’augmentation du flux expiratoire (AFE)
associée à la toux provoquée (TP) qui semble plus appropriée dans ce contexte. L’AFE a pour
objectif de drainer les voies aériennes distales alors que la TP est reconnue pour faciliter la
désobstruction des voies aériennes proximales de plus gros calibre (King, M. et al. 1985;
Sivasothy, P. et al. 2001). Au cours de l’AFE, la compression manuelle du thorax du
nourrisson vise à faciliter le drainage du mucus par la génération d'un débit aérien maximal à
bas volume pulmonaire dans les voies aériennes distales (comme lors de la technique
d'exploration fonctionnelle respiratoire utilisant la compression thoracique rapide) (Feher, A.
et al. 1996; Hayden, M. J. et al. 1997; Marsh, M. J. et al. 1994).
La conférence de consensus française sur la prise en charge de la bronchiolite aiguë du
nourrisson recommande l’utilisation de la kinésithérapie respiratoire utilisant la technique de
l’AFE+TP (ANAES 2001). Bien que la prescription de l’AFE+TP soit très fréquente en
France pour tous les nourrissons atteints de bronchiolite aiguë (82,5% à 99%) (Beauvois, E.
2001), l’efficacité de cette technique n’a, jusque là, pas été évaluée.
Nous avons donc conduit la première large étude multicentrique, randomisée, contrôlée dans
laquelle les personnes évaluant le critère de jugement et les parents des nourrissons étaient
aveugles du traitement reçu par le nourrisson, visant à évaluer l’efficacité de la kinésithérapie
respiratoire utilisant l’AFE et la TP chez des nourrissons précédemment sains, hospitalisés
pour une première bronchiolite aiguë.
CHAPITRE 4 : KINESITHERAPIE RESPIRATOIRE DANS LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
67
2 METHODES
2.1 Patients
Nous avons conduit l’étude dans sept départements de pédiatrie français localisés à Paris ou
dans sa banlieue (A. Béclère – Clamart, J. Verdier – Bondy, A. Paré – Boulogne, K. Bicêtre –
Le Kremlin Bicêtre et Paris — R. Debré, Necker – Enfants Malades et A. Trousseau) durant
les épidémies de bronchiolite aiguë survenues entre le premier octobre 2004 et le 31 janvier
2008. Les dates de début et de fin d’étude étaient les mêmes pour tous les centres participants.
Nous avons inclus des nourrissons âgés de 15 jours à 24 mois hospitalisés pour un premier
épisode de dyspnée sifflante pour lequel le diagnostic de bronchiolite était retenu. Le
diagnostic de bronchiolite était posé devant une anamnèse évocatrice d’infection respiratoire
haute accompagnée de signes cliniques compatibles avec le diagnostic de bronchiolite
(détresse respiratoire avec freinage ou sibilants plus ou moins associés à des râles crépitants).
Les nourrissons étaient éligibles dans les 24 heures qui suivaient leur hospitalisation s’ils
présentaient au moins un des critères suivants au moment de l’admission : aspect toxique,
survenue d’apnées ou de cyanose, fréquence respiratoire > 60/min, saturation percutanée de
l’hémoglobine en oxygène (SpO2) < 95%, prises alimentaires quotidiennes inférieures à 2/3
des besoins. Le nourrisson pouvait avoir reçu un maximum de 2 séances de kinésithérapie
respiratoire entre l’admission et l’inclusion.
N’étaient pas éligibles les nourrissons qui avaient une détresse respiratoire sévère nécessitant
une admission immédiate en réanimation, ou une pathologie cardiaque, ou une pathologie
pulmonaire chronique ou un antécédent de prématurité (naissance avant 34 semaines
d’aménorrhées). De même, les nourrissons qui avaient une contre-indication à la réalisation
CHAPITRE 4 : KINESITHERAPIE RESPIRATOIRE DANS LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
68
de l’intervention (AFE+TP) n’étaient pas éligibles : thrombopénie, corticothérapie prolongée,
rachitisme, pathologie osseuse, fracture de côte.
Les parents étaient informés des objectifs de l’étude et de son déroulement. Ils étaient en
particulier informés du fait que s’ils acceptaient que leur enfant participe, ils ne pourraient pas
rester avec leur enfant dans la chambre pendant l’intervention (pour garantir le respect de
l’aveugle). La participation d’un nourrisson nécessitait le consentement des deux parents. Le
comité de protection des personnes se prêtant à la recherche biomédicale de Saint Germain en
Laye a approuvé cette étude.
Le diagnostic de bronchiolite était confirmé cliniquement à l’inclusion et l’investigateur
enregistrait la durée des symptômes avant hospitalisation, puis il évaluait l’état respiratoire, la
fréquence respiratoire, la fréquence cardiaque, la température corporelle et la SpO2 en air
ambiant. L’interrogatoire des parents enregistrait de manière standardisée les données
relatives à l’histoire médicale et en particulier les antécédents personnels d’eczéma chez le
nourrisson et les antécédents d’asthme ou d’eczéma chez les parents et/ou la fratrie ainsi que
l’exposition au tabagisme passif au domicile.
2.2 Traitements comparés
Le traitement (soit l’intervention étudiée, soit le traitement témoin) était réalisé par un
kinésithérapeute qui s’isolait dans la chambre avec le nourrisson en occultant les fenêtres avec
un store ou un drap pour garantir le respect de l’aveugle. Tous les nourrissons inclus
recevaient le traitement trois fois par jour. Dans chaque centre, 4 à 6 kinésithérapeutes
spécialement entrainés à la kinésithérapie respiratoire de l’enfant ont participé à l’étude. Les
kinésithérapeutes n’étaient pas impliqués dans l’évaluation du délai de guérison.
CHAPITRE 4 : KINESITHERAPIE RESPIRATOIRE DANS LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
69
Groupe AFE+TP (nourrissons recevant l’intervention étudiée) : l’intervention était définie par
l’augmentation du flux expiratoire (AFE) associée à la toux provoquée (TP) et si nécessaire,
une aspiration nasale douce.
Juste avant de commencer l’étude, un kinésithérapeute senior a présenté la technique dans
chaque centre et tous les kinésithérapeutes participants étaient formellement exercés à la
technique. Tout au long de l’étude, un kinésithérapeute référent dans chaque centre s’assurait
de l’homogénéité des pratiques et de leur conformité aux recommandations.
L’AFE consistait en la réalisation d’un mouvement synchronisé du thorax et de l’abdomen
créé par les mains du kinésithérapeute dès le début de l’expiration. Une main était appliquée
sur le thorax et l’autre sur l’abdomen, centrée sur l’ombilic, pour appliquer une contrepression
abdominale. Ce geste mettait en compression le thorax et l’abdomen pour créer un flux
expiratoire passif.
La manœuvre débutait à la fin du plateau inspiratoire et était poursuivie jusqu’à la fin de
l’expiration si la compliance thoraco-pulmonaire du nourrisson le permettait, mais sans aller
au-delà de la limite de la résistance du poumon et du gril costal. La compression dynamique
du système respiratoire qui en résultait augmentait le débit aérien expiratoire. La procédure
était répétée jusqu’à l’obtention d’un critère auditif d’efficacité (diminution ou disparition du
wheezing et/ou des ronchi) mais sans dépasser 10 à 15 minutes. La procédure était arrêtée en
cas de déstabilisation respiratoire. Si aucune toux spontanée n’était obtenue, celle-ci était
déclenchée par la manœuvre de toux provoquée qui consistait en une pression de la trachée au
dessus de la fourchette sternale. En cas de nécessité, une aspiration nasale était réalisée en fin
de procédure avec une sonde souple pour aspirer les secrétions muqueuses. Tous les
nourrissons étaient attentivement surveillés pendant la procédure, notamment grâce à
l’enregistrement continu de la SpO2.
CHAPITRE 4 : KINESITHERAPIE RESPIRATOIRE DANS LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
70
Groupe AN (nourrissons témoins): de manière similaire au groupe AFE+TP, le
kinésithérapeute s’isolait dans la chambre avec le nourrisson trois fois par jour. Dans ce
groupe, le kinésithérapeute réalisait seulement une aspiration nasale douce (AN) pendant
quelques instants pour aspirer les secrétions muqueuses ; il restait ensuite dans la chambre du
nourrisson pendant un temps similaire à celui du groupe expérimental sans réaliser d’autres
manœuvres supplémentaires sur le nourrisson.
2.3 Autres traitements
Tous les nourrissons inclus dans cette étude étaient traités de manière homogène pour garantir
la qualité des soins et diminuer au maximum la variabilité des résultats imputable à d’autres
facteurs que le traitement à l’étude. Des recommandations pour la prescription et l’arrêt de
l’oxygénothérapie et du support nutritionnel entéral ou parentéral ont été suivies par tous les
centres.
L’oxygénothérapie était indiquée en cas de SpO2 inférieure à 95% à l’éveil et à 92% pendant
le sommeil. Elle était interrompue dès que la SpO2 remontait de façon stable au dessus de ces
seuils. Les infirmières réalisaient des épreuves de sevrage de l’oxygénothérapie au minimum
trois fois pas jour pour évaluer la SpO2 en air ambiant.
Une alimentation orale était administrée autant que possible. Un support nutritionnel entéral
par sonde oro-gastrique était administré aux nourrissons ingérant spontanément moins des 2/3
de leurs besoins quotidiens ou présentant des signes de lutte respiratoire importants, une
polypnée (>60/min), une hypoxémie ou une majoration des signes respiratoires pendant
l’alimentation. Une hydratation parentérale était indiquée en cas de non amélioration des
signes respiratoires malgré la nutrition entérale ou si les prises alimentaires étaient
insuffisantes (en particulier en cas de vomissements durant l’alimentation entérale).
CHAPITRE 4 : KINESITHERAPIE RESPIRATOIRE DANS LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
71
L’hydratation parentérale était interrompue quand le nourrisson était capable de supporter une
alimentation orale. Un médecin et une infirmière évaluaient deux fois par jour la nécessité de
recourir à un support nutritionnel entéral ou à une hydratation parentérale.
Les autres traitements comme les bronchodilatateurs, les corticoïdes et les antibiotiques
n’étaient pas recommandés, en accord avec les recommandations nationales et internationales
(Bush, A. and Thomson, A. H. 2007; Smyth, R. L. and Openshaw, P. J. M. 2006;
Subcommittee on Diagnosis and Management of Bronchiolitis 2006; Yanney, M. and Vyas,
H. 2008). Leur prescription était toutefois autorisée si le clinicien le jugeait nécessaire. Les
déviations au protocole ainsi que les prescriptions de traitements concomittants étaient
enregistrées.
2.4 Randomisation
La randomisation était réalisée par le kinésithérapeute qui ouvrait une enveloppe scellée
numérotée contenant l’allocation au hasard dans l’un des deux bras de traitement. La
randomisation avait été générée avant le début de l’étude par le biostatisticien avec le logiciel
SAS (SAS Inc., Cary, NC). La randomisation était stratifiée sur le centre et dans chaque
centre, sur l’âge (nourrissons âgés de moins de deux mois, nourrissons âgés de deux mois ou
plus), en utilisant des blocs de permutation avec des tailles de blocs égales à 4; la taille des
blocs n’était pas connue des soignants impliqués dans la prise en charge des nourrissons.
L’ensemble de l’équipe pédiatrique ainsi que les parents n’avaient pas connaissance du bras
dans lequel était randomisé l’enfant. L’aveugle a été maintenu jusqu’à la fin du recueil des
données. Ainsi, les soignants impliqués dans l’évaluation du critère de jugement principal ou
dans la décision de co-intervention n’avaient pas connaissance du traitement reçu par les
nourrissons inclus.
CHAPITRE 4 : KINESITHERAPIE RESPIRATOIRE DANS LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
72
2.5 Critères de jugement
2.5.1 Critère de jugement principal
Le critère de jugement principal était le délai entre la randomisation et la guérison. Un enfant
était considéré comme guéri si pendant huit heures consécutives, il n’avait pas reçu
d’oxygène, que les signes de lutte respiratoire étaient considérés comme mineurs ou étaient
absents et que les prises alimentaires étaient supérieures à 2/3 des besoins quotidiens. Les
infirmières enregistraient la fréquence cardiaque et la fréquence respiratoire, la SpO2 et
quantifiaient les signes de lutte au moins une fois toutes les huit heures, quand le nourrisson
était calme. L’évaluation clinique était basée sur un score clinique pouvant être mesuré de
manière reproductible toutes les huit heures, indifféremment par un médecin, une infirmière
ou un kinésithérapeute (Gajdos, V. et al. 2009).
2.5.2 Critère de jugement secondaire
Premièrement, les kinésithérapeutes recensaient les évènements indésirables survenant durant
la procédure : bradycardie (<80/mn) sans désaturation, bradycardie avec désaturation
(SpO2<85%), vomissements, déstabilisation respiratoire transitoire ou accès d’hypotonie
nécessitant l’arrêt de la procédure.
Le jour de la sortie de l’hôpital, les parents répondaient à un questionnaire relatif à leur
perception du confort de leur enfant et étaient invités à donner leur avis sur l’efficacité de
l’intervention sur leur enfant. Comme les parents n’étaient pas autorisés à assister à
l’intervention leur avis était global et reposait sur l’observation de leur enfant avant et après le
passage du kinésithérapeute et sur leur évaluation globale de l’état de leur enfant durant son
séjour hospitalier. Les parents répondaient à plusieurs questions : 1/ durant l’hospitalisation,
comment évaluez-vous le confort de votre enfant ? les parents répondaient grâce à une échelle
CHAPITRE 4 : KINESITHERAPIE RESPIRATOIRE DANS LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
73
visuelle analogique allant de 0 (très mauvaise) à 10 (excellente), 2/ comment évaluez-vous la
pénibilité de l’intervention du kinésithérapeute pour votre enfant ? les parents répondaient
grâce à une échelle visuelle analogique allant de 0 (pas pénible du tout) à 10 (très pénible), 3/
pensez-vous que l’intervention du kinésithérapeute a nettement détérioré, plutôt détérioré, pas
modifié, plutôt amélioré, ou nettement amélioré le confort de votre enfant et 4/ pensez-vous
que l’intervention du kinésithérapeute a nettement détérioré, plutôt détérioré, pas modifié,
plutôt amélioré, ou nettement amélioré l’état respiratoire de votre enfant ?
Enfin, les admissions secondaires en réanimation, la nécessité d’une assistance ventilatoire,
ou l’utilisation d’une antibiothérapie étaient recensées. Les parents étaient contactés par
téléphone 30 jours après la sortie de l’hôpital pour recenser les récidives de bronchiolite et le
taux de ré-hospitalisations.
2.6 Estimation du nombre de sujets nécessaires
Il n’y avait pas dans la littérature de données disponibles sur le délai moyen de guérison des
nourrissons hospitalisés pour bronchiolite aiguë. Pour estimer le nombre de sujets nécessaires,
nous avons donc utilisé la durée d’hospitalisation évaluée dans les hôpitaux participant à cette
étude sur les années précédentes (moyenne de 6,5 jours et déviation standard de 3,5 jours).
Nous avons calculé qu’il fallait inclure 228 enfants (114 dans chaque bras) pour détecter une
diminution du délai de guérison de 20% avec un risque de première espèce de 0,05 et une
puissance de 80%. Un des objectifs de cette étude était d’évaluer une différence d’effet de
l’intervention selon l’âge c'est-à-dire une possible interaction entre l’intervention et l’âge.
Nous avons donc constitué deux groupes de nourrissons, le premier constitué de 228
nourrissons âgés de moins de deux mois et le second de 228 nourrissons âgés de deux mois ou
plus (soit 456 au total). Nous avons prévu d’inclure 10% de nourrissons en plus pour s’assurer
CHAPITRE 4 : KINESITHERAPIE RESPIRATOIRE DANS LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
74
de disposer de suffisamment d’observations au total, en cas de survenue de sorties d’étude ou
de retrait de consentement. Nous avons donc prévu l’inclusion d’un total de 500 nourrissons.
2.7 Analyse statistique
L’analyse a été réalisée en intention de traiter et tous les nourrissons inclus dans l’étude ont
été étudiés, y compris les deux nourrissons perdus de vue (un dans chaque groupe).
Les données démographiques ont été exprimées en effectif et pourcentage pour les variables
binaires ou les variables qualitatives ordonnées, en moyenne et dérivation standard (SD) pour
les variables continues qui suivaient une loi normale et en médiane et interquartile (IQR) pour
les variables qui ne suivaient pas une loi normale. Les délais de guérison ont été résumés
grâce à la médiane et son intervalle de confiance (Bland, M. 2000).
Nous avons, dans un premier temps, recherché l’existence d’une interaction avec le groupe
d’âge (< 2 mois et ≥ 2 mois) pour le critère de jugement principal en utilisant des modèles de
Cox pour chaque groupe d’âge puis en testant l’existence d’une interaction quantitative par le
test de Gail et Simon (Gail, M. and Simon, R. 1985). Aucune interaction avec l’âge n’a été
retrouvée (p=0,97), ce qui a permis de réaliser l’analyse sur l’ensemble de la population de
l’étude. Ainsi, nous avons estimé les courbes de survie pour le délai de guérison sur
l’ensemble de la cohorte en utilisant la méthode de Kaplan Meier et nous les avons ensuite
comparées selon le bras de randomisation en utilisant le test du log-rank stratifié sur le groupe
d’âge.
Dans un second temps, nous avons réalisé une analyse de survie ajustée sur les variables
pouvant avoir une valeur pronostique (antécédent personnel d’eczéma ou histoire d’atopie
chez les parents ou dans la fratrie, âge en mois, hypoxémie au moment de la randomisation,
nécessité de recourir à une hydratation parentérale au moment de la randomisation, atélectasie
CHAPITRE 4 : KINESITHERAPIE RESPIRATOIRE DANS LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
75
au moment de la randomisation, durée des symptômes, utilisation de mucolytiques avant la
randomisation, infection par le VRS) en utilisant un modèle de Cox. L’effet centre, qui
correspond à l’existence de différences de niveaux des variables basales et de pratiques
médicales selon les centres a été recherché en utilisant des modèles de fragilité (Aalen, O. O.
1988).
En ce qui concerne les critères de jugement secondaires, nous avons comparé la fréquence de
survenue d’évènements indésirables en utilisant le test de Fischer. La nécessité d’admission
en réanimation et le cas échéant de ventilation artificielle, la survenue d’atélectasies, de
récidive et la nécessité de traitements antibiotiques ou de nouvelle hospitalisation ont été
comparés entre les deux groupes avec le test de chi-2 stratifié sur l’âge. Les données des
échelles visuelles analogiques ont été comparées avec le test de Wilcoxon.
Enfin, nous avons recherché une interaction entre le critère de jugement principal et les
variables pronostiques suivantes : antécédent personnel d’eczéma ou histoire d’atopie chez les
parents ou dans la fratrie, hypoxémie au moment de la randomisation (SpO2<95%), et
présence d’une infection par le VRS. Ces analyses n’étaient initialement pas prévues dans le
protocole et sont des analyses post hoc. Toutes ces interactions quantitatives ont été
recherchées grâce au test de Gail et Simon (Gail, M. and Simon, R. 1985).
L’effet du traitement a été mesuré avec le hazard ratio (HR) pour les données de survie, avec
le risque relatif (RR) pour les variables binaires et avec la différence moyenne pour les
variables continues. Pour chacune de ces mesures, l’intervalle de confiance à 95% a été
calculé. Pour les variables continues qui ne suivaient pas une loi normale, l’intervalle de
confiance à 95% a été calculé grâce à la méthode du bootstrap (Efron, B. and Tibshirani, R.
1998). Tous les tests étaient bilatéraux et les tests étaient considérés comme statistiquement
significatifs pour une valeur de p de 0,05 ou moins.
CHAPITRE 4 : KINESITHERAPIE RESPIRATOIRE DANS LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
76
L’analyse statistique a été réalisée avec les logiciels R version 2.10.11 (The R Foundation for
Statistical Computing, http://www.R-project.org) et SAS version 9.2 (SAS Inc, Cary, NC).
3 RESULTATS
3.1 Patients
Quatre cent quatre vingt seize nourrissons ont été inclus entre octobre 2004 et janvier 2008
(Figure 1) : 246 (49,6%) étaient randomisés dans le bras AFE+TP et 250 (50,4%) dans le bras
AN. 153 couples de parents ont refusé que leur enfant participe à l’étude ; les raisons de ce
refus étaient soit leur désir de rester avec leur enfant pendant la procédure ce qui entrainait
une impossibilité de maintenir l’aveugle, soit le désir que leur enfant reçoive le traitement par
AFE+TP.
Au moment de la randomisation, il n’y avait pas de différence notable entre les deux groupes
de randomisation pour les variables démographiques, les pourcentages de nourrissons qui
étaient hypoxémiques ou qui avaient des difficultés alimentaires, pour le nombre de
nourrissons qui avaient une infection par le VRS ou pour la durée des symptômes avant
l’hospitalisation (Tableau 1). Le pourcentage de nourrissons qui avaient une atélectasie mise
en évidence sur la radiographie réalisée à l’admission était plus élevé dans le groupe AN
(12,9% versus 7,6%).
Avant la randomisation, 36 (14,4%) nourrissons dans le groupe AN et 47 (19,1%) dans le
groupe AFE+TP avaient reçu des inhalations de bronchodilatateurs (Salbutamol). Trente-
quatre (13,6%) nourrissons dans le groupe AN et 25 (10,2%) dans le groupe AFE+TP avaient
été traités par corticoïdes oraux (béthamétasone).
CHAPITRE 4 : KINESITHERAPIE RESPIRATOIRE DANS LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
77
Figure 1 : Eligibilité, randomisation et suivi des nourrissons ayant participé à l’étude.
CHAPITRE 4 : KINESITHERAPIE RESPIRATOIRE DANS LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
78
Tableau 1: Caractéristiques démographiques des nourrissons à leur admission à l’hôpital
AN*
(n=250)
AFE+TP*
(n=246)
Age (mois) – médiane [IQR] 2,,0 [1,,3 –
4,0] 2,1 [1,3 – 3,8]
Garçons – n (%) 141 (56,4) 134 (54,5)
Terme de naissance (semaine) – moyenne ± SD 39,1 ±1,65 39,1 ± 1,67
Tabagisme passif† – n (%) 69 (29,0) 65 (26,9)
Eczéma ou histoire familiale d’atopie† – n (%) 100 (40,7) 97 (39,8)
Garde en crêche – n (%) 37 (15,0) 29 (12,0)
Bronchodilatateurs avant la randomisation – n (%) 36 (14,4) 47 (19,1)
Corticostéroides avant la randomisation – n (%) 34 (13,6) 25 (10,2)
Difficultés alimentaires avant la randomisation† – n (%) 222 (89,2) 207 (84,8)
Durée des symptômes au moment de la randomisation en jours† – médiane [IQR]
3,0 [2,0 – 4,0] 3,0 [2,0 – 4,0]
SpO2<95% au moment de la randomisation – n (%) 110 (44,2) 106 (44,2)
Atélectasie au moment de la randomisationǁ‡ – n (%) 31 (12,9) 18 (7,6)
Supplémention en oxygène et hydratation parentérale – n (%)
Pas d’oxygène 141 (56,4) 135 (54,9)
Oxygène seulement 86 (34,4) 86 (34,9)
Oxygène et hydratation parentérale 23 (9,2) 25 (10,2)
VRS positif – n (%) 152 (76,4) 137 (73,3)
Température à la randomisation (°C) – moyenne ± SD 37,2 ±0,7 37,3 ±0,6
¶IQR = Intervalle interquartile *AFE + TP = augmentation du flux expiratoire + toux provoquée. AN = aspiration nasale †Les informations ont été obtenues par un interrogatoire des parents ǁHistoire d’atopie définie par la presence d’un eczema chez le nourrisson ou d’eczema ou d’asthme chez les parents ou dans la fratrie. ‡ 480 (96,7%) ont eu une radiographie de thorax à l’admission
CHAPITRE 4 : KINESITHERAPIE RESPIRATOIRE DANS LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
79
3.2 Critère de jugement principal
L’intervention de kinésithérapie (AFE+TP) n’avait pas d’effet sur le délai de guérison. Le
délai médian de guérison [intervalle de confiance à 95%] était de 2,31 [1,97 – 2,73] jours pour
le groupe AN et de 2,02 [1,96 – 2,34] jours pour le groupe AFE+TP (HR [intervalle de
confiance à 95%]=1,09 [0,91 – 1,31], p=0,33, Figure 2, Tableau 2). Une hétérogénéité
significative entre les centres, pour les variables basales et les pratiques médicales, a été
observée (p=0,001), ce qui signifie qu’indépendamment de l’intervention évaluée dans cette
étude, il existait une différence de délai de guérison entre les centres. Après ajustement sur les
variables basales pronostiques, le modèle de Cox à effet aléatoires, qui prend en compte
l’effet centre, a permis de montrer que l’effet de l’AFE+TP restait non significatif sur le délai
de guérison (HR=1,21 [0,97; 1,49], p=0,09). Il faut noter que l’effet centre persistait, bien que
diminué, après prise en compte des variables pronostiques basales (p=0,03).
Tableau 2 : Estimation de l’effet de la technique de l’augmentation de flux expiratoire associée à la toux provoquée sue le délai de guérison (en jours) en fonction de l’âge (analyse univariée)
AN* AFE+TP*
Délai médian de guérison,
jours [95CI*]
HR¶ [95CI§] du
délai de guérison p-value‡
Population totale
(n=496)
2,31
[1,97 – 2,73]
2,02
[1,96 – 2,34]
1,09
[0,91 – 1,31] 0,33
< 2 mois (n=238) 2,64
[2,25 – 3,08]
2,47
[1,98 – 3,31]
1,09
[0,84 – 1,41] 0,51
≥ 2 mois (n=258) 2,01
[1,65 – 2,44]
2,00
[1,51 – 2,25]
1,09
[0,85 – 1,40] 0,48
*AFE + TP = augmentation du flux expiratoire + toux provoquée. AN = aspiration nasale ¶Hazard Ratio. §95CI: intervalle de confiance à 95% ‡ degré de signification de la comparaison AFE+TP / AN; test du log-rank (stratifié sur le groupe d’âge pour l’analyse sur toute la population)
CHAPITRE 4 : KINESITHERAPIE RESPIRATOIRE DANS LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
80
Figure 2 : Estimation selon la méthode de Kaplan-Meier de la proportion de nourrissons non
guéris en fonction du temps et selon le bras de randomisation
3.3 Critères de jugement secondaires
Le tableau 3 résume les évènements indésirables rapportées par les kinésithérapeutes survenus
durant les procédures dans les deux groupes : il n’y avait pas de différence significative entre
les deux groupes pour le pourcentage de nourrissons qui ont eu un épisode de bradycardie
avec désaturation (RR [intervalle de confiance à 95%]=1,0 [0,2 – 5,0], p=1,00) ou sans
désaturation (RR=3,6 [0,7 – 16,9], p=0,10). En revanche, le pourcentage de nourrissons qui
ont eu soit une déstabilisation respiratoire transitoire, soit un vomissement pendant la
procédure était significativement plus important dans le groupe traité par AFE+TP par rapport
au groupe traité par AN (RR=10,2 [1,3 – 78,8], p=0,005 and RR=5,4 [1,6 – 18,4], p=0,002
respectivement).
CHAPITRE 4 : KINESITHERAPIE RESPIRATOIRE DANS LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
81
Tableau 3. Evènements indésirables pendant la procédure rapportés par les kinésithérapeutes
AN*
(n=250)
AFE+TP*
(n=246)
Risque Relatif
[95 CI§] p ¶
Bradycardie avec
désaturation – n (%) 3 (1,2%) 3 (1,2%) 1,0 [0,2 – 5,0] 1,00
Bradycardie sans
désaturation – n (%) 2 (0,8%) 7 (2,8%) 3,6 [0,7 – 16,9] 0,10
Vomissement pendant la
procédure 1 (0,4%) 10 (4,1%) 10,2 [1,3 – 78,8] 0,005
Destabilisation respiratoire 3 (1,2%) 16 (6,5%) 5,4 [1,6 – 18,4] 0,002
Hypotonie 0 (0,0%) 2 (0,8%) NA 0,24 *AFE + TP = augmentation du flux expiratoire + toux provoquée. AN = aspiration nasale §95CI: intervalle de confiance à 95% ¶Test exact de Fischer
Nous avons obtenu 371 (74,8%) réponses au questionnaire parental (187 dans le groupe AN et
184 dans le groupe AFE+TP). Le tableau 4 résume les réponses des parents quant à leur
évaluation de l’influence de l’intervention du kinésithérapeute sur le confort de leur
nourrisson et sur son état respiratoire. Selon les parents, la procédure était plus pénible pour
leur enfant dans le groupe traité par AFE+TP (différence moyenne [intervalle de confiance à
95%]=0,88 [0,33 – 1,44], p=0,002), alors qu’il n’y avait pas de différence significative
concernant l’évaluation du confort de leur enfant entre les deux groupes (différence
moyenne= -0,07 [-0,53 – 0,38], p=0,40). Enfin, il n’y avait pas de différence significative
dans l’évaluation par les parents de l’influence de l’intervention sur l’état respiratoire
(RR=0,99 [0,90 – 1,08], p=0,89 ou sur le confort de leur enfant (RR=0,99 [0,94 – 1,05],
p=0,84).
CHAPITRE 4 : KINESITHERAPIE RESPIRATOIRE DANS LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
Tableau 4 Evaluation des parents concernant le confort de leur nourrisson et du retentissement de la procédure sur le confort et l’état respiratoire de leur nourrisson**
AN*
(n=187)
AFE+TP*
(n=184)
Moyenne de la
Différence [95 CI§] p-value
Evaluation du confort de votre enfant pendant l’hospitalisation – médiane (IQR)
7,8 [5,7 – 9,0] 7,5 [6,2 – 8,7] -0,07 [-0,53 – 0,38] 0,40‡
Evaluation de la pénibilité de la procédure – médiane (IQR) 4,3 [2,0 – 6,3] 5,0 [3,0 – 7,1] 0,88 [0,33 – 1,44] 0,002‡
Risque Relatif
[95CI*]
Influence du passage du kinésithérapeute sur le confort de votre enfant – n (%)
0,99 [0,90 – 1,08]† 0,89¶
Détérioration 5 (2,7%) 12 (6,5%)
Aucune modification 25 (13,4%) 19 (10,3%)
Amélioration 157 (83,9%) 153 (83,2%) Influence du passage du kinésithérapeute sur le statut respiratoire de votre enfant – n (%) 0,99 [0,94 – 1,05]† 0,84¶
Détérioration 4 (2,1%) 1 (0,5%)
Aucune modification 8 (4,3%) 12 (6,6%)
Amélioration 175 (93,6%) 170 (92,9%)
**371 couples de parents (74,8%) ont complété le questionnaire. Les pourcentages sont calculés dur la population de répondants (n= 371) *AFE + TP = augmentation du flux expiratoire + toux provoquée. AN = aspiration nasale §95CI: intervalle de confiance à 95% ‡ Test de Wilcoxon ¶Test exact de Fischer †Le Risque Relatif a été calculé pour l’amélioration versus (Aucune modification + Aggravation)
CHAPITRE 4 : KINESITHERAPIE RESPIRATOIRE DANS LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
83
Dix-sept (3,4%) nourrissons ont été admis en réanimation dont 7 (1,4%) ont nécessité une
assistance ventilatoire. Il n’y avait pas de différence entre les deux groupes pour le nombre de
nourrissons nécessitant une admission en réanimation (RR=0,7 [0,3 1,8], p=0,62) ou une
assistance ventilatoire (RR=2,5 [0,5 – 13,0], p=0,29). Soixante-neuf (28,5%) nourrissons dans
le groupe AN et 67 (28,6%) dans le groupe AFE+TP ont reçu des antibiotiques (RR=1,0 [0,7
– 1,3], 1,00). 53 nourrissons dans chaque groupe (31,0% dans le groupe AFE+TP) ont eu une
récidive dans les 30 jours qui suivaient la sortie d’hospitalisation (RR=1,1 [0,8 – 1,5],
p=0,73). Vingt-six nourrissons ont été hospitalisés dans le mois qui suivait la sortie
d’hospitalisation (12 dans le groupe AN et 14 dans le groupe AFE+TP; RR=1,2 [0,6 – 2,6],
p=0,68) (tableau 5). Des symptômes respiratoires étaient responsables de l’hospitalisation de
16 nourrissons (6 dans le groupe AN et 10 dans le groupe AFE+TP) sur les 26 cas. La
survenue d’une gastro-entérite aiguë était la seconde cause (7/26) de nouvelle hospitalisation.
Les trois dernières hospitalisations secondaires étaient consécutives à des affections diverses
non respiratoires.
Tableau 5 : Critères de jugement secondaires‡
AN*
(n=250)
AFE+TP*
(n=246)
Risque Relatif
[95 CI§] p-value ¶
Admission en
réanimation – n (%) 10 (4,1%) 7 (2,9%) 0,7 [0,3 – 1,8] 0,62
Ventilation – n (%) 2 (0,8%) 5 (2,0%) 2,5 [0,5 – 13,0] 0,29
Antibiotiques 69 (28,5%) 67 (28,6%) 1,0 [0,7 – 1,3] 1,0
Récidive* 53/182 (29,1%) 53/171 (31,0%) 1,1 [0,8 – 1,5] 0,73
Ré-hospitalisation* 12/182 (6,6%) 14/171 (8,2%) 1,2 [0,6 – 2,6] 0,68 ‡Les données ont été obtenues au cours d’un entretien téléphonique avec les parents réalisé 30 jours après la sortie d’hospitalisation. Nous avons obtenu 353 réponses (71,2%) et les pourcentages sont calculés sur la population de répondants (n= 353). *AFE + TP = augmentation du flux expiratoire + toux provoquée. AN = aspiration nasale §95CI: intervalle de confiance à 95% ¶ Test exact de Fischer pour la comparaison des pourcentages
CHAPITRE 4 : KINESITHERAPIE RESPIRATOIRE DANS LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
84
3.4 Analyse post hoc : recherche d’interaction et analyses en sous-groupes (Tableau
tableau 6 et figure 3)
Il n’a pas été retrouvé d’interaction quantitative statistiquement significative sur le délai de
guérison entre le traitement et l’existence d’un eczéma ou d’une histoire familiale d’atopie
(p= 0,06). Le Hazard ratio [intervalle de confiance à 95%] était égal à 1,25 [0,99; 1,58] pour
les nourrissons sans eczéma ou histoire familiale d’atopie et 0,88 [0,66; 1,17] pour ceux qui
avaient un eczéma ou une histoire familiale d’atopie. De même, il n’y avait pas de différence
de hazard ratio en fonction du statut pour le VRS (HR=1,01 [0,79; 1,28] pour les nourrissons
avec, et 1,43 [0,94; 2,16] pour les nourrissons sans infection à VRS, p=0,15). Enfin, il n’y
avait pas de différence de hazard ratio selon qu’il existait ou non une hypoxémie lors de la
randomisation (HR=1,23 [0,96; 1,56] pour les nourrissons sans et 0,99 [0,75; 1,30] pour les
nourrissons hypoxémiques lors de la randomisation, p=0,25).
Figure 3 : Hazard ratios et leur intervalle de confiance à 95% des délais de guérison dans le groupe de nourrissons recevant le traitement par AFE+TP comparé au groupe AN en fonction des facteurs pronostiques
L’histoire d’atopie est définie par un antécédent personnel d’eczéma ou d’eczéma ou d’atopie dans la fratrie.
CHAPITRE 4 : KINESITHERAPIE RESPIRATOIRE DANS LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
Tableau 6 : Recherche d’une interaction entre le traitement et les covariables pronostiques sur le délai de guérison
AN* AFE+TP*
Délai médian de guérison, days [95CI§]
HR [95CI§] de guérison
p-value ‡
Eczéma ou histoire d’atopie†¶ 0,06
oui (n = 197) 1,96 [1,36 – 2,73] 2,30 [1,73 – 3,07] 0,88 [0,66 – 1,17]
non (n=293) 2,42 [2,04 – 2,85] 2,02 [1,92 – 2,33] 1,25 [0,99 – 1,58]
VRS‡‡ 0,15
positif (n= 289) 2,34 [1,97 – 2,99] 2,33 [1,94 – 2,88] 1,01 [0,79 – 1,28]
négatif (n= 97) 2,33 [1,35 – 3,32] 1,92 [1,29 – 2,08] 1,43 [0,94 – 2,16]
Hypoxémie lors de la randomisation 0,25
oui (n=216) 2,73 [2,30 – 3,32] 2,47 [2,02 – 3,17] 0,99 [0,75 – 1,30]
non (n=273) 1,90 [1,36 – 2,52] 1,96 [1,51 – 2,08] 1,23 [0,96 – 1,56]
*AFE + TP = augmentation du flux expiratoire + toux provoquée. AN = aspiration nasale §95CI: intervalle de confiance à 95% †Les informations ont été obtenues par un interrogatoire des parents ¶Histoire d’atopie définie par la présence d’un eczéma chez le nourrisson ou d’eczéma ou d’atopie dans la fratrie ou chez les parents ‡la p-value fait référence au test de Gail and Simon pour la recherché d’une interaction quantitative (chi-2 à 1 ddl) ‡‡Le VRS n’a été recherché que chez 386 nourrissons.
CHAPITRE 4 : KINESITHERAPIE RESPIRATOIRE DANS LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
86
4 DISCUSSION
Cette étude est à notre connaissance la première à évaluer l’efficacité de la kinésithérapie
respiratoire avec AFE+TP dans une large population de nourrissons hospitalisés pour une
première bronchiolite et utilisant le délai de guérison comme critère de jugement. Dans cette
étude multicentrique (7 centres), nous n’avons pas mis en évidence de différence de délai de
guérison entre les nourrissons traités par AFE+TP et ceux traités par AN. Nous n’avons pas
non plus mis en évidence d’effet de l’âge sur l’efficacité de l’AFE+TP. L’intervalle de
confiance autour de la mesure de l’effet excluait l’existence d’une différence cliniquement
significative des délais de guérison entre les deux groupes sur l’ensemble de la population.
Par ailleurs, nous n’avons pas mis en évidence de différence pour les critères de jugement
secondaires entre les nourrissons traités ou non par AFE+TP, excepté pour la survenue de
vomissements et de déstabilisation respiratoire transitoire pendant l’intervention. Ces deux
différences étaient prévisibles au regard de l’expérience des kinésithérapeutes. Toutefois, il
est essentiel de noter que les vomissements et la déstabilisation respiratoire étaient toujours
des évènements transitoires, spontanément résolutifs dès l’arrêt de l’intervention. Bien que
non statistiquement significatif, le pourcentage de bradycardies durant l’intervention était trois
fois plus important dans le groupe AFE+TP. Il s’agit là d’un évènement indésirable rare mais
connu de l’AFE et il faut noter que les bradycardies ont régressé rapidement chez l’ensemble
des nourrissons.
Comme cela était prévisible, la perception par les parents de la pénibilité de l’intervention
était significativement plus importante dans le groupe AFE+TP que dans le groupe AN. En
effet, l’AFE+TP est une intervention fatigante pour les nourrissons qui récupèrent vite une
CHAPITRE 4 : KINESITHERAPIE RESPIRATOIRE DANS LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
87
fois celle-ci terminée. Cela peut expliquer l’absence de différence dans l’évaluation du confort
global entre les deux groupes.
Bien que nous ayions initialement prévu la réalisation d’une analyse médico-économique,
celle-ci n’a pas été réalisée en raison de l’absence de démonstration d’une efficacité de
l’AFE+TP.
La kinésithérapie respiratoire est recommandée par la conférence de consensus française sur
la prise en charge de la bronchiolite aiguë du nourrisson (ANAES 2001). La justification de
cette recommandation repose sur le fait que la kinésithérapie respiratoire pourrait augmenter
le drainage des secrétions bronchiques et ainsi, diminuer le travail respiratoire et les signes de
lutte, tout en améliorant l’oxygénation. L’effet de l’AFE sur le flux aérien n’a pas été évalué
chez les nourrissons ayant été traités par AFE mais la possibilité d’atteindre les débits
maximaux (i.e. la limitation du flux aérien à faible volume pulmonaire) a été démontrée chez
des nourrissons sains endormis dont le thorax était comprimé par un gilet gonflable à la fin
d’une inspiration normale (Hoskyns, E. W. et al. 1987; Marsh, M. J. et al. 1994) ou après une
inflation pulmonaire jusqu’à la capacité pulmonaire totale (Feher, A. et al. 1996; Hayden, M.
J. et al. 1997). Lorsque le thorax était comprimé de la capacité pulmonaire totale à la capacité
résiduelle, la limitation du flux aérien à faible volume pulmonaire (voies aériennes distales)
était atteinte pour des pressions transpulmonaires plus faibles que celle requise pour la
limitation de flux à haut volume pulmonaire (grosses voies aériennes) (Feher, A. et al. 1996;
Hayden, M. J. et al. 1997), mais une augmentation plus importante de la pression
transpulmonaire pourrait avoir un effet délétère sur le débit maximal à faible volume
pulmonaire. Ces études conduites chez des nourrissons sains endormis ne reproduisent pas
l’AFE+TP effectués chez les nourrissons atteints de bronchiolite aiguë. Dans notre étude, la
CHAPITRE 4 : KINESITHERAPIE RESPIRATOIRE DANS LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
88
distension pulmonaire liée à la maladie pouvait altérer la compliance du gril costal et donc la
transmission de la pression transpulmonaire. Les nourrissons étaient éveillés et il est possible
que la compliance thoraco-pulmonaire ait été diminuée en réaction aux manipulations du
kinésithérapeute. Enfin, la variabilité inter-individuelle dans la réalisation de l’AFE+TP ne
pouvait pas être totalement réduite, malgré un entrainement optimal et une surveillance des
modalités de la réalisation de l’AFE+TP pendant l’étude. Toutefois, l’AFE+TP est une
pratique courante en France, les kinésithérapeutes en ont une grande expérience puisqu’ils
réalisent ce geste très régulièrement. Ainsi, cette étude reflète bien l’efficacité de la
kinésithérapie respiratoire en pratique clinique courante chez les nourrissons hospitalisés
atteints de bronchiolite aiguë. Nous avons comparé l’AFE+TP à l’AN car cette dernière
permet de lever temporairement l’obstruction nasale et est utilisée en pratique courante.
Les études existantes sur la kinésithérapie respiratoire se singularisent par les petits effectifs
de patients inclus et par leur critère de jugement principal qui est, le plus souvent, un score
clinique et non la guérison. Enfin, dans ces études, les critères de jugement secondaires ne
sont pas toujours pertinents (durée de l’oxygénothérapie, durée d’hospitalisation) (Bohe, L. et
al. 2004; Nicholas, K. J. et al. 1999; Webb, M. S. et al. 1985). En effet, la durée
d’oxygénothérapie est un critère qui n’est que partiellement intéressant dans la mesure où
l’hypoxémie n’était retrouvée que chez 56,5% des nourrissons inclus. Ainsi, les résultats
d’études réalisées uniquement chez des nourrissons oxygéno-dépendants ne peuvent pas être
extrapolés aux nourrissons qui ne seraient pas hypoxémiques.
CHAPITRE 4 : KINESITHERAPIE RESPIRATOIRE DANS LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
89
Nous avons essayé de déterminer le délai de guérison aussi précisément que possible. Pour
cela, il était indispensable de pouvoir évaluer l’état respiratoire des nourrissons 24 heures sur
24 et non simplement pendant les périodes de présence médicale. Les infirmières ont évalué
les signes respiratoires et enregistré la fréquence cardiaque et la SpO2 au moins toutes les huit
heures comme précédemment décrit (Wainwright, C. et al. 2003). Ainsi, la différence
médiane de délai de guérison de 0,3 jours (à peu près équivalente à huit heures) observée
entre les deux groupes peut en partie être expliquée par le schéma d’étude qui ne permettait
pas la détection d’une différence plus petite. Toutefois, une diminution du délai de guérison
de moins de huit heures n’aurait pas eu une grande pertinence clinique. Nous avons par
ailleurs préalablement montré que les signes cliniques utilisés pour le suivi des nourrissons
(fréquence respiratoire et signes de lutte) étaient évalués de façon similaire par l’ensemble des
soignants (médecins, infirmières, kinésithérapeutes) avec une bonne reproductibilité inter-
individuelle (Gajdos, V. et al. 2009).
L’âge qui aurait pu être un déterminant important de l’efficacité de l’AFE n’influençait pas
l’efficacité du traitement dans cette étude. Nous avons stratifié les inclusions sur l’âge en
choisissant le seuil de 2 mois pour tenir compte de recommandations qui considèrent que la
gravité de la maladie est souvent plus importante avant l’âge de 6 à 8 semaines. Ainsi, bien
qu’une telle dichotomisation entraîne une perte d’information sur l’effet de l’âge, nous
aurions pu observer une efficacité moindre de la kinésithérapie respiratoire chez les
nourrissons les plus jeunes en raison du plus grand risque de maladie sévère. En effet, le
calibre des voies aériennes augmente avec l’âge et nous faisions l’hypothèse que le petit
calibre des voies aériennes des nourrissons les plus jeunes rendrait plus difficile
l’augmentation du drainage des secrétions bronchiolaires par la kinésithérapie respiratoire.
CHAPITRE 4 : KINESITHERAPIE RESPIRATOIRE DANS LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
90
Compte tenu du peu de documentation sur les mécanismes spécifiques conduisant à la
modification de l’état respiratoire après kinésithérapie, il est difficile de tirer des conclusions
définitives sur l’influence de l’âge des nourrissons sur l’efficacité de la kinésithérapie.
Les analyses post hoc n’ont pas montré d’interaction quantitative significative entre l’effet de
l’AFE+TP sur le délai de guérison et la notion d’antécédent personnel d’eczéma ou d’atopie
dans la famille (parents, fratrie), le type de virus ou l’hypoxémie à l’inclusion. Bien
qu’exploratoires, nos résultats obtenus chez les nourrissons sans antécédent personnel
d’eczéma ou d’atopie familiale et ceux chez les nourrissons non hypoxémiques sont proches
de la significativité comme le montre l’intervalle de confiance autour de l’estimateur de l’effet
du traitement pour ces sous-groupes (respectivement [0,99 – 1,58] et [0,96 – 1,56]). Cela
pourrait inciter à mieux évaluer l’efficacité de la kinésithérapie respiratoire dans ces
populations particulières.
Les nourrissons inclus dans la présente étude représentent un spectre phénotypique de
bronchiolite qui survient chez des nourrissons dont seulement un certain nombre présenteront
ultérieurement des épisodes répétés de dyspnée sifflante.
Il y a des années, Reynolds et al. (Reynolds, E. O. and Cook, C. D. 1963) ont suggéré qu'il
pourrait y avoir deux groupes de patients: ceux ayant une maladie obstructive résultant
entièrement de l'infection, avec pour conséquence un épaississement des parois des
bronchioles et une majoration des sécrétions intrabronchiques, et ceux qui ont une
prédisposition à l'asthme, qui développent une obstruction due à l'inflammation et au
bronchospasme. Il est, la plupart du temps, impossible de déterminer quel enfant hospitalisé
pour une première bronchiolite développera de l'asthme, même si les antécédents familiaux ou
CHAPITRE 4 : KINESITHERAPIE RESPIRATOIRE DANS LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
91
personnels d’atopie ont été démontrés être des facteurs prédictifs d’asthme (Castro-Rodriguez,
J. A. et al. 2000). Il est possible que de futures études aboutissent à des recommandations
pour le traitement de la bronchiolite en fonction du phénotype du nourrisson, et non
simplement basées sur le seul diagnostic de la maladie (Frey, U. and von Mutius, E. 2009).
Notre étude n'a pas été conçue pour résoudre ce problème et n’a pas permis de montrer que
l’atopie pouvait influencer l'effet de l'AFE+TP.
La physiopathologie de la bronchiolite aiguë du nourrisson n’est pas encore parfaitement
claire mais l’oxygénodépendance est considérée comme un marqueur d’importante
hétérogénéité de la ventilation due à la présence concomitante de nombreuses alvéoles
faiblement ventilées (à cause de l’obstruction) et qui sont bien perfusées alors que d’autres
sont bien ventilées (et distendues) et mal perfusées. En l’absence d’atélectasie segmentaire ou
lobaire, Il est peu probable que la kinésithérapie puisse jouer un rôle sur l’hétérogénéité
ventilatoire qui est un phénomène très périphérique. Les enfants nécessitant une
oxygénothérapie sont donc probablement moins à même de bénéficier de la kinésithérapie ;
toutefois, l’effet de la kinésithérapie chez les nourrissons non oxygénodépendants n’atteignait
pas la significativité statistique dans notre étude (tableau 5, figure 3). L’étude d’une
population hétérogène (atopique, non atopique, hypoxémique, non hypoxémique) peut
conduire à des résultats imprécis, voire incorrects pour certaines populations. Cela pose la
question des limites des études réalisées sur des populations hétérogènes et plaide pour la
réalisation des futures études sur des populations plus homogènes, avec comme corollaires 1)
l’impossibilité d’extrapoler les résultats obtenus à des patients différents de ceux inclus dans
l’étude, 2) le risque de ne jamais évaluer correctement la kinésithérapie respiratoire du fait du
nombre trop élevé d’études à mener.
CHAPITRE 4 : KINESITHERAPIE RESPIRATOIRE DANS LA BRONCHIOLITE AIGUË DU NOURRISSON
92
La variabilité inter-kinésithérapeutes est également un point important. Bien qu'ayant pris soin
d’optimiser la formation des kinésithérapeutes, une certaine variabilité dans la façon dont la
compression thoracique a été réalisée peut persister et est difficile à évaluer. Nous avons
délibérément choisi d'impliquer plusieurs kinésithérapeutes par centre afin d’être dans des
conditions aussi proches que possible de la vie réelle pour être en mesure d'extrapoler nos
résultats, s’ils avaient été positifs. Il s'agit d'un problème général dans les essais non
pharmacologiques. Pour réduire au maximum cette variabilité inter-kinésithérapeute, nous
avions pris soin de définir clairement les critères auscultatoires permettant de conclure que
l’intervention avait été efficace et pouvait être interrompue.
En résumé, cette large étude randomisée, contrôlée, dans laquelle les personnes évaluant le
critère de jugement et les parents des nourrissons étaient aveugles pour l’intervention reçue,
n’a pas permis de montrer une réduction du délai de guérison des nourrissons hospitalisés
pour première bronchiolite par la réalisation de kinésithérapie respiratoire avec augmentation
de flux expiratoire et de toux provoquée à raison de trois séances par jour . Ces résultats ne
permettent pas de soutenir la réalisation en pratique courante de kinésithérapie respiratoire
chez les nourrissons hospitalisés pour bronchiolite aiguë.
Nos conclusions ne peuvent toutefois pas être extrapolées aux nourrissons qui ont une
bronchiolite aiguë peu à modérément sévère. D’autres études sont nécessaires pour évaluer
l’effet de la kinésithérapie respiratoire chez les nourrissons traités en ambulatoires et n’ayant
pas d’histoire familiale d’atopie.
93
CHAPITRE 5 : INTERET DE LA RADIOGRAPHIE DE THORAX DANS LES DYSPNEES SIFFLANTES
94
CHAPITRE 5
ETUDE DES FACTEURS ASSOCIES A LA REALISATION D’UNE RADIOGRAPHIE DE THORAX CHEZ
LES NOURRISSONS CONSULTANT POUR DYSPNEE SIFFLANTE ET DES FACTEURS CLINIQUES
ASSOCIES A UNE ANOMALIE RADIOLOGIQUE
1 Introduction
L’examen complémentaire le plus souvent réalisé chez un nourrisson consultant aux urgences
pédiatriques pour dyspnée sifflante est la radiographie de thorax. Qu'il s'agisse d'une dyspnée
sifflante épisodique (définie par des sibilants peu intenses, souvent associés à des signes
cliniques évidents d’infection virale et avec absence complète de sibilants entre ces épisodes)
ou d'une dyspnée sifflante récidivante (définie par des exacerbations d’épisodes de sibilants
pouvant être déclenchées par une infection virale ou par d’autres facteurs déclenchants et qui
se caractérise par la présence de sibilants entres les épisodes) (Brand, P. L. et al. 2008), il peut
y avoir trois objectifs à la réalisation d'une radiographie de thorax : le premier est la recherche
d'un foyer infectieux pulmonaire qui justifierait la prescription d'antibiotiques, le deuxième est
la recherche d'éventuelles complications (atélectasie, pneumothorax...) et le troisième est la
recherche d'un éventuel diagnostic différentiel (notamment une cardiomégalie qui
témoignerait de l’existence d’une cardiopathie).
Les différentes recommandations existantes suggèrent de ne pas réaliser de manière
systématique de radiographie de thorax chez les nourrissons consultant pour dyspnée sifflante
et de réserver cet examen aux nourrissons qui présentent les formes les plus graves (2001;
Agency for Healthcare Research and Quality 2003; Brand, P. L. et al. 2008). Cependant, ces
recommandations ne définissent pas de critères précisant l’indication de la réalisation d’une
CHAPITRE 5 : INTERET DE LA RADIOGRAPHIE DE THORAX DANS LES DYSPNEES SIFFLANTES
95
radiographie de thorax. Certaines études ont tenté de répondre à la question de savoir quels
facteurs cliniques étaient associés à une augmentation du risque d'anomalies radiologiques et
devaient donc conduire la réalisation d'une radiographie de thorax (Farah, M. M. et al. 2002;
García García, M. L. et al. 2004; Gershel, J. C. et al. 1983; Kneyber, M. C. et al. 2001;
Mathews, B. et al. 2009; Roback, M. G. and Dreitlein, D. A. 1998; Schuh, S. et al. 2007;
Walsh-Kelly, C. M. et al. 1996). Pour autant, peu d'études ont évalué dans quelle mesure ces
recommandations étaient suivies en pratique clinique courante et cette question a
particulièrement peu été étudiée en France.
La rationalisation des prescriptions de radiographie de thorax est un objectif important car
outre l’irradiation entraînée par cet examen ainsi que son poids économique, la réalisation
d'une radiographie de thorax pourrait être associée à une sur-prescription d'antibiotiques
comme cela a été évoqué dans plusieurs études (Christakis, D. A. et al. 2005; Schuh, S. et al.
2007; Swingler, G. H. et al. 1998).
Mais répondre précisément à la question du lien entre la réalisation d’une radiographie de
thorax et la prescription d’une antibiothérapie est extrêmement difficile. En effet, en dehors
d'un essai contrôlé, il n'y a pas de possibilité de déterminer quelle est la part d'antibiothérapies
induite par une radiographie de thorax. Ce type d’étude est difficile à mettre en œuvre en
pratique, notamment car il parait difficile d’imposer la réalisation d’une radiographie à un
nourrisson au seul prétexte qu’il a été randomisé dans un bras d’étude et alors même que le
praticien n’estime pas cet examen utile ou au contraire d’interdire à un praticien de réaliser
l’examen alors que celui-ci aurait pour lui (ou selon les recommandations en vigueur) une
indication, Pour avancer dans la réflexion des moyens de rationaliser la prescription de la
radiographie de thorax, il est nécessaire de mieux comprendre les facteurs associés à cette
CHAPITRE 5 : INTERET DE LA RADIOGRAPHIE DE THORAX DANS LES DYSPNEES SIFFLANTES
96
prescription ainsi que les facteurs associés à la présence d’une anomalie. Ce sont les objectifs
de l'étude que nous avons réalisée.
2 Patients et Méthodes
Nous avons réalisé une étude prospective sur une période correspondant à la durée d’une
épidémie de bronchiolite. Celle-ci s’est déroulée dans le service des urgences pédiatriques de
l’hôpital Antoine-Béclère (AP – HP) à Clamart (Ile de France). Nous avons inclus tous les
nourrissons âgés de moins de 24 mois, se présentant aux urgences pédiatriques pour un
épisode de dyspnée sifflante entre le 5 octobre 2006 et le 28 février 2007.
2.1 Recueil des données
Pour chaque enfant inclus, le praticien complétait un questionnaire permettant de recueillir les
antécédents (âge, sexe, antécédent de prématurité, de cardiopathie ou de pathologie
pulmonaire chronique), ainsi que l’histoire de la maladie respiratoire motivant la consultation
(durée des symptômes respiratoires, existence et durée de la fièvre, qualité de l’alimentation,
prise d’un antibiotique avant la consultation aux urgences).
Ce questionnaire résumait les données de l’examen clinique (état général, fréquence
respiratoire, fréquence cardiaque, saturation transcutanée en oxygène mesuré par oxymétrie
de pouls, présence de signes de luttes cotés selon leur intensité, existence de pathologie
associée telle qu’une otite ou une conjonctivite).
Le questionnaire renseignait enfin sur la réalisation ou non d’une radiographie de thorax et sur
le devenir de l’enfant (prescription ou non d’une antibiothérapie et décision ou non d’une
hospitalisation).
CHAPITRE 5 : INTERET DE LA RADIOGRAPHIE DE THORAX DANS LES DYSPNEES SIFFLANTES
97
Le choix des items du questionnaire était justifié par la simplicité de leur recueil et leur
utilisation courante aux urgences pédiatriques.
2.2 Interprétation des radiographies de thorax
Chaque radiographie de thorax a été relue de manière indépendante par un binôme de
radiologues ayant une expertise en radiopédiatrie. La relecture a été réalisée sur support
informatique (fichiers jpeg ou dicom) ou sur film quand le support informatique n’était pas
disponible.
Avant le début de la relecture des radiographies de thorax, les deux experts se sont entendus
sur une grille d’analyse standardisée des radiographies. Cette grille comportait des critères
relatifs à la qualité technique de la radiographie (incidence, inspiration, pénétration), à la
présence ou non d’une cardiomégalie, d’une distension thoracique, d’un syndrome
bronchique, d’une condensation alvéolaire systématisée, d’une atélectasie (en différenciant les
atélectasies sous-segmentaires, segmentaires ou lobaires), d’un épanchement pleural liquidien
ou gazeux ou d’un pneumo médiastin.
Les radiologues avaient connaissance du motif de consultation (dyspnée sifflante) puisqu’il
constituait un critère d’inclusion dans l’étude mais ne disposaient d’aucune information
relative à la présentation clinique et à la prise en charge.
En cas de discordance entre l’interprétation des deux experts, une troisième interprétation
commune réalisée par les deux experts a été réalisée (réunion de consensus pendant laquelle
chaque radiographie pour laquelle leur avis était discordant leur était à nouveau présenté). Les
nourrissons dont les radiographies de thorax étaient de mauvaise qualité et jugées comme
ininterprétables par les radiologues ont été exclus de l’étude.
CHAPITRE 5 : INTERET DE LA RADIOGRAPHIE DE THORAX DANS LES DYSPNEES SIFFLANTES
98
Dans la mesure où le but de l’étude était d’évaluer quel était l’apport de la radiographie de
thorax dans la prise en charge des nourrissons consultant aux urgences pour dyspnée sifflante,
nous avons considéré comme anomalie radiologique la présence d’une cardiomégalie, d’une
condensation alvéolaire systématisée, et/ou d’une atélectasie lobaire ou segmentaire. Les
images de distension, de syndrome bronchique et/ou d’atélectasie sous segmentaire n’ont pas
été considérées comme anormales dans le contexte ; en effet, ces images sont compatibles
avec le diagnostic de bronchiolite aiguë et ne justifie pas en soi la prescription d’une
antibiothérapie ou d’une prise en charge particulière.
2.3 Analyse statistique
L'analyse de l'association entre certains critères cliniques et la décision de réaliser une
radiographie de thorax a été réalisée par une analyse multivariée incluant tous les facteurs
présentant un seuil de significativité avec une valeur de p inférieure ou égale à 0,20 en analyse
univariée. Cette analyse a concerné les 821 enfants inclus dans l’étude.
L'analyse de l'association entre certains des facteurs cliniques et la présence d’une anomalie
radiologique (condensation alvéolaire systématisée, et/ou atélectasie lobaire ou segmentaire) a
été conduite selon le même principe et a porté sur les 410 enfants chez lesquels avait été
réalisé une radiographie de thorax.
Pour ces analyses, nous avons utilisé un modèle de Poisson qui permet d'estimer des risques
relatifs (McNutt, L.-A. et al. 2003). La fréquence de l'événement étudié (réalisation d’une
radiographie de thorax) est en effet élevée (environ 50% dans l’échantillon). Le recours à
l'odds ratio avec un modèle logistique rend alors les résultats plus difficiles à interpréter sur le
plan quantitatif.
CHAPITRE 5 : INTERET DE LA RADIOGRAPHIE DE THORAX DANS LES DYSPNEES SIFFLANTES
99
Pour les deux analyses, la variable relative aux signes de luttes respiratoires a été exprimée en
classes selon leur intensité. De même, la fréquence respiratoire a été rapportée à l’âge selon
la classification de Liu et codée en 4 classes (tableau1) (Liu, L. L. et al. 2004) :
Tableau 1 : Fréquence respiratoire rapportée à l’âge d’après Liu et al
1 point 2 points 3 points
Fréquence respiratoire (/min)
Age < 2 mois ≤ 60 61 – 69 ≥ 70
Age 2 – 12 mois ≤ 50 51 – 59 ≥ 60
Age 12 – 24 mois ≤ 40 41 – 44 ≥ 45
Afin de limiter la perte de puissance liée à l’existence de données manquantes, nous avons eu
recours à l'imputation multiple (Royston, P. 2004, 2005; Rubin, D. B. 1987).
Toutes les analyses statistiques ont été réalisées avec le logiciel Stata 11 (StataCorp. 2007.
Stata Statistical Software: Release 11. College Station, TX: StataCorp LP).
3 Résultats
3.1 Patients (tableau 2)Tableau
Pendant la période d’étude (du 5/10/2006 au 28/02/2007), 821 enfants âgés de moins de 24
mois ont consulté aux urgences pour dyspnée sifflante (Tableau 2).
La population comprenait 476 garçons (58%) et la moyenne d’âge (+/-écart type) était de 7,9
(+/- 5,7) mois. 170 nourrissons inclus étaient âgés de moins de 3 mois. Quatre cent quatre
vingt douze nourrissons (59,9%) consultaient pour leur premier épisode de dyspnée sifflante.
Cent huit étaient nés prématurément, 11 nourrissons (1,4%) avaient une cardiopathie
congénitale connue ou en cours d’exploration et 13 avaient une pathologie respiratoire
chronique.
CHAPITRE 5 : INTERET DE LA RADIOGRAPHIE DE THORAX DANS LES DYSPNEES SIFFLANTES
100
La durée moyenne d’évolution de leur pathologie respiratoire avant la consultation était de 4,1
jours +/- 5,3 jours. Trois cent neuf nourrissons avaient des difficultés alimentaires (37,6%).
Cent cinq nourrissons (12,8%) avaient une saturation transcutanée en oxygène mesurée
inférieure à 95%, et 35 (4,3%) présentaient un aspect toxique à l’admission. Trois cent
soixante cinq nourrissons (44,5%) étaient fébriles et 154 (18,8%) présentaient une
température corporelle de 39°C ou plus. La fièvre, quand elle était présente, évoluait en
moyenne depuis 1,7 jours +/- 1,5 jours. Cent quatre enfants (12,7%) avaient une otite
moyenne aiguë, 27 (3,3%) une conjonctivite. L’auscultation mettait en évidence des crépitants
chez 81 des nourrissons inclus (9,9%) et des râles bronchiques chez 318 d’entre eux (38,7%).
Une antibiothérapie avait été débutée avant la consultation chez 124 nourrissons (15,1%).
Une radiographie de thorax a été réalisée chez 427 nourrissons inclus (52,0%) et 350 des
nourrissons inclus ont été hospitalisés (42,6%). Une antibiothérapie a été instaurée aux
urgences pour 137 nourrissons (16,7%) ou poursuivie chez 78 des 124 nourrissons chez
lesquels une antibiothérapie avait été prescrite avant la consultation aux urgences.
CHAPITRE 5 : INTERET DE LA RADIOGRAPHIE DE THORAX DANS LES DYSPNEES SIFFLANTES
101
Tableau 2 : Description de la population
N
Premier épisode de dyspnée sifflante – n (%) 801 492 (61,4%)
Garçons – n (%) 821 476 (58,0%)
Age < 3 mois – n (%) 821 170 (20,7%)
Prématurité <37 SA – n (%) 780 108 (13,1%)
Durée des symptômes respiratoires (j) – moyenne (SD) 806 4,1 (5,3)
Trouble alimentaire – n (%) 799 309 (38,7%)
Température – n (%)
< 38°C
[38-39[°C
≥ 39°C
738
373
211
154
(50,5%)
(28,6%)
(20,9%)
Durée de la fièvre* – n (%)
< 2 jours
[2 - 5 jours[
> 5 jours
359
221
121
17
(61,6%)
(33,7%)
(4,7%)
Prise d’antibiotique au moment de la consultation – n (%) 816 124 (15,2 %)
FR rapportée à l’âge‡ – n (%)
Classe=1
Classe=2
Classe=3
747
427
101
219
(57,2%)
(13,5%)
(29,3%)
SpO2 – n (%)
≥95%
92 - 94%
<92%
793
683
68
42
(86,1%)
(8,6%)
(5,3%)
Présence de crépitants – n (%) 814 81 (10,0%)
Présence de râles bronchiques – n (%) 814 272 (33,4%)
Otite moyenne aiguë – n (%) 789 104 (13,2%)
Conjonctivite – n (%) 802 27 (3,4%)
Aspect toxique – n (%) 817 35 (4,3%)
Radiographie de thorax – n (%) 821 427 (52,0%)
Hospitalisation – n (%) 821 350 (42,6%)
(N=nombre de patients pour lequel l’information était disponible ; n=fréquence SA=semaines d’aménorrhée ; FR= fréquence respiratoire ; SpO2=saturation transcutanée en oxygène). *l’information concernant la durée de la fièvre était disponible pour 359 des 365 nourrissons fébriles. ‡selon Liu et al (Liu, L. L. et al. 2004). En cas de données manquantes, les pourcentages étaient calculés sur le nombre de sujets pour lesquelles la donnée était disponible.
CHAPITRE 5 : INTERET DE LA RADIOGRAPHIE DE THORAX DANS LES DYSPNEES SIFFLANTES
102
3.2 Description des radiographies (figure 1)
Parmi les 427 radiographies de thorax réalisées, 410 ont pu être interprétées par les deux
experts en double aveugle ; deux radiographies ont été exclues lors de la deuxième lecture en
raison de leur mauvaise qualité et 15 radiographies (3,5%) n’ont pu être retrouvées.
Figure 1 : Description du nombre de radiographies de thorax réalisées
La majorité des nourrissons avaient une distension thoracique, un syndrome bronchique
radiologique et/ou une atélectasie sous-segmentaire, compatibles avec une dyspnée sifflante
non compliquée (tableau 3).
Quarante radiographies ont été considérées comme anormales. Une cardiomégalie a été
détectée. Aucune atélectasie segmentaire, aucun épanchement pleural liquidien ou gazeux ni
Exclus d’étude - Clichés perdus : 15 - Clichés ininterprétables : 2
Radiographies interprétées n = 410
Lecture double aveugle.
821 nourrissons
consultant entre le 5/10/2006 et le 28/02/2007
Réalisation d’une radiographies de thorax
OUI n=427
NON n=394
CHAPITRE 5 : INTERET DE LA RADIOGRAPHIE DE THORAX DANS LES DYSPNEES SIFFLANTES
103
pneumo-médiastin n’ont été retrouvés dans notre population. Les anomalies pulmonaires
notables retrouvées étaient un foyer de condensation chez 39 nourrissons (associé à une
cardiomégalie pour un enfant et à une atélectasie sous-segmentaire pour 4 enfants) et une
atélectasie lobaire chez un nourrisson.
Tableau 3: Description des radiographies. (N=410)
Anomalie radiologique n (%)
Condensation alvéolaire systématisée 39 (9,2)
Atélectasie lobaire 1 (0,2)
Atélectasie sous-segmentaire 22 (5,4)
Syndrome bronchique 318 (78,3)
Distension thoracique 331 (80,9)
3.3 Facteurs associés à l’indication d’une radiographie
3.3.1 Analyse univariée (tableau 4)
L’analyse univariée a mis en évidence comme facteur significativement associé à la
prescription d’une radiographie de thorax l’âge inférieur à 3 mois (p=0,001), la prématurité
(p=0,02), les troubles alimentaires (p<0,001), la fièvre d’autant plus qu’elle était élevée
(p<0,001), l’existence d’une polypnée (p<0,001), la présence de signes de lutte d’autant plus
qu’ils étaient intenses (p<0,01), l’existence d’une hypoxémie (SpO2 < 95%, p<0,001), la
présence de crépitants (p<0,001) et de râles bronchiques (p=0,003) à l’auscultation et la
présence d’un aspect toxique (p<0,001).
Le nombre d’épisodes de dyspnée sifflante avant la consultation n’était pas significativement
lié à la réalisation d’une radiographie thoracique chez un nourrisson consultant pour dyspnée
sifflante.
CHAPITRE 5 : INTERET DE LA RADIOGRAPHIE DE THORAX DANS LES DYSPNEES SIFFLANTES
104
Tableau 4 Facteurs associés à la prescription d’une radiographie de thorax ; analyse univariée.
RR IC.95 p
Age ≤ 3 mois 1,3 [1,1 – 1,5] 0,001
Prématurité 1,2 [1,0 – 1,4] 0,02
Antécédent de sibilance 1,0 [0,9 – 1,1] 0,93
Durée des symptômes respiratoires 1,0 [0,9 – 1,1] 0,96
Difficultés alimentaires 1,6 [1,4 – 1,9] <0,001
FR rapportée à l’âge*
Classe=2 1,3 [1,1 – 1,6] <0,001
Classe=3 1,4 [1,2 – 1,7]
SpO2 < 95% 1,7 [1,5 – 1,9] <0,001
Fièvre
[38-39°C[ 1,4 [1,2 – 1,7] <0,001
≥ 39°C 1,9 [1,7 – 2,2]
Score de lutte‡
Classe=1 1,6 [1,3 – 2,0] <0,001
Classe=2 2,2 [1,8 – 2,8]
Classe=3 2,5 [2,0 – 3,2]
Râles bronchiques 1,2 [1,1 – 1,4] 0,002
Râles crépitants 1,8 [1,6 – 2,0] <0,001
Râles sibilants 1,0 [0,8 – 1,1] 0,70
Aspect toxique 1,5 [1,2 – 1,8] <0,001
Otite 1,1 [0,9 – 1,3] 0,36
Conjonctivite 1,0 [0,7 – 1,4] 0,96
* selon Liu et al (Liu, L. L. et al. 2004) ‡Score codant l’intensité des signes de lutte (cf. chapitre 3, tableau 1, page 42)
3.3.2 Analyse multivariée (tableau 5)
Les facteurs significativement liés à la réalisation d’une radiographie de thorax identifiés par
l’analyse multivariée sont l’âge inférieur à 3 mois (p<0,001), la prématurité (p=0,01), la
présence de difficultés alimentaires (p<0,001), l’existence d’une fièvre (p<0,001), d’une
hypoxémie (p=0,009), d’une polypnée (p=0,02), la présence de signes de lutte respiratoire
(p<0,001), de râles bronchiques ou de crépitants à l’auscultation (p<0,001).
CHAPITRE 5 : INTERET DE LA RADIOGRAPHIE DE THORAX DANS LES DYSPNEES SIFFLANTES
105
Tableau 5: Facteurs associés à la prescription d’une radiographie de thorax ; analyse multivariée.
RR IC.95 p
Age ≤ 3 mois 1,5 [1,1 – 1,9] 0,002
Prématurité 1,3 [1,0 – 1,7] 0,07
Difficultés
alimentaires 1,3 [1,0 – 1,6] 0,02
Fièvre
[38-39°C[ 1,5 [1,1 – 1,9] <0,001
≥ 39°C 2,0 [1,5 – 2,6]
SpO2 < 95% 1,3 [1,0 – 1,7] 0,03
FR rapportée à l’âge*
Classe=2 1,2 [0,9 – 1,7] 0,20
Classe=3 1,2 [0,9 – 1,7]
Score de lutte‡
Classe=1 1,4 [1,1 – 1,8]
0,02 Classe=2 1,7 [1,2 – 2,4]
Classe=3 1,8 [1,1 – 3,0]
Aspect toxique 1,0 [0,7 – 1,5] 1,00
Râles crépitants 1,5 [1,1 – 2,0] 0,004
Râles bronchiques 1,3 [1,1 – 1,6] 0,006
* selon Liu et al (Liu, L. L. et al. 2004) ‡Score codant l’intensité des signes de lutte (cf. chapitre 3, tableau 1, page 42)
3.4 Facteurs associés à la présence d’une anomalie radiologique.
3.4.1 Analyse univariée (tableau 6)
La présence d’une anomalie radiologique était significativement associée à l’existence d’une
fièvre supérieure à 39°C (p=0,006), la saturation transcutanée en oxygène inférieure à 95%
(p=0,04) ainsi que l’existence d’une conjonctivite (p=0,03). Le lien entre la présence d’une
anomalie radiologique et la présence de râles crépitants à l’auscultation était à la limite de la
significativité (p=0,08).
CHAPITRE 5 : INTERET DE LA RADIOGRAPHIE DE THORAX DANS LES DYSPNEES SIFFLANTES
106
Tableau 6: Facteurs associés à la présence d’un foyer ou d’une atélectasie lobaire ; analyse univariée.
RR IC.95 P
Age ≤ 3 mois 0,7 [0,3 – 1,6] 0,44
Prématurité 1,3 [0,6 – 2,7] 0,70
Antécédent de sibilance 1,5 [0,8 – 2,8] 0,15
Durée des symptômes
respiratoires (jours) 1,0 [0,9 – 1,1] 0,76
Difficultés alimentaires 1,4 [0,8 – 2,6] 0,25
FR rapportée à l’âge*
Classe=2 0,01 [0,0 – +∝] 0,60
Classe=3 1,1 [0,6 – 2,0]
SpO2 < 95% 1,9 [1,0 – 3,5] 0,04
Fièvre :
[38-39°C[ 1, 1 [0,4 – 2,6] 0,007
≥ 39°C 2,7 [1,3 – 5,6]
Score de lutte‡ :
Classe=1 1,6 [0,6 – 4,0]
0,57 Classe=2 1,9 [0,7 – 5,8]
Classe=3 0,7 [0,1 – 6,1]
Râles bronchiques 1,2 [0,7 – 2,1] 0,51
Râles crépitants 1,9 [0,9 – 3,5] 0,07
* selon Liu et al (Liu, L. L. et al. 2004) ‡Score codant l’intensité des signes de lutte (cf. chapitre 3, tableau 1, page 42)
3.4.2 Analyse multivariée (tableau7)
L’analyse multivariée n’a mis en évidence comme facteur clinique significativement lié à la
présence d’une anomalie radiologique que l’intensité de la fièvre (p=0,02), et à la limite de la
significativité, la présence d’une hypoxémie (p=0,07) ou d’une conjonctivite (p=0,08). Ainsi,
dans notre étude, la constatation d’une fièvre ou d’une hypoxémie permettait d’identifier 35
des 40 nourrissons dont la radiographie s’est révélée pathologique.
CHAPITRE 5 : INTERET DE LA RADIOGRAPHIE DE THORAX DANS LES DYSPNEES SIFFLANTES
107
Tableau 7 : Facteurs associés à la présence d’un foyer ou d’une atélectasie lobaire ; analyse multivariée.
RR IC.95 p
Fièvre
[38-39°C[ 1,1 [0,4 – 2,6] 0,02
≥ 39°C 2,5 [1,1 – 5,4]
SpO2 < 95% 1,8 [0,9 – 3,5] 0,07
Conjonctivite 2,6 [0,9 – 10,4] 0,08
Antécédent sibilance 1,4 [0,7 – 2,7] 0,28
Râles crépitants 1,6 [0,8 – 3,3] 0,17
4 Discussion
Le nombre et la nature des anomalies radiologiques mises en évidence chez des nourrissons
qui ont une dyspnée sifflante est apprécié de façon diverses selon les études, les pourcentages
d’anomalies radiologiques allant de 0,75% à 63%. Le Tableau 8 résume les différentes études
qui se sont intéressées à cette question et permet de comprendre que la variabilité des
pourcentages d’anomalies radiologiques est en partie expliquée par la diversité des
méthodologies utilisées ainsi que par les modalités d’interprétation des radiographies.
La validité des interprétations radiologique peut être considérée comme rigoureuse, celles-ci
ayant été réalisées en double aveugle par des radiologues spécialisés en pédiatrie. Deux études
ont montré que le radiologue est hautement influencé dans son interprétation d’un cliché par
la connaissance de l’interprétation d’un autre radiologue ou d’un clinicien (Kramer, M. et al.
1992; Swingler, G. 2001). L’aveugle était donc un élément important pour la validité de nos
résultats.
CHAPITRE 5 : INTERET DE LA RADIOGRAPHIE DE THORAX DANS LES DYSPNEES SIFFLANTES
Tableau 8: Etudes disponibles sur la réalisation de radiographies de thorax dans les dyspnées sifflantes
n Age N (%) de RP
Nb de RP anormales
Anomalies considérées commentaires
Schuh 265 2 – 23 mois 100% 2 (0,75%) Cardiomégalies pneumopathies
Exclusion des prématurés et des nourrissons ayant déjà eu une dyspnée sifflante Facteurs associés une anomalie radiologique : hypoxémie, score RDAI (Respiratory distress assessment instrument) élevé
Mathews 526 0 – 21 ans 100% 26 (4,9%) Pneumopathies Facteurs associés à une anomalie radiologique : histoire de fièvre, douleur abdominales, hypoxémie, fièvre aux urgences
Walsh-Kelly
633 0 – 18 ans 100% 39 (6,2%) Distension unilatérale, consolidation, pneumomédiastin, cardiomégalie, malformation pulmonaire
Facteurs associés à une anomalie radiologique : aucun
Gershel 371 0 – 12 mois 100% 21 (5,7%) Pneumopathies Atélectasies lobaires et segmentaires Pneumomédiastin
Facteurs associés à une anomalie radiologique : Polypnée, tachycardie, fièvre, râles, wheezing ou diminution du murmure vésiculaire (MV) localisés
Farah 140 0 – 12 mois 100% 24 (17,1%) Cardiomégalie Pneumopathie Atelectasie
Facteurs associés à une anomalie radiologique : Polypnée, hypoxie, fièvre
Garcia 252 0 – 24 mois 100% 36 (14,3%) Pneumopathie, atélectasie Facteurs associés à une anomalie radiologique : Fièvre, hypoxémie Kneyber 232 0 – 12 mois 87% 127 (63%) Atélectasie, distension,
pneumopathie Facteurs associés à une anomalie radiologique :Jeune âge, absence de rhinite, de signes de lutte, d’hypoxémie
Mahabee Gittens
495 0 – 18 mois 270 (55%) 48 (18%) Infiltrat Facteurs associés à la réalisation d’une RP : 1er épisode de wheezing, âge < 6 mois, T°≥38°C, FR≥60/minSpO2<93%, signes de lutte ou crépitants. Facteurs associés à une anomalie radiologique : histoire de fièvre, Fièvre≥38,4°C, crépitants
Roback 298 0 – 18 ans 121 (41%) 29 (24%) Infiltrat, consolidation ou hyperdensité locale
Facteurs associés à la réalisation d’une RP : Age plus élevé, hypoxémie, absence d’asthme, ou d’atopie dans la famille, sibilants, râles ou diminution du MV localisés Facteurs associés à une anomalie radiologique : fièvre, râles ou sibilants localisés, absence d’atopie familiale
CHAPITRE 5 : INTERET DE LA RADIOGRAPHIE DE THORAX DANS LES DYSPNEES SIFFLANTES
109
La première grande différence réside dans l’âge des enfants inclus : certaines études se
limitent aux nourrissons les plus jeunes tandis que d’autres ont concerné des enfants jusqu’à
un âge de 18, voire de 21 ans. Cela introduit une grande variabilité dans les résultats attendus
puisque la pathologie respiratoire du nourrisson diffère de celle de l’enfant plus âgé. En effet,
les données épidémiologiques montrent que l’incidence annuelle des pneumopathies
bactériennes communautaires oscille entre 36 et 40 épisodes/1000 enfants avant l’âge de 5
ans, et entre 11 et 16 épisodes/1000 enfants quand il sont âgés de 5 à 14 ans (Korppi, M. et al.
1993; Murphy, T. F. et al. 1981). Cela peut être un des facteurs qui explique le plus grand
nombre de pneumopathies chez les enfants les plus jeunes.
Un autre facteur qui peut expliquer les différences dans les estimations des pourcentages
d’anomalies radiologiques est que dans certaines de ces études, l’ensemble des enfants ont eu
une radiographie de thorax (Farah, M. M. et al. 2002; García García, M. L. et al. 2004;
Gershel, J. C. et al. 1983; Mathews, B. et al. 2009; Schuh, S. et al. 2007; Walsh-Kelly, C. M.
et al. 1996), alors que dans d’autres, la décision de réaliser cet examen était laissée au libre
choix du médecin (Kneyber, M. C. et al. 2001; Mahabee-Gittens, E. M. et al. 1999; Roback,
M. G. and Dreitlein, D. A. 1998). Le fait que tous les enfants n’aient pas eu de radiographie
de thorax peut introduire un biais d’indication : il est en effet probable que la réalisation
systématique d’une radiographie de thorax augmente le nombre d’examens normaux et
diminue donc le pourcentage d’anomalies retrouvées. Nous avions pour notre part fait le
choix de ne pas rendre la radiographie de thorax systématique pour des raisons éthiques, ne
souhaitant pas exposer des nourrissons aux radiations ionisantes alors que leur prise en charge
ne le nécessitait pas et pour rester dans le cadre des soins courants.
Enfin, les anomalies radiologiques prises en compte dans les différentes études ainsi que la
qualité des interprétations (selon qu’elles ont été réalisées par le pédiatre ou a posteriori par
CHAPITRE 5 : INTERET DE LA RADIOGRAPHIE DE THORAX DANS LES DYSPNEES SIFFLANTES
110
un radiologue) sont deux éléments susceptibles d’introduire un biais de classement dans
certaines études. Certaines études ont en effet considéré qu’une radiographie était anormale
dès lors qu’une distension était présente (Kneyber, M. C. et al. 2001; Roback, M. G. and
Dreitlein, D. A. 1998). D’autres autres n’ont considéré comme anomalie radiologique que la
présence de foyer de condensation lobaire, voire pour certaines d’entre-elles, la présence
d’une atélectasie ou d’une cardiomégalie (Farah, M. M. et al. 2002; García García, M. L. et al.
2004; Gershel, J. C. et al. 1983; Mathews, B. et al. 2009; Schuh, S. et al. 2007). La distension
thoracique est un élément extrêmement fréquent dans les dyspnées sifflantes du fait même de
leur mécanisme (réduction du calibre bronchique et/ou bronchiolaire constituant un obstacle à
l’expiration). La mise en évidence d’une distension ne modifie pas les modalités de la prise en
charge ; il est donc normal que les études qui considèrent la distension comme une anomalie
rapportent un pourcentage plus élevé de radiographies anormales. Bien qu’une étude ait
évoqué l’existence d’une relation entre la présence d’une distension radiologique et la sévérité
de la dyspnée sifflante (Shaw, K. N. et al. 1991), celle-ci ne démontre pas que la présence
d’une distension thoracique radiologique doit modifier l’attitude thérapeutique. Considérant
que la présence d’une distension thoracique ne modifiait pas le traitement et notamment
qu’elle n’était pas une indication à la mise en route d’une antibiothérapie, nous n’avons pas
retenu celle-ci comme une anomalie devant être recherchée et justifiant la réalisation d’une
radiographie de thorax.
En résumé, le pourcentage d’anomalies radiologiques retrouvées dans la dyspnée sifflante est
très variable selon les études mais cette variation est probablement en grande partie expliquée
par une grande différence d’âge des nourrissons inclus, du caractère systématique ou non de la
réalisation de la radiographie de thorax ainsi que de la définition retenue pour considérer une
radiographie de thorax somme anormale.
CHAPITRE 5 : INTERET DE LA RADIOGRAPHIE DE THORAX DANS LES DYSPNEES SIFFLANTES
111
Pour comparer nos résultats concernant les facteurs de risque à ceux de la littérature, il faut
s’intéresser aux études dans lesquelles la radiographie de thorax n’était pas réalisée de
manière systématique (Mahabee-Gittens, E. M. et al. 1999; Roback, M. G. and Dreitlein, D.
A. 1998). Le lien entre certaines des variables et la réalisation d’une radiographie de thorax
retrouvé dans ces études n’a pas été retrouvé dans notre étude (âge, absence d’antécédent
familial d’asthme ou d’atopie). Cependant, les résultats de ces études étaient contradictoires
puisque dans l’une d’entre-elle le jeune âge était associé à un plus grand risque de prescription
de radiographies de thorax (Mahabee-Gittens, E. M. et al. 1999) tandis que pour l’autre étude,
les enfants plus âgés étaient plus à risque de se voir prescrire une radiographie de thorax
(Roback, M. G. and Dreitlein, D. A. 1998). Ces deux études allaient dans le sens d’une
relation entre la prescription d’une radiographie de thorax et le fait qu’il s’agisse d’un premier
épisode de dyspnée sifflante, ce qui n’a pas été mis en évidence dans notre étude.
Parmi les variables liées de manière indépendantes à la présence d’une anomalie radiologique,
nous n’avons retrouvé que la fièvre, et dans une moindre mesure, l’hypoxémie. En revanche,
la présence de crépitants, habituellement considérée comme évocatrice de pneumopathie ne
semble pas associée à la présence d’une anomalie radiologique, pas plus que l’importance de
la polypnée et des signes de détresse respiratoire. Une des explications réside dans le fait que
les dyspnées sifflantes d’origine virale peuvent donner des tableaux de détresse respiratoire
aussi importants que les pneumopathies.
Les facteurs considérés dans la littérature de manière quasi constante comme prédictifs
d’anomalies radiologiques chez les enfants qui ont une dyspnée sifflante sont l’importance de
la fièvre, la présence de crépitants à l’auscultation, et l’hypoxémie (Farah, M. M. et al. 2002;
García García, M. L. et al. 2004; Gershel, J. C. et al. 1983; Mahabee-Gittens, E. M. et al.
1999; Perlstein, P. H. et al. 1999; Roback, M. G. and Dreitlein, D. A. 1998; Schuh, S. et al.
CHAPITRE 5 : INTERET DE LA RADIOGRAPHIE DE THORAX DANS LES DYSPNEES SIFFLANTES
112
2007). D’autres paramètres ne sont retrouvés comme significativement associés à la présence
d’une anomalie radiologique que dans certaines études. Il s’agit de l’âge (Kneyber, M. C. et
al. 2001), la polypnée (Farah, M. M. et al. 2002; Gershel, J. C. et al. 1983), de la présence de
signes de lutte (Kneyber, M. C. et al. 2001; Schuh, S. et al. 2007) ou de la présence de signes
auscultatoires localisés (Gershel, J. C. et al. 1983; Roback, M. G. and Dreitlein, D. A. 1998).
Certaines variables cliniques sont des facteurs associés de manière indépendante à la
réalisation d’une radiographie de thorax alors qu’ils ne semblent pas être des facteurs de
risque d’anomalie radiologique. Il y a donc là matière à optimiser la qualité des soins en
réduisant le nombre de radiographies de thorax réalisées. Cet objectif est important à plusieurs
titres. Même si cette irradiation est négligeable, chaque radiographie de thorax expose à des
radiations ionisantes et il est toujours bienvenu d’éviter ce type d’exposition quand elle est
inutile. La deuxième raison pour limiter ce type d’examen est d’ordre économique car même
s’il n’est pas excessivement cher, il s’agit d’un motif de consultation extrêmement fréquent et
c’est la répétition de ce type d’examen qui conduit à des dépenses finalement non
négligeables. Surtout, il faut s’interroger sur l’impact de la réalisation d’une radiographie de
thorax sur le reste de la prise en charge et notamment sur les prescriptions d’antibiotiques,
problème majeur, que ce soit pour des raisons écologiques (émergence de résistances
bactériennes) ou économiques. Il y a là deux questions successives : la première est de savoir
dans quelle mesure les informations apportées par la radiographie de thorax vont permettre
d’améliorer la qualité de la prise de décision de mise en route d’une antibiothérapie (en
d’autres termes, comment la radiographie de thorax permet-elle de diminuer l’incertitude sur
le caractère viral ou bactérien d’une atteinte respiratoire) ; la seconde est comprendre le lien
CHAPITRE 5 : INTERET DE LA RADIOGRAPHIE DE THORAX DANS LES DYSPNEES SIFFLANTES
113
qu’il peut y a voir entre la réalisation d’une radiographie de thorax et la prescription d’une
antibiothérapie.
Il existe quelques éléments de réflexion pour répondre à la première question : il est
maintenant assez bien établi qu’il est difficile de différencier une infection virale d’une
infection bactérienne sur une simple radiographie. Une étude sur une population de 36 enfants
âgés de 2 mois à 15 ans a montré qu’en présence d’un infiltrat évocateur d’infection, les
praticiens évoquaient une infection virale alors que les prélèvements bactériologiques
(hémocultures ou recherche d’antigène urinaire) étaient positifs (Courtoy, I. et al. 1989). Le
faible effectif de cette étude limite toutefois la portée de ses résultats. D’autres auteurs ont des
résultats concordants (Korppi, M. et al. 1993) mais aussi discordants comme dans une étude
qui portait sur 254 enfants ayant une pneumopathie communautaire et qui montrait qu’un
infiltrat alvéolaire était plus souvent observé dans les infections bactériennes (72% vs 49%,
p=0,001) (Virkki, R. et al. 2002). D’autre part, l’évaluation d’une radiographie de thorax n’est
pas toujours aisée et il faut discuter la reproductibilité de celle-ci ; une étude a évalué la
concordance entre l’interprétation d’une radiographie de thorax réalisée chez 371 enfants
ayant un premier épisode de dyspnée sifflante entre le radiologue et le praticien :
l’interprétation radiologique effectuée aux urgences était considérée comme étant anormale
dans seulement 10 des 21 (47,6%) cas de réelle anormalité et pour 22 des 350 (6,2%)
radiographies interprétées comme étant compatibles avec une dyspnée sifflante non
compliquée par les radiologues experts (Gershel, J. C. et al. 1983).
Des études ont tenté d’étudier l’éventuel lien direct entre la réalisation d’une radiographie de
thorax et la prescription d’antibiotiques. Dans une étude randomisée et contrôlée réalisée sur
552 nourrissons âgés de 2 à 59 mois et qui avaient une infection respiratoire basse selon les
critères de l’OMS, il a été montré que la radiographie de thorax n’était pas associée à une
CHAPITRE 5 : INTERET DE LA RADIOGRAPHIE DE THORAX DANS LES DYSPNEES SIFFLANTES
114
diminution du délai de guérison alors même que l’administration d’antibiotiques était plus
fréquente dans le groupe des enfants qui avaient une radiographie de thorax (60,8% versus
52,2%, p=0,05) (Swingler, G. H. et al. 1998). Cette étude suggère donc que la radiographie de
thorax incite à la prescription d’antibiotiques (à "gravité" égale). Toutefois, d’une part les
critères d’inclusion dans cette étude faisaient qu’elle n’évaluait que les nourrissons les moins
sévères et d’autre part, les bronchiolites ne représentaient que 50% des nourrissons inclus. Il
convient donc de rester prudent dans l’extrapolation de ces résultats à la population des
dyspnées sifflantes. Deux autres études ont étudié le lien entre la réalisation d’une
radiographie thoracique et la prescription d’antibiotiques chez les nourrissons présentant une
dyspnée sifflante : une première étude a été réalisée de façon rétrospective dans 36 hôpitaux
pédiatriques et a porté sur 17397 nourrissons âgés de moins d’un an, hospitalisés pour une
bronchiolite (Christakis, D. A. et al. 2005) ; En moyenne, 72% des nourrissons avaient eu une
radiographie de thorax (38% à 89%). Cette étude montre que la réalisation d’une radiographie
de thorax était un facteur indépendamment associé à une augmentation de l’utilisation d’une
antibiothérapie quel que soit l’âge du nourrisson (OR=1,22 ; IC95% [1,1-1,36] ; p<0,001). La
seconde étude qui mérite d’être rapportée a été réalisée de manière prospective sur une
population de 265 nourrissons qui consultaient aux urgences pour le premier épisode de
bronchiolite et qui avaient une radiographie de thorax (Schuh, S. et al. 2007) ; les auteurs
mettaient en évidence une augmentation de la probabilité de prescription d’antibiotiques par
rapport à l’intention de traitement avant la radiographie de thorax. Ainsi, après la réalisation
de la radiographie de thorax, 39 enfants (14,7%) ont reçu une antibiothérapie alors que pour
seulement 7 enfants (2,6%), il y avait une intention de traitement avant la réalisation de la
radiographie de thorax. Les auteurs évaluent que la réalisation d’une radiographie de thorax
multiplie la probabilité d’utilisation des antibiotiques de façon significative (2,6% versus
14,7%, IC95% [0,08 – 0,16]). Ces études plaident donc pour l’existence d’un lien entre la
CHAPITRE 5 : INTERET DE LA RADIOGRAPHIE DE THORAX DANS LES DYSPNEES SIFFLANTES
115
réalisation d’une radiographie thoracique et la prescription d’une antibiothérapie et ce, même
si la radiographie est normale.
Quelques limites affectent les résultats de notre étude. Son caractère monocentrique doit
rendre prudent quant à l’extrapolation de nos résultats à d’autres centres et incite à les valider
sur d’autres échantillons. Le fait que la radiographie de thorax n’ait été réalisée que pour 52%
des nourrissons limite également la portée des résultats de notre évaluation des facteurs
associés à l’existence d’une anomalie pulmonaire. Toutefois le nombre de radiographies
étudiées (410) représente un échantillon conséquent comparé aux autres études. De plus, au
vu des données actuelles de la littérature et des recommandations, il ne paraitrait pas éthique
de soumettre des nourrissons aux radiations ionisantes sans but thérapeutique. Enfin, notre
population d’étude ayant été recrutée dans une structure d’urgences pédiatriques, nos résultats
sont difficilement extrapolables en l’état à une population d’enfants consultant en médecine
de ville ; nous pouvons notamment faire l’hypothèse que les enfants qui consultent aux
urgences pédiatriques sont potentiellement plus sévèrement atteints que les enfants pris en
charge en médecine de ville. Il est également facilement concevable que la facilité
d’accessibilité du plateau technique est un facteur susceptible d’augmenter la probabilité
qu’un enfant se voit prescrire un examen radiologique.
Enfin, notre étude n’a pas évalué le lien entre la réalisation d’une radiographie de thorax et la
décision de prescription d’une antibiothérapie. Nous n’avons notamment pas fait estimer par
les cliniciens les probabilités pré-test et pos-test que l’enfant ait une infection pulmonaire.
Nous n’avons pas non plus interrogé les médecins sur leur intention pré-test de prescrire des
antibiotiques. Il nous semble nécessaire de vérifier au préalable que le fait même de poser ce
type de question n’induit pas une modification des comportements qui risquerait de biaiser
CHAPITRE 5 : INTERET DE LA RADIOGRAPHIE DE THORAX DANS LES DYSPNEES SIFFLANTES
116
l’évaluation du réel lien entre la réalisation d’une radiographie de thorax et la prescription
d’une antibiothérapie.
Notre étude a permis de montrer que les paramètres cliniques statistiquement associés à la
réalisation d’une radiographie de thorax chez un nourrisson consultant pour dyspnée sifflante
dans notre centre était en accord avec les recommandations actuelles et que parmi les
nourrissons auxquels étaient prescrit une radiographie, les facteurs liés à la présence d’un
foyer de condensation lobaire ou d’une atélectasie était la fièvre et l’hypoxémie. Ces résultats
incitent à limiter la prescription de radiographies de thorax aux les nourrissons les plus
fébriles et, dans une moindre mesure, hypoxémiques. Ils plaident pour diminuer le nombre de
radiographies réalisées et pour que des facteurs comme le jeune âge, des difficultés
alimentaires la présence des signes de lutte importants mais sans insuffisance respiratoire ou
de râles bronchiques ou crépitants ne soient pas considérés comme une indication à la
réalisation d’une radiographie de thorax chez les nourrissons qui consultent aux urgences
pédiatriques pour dyspnée sifflante. Par ailleurs, l’étude du réel lien entre la réalisation d’une
radiographie de thorax et la décision de prescription d’antibiotiques mérite d’être affinée par
des méthodes permettant de prendre en compte l’existence d’un biais d’indication dans une
étude rétrospective et/ou par des études prospectives étudiants les processus de décisions des
praticiens.
117
CHAPITRE 6 : CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
118
CHAPITRE 6
CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
Les différents travaux entrepris dans le cadre de cette thèse ont permis répondre à quelques
unes des questions qui se posent à propos de la prise en charge des nourrissons qui ont une
bronchiolite aiguë. Il persiste cependant de nombreuses questions non résolues auxquelles de
nouvelles études devront essayer de répondre.
Nous avons contribué à la réflexion sur la question de la reproductibilité inter-observateurs de
l’évaluation de l’état respiratoire. La possibilité de partager l’évaluation des nourrissons
atteints de bronchiolite aiguë est indispensable que ce soit dans le cadre du soin ou dans celui
de la recherche. Il est en effet indispensable que chacun comprenne ce que signifie une
évaluation réalisée par un autre et il est en particulier important que les informations tirées des
surveillances réalisées par les soignants puissent être considérées comme fiables ; ainsi, celui
qui décidera de la suite de la prise en charge (traitements, hospitalisation, transfert, sortie…)
s’il s’agit du soin (ou de l’évaluation d’un critère de jugement s’il s’agit de la recherche)
pourra se reposer sur les évaluations cliniques faites par les soignants ; cela est d’autant plus
important qu’il s’agit d’une pathologie dans laquelle la situation clinique évolue rapidement,
que le clinicien ne peut être présent 24 heures sur 24 auprès de l’enfant et qu’il s’agit de
prendre des décisions sans « perte de temps » afin d’optimiser la qualité des soins. Il reste
cependant à valider les autres propriétés de ce score, notamment la validité et la sensibilité.
D’autres études sont nécessaires pour évaluer ses deux propriétés ; la réalisation de ces études
nécessite de disposer d’un « étalon-or » de l’état respiratoire ce qui n’est pas simple. Le
CHAPITRE 6 : CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
119
critère le plus objectif est la saturation en oxygène mais outre les problèmes liés à la
variabilité de la mesure, il ne peut résumer l’état respiratoire et son retentissement. Il faut
donc tenir compte du retentissement de la détresse respiratoire et prendre en compte des
critères subjectifs comme la qualité de l’alimentation, du sommeil, voire du confort de
l’enfant.
Nous avons dans un second temps évalué l’efficacité de la kinésithérapie respiratoire qui est
la seule intervention reconnue en France pour le traitement de la bronchiolite aiguë du
nourrisson. Nous n’avons pas réussi à mettre en évidence d’efficacité de ce traitement en
termes de délai de guérison chez les nourrissons hospitalisés. Il s’agit là d’un résultat
important qui nous oblige à nous interroger sur les modalités de prise en charge de ces
nourrissons hospitalisés et à diminuer le nombre de prescriptions de kinésithérapies
respiratoire dans la prise en charge des bronchiolites. Nos résultats ne permettent en effet pas
de soutenir la recommandation de réalisation systématique de kinésithérapie respiratoire dans
cette indication. Ils incitent à réfléchir aux moyens qui permettraient d’identifier les
nourrissons qui pourraient profiter d’un désencombrement pour évaluer l’intérêt de cette
technique dans ce groupe d’enfants. Pour cela, il est nécessaire de disposer de méthodes
objectives de mesure de l’encombrement. Les études à venir devront par ailleurs tenir compte
d’un certain nombre de paramètres qui caractérisent les nourrissons qui ont une bronchiolite
du nourrisson : il y a en effet une grande variabilité en ce qui concerne le terrain sous-jacent
(l’état respiratoire sous-jacent du nourrisson est-il normal ou s’agit-il d’un enfant qui a une
hyperréactivité bronchique ou une atopie sous jacente ?) ainsi que de la présentation clinique
(hypoxémie ou non, encombrement ou non…). Enfin, les résultats de notre étude ne sont pas
extrapolables aux nourrissons non hospitalisés qui ont un état respiratoire moins sévère que
CHAPITRE 6 : CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
120
ceux qui étaient inclus dans notre étude. Ils incitent en revanche à évaluer l’efficacité de cette
technique chez les nourrissons qui ont une bronchiolite et qui sont pris en charge en ville. Il
est donc important de poursuivre ces recherches en conduisant des essais cliniques évaluant
l’intérêt des techniques de kinésithérapie respiratoire chez ces nourrissons. De telles études
nécessitent de choisir des critères de jugement cliniquement pertinents et il faut donc
s’interroger sur ce que l’on pourrait attendre d’un tel traitement : s’agit-il d’obtenir un
meilleur confort, une meilleure alimentation, un meilleur sommeil ? Si oui, quel critère(s)
objectif(s) permetrai(en)t de rendre compte de tels bénéfices ? S’agit-il d’évaluer l’efficacité
de la kinésithérapie respiratoire sur le risque d’hospitalisation des nourrissons ? Il s’agit là
d’un critère objectif intéressant mais une telle étude nécessiterait un effectif considérable (à
titre d’exemple, mettre en évidence une réduction de 50% du taux d’hospitalisation nécessite
l’inclusion de 2000 à 4000 nourrissons selon que l’on considère un taux d’hospitalisation de
base des nourrissons qui ont une bronchiolite de 6% ou de 3%. Enfin, à l’interface entre les
prises en charge ambulatoire et hospitalière se trouvent les urgences. Les enfants qui y
consultent sont, en moyenne, dans une situation clinique plus sévère que ceux qui sont pris en
charge en médecine ambulatoire. Le taux d’hospitalisation y est estimé à 35% et la plupart des
hospitalisations sont liées à un défaut d’alimentation ou à une hypoxémie. L’encombrement
bronchiolaire est possiblement en grande partie responsable de cette situation clinique et il
faut donc se poser la question de ce que pourrait apporter la kinésithérapie à cette population
de nourrissons bien particulière. Des études devront évaluer dans quelle mesure la
kinésithérapie respiratoire permet ou non de diminuer et/ou de retarder (et donc raccourcir)
l’hospitalisation de ces nourrissons ; il s’agit là encore d’études nécessitant de grands effectifs
(la démonstration d’une diminution de 10% du taux d’hospitalisation nécessite l’inclusion
d’environ 700 nourrissons).
CHAPITRE 6 : CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
121
La dernière partie de notre travail a porté sur l’évaluation des facteurs associés à une
augmentation des prescriptions de radiographies de thorax. Les résultats obtenus doivent être
confirmés par des études multicentriques. S’ils se confirment, ils pourraient permettre de
diminuer le nombre d’examens radiologiques réalisés dans cette indication. Ils incitent surtout
à mener des études permettant d’évaluer plus précisément l’information qui est tirée de
l’interprétation de la radiographie par le praticien en termes de probabilité d’infection
pulmonaire ou d’atélectasie (c'est-à-dire étudier la différence entre la probabilité pré-test et
celle post-test) et surtout d’étudier le lien entre la réalisation d’une radiographie de thorax et
la prescription d’une antibiothérapie. Une telle évaluation pourrait être réalisée dans un
premier temps sur des séries rétrospectives en utilisant des méthodes permettant d’apparier les
patients ayant eu ou non une radiographie de thorax selon leur probabilité d’en avoir une (par
exemple scores de propension). Dans un second temps, des études prospectives comparant la
suite de la prise en charge de nourrissons selon qu’ils ont eu ou non une radiographie de
thorax pourront contribuer à répondre à cette question. Il est probable qu’il y a là matière à
optimiser la prise en charge des nourrissons qui consultent aux urgences pour une dyspnée
sifflante et à réduire le nombre de radiographies de thorax inutiles.
122
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