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fil. k'^ CHANSON POPVLA1

JOANNES PLANTADISEN LIMOVSIN PAR

AVEC VNE PREFACE DEJEAN DES HORTS

PARIS M!)CCCXCVIIIiDITI PAR LA NOVVELLE IMPRIMERIETROIS RVE BOVRDÂLOVE

M) ,,tF

C'est ici une amicale causerie, non cher Plantadis, bien plutôt quela préface que vous attendiez de moi. Je prends â 'écrire but monhabituel plaisir à converse[- avec vous, niais je m'avoue humblementet dés l'abord préfacier indigne et peu diseh, dans ]'inquiétudé où jesuis de niaI expliquer toute la joie qu'on doit éprouver, et dés letitre, à votre monographie La Chanson populaire en Limousin.

Je sais seulement bien que'déjà et souvent vous nous avez gâtés,Dans la cohue dès Livres de ce temps, où vont s'exalter ou bienS'égarer nos sympathies et nos curiosités, vous savez le chemin pournous trouver sûrement, et le point où nous toucher h la fibre encoredemeurée sensible, par ces choses du Limousin Lin peu ignorées, mêmede flous, un peu périmées, un peu endormies et fanées, mais que vous -

1

éveillez de leur torpeur ancienne avec toute la douceur et l'amour qu'ilfaut, sans cesser jamais d'être docte dans les très artistes commen-taires dont il vous plait d'ajouter le charme à votre sûre érudition.

Vous méritez beaucoup de Louanges. Mais elles ne sont pointpour vous qu'en des préfaces. Je pense, en effet, que peu d'écrivainsjouissent de ce tranquille et assuré bonheur d'avoir comme vous unpublic curieux et impatient de leurs oeuvres. Vous I e savez et vousconnaissez bien que vous nous intéresserez toujours écrivant ces choses,et dans cette manière où vous, et d'autres du Limousin, excellez.

Voici que vous avez, cette fois, écouté nos Paysans chanter. Ou plutôtqu'un jour vous avez entendu s'élever dans votre mémoire, où sontpieusement conservées mille images et mille impressions dès longtempsrecueillies et aimées, des mélodies maintenant inaccoutumées, dont lecharme naïf s'avivait pour vous à la comparaison de plus modernes etsavantes musiques.

Et j'ai eu la joie de vous voir noter ces airs, et les assembler, etc'étaient, de notre province, les NoêLç, les Aguilhaneus, les Planctus,les Maïadc.ç, et le long ruban des mélopées de nos moissonneurs, et lechoeur de nos vendanges.

Voulez-vous que nous nous souvenions et que je dise ici que, dans lemême temps, Ni. Louis de Nussac (i) « prenait un soin charmant »dans ce « pays des clairs ruisseaux et des belles fontaines » qu'est leLimousin, de dénobrer ces fontaines, de nous apprendre le culte dontelles étaient l'objet et de nous dire leurs légendes?

Légendes précieuses, thaumaturgie étrange dans quoi se fait difficile-ment et adorablement mal le départ entre les croyances païennes et leschrétiennes. -

tin soin si rare, si empressé et si exquisement religieux apparaissait-là, que je ne cachai pas à notre ami mon admiration, laquelle senallait jusqu'au ravissement.

Je louai donc M. Louis de Nussac à ma manière, qui fut celle quej'aurai pour vous tout à: l'heure et pour laquelle je vous demande dem'accorder d'abord toute l'indulgence dont M. de Nussc me futensuite prodigue. Il pensa, dans sa modestie, que je. le louais trop et,du même coup, que je le louais mal. LI distingua que je le compli-

(t) Louis DE NussÂc: Les Fontaines du Limousin: Culte, Pra t ique etLégendes.

mentais comme pour une oeuvre d'imagination et comme pour un purpoème en prose— non commepdur l'oeuvre de documentation chrono-logique, topographique, ethnographique - que sais-je encore - qu'ilavait, voulu réaliser, et qu'il s'efforçait, dans ce moment même, decompléter. ..-

Je laissai dire M. Louis de Nussac. Il ne nie plaisait pas d'êtrepersuadé, et qu'on vint me déranger de mon point de vue, et qu'on mefit ce savant de ce poète Limousin. La pensée d'avoir essayé decompter et de raconter nos fontaines était pour me ravir, et je n'auraissu considérer ni les dates . précises, ni tes chartes exhumées, ni l'ethno-graphie afférente, moi qui n'en sais point, et qui, après son livre,gardais, tout à coup par lui évoqué, —le seul souvenir d'une fontainelimousine qu'il ne m'était pas possible de situer, que j'avais vue àComborn, àGlandier, au .Pradalet, je ne sais où... mais, au bordd'un chemin, fontaine à la- vasque ruinée, mais profonde, et vivace etardente, et qui s'écoulait et qui s'écoule depuis les Romains, depuis leMoyen A-ge:-- depuis les temps légendaires évoqués par M. de Nussac- dans un chemin perdu, en des rigoles pures parmi des pierres, versun pré qu'elle arrose.,.-- ----

Vous comprendrez à quelle obstination d'ignorant irréductible venaitse heurter l'orgueil • de documentation de- l'auteur, il n'avait rien âinformer au sujet de ma fontaine si imprécise et si confusément aiméeil n'informa rien, par révérence pour tant d'amour naïf qu'il se trouvaqu'il partageait, loin qu'il ne put le comprendre.--

Car, et bien qu'il s'en défende, M. Louis de Nussac a dû voir, pourles avoir bien surveillées aux bords de nos sources et de nos ruisseaux,des Nymphes et des Dryades, échappées vers nous du champ romain;il a connu la vasque au bord de laquelle « se mon li beau Narcissus s;'il sait la source en laquelle s'est muée Biblis, et dans nos paysages assu-rément virgiliens, il a rencontré la fontaine trouble où se sont vautrésles porcs de Corydon. De cela, une vision s'est imposée à son àineayant tout et pendant tout son travail d'érudit, aussi bien quelui , sont venues sûrement des remembrances de fabliaux - et qu'il apensé, -dans ses promenades,- être proche de la fontaine où cette fillettedu Moyen Age s'en allait cueillirle cresson t d'où elle revenait avec samoisson verte, la chair mouillée à travers la bure de sa robe par l'herbehumide qu'elle porte, - exquisement et comme 'il.est dit,-

Il a beau s'en défendre, M. Louis de N-ussac est bien-le poète que jeyeuxqu'il soit. La poésie efface et dépasse chez lui la documentation. Etsonoeuvre m'apparaitbien —en imageeten beauté— comme cette estampegravée sur bois du xv 0 siècle où se peut voir, une noble daine, qui, de sa

1ff

niin;chré rie n ne, en un paysagesylvdstre;verse dune coquille l'eaû baptimale sur la tête cornued'un faune hilare, agenouillé, les mains jointes.Vraiment c'est bien là, en image, la pensée de M. Louis de Nussac,,c'est bien là cette histoire autant païenne que médiévalequ'il nousfait des sources du pays limousin.-

De même pour vous, mon cher Plantadis. Et • vous n'êtes pas unglaneur de sèches broutilles, et c'est votre âme de poète champêtre qui serappelle et qui raconte. De la même.sorte qu'il apparaît à travers lessavantes récurrences de Ni. de Nussac, on sent que vous pensezque si M. Anibroise Thomas, par exemple, a eu l'intention d'introduiredes fragments de nos mélodies en une de ces partitions - cela estsans intérét,et-digne pour vous d'être rejeté en note au bas d'une page.Vous savez bien qu'il n'importe pas du tout, pour notre orgueil ou pournotre très pure joie ariistique. qu'un lambeau de nos chants soitdit sur les paroles d'Un méchant livret d'opéra, et qu'il vaut autantque ces airs aillent se mourant là-bas, dans leur crépuscule, et qu'onen doit trouver simplement les notations gardées, comme des fleursséchées, en des li'res comme lé vôtre...

Il nous surfit donc que vous soyez le bon glaneur; le bon et discretservateur de ces choses de chez nous. Et que l'on trouve là, enchâsséescri un commentaire amoureux, les mélopées des moissons le choeurdes vignerons, les malades des a'nciens printemps, et les chants de joiede la Nativité, ou les lamentations de la! Passion.

Pour ne parler que des A'oils et des planctux, pù je voudrais qu'il hiefut permis de n'arrêter ici un peu, il faut vous remercier d'avoir si bienmarqué la naïveté géniale des uns et des autres, l'allégresse ingénue despremiers, la tristesse, égale à celle du Staba!, des seconds.- Comme vous le faites en effet comprendre, tout un m y sticisme est làévoqué, toute la pensée d'une époque qui n'avait pas grand ?pensée, etmôme toute une littérature, tout un art chez nous situésT et exprimés.

Tout notre Moyen Age en un chant d'église ou de veillée,dans son ombre éclairée doucement, tout le Moyen Age est là, douceveillée de plusieurs siècles, où l'on prie, où l'on brodé d'étranges etlongues légendes, où l'on chante des musiques toutes! bonnes àendormir l'Enfant Jésus, ou toutes bonnes à se.lamenter sur lui. -

Nos poètes, dont les! Noëls furent retouché sais 'doute ensiècles plus proches de nous, nous apparaissent -encore comme lesnIagier leurs fréres. Le décor est méme;et mêmes les attitudes. Vovéi.v

mv

- en toute, simplicité.et dans ce détail - noà paysans: ils'Srôpo^ cr ide donner en hommage au Dieu de la crèche. les: draguet tï'ils'ont tissés, le lièvre et la bécasse qu'ils tuèrent. Ces étoffes et cette sauva•gine, vous en trouverez le souvenir en des tableaux gothiques. Si vousoulê±onnaifrè ièIÏi attifude daiis l'établi,autour & l'Enfànt divin,

pafmi UesRois Mages, vbus n'avez qu'à lesréver d'après l'yiflagier dutombeau de saint Etienne d'Obazine ils sont venus familierset simples,en idurs sourires naïfs, vers cette aula regia - eux si timides et trem -

blants, de nos jours; devant M. le maire...-.-Mais les voici se lanienter,- durant la Semaine Sainte. Et voici leur

Planctus, non tel qu'ils le chantèrent alors, mais conformê danssoÏiordonnance, mais adéquat à la seule pensée d'amour qui l'inspira

T'a us verreî bien taon sang couler -Tout le !onk de mes membres,

•- Vous le verreç bien ramasser-

Par quatre petits anges,

Dans un calice d'or, d'argéntSur une nappe blanche.

Je pense que de telles lamentations sont comparàblesà d'hutres •plGs\glorieux poèmes.Tant leur tristessea de pure beauté - il semble que, de ces anonymes

auteurs, le coeur simple a pleuré selon l'accompagnement morne dequelqtie céleste musique et que leurs sanglots sont en- accord avec lesharpes ou les citolesqué t'Angelico fait toucher par des anges. Ce n'estpoint. comme vous dites, mon cher Plantadis, d'un Botticelli, aux grâcesdéjà un peu païennes, mais vraiment d'un primitif, et de- tous lesprimitifs et d'un mysticisme chrétien de tous les temps.

C'est d'il y a vingt ans, et c'est d'hier, en nos humbles églises éploréesdes Semaines Saintes, telles tristesses obscures mais 'absolues danst'ombre des piliers; tels chants lents où semble vouloir s'arrêter enstupeur et se, figer en attitude douloureuse, l'incommensurablePitié d es adorateurs de Jésus crucifié. - C'en tout le Moyen Age navréde douleur et en pleurs; ce sont les polychromies anonymes des Emaux,des r&ables et des vitraux; où se peuvent voir autour des Pieds, autourdes Mains, autour du Flanc percé, ces mêmes angelots attentifs, en leurangoisse voilée de douceur, à-recevoir goutte par goutte-le- Précieux-Sang« dans un calice d'or, d'argent » - rosée divine 1k recueillie: pour le

y

Père, etdont,eon une plus soniptûduse léjende, .leshaniinenutônt-leur part dansia .syrnbtiliqiiéEineraudedu . Graal 4-

Ces chants la - 'yods et Planctus - sont davantage vivants enLimousin, etif ' a apparence que nous les entendions encore longtemps Mais n no, et je le crains, les autres ceux de Maiadesy ceux duCarnaal ceux des Aguilhaneus Pas meme cette Ballade (t) que 'vous

.avez omis de noter, dans le Aoute ou 'vous êtes de son antiquitéet de son origine, mais qii a un titre, bicn..beau, qui est sur un airassurement bien ancien', et ou se trouve pour depeindre un oeil aniou-reux dejeune fille ce mot m 'reilieux ebe;bz Ah 1 le joli mot, aigu etvif et clair! Tel,'én 6h t1s ge Ïélaii-é et - vivant> sous un sourcil voultique tracerait, net, François Villon - un oeil avivé par le k-olh oriental,ou par cette mouche qt1èie niàrqusès 'appelaient, je crois, assassine,et qu'elles plaçaient autbih dèlekfl' paupière--

J'ai un regret que vous n'ayez pas ditcette, ballade... Qui aura lesouci de la chanter, si 'vous I a'ez laissee se perdre, maintenant? Voussavez bien qu'aux soirs caln-ks d dimàches après la tombée descrépuscules—. à jour jaifli,comme-ils dient.— on hentendra plus lechoeur des filles, dans les anciennesvchansons, mais les regrettablesrhapsodies des sous-Gounod, des sous-Massenet et des Tagliafico les -moins qualifiés l Vous le savez bien, vous qui m'avez fait la joie de parler

Vdes igne Moteder Vértgit ï de la Bohta, et qûi :vous êtesamenté avec moi sur les vieux ceps.. moussus,;morts et hrlès sur- les

plants 'venus d Atnerique, ét sur les vignerons qui ne chantent plus

Ft qui, mon cher ami, 'va se soutier du restel

Ces-, joies-là. de cette - Mè ..:naeinnt . hôtre d -vécûe naïvementsous-nos flux, sont rnain te'aà t fi nie . NUis je-'eii*' biétf vdus dire'que notre pays demeure, .Par placés ,1cieu•xtihodsin:Entre es nalleïdu-réseau des voies ferrées, il et bon? coins . .litairés nbnmarqués pour les artistes de signe détestables dû igiés:-rFeh hy'viendra troubler votre rêverk Si vtoùvoulèz, î q{.ihnd- -je lairairetrouvée,-je Nous indiquerai et à Louis de -Nùsaè -- ni f6nhinéperdue fontaine dûn,cristalfroid,.dnse:e1 ijibavant-que vientrayetd'un sillage ténu la. bestiole •rdpide;-r-su -uoF'&ê penche ' t trem-ble mysté'rieusementla ramureet qtii•semble dornir én'cbrc son gothique

-;(i) La légende de.Muratet--- •---'.-HJ - .:n

Vi

sommeil pendant quelle s'épanche peu à peu vers le clieniin et versle pré.

Et non loin de cette fontaine, en in paysage d'aussi pure beauté que

vous l'aurez pu désirer, vous aurez encore longtemps la joie que seulevienne troubler votre rêverie délicate, la venue lente d'un paysan frusteet mystique - et chantant - que vous Saluerez d'un salut patois,

quevous nommerez avec délices de son nom méridional, nom sonore qu'ilvoussouviendra très bien d'avoir lu, tel, en des chartes et cartulaires dutemps de très anciens rois...

Paris, i8g8.

JEAN DES HORTS,

VIT

Pl

LA CHANSON POPULAIRE

EN LIMOUSIN

Depuis quelque le pl les chansons populaires sont à la mode.Des légions de lolkloristes ont exploré les coins et les recoins]es plus reculés de nos provinces pour les retrouver; des niusi-cographes les ont déchiquetées, étudiées et analysées; desartistes Coin me M Irma Pei-rot, Bob Walter, Allie], les ont« illustrées » en les interprétant devant un public de blasés etde snobs: de grands compositeurs n'ont pas dédaigné de lesutiliser et d'en « corser » leurs partitions. Ignorées pendantlongtemps, souvent méconnues bafouées, par ceux-là mêmesqui avaient été bercés à leur r y thme lent, quelquefois monotone,mais toujours empi'eint d'une mélancolie douce et enveloppante,les chansons populaires ont du charme, de la grâce, de l'enjoue-ment, de l it ci même quelque robustesse.

Une thèse, chère à M. Julien Tiersot, le distingué bibliothé-caire du Conservatoire, pose en principe que les provindes fran-çaises n'ont pas un fonds de chansons populaires qui leur soitpropre, niais bien un certain nombre de versions, de variantes,de broderies sur un thème commun à toutes. Les paroles diffè-rent, l'air qui les accompagne subit, çà et là 1 des changements,l'idée sur laquelle elles reposent ne salirait varier. Cette théoriel' e ut, se soutenir et n'est pas sans quelque apparence de raison.Mais nous posons en lait, qu'un thème, une chanson sont néstout d'abord dans une province pouc se répandre ensuite dans

la région immédiate, sous une forme légèrement modifiée, ettransmis par la voie orale, ils gagnent de proche en proche lesextrémités de la France, en subissant, au fur et àmesure qu'ilss'éloignent de leur berceau, des altérations- souvent profondes.Ce n'est pas sans quelques grosses difficultés que les érudits,folkloristes, philologues ou musicographes, pénètrent le secretde la naissance de telle ou telle chanson populaire. C'est undédale où la science se perd parfois.

D'après M. Joseph Bédier (t) sur les prairies limousines etpoitevines, des jeunes femmes célébraient, selon de vieux rites,la « venue du temps clair » la griserie du renouveau a noué leursmains et rythmé leurs pas pour la première danse l'émoi que leprintemps met au coeur a éveillé sur leurs lèvres 1a premièrechanson, et, de ce germe, procède toute la floraison lyrique desâges suivants ». -

La fldraison lyrique des âges stu vaiits, en Limousin, c'est legrand chant, la poésie courtoise des troubadours qui, née danscelte province, s'étendit aux autres provinces de ]il d'oc,dans le midi, dL servit de modèle aux trouvères en passant auxrégions septentrionales de lit

Une erreur, fort répandue à notre époque, attribue à la Prb-vence, la magnifique expansion lyrique du mo yen âge au Sudde la Loire. La survivance du nom de Provence, dans le sensétendu de la .Proviucia des Romains, est pour beaucoup dans lecrédit de cette fausse opinion. « En réai j té, nous apprend unmaître en la matière. M. Gaston Ptiris (2). là Provence proprena ni éme pas pris une part très reniarq uable au mouvement dela poésie méridionale du m oyen âge. Cette poésie parait avoireu son berceau et a gardé son centre bien loin dit enLimousin. C'est là qu'on pariait le dialecte qui n servi de base à],a littéraire coni ni u ne. » Au début du xi' j» siècle, titipoète catalan, Raimond Vidal de 13esaudui: écrivait: Per iotaslas terras de flash-e lengualge son de ma jor aulorjiat li caillou-de la lengua lc,nosjna que negun attire. (3).

(i) Les fêtes de "zai et le.' »eneemen/s de la poêsie lyrique aumoyen dge. (Rc,'ue des l)eux-Mondes iSgô.)121 Frêdéric Mistral. (Revue de Paris, I894.(3; « ' . r toutes es terres de notre tingagc (doc) le clja,it de tanmgue I ou-st;'e est de plus grande autorité que tous les autres (chants). »

Peu de pa\'s, en e ffet, présentent un choeur plus brillant detroubadours que le limousin Grégoire i3écliade, Bertrand deBoni, Bernard de Ventadour, Gaucel ni Faydit, les quatrecl'Lt ssel. Giraud de Borneilh, Jaubert de Puicihot, et tantd'autres qu'il serai t trop long d'énumérer. -

Quelle fut la source de l'inspiration musicale des trouba-dours? - car leurs OéSCS, leurs chansos, étaient toujoursaccompagnées d'un air. Un érudit italien, M. Restori, aétudiéla question à propos des chants de Pérols, troubadour auver-jnat, et de Bernard de Ventadour, troubadour limousin .( ). et ilconclut à l'influence populaire. En empruntant au peuple les, airsqu'ils adaptaient à leurs poésies, les troubadours s'appliquaient àleur donner plus d'artifice, plus de virtuosité, plus de noblesse, Si'nous raptl roch o n's de l'opinion de M. Resto ri ,celle de M .3 osephBédier, nous constatons bien' que le grand âhâ,it de's sit e etxii1 0 siècles s'inspire de la poésie et du chant populaires, nés auxfêtes du printemps dans les planes poitevines et les montagnesdu Limousin. Donc, primitivement, toute chanson, toute danse.- elles étaient souvent inséparables - est d'origine paysanne,d essence populaire.

Dans la formation de la production l y rique populaire. l'Egliseeut une large pari d'influence. Main tes chansons populaireslimousines portent la trace des diverses tonalités du plain-chant, comme on le verra dans les exemples que nous donnonsPlus loin.

Terre essentiellement bénédictine, couverte de monastèresriches et puissants, le Limousin, de bonne heure, s'honora d'uneécole musicale féconde qui détenait, au fond des vieux anti-phonaires, les traditionnelles cantilènes, léguées par les Agespassés, qu'elle propagea autour d'elle en y puisant de nouvellesinspirations. « C'est dans nu manuscrit, dit de saint Martial deLimoges, nous apprend Henri Lavoix, et qui appartient à laBibliothèque Nationale, que l'on trouve les plus anciennes cliansons non religieuses, notées en neu nies. e -

Un rapsode pieux, Saint-Israël, chantre du Dorat, allait deville en ville, au mo yen ùge, chantant devant le peuple ses

j ) Per la storia in :uicala dei t java (o ri p;'oven zoU. ( Revista in usica laitaliano, ' t 'or j8954L)

rnélodks sacrées. Il est, sans conteste, un de ceux qui enrichirentle plus le répertoire de chants populaires du Li ni ousin et du Poi-tou. C'est à lui qu'on doit faire remonter, et non à G rétrv. coni mel'affirment certains musicographres, le pi m uier eploi connu dle't-inotiv, si merveilleusement utilisé par Richard Wagner. Ilest, semble-t-il, l'auteur. pour les paroles et la musique, ducélèbre mystère. des Vierges sages et des Vierges folles. « Dansce mystère dont les strophes se terminent par un refrain -en lan-gage vulgaire, une ,izjloiie distincte s'attache â chaque person-age. » nous dit l'abbé .Artiges, biographe de Saint-lsraél.N'est-il pas permis, par déduction logique de tout ce que

nous venons d'exposer, de penser que le Limousin peut revendi-quer une grande part dans les origines des chansons populairesqui fleurissent en terre de France

Il

De nos jours. le Limousin se souvient encore qu'il fut le ber-ceau du grand chant ; ses chansons populaires en portent lamarque. Ses ouvriers, ses paysans chantent. D'ici,de là, le chaî-non de la tradition s'est bien tin peu tordu, rompu même; maistel qu'il se présente à nous, le répertoire de ses chansons popu-laires est riche et varié. Les saisons, chaque année, ramène desrefrains particuliers Lavent, les noëls le premier de l'an, lesaguilbancus ; les jours gras., les fariboles, couplets farcis etégrillards suria venue et la mortrt de Carnaval: la semaine sainte,les réveillées; complaintes sur la Passion ; le mois de mai, lesjVaïades, rondes balladoires en l'honneur du printemps ; letemps des temps des vendanges,- avant le phylloxéra, - les i;endangeuses ; l'époque du tirageau sort. (le la révision et du départ au régi nient, les chansonsde conscrits. Et puis brochant sur le tout, ce sont les chansonshéroïques et d'amour; les refrains bachiques; les couplets sati-riques, mordants, ironiques etnialicieux, s'aiguisant et se renou-velant des fabliaux frondeurs dit moyen âge ; les airs à danser;les chansons d'animaux qui font parler les bêtes et leur prêtentmille bons traits, com nie celles de l'âne, prenant, en nos cant-

pagnes limousines, les propomions d'une véritable épopéburlesque.

Sur les routes poudreuses, dans la montée des.côtes, le pas-sage des sentes, sous bois ou dans la lande, le paysan jette auxéchos du vallon sa chanson. C'est sa façon à lui de se tenircompagnie, de se donner même dit dans la crainte derencontrer sur son chemin, la nuit, quelques esprits malins,quelques bêtes surnaturelles malfaisantes. Il la crie sa chanson,plutôt qu'il ne la chante, à pleine voix, emplissant ainsi la soli-tude qui l'environne. Il vocalise les flnalcs, les prolonge autantque sa respira ti on le lui permet, dans un lége r t reni blotem en tde la voix, qu'il accentue c il mettant un doigt dans l'oreille cien le secouant. Ainsi, il se rappelle la manière des troubadoursqui ornaient leurs finales, eux aussi, d'une vocalise prolongée.Aux fêtes votives, aux veillées d'hiver, aux noces, on chante enLimousin. Rarement, nos pa)-sansélèvenl la voix quand ils tra-vaillent..

Cependant, les soirs de juin, après la tombée des gerbes,quand la nuit descend lentement sur Fiirè des moisou neufs,que la lune met aux arbres un lumineux Irissonnenlent, que leciel se diamante d'étoiles, en la poussière des nébuleuses, la brisel'raiche apporte sur son aile légère, les mesures lentes, cadencées,d'une mélopée étrange, que chante l'unisson des voix mâlesaiternan t avec le choial cri stalli n des femmes et des enfants.Ecoutez

•Largement

2 1 NJLL j '1 rtf'rrIr7rDe houa ma/- tL___- Se le -va laLi_se., ta

jjdr fr r'r7De houa ma_ti__Se le-va la Li_se_ta

La Lisette prend sa seille,s'en va quérir de l'eau à la fontaine.Cependant il n'est pas encore jour; la lune l'a trompée. Sur sonchemin, elle fait une rencontre: trois capitaines lui demandent

NII

une auberge pour boire. Chez elle, Lisette conduit les soldats.Ils entrent, égorgent le père, la mère et enlèvent la belle enfant.Douloureux souvenir des guerres anglaises, encore vivaces enLimousin, dit l'historien; éternelle histoire répond le poète-philosophe (r).

Et plus loin, vers les plaines du bas pays, presque au mêmemoment, entendez ce chant qui monte vers la nue. que répètel'écho. Ne semble-t-il pas qu'une théorie de prêtres hindousl'entonne gravement, escorta ut une idole

- Largement• P.Jlr rtrr'rIr rirrirîrtr'tr JIr rr rtCtL:o

Et c'est un banal badinage entre une bergère qui défend svertu et un trop hardi • chevalier qui voudrait bien la lui ravir.Une soudure de la chaîne traditiondelle s'est ici rompue. L'in-terpolation malheureuse est manifeste. (2).

Avant lit des Vignes, sur les flancs des puys rouges.couverts alors de pampres verts, que couronne, telle une cita-delle, l'altière petite cité de \'outezac, tout était ris et chansonsair de la vendange. Des lèvres des gars robustes etdes jeunes filles énamourées, rougies par le raisin, s'échappait,en ce joli rhytme,.la bonne chanson du travail et du vin rubes-cent,-pendant que les hottes s'emplissaient de grappes ver-nieilles.

(r). Ambroise Thomas qui connut cette chanson - à rapprocherdecelte qudDaudet donne dans les Deux Auberges des Lèlires de priori Moulin - avaiteu• intention d'en intercaler le texte musical dans l'acte de la folie dOphélied'Hamlei. lt y renonça pour lui sublimer le rhème norvégien de la balladedes WiIlis, évidemment plusen rapport avec Te sujet de son opéra.

(z) Cest l'opinion de M. Charles de Sivry de trouver à ce chant un carac-tère liturgique hindou.

6

AilegreUo

Andantino

Et desbords de la Vézère jusqu'à Que ysac et Puy-d'Arna,aux confins du Limousin, du Périgord et du Quercy, joie etbonheur débordaient. Mais depuis que les ceps Sont morts, lachanson lutine s'en , est allée? Qui nous la ]'an1él]era

A l'or des moissons, au vert vignes, a bientôt succédé lamolle blancheur de la neige. Dans les chaumières, la lampeantique et fumeuse, Ion c/iaie/, éclaire les veillées. Et voilà quedans les airs s'envolent les vibrants carillons de NoW, Enattendant l'heure de la messe de minuit, les familles, groupéesautour de la grande cheminée, oit flambe une énorme souche,chantent la venue du divin enfant

flri )g r:r r?»IbIMais à l'huis clos, des coups répétés ont 'retenti

Pani pan -. Que tust'alai- D ru betz-nou s, Si VOLIS pi ai.Q «ci nostre senhou r J hesuQue "cf de naisser,

Ê se nera pas rasctitSian totiz perdutz.- H:(Pan !,Pan9-an - Qui frappe,t ba -- Ouvrez-nous, s'il vous plait.C'est Notre-Seigneur JésusQui vient de naitre,Et su n'était pas néNous serions tous perdus.)

Une voix argentine s'élève. Elle s'exprime en français

-moderatoavec, emphase

i941 a '.r çiJ Jiij1j t JI jjAh la bonne nou-vel leQueje-iensarnson..c?t.. A

n rJhIJ p pNvous, âmes fi -. dé - les, A vous pauvres ber._g?r_

E L l'ange, car s'en est un, an nonce la naissance cl u Messiedans une étable .11 est temps de partir pour l'adorer. Et de l'in-térieur une voix d'homme répond. - en patois. Il constant qu'ilest bien lourdaud de n'avoir pas reconnu un ange dans létranger,niais que mus les berge vs du village sont comme lui. il va partiril pattera à 'En faut-Dieu des présents: la laine de ses moutonspour faire un hourrassou, un lièvre qu'il pyit à l'affût; il luidonnerait bien sa bourse, niais il n'est pas riche: les collecteursayant taillé les pauvres paysans sans merci.

Et l'ange, ému, de tant de sacrifices concluN-

Bergers, Dieu ne demandeQue l'or de votre coeur,Et c'est l'unique offrandeAgréable au Seigneur

M. le curé du village n passé par ce dernier couplet. C'estla morale du noN.

On remarquera que l'ai r de cc noiI dialogue' présente quelqueanalogie avec certain' théine du prélude de Rédemption, deCésar Franck, que clament furieusement, par deux fois, lescuivres, enthousiastes d'une foi nouvelle dont l'aube se lèvesur le Monde

Au moment du solstice «hiver, alors que les aubes vontdevenir moins paresseuses, les crépuscules moins prompts, nospaysans, tous pénétrés d'une tradition ancienne et indéracinable,ne s'en vont pas cueillir dans les bois le gui du chêne et le houxaux baies sanglantes, sans que leurs lèvres, frémissantes au sou-venir dit chant des ancêtres, ne balbutient les couplets d unaguilanen malin, pâle écho, peut-être, dune mélopée sacrée

Mou'vÇde Branle (J tc)t OUI.,.

•pptlp J)Ribatz ribat, sourit ar - ri - - bal,., Lou Gui-la - neu lourchat.

Hibei - larRibatz, ri_batz,sount ar ri - bah! Lou Gui-la

trii' Jlncu bar chai bei - bar.Lou ui_la-neu lotir cira1 bei_lar, Jen_

ty J j Ii IJJI JJIJ J Lj-ti . se nhour!,Lou Guitaneu tour, chai beilarÂlscoumpa nhousî

« Arrivés, arrivés, sont arrivés Leguilaneu. leur faut donner,gentil seigneur Le guiianeu leur faut donner aux com-pagnons »

Et oui, aux compagnons, il faut donner le guilaneu, c'est-à-dire les étrennes du jour de l'an, car le rapsode déiaille, aucours de sa chanson, toutes les bonnes choses qu'il sied d'offrir:des pommes; des chàtaignes, des poires. des noix, des.noisettes',une bonne tranche de lard et même de l'argent blanc ».

Carnaval, coudena, coudena,Carnaval, coudera de lard I

Carnaval, couenne de lard! C'est ainsi que l venue des joursgras est saluée en Limousin. Le temps est arrivé des bonnesripailles et des folies traditionnelles, des jugements de MessireCarnaval, des 'gaîtés énormes, des chansons burlesques etégrillardes, les fariboles.

Un mannequin grotesque représentant un hô,hme chaussé desabots garnis de paille, coifl3 d'un gibus en accordéon, couvert

«d'oripeaux, affublé d'un masque enluminé, tenant d'une mainun verte et, de l'autre, une bouteille, est suspendu au-dessus dusol, sur la rue, par une corde allant d'une maison à l'autre. C'estla représentation symbolique de Carnaval. Le soir du mardi-gras, le mannequin est descendu, jugé, condamné et exécuté sanssursis';E-ê'est-à-dire '. 'brù!é' au milieu des lazzis,au bruit despistolets ef des chansons.

Et l'enterrement du pauvre diable se fait en grande pompe

Ad. paubre,Adi. paubre,Adi, pazibre,

--Carnaval!-

Adieu, pauvre Carnavl, dit le chanteur, et moi je reste pen-dant 1.0 Carême pour manger, soupes à l'ail et filets de morue.Maigre, pitance L Et l'air de cette chanson est celle d'un cantiquedu Chemin de la Croix « Au sang qu'un Dieu va répandre »,etMendelssohn en a la réminiscence dans son concerto en solmineur, pour piano et orchestre! ...

Mais les quarante jours du Carême sont finis et, avec PàqusFleuries, nous entrons dans la Semaine Sainte. Pour faire l'ome-lette du grand jour de la Résurrection, des groupes s'en vont,de maison en maison, chanter la « dolente Passion du Sei-gneur «,sur un airair non moins dolent, afin de quêter de beauxoeufs blancs et de mériter ainsi les largesses des bourgeois etvoisins

10

-

Effl

La Passion de Jésus-ChristEst tant triste et dolente.Qui la saura, qui la dira,Gagnera l'indulgence.Venez, petits, venez les grands,Venez tous pour l'entendre!Jésus, la veille de sa mort,Disait à. ses disciples« Venez,- demain après midi,Vous verrez mon corps pendre.Vous verrez mon côté percéPar une grande lance.Vous verrez bien mon sang côulerTout le long de mes membres.Vous le verrez bien ramasser,Par quatre petits anges.Dans un calice d'or, d'argent,Sur une nappe blanche.'A mon père ils l'apporteront,En chantant ses louanges.Les étoiles qui sont au ciel,Vous les verrez descendre!Elles descendront deux.à deux,Comme feuilles des arbres I »

Ne dirait-on pas d'un tableau de primitif, d'un Botticelli, que:cette réveillée? --

Les musiciens seront, sans doute, frappés de la syncope quitermine chaque « vers » de cette lente et curieuse mélopée «tincaractère très ancien. Nous aurons l'occasion de retrouver cettç

'NI

Part i cularité, assez fréquente dans les chansons limousines,jusque dans une chanson t danser. ...........

La chanson-ronde de mai porte en Limousin le nom frais etpimpant de Maïade. Autrefois clic était, - et lest encore, d'ail-leurs. - inéparab1e d'une danse qui se nommait de •méme.D'après M. Joseph Bédier, la maïade limousine était « unechaire ouverte ou fermée, qui se mouvait au son des vairs et,plus rarement, d'instruments très simples. » titi coryphée quimenait le jeu'chantait avant. « La danse allait de droite àgauche... Elle consistait en une alternance de trois pas faits enmesure ver la gauche et de mouvements balancés sur place unvers ou deux, chantés par le cor yphée, remplissaient le tempspendant lequel on faisait les trois lias et le refrain, repris par lesdanseurs, occupaitIes temps consacrés au mouvement balancé.

Aujourd'hui. la danse de mai se retrouve dans les rondes d'en-fants, dans un jeu de société, très en honneur aux noces, et dansla danse connue sous le nom de la Promenade, en usage dans leHaut-Li m ousin.

Lors du tirage au sort, de la révision et du départ de la classe,tes conscrits, groupés par villages sous un diapeau, la bouton-nière et le chapeau ornés de longs rubans et de beurs, entonnentdes chansons qui sont un ramassis de vieux chants héroïquessoudés à des compositions nouvelles, sur des airs plutôtmodernes. Elles ne présentent ainsi, dès lors, aucun sens précis.Ces « pots-pourris ont tous pour fond l'amour et le regretqu'a notre paysan de laisser celle qu'il aime.

Ici se termine ce que nous pourrions appeler le cycle chan-tant des saisons,

III

Les chants héroïques du Limousin sont la reproduction defaits légendaires. Dans aucun deux, le sentiment patriotique n'aplace. L'amour, la haine, la fidélité, l'obéissance, 'e devoir,parfois nième le courage et le dévouement y sont généralementexaltés.

J-a .verion limousine de la'célèbre chanson de Renaud. -

2

Llu'on nomme Arnaud infant, — présente cette particularitéde former tout un petit drame lyrique avec récitatifs, soli etchoeurs. L'air en est très ancien, et M. ]aul Cii arreire n'hésitepas à l'apparenter aux répons du roi Robert, de Maurice deSaxe et aux séquences de saint Bernard.

Andante (J'=iic)tl,cs zI vuc'--

: iJ• flku.

irrLa chanson du Soudard, par sa naïveté et son fond de

pureté, est une des plus belles de notre province.

Moderato (J =42o)Pi i u J H ji j i t ii ui JTu J i»J»i j iJJiJ

Quand le soldai revient de la guerre, il va chez lui et ne trouveque la chambrière. Elle lui dit « Ta mie est morte et enterrée! »Sur son tombeau il va: il l'ouvre et la morte lui apparait blanchecomme le jour. « Relève-toi, douce mie, viens m'embrasser.- Comment veux-tu que je t'embrasses? Nos lèvres ne s'accordent plus; les miennes sentent la terre, les tiennes, la rose et lelilas 1 Les bijoux que tu me donnas sont encore à mon doigt.Ne les donne pas à de jeunes filles qui se 11104LICI-kliClli de moi,niais à une pauvre veuve qui p rie ra 1) ieu pour moi 1 »

La Miassou - femme de bien — est sollicitée par le frèreBourbon de lui prêter ses bagues. Elle acquiesce à la conditionq ne ce prét ne servira pas de prétexte à une trahison Droit chezlôrfè.vre, va le Frère Bourbon. Il lui demande de faire des hijoucsemblables à ceuc de la Miassou. Quand l'orfèvre eut terminé

'3

on ouvrage, notre homme sen fut à Paris trouver le mail« Votre femme s'abandonne au mal, voyez ses bagues I » Ilenfourche son destrier Grison, et part furieux. Quand la Mias-sou voit son homme arriver, elle se porte à son devant et luiprésente son fils. li l'embrasse, et l'écrase. Puis il attache safemme à la queue de son cheval et la (raine longtemps. Quand ilfut las de la trai ner. il lui demanda oit étaieht ses bagues. s Dansle grand coffre vous les avez. » Il l'ouvre, et voit les bijouxbriller. A cet aspect, il implore son pardon et maudit le traitre.

Cette très curieuse chanson n'est pas sans quelque ressou-venir de Brunehaut et de Grisélidis, histoire et légende mêlées.

Dans les chansons légendaires, comme dans les refrainsrnodérnes,la belle-mère n'est pas sans jouer un rôle; en Limou-sin ce rôle est plutôt odieux. Jugez-en

La belle-mère, méchante, est au plus niai avec sa bru. « Aquand, dit-elle à son fils, me feras-tu mourir cette femme- Prends patience. mère, avant dimanche, j'accomplirai tondésir. La belle monte dans sa chambre, le coeur rempli de tris-tesse. Son marimari la rejoint et lui dit : « Habillez-vous de blanc,Rosette, qu'aujourd'hui, dimanche, je vous conduise chez vospacen ts. I la prend, la monte sur son cheval et la mènedans une forêt où elle trouve sa tombe fraîchement creusée.Avant de mourir, elle demande un prêtre et son Mari luirépond« Ta confession, Rosel te, esi à la pointe de mon poi-gnard ». Sa besogne faite, l'assassin rencontre le frère de lav i ctime D'OÙ venez-vous ainsi, beau-frère, vous êtes mutcouvert de sang? - Je viens de tuer un gros lièvre blanc et unegrosse bécasse. - Taisez-vous, malheureux, vous venez de tuerma soeur, Rosette, niais avant dimanche .vous serez mort

Les légendes chantées empruntent aussi . leurs sujets auxchoses de la religion et de la moralité ch rétienne: Le Cheminde saint Jacques. la Chanson disabeau. le Cantique de saint.4 le.vis, la Promenade de saint Joseph et de la sainte Vierge,.la Légende de sainte Madeleine, où nous trouvons, dans la des-cription de la toilette de la belle pécheresse repentie, les robesastronomiques de Peau-d'A ne, etc., etc., sont de ce nombre.

Assez rarement, la chanson limousine se rattache aux faitshistoriques de la province. Cependant, il est bon de signaler.

'4

certaines complaintes, - l'ancien limousin disait planlr. plainte.- qui déplorent la ruine d'une cité, d'un château, le meurtredune seigneuresse aimée: La itfortde Bré,la Prise du Cljdteau.près Monestier-Merlines Iviadaine dc Murat, etc.

Comme la bruyère rose tapisse et fleurit largement les flancsdénudés des montagnes du Limousin, les chansons d'amours'épanouissent, nombreuses, alertes, souvent affranchies de lapudeur la plus élémentaire, parfois laugoureùses et tendres.

Il en est, eu eN'et, de gaies et de trisles, suivant que l'an, an t,l'ama jite, sont heureux ou malheureux. L'amoureux s'adresseau rossignol, qui dit si bien aux rossignolettes, son ardentdésir de les aimer.

Lcnl.o H rc7rgnoiel •des bois, -ros - si - gnolt:t San

4 Q' H.I r rv&ge,_ Bo,_ si - gnoJet des bots, _L ros_si_gnolet Sari -

'jifl r I

_vagc,_ Ap_.prends-moi ton langa_ge,Àp - prends-moi è chan-

tp — I J r I

_ter,_ 4p_prends-moi.la.ma-rnère coment il Saut ai_eY

Et l'oiseau de.répondre plaisamment, sans rhétoriqueCom mentt il faut aimer?Je mon vas te le direFaut badiner les filles,Les embrasser souvent,

En leur disantLa bel le, je serai ton amant. -

La fil le fait In difficile, s'assure si le soupirant n'est pas tinamant volage, m ais elle finit toujours par succomber

'J

Amour amour, quand tu nous tiens..On peu bien dire Adieu, prudence

i : c'est pour n'avoir pas été prudente, que li belle a pâli.Délaissée, clic se lamente! pleure, et colite il mère soumalheur

Modera to (plaintif) yr iii JJ T

4 L p p r çIIflr t rr1r nr r« Allongez-moi, ma mère, ma ceinture! n chante, en sa final,

le refrain de l'ahandbnnée r - -li ne forme assez intéressante de la chanson d'amour limousine

est la Pastourelle, chanson dialoguée entre un Monsieur quiparle français et fait la cour à une bergère dont les. réponsessont dans le langage du pays. Ces sortes de compositions, lie.

remontent pas au delà du xvi 0 siècle, Une des plus complètespastourelles que nous connaissions, est celle qui met en scèneHenri IV. Elle est d'origine nioderne: Une plus ancienne, d'ail-et de paroles, est celle que M. Nargontier a rept'ise pour com--poser la légende de M urmel, su r un fond traditionnel.

Aux chansons d'amolli-, se rattachent les chansons à danser.Autant de bourrées et de montag nardes, - la bourrée qui, avecles danseurs, lait sauter les montagnes limousines, - autant dechansons, de refrains d'amour ou de traits malicieux à l'adressede quiconque déplalt.

Per he n la e ha n tarViva la Liniouzina,Per lien la dansar,\'iva bus A uvcrn haut

ib

(Pour bien la chanter, vive, la - Li ni o usine, pour bien ladanser, vivent les Auvergnats).

Il appert, en effet, d'après ce couplet, quen Limousin, labourrée est mieux chantée que dansée, ce dernier privilègeappartenant à nos voisins de l'Auvergne. C'est une prétentionqni n'est pas y pujours justifiée.

Le soit la musette, de la vielle ou du.violon acconipagnegénéralement les danses en Limousin. Mais un boitvous dira qu'il n'y a rien de tel, pour « bien en tourner une n,qu'un bâton, marquant le rvt h ijie, et titi bon chanteu r.

Dans son ballet, I'Etoile. M. André Wormser a utilisé Pair dela bourrée doit nous venons de donner l'es paroles dunevariante, - air très connu à Paris.-- mais en le modifiant aupoint de le rendre méconnaissable. Tout autre est le parti qu'ena tut M \'incent d Ind' en l'introduisant ans sa T'antaztie.pou;hautbois et orchestre s-iii des Chants populaires de France. li lefait chanter en mineur, un peu lentement, tel, en un mot, qu'ilse¼pt cscnte et sans I 'tbomtn iNc d_fornntton que les p'trisiiîslui ont fait subir.

Baissa-te mou tan h as,Leva-te Valoun,

est le grand air national du Limousin'. Chanté ietftement, ilprend l'aspect d'une sonnerie de trompe de chasse, vivenient5c'est une bourrée. Il est pris, dans nos campagnes, comme -air àdanser

Motiv! de bourrée-kJ Hif-J'

Ç »Ji k iJU lkkl»JIr

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Ampère- prétendait -avoir entendu ce chant en Grèce.Nous n'avons pas à discuter cette ôpinioP; nous la signalons

pour mémoire. M. Vincent dindy l'a- fait figurer, en mouve-ment de bourrée, dans la rapsddie dont nous pariions plus haut..Les paroles de cette bourrée ne sont que la reproduction, dansleur sens, d& la célèbre chanson béarnaise, attribuée à GastonPhoebus, comte de Foix: --- Si canut -

- Que cante.

Mais, voici la bourrée de la Caille; test une des plus jolieset des plus connues du Limousin

Nous faisions prévoir, au cours de cet exposé, la présence desyncopes dans cette chansonà danser. Certains assurent qu'ellesmarquent larrêt et la levée du sabot chez les danseurs. Signalons.dans la Sy»p/zouie héroïque. de Beethoven, une légère réniiiiis-cence de cette bourrée.

Paries paroles, la chanson se rattache aux chansons d'animaux.C'est un long dialogue entre un passant curieux -et la Caille quilui donne d'intéressants détails sur soit nid, sa famille et safaçon de vivre. -

Les chansons d'animaux abondent en Limousin, comme leslégendes très gracieuscs, qui courent sur leur compte c'est lemariage du, Pinson et dé l'Alouette, les noces du Papillon, 'leMerle ou la Tourterelle, auxquels chaque couplet arrache - unmembre de leur pauvre individu, la Cigale et la Fourni, enfin lecycle dés hants dont lAne est le héros, soit avec sa peuvigi-lante gardienne, Mar ion, qui l'abandonne à la voracité du louppendant qu'elle se laisse conter fleurette parle meunier, soit-avecce méme -loup qu'il sait- berner au besoin de belle façon.

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Un genre de chansons, qui pousse en Limousin comme lechiendent, est la chatisonsatiriqùe. Malheur, à qui elle s'adresse,car elle n bbn oeil et belles dents. De nature, les Limousins' sontfrondeurs et malidieux ; leurs couplets s'en ressentent. Ilss'attaquent aux grandi, aux puissants, à tous ceux qui détiennentune autorité quelconque le sei gneur, le bourgeois cossu etparvenu, le curé, etc., et Je trait bien barbelé, part, touche,faisant de cuisantes blessures. L'auteur de ces chansons : -tout le:monde et personne.

Une femme bat-elle son mari, un veuf se remarie-t-il, uneune épouse-t-il une vieille pour ses écus ou réciproquement,le chàrivari s'organise et sa chnoii est tôt bâclée. Générale-ment c'est un tailleur qui lafait; généralement aussi, 'ce tailleurest bossu. Les bossus ont tant d'esprit!...

Aux chansons satiriqties se rattachent certains travestisse-ments des textes liturgiques, comme les vépres, sur l'air'desquelles on 'adapte de longs commentaires de facétiçux,sujets.

Les chansons bachiques 'ne présentent pas. en Limousin, uncaractère particulier. Elles célèbrent le plus souvent le jus dela vigne, la bouteille qui le contient et les bonnes agapes.

Il est de tradition que tous les métiers aient lent- chant propre.'En Limousin, nous avons celle des cordonniers, des scieurs delong, dont une version a été donnée dans le recueil de Champ-.fieury et de \Yeckerlin, celles des batteurs en grange, desgabariers de la Dordogne, etc. La célèbre chanson des Eselops(des sabots), connue dans tout le Midi, peut être considéréecomme une chanson de métier. Nous la tenons pour originairedu Limousin. Mistral prétend que les Eselops furent chantés etpopularisés par un ouvrier sabotier, compagnon du Devoir duTour de France qui, vers i83o, parcourut le Midi, et principale-nient le bassin de la Garonne. Or, Brive. centre important desaboterie et de compagnonnage, marque la limite septen-trionale de la chanson, ce qui indiquerait que le chanteur estparti de ce point extrême pour Je Midi, en entonnant soitfavori. Nous ajouterons que l'air est un air de chasse très large,,en gamme ascendante et en mode majeur, d'un effet superbe.

'9

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pIÇçI'rçiiT11 est à remarquer que les airs de beaucoup de chansons

limousines d'origine récente affectent la forme d'un thème àtrompe dechasse.

Sur les hauts plateaux de la Corrèze, avoisinant l'Auvergne,vous entendez souvent Une large mélopée sans parole, tantôt enmode majeur, tantôt cri mode mineur, qui se déroule lentementet avec éclat: C'est la Grande. Les paysans, menant leur attelagepesant de boeufs, la chantent sur les routes et dans les landes, àla tombée du jour. comme pour peupler la solitUde qui les envi-ronne et annoncer leur retour à ceux qui les • attendent sous lechaume.

IV

Comme on ient de le voir, les chansons populaires duLimousin roulent généralement sur les exploits chevaleresques,la légende dorée, la joie de vivre, les plaisirs et les chagrins deiaùiour,la médisance, etc., jamais sur les beautés de la nature,ce qui est assez singulier de la part des paysans, qui vivent d'elle,par elle, et qui en subissent le charme. « Les paysans, ditGeorges Sand, vivent au milieu du beau, ils le complètent, carils sont beaux euxmémes, et ils ne savent pas ce que c'est. Lapoésie émane d'eux; elle est dans leur oeuvre, dans leursmoindres attitudes, dans l'air qu'ils respirent, elle est dans toutleur être, excepté dans leur intelligence. »

Il n'existe pas encore de recueil de chansons populaires duLimousin. Nous les trouvons dispersées dans des périodiques oudans des collections manuscrites particulières. Il serait à désirerque cette lacune fut comblée le plus tôt possible.

Un grand nombre de thèmes musicaux de nos chansons ontété utilisés par des auteurs locaux dans des compositions d'ungenre plutôt inférieur : pots-pourris, marches, valses, qua-drilles, etc . ( i).

II est regrettable que ces emprunts directs au lnngae musicalpopulaire n'aient pas trouvé chez eux un emploi meilleur etplus élevé, partaht.plus artistique (2).

La mélodie populaire, dit M. Julien Tiersot, avec raison,renferme en elle asse de vitalité, de sève musicale, pour lescommuniquer à des oeuvres de longue haleine en servant debase et de point de départ à leurs développements. » Citons, enexemples, la Rapsodie d'Auvergne et les deux Rapsodies sur desCantiques populaires bretons, de M. Saint-Saëns; la S),mphonie,sur un thème montagnard cévenol, la Fantaisie pou:- liauboiset orchestre sur des Chants populai:-es de France, et tin quatu or,déjà célèbre, quoique récent, de M. Vincent d'lndy; les petitescompositions symphoniques de M. Guy Ropartz, sur des motifsbretons, la Fantaisie sur des Airs angevins, de M. Lekeu, etc.

Au théâtre, un grand nombre de musiciens ont utilisé lesthèmes populaires pour donner à leurs compositions la« couleur locale » qu'elles doivent comporter. C'est ainsi queLalo a introduit une chanson bretonne dans le Roi d' fl (sujetbreton); que Bizet a bâti sa partition de l'Arlésienne (sujetprovençal) sur des mélodies provençales: qife le divertisse-nient de Vendée (sujet poitevin), de M. Gabriel Pierné, estentièrement composé de rondes poitevines; que la chanson duBerger de - Fervaal (sujet cévenol), de M. Vincent d'lndy,emprunte son air à un chant rustique entendu par l'auteur dansles montagnes du Vivarais, etc.

Aussi nous conclurons, avec M. Louis Lacombe (3)

(c) Les Eclios Limousins, de M. -G. Guénitle y ; Mosaïque sur des Airspopulaires limousins,usins, de M. Roucha u d Marche limousine. de M. Louis13llent Lémovices, de M. Robert; Vieux Emaux, de Madame Camille Mini;Le Clafoutis, de M. Paul de Livrait, etc etc.

(al Listz a élevé à la gloire de la liongric un véritable monument par letrès grand nombre de rapsodies hongroises qu'il composa avec les chansonspopulaires.

(3) Naissance et développements des chants populaires (Repue lute,--n at'on o le de Musique, n o.)

r Je ne saurais trop le répéter les trOts-rnusicaux et popu-]aires de ta France ont incalculables CL dignes d'elle. Vienneun vrai maitre qui soit le produit et. non l'accapareur de cestrésors, tin maitre qui sache les utiliser, un maiu-e auquel laqualité de Français ne fasse pasoublier la qualité plus généraled'homme, et- vous le verrez se rapprocher rapidement du. faitede l'art. 11 sera grand, parce qu'il aura mélé à son âme la grandeâme de la France. » -

Dites

22

Nouvel le rrnprieuerie E. LASN LEU, llrecteur, 3, rue Bourdaloue, Paris,