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I

Fig. 1 - Po r t r a i t a l légor ique du dessinateur. Londres , Br i t i sh Museum.

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II

Fig. 2 - Autopor t ra i t . P a r i s , Musée du Louvre .

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JEANNE ARVENGAS

R A Y M O N D LAFAGE

DESSINATEUR

C H E Z L ' A U T E U R

Dépositaire : LIBRAIRIE DES QUATRE CHEMINS-EDITART

3, place Saint-Sulpice - PARIS

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© Jeanne Arvengas 1965

Printed in France

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Raymond Lafage intrigua mon enfance. Dès que j'apercevais mon père manier l'album de Vander Bruggen, j'accourais vite afin de regarder le livre d'images. « Le Déluge », « Le Passage de la Mer Rouge », « Le Martyre de saint Êtienne » on s'y arrêtait, tandis que certaines pages étaient vivement feuilletées, d'autres encore habilement dissimulées; comme je persistais dans l'attente, l'album se refermait et rejoignait son inaccessible rayon.

Beaucoup plus tard, alors que je croyais le bien connaître, Raymond Lafage m'étonnait encore. Curieuse figure que la sienne, curieuse destinée aussi qui pourrait servir d'exemple à une piquante étude sur les revirements de l'opinion en matière artistique. Il vient en plein milieu du XVII siècle et les romains dont un temps il fut l'hôte en sont « frappés de stupeur ». Au XVI I I siècle, les collectionneurs glissent amoureusement dans leurs cartons, se disputent même, le moindre de ses croquis. Puis sa vogue s'amenuise, on le discrédite, pis encore on l'oublie. A l'époque romantique, dans ses « Recherches sur les peintres provinciaux », le Marquis de Chennevières lui consacre quelques pages vibrantes et le ranime.

Notre temps lui, revise sans cesse; épris d'analyses, et les grandes voies étant très fréquentées, certains se tournent parfois volontiers vers de petits sentiers moins battus où mieux aiguiser leur esprit. Des touches légères, des études, et voilà qu'inéluctablement Raymond Lafage est rentré dans l'Histoire.

Ce n'est pas par hasard, qu'après Londres, il s'est rendu en personne à Washington et à New-York afin de s'y montrer partie intégrante de notre « splendid century ». Son autoportrait, désormais célèbre, y tenait bien sa place, très loin de la noblesse grave de Poussin, très loin aussi du style officiel et pompeux. Alors qu'il se voulait pensif et rêveur, il ne se dégageait pas des contingences terrestres et il se présentait la tête couronnée de pampres et de

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raisins, soutenu pa r un satyre, accompagné de Bacchus, recevant l 'hommage d 'un Triton, conception pas très académique peut-être, mais d 'un réalisme

symbolique qui ne manque certes pas de saveur. I l y a deux ans, la belle exposition réalisée p a r M. Rober t Mesuret au

Musée Paul Dupuy à Toulouse, comblait les amateurs , heureux de voir réuni tout un ensemble de l 'œuvre dispersé à t ravers le monde. Ce m'es t une

incitation à livrer un travail ébauché au temps du reflux, indéfiniment retar- dé p a r de grandes difficultés d'édition.

Il est na ture l qu 'un compat r io te appor te enfin son témoignage. Toulouse

revendique l 'art iste et, de fait, Jean-Pierre Rivalz le forma. A Rome il s 'épanouit . Mais c 'est à Lisle-en-Albigeois, que son père Jean Lafage, ce

« vi tr ier qui se mêlait de pe indre », bien inconsciemment lui communiqua l'étincelle.

J. A.

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III

Fig. 3 - Le victimaire. Collection particulière.

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IV

Fig. 4 - Moïse «trouvé ». Brno, Musée Morave.

Fig. 5 - Moïse sauvé. Rome, Académie de Saint Luc.

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LA VIE

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LAFAGE est un pa t ronyme très r épandu en Languedoc et dans le midi de la France au XVII s i è c l e A cette époque, la famille directe de Raymond Lafage

paraî t être groupée sur une aire dont le hameau de Coudoumiac, paroisse de Saint-Étienne de Vionan, jur idict ion de Lisle-en-Albigeois est le centre. Ce sont gens de conditions assez humbles dont les métiers sont axés sur de pet i tes activités agricoles ou artisanales. L'aïeul est « coutur ier »; au tou r de lui on rencontre un « t issandier », un « cardeur de laine », un « peintre », des « laboureurs ».

Malgré de minutieuses recherches, l 'acte de naissance de Raymond Lafage

n 'a jamais été retrouvé. Les registres de la paroisse de Saint-Étienne sont perdus ou lacuneux. Un registre de catholicité de Notre-Dame-de-la-Jonquière

à Lisle, allant de 1656 à 1668 a beaucoup de pages qui manquent , et notam- ment celle qui correspondra i t au 1 octobre 1656. C'est cependant la date qu'il faut adopter sans c o n t e s t e depuis qu 'a été re t rouvé l 'acte de décès à

L y o n elle correspond à la légende que l 'édi teur Jean Vander Bruggen a placée sous le por t ra i t gravé de l 'art iste le fa isant mour i r en 1684 âgé de vingt-huit ans, donc né en 1 6 5 6 elle cor respond aussi à la date que donne

P.-J. Mariette qui en précise même le mois et le quant ième : le 1 octo- bre 1 6 5 6

Son père est Jean Lafage originaire et hab i tan t de Coudoumiac où il se mar ie le 1 janvier 1653 avec Margueri te de Guiraud, de la paroisse de L i s l e Deux ans après il se fixe à Lisle dans une maison qu'il vient d ' a c h e t e r sur la

grand'place, « sous les couverts ». En 1661 Jean Lafage est dit « p r a t i c i e n »; on constate qu'il exécute de menus t ravaux de peinture pour le compte des

consuls de Lisle : il décore leur banc dans l'église paroissiale, il pe int les armoiries de la v i l l e parfois même il a la commande de t a b l e a u x Mais

en 1664 il quit te sa maison et va rés ider à M o n t a u b a n où il sé journe jusqu ' au m o i n s e n 1 6 7 0 p u i s i l r e t o u r n e à L i s l e

De cette première période, pou r Raymond, que savons-nous? Laissons de côté toutes les gloses, variations ressassées sur le même thème d 'une vocation

précoce irrépressible, où l ' instinct seul a sa place; penchons-nous tout de suite sur un document de valeur : le livre qui lui a servi, nous dit-on, de « cahier

de principes » en « ses commencemens » et dont il sut si bien s ' appropr ie r la manière. Ce sont les Travaux d ' U l y s s e superbement gravés p a r Théodore Van Thulden d 'après les dessins de Francesco Primaticcio, abbé de Saint-

Martin, qui les avait peints dans une galerie du Château de Fontainebleau.

Sur son exemplaire l 'enfant s'essaya, et, au verso de la page de garde, il esquissa un victimaire placé devant un autel, p rê t à f rapper le t au reau du sacrifice qu 'un prê t re lui indique de la main (fig. 3); les t ra i ts sont hés i tants

mais l 'exécution, encore maladroite, décèle déjà un sens t rès développé de

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souplesse dans le mouvement . Ce fut l ' imprégnat ion première : elle le m a r q u a profondément .

Raymond Lafage grandissait ; le temps étai t venu de p r end re un mét ie r ou du moins d ' en t re r en apprentissage. Se plaça-t-il « chez un chirurgien des

plus employez qui ne m a n q u a pas de lui fourn i r toutes les occasions pour exercer son génie dans l'envie qui le por to i t à lui m o n t r e r la science qu'il

p r o f e s s o i t »? Nous pensons qu'il vint à Toulouse u n peu plus tard, âgé de seize à dix-sept ans comme le dit Mariet te et pou r y chercher travail; il en t rouve chez un « mauvais pe in t re à f resque », nommé Delbosc, qui l 'occupe

pour « coucher les couleurs à la dé t rempe ». Il profite de ce séjour dans la capitale languedocienne pour emmagas iner d 'enr ichissantes visions : « les ouvrages de Bachelier, les plus belles peintures qu 'on voit à Toulouse et quel-

ques es tampes qu'il considéra, le firent b ientôt dessiner d 'un meil leur goût » Il cherche à s ' approcher du foyer d 'a r t qu 'é ta i t l 'atelier de Jean-Pierre Rivalz archi tecte de la Ville et pe in t re du Capitole. Personne cependant ne souffle

mo t de ce p remie r contact , pas même Dupuy du G r e z avocat au Par lement et le p remie r au t eu r en date. Les toulousains se r a t t r ape ron t plus t a rd : à la

fin du XVIII siècle, M a l l i o t puis La M o t h e - L a n g o n vont placer not re ar t is te dans une « légende dorée » il lustrée d 'anecdotes parfois adaptées, le plus

souvent inventées de toutes pièces pour l 'émerveil lement des lecteurs. Alors seront décrites sa visite chez Jean-Pierre R i v a l z son aventure chez le Pré-

s ident F i e u b e t cette dernière anecdote avec un fond de vraisemblance, puis-

que le morceau qui en est le suje t fut t r anspor té au musée des Augustins « pa r les soins de M. Virebent archi tecte de la Ville, et res tauré pa r M. Roques

père, professeur de pe in ture » Du moins est-il cer ta in que Lafage t rouva en

Fieubet aide fidèle et protec t ion constante. Toulouse c'est bien, mais Paris c 'est mieux, et le j eune h o m m e est avide

de dépassement . Les biographes ont tous glissé sur le ou ou les séjours de Lafage à Paris; aucune date n 'a été donnée, aucune précision n 'a été émise,

seule une nouvelle anecdote l 'accompagne au Louvre dès son arrivée pour l 'en faire r epa r t i r le lendemain, à la suite d 'une charge où maî t res et élèves f u r e n t c o i f f é s d ' o r e i l l e s d ' â n e F o r t h e u r e u s e m e n t n o u s a v o n s d ' a u t r e s s o u r -

c e s d e r e n s e i g n e m e n t s q u i n o u s p e r m e t t e n t m ê m e d e d é t e r m i n e r e x a c t e m e n t

l ' a n n é e o ù L a f a g e f u t é l è v e à l ' A c a d é m i e r o y a l e : l ' e x a m e n d e d e u x d e s s i n s l a

r é v è l e . L ' u s a g e é t a i t é t a b l i à l ' A c a d é m i e d e p e t i t s c o n c o u r s a s s e z f r é q u e n t s

p o u r d é v e l o p p e r l ' é m u l a t i o n e n t r e l e s j e u n e s é t u d i a n t s e t , u n e f o i s p a r a n ,

d ' u n c o n c o u r s p o u r l e s g r a n d s p r i x q u i é t a i e n t d i s t r i b u é s a u m o i s d ' a o û t , l e

j o u r d e l a f ê t e d e S a i n t - L o u i s . L e s d e s s i n s p r i m é s d e v a i e n t ê t r e t r a d u i t s e n

p e i n t u r e e t p e r m e t t a i e n t à l e u r s a u t e u r s d e b r i g u e r l a p e n s i o n d u r o i à R o m e .

L e s s u j e t s é t a i e n t d o n n é s l o n g t e m p s à l ' a v a n c e , p u b l i é s e t a f f i c h é s . P a r f o i s

l e s p r o c è s - v e r b a u x l e s r e l a t e n t : c ' e s t a i n s i q u e l e 2 8 m a r s 1 6 7 8 s e t r o u v e

c o n s i g n é : « . . . I l a e s t é d e p l u s a r r e s t é q u e l ' o n o r d o n n e r a a u x E t u d i a n t s q u i

a s p i r e r o n t z a u x P r i x d e c e t t e a n n é e l e s u j e t d u f r a t r i c i d e d ' A b e l s u i v a n t l a

s u i t e o r d i n a i r e d e l ' h i s t o i r e d e l ' A n c i e n T e s t a m e n t »

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Le premier dessin est conservé au musée du L o u v r e étude d'homme nu, de l'homme qui deviendra Caïn. L'anatomie était considérée comme la base solide du dessin et son étude occupait l'une des toutes premières places à l'Ecole. On peut penser que c'est en suivant cet enseignement et à la vue des planches de V é s a l e publiées par Tortebat, que Lafage a construit son per- sonnage : l'homme a le bras gauche légèrement levé, ainsi jouent les muscles de l'épaule et du bras, la main étendue pour en montrer la paume et les cinq doigts; il court, ainsi jouent les muscles de la jambe, application des données anatomiques à l'étude des formes et des mouvements. De Caïn c'est la pre- mière ébauche, une sorte de mise en place; à l'arrière-plan des hommes com- battent et quelques lignes sont hâtivement dressées dans le ciel où Dieu paraîtra. — Le deuxième dessin est conservé à M u n i c h (fig. 7), où la scène est complètement décrite : Abel mort gît à terre et Dieu le Père soutenu par deux angelots apparaît au-dessus de l'autel où Abel venait de lui offrir un sacrifice qui lui avait été agréable. L'attitude de Caïn est entièrement dirigée par une planche de myologie : à nouveau le bras levé et la main étendue, à nouveau l'inflexion de la jambe, le tronc est modelé tel un écorché et les muscles faciaux tendus participent à l'expression de l'âme en concourant à donner un sentiment de souffrance et d'effroi.

Le concours de 1678 ne fut pas exécuté cette année-là, du moins en pein- ture. On en reparle encore dans les procès-verbaux du 18 mars 1 6 7 9 A ce moment Lafage est déjà à Rome ou sur le point de partir. Nul ne s'en éton- nera. La jonction de l'Académie Royale et de l'Académie romaine de Saint- Luc, ratifiée en 1677, favorisait et accroissait encore le départ des artistes et des étudiants qui en flots incessants faisaient leur pèlerinage aux sources. Dans ce courant l'ardent jeune homme se voulait emporté. Mais les moyens? Son talent était-il déjà reconnu ou pressenti? Lui attira-t-il [à Paris?] « l'es- time d'un grand Seigneur qui le prit en amitié et qui l'envoya à Rome pour se perfect ionner »? « M. Foucault alors intendant de Montauban, qui a tou- jours eu comme on le sçait beaucoup d'amour pour les arts, apprit les pro- grès que faisoit La Fage; il voulut le connoistre et, en ayant été surpris au- delà de ce qu'on lui en avait rapporté, il fit venir le père du jeune homme et le fit consentir à laisser aller son fils à Rome. M. Foucault lui en facilita les

m o y e n s » Mariette nous a donc livré le nom du protecteur. Pourquoi en douter? Il fallait un mécène. Pouvait-on trouver meilleur patronage?

Ainsi nanti Lafage se lance. Son séjour romain ne durera guère qu'un peu plus de deux ans, mais il sera fécond. Au début de 1680, son nom est enregis- tré sur les stati d'anime de San t'Andrea delle F r a t t e comme habitant « alla

prima casa della Trinita » « strada Felice » avec le « signor Gugliemo pit- t o r e ». Ce ne fut peut-être pas son logement initial, mais les traces de son passage dans ce rione seront reconnues cent ans plus tard par le peintre allemand Johann H. Wilhem Tischbein, étudiant en 1780 dans une petite école privée, l'atelier de Trippel, via Gregoriana. Il notera dans ses mémoires : « einem zimmer wo Lafage die wände mit bacchanalien bemalt hatte; doch

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h i e l t e n w i r e s f ü r e i n V e r d i e n s t d i e s e F i g u r e n a u s d e r W e l t z u s c h a f f e n »

Mariette cite dans la même via, sur un mur du cabaret « alla speranza »? un triomphe de Bacchus et une charge contre François de Monaville et Gaspero degli O c c h i a l i Nicola Pio avait déjà conté : « Disegno con carbone tutta una volte di stanza in un palazetto vicina la Trinita dei Monti dove ultimamente habitava la Regina di Polonia che lo face gettare a terra per esser alquanto oscene ma era una miraviglia a vederle » 35bis Jeux oisifs et turbulents de cabarets que Lafage fréquente avec ses camarades; ils convenaient à ses goûts et sans doute les développaient. Son temps est partagé entre le travail et la dissipation; les nombreux dessins de cette période attestent ces deux ten- dances. Atteste son travail et consacre officiellement son talent le concours de l'Académie de Saint-Luc en 1679. Inscrit dès avant le huit octobre parmi cinq c o n c u r r e n t s il obtient le premier prix ex-æquo avec l'Italien Jean- Baptiste L e n a r d i Une légende auréole ce succès. Toujours insouciant, Lafage ne s'était pas préparé pour le concours dont il connaissait seulement le pro- gramme; au dernier moment il taille sa plume et dessine le sujet proposé mais, peu content de ce premier essai, il veut faire une autre esquisse; « cependant l'heure du jugement approchait, il n'avait d'autre papier que celui sur lequel il avait d'abord travaillé; il retourne la feuille, trace avec une promptitude et un talent extraordinaire une composition digne des plus grands maîtres et l'envoie aux juges déjà réunis. Le prix lui fut accordé à l'unanimité et son dessin, mis entre deux glaces, fut placé sur un pivot et conservé dans le lieu des séances de l 'Académie ». Le sujet imposé était Moïse sauvé des eaux, l'esquisse improvisée Daniel dans la fosse aux lions visité par H a b a c u c L'esquisse est perdue, mais le dessin est toujours con- s e r v é à l ' A c c a d e m i a G r a n d e t b e a u d e s s i n o ù l ' a r t i s t e a s u m e t t r e u n e t o u -

c h e p e r s o n n e l l e ; à l ' a r r i è r e - p l a n d e u x h o m m e s p o r t a n t c h a c u n u n p e t i t e n f a n t

s ' a p p r ê t e n t à l e j e t e r à l ' e a u , e t i l y a d a n s l e u r g e s t e l ' a m o r c e d ' u n e v i o l e n c e

et d'une énergie qui caractérise L a f a g e (fig. 5). Mais en retournant la feuille on ne voit pas de seconde exécution! Un autre dessin cependant est conservé au musée morave de B r n o catalogué « Moïse trouvé », le thème même fixé par le secrétaire Ghezzi, « quando Möse fu trovato entro la ficella nel fiume ». Le calme est revenu au bord du fleuve, la fille de Pharaon adopte l'enfant, tandis que Dieu le Père apparaît dans une nuée marquant déjà que cet enfant sera le futur conducteur de son peuple. Œuvre aux attitudes tout à fait con- ventionnelles, à l'ensemble trop lourd; au bas on lit Raimondo La Fage 1679 d'une parfaite écriture du XVII siècle (fig. 4). Il y a une relation certaine entre ces deux dessins. Si la légende fausse l'histoire, elle la contourne et la rejoint.

Prouesse, si prouesse il y a, qui crée le début de sa renommée dans les hautes sphères académiques romaines. Les historiens ne se sont pas fait faute d'amplifier : « par là s'étant attiré l'admiration de toutes les puissances d'Italie et l'estime du Carlo Maratta et du Cavalier Bernin, il fut employé aux desseins les plus considérables ». Pauvre Bernin, déjà plus qu'octogénaire et qu'une attaque d'apoplexie devait emporter l'année suivante, comme il

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devait se soucier de ce modeste pet i t français! M a r a t t a du t s implement féliciter not re ar t is te et lui conseiller de p rendre le pinceau; n'était-ce pas

son rôle de professeur à l 'Ecole de Peinture? A cette fête scolaire se t rouvai t

en grand appara t le cardinal Azzolini élu académicien d 'honneur u n mois a u p a r a v a n t nous en repar lerons plus loin. Nous repar lerons aussi du Mar- quis del C a r p i o Ce ne furent sû rement que rencontres et contacts éphémè- res : t rop épris de liberté, Lafage n 'aura i t pas accepté de travail à titre. Des amateurs il en a (on cite occasionnellement Giacinto Brandi) qui s 'a t tachent à ses feuilles; il les exécute de pr imesaut , bien souvent pressé pa r la néces-

sité; les dilet tantes se plaisent à y re t rouver les scènes d 'une mythologie fami- lière où s 'ébat tent l ibrement les divinités païennes.

L'Accademia n 'étai t ouverte que de novembre à mai. Que fit no t re vaga-

bond? « il ala voir tout ce qu'il y a de beau dans toute l 'Italie ». La phrase,

de Dupuy du Grez, est banale et facile; connaissant la grande mobil i té de Lafage nous y prê tons at tention, mais les fils conducteurs sont t rop ténus qui nous pe rmet t ra ien t de suivre ses pas.

En fin de compte, nous arr ivons à la Saint-Luc 1680; cette fête r amène le concours annuel avec son règlement ordinaire. Un suje t imposé à l 'avance : le Jugement de S a l o m o n une épreuve improvisée : Elie r encon t ran t dans

la forêt la veuve et son fils48. Voilà qui ne du t pas inspirer beaucoup Lafage. Quatre concurrents se présentèrent e t il fut le bon d e r n i e r Remarquab le concordance et sûr jalon que nous devons noter en passan t : le p remie r prix fut obtenu pa r Louis Chéron que Lafage avait laissé à P a r i s où il dut exécu- ter en peinture le fratr icide de C a ï n

La dis t r ibut ion des récompenses eut lieu le 15 décembre 1680. Pour

Lafage ce fut une chute. Alors il qui t ta Rome. Débarquement à Marseille. Aix est tou t proche. Jean-Baptiste Boyer d'Eguilles, Conseiller au Par lement de

Provence, collectionneur et mécène, accueille largement tous les ar t is tes qui

reviennent d'au-delà des monts . A son tour Lafage y fait une halte; il y exécute quelques d e s s i n s afin de rempl i r un peu sa bourse qui, nous pou- vons le présumer , devait être assez plate. Puis il fila tout droi t sur Paris.

Pendant les deux années écoulées, la vie à l 'Académie royale s 'était dérou- lée à son ry thme régulier, suivant certains ri tes ordonnés pa r le calendrier. Mars 1681. On prépare la fête de Saint-Louis et on fixe le suje t du concours, ce sera « ...comme Caïn bast i t la ville de Henoch qui est descri te au livre du Genèse ch. IV V 17 » Au moment voulu Lafage présente son dessin. Ce dessin

bien connu est conservé au musée du L o u v r e il a été gravé p a r S imonneau exactement sous le même t i tre que le suje t proposé. Caïn, figuré en écorché au moment de la m o r t d'Abel, se retrouve ici avec la forte muscula ture de

l 'Hercule du Palais Farnèse afin de const rui re la première ville des hommes; il emprun te la pose même de l 'original antique.

Les procès-verbaux n 'ont jamais ment ionné le n o m de Lafage et, en cet te

année 1 6 8 1 ils n 'ont pas ment ionné davantage d 'heureux lauréats. Dupuy du Grez affirme que not re ar t is te r empor t a le prix et Chennevières qui cite

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cet au teur a joute : « Dans m o n exemplaire du Trai té sur la Pe in ture de Dupuy du Grez, exemplaire donné pa r l ' au teur le 12 mai 1699 à son compatr io te Toulousain, le sculpteur Marc Arcis, je t rouve en renvoi à cette note : « il

r e m p o r t a à Paris le pr ix du dessin à l 'Académie du roi », la note suivante manuscr i te : « Il voulut y travail ler mais aucun des aspirantz ne voulait être son concur ren t e t ainsi il n 'y fut pas a d m i s ». C'est un merveilleux euphé-

misme! Pas plus à Paris qu 'à Rome u n dessin n 'étai t considéré comme une fin en s o i Lafage n 'étai t pas peintre; il ne savait pas et il ne voulait pas

peindre. Son temps à l 'Académie royale était v i r tuel lement terminé. En voici les conséquences : « son ta lent ne lui fut pas aussi avantageux

qu'il se l 'était peut-être imaginé, comme il ne scavoit que dessiner, et comme peu de gens sont curieux de desseins faits au p remie r coup, il y t rouva plus

de gens por tés à lui donner des louanges qu 'à luy p rocu re r de l 'occupation. Il fut donc obligé, pou r avoir plus de travail, de faire des desseins t rès fins sur le vélin, le travail à la p lume et les ombres lavées d 'encre de la chine :

mais cette manière contraignai t son génie et ce qu'il a fait dans ce genre

n 'approche point de ce qu'il a dessiné au simple t ra i t et au p remie r coup sur le p a p i e r ». Il t rouva cependant à Paris le frère du Père Bourdaloue, Claude

Bourdaloue fameux collectionneur. Claude fut g rand ama teu r des dessins de

Lafage; « p o u r en faire il le payait u n louis pa r j o u r » et afin de recueil l ir les meilleurs, le par fa i t « honnête h o m m e » s'obligeait à suivre le ru s t r e au cabaret .

Parmi les amit iés par is iennes de Lafage nous devons ci ter Louis G a r n i e r

sculp teur et Jean de D i e u d'Arles, sculp teur également. Nous a jou tons Jean Vander Bruggen originaire de Bruxelles, graveur-éditeur et marchand ,

installé en 1681 à Paris où il t ient bout ique, rue Saint-Jacques « au grand magazin d'ymages »; il fut « tout dévoué à la gloire de Lafage », mais ici j oua une grosse pa r t d ' intérêt . Vander Bruggen s 'était r endu compte tou t de

suite du par t i qu'il pour ra i t t i re r des dessins de son ami en faisant graver les meilleurs, en les réunissant dans un album. L'idée fut bientôt dans l 'air

et si la p remière édition de ce recueil ne pa ru t qu 'en 1689, cinq ans après la m o r t du dessinateur , des pièces sont déjà gravées en 1683 p a r François Ertin- g e r et vendues rue Saint-Jacques « à la vieille poste ». En 1682 Vander

Bruggen se rend à Anvers; faisant figure d ' en t ra îneur il p r end avec lui Lafage et l'exhibe. Arnold H o u b r a k e n nous raconte cet te présenta t ion dans un cabare t for t achalandé, où de nombreux peintres à l 'ordinaire se réunissaient.

Le processus est tou jours le même; la compagnie ne peu t croire que l 'homme singulier qui res te dans un coin soit Lafage dont on lui a dit « mon t s et mer-

veillles », mais Lafage s 'avance et demande qu 'on lui donne un sujet : « Pha- r aon qui se noie dans la m e r Rouge », répond l'un. « La parole était dite et

Lafage commençai t à travailler, mais d 'une façon qui les surpr i t tous. Il esquissait un bras ici, là une jambe, ici une tête, là un pied, dans le lointain quelques t ra i ts ou groupes de figures, et puis il revenait sur le devant;

tel lement qu'en un m o m e n t tout le papier était rempl i ou p lu tô t semé de

Page 18: Fig. 1 - Portrait allégorique du dessinateur.excerpts.numilog.com/books/9782402536554.pdfP.-J. Mariette qui en précise même le mois et le quantième : le 1 octo- bre 1656 Son père

part ies ou de morceaux de figures humaines ou de chevaux; enfin de ce chaos de membres pêle-mêle on vit naî t re u n dessin bien ordonné et exécuté avec a r t et cela dans le temps de deux heures, en t iè rement fini à leur g rand é t o n n e m e n t » Acrobaties de bateleurs qui créent de chaudes ambiances, le

public enthousiaste est conquis et la par t ie gagnée. A nouveau Paris... peu de temps, car le désir de revoir le pays natal

ramène Lafage en Languedoc en décembre 1682. Toulouse l'accueille avec

intérêt; n'a-t-il pas pou r lui le prest ige de tous ses voyages? Gaspard de Fieu- bet, p ro tec teur demeuré fidèle lui fait peindre des tableaux en grisaille dans son H ô t e l A l 'atelier de Jean-Pierre Rivalz, le fils Antoine débute dans la

carrière et ce sera quelque peu l'élève de notre a r t i s t e la t radi t ion locale veut qu'alors les deux jeunes hommes aient travaillé ensemble, se servant mutu l lement de modèle. C'est aussi le m o m e n t de l 'heureuse rencontre avec

P i e r r e C r o z a t p o u r l o r s e n c o r e à T o u l o u s e r e n c o n t r e q u i d é t e r m i n a p e u t -

ê t r e l e s g o û t s n a i s s a n t s d e c e d e r n i e r . C r o z a t a c h e t a u n d e s s i n à L a f a g e :

« L e t r i o m p h e d e F l o r e » , e t c e f u t l e d é b u t d e l a f a m e u s e c o l l e c t i o n . P o u r

l ' H ô t e l d e V i l l e e n f i n , d o n t o n v e u t d é c o r e r l a t r o i s i è m e g a l e r i e ( l a s a l l e d e s

a s s e m b l é e s ) , L a f a g e e x é c u t e d i x d e s s i n s r e p r é s e n t a n t l e s « r a r e s f a i t s d ' a r m e s

d e s T o l o s a i n s » . L e v i n g t s e p t e m b r e 1 6 8 3 l e C o n s e i l d e s X V I p r é s i d é p a r

F e r r é o l d e L a f a g e v o t e u n c r é d i t : « I l a p a s s é e n v i l l e u n d e s s i g n a t e u r n o m m é

L a f a g e , a u s s i h a b i l e a u d i t a r t q u ' o n e n p u i s s e t r o u v e r , p a r l e q u e l o n a f a i t

f a i r e l e s d e s s e i n g s d e d i x t a b l e a u x m o y e n n a n t l a s o m m e d e t r o i s c e n t t r e n t e

l i v r e s l e s q u e l s d e s s e i n g s s o n t s y b e a u x q u ' o n n e p e u t a s s é s l e s a d m i r e r e t

b i e n d e s g e n s e n d o n n e r a i e n t c e n s l i v r e s d ' a v a n t a g e s »

L ' a r t i s t e r e s t e m o d e s t e , i l n e « f a i s o i t p a s m i s t è r e d e s o n s a v o i r c a r i l

m o n t r o i t g é n é r e u s e m e n t à s e s a m i s ; i l e u t m ê m e s o u h a i t é q u e l a v i l l e d e T o u -

l o u s e l u i e u t d o n n é u n e p e n s i o n p o u r p o u v o i r e n s e i g n e r p u b l i q u e m e n t » .

S i m p l e p r o p o s , d é s i r l a r v é , q u i d u t e f f l e u r e r à p e i n e l ' i n c o n s t a n t . I l n ' a p a s

d e m é t h o d e , s e f a i t g l o i r e d e n ' e n p o i n t a v o i r , d u m o i n s s a m é t h o d e e s t - e l l e

t o u t e i n t u i t i v e : « j ' a y r e m a r q u é , é c r i t D u p u y d u G r e z , q u ' u n m a î t r e d o n n e

d u c œ u r à s e s E l è v e s , p o u r e n t r e p r e n d r e d e f a i r e d ' i n v e n t i o n l o r s q u ' i l f a i t

q u e l q u e c h o s e d e l u i - m ê m e e n l e u r p r é s e n c e , l e u r f a i s a n t o b s e r v e r d e q u e l l e

m a n i è r e i l f a u t s ' y p r e n d r e : e t c ' é t o i t a i n s i q u e L a f a g e m o n t r o i t à d e s s i -

n e r » .

L e d i x d é c e m b r e 1 6 8 3 L a f a g e r e ç u t l e m a n d a t d e s t r o i s c e n t t r e n t e l i v r e s ;

a u s s i t ô t i l r e g a g n a P a r i s o ù i l s ' é t a i t « a c o q u i n é »

On perd sa trace. Comme tous ceux qui avaient goûté à l'atmosphère exaltante de la Ville Eternelle, Lafage gardait au fond la nostalgie de l'Italie. Il voulut y retourner : « M. de Dieu, son amy, m'a assuré que ce qui l'y con- duisoit était le désir de voir les beaux ouvrages du Corrège et en particulier c e q u ' i l a p e i n t d a n s l e d ô m e d e P a r m e » E t L a f a g e r e p r i t l a r o u t e . L a m o r t

l ' a t t e n d a i t à L y o n ; u n a c c i d e n t l a p r o v o q u a , u n e c h u t e q u ' i l f i t d e s u r s o n

â n e Cet animal, la monture de Silène, qu'il avait si souvent dessiné, qui faisait le fond de presque toutes ses bacchanales, passe ici comme une ombre.