fescourt, on nalpas (la villa liserb), foi & montagnes

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 LA VILLA LISERB Louis Nalpas, nom important mais oublié, mérite un hommage. Les historiens futurs du cinéma se montreront injustes ou mal documentés s’ils négligent l’action de cet homme qui flairait de loin les talents, à qui Abel Gance, Louis Delluc, Germaine Dulac, et bien d’autres, doivent soit le départ de leur durable renommée, soit leur vogue d’alors. C’était Nalpas qui présidait à l’activité du Film d’Art pendant que le directeur attitré de cette société, Charles Delac, était aux armées. Intelligente, heureuse, cette suppléance conféra à la maison de  Neuilly un lustre quasi aristocratique. Louis Nalpas était la grâce et la distinction mêmes. Captivante figure, ouverte et secrète à la fois. Sa place a-t-elle été bien indiquée dans le cinéma ? Son tempérament ne le prédisposait-il pas aux taches de la diplomatie ? On l’eût imaginé, attaché à des négociations subtiles, entre gens pour qui le moindre mot prend un poids, le moindre geste une portée, le sourire le plus effleuré un sens que chacun reste libre d’interpréter. Comme sa souplesse eût glissé parmi les plénipotentiaires réticents, chargés de missions ardues, responsables d’intérêts graves ! Qu’il eût bien joué la partie ! Mais enfin le destin a préféré le diriger vers les voies instables des images. Le physique de cet homme si fin inclinait en sa faveur dès l’abord : svelte, jeune d’allure, avec un visage avenant, éclairé d’admirables yeux noirs, au teint mat et très brun. Quand on l’entretenait d’affaires, sa physionomie devenait attentive, comme il se doit, et sérieuse, — d’un sérieux, pour tout dire, encourageant. Hostile une proposition, il savait la combattre en semblant l’approuver, alléguant  pour s’y soustraire des impossibilités désolantes, se retenant presque de féliciter sou auteur d’avoir conçu pareil projet. Aucun visiteur éconduit ne le quittait irrité. Il avait créé une atmosphère d’urbanité. Son élocution était aisée et vive, son français irréprochable, sans trivialités, articulé à merveille et teinté d’un rien d’accent oriental. Sans doute se rattachait-il à quelque antique souche grecque, fils de la vieill e Hellade, non celle des Spartiates rudes, mais des Athéniens déliés. Peut-être même, r emontait-i l à Ulysse à la parole prenante et l’esprit fertile en trouvailles. Ayant vu le jour à Smyrrne, en Turquie d’Asie, le 3 novembre 1884, aîné de quinze fils et filles nés des mêmes parents, il fut élevé au collège Saint  -Joseph, tenu par les frères de l’Ecole Chrétienne. Il resta jusqu’à dix-sept ans dans sa ville natale auprès d’un père négociant ; et lui-même prenait goût au commerce. On l’e nvoy a au Cai re, pour se perf ecti onne r, au Créd it Lyonnai s, dans les chos es de la  banque. Son père avait obtenu la concession du percement à Smyrne de trois boulevards. À vingt-cinq ans, le jeune Louis inspirait à tel point confiance qu’on n’hésita pas à lui confier la mission de discuter à Paris, avec les financiers, des crédits nécessaires à l’entreprise. Les pourparlers n’aboutirent pas, mais la capitale avait séduit ce garçon ambitieux. Il voyait en elle un théâtre à la taille de ses futurs exploits d’homme d’affaires. Mais quelles affaires ? II ne savait au juste. L’essentiel pour lui fut toujours l’acte de la tractation, non la matière traitée. Il arpentait les rues commerçantes, fréquentait ces cafés de la rue La Fayette où l’on fait le trafic des perles et que Jean Vignaud a dépeints dans la Maison du Maltais . Il flânait du côté de l’Hôtel des Ventes ou bien de la Bourse, à l’heure ou la bataille des titres s’engage, recherchant moins une situation que l’attendant, en fataliste. On était en 1909. Comme il pa ssait rue Gr an ge-Bat el re, il co ns idér a un e en se ig ne  Ag enc e Gén éral e Cinématographique : Astaix, Kaslor et Lallemand. À tout hasard, il entra, sans objet précis, se disant « Il y aura peut-être là des films à envoyer chez moi… » Astaix, Kastor et Lallema nd étaient accessibles. On causa. Dans le cerveau de Nalpas, les idées jaillirent. La conversation l’entraînant, il fit envisager à ses troi s inte rloc uteu rs, non un acha t mesq uin de quel ques pelli cules, mai s la créa tio n d’un marché du Levant. Comme ce jeune homme, empli d’imagination, n’avait pas l’air d’un hâbleur, comme il semblait  posséder de la justesse de vues et qu’il parlait bien, comme on le sentait chaleureux mais réfléchi, les troi s associés conq uis, entrère nt en rapp ort avec lui. De nomb reux films furent expo rtés et l’a veni r s’annonçait au mieux. Ces besognes n’étaient pas celles auxquelles Nalpas aspirait. Sans cesse se manifestaient des

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LA VILLA LISERB

Louis Nalpas, nom important mais oublié, mérite un hommage. Les historiens futurs ducinéma se montreront injustes ou mal documentés s’ils négligent l’action de cet homme qui flairait deloin les talents, à qui Abel Gance, Louis Delluc, Germaine Dulac, et bien d’autres, doivent soit le départde leur durable renommée, soit leur vogue d’alors.

C’était Nalpas qui présidait à l’activité du Film d’Art pendant que le directeur attitré de cettesociété, Charles Delac, était aux armées. Intelligente, heureuse, cette suppléance conféra à la maison de

 Neuilly un lustre quasi aristocratique.Louis Nalpas était la grâce et la distinction mêmes. Captivante figure, ouverte et secrète à la fois.

Sa place a-t-elle été bien indiquée dans le cinéma ? Son tempérament ne le prédisposait-il pas aux tachesde la diplomatie ? On l’eût imaginé, attaché à des négociations subtiles, entre gens pour qui le moindremot prend un poids, le moindre geste une portée, le sourire le plus effleuré un sens que chacun reste libre

d’interpréter. Comme sa souplesse eût glissé parmi les plénipotentiaires réticents, chargés de missionsardues, responsables d’intérêts graves ! Qu’il eût bien joué la partie ! Mais enfin le destin a préféré lediriger vers les voies instables des images.

Le physique de cet homme si fin inclinait en sa faveur dès l’abord : svelte, jeune d’allure, avec unvisage avenant, éclairé d’admirables yeux noirs, au teint mat et très brun. Quand on l’entretenaitd’affaires, sa physionomie devenait attentive, comme il se doit, et sérieuse, — d’un sérieux, pour toutdire, encourageant. Hostile une proposition, il savait la combattre en semblant l’approuver, alléguant

 pour s’y soustraire des impossibilités désolantes, se retenant presque de féliciter sou auteur d’avoir conçu pareil projet. Aucun visiteur éconduit ne le quittait irrité. Il avait créé une atmosphère d’urbanité.Son élocution était aisée et vive, son français irréprochable, sans trivialités, articulé à merveille et teintéd’un rien d’accent oriental. Sans doute se rattachait-il à quelque antique souche grecque, fils de la vieille

Hellade, non celle des Spartiates rudes, mais des Athéniens déliés. Peut-être même, remontait-il à Ulysseà la parole prenante et l’esprit fertile en trouvailles.

Ayant vu le jour à Smyrrne, en Turquie d’Asie, le 3 novembre 1884, aîné de quinze fils et fillesnés des mêmes parents, il fut élevé au collège Saint

 

-Joseph, tenu par les frères de l’Ecole Chrétienne. Ilresta jusqu’à dix-sept ans dans sa ville natale auprès d’un père négociant ; et lui-même prenait goût aucommerce. On l’envoya au Caire, pour se perfectionner, au Crédit Lyonnais, dans les choses de la

 banque. Son père avait obtenu la concession du percement à Smyrne de trois boulevards. À vingt-cinqans, le jeune Louis inspirait à tel point confiance qu’on n’hésita pas à lui confier la mission de discuter àParis, avec les financiers, des crédits nécessaires à l’entreprise. Les pourparlers n’aboutirent pas, mais lacapitale avait séduit ce garçon ambitieux. Il voyait en elle un théâtre à la taille de ses futurs exploitsd’homme d’affaires.

Mais quelles affaires ? II ne savait au juste. L’essentiel pour lui fut toujours l’acte de la tractation,non la matière traitée. Il arpentait les rues commerçantes, fréquentait ces cafés de la rue La Fayette oùl’on fait le trafic des perles et que Jean Vignaud a dépeints dans la Maison du Maltais. Il flânait du côtéde l’Hôtel des Ventes ou bien de la Bourse, à l’heure ou la bataille des titres s’engage, recherchant moinsune situation que l’attendant, en fataliste. On était en 1909.

Comme il passait rue Grange-Batelière, il considéra une enseigne   Agence GénéraleCinématographique : Astaix, Kaslor et Lallemand. À tout hasard, il entra, sans objet précis, se disant « Ily aura peut-être là des films à envoyer chez moi… » Astaix, Kastor et Lallemand étaient accessibles. Oncausa. Dans le cerveau de Nalpas, les idées jaillirent. La conversation l’entraînant, il fit envisager à sestrois interlocuteurs, non un achat mesquin de quelques pellicules, mais la création d’un marché du

Levant. Comme ce jeune homme, empli d’imagination, n’avait pas l’air d’un hâbleur, comme il semblait posséder de la justesse de vues et qu’il parlait bien, comme on le sentait chaleureux mais réfléchi, lestrois associés conquis, entrèrent en rapport avec lui. De nombreux films furent exportés et l’avenir s’annonçait au mieux.

Ces besognes n’étaient pas celles auxquelles Nalpas aspirait. Sans cesse se manifestaient des

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obstacles à la conclusion de vastes affaires. Ils provenaient, soit du choix des sujets de scénarios, soit desdétails de leur exécution. Nalpas fut amené à penser que s’il pouvait se trouver à la base même de lacréation des films, faire entendre sa voix et donner des conseils, les difficultés diminueraient beaucoup.

Or, l’Agence Générale Cinématographique distribuait les productions du Film d’Art. Nalpas enconnut donc le nouveau chef, Charles Delac, natif de l’Afrique du Nord. De cette parenté quasi-orientalerésultait des affinités entre les deux hommes. Et le directeur du Film d’Art, frappé par la valeur de son

cadet, lui proposa de renoncer à sa situation de courtier pour devenir son secrétaire général. Ce fut ainsiqu’en 1911, Nalpas s’intéressa directement à la production.Sa tâche n’était pas simple. Inexpérimenté en la matière, il avait à faire à deux metteurs en scène,

Calmettes et Pouctal, piliers de la maison, déjà âgés, gens de poids, d’autorité et ombrageux. Avec Nalpas, tout alla bien. Au lieu de leur donner des directives hasardeuses qu’ils eussent rejetées avechauteur, il s’initia, sans en avoir l’air, au secret cinématographique. Il observait, étudiait, approuvait,admirait et, à force d’admiration, devenait l’ami de chacun. On tourna dans un esprit cordial la  Robe

 Rouge d’Eugène Brieux et Théodora de Victorien Sardou. Poussant de l’avant, il engagea quelquesmetteurs en scène nouveaux : Marcel Simon, Saidreau, Georges Lacroix, Georges Pallu qui était

 pianiste.Si l’on veut se faire une idée de la façon dont il procédait avec ses collaborateurs sans y paraître,

voici un exemple. Aux environs de 1914, il avait remarqué qu’entre les films français et les filmsaméricains, la différence s’accentuait. Il lui semblait qu’un progrès se révélait du côté des derniers. Alorsil organisait à Neuilly des séances consacrées aux projections d’œuvres caractéristiques des U.S.A. Ils’entendait avec les importateurs pour disposer, pendant quelques heures, d’un certain nombre de ces

 bandes et même pour leur signaler celles dont des correspondants d’Amérique lui avaient vanté lesmérites ; elles ne tardaient pas à arriver en France et on en réservait la primeur à ses metteurs en scène.Le soin était laissé à leur esprit critique d’analyser et de tirer profit.

Le studio de Neuilly devenait un endroit choisi. On y rencontrait beaucoup de comédiens enrenom, d’écrivains et d’auteurs dramatiques célèbres. Paul Adam s’y montrait curieux d’un art en

 puissance ; Georges Feydeau, dont on tourna la plupart des pièces, se plaisait à deviser dans le calme bureau de Louis Nalpas. Ce bureau prenait jour sur le petit jardin de la villa, rendu plus exigu par 

l’atelier de prises de vues édifié au milieu de pelouses. On y accédait par une pièce où travaillaient desdactylographes délicieuses. Nalpas a toujours eu l’épouvante de la laideur physique et, de mémoired’homme, toutes ses secrétaires ont été des enchanteresses. Elles n’étaient pas bêtes non plus, car lastupidité le rendait nerveux.

Survint la guerre, et le Film d’Art cessa de produire. Six mois plus tard, sur l’insistance dePhilippe Berthelot, secrétaire général du Quai d’Orsay, il rouvrait ses portes. Charles Delac mobilisé,

  Nalpas fut chargé du soin de diriger l’entreprise. Il fallait regrouper un ensemble de réalisateurs,d’artistes, d’opérateurs, d’électriciens, etc… Les uns et les autres étaient, soit sous les drapeaux, soit auxchamps, en attendant la fin de la guerre, démontrée imminente par les esprits mathématiques. La maisonle NeuiIly reprit quelque vie au commencement de 1915. Sur les conseils d’E. Laumann (l’auteur d’ En

 plongée, pièce sur les sous-marins engloutis dont le succès fut grand), Nalpas fit appel à macollaboration, bien que je fusse sur le point de partir pour le front. Il fallait donc travailler vite, quels quefussent les moyens de fortune dont on disposait.

Le film que je réalisai fut  La Menace dont j’ai parlé. Le Colisée, salle où il parut, était redoutédepuis quelque temps pour l’humeur de son public qui sifflait les productions, bonnes ou mauvaises, quilui déplaisaient. Il accueillit bien la mienne qui fut réclamée par tous les cinémas, à court de bandesfrançaises récentes. Cette circonstance eut pour effet que les recettes montèrent haut et le Film d’Artn’hésita pas à se lancer dans une production suivie.

Quelques metteurs en scène furent engagés au nombre desquels Gaston Ravel et Maurice

 

Mariaud, venus de chez Gaumont. Pouctal s’était remis au travail. Et Gance apparut dans le bureau deLouis Nalpas. On tourna, sans chômer, des films de tous genres : dramatiques, sentimentaux, comiques,

d’aventures et à épisodes. Les plus marquants d’entre ceux-ci furent Chantecoq, d’après un roman patriotique d’Arthur Bernède, Monte-Cristo d’Alexandre Dumas, Travail d’Emile Zola, mais surtout lesœuvres d’Abel Gance.

 Nalpas, satisfait du résultat de toutes ces affaires, fit, dès lors, pleine confiance au cinéma et rêvade devenir producteur en titre. Aux approches de la fin de la guerre, il profita du retour des armées de

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Charles Delac pour quitter le Film d’Art. Plein de sagesse, il alla faire un stage chez Pathé qui lui fournitles fonds de deux films, mis eu scène par Gaston Ravel, les  Flambeaux d’Henri Bataille et la Maisond’Argile d’Emile Fabre. Après quoi, ayant acquis le bagage de connaissances nécessaires, il créa laCompagnie des Films Louis Nalpas et partit s’établir à Nice, à Cimiez, dans la villa Liserb.

Et voici l’un des lieux et l’un des moments les moins connus et les plus poétiques du cinémafrançais, où plusieurs crurent ardemment à sa vocation artistique et s’efforcèrent d’œuvrer en ce sens.

Et d’abord, pourquoi Nalpas s’établit-il sur la Côte d’Azur ? Nice était un endroit de prédilection pour les cinéastes. De nombreuses troupes s’y rendaient pour leurs travaux de plein air. Un ciel presque toujours serein permettait la régularité des prises de vues sansles coûteuses interruptions dues au mauvais temps de Paris. Dans cette Nice fortunée il s’était formé, enoutre, un noyau de petits artistes aptes à compléter les distributions.

Louis Nalpas gardait le souvenir de son soleil du Levant et d’Egypte. Il se trouvait que la lumièredu Midi français, ses sites marins avec leurs rocs, leurs pins et leurs cyprès l’avaient toujours hanté. Il lui

 plaisait de déployer son activité dans un climat reflet du sien. L’idée lui vint de tourner un film quiressusciterait un Orient fabuleux. Il pensa aux contes des Mille et une Nuits, à Shéhérazade, et le sujet dela Sultane de l’Amour naquit en lui. Des entretiens eurent lieu avec Franz Toussaint, poète et orientaliste,qui écrivit le scénario. Nourri aux sources, cet auteur entrevit des palais constellés d’arabesques d’or, des

  jardins rafraîchis d’eaux vives, où flânaient de nonchalantes et molles sultanes. Parmi elles seglisseraient des ennuques nains, torturés de refoulements. Ailleurs, dans des sites sauvages,chevaucheraient des émirs au luxe barbare. Cette conception pittoresque charma Louis Nalpas. Restait àtrouver l’argent.

Il ne fut pas difficile à l’éloquence du jeune producteur de persuader Charles Pathé, enclin àsoutenir les films de qualité en vertu des principes qu’il venait d’édicter. On assistait à uncommencement de spécialisation des salles : il fallait entreprendre des films spéciaux convenant à un

 public spécial. L’exemple arrivait d’Amérique. La sincérité et les arguments de l’enchanteur Nalpasavaient été d’autant plus irrésistibles que nous étions au temps béni où il considérait exclusivement lecinéma comme une forme d’art. « Depuis, confia-t-il, j’eus l’occasion de constater que cet art nesemblait guère ambitionner que d’être une industrie à transformation qui n’a pas fini de nous étonner… »

Assuré d’une commandite satisfaisante, Nalpas projeta de réaliser entièrement son film sur laRiviera. Confiant en l’alliance du soleil, il songea, comme aux premiers âges à faire édifier en plein air,non seulement les façades des maisons et les patios, mais aussi les salles et les chambres, les lieuxcouverts, autrement dit les intérieurs. Quant aux extérieurs, les jardins et certains paysages rocheux,

 poudreux et désertiques, voisins de Nice, offriraient un choix.Le hasard de ses promenades le conduisit sur les hauteurs de Clamiez, non loin d’un monastère,

dans un endroit nommé « Villa Liserb ». Cette villa, aujourd’hui disparue, consistait en un parc dequatorze hectares, accidenté, vallonné, offrant, des terrains plus en friches que ceux du Paradau ; là, des

 bosquets d’eucalyptus qui embaumaient, de figuiers, d’oliviers ; ailleurs, des sentiers pierreux d’oùémergeaient des palmiers, des cactus, des aloès ; ailleurs encore, des allées larges, bordées defrondaisons, de pelouses, égayées d’oiseaux, scintillantes de jets d’eau et fleuries.

Le jardinier de ce lieu féerique était un homme épanoui, à l’embonpoint heureux, qui vivait là,dans un pavillon ombragé de treilles, avec sa femme et ses deux brunes jeunes filles bondissantescomme des nymphes. La demeure des maîtres consistait en une maison à l’italienne, confortable. Lesmeubles étaient pour la plupart de style Louis-Philippe. Les soieries des sièges, de couleurs vives,apportaient aux pièces un ton d’allégresse. Les hautes fenêtres s’ouvraient sur des verdures ensoleilléesqu’aucun bruit discord ne troublait. Sur la grille d’entrée, fort éloignée de l’habitation, on lisaitl’inscription : « Liserb » en ferrures forgées. Liserb est le mot Brésil retourné.

Ce domaine appartenait à un invisible Américain du Sud. Dans cette villa, la vieille reined’Angleterre, Victoria, descendait jadis, lors de ses séjours sur la Côte. Là aussi se déroule l’action d’undes romans d’Albéric Cahuet :  Regine Romani. Il était impossible que Louis Nalpas dédaignât pareille

splendeur. Cadre rêvé de la Sultane, il en devint locataire.Deux metteurs en scène appréciés, Charles Burguet, ancien comédien et ancien directeur duThéâtre du Casino de Nice, le même qui devait plus tard présider, pendant près de quinze ans,l’Association des Auteurs de Films, et René Le Somptier, homme d’allure démocratique et qui parlaitéloquemment en public, furent engagés. Le chef opérateur était Raulet et le décorateur Marco de

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Gastyne. Ce dernier, artiste de goût, premier grand prix de Rome pour la peinture, devint par la suitemetteur en scène.

Ainsi les décors de la Sultane de l’Amour représentaient non seulement des façades de palais, demosquées ou de souks mais aussi des pièces intérieures. Élevées en plein air, ces constructions n’avaientaucune autre source lumineuse que le soleil. Le mot d’ordre à la mode étant la recherche exclusive ducontre-jour, on les orientait de façon à permettre les prises de vues dans cette direction et à pouvoir 

éclairer aisément les visages les comédiens au moyen d’écrans réflecteurs. On passait d’un décor àl’autre deux fois par jour, le matin et l’après-midi, car on n’y travaillait qu’aux heures où l’objectif, pourvu du pare-soleil, faisait face aux rayons.

 

Cela n’allait pas sans inconvénients : quand le soleil montait ou déclinait, les ombres projetéesdiminuaient jusqu’à disparaître ou s’allongeaient jusqu’à envahir le décor entier. Ce va-et-vient

 permettait peu de stabilité visuelle. Deux plans successifs et directement liés, tournés à deux heuresd’intervalle, présentaient l’absurdité de deux luminosités différentes. Afin de conserver le contour auréolé pu dessine les personnages pour les détacher, il fallait les éloigner du fond dans la mesure oùl’éclairage se faisait plus oblique. Faible désavantage s’il s’agissait de premiers plans puisqu’en ce cas,les arrières sont flous : il n’en était pas de même pour les ensembles. Les réalisateurs devaient veiller àce que les variations n’apparussent point. Une combinaison complexe de velums les eût aidés. On n’en

 possédait pas et l’on ne voyait là qu’un moindre mal car le plus faible vent agitant les toiles remplissaitle décor de clartés dansantes.En dépit de ces difficultés, la réalisation de ce film laissa dans l’esprit de tous ceux qui y

 participèrent le souvenir d’une partie de plaisir. Le ciel resta presque constamment bleu. Une distributiond’artistes sociables avait été réunie Marcel Levesque au comique subtil, Gaston Modot dont le masquedur prenait un caractère de férocité sous le casque,

 

Sylvio de Pedrelli, l’émir amoureux, très grand et très beau, France Dehlia, sultane brûlante ; Vermoyal au front nostalgique. Nulle querelle de préséancen’envenima les relations de ces vedettes exceptionnellement amies. Bien mieux, les artistes apportaientune pleine adhésion aux indications de leurs metteurs en scène.

Sur le coup de midi, tous se trouvaient réunis à la table d’une cantine installée sous un arbre. Des propos sur l’avenir esthétique du cinéma étaient tenus, où Le Somptier étincelait, grâce à une facilité

d’élocution enviée. Parfois, apparaissait la longue silhouette maigre et flexible de Charles Pathé quivenait jeter sur ce travail agréable un regard plein d’approbations soucieuses.

Même lorsqu’ils ne tournaient pas, les comédiens montaient à Cimiez. Gaston Modot, ami dePicasso et de Modigtiani, et peintre lui-même, brossait quelques toiles ou bien jouait de la guitare ;Marcel Levesque, sur le gazon, lisait et relisait le Rire de Bergson et, dans une ivresse philosophique,allait jusqu’à en déclamer des passages au jardinier, le gras M. Biancheri, qui chose surprenante,l’écoutait, le visage baigné de larmes.

Cependant, solitaire, vêtu de flanelle blanche, faisant machinalement tournoyer une petite chaînequi retenait un trousseau de clés, Louis Nalpas, assis sur une calme terrasse, loin des cris, loin du bruit,ou bien se promenant dans une allée de cyprès sur lesquels des roses grimpaient, Louis Nalpas méditait,la tête penchée, semblable, lui-même, à un prince persan. Car, comme jadis Feuillade, en dépit de leur titre de directeur artistique, le seigneur de Liserb ne se mêla jamais aux travaux des metteurs en scène. IIestima toujours que la qualité artistique des films coïncide avec l’indépendance du réalisateur.

La présentation de la Sultane de l’Amour eut lieu au printemps de 1920. Malgré le soin apporté àson exécution, le film fut-il à la hauteur de ce qu’avaient imaginé Nalpas et Toussaint ? Etait-ce

 possible ? Sa conception plastique primitive s’apparentait aux vieilles miniatures persanes stylisées, dece fait irréelles. Sur le plan du cinéma élémentaire de 1918, les tableaux s’alourdissaient de détailsfoisonnants et tranchés, de perspectives non transposées, imposant un vérisme photographique raide. Lagamme d’objectifs dont disposaient les opérateurs se limitait aux 50, 75 et 100. La lumière électriquefaisant défaut, il fallait recourir aux seuls écrans ou aux miroirs recouverts, le cas échéant, de tulle pour adoucir les contrastes, pour varier les tonalités. La pellicule orthochromatique ne pouvait traduire la

diversité des teintes que selon une échelle limitée de blancs, de noirs et de gris.Il n’est pas surprenant que ces moyens sommaires ne permissent guère aux réalisateursd’exprimer la poésie chatoyante des contes de Shéhérazade. Dans leur inimitié pour l’Art Muet,

 plusieurs se complaisaient à répéter bêtement : « Dès qu’on veut atteindre au cinéma la fantaisie ou lerêve, on se heurte au poids. Le cinéma rend tout immédiat. Le cinéma est prosaïque ».

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 La Sultane de l’Amour , cependant, témoignait de tant de bon vouloir, dans l’ensemble, que la présentation fut brillante. Louis Delluc ne ménagea pas les éloges. Quant au grand public qui chercheson plaisir sans l’analyser, il se pressa aux portes des salles. Louis Nalpas devint un des hommes les plusen vue de la corporation et celui en qui la jeune école plaçait ses espoirs. Cette réussite l’encouragea, etil voyait grand. Son ambition dépassa celle d’être uniquement producteur. Il rêva d’être un fondateur,oui, un fondateur de cité. Il avait compris le parti que les esprits entreprenants pourraient tirer des

ressources tellement riches de la Riviera.Il résolut de faire de Nice la capitale européenne du cinéma, un Los Angeles français — on nedisait pas encore Hollwood. Sa situation morale lui permit de trouver sans mal des commanditaires. Descommanditaires à Nice, tout d’abord, et aussi, et surtout, à Paris, Serge Sandberg. Ce dernier avait réaliséune fortune pendant la guerre, fortune qu’il employait à des fins nobles puisqu’il fit renaître de sescendres les concerts Pasdeloup.

À l’ouest de Nice existe un quartier accidenté, montant, aux villas espacées, qui domine la mer,nommé Saint-Augustin, au-dessus de la Californie. Non loin d’un parc à autruches s’étendait un vasteterrain, ancienne folie du prince d’Essling que l’on appelait la Victorine. Nalpas l’acheta. Ce nomchantant et prometteur lui parut du meilleur augure. Des terrassiers se mirent à l’ouvrage. Le sol futnivelé, des chemins carrossables furent tracés. On commença les bâtisses des futurs studios et

laboratoires. Tandis que ces travaux s’accomplissaient, Nalpas menait de front la production des films àla villa Liserb. Pour éviter de se répéter, il renonça au faste du vieil Orient et, pendant quelque temps, seconsacra au moderne.

Et 1e voici qui entreprit une série de comédies légères et sentimentales. dites « fines comédies »,avec, comme metteur en scène, Charles Burguet, et, comme principale interprète, une jeune artiste déjàremarquable : Gaby Morlay. Tous les matins, elle se rendait à Cimiez, dans une toute petite auto à desvitesses vertigineuses, klaksonnant et accélérant jusqu’aux plus extrêmes vitesses, cheveux au vent, brasnus et teint bronzé. Elle tournait docilement des scènes et repartait avec une rapidité plus terrifianteencore qu’à l’aller, puisque de Cimiez à Nice, la route est en pente raide. Certains prophétisaient que,lancée avec force dollars, celle actrice rivaliserait avec Mary Pickford.

En même temps que Charles Burguet. le metteur en scène, Jean Durand tournait des cocasseries

avec Marcel Levesque et une ingénue débutante, Ginette Maddie, prochaine vedette dee l’Art Muet.Levesque qui avait réussi dans son type de Cocantin, tenait à exploiter ce personnage onduleux et falotqu’il appela Serpentin. Mais le tandem Levesque-Durand ne cueillit pas de lauriers.

Alors, Louis Nalpas qui estimait, en ce temps-la, que le cinéma devait sans cesse progresser,résolut de frapper un coup avec Louis Delluc. Louis Delluc, point de mire de la corporation. Professaitque juger, condamner, dispenser de haut le blâme ou l’éloge ne suffisent pas et qu’un temps arrive oùl’on doit à son tour montrer à quoi l’on est bon. Il s’était lié d’amitié avec Louis Nalpas à l’époque oùcelui-ci avait courageusement imposé Abel Gance au Film d’Art. Le producteur et l’écrivain, tous deuxhommes de sensibilité délicate, ne pouvaient que s’entendre.

Delluc était l’auteur d’un scénario, la Fete espagnole, qui tranchait par un rare esprit d’invention.L’esprit vif de Nalpas eut vite fait d’en saisir l’originalité. Il s’engagea à produire le film. L’expériencene lui avait pas encore prouvé qu’une belle œuvre hardie n’est pas commerciale d’une façon obligatoireet qu’il existe une dictature sombrement redoutable, celle de la bêtise au front de taureau.

Delluc ne se sentant pas préparé à la mise en scène, Germaine Dulac se chargea de la réalisation.On attendait beaucoup d’elle : ses récentes  Ames de Fous l’avaient mise en lumière. Quant aux acteurs,ce furent Eve Francis, Jean Toulout et Gaston Modot. Le soleil du mois d’août 1919 qui faisait fondre lemaquillage sur la peau n’altéra jamais la bonne humeur de ces artistes — cette bonne humeur que la villaLiserb secrétait. Sous les pins et les lauriers roses, tout souriait. On sentait qu’on travaillait pour la bonnecause. L’atmosphère s’assombrit lorsque Delluc et Germaine Dulac se heurtèrent à la résistance de

 

 Nalpas qui refusa de les envoyer en Andalousie tourner les extérieurs du film. Le producteur pénétraitdans la période des resserrements financiers, en raison des constructions énormes de la Victorine.

Je déjeunais dans un petit restaurant de Cimiez avec l’auteur, la réalisatrice et Eve Francis, le jour où ils surent qu’on ne leur accorderait que cinq ou six journées de travail à la frontière basque. Delluc, pour consoler Germaine, déclara, résigné « Voilà un métier où il faut fermer les yeux sur bien deschoses. Le cinéma, c’est le métier des aveugles ».

La réalisation de la Fête Espagnole, la fondation de la Victorine, la surveillance de l’exploitation

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des bandes produites ne satisfaisaient point l’activité de Louis Nalpas qu’on eût dit nonchalante maisqui, en fait, était inlassable. Il mettait encore en chantier deux autres films Tristan et Yseut et MathiasSandorf 

 

.Le scénariste de Tristan et Yseut , Franz Toussaint, passait des transparences de l’Orient aux

 brumes du Septentrion. Ce n’est point dans la vaste fresque wagnérienne aux accents dévorants qu’il puisa son inspiration mais dans l’âpre légende telle qu’elle a fleuri de la terre française et que le

savoureux roman de Joseph Bédier avait remise à jour. Le metteur en scène fut MauriceMariaud. Si l’on n’eut aucun mal à bâtir en vraie maçonnerie les rudes murailles des châteaux du Nord,il fallut monter haut sur les montagnes de la Riviera pour découvrir les chênes et les granits deCornouailles et d’Irlande. Les brouillards atlantiques se rencontrent également peu sur les bords de lamer latine. Le film, louable par son intention de grandeur, manquait du souffle indispensable àl’expression de l’ardeur désespérée des deux grands amants légendaires. Certains sujets se hérissentd’intransigeance et requièrent l’exaltation.

Le travail achevé, la plupart des collaborateurs permanents de Louis Nalpas le quittèrent. Lestracas qui assaillaient Liserb et la Victorine alarmèrent les prudents, crédules à des rumeurs decatastrophe. Ils se trompèrent à demi car si, quelques mois plus tard, Nalpas arrêtait son activité niçoise,il ne laissa jamais, d’une part — et de toute sa vie — aucun créancier impayé et, d’autre part, un an suffit

 pour qu’il se relevât. Il me fut donné, à ce moment-là, de saisir un trait de son caractère qui déroutaitl’observation.Je m’apercevais que le départ de ses employés l’affectait, mais ce n’était pas du fait même de ce

départ qu’il souffrait. Il n’y apercevait nulle désertion et ne tenait rancune à personne. IL ignora toujoursla rancune : mépris, indifférence ? Bref, l’incident ne suscita pas le moindre commentaire de sa part. Ilestimait justifié que des gens de cinéma cherchassent à tourner le plus de films possible.

 

L’objet de sonaffliction se portait sur la forme qu’avait prise une retraite en bloc sans le mot discret qui en diminuât lasécheresse. Il y avait chez cet homme un côté infiniment policé, sensible.

Je pus, dans cette circonstance, mesurer l’imprévu de ses réactions. Comme, le centre du travailtransporté à la Victorine, on n’avait plus rien à faire à Liserb, le producteur et sa famille étaient allésloger dans une villa de Milléant, un faubourg de Nice. Là, Nalpas passait une partie de ses nuits dans le

 jardin à contempler le tournoiement de milliers de lucioles. Au soir d’une journée où il avait essuyé unennui grave, je crus devoir monter jusqu’à sa demeure, comptant lui tenir compagnie et le dériver de ses

 peines. Au lieu de le trouver angoissé, voici qu’il me parut uniquement passionné de la danse aériennede ces insectes. Il me fit placer dans un coin, près d’un arbre, et me dit : « Regardez de là. On aperçoitles étoiles à travers le voile des lucioles. On finit par ne plus reconnaître qui est l’insecte, qui estl’étoile ». Il ajouta : « Sur la pellicule, ça ne donnerait rien. Le cinéma a beaucoup de progrès àaccomplir ».

Ainsi, loin de ruminer, tète baissée, amertume et griefs, il levait son regard vers de petites lueursmobiles mêlées aux points fixes du ciel. Dans son âme pleine de gentillesse, sa pénible mésaventuren’engendrait ni colère, ni haine, ni soif de revanche, ne contrariait en rien son attention au joli spectacledes petites lumières peuplant la nuit.

§[…]Tandis que se poursuivaient les réalisations de la  Fête Espagnole, de Tristan et Yseut , de Mathias

Sandorf et de Malencontre par Germaine Dulac, les travaux de la Victorine engloutissaient les capitaux.Un à un, plusieurs studios de prises de vues étaient sortis de terre, prêts à recevoir les metteurs en scèneet leur troupe. Mais, à part Robert Boudrioz qui y tourna l’ Âtre, dans des accès de colère et des crises defoie, à part Léonce Perret, rentré d’Amérique, qui vint y travailler quelques semaines, à part AlbertDieudonné et ses vedettes, les chanteurs Muratore et Lina Cavalieri,

 

nul locataire ne se présenta.Les cinéastes parisiens reprochaient aux nouveaux studios leur équipement suranné. Tandis

qu’une révolution technique transformait le cinéma traditionnel, la Victorine n’offrait que des studiosvitrés, uniquement tributaires de la lumière du jour. Aucune canalisation, aucune installation électrique  pour alimenter les modernes sunlights et les lampes, d’ailleurs absentes, de ces halls. Il n’est pasvraisemblable qu’un oubli aussi insensé eut été commis1. La raison ? Épuisement des fonds, dépassement1 Un petit bâtiment pour la Centrale Électrique était construit, du moins commencé. Mais il n’y avait rien à mettre dedans.

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des devis par les entrepreneurs, lassitude des commanditaires, intrigues. Sans doute, aussi, faut-ilregretter que les autorités aient eu une vue courte des intérêts de leur région. Une aide financièreopportune et la face des choses eût été changée… Après le départ de Nalpas, la Stoll  de Londres nedescendit-elle pas sur la Côte d’Azur ? Elle loua la Victorine, y transporta des groupes électrogènes.Ainsi donc, celui qui avait rêvé de faire de Nice un centre européen ne s’était pas trompé théoriquement.Alors Nalpas qui détestait batailler contre le destin tourna le dos à la Riviera et partit pour New-York 

négocier des films français, nouvelle tentative, chimérique celle-ci, sous la réserve de la vente deMathias Sandorf 

 

. Une troupe d’acteurs de ciné-feuilletons, dirigée par René Navarre, s’installa, en 1920,à la Victorine, y réalisa dans la précipitation six à sept films en douze épisodes et s’arrêta essoufflée2.Trois ou quatre ans après, les studios niçois passèrent entre les mains du metteur en scène américain,Rex Ingram, établi en France. Ils devinrent enfin la propriété de la Société Gaumont, à l’avènement dufilm parlant.

Quant à leur fondateur, il ne tarda pas à réapparaître.

Henri FESCOURT

 LA FOI & LES MONTAGNES ou Le 7 e

Art au Passé 

©Publications Photo-Cinéma Paul Montel, Paris, 1959 [p. 186-201]

2 C’était déjà la Société des Cinéromans, mais à l’état embryonnaire.