faculte des lettres these
TRANSCRIPT
FACULTE DES LETTRES
THESE
PRESENTEE
A L’ECOLE DES GRADUES
DE L'UNIVERSTIE LAVAL
POUR L’OBTENTION
DU GRADE DE MAITRE ES ARTS (M.A.)
PAR
GUAITAN LACROIX
BACHELIER ES ARTS
DE L’UNIVERSITE LAVAL
APERÇU DE L'INFLUENCE DU THEATRE
DANS L'OEUVRE DE NICOLAS POUSSIN
AVRIL 1984
«Moy qui fais profession de choses muettes...Je pourrois vous dire des choses sur se subiect ici qui sont très véritables et cognues de personne».
Poussin
AVANT-PROPOS
Est-il une idée, de l’ordre des significations intrinsèques panofs-
kyennes, qui permette de saisir l'ensemble de l’activité du XVIIe siècle,
de suivre dans ses plis et replis la conscience de cette période artis
tique?
On a beaucoup élaboré jusqu'à maintenant sur le mouvement, sur la
passion des spirales et la spirale des passions, sur la théâtralité. Mais
dans quel sens l'entendait-on?
Par exemple, jusqu'à quel point peut-on envisager la représentation
d'un sujet en peinture par le biais de l'appareil dramatique? Jusqu'où
peut-on pousser la métaphore scénique?
Dans la doctrine Ut Pictura Poesis, c'est l'idée même de repré
sentation picturale qui constitue le point de rencontre, d'échange de
vrions-nous dire, entre la peinture et la poésie.
Chez Poussin, tout l'artifice de la peinture consiste justement
à orienter et à définir la représentation en fonction du sujet!. Or
le sujet fait également partie du vocabulaire dramatique.
Le terme personnage, utilisé par la critique, réfère de par son
origine latine (persona), à un masque de théâtre. Le terme figure,
non moins utilisé, réfère pour sa part à un masque de mots. Ainsi la
permutation de ces deux termes, leur passage du champ d'investigation
dramatique au domaine pictural, témoigne-t-il déjà d'une certaine in
fluence?
IV
La peinture est un lieu d’actualisation du rapport des êtres avec
l’univers selon les diverses modalités de compréhension, de visualisa
tion et d’expression. On ne peut donc abstraire cette «pensée plas
tique» (P. Francastel), cette conscience-témoin qui imbue le geste
créateur. Et il n'est peut-être pas dénué de sens de relever que la
naissance de la tragédie chez les Grecs s'accorde, en terme d'harmonie
musicale, à une période dite classique, exactement comme la re-naissance
de la tragédie s’accorde à l'esprit de raison du XVIIe siècle, après
une période d'incubation au cours des XVe et XVIe siècles italiens.
La pensée du XVIIe siècle prolonge, en les exploitant au maximum,
les concepts développés depuis le Moyen Age. La réflexion qui imprègne
les oeuvres d'un Bernin ou celles d'un Poussin nous informe d'une con
ception de la réalité dont la fonction médiatrice joue sur la trans
parence-transcendance .
Ainsi, aux frontières en quelque sorte de l'apparence, «la conscience
baroque accepte l'illusion comme telle et en fait la donnée fondamentale
avec quoi il s'agit, non de se résigner au néant, mais de produire de
1'être»2. Ce mode de pensée semblerait rapprocher les arts plastiques
de la vision théâtrale.
L'Abbé d'Aubignac, théoricien de la «vraysemblance», écrit: «il est
certain que les ornemens de la scène sont les plus sensibles charmes de
cette ingénieuse Magie, qui rappelle au Monde les Héros des siècles pas
sez, et qui nous met en veüe un nouveau Ciel, une nouvelle Terre, et
une infinité de merveilles que nous croyons voir présentes, dans le
temps même que nous sommes bien assurez qu'on nous trompe»3.
V
Les artistes de la scène romaine, contemporains de Poussin, ont
exploité l'approche théâtrale. La Conversion de Saint Paul (Rome,
Eglise Sainte-Marie-du-Peuple, v. 1599) de Caravage, par l'ampleur
des gestes, la tension dramatique entre la lumière et l'ombre, le
jeu passionné des lignes, annonçait un certain sens du théâtral. Mais
peut-être cette approche est-elle encore plus manifeste chez Bernin.
dont la Sainte Thérèse (Rome, Sainte-Marie de la Victoire, Chapelle
Cornaro, v. 1645) représente une véritable mise en scène de l'extase.
Cependant, l'ensemble des caractères théâtraux en peinture doit
être envisagé sous plusieurs aspects. Il peut en effet y avoir une in
fluence aussi bien de l'organisation du lieu scénique et des éléments
qui le constituent, que du corpus doctrinal qui préside à la composi
tion des pièces. Plus globalement, il peut s'agir d'une vision du mon
de où la vie «est une espèce de comédie continuelle, où les hommes, dé
guisés de mille manières différentes, paraissent sur la scène, jouent
petit coin comme, incognue pouuoir gouster les gestes des acteurs»^.
leurs rôles, jusqu'à ce que le maître du théâtre, après les avoir fait
quelquefois changer de déguisement et paraître tantôt sous la pourpre
superbe des rois, tantôt sous les haillons dégoûtants de l'esclavage
et de la misère, les force enfin à quitter lê théâtre»^.
Poussin lui-même écrit: «Vous aués le grand liure ouuert où l'on
voit comme sur un téâtre jouer d'estranges personnage. Mais ce n'est
pas peu de plaisir de sortir quelquefois de! l'orquestre. pour d'un
VI
L’oeuvre de Poussin témoigne-t-il d’une certaine théâtralité? Et
quelles en sont les sources, les modèles, les différents aspects, tant
au niveau des principes que de la plastique? Pour répondre à ces ques
tions, nous avons dû consacrer une bonne part de nos recherches à l’his
toire du théâtre afin de cerner ses différentes manifestations, non seu -
lement contemporaines de Poussin, mais antérieures également. Poussin
se réclame bien souvent de l’esprit du siècle renaissant et, par là-même,
de celui des siècles antiques.
Nombre d'historiens d’art s’accordent pour voir un sens du tragique
chez Poussin, une dynamique narrative et une plastique proches du théâtre.
Mais les allusions sont brèves et éparses. Nous nous proposons donc d’a
border le problème de la complémentarité et de la convertibilité des si
gnes des langages pictural et"théâtral, par le biais d’un aperçu histori
que. Nous étudierons ensuite les mises en scène des tableaux de Poussin
afin de dégager une certaine théorie de la composition. Notamment par la
conception du lieu dramatique, la mise en page du sujet et le problème
des unités, et le parti adopté par Poussin dans la Querelle de 1'Académie de
Saint Luc.
Enfin, au travers même de cette «épaisseur de signes» (Roland Bar-
thes) qu’est la théâtralité, nous esquisserons une poétique picturale
par l’étude des correspondances entre les divers modes d’expression
utilisés par Poussin: analyse et représentation des passions comme
lien commun entre «peinture» et «poésie», art du geste et langage cor
porel, imitation et notion de convenance.
Nous ne présenterons qu’en dernier lieu la méthode de composition
avec le petit théâtre , respectant ainsi la démarche de Poussin où la
représentation demeure soumise à la «pensée» de l’oeuvre.
VII
NOTES
1. Voir Lettre à Chantelou, 24 nov. 1647, Charles Jouanny (édit.),
«Corespondance de Nicolas Poussin», Archives de l’Art français,
V, (1911) p. 372, lettre no. 156.
Nous nous permettons ce rapprochement à partir du principe même de
Panofsky (Essais d'iconologie, p. 29), suivant lequel l’historien
d’art devra confronter ce qui lui paraît «la signification intrin
sèque» de l’oeuvre (ou du groupe d’oeuvres) qui occupe son attention,
avec ce qui lui paraît la «signification intrinsèque» d’autres docu
ments culturels, historiquement liés à cette oeuvre (ou groupe d’oeu
vres). Louis Hjelmslev, dans Prolégomènes à une théorie du langage
(p. 177) dit aussi que «l'esprit scientifique exige que la complexi
té qui lui est offerte puisse être analysée de façon à permettre
d'extraire un seul trait et à utiliser ce trait comme une clé pour
l'ensemble». Ajoutons cependant que le but de cet essai n’est pas
d'établir ni de convaincre à tout prix d'une «identité» de fins et
de moyens entre peinture et théâtre, mais davantage de faire res
sortir une certaine «parenté», entendu que «chaque langage a ses
propres lois, son évolution propre et (qu')il est rare que deux
d'entre eux se situent au même degré de maturité» (Jacques Thuil
lier, «Le paysage dans la peinture française du XVIIe siècle»,
Cahiers de l'Association internationale des Etudes françaises,
n.29, (mai 1977), 47). Pour appuyer^quant aux termes, notre hy
pothèse de travail, nous avons tenté d'établir un lexique adéquat,
VIII
à partir de la correspondance et des quelques écrits de Poussin.
Mais son vocabulaire n’est guère révélateur â ce sujet (la peinture
et le théâtre puisent par ailleurs largement leur vocabulaire au même
modèle: la poésie). Les quelques expressions pertinentes, ne pouvant
faire l’objet d’un lexique, sont donc distribuées dans le texte.
2. Yves Bonnefoy, Rome 1630, l'horizon du premier baroque, p. 179,
note 22.
3. D'Aubignac, Pratique du théâtre, p. 355.
4. Erasme, Eloge de la folie, p. 42. Cette notion de «Theatrum mundi»
est très ancienne et remonte même aux philosophes antiques. Elle
fut reprise notamment par les Pères de 1'Eglise. L'analogie est
encore très manifeste pour la période qui nous concerne: par exem
ple, Olivier de Serres publie à Paris en 1600, Le Théâtre d'agri
culture et Mesnage des champs; François Fougerolles publie Le Théâ
tre de la Nature à Lyon en 1597; sans oublier la célèbre tirade de
Louis XIV, «la face du théâtre change», quand il prit pouvoir en
1661.
5. Lettre à Chantelou, 21 décembre 1643, in op. cit., p. 235, lettre
no. #96; pour de telles allusions, voir aussi p. 369, lettre no.
#155, p. 395, lettre no. #168 et p. 409, lettre no. #176. A noter
également le témoignage de Bellori sur les promenades de Poussin sur
le mont Pincio, «d'où se découvre la plus admirable vue de Rome et
de ces amènes collines qui, s'harmonisant avec les édifices, font
scène et théâtre» (cité d'après A. Blunt, Nicolas Poussin, Lettres
IX
et propos sur l'art, p. 177); passage particulièrement révélateur,
surtout si on l'envisage du point de vue de l'imitation de la nature
dont la perception même de la nature est déjà théâtrale.
INTRODUCTION
APERÇU HISTORIQUE
1. La Poétique d'Aristote
Sans présenter le développement du théâtre et ses innovations tech
niques depuis 1'Antiquité, il importe tout de même de rappeler quelques
principes et quelques figures marquantes qui ont contribué à la formu
lation de l'esthétique picturale pour la période qui nous occupe ici.
L'autorité d'Aristote est, et ce à plusieurs points de vue, incontes
tée. Pour ouvrir cet horizon, nous devons donc lui accorder la place qui
lui revient de droit, puisque sa Poétique a déterminé l'orientation des
genres théâtraux. C'est également à lui que furent empruntées certaines
règles de la peinture par le biais de la doctrine Ut Pictura Poesis ,
laquelle servit de trait d'union entre 1’Italie et la France dans l'éla
boration de la doctrine du XVIIe siècle.
Déjà chez Aristote, le principe d'imitation, qui doit présider à l'art,
s'applique aussi bien à la peinture qu'au genre tragique, «attendu que le
poète est un imitateur, comme l'est un peintre ou tout autre créateur de
figures». L'objet de cette imitation, dans la tragédie, puisque c'est le
genre qu'il s'attache à définir, réside dans l'action.
Précisons que les caractères, rattachés à l'expression chez Aristote,
constituent un aspect fondamental de la recherche des peintres du XVIIe
2
siècle. Ces caractères sont renforcés par les attitudes et les gestes
qui leur sont subordonnés puisque la manière d'être s'appréhende lar
gement par la manière d'agir. Il s'ensuit que la prééminence est ac
cordée à la fable, combinaison des actes accomplis ou mise en place des
faits, qui correspond, analogiquement, aux contours bien tracés d'une
image^.
La redécouverte et la traduction des textes antiques à partir du XlVe
siècle a permis aux Italiens d'établir de nouvelles formules théâtrales.
Il n'y a toutefois pas de rupture avec le Moyen Age. Bon nombre de motifs
picturaux de l'Antiquité3, plus ou moins bien compris et assimilés par la
peinture et le théâtre médiévaux, ont été conservés mais remaniés par les
artistes du XVIIe siècle. L'invention de la scène d'illusion et le dé
veloppement de la perspective scénique, qui s'appuient sur le modèle ro
main, sont des développements renaissants.
2. Le modèle Vitruvien
L'influence du De Architectura, Livre X, de Vitruve, qui traite de
théâtre et de mise en scène, fut primordiale. La description de la scè
ne qu'il donne contribua à fixer un type de scène utilisée surtout au début du XVIe siècle^. Sa classification des décors selon les divers gen
res théâtraux eut également une influence déterminante. Notons par ail
leurs que «l'accompagnement thématique des six principes formels de Vi
truve dans l'idéal classique, étaient les six parties constitutives de
la tragédie définies par Aristote: la fable, les caractères, l'élocution,
la pensée, le spectacle et le chant» .
3
Avec des artisans du décor théâtral tels Sebastiano Serlio, Igna-
tio Danti^, une nouvelle formule s’est élaborée à partir du modèle vi-
truvien, qui marque les débuts de la scène moderne. Cette nouvelle for
mule est caractérisée par un décor de place publique avec rues en pers
pective qui disparaîtront progressivement pour ne laisser qu’une arrière-
scène occupée par la toile de fond?.
La nouvelle formule illustre le passage graduel d’une notion de lieu,
où la scène n’est qu’un support (c’était là la conception médiévale), à
une notion d’espace où la scène devient véritablement une réplique du mon
de et comme telle, fonctionne suivant les mêmes lois et principes. La
spéculation sur l’espace, qui caractérise principalement la définition re
naissante de l’objet d’art, témoigne de cette quête de représentation «réel
le», dans sa forme mais non dans son contenu, qui se fonde sur la perspec
tive. On se situe encore dans la ligne de pensée du Moyen Age où l’uni
vers est l’oeuvre d’un Dieu géomètre. Ainsi, pour comprendre cet univers
fondé sur l'ordre, la proportion et l'harmonie, faut-il user des mêmes ou
tils et remonter à la source.
La conception d'un espace cubique unitaire, à partir d'un effort de
compréhension de l'espace physique, repose sur l'a priori de la scène et du
tableau comme microcosme ou image réduite de l'univers. L'élément premier
de cette perception du réel réside dans la forme, puis dans le système
régissant la relation spatiale des formes entre elles. En ce sens, la
scénographie signifie, au XVIe siècle, «l'art de mettre les objets en
perspective en les représentant sur une surface peinte»0.
4
Mais qui a influencé qui? Nous nous rallions à l’hypothèse de Pierre
Francastel, suivant laquelle la peinture aurait précédé le théâtre dans
l’organisation du cube scénique unitaire’. Dès le Quattrocento, le nou
vel espace est défini par le système oculaire (la pyramide visuelle d'Al-
berti). Ce système de scénographie monoculaire prévaut également dans
l’organisation de l’espace scénique^ .
L'espace ainsi unifié est indissociable de la concentration de l'ac
tion, fait que l'on peut déjà relever dans la peinture de la fin du Quat
trocento. Il marque le passage d'une représentation processionnelle (ex.
Giotto) à une représentation fixe^.
Sous le vocable de représentation picturale, le tableau devient un cu
be scénographique à trois dimensions, fermé par une toile de fond. La con
ception de la scène conditionnant essentiellement la composition scénique,
cette formule génère ainsi une nouvelle distribution scénique, un nouveau
rapport des personnages avec le décor. Au si célèbre tableau-fenêtre, avec
son cadre, son plateau et son arrière-scène, nous pourrions adjoindre le
tableau-scène parce que le tableau, avec son cadre, son plateau et son ar
rière-scène, correspond exactement au concept de la scène italienne. On
passe alors de la notion de surface à la notion de volume où l'espace tant
scénique que pictural est défini par la subdivision tripartite: prosce
nium, scène et arrière-scène-^.
Parallèlement à cette conception du lieu scénique, dans sa définition
de la finalité de l'art, le premier quart du XVIe siècle se rallie au prin
cipe qu'Aristote posait comme essentiel, tant pour la peinture que pour le
théâtre, à savoir que la représentation mimétique de la nature humaine trou
5
ve sa pleine valeur dans l'action, accessible et traduisible par les at
titudes corporelles. Cette importance accordée à l'expression, qui sera
reprise par le XVIIe siècle et aboutira à une véritable théorie, est par-
ticulièrement manifeste chez Léonard de Vinci . Pour celui-ci en effet,
la poésie décrit les actions de l'esprit et la peinture exprime l'esprit
à travers les mouvements du corps.
3. Le XVIIe siècle
Le théâtre et la peinture du XVIIe siècle, sur les bases mêmes de cet
te nouvelle orientation spatiale, chercheront â découvrir le moyen d'expri
mer l'instantanéité, le changement, la vie par le mouvement. Ils privilé
gieront en ce sens l'arabesque et la diagonale, le dynamisme du vide con
fronté au plein, ainsi qu'un certain désir d'accroître l'illusionnisme pic
tural. Au primat de l'oeil succédera alors celui de la vue.
Parallèlement à l'utilisation d'un système complexe de machineries, qui
multiplient au théâtre les possibilités d'illusion du plan supérieur de la
scène, on élabore davantage la toile de fond afin d'abolir les limites et
d'ouvrir l'horizon. L'apparition du système des coulisses favorise des
éclairages plus variés et subtils en même temps qu'il permet d'augmenter la
profondeur de la scène en multipliant les plans. La nouvelle conception du
lieu scénique correspond à la création d'un nouveau type de spectacle qui
opère la fusion entre musique et tragédie et qui se concrétisa très rapi
dement dans la formule de l'opéra.
Pas plus que le tableau, le lieu scénique n'est envisagé comme un lieu
fermé, clos sur lui-même. Cet aspect est surtout manifeste dans le rôle
dévolu a l'arche du proscenium: les artistes du XVIe siècle attribuaient
6
à ce cadre une valeur de limite. Les artistes du XVIIe siècle essaient
d’en atténuer la présence parce que la scène est désormais conçue comme
la prolongation, le reflet de la salle, comme un morceau de la réalité,
une tranche de vie qui se prolonge par-delà les limites du tableau ou
de la scène. Les grandes fresques qui semblent déborder de leur cadre
témoignent, chez les peintres, de ce désir de prolonger l’espace réel qui
se confond avec l’espace fictif.
La conception des églises, et surtout les voûtes des nefs, n’est pas
sans faire écho à cette théâtralité, à cette création d'un lieu qui par
ticipe de l'imaginaire et du réel. Bernin recommandait de toujours met
tre un petit vestibule à l'église afin de favoriser justement la percep
tion de l'espace circulaire comme un tout pictural, sur le modèle de la14 .perception du lieu scénique . Et il est peut-être opportun de souligner,
en ce sens, le caractère théâtral de sa Gloire pour la cathèdre de saint
Pierre (Saint-Pierre, Rome), que Tintelnot va.jusqu'à comparer à la «ma
chine» que Bernin avait conçue pour figurer le lever du soleil dans la comédie La Marina (1638) dont il avait exécuté les décors^.
Le XVIe siècle avait unifié tous les éléments du décor par la pers
pective, générant ainsi l'identification de tout l'espace scénique au
lieu de l'action. Partant de ces données, le XVIIe siècle réalisera la
création d'un espace scénique plus vivant, plus animé et ce, plus parti
culièrement dans la seconde partie du siècle, lorsque l'Italie imposera
la formule du drame lyrique.
7
En contre-partie, la France imposera dans le domaine littéraire, sa
doctrine qui, constituée dès les années 1630, ne s’affirmera cependant16 que vers les années 1650. Ses principaux artisans, tels Chapelain , La
Mesnardière, Scudëry, d’Aubignac s’appuient sur des auteurs italiens du
XVIe siècle (Vida, Scaliger, Castelvetro) et sur Aristote. Ils donnent
alors au théâtre, et principalement a la tragédie qui redevient le genre
majeur, une nouvelle orientation. Puisqu’il ne s'agit pas uniquement de
plaire mais aussi d’instruire, on vise à la concentration psychologique,
au resserrement du sujet, pour mieux étudier les passions. La conception
moderne de l’action s’impose alors, avec le principe du découpage et de
la liaison des scènes, ainsi que la restriction du lieu de l’action. L’é
puration de la situation dramatique trouve son corollaire dans l’épuration
du décor, avec le poncif du «palais à volonté» *
8
NOTES
1. Aristote, Poétique, XXVI, 2.
2. Ibid., VI, 12 et 13, 20. Voir, pour un simple rapprochement, un au
teur du XXe siècle, Bertol Brecht, qui écrit: «tout est fonction de
la «fable», elle est le coeur du spectacle (...) l'ensemble des évé
nements qui s'expriment dans un «gestus»».
Mentionnons qu'il existait déjà dans la Grèce antique une certaine
parenté entre théâtre et peinture. Dans les peintures de vase, par
exemple, le motif des dieux localisés dans le registre supérieur se
rait à mettre en relation avec l'utilisation de machines théâtrales
qui faisaient apparaître les dieux au-dessus de la scène (L. Séchan,
Etude sur la tragédie grecque dans ses rapports avec la céramique,
p-. 555). Au Ve siècle av» J.C., le groupement plus rationnel des fi
gures, la composition trilogique, les attitudes pathétiques corres
pondent au développement du genre tragique, davantage centré sur les
procédés dramatiques. Bon nombre de textes de l'époque rapporteraient
également que plusieurs sujets de peinture et de sculpture (le groupe
de «Laocoon» par exemple) se rattachent à des tragédies (L. Séchan,
op. cit., p. 30 et 33). Les •f'hylax, classe de vases grecs, tirent
encore leur nom d'un genre de représentation théâtrale qui parodiaient
la tragédie.
3. Par exemple, Edwig Kenner retrace les motifs des coulisses de rochers
et les frises de ville en couronnement, qui dérivent du théâtre grec,
9
dans la peinture pompéienne. Ces motifs ont dû.être connus au
Haut Moyen Age par l’intermédiaire de la miniature antique. Il
retrouve même dans des miniatures byzantines des Xe et Xle siècles,
un souvenir précis des décors de théâtre du Ve siècle av. J.C.,
devant lesquels se sont jouées les grandes oeuvres du théâtre grec
(Kenner, «Die Frühmittelalterliche Buchmalarei und das Klassische
ÇriechischeTheater», in Hefte oesterr. archaol. Inst.«Wien, T. 39
(1952), p. 47-53, cité d’après la notice du Répertoire d'Art et d'Ar-
chëologie, 1952). La filiation aurait pu être faite par l’immigra
tion en Italie des artistes et penseurs byzantins, après la chute de
Constantinople. Sur l’influence du théâtre dans l’art de Giotto, voir
P. Francastel, Peinture et Société, p. 19-25, ainsi que p. 48ss. sur
la récupération des accessoires de théâtre du Moyen Age par les ar
tistes du Quattrocento (ex. le char, la grotte-rocher). Notons enfin
qu'il existait déjà un rapport très étroit au Moyen Age entre pein
ture et théâtre, particulièrement dans le principe de la mise en scè
ne simultanée.
4. «Au centre il y a une double porte décorée comme celle d'un palais
royal; à droite et à gauche sont les chambres des invités; au-delà,
des espaces réservés à des décors ou machines tournantes de forme
triangulaire présentant chacune trois décors différents». L'attri
bution d'un décor particulier à chacun des genres théâtraux est la
suivante: les scènes tragiques sont formées de colonnes, frontons et
10
statues et autres ornements royaux; les scènes comiques montrent
des demeures privées avec des fenêtres semblables à celles des
habitations ordinaires; les scènes satyriques sont décorées d'ar
bres, de cavernes, de rochers et autres objets agrestes, traités
en style paysagiste.
Voir Hélène Leclerc, Les origines italiennes de l'architecture théâ
trale moderne, p. 54.
5. Avidgor Arikha, «L'enlèvement des Sabines de Poussin», in Petit
Journal des Grandes expositions du Louvre, no 76, (1979), p. 13.
6. Sébastiano Serlio fut l'élève de Peruzzi; c'est lui qui a synthé
tisé, vers 1545, tant sur le plan .théorique que sur le plan prati
que les trois types de scène décrits (mais non illustrés) par Vi-
truve. Ighatio Danti, pour sa part, dans son Commentaire des Due
Regole délia prospettiva pratica de Vignole (1583) a développé le
modèle serlien en proposant un décor fixe avec une scène ouverte en
perspective. Par contre, Palladio et Scamozzi, rattachés au Théâ
tre Olympique de Vicence vers 1585, conservent la formule plus anti-
quisante de la scène vitruvienne. Mentionnons encore Nicola Sabatti-
ni qui a particulièrement insisté sur la recherche de l'effet de pro
fondeur par la perspective aérienne.
Concrètement, la nouvelle formule s'est élaborée par l'élargissement
de la Porte Royale de la «Frons scenae» jusqu'à devenir l'encadrement
du proscenium. La plate-forme de jeu, en se prolongeant vers l'ar
11
rière, a ainsi accru l’espace scénique, le champ d’action des ac
teurs. Les ouvertures de la «Frons scenae» du modèle vitruvien,
absorbées par l’élargissement de la Porte Royale, ont été rempla
cées par les rues en perspective pour progressivement disparaître
et ne laisser que l’arrière-scène occupée par la toile de fond.
7. Déjà en 1508, une «prospettiva d’un paese» servit de toile de fond
lors de la représentation de la «Cassaria» de l’Aristote. En 1513,
la «Calandria»de Bibiena utilisa une peinture de fond combinée avec
un bas-relief en trompe l’oeil. Le décor de Raphaël pour «I Suppo-
siti» de l’Arioste (dessin à la Bibliotheca Civica de Ferrare, men
tion faite par Robert Klein, La forme et l'intelligible, p. 298),
représentait une place publique bordée de chaque côté par deux mai
sons en relief illusionniste et fermée par la vue panoramique, peinte,
d’une ville stylisée.
8. H. Leclerc, «La scène d'illusion et l’hégémonie du théâtre à l'ita
lienne», in Pléiade, Histoire des Spectacles, p. 583.
9. P. Francastel, Peinture et société, p. 82. G. Kernodle, From Art
to theatre, avance l'hypothèse contraire. Voir aussi Ferrucio Ma-
rotti, «Structure de l'espace scénique», in Fêtes de la Renaissance,
III, C.N.R.S., p. 232; (Le fait est que) «l'idée d'espace scénique,
en tant qu’hypothèse, se développe (et il ne saurait èn être autre
ment) en même temps que l'apparition et l'affirmation d'une techni
12
que, la perspective, apte à isoler une cellule de l'espace physique
et à en fournir la composition». L'art de la perspective fut d'abord
développé dans les arts plastiques par Filippo Brunelleschi et fut
appliqué à la scène par l'entremise de Vitruve.
10. Dans la relation du spectateur au tableau, le point de fuite est éta
bli à partir du point de vue centralisé. Dans la relation du spec
tateur à la scène, le point central, qui permet d'établir le point
de fuite, correspond à .«l'oeil du roi», au siège central du théâtre
(Serlio déterminait son point de fuite central à partir de l'oeil de
l'acteur debout sur la scène et ne tenait pas compte du spectateur).
11. Fait à remarquer, le Philodoxus (1436-1437), première pièce écrite
avec une idée cohérente du lieu d'action, est l'oeuvre de celui-là
même qui contribua à l'application de la perspective à point de vue
fixe au dessin. Alberti formulait alors ce que Brunelleschi avait
découvert peu auparavant. Voir Robert Klein, La forme et l'intelli
gible, p. 297.
12. Par exemple, dans 1'Adoration du Veau d'or de Filippino Lippi (Lon
dres, National Gallery) les deux montagnes symétriques forment deux
coulisses séparant nettement le premier plan de l'arrière-plan; l'a
brupt changement d’échelle entre les danseurs alignés au premier plan
et le décor de l'arrière-plan évoque précisément ce nouveau lieu thé
âtral. La présentation de Marie au Temple (Santa Maria délia Pace,
1516) de Baldassare Peruzzi n'est pas sans lien avec les compositions
13
scénographiques qu'il a réalisées selon cette nouvelle formule
(voir le dessin des Uffizi, Florence, 1515, reproduit in N. Decugis
et S. Raymond, Le décor de théâtre en France, fig. 7 ) » On pourrait
encore mentionner La Visitation (fresque) de Perino del Vaga (Rome,
SS. Trinità dei Monti, Capella Pucci, ap. 1523), la Bethsabée de
Paris Bordone (Cologne, Wallraf-Richartz Muséum, av. 1543).
L'humaniste Gauricus, dans son De sculptura (Padoue, 1504), défi
nissait essentiellement, dans sa théorie de la perspective «arti
ficielle», une perspective dramatique; elle devait moins servir à
peindre le «mazzochio» qu'à composer l'«istoria», d'où, par exemple,
les intervalles entre les figures, dont dépend la clarté de l*«is-
toria», relèvent de la perspective. Sur l'apport de Gauricus, con
sulter R. Klein, La forme et l'intelligible, p. 240ss.
13. Léonard de Vinci, Carnets, II, p. 190.
14. Sur la conception de l'église-théâtre, consulter Pierre Moisy,
«Eglises et théâtres», in Revue d'histoire du théâtre, no 2, 1960,
p. 103-117.
15. Voir Pierre Charpentrat, «Théâtre et architecture baroque», Actes
des Journées internationales d'Etude du Baroque, 2, Montauban, 1967,
p. 114. Lors des cérémonies de canonisation, on aurait par ailleurs
fait apparaître dans cette gloire, l'image du nouveau saint. Sur
l'activité théâtrale du Bernin, voir également Chantelou, Journal de
voyage en France du cavalier Bernin, p. 132; «M. le commandeur de
Jars, ou quelque autre, ayant parlé de ses autres comédies, comme de
l'embrasement du théâtre et du débordement du Tibre, il a conté, pour
14
divertir sa Majesté, la manière dont il avait représenté ces choses,
et le soleil levant aussi, lequel plut tant à tout le monde».
16. Soulignons que Chapelain (1595-1674), «le véritable artisan des
règles classiques en France», a préfacé 1 *Adonis (1620) du poète Ma-
rino avec qui Poussin était lié à Paris, au début de sa carrière.
(René Bray, La Formation de la doctrine classique, p. 103).
17. Sous le règne de Louis XIII toutefois, le théâtre français (v. 1580-
1650) n'a pas renié les innovations italiennes. Le Mirame du Cardi
nal Richelieu, tragédie écrite pour l'inauguration de son théâtre
en 1641 (dont Lemaire avait peint le plafond), fut joué dans un décor
unique de Georges Buffequin. Il représentait «le jardin du palais
royal d'Hëraclëe, regardant la mer». Cependant, quelque temps seu
lement après cette représentation, le Ballet de la Prospérité des Ar
mes de France fut joué «avec de nouvelles inventions pour faire paraî
tre tantôt les campagnes d'Arras et la plaine de Casai et tantôt les
Alpes couvertes de neiges, puis la mer agitée, le gouffre des Enfers
et enfin le Ciel ouvert» (Michel de Marolles, Mémoire (1656-1657), ci
té par Nicole Decugis et Suzanne Raymond, Le décor de théâtre en Fran
ce du Moyen Age â 1925, p. 59). D'autre part, les mouvements d'influ
ence n'étant jamais à sens unique, le Cid de Corneille (avec son héros
de nationalité espagnole) fut traduit en italien dès 1643 et joué à
Rome par des acteurs français en 1653.
CHAPITRE I
POUSSIN DRAMATURGE
«Veramente! quel uomo e stato un grande istoriatore e grande favoleggiatore»
(Bernini)«Ma foi, cet homme-là a été un grand narrateur d’histoires, un grand conteur de fables».
1. L’écriture de l’oeuvre etla réflexion intellectuelle
Chez Poussin, la structure du tableau est fonction du contenu didac
tique fondamental des sujets à illustrer. S’appuyant sur les données
essentielles de la Poétique d’Aristote, il s’est attaché à la signifi
cation profonde, moralisatrice, qui transparaît à travers le sujet orga
nisé en fable. Poussin définit la peinture comme n’étant «autre que
l’imitation des actions humaines» . Cette réflexion qu’il aurait tiré
d'un essai du Tasse^ n’est pas sans rappeler la définition de la tragé
die que donnait Aristote. D’autre part, Poussin, qui veut «que la ma
tière et le sujet soient grands, comme seroient les batailles, les ac-
tions héroïques et les choses divines» , prévilégie l’action ayant
un sens épique. Quant à l’invention, elle réside moins dans le choix
d’un sujet nouveau que dans «la bonne et nouvelle disposition et expres-
sion»^ d’un sujet déjà répertorié.
16
L’action, dont Poussin dit que sans elle «les lignes et la couleur
sont inutiles», renvoie au caractère, à une manière d'être qui la mo
tive. Elle met donc toujours en jeu, par la cause ou le motif qui la
détermine, une certaine expression qui suscite dans l’oeuvre une réson
nance émotive.
Poussin vise donc, par-delà l’action, à incarner un état d’esprit ou
un sentiment pour lequel l’action et l’attitude du personnage deviennent
un point-relais, support de la méditation du spectateur. L’écriture de
l’oeuvre se double alors d’une réflexion intellectuelle. Et la peinture
est envisagée comme l’exposé d’une rhétorique qui se définit par la théo
rie des «Belles Idées», laquelle ne va pas toutefois sans le respect fon
damental de «l’Ars imitatio naturae».
Mais corollairement, cette réflexion, support de l’invention, doit
s’appuyer sur une certaine logique de structuration, sur un certain ca
dre d’éléments théoriques accordés à la volonté de l’artiste de mettre
en lumière tel principe ou telle situation. Il y a toujours un modèle
de base en vertu de quoi le créateur peut opérer son choix et organiser
ainsi sa matière. Ce modèle de base chez Poussin est la doctrine Ut Pic-
tura Poesis, dont il est d’ailleurs un des plus fidèles représentants.
2. Les modes et la proportion harmonique
Il faut cependant élargir ce cadre de référence, car Poussin a uti
lisé un concept apparemment peu habituel en peinture: les modes. Cette
théorie fut très peu étudiée et nous n’avons qu’un seul document
17
où Poussin entretient son lecteur sur ce sujet. Et encore est-il as
sez énigmatique. Ce document est la lettre qu’il adressa à Chantelou,
le 27 novembre 1647 :
«... je vous veux advertir d’une chose d'importance qui vous fera cognoistre ce qu'il faut obseruer en la représentation des subiect qui se dépeignent...
Cette parolle Mode signifie proprement la raison ou la mesure et forme de la quelle nous nous seruons a faire quelque chose... et partant telle médiocrité et modération n'est autre que une certaine manière ou ordre déterminé, et ferme dedans le procéder par lequel la chose se conserue en son es- tre.
Etans les Modes des ansiens une composition de plusieurs choses mises ensemble de leur variété naiscoit une certeine diffërense de Mode par laquelle l'on pouuait comprendre que chascun d'eux retenoit en soy je ne scais quoy de varié principalement quand touttes les choses qui entroint au composé ëtoint mises ensemble proportionnëment d'où procëdoit une puissance de induire l'âme des regardans à diuerses passions de la vint que les sages antiens atribuèrent à chascun sa propriété des effets qu'il voyoint naistre d'eus pour cette cause il apellèrent le Mode dorique stable graue et sëuëre et luy ap- pliqoint matières graues sëuères et plaine de sapiense.
et passant de la aux choses plaisantes et joieuses il usoint le mode frygien pour auoir ses Modulations plus menues que aucun autre mode et son aspec plus Aygu. Ses deux manières et nulle autres furent louées et aprouuëes de Platon et Aristote estimant les autres inutiles ils estimèrent se Mode véhément furieus très-sëuère et qui rend les personnes estonnës(...) il voulurent encore que le Mode Lydien s'accomodast aux choses lamentables parce qu'il n'a pas la modestie du Dorien ni la sëuëritë du Frigien.
L'ypolidye contient en soy une certaine Suauitë et Douceur qui remplit l'ame des regardans de joye. il s'accomode aux matières diuines gloire et Paradis.
Les Ansiens iuentèrent le Ionique avec lequel ils reprësen- toint danses baccanalles et festes pour estre de nature joconde (...)
Il achève la lettre par une comparaison avec les poètes, particuliè
rement Virgile; il souligne que le «merueilleux artifice» de Virgile
consistait a varier les sons en fonction du sens; par exemple, pour par
ler d'amour, il choisit des paroles «grandement gratieuses à ouir».
18
L’origine grecque de cette théorie ne fait nul doute aujourd’hui.
Reliée au théâtre, elle concernait surtout l’art de la mélopée. Cha
que mode était caractérisé par une succession particulière d'inter
valles. Mais l’éthos des modes, plus particulièrement, déterminait
les divers genres de composition selon les sujets. Ainsi, le caractère
expressif de chacun des modes se rattachait au caractère des peuples
auxquels ils empruntaient leur nom.
Ce qu'il importe de retenir est que les modes permettaient à Poussin
d'orienter son argumentation picturale, sa représentation du sujet, et
par le fait même, de prédisposer le spectateur a une certaine lecture.
Tout d'abord, ils l'aidaient à circonscrire son sujet, puis à ordonner
la gamme des passions à imiter et enfin, à investir son jeu de lignes et
de couleurs des résonnances émotives accordées à son sujet. Chaque élé
ment participait ainsi au caractère général de l'oeuvre, toutes les par
ties étant subordonnées.
Le mode est donc un intermédiaire, un moyen terme qui joue exacte
ment le même rôle que dans la tragédie grecque où il médiatisait les
sons (musique) en fonction du sens (poésie). Voici d'ailleurs un pas
sage particulièrement révélateur de Félibien:
«Il s'était imaginé que comme dans la musique l'oreille ne se trouve charmée que par un juste accord de différentes voies; de même dans la peinture la vue n'est agréablement satisfaite que par la belle harmonie des couleurs et la juste convenance de toutes les parties les unes auprès des autres. De sorte que, considérant que la différence des sons cause à l'âme des mouvements différents, selon qu'elle est touchée par des tons graves ou aigus, il ne doutait pas que la manière d'exposer les objets dans une disposition de mouvements, et une apparence d'expressions plus ou moins vio- lentes, et sous des couleurs mises les unes auprès des au-
19
ties et mélangées diversement, ne donnât à la vue diverses sensations qui pouvaient rendre l'âme susceptible d'autant de passions differentes».
Ce texte met bien en valeur l'idée rythmique et musicale contenue
dans les modes. Car c'est bien la règle de la proportion harmonique
qui permet à Poussin d'ordonner sa gamme d'éléments, de formuler quel
que nouvelle «disposition», garante de l'expressivité de l'oeuvre.
Tant dans la tragédie grecque que dans la peinture de Poussin, l'u
tilisation des modes est fonction du sujet et comme telle, oriente la
fonction cathartique de l'art. Reprochant à Chantelou de mal juger de
ses intentions, parce qu'il avait cru sentir plus d'amour dans le Moïse
sauvé des eaux peint pour Pointel, Poussin rétorque que «c'est la na
ture du subiect qui est cause de cet effet, et vostre disposition, et
que les subiect que je vous traitte doiuent estre représentés par une
autre manière. C'est en cela que consiste tout l'artifice de la pein
ture» .8
Peut-être faut-il voir aussi une influence de la tradition néo-pla
tonicienne qui attribuait au mode le rôle de médiateur entre l'ordre
(plan abstrait) et la forme (plan concret) pour réaliser la beauté idé
ale dans la matière. Cette notion de rapport et d'harmonie n'est pas
sans quelque lien avec ce passage de Poussin: «l'idée de beauté ne des
cend dans la matière que si elle y est préparée le plus possible (...)
L'ordre et l'intervalle des parties ne suffisent pas, ni que tous les
membres du corps aient leur place naturelle, s'il ne s'y joint le mode,
qui donne a chaque membre la grandeur qui lui est due, proportionnée au
tL
20
corps, et si l'espèce n'y concourt pas, en sorte que les lignes soient
faites avec grâce, et dans un doux accord de la lumière voisine deQ
1'ombre».
3. La rhétorique: un modèle d'organisation du discours pictural.
La rhétorique de Poussin, autre aspect de son modèle de base, s'ins
pire de la doctrine Ut Pictura Poesis. L'humanisme italien du XVIe siè
cle a récupéré ce principe horatien et, dans la hiérarchie des Arts li
béraux, a privilégié les trois premiers: la Grammaire, la Rhétorique et
la Dialectique. Le XVIe siècle a formulé une théorie où les règles de
la peinture sont définies à partir des règles mêmes de la poésie. C'est
sous l'égide de l'Ut Pictura Poesis que se développe la théorie des Bel
les Idées, dans laquelle l'art est «mimësis» ou «imitatio naturae».
Le XVIIe siècle met davantage que le XVIe siècle l'accent sur l'expres
sion de la psychologie des personnages. Le décor architectural et pay-
sagé sert de support â cette traduction des passions.
La discipline rhétorique, en ce sens, n'est pas sans lien avec le
théâtre et avec la théorie de l'expression du XVIIe siècle. Aristote
soulignait dans sa Poétique que ce qui concerne la «pensée» ou «l'art
de trouver l'expression de ce qui est dans le sujet et de ce qui lui
convient»^, trouve sa place dans les traités de rhétorique^. Il con
sacre lui-même une douzaine de chapitres à la description des passions
et cinq chapitres à l'étude des caractères dans son Art rhétorique.
L'origine de l'art oratoire, conçu comme art du geste et de la pa
role, remonte à Quintilien et à Cicéron. Ce dernier établit le parai-
21
lèle avec l’art théâtral. Il dit en effet que l’orateur et le comé
dien, dont le but commun est d’exprimer des sentiments et de faire en
sorte que les spectateurs ressentent ces sentiments, doivent recourir
à l’expression tant physionomique que gestuelle. Les deux disciplines
doivent respecter le même principe fondamental: l’imitation de l'action
humaine dans ce qu'elle a de plus noble, les mouvements de l'âme. La
caractérisation par le geste ou l’allure, qui relevait à l'origine des
conventions dramatiques^, est la mise en application du système de
perception en miroir, qui repose sur le principe des correspondances:
du geste, on peut ainsi remonter au sentiment, puis à l'idée.
Marc Fumaroli, dans un article très éclairant1 , souligne le fait que
la rhétorique a servi de dénominateur commun à la correspondance entre
les arts dans une civilisation qui cherchait à concilier vitalité et or
dre. D'ailleurs, dans la «renovatio studii» des XVIe et XVIIe siècles,
le Ratio Studiorum, version christianisée des Institutions oratoires
de Quintilien, est le principe pédagogique utilisé par les Jésuites, qui
ont grandement contribué à modeler la pensée du XVIIe siècle.
Déjà Gauricus, dans son De sculptura (Padoue, 1504), récupère chez
Quintilien, à partir de l'analogie entre perspective et«perspicuitas»
(terme rhétorique), des notions qu'il applique à la narration picturale^.
Bramante et son cercle s'étaient posé le problème des relations en
tre art et rhétorique, entre communication visuelle et effets psycho-
logico-ëmotionnels .̂ Alberti conseillait au peintre «de se délecter
des poètes et des orateurs car ceux-ci ont assurément avec le peintre16bien des beautés communes Franciscus Junius, dans son De Pictura
22
Veterum publié en 1637 (que Poussin connaissait), remplace le mot
eloquentia par le mot pictura, et applique de ce fait à la peinture
ce que Cicéron et Tacite disaient de l’éloquence.
Dans les «Observations sur la Peinture», rapportées par Bellori,
qui sont pour la plupart des notes de lecture et non des observations
personnelles de Poussin, deux textes sont à mettre en relation avec
la discipline rhétorique^.
Mais que lui offrait cette discipline? Elle lui donnait un modèle
d’organisation du discours et même, dans la caractérisation par le geste
de l’état d’âme, certains éléments de transcription plastique. Ceci re
vient à dire que Poussin met véritablement en oeuvre un discours pictu
ral^ qui se fonde sur les exigences de la vraisemblance et du décorum.
L’oeuvre se présente comme le développement d’un thème général, explici
té, clarifié par des sous-thèmes. L'analyse des passions et de leurs
modulations commande les actions des personnages dans le tableau tout
comme dans le récit poétique ou le discours oratoire.
Un passage de Félibien souligne bien l’influence du modèle rhétori
que : «on voit pourtant dans la composition des uns des autres, qu'à
l'exemple des savants orateurs, son intention a été d'en serrer toutes
les parties qu'il divise en certains membres, auxquels il ne donne d'é
tendue que ce qui est nécessaire pour exprimer sa pensée, sans qu'il y
ait dans son ouvrage ni embarras, ni confusion, ni rien de superflu .
Et Chantelou rapporte encore qu'après avoir vu L'Extrême-onction de Pous
sin, le Bernin «dit que cela faisait le même effet qu'une belle prédica-
23
qu'on écouté avec attention fort grande et dont on sort après sans20 rien dire, mais que l'effet s'en ressent au-dedans
4. La théorie de l'expression
Mais comment le langage dramatique de Poussin, son écriture, opè
re-t-il a partir de ces éléments théoriques? L'un des aspects essen
tiels de sa démarche consiste à sélectionner, à dégager d'une action
le moment le plus chargé de signification, d'intensité dramatique et
d'expressivité. C'est ici qu'intervient alors la théorie de l'expres
sion qu'a privilégiée le XVIIe siècle.
Celle-ci se fonde, pour une large part, sur la théorie de Léonard de
Vinci selon qui l'expression des passions devait être en rapport avec le
mobile dramatique. Pour ce faire, le peintre devait respecter un ensem
ble de règles, dont la principale était le décorum; d'abord appliquée à
la poésie dramatique et épique (ainsi qu'à leur représentation), cette
règle exigeait que tous les éléments, tant ceux qui relèvent de la plas
tique que ceux qui relèvent de l'expression des sentiments, soient en re
lation de convenance. L'utilisation des modes chez Poussin concourrait
entre autres, à vivifier de l'intérieur cette règle.
Ainsi l'analyse psychologique va permettre de préciser le sens de
l'action des protagonistes imposés par le sujet. Cette analyse est à
deux temps. D'une part, la compréhension des comportements des person
nages doit transparaître dans le choix de leurs attitudes, appropriées
à leur mobile. D'autre part, les caractères des différents personnages
24
doivent s’harmoniser afin de renforcer l'action, voire même d'en don
ner une image exemplaire. Dans les oeuvres les plus représentatives
d'un certain modèle théâtral (comme par exemple, La Mort de Saphira,
(fig. 34), le Jugement de Salomon (fig. 29) ce dernier aspect constitue
en quelque sorte le dialogue.
C'est à dessein que nous avons esquissé ce résumé du modèle théori
que de Poussin, afin de faire ressortir l'importance de son écriture
picturale. L'apparente lacune de notre bref exposé laisse en
core mieux entrevoir que son esthétique serait somme toute assez intel
lectuelle et froide, si on ne l'incarnait dans ce qui fait la spécifi
cité du langage dramatique de Poussin: sa plasticité. L'ordonnance
des figures et du fond, puis des figures entre elles, est un problème fon
damental chez lui. Il peut nous permettre de suivre, à travers les
formules qu'il a privilégiées, la transcription des scénarios.
Respectant ainsi le développement de son art, lié à l'évolution d'une
pensée plastique, nous allons maintenant voir, en reprenant ces données,
comment s'opère la transposition du sujet de la littérature à la peintu
re, de l'idée à sa représentation.
25
NOTES
1. Cite par Bellori, «Observations de Nicolas Poussin sur la Pein
ture», «Correspondance de Nicolas Poussin», op.cit., p. 492.
2. A. Blunt, Nicolas Poussin, Lettres et propos sur l’art, p. 169
3. Cité par Bellori, op. cit., p. 494.
4. Ibid,, p. 496.
5. Ibid., p. 494.
6. In op. cit., p. 372, lettre no. 156. Cet exposé sur les modes
rait la transcription de certains passages tirés des Instituzioni
Harmoniche de Gioseffo Zarlino, que Poussin aurait lu par l’inter
médiaire du Dominiquin. Pour une histoire des modes ainsi que
leur classification, consulter H. Gevaert, Histoire et théorie de
la musique dans l’antiquité, I, p. 127ss.
Rappelons que, selon Thuillier, le sujet du Olympos et Marsyas
(v. 1626, Paris, Louvre) (reproduit dans Thuillier, Tout 1 * oeuvre
peint de Poussin, fig. 34), qui n’est identifié que depuis 1969,
montre Marsyas révélant les modes musicaux à son favori Olympos
qui à son tour, les enseignera à la Grèce.
7. Félibien, Entretiens sur la vie et les ouvrages de Nicolas Poussin,
p. 255-256.
8. Lettre à Chantelou, 24 novembre 1647. «Correspondance de Nicolas
Poussin», op. cit., lettre no. 156, p. 372.
9. Cité par Bellori, op. cit., p. 496.
26
10. Aristote, Poétique, VI, 22.
11. Ibid., XIX, 2-3.
12. Quintilien, Institutions oratoires, XI, 3, 112 (et note 2, p.366).
13. M. Fumaroli,«Rhétorique et dramaturgie: le statut du personnage
dans la dramaturgie classique», Revue d'histoire du théâtre, III
(1972), p. 223-250.
14. Robert Klein, La forme et l'intelligible, p. 257.
15. Fabrizio Cruciani, «Vision et organisation de l'espace dans les
fêtes romaines», Les Fêtes de la Renaissance, C.N.R.S., 1975, p.227.
16. Alberti cité par A. Fontaine, Les doctrines d'art en France, p.3
(note 2).
17. A. Blunt, «Poussin's note on painting», Journal of Warburg and
Courtauld Institute, I, (1937-38), p. 344-351, notamment les ru
briques «De 1'Action» et «Comment l'art surpasse la nature».
18. «A partir du moment où un certain nombre de figures se trouvent
réunies dans une toile, on se heurte aussitôt à l'aspect narratif
des rapports qui relient les figures les unes aux autres. Elles
s'articulent immédiatement selon l'ordre d'un récit», Francis Ba
con cité par Jean-Louis Schefer, Scénographie d'un tableau, p. 199
(note 13).
19. Félibien, op. cit., p. 204.
20. Chantelou, Journal de voyage en France du cavalier Bernin, p.83.
CHAPITRE II
POUSSIN METTEUR EN SCENE
1. Le lieu dramatique et les modes de composition.
Dans la mesure où l’oeuvre théâtrale et l’oeuvre peinte se don
nent toutes deux pour fin la représentation de la nature humaine, on
peut déjà établir une certaine équivalence entre les moyens utilisés
pour y parvenir. Ceci permet de supposer que les termes de cette équa
tion sont ou peuvent être interchangeables. Puisque notre hypothèse de
départ cherche a vérifier l’influence du théâtre sur la peinture de Pous
sin, il s’agit de considérer les termes qui se rapportent au théâtre et
de voir comment les concepts de mise en scène et de décor, les règles
et les principes du drame littéraire sont transférables à la peinture.
Tout autant que la représentation théâtrale, «la représentation des
subiect qui se dépeignent» (Poussin) ne peut se manifester sans le sup
port physique d’un lieu. En ce sens, sur le modèle de la scène, le
tableau est appréhendé comme lieu dramatique. La conception de ce lieu
se présente donc comme le premier aspect d’investigation d'une esthéti
que visant à dégager la théâtralité d’un oeuvre pictural, car c'est cet
te conception qui détermine le mode de composition.
Jusque vers 1640, les compositions en profondeur avec échelonne
ment des plans n'apparaissent qu’occasionnellement dans les tableaux
de Nicolas Poussin. Qu’il s’agisse de thèmes mythologiques ou de sujets
28
héroïques, l’horizon y est généralement fermé et les personnages re
groupés au centre du premier plan dans une mise en page soit centrée,
soit décentrée: c’est le mode de composition en bas-relief. Cette for
mule réfère à la pratique théâtrale humaniste des XVe et XVIe siècles,
laquelle reprit les données fondamentales de la scène gréco-romaine.
Le champ dramatique est restreint, découpé; il n’est que le support de
1’action.
Dans la célèbre Mort de Germanicus (Minneapolis, Institute of Arts,
fig. 2), le lieu dramatique est défini beaucoup plus par les figurants
que par le décor. Ce trait caractérise les tableaux des années 1624-
1630. Dans la Mort de Germanicus toute l’action est concentrée au pre
mier plan. L’intérêt est d’ailleurs constamment ramené vers ce plan par
le décor architectural, tendu d’une lourde draperie à droite. En outre
le contraste dramatique entre la draperie sombre et le vif éclairage
de Germanicus attire le regard. C’est là aussi un procédé théâtral.
Anciennement, le comédien s’avançait sur le devant de la scène, en pleine
lumière, pour déclamer son texte. Puis il se retirait dans l’ombre pour
faire place à un autre comédien.
Les personnages sont répartis en deux groupes bien définis, de gau
che à droite, sur toute la largeur du tableau. La verticalité de la main
levée du guerrier (geste qui explique le sens du tableau) est accentuée
par les pilastres de l’arrière-plan, mais atténuée par les diagonales
des lances. Le geste de ce guerrier est préparé par la position des bras
des deux personnages derrière lui. Il y a ainsi gradation dans la verti
29
calité du mouvement, de l’arrière vers l’avant du tableau, suggérant
un crescendo émotif.
Le non moins célèbre Triomphe de Flore (Paris, Louvre, fig. 3) re
prend cette formule en déployant toutefois davantage les figures. Leur
regroupement moins compact n’élimine cependant pas pour autant l’accent
horizontal de la composition: les personnages s’y meuvent encore comme
dans une frise. Le décor paysagé, en accord avec le sujet suivant la rè
gle des convenances, fait office de toile de fond, tout comme dans le
Triomphe de Bacchus (Kansas City, Atkins Muséum, copie) et la Bacchana
le à la joueuse de luth (Paris, Louvre). Cette fonction seconde du dé
cor accroît la prééminence accordée à l'action. Ce procédé réfère de
nouveau au théâtre si on se souvient que le primat du théâtre grec, entre
autres, résidait dans le sujet et sa narration, jouée dans un décor-sup
port.
Dans 1'Adoration des Mages (Dresde, Staatliche Kunstsammlungen, Ge-
maldegalerie, fig.6), qui offre un renouvellement d’un thème fort popu
laire, il y a bien un troisième plan dans la partie droite du tableau,
mais là encore l’horizon est fermé par une architecture qui ramène le
regard au premier plan occupé par les personnages principaux. A l’im
portance des figures, soulignée par leur disposition en frise sur un
plateau très apparenté à une scène avec un décor de fond, vient s’ajou
ter une narration psychologique: le langage corporel des acteurs évoque
des réactions psychologiques individualisées. C’est d’ailleurs ce lan
gage qui soutient plastiquement la mise en scène, comme dans le Camille
et le Maître d’école de Falëries (Los Angeles, Norton Simon Foundation,
fig. 10).
30
Dans le Jeune Pyrrhus sauvé (Paris, Louvre, fig. 11), la même for
mule est reprise: les figures sont campées au premier plan, jouant le
rôle de plateau scénique. L’expression des personnages est tout aussi
caractérisée que dans 1'Adoration des Mages. Mais la mise en scène se
complique: la disposition en frise des figures décrit une arabesque qui
tend à se déployer, tant sur la gauche que sur la droite vers l’arrière-
plan. Ce mouvement est renforcé par les gestes des figures. Le personna
ge central, vu de face, tend les bras dans les deux directions; les deux
groupes masculin et féminin soutiennent les deux mouvements opposés. Le
fond, quoique plus élaboré, participe encore du décor.
Ces quelques exemples illustrent comment Poussin traite ses sujets
â la façon des reliefs. Ce procédé de la frise comporte en lui-même la
justification de son usage. Il permet de n'introduire que le nombre in
dispensable de figures, chacune ayant un rôle précis à jouer. En outre
la réduction du nombre des figures met en valeur leur rôle de protagonis
tes, et permet une plus grande concentration du sujet. Poussin met ainsi
en lumière sa conception du personnage comme sujet capable de différentes
manière d’agir, elles-mêmes reflet de manières d'être. C'est conséquem
ment un mode de composition approprié, traduisant exactement la concep
tion que Poussin nourrissait concernant la nécessité de condenser l'ac
tion dramatique.
La frise présente l'ensemble des acteurs évoluant devant un décor
peint. Ceci fait alors intervenir trois éléments: le plateau, les person
nages et le décor. Les personnages s'exécutant sur la plateau scénique
31
se détachent nettement de l’aplat du décor qui complète la narration^.
Ce procédé permet encore d’établir le parallèle entre le jeu scénique
des tragiques grecs, mettant l’accent sur la beauté du texte et sur sa
narration, et le jeu scénique des figures de Poussin, basé sur l’ex
pression des passions et le primat du contenu didactique.
Nous retrouvons ces deux aspects dans le théâtre humaniste des XVe
et XVIe siècles. C’était un art conçu pour les yeux de l’esprit. Les
premières pièces à l’antique, jouées à l’académie fondée et dirigée à
Rome par Pomponius Lactus, autour des années 1470, étaient jouées sur
une plate-forme avec un arrière-plan peint . L’étude archéologique plus
poussée et l’influence de Vitruve amenèrent Palladio â réintroduire, au
théâtre Olympique de Vicence en 1580, la scène classique avec frons sce-
nae et proscenium. La formule de Poussin s’apparente à ce modèle. Il
s’en inspira possiblement.
Qu’on nous permette ici d’ouvrir une parenthèse au sujet du concept
de temporalité rattaché à ce type de composition. Même envisagée plas
tiquement, cette formule fait davantage référence au temps qu’à l’espace,
dans le sens qu’elle génère l’idée de succession. Elle se rattache à la
tradition des processions qui étaient, soit dans 1'Antiquité soit au Mo
yen Age, conçues comme manifestation théâtrale et qui se prolongèrent
pendant la Renaissance sous la forme des Entrées.
L'usage de ce procédé chez Poussin pourrait témoigner d'un habile com
promis visant à instaurer un certain mouvement dans le déroulement d'une
action dans un espace délimité et clos. Selon qu'il tient compte directe
32
ment de la perception du spectateur, l’artiste cherche à établir, selon3 l’expression de Mikel Dufrenne , la solidarité phénoménologique des deux
concepts, temporalité versus spatialité, sur lesquels repose le débat de
la règle des unités. Nous verrons plus loin comment la théorie des pé
ripéties et le principe de la lecture du tableau, chers à Poussin, conver
gent en ce sens.
Il est maintenant bien établi, par de nombreuses et sérieuses re
cherches, que l’évolution de la conception picturale de Poussin ne peut
être ni schématisée ni déterminée par des types ou modèles de composition
qui auraient prévalu de telle date à telle date. C’est cette diversité
même qui rend son oeuvre vivant. L'animation du Martyre de Saint Erasme
(Rome, Vatican, Pinacothèque) ne manque jamais d'étonner auprès du sévère
Germanicus, à peu près contemporain.
Ainsi, non pas subséquemment mais concurremment (nous nous en tenons
toujours aux années 1630-1640), certaines oeuvres relèvent d'un autre type
de composition, caractérisé par un approfondissement et un agrandissement
du plateau scénique, correspondant au prolongement vers l'arrière du pros
cenium. C'est là une des acquisitions majeures du théâtre italien de la
fin du XVIe siècle, laquelle dérive peut-être, par contamination, de l'En-
trée et des Fêtes qui offraient le modèle concret des architectures, de la, , . .4place publique, de la perspective et des figurants .
Le premier tableau que nous pourrions rattacher à ce mode de composi
tion est la Peste d'Asdod (Paris, Louvre, fig.4), dit aussi Les Philistins
frappés de la peste. La portion d'espace englobée par le champ pictural
33
y est plus vaste que dans la majorité des tableaux précédents; non pas
qu’il y soit tellement plus ouvert mais il est beaucoup plus profond,
bien que la perspective soit encore bloquée à l’horizon. Le décor architectural en perspective^ caractérise principalement ce mode de composition.
Une rue, légèrement décentrée et en diagonale, part de la place publique
au premier plan et fuit au loin entre les maisons. Ce décor architectural
fait office de toile de fond. La place centrale agit pour sa part en quel
que sorte comme plateau scénique et l’action principale y est concentrée.
A l’arrangement toujours en frise des personnages du premier plan s’ajou
tent quelques personnages qui, dans leur rôle de figurants, assurent la
liaison des plans et le prolongement de la narration dramatique. Néamoins,
de même que dans la formule précédente, le sujet demeure toujours concentré
sur l’imitation de l’action, caractérisée par la diversité des émotions-
réactions •
L'Enlèvement des Sabines (nous retenons la version du Louvre, Paris,
fig. 16) développe le même schéma d'organisation, mais avec un accroisse
ment du nombre de figurants, ce qui permet un plus grand éventail d'expres
sions. L'espace accru de la scène permet un mouvement avant-arrière plus
accentué. Les personnages sont campés sur une vaste place-plateau formée
par les architectures. Les lignes de fuite sont encore données par l'ou
verture centrale, la rue, mais plus subtilement que dans la Peste d'Asdod.
Le Passage de la Mer Rouge (Melbourne, National Gallery of Victoria,
fig. 7) et la Manne (Paris, Louvre, fig. 17) exploitent aussi le concept
du plateau plus vaste. Poussin délaisse ici l'arrangement en frise des
figures et remplace le décor architectural par le décor paysagé, imposé par
34
la nature même du sujet. La théâtralité réside davantage dans l'atti
tude des personnages dont le nombre est augmenté.
Pendant les années de maturité (1642-1652), après son retour de Pa
ris, Poussin épure son style. La nouvelle rigueur qui l’imprègne commen
çait toutefois a être perceptible dans la série des «Sacrements^peints pour
Cassiano dal Pozzo . Dans la seconde série, l’environnement relève toujours
du décor, comme dans la première, mais la relation personnage-décor versus
sujet y est manifestement plus ténue et soutenue, particulièrement dans
1’Extrême-Onction (Golspie (Sutherland), Dunrobin Castle, coll. duc de Suther
land) . Le décor, très sobre, voire même sévère, concourt â la dramatisation
de l’oeuvre. Poussin reprend la formule de la composition en frise, mais
retient le principe du plateau plus en profondeur, comme dans Moïse enfant
foulant aux pieds la couronne de Pharaon (Bedfordshire, coll. duc de Bedford,
1645). Le décor de ce dernier tableau, très sobre, reste cependant froid.
Dans la seconde version du Louvre, (fig. 23), postérieure de quelques années,
et dans son pendant, Moïse changeant en serpent la verge d’Aaron (Paris,
Louvre, fig. 24), le décor, plus austère encore, intensifie le sentiment
dramatique du sujet, justement par sa neutralité. Poussin se préoccupe da
vantage à ce moment des valeurs plastiques et dramatiques du clair-obscur.
Le décor a alors pour fonction de ramener le regard au plan principal où se
joue le drame, comme dans Esther devant Assuërus (Leningrad, Ermitage,
fig. 35), et le très théâtral Jugement de Salomon (Paris, Louvre, fig.29).
Le second type de composition abordé précédemment, l’espace à plateau
scénique agrandi, se retrouve encore dans les deux oeuvres les plus repré
sentatives d’une tendance théâtrale: La Femme adultère (Paris, Louvre,
35
fig. 33) et la Mort de Saphira (Paris, Louvre, fig. 34). Sur un plateau
bien défini, Poussin a élaboré une mise en scène très calculée, dans
un décor architectural géométrique savamment construit, qui n’est pasg
sans évoquer une certaine parenté avec les décors du XVIe siècle .
Moins caractéristiques, mais dans un sens plus représentatives d’une
nouvelle orientation de Poussin, sont les oeuvres où le décor glisse dans
le paysage, comme dans 1’Eliézer et Rëbecca (Paris, Louvre, fig. 26), le
Christ guérissant les aveugles de Jéricho (Paris, Louvre), le Moïse sauvé
des eaux (Gorking, Bellasis House, coll. Derek Schreiber). Les tableaux
où le paysage prédomine, comme le Paysage avec Polyphème (Leningrad, Ermi
tage) , le Paysage aux trois moines (Belgrade, Palais du Président de la
République), le Paysage avec Pyrame et Thisbë (Francfort, Stade sches Kunst-
institut), marquent l’abandon du fond envisagé comme décor, comme élément
pittoresque.
Il ressort de cette analyse des modes de composition, de la relation
figures-fond versus lieu dramatique, que Poussin, a partir d’une conception
dualiste (personnage et décor), a développé une approche où ces termes de
la représentation sont unifiés. Dans cette approche plus intériorisée,
Poussin ne minimise aucunement le précepte de la mimésis. Bien au contrai
re, car c’est sur la base même de cette exigence d’imiter la nature qu’il
articule son discours. Les deux termes de la représentation sont unifiés
parce que Poussin a fait du décor, la nature, un élément pleinement inté
gré à la méditation du sujet.
En exigeant plus de vérité et de réalisme, la Contre-Réforme amena
les artistes à emprunter certains motifs iconographiques au théâtre. Par
36
mi ceux-ci figurent les personnages apparaissant sur des nuages. Le
«nuage» était un procédé théâtral connu depuis les «deus ex machina» des
Grecs et dont l’usage est attesté tout au long du Moyen Age et de la Re
naissance. Mais il fut particulièrement prisé par les artistes du XVIIe
siècle dans leurs mises en scène de l’extase et du divin. Nicolas de
Montreux, par exemple, pour la représentation de sa pastorale L’Arimène,
en 1596, au château de Nantes, nous dit que dans l’un des intermèdes my
thologiques qui séparaient les actes, «on y voyait Jupiter en un globe
tournant qui, venant a s'ouvrir, fait voir ce dieu assis sur l'arc en ciel,
vestu d'une robe de toille d'or»'. Quant â l'usage du nuage comme élément
de composition chez Poussin, mentionnons le Ravissement de Saint Paul (Sa-
rasota, John et Mable Ringling Muséum of Art), l'Assomption de la Vierge
(Paris, Louvre), la Vierge protégeant Spolète (Londres, Dulwich College),
le Miracle de Saint François Xavier (Paris, Louvre), la Vénus montrant ses
armes à Enëe (Rouen, Musée des Beaux-Arts, fig. 18) et le Diane et Endymion
(Detroit, Institute of Arts).
2. La composition et la règle des unités.
Nous allons maintenant aborder un autre aspect de la composition, soit
la mise en page du sujet figuré proprement dit, selon la règle des trois
unités. Le problème des unités, temps, lieu et action, se pose en termes
différents selon qu'on l'oriente vers le théâtre ou vers la peinture.
Jusqu'au Laocoon (Berlin, 1766) de Lessing qui se voulait une systématisa
tion du problème, les artistes et théoriciens se sont interrogés sur les
concepts de spatialité et de temporalité. Ils ont essayé d'en définir des
37
principes qui puissent s’intégrer dans une esthétique picturale. Encore
une fois, le modèle de la poésie, du théâtre, vint à la rescousse. Déjà
au XVIe siècle, dans la doctrine Ut Pictura Poesis, le principe des trois
unités fut formulé en reprenant les données d'Aristote. Le XVIIe siècle,
soumettant ce principe à celui de la vraisemblance, en fera sa règle d'or,
garante de la qualité de l'oeuvre.
La règle fondamentale est sans conteste celle de l'unité d'action.
C'est d'ailleurs elle qui a suscité le plus de débats-critiques. Aristo
te l'avait formulée très simplement dans sa définition de la tragédie com
me étant «l'imitation d'une action importante et complète, ayant une cer
taine étendue». Il précisa par la suite que l'action doit être «une et
totale et que les parties en soient agencées de telle manière qu'une seule
déplacée ou enlevée, l'ensemble se trouve modifié ou bouleversé» . L'action
doit avoir un commencement, un milieu et une fin et, pour ce faire, le poè
te doit avoir une idée d'ensemble du sujet, en distinguer les épisodes,
puis les développer . Cette mise en place des faits oblige donc le poete
à un certain arrangement, qui procède d'une sélection préalable.
Cette règle de l'unité d'action implique donc l'idée de succession
ou de progression et,comme telle, est liée au concept de temporalité.
C'est justement là que se situe tout le débat. En appliquant cette règle
à la peinture, on fait de cette dernière, à l'image de la poésie et du
théâtre, un art du temps,et l'on fonde ce rapport sur la «lecture» possi
ble de l'oeuvre peinte: «Usés l'istoire et le tableau, afin de cognois- tre si chaque chose est apropriée au subiect»^.
38
La doctrine du XVIIe siècle, en soumettant cette règle à la loi de
concentration, propre à l’esprit de l’époque, conditionne une façon nou
velle de développer l’action, de la concentrer sur un problème psycholo
gique permettant l’étude des passions. L’unité d’action ne restreint ce
pendant pas l’action à un seul fait ou événement. Tout ce qu’elle exige,
est que l’action soit rigoureusement unifiée, que les «fils» ou épisodes
soient subordonnés au thème principal.
L’unité d’action est donc fonction du resserrement et de la subordi
nation des parties. Mais comment traduire ceci en peinture, sans faire
intervenir la mise en scène simultanée de plusieurs épisodes comme dans
les miniatures médiévales? Fëlibien nous donne une première clé lorsque,
parlant du Rébecca de Poussin, il dit «que cette action doit-être unique,
et les principales figures plus considérables que celles qui les doivent
accompagner, (et) le Poussin a observé que les deux figures qui dominent
dans son tableau sont si bien disposées, et s’expriment par des actions in
telligibles, que l'on comprend tout d'un coup l'histoire qu'il a voulu pein
dre» . Nous pouvons dégager quelques traits essentiels: la taille des fi
gures, la disposition et l’expression des figures.
L'Abbé d'Aubignac, traitant de l'unité d'action, dit que le poète,
quand il entreprend la composition d'une pièce de théâtre, «doit penser
qu’il entreprend de faire une peinture agissante et parlante» et que, à
l'instar du peintre, il ne doit représenter qu'une action, pouvant toute-
fois comporter plusieurs «incidens» . Développant cette comparaison, il
souligne que le peintre doit choisir l'action la plus importante, «la plus
convenable à l’excellence de son art, qui contiendrait en quelque façon tou
39
tes les autres, afin que d’un seul regard on pût avoir une suffisante
connaissance de tout ce qu'il aurait voulu dépeindre». La solution qu'il
propose au peintre désireux d'adjoindre quelque développement à l'action
principale consiste à peindre dans l'un des coins du tableau un autre
tab1eau, «faisant par ce moyen deux peintures diverses de deux actions
différentes tirées d'une même histoire»
Chez Poussin, la présentation en bas-relief du sujet concentre l'in
térêt au premier plan où se déroule l'action. Cette construction hori
zontale implique l'idée de succession, de continuité, de temporalité, la
verticalité impliquant l'idée de simultanéité. Soulignons encore qu'elle
peut, avec la lecture potentielle que génère l'idée de temporalité, s'adapter à une certaine narration^. D'ailleurs le mouvement du regard imposé
par la composition n'est pas sans évoquer le mouvement de l'oeil lors de
la lecture d'un texte.
Le déroulement suppose donc une certaine liaison entre les éléments
constitutifs du schéma narratif pour que s'établisse la continuité. Le
problème se pose alors de savoir comment développer le récit sur un espa
ce limité à une durée, comment articuler les divers temps de ce récit dans
le moment unique du tableau.
Les deux principes importants de la peinture du XVIIe siècle, y com
pris celle de Poussin, sont la vérité de la représentation et l'expression
des passions. Ceux-ci nous confrontent à deux types de figuration; l'une
tend a une figuration instantanée et l'autre, à une figuration synthétisée^. Cette dernière témoigne d'un goût de l'analyse psychologique et
40
en fait son champ d’investigation picturale. Elle extrait, d'une façon
intellectuelle et morale, les moments du récit les plus expressifs, qu'el
le distribue ensuite en un tout qui satisfasse la vérité de la représen
tation.
C'est à ce niveau que vient se greffer, chez Poussin, la théorie des
péripéties dans l'application de la règle de l'unité d'action. L'usage
du mot péripétie remonte à Aristote, pour qui il désignait un changement
de fortune unique (exemple: le héros passe du bonheur au malheur). Les16théoriciens du XVIIe siècle définissent les épisodes comme des actions
consécutives annonçant le dénouement ou action principale et amenant de
ce fait un certain rebondissement du récit. L'idée de péripétie renvoie
directement au principe du tableau narratif. Elle se rattache à l'expres
sion des passions et elle fait intervenir simultanément l'unité de temps
et l'unité d'action que Poussin néglige assez souvent. Notons encore que
ces actions accessoires, subordonnées â l'action principale, représentent
chez Poussin, règle générale, des fragments successifs, dans le sens qu'el
les définissent la cause du motif ainsi que sa répercussion dans l'attitu
de des figures par différents stades psychologiques, comme dans la Peste
d'Asdod, le Frappement du rocher de Golspie (1633-35, Dunrobin Castle) et
celui de 1'Ermitage (1649) ainsi que la Manne du Louvre.
La Peste d'Asdod (1630-31, fig.4) apparaît comme la première utilisa
tion décisive de la formule. Le sujet de ce tableau est double. Le pre
mier plan montre la peste frappant les Philistins et les menaçant de mort.
Le second plan insiste sur la cause de cette situation dramatique: 1'Arche
d'alliance enlevée par les Philistins et placées dans le temple de Dagon.
41
L’action se perçoit ici à travers une lecture qui instaure d'elle-même
plusieurs temps, chaque temps introduisant des nuances psychologiques
s’enchaînant les unes aux autres suivant la loi de cause à effet. Cet
te lecture s’articule sur la disposition en arabesque des figures. Ainsi,
à partir du geste du grand-prêtre montrant l'idole renversée par la co
lère de Yahvé, peut-on suivre la succession des temps du récit: les
gens encore bien portants, puis malades, puis mourants et enfin morts
(les deux hommes transportant le corps d’un homme mort, dans le coin
droit du tableau).
Plusieurs temps ou moments du récit sont pareillement développés dans
1'Adoration du veau d’or (Londres, National Gallery, 1633-35, fig.8).
Le groupe de figures de droite est rattaché à Aaron qui semble annoncer,
par son geste, l’issue prochaine du drame. Par contre, le groupe de fi
gures â gauche du premier plan ne pressent aucunement la présence de Moï
se. De chaque côté du veau d’or, au deuxième plan, quelques figures sont
tournées vers Moïse; leur visage exprime d’ailleurs la crainte, alors
que le visage des figures dansant exprime l’allégresse. Quelques autres
groupes de personnages sont encore disposés un peu plus en retrait dans
le décor.
Le Passage de la Mer Rouge (Melbourne, National Gallery of Victoria,
1633-35, fig. 7), le pendant du Veau d’or, présente aussi divers temps du
récit illustrés par des actions particulières. Des figures qui tirent un
noyé et des pièces d’armes hors de l’eau, l’arabesque nous amène jus
qu’aux figures retirées sur le promontoire de l’arrière-plan, chantant
un hymne de victoire en l’honneur de Yahvé.
42
Le Jeune Phyrrhus sauvé (1636-37, fig.ll), avec sa distribution cer
tes moins large, s’appuie aussi sur cette formule. Malgré son unité tem
porelle apparente, la composition développe deux temps psychologiques,
clairement indiqués par la position des deux bras du personnage central;
au temps du danger (droite) répond celui du secours (gauche). Ces deux
temps sont donnés par l’action des personnages secondaires et constituent
en quelque sorte un prolongement de l’action, le salut étant opéré par la
grâce divine. La bipolarité psychologique s’applique encore au premier
plan où le groupe des protagonistes de gauche pourrait représenter la for
ce, la détermination et celui de droite, la crainte, la peur.
Dans 1'Enlèvement des Sabines du Louvre (1637-38, fig.16), le premier
plan développe trois degrés d’intensité de l’action, allant de l’approche
du soldat (coin droit) jusqu’à la capture de la Sabine (coin gauche).
Mais l’oeuvre probablement la plus éloquente à cet égard est La Man
ne (fig. 17). Nous bénéficions d'ailleurs d'un texte très éclairant de
Fêlibien qui non seulement confirme mais explicite la théorie des péri- .
péties. Dans un premier temps, il établit la différence entre peintre
et historien, laquelle repose principalement sur le temps dévolu à l'un
et à l'autre pour leur discours. Sous-jacent à cette notion de discours,
se profile l'un des buts de la peinture: instruire. Le peintre doit fai
re une synthèse de son sujet et pour ce faire, il n'a «qu'un seul instant».
D’où «ces différents états et diverses actions lui (tiennent) lieu de discours et de paroles pour faire entendre sa pensée^». Dans un deuxième
temps, et c'est là un passage qui penche en faveur de notre hypothèse de
base, un autre intervenant dans lé débat se réfère au théâtre pour justi-
43
fier cette mise en scène à grand déploiement: «si par les règles du
théâtre, il est permis aux poètes de joindre ensemble plusieurs ëvëne-
ments arrivés en divers temps pour en faire une seule action, pourvu
qu'il n'y ait rien qui se contrarie, et que la vraisemblance y soit exac-
tement observée, il est encore bien plus juste que les peintres prennent• 18cette licence» . C'est en ce sens que «l'on ne pouvait pas accuser le
Poussin d'avoir mis dans son tableau aucune chose qui empêche l'unité
d'action, et qui ne soit vraisemblable, n'y ayant rien qui ne concoure à« • 19 •un même sujet» ; il est par ailleurs explicitement mentionné que Poussin
a composé «son ouvrage dans les règles qu'on doit observer aux pièces de
théâtre» . Et l'une de ces règles concerne les péripéties: «les groupes
de différentes personnes qui font diverses actions, sont comme autant d'é
pisodes qui servent a ce que l'on nomme péripéties, ou de moyens pour fai
re connaître le changement arrivé aux Israélites qui sortent d'une extrême„ 21 misere, et rentrent dans un état plus heureux»
Le Frappement du rocher (1649, Leningrad, Ermitage, fig. 28) témoigne
du même usage des péripéties, en insistant sur le changement de fortune lié
a l'action. Il fait également appel à une mise en scène plus élaborée.
Le Paysage au serpent (1648, Londres, National Gallery, fig.27), encore
basé sur la péripétie, présente cependant un tout autre schéma de compo
sition. L'accord des figures et du décor est mieux senti et la mise en
scène très réduite. La lecture en zig-zag nous montre un enchaînement
de faits qui se rapportent à une unité de sujet, mais développée dans le
temps: la réaction de B (personnage courant), conditionnée par A (person
nage au serpent), conditionne une réaction de surprise chez C (personnage
44
féminin) mais n’a pas encore atteint D (le groupe de la barque).
Dans d’autres tableaux, l’idée de péripéties se rattache davanta
ge aux réactions psychologiques des personnages liées de plus près au
sujet, chacun ayant valeur d’entité autonome et caractérisant un aspect,
un temps particulier, visant à satisfaire l'esprit et l'oeil. Corollai-
rement, le nombre de personnages est réduit et l'ordonnance se modifie.
L’unité de temps et l'unité d'action sont renforcées, comme dans le Ju
gement de Salomon (fig. 29) et l’Eliëzer et Rëbecca du Louvre (fig. 26).
En général, les personnages sont groupés selon une unité de sentiment.
La composition (presque toujours’en bas-relief) joue sur la confrontation
de deux centres psychologiques. Ce schéma prévaut par exemple, dans Moïse
foulant aux pieds la couronne de Pharaon (fig. 23), son pendant Moïse et
Aaron devant le Pharaon (fig. 24) ainsi que dans la Femme Adultère (fig.33)
et la Mort de Saphira (fig. 34).
3. Le problème des unités et la Querelle de 1'Académie de Saint-Luc.
La théorie des péripéties touche donc le problème fondamental de la
règle des unités (le problème des unités ne concerne d'ailleurs que les
tableaux â péripéties) . Il faudrait peut-être la mettre en relation avec
la position adoptée par Poussin dans la Querelle de 1'Académie de Saint-
Luc .
Le débat, que tous s'accordent à situer vers les années 1630-35, met
en cause les deux partis qui définissent les deux principales orientations
de la peinture d'histoire au XVIIe siècle en Italie. Les deux tendances
réfèrent à des pratiques théâtrales. le désaccord semblait porter non sur
45
le refus d’une peinture-théâtre, mais davantage sur le sens même du
deuxième terme, “par la peinture-spectacle, les uns privilégiaient les
formules de la mise en scène à grand déploiement, alors que les autres,
en se ralliant à la tragédie, refusaient certains éléments de cette mise
en scene a grand déploiement .
Au début des années 1630, Andrea Sacchi peint la Divine Sagesse
dans un plafond du Palais Barberini, dont le modello était déjà réalisé
en 1631. Il n’a mis en scène qu’un nombre restreint de figures, qu'il
s'attache à caractériser en fonction du contenu moral. Sacchi a conçu
son oeuvre comme un quadro riportato et la composition, qui n'est pas
sans quelque concession à l'autre tendance (ex. les nues), en transcen
dant les formes, vise à établir un espace de la conscience qui, en soi,
se situe à une certaine distance du réel, à l'image de la tragédie.
Dans le même temps, Pierre de Cortone commence son «opéra fabuleux»,
la Divine Providence, dans le plafond du Grand Salon du même palais Barbe
rini. Les figures multiples, qui lui permettent de composer des effets de
masse et de les accorder en rythmes dynamiques, en font une peinture-épopée.
La composition célèbre les formes dans leur aspect terrestre, plus immédiat.
Ainsi le problème semble porter sur la question du nombre des figu
res, qui fait intervenir directement la composition et l'expression.
Cortone (qui, succédant à Lanfranco, fut Prince de 1'Académie de 1634 à
1638) défendait la cause des compositions à grand déploiement (en s'inspi
rant de l'école vénitienne) et soutenait que de telles compositions ne
pouvaient tenir compte des propositions «sacchiennes». il admettait
46
aussi l'importance des considérations dramatiques, comme l’unité d’ac
tion, qui pouvait être maintenue par la dépendance des épisodes au thè
me principal, et le principe du décorum.
Sacchi, pour sa part, favorisait la concentration où, comme dans la
tragédie, l'effet est d'autant plus puissant que le nombre de personnages
est restreint. Ceci l'amena tout naturellement à accorder plus d'impor
tance à l'expression des passions, au resserrement psychologique, qui con
tribue à la densité de l'oeuvre.
Il n'y a guère lieu de douter que Poussin s'intéressa au conflit, mais
il est toutefois impossible d'affirmer qu'il y prit directement part. Il
était lié avec Duquesnoy, dont la Sainte Suzanne (1633) prouve son allégean
ce au parti de Sacchi (avec qui.il était lié par ailleurs), et fréquenta
l'atelier de Sacchi pour y dessiner d'après modèle vivant, probablement dès
novembre 1630. C'est à ce moment que Poussin, dans les assises théoriques
qu'il se donne, se tourne vers la doctrine classique. Sa position dans le
conflit peut se qualifier de mitoyenne entre la variété de Pierre de Corto-
ne et le dépouillement d'Andrea Sacchi. Il a su concilier les termes oppo
sés en faisant tout dépendre du sujet: son argument de base résidait dans
le fait qu'on pouvait introduire un grand nombre de personnages, en autant
que le sujet le permît. L'emploi des péripéties assurait l'unité d'action,
tout comme l'emploi des modes assurait l'unité d'expression.
Le De Arte Graphica (1667) de Ch. A. Dufresnoy, qui présente plus d'un
recoupement avec le théâtre, peut nous donner une idée, un aperçu de la« .... ^ 23 •formulation esthétique qui suivit ce débat , du point de vue des classi-
47
cisants. Abordant le problème des figures, il écrit que «comme une comé
die est rarement bonne quand il y a un trop grand nombre d’acteurs, de
même il est bien rare et presque impossible de faire un tablèau parfait,
lorsqu'il s'y trouve une grande quantité de figures (»».) Cependant, si
vous y êtes contraint par le sujet, il faudfa concevoir le tôùt-ensemble
et l'effet de l'ouvrage comme tout d'une vue, et non pas chaque chose en
particulier . Que l'on compare ici avec l'Abbé D'Aubignac, suivant le
quel «on peut mettre et faire agir dans une scène tant d'acteurs que l'on
voudra, pourvu que le nombre, et leurs discours ne confondent en rien l'in
telligence des spectateurs (et qu'ils rendent) une couleur tirée dé la vé25rité de l'action»
48
NOTES
1. «La silhouette des objets et des individus se profilant sur un dé
cor correspond à la règle édictée par Alberti, qui commandait la
pose du modèle et la seule considération des parties simultanément
visibles, sous un certain angle et sous une certaine lumière, des
objets figurés, dans leur relation apparente de situation les uns
par rapport aux autres», P. Francastel, Histoire de la Peinture
française, II, p. 14.
2. Per Bjurstrom, «Espace scénique et durée de l’action dans le théâtre
italien», Le lieu théâtral à la Renaissance, C.N.R.S., 1964, p.75.
3. Mikel Dufrenne cité par Tadeus Kowzan, Littérature et Spectacle,
p. 21.
4. Voir à ce propos, T.E. Lawrenson, «Ville imaginaire, décor théâtral
et Fête», Les Fêtes de la Renaissance, I, C.N.R.S., 1956, p. 425-430.
Pour la fête, on transformait la ville, on la «transfigurait» par
des décors fictifs, pour lui donner l’allure antique (ex. arcs, pyra
mides...). La comédie, entre autres, reprendra ce décor «contaminé».
Voir également André Chastel, «Le lieu de la Fête», Les Fêtes de la
Renaissance, I, C.N.R.S., 1956, p. 421; Jean Jacquot, «Drame poétique
et fête théâtrale», Actes des Journées internationales d’Etude du Ba
roque, II, Montauban, 1967, p. 5-19. Voir également, pour le dévelop
pement, la note 6.
49
5. Voir A. Blunt, Nicolas Poussin, I, p. 94. «The setting with its
steep perspective view of a town, is like the Petit Palais «Mas
sacre» and the «Woman taken in adultery», though in this case it
is taken precisely from Serlio's reconstruction of the tragic sce-
ne» (in Blunt, op. cit., fig. 89).
6. Voir le dessin de II Ricio pour l'Ortensio, 1561, reproduit dans
Dramaturgie et Société, I, C.N.R.S., fig. 158-A.
7. N. de Montreux cité par Victor Fournel, Curiosités théâtrales, p. 24.
8. Aristote, Poétique, VIII, 4.
9. Ibid., XVII, 5-6. «L'Incendie du Bourg», de Raphaël (Vatican, Chambre
de la Signature, 1515) est composé suivant les principes même d'Aris
tote. Raphaël a voulu représenter une «catastrophe» mettant en scène
le feu, le peuple menacé et le salut (l'intervention du pape) qui for
ment trois temps d'une action. Ils évoquent donc un drame en trois
actes. Il s'agit en fait d'une unité séquentielle, établie sur la
correspondance entre progression temporelle, progression spatiale et
progression psychologique: le côté gauche de cette composition symé
trique représente la cause (le feu); le côté droit, l'effet (l'eau
pour éteindre le feu); au centre-arrière se situe la fin du drame.
10. Lettre à Chantelou, 28 avril 1639, op. cit., p. 21, lettre no. #11;
voir également lettre à Chantelou, 20 mars 1642, p. 122, lettre no.
#56.
11. Félibien, op.cit., p. 141.
50
12. D'Aubignac, Pratique du Théâtre, p. 83-84. Il a recours, tout au
long de son traité, à la comparaison peinture-théâtre.
13. Ibid., p. 84.
14. On pourra rétorquer que Poussin s’est inspiré des bas-reliefs an
tiques. Mais qu’évoquent ces bas-reliefs, sinon des scènes repré
sentant un passage, le déroulement de la vie d’ici-bas à celle de
l'au-delà. Voir même seulement la vie d’ici-bas: par exemple le
frise du Parthénon.
15. Voir, pour ce qui suit, l’excellent article de Jacques Thuillier,
«Temps et tableaux: la théorie des «péripéties» dans la peinture
française du XVIIe siècle», Actes du XXIe Congrès International
d’Histoire de l’Art (Bonn, 1964), vol. III, Berlin, 1967, p.191-206.
16. «La péripétie étant dans le poème tragique un dénouement de la fable,
d’autant que par son arrivée tout commence à décliner et qu’on voit
toute l'histoire se précipiter vers la fin, il ne faut pas qu’une
partie si considérable de soi, et qui doit être ménagée de tant d'é
conomie, se voie deux fois dans un corps, où elle serait inutile,
importune et monstrueuse». La Mesnardière, cité d'après Jacques
Scherer, La Dramaturgie classique en France, p. 83.
«Je ne veux point omettre ici une chose qui est en faveur de la
Poésie, c'est que les Episodes font d’autant plus de plaisir dans
la suite d’un Poème qu'elles y sont insérées et liées impercepti
blement; au lieu que la peinture peut bien représenter tous les
faits d’une Histoire par ordre en multipliant ses tableaux; mais
elle n'en peut faire voir ni la cause, ni la liaison», Roger de
51
Piles, Cours de peinture par Principes, p. 453.
Notons que Poussin lui-même a utilise le mot épisode: «Le subiec
de Leurope est forbeau remply d'épisodes for goûtés», Lettre à
Chantelou, 22 août 1649, op. cit., p. 404, lettre no. 173.
Mentionnons enfin que dans la tragédie grecque, les épisodes
(par rapport à la péripétie) désignent des subdivisions purement
quantatives de la pièce (Jacques Scherer, La dramaturgie classi
que en France, p.95). Jean Suberville (Théorie de l'Art et des
genres littéraires, ed. de l'Ecole, Paris, 1948, p. 282) souligne
que les épisodes sont des actions incidentes autour de l'action
principale, qui doivent sortir du fond même du sujet, alors que les
péripéties sont des passages subits d'une situation donnée à une
situation contraire.
17. Félibien, op. cit., p. 183.
18. Ibid., p. 184-185.
19. Ibid., p. 185.
20. Ibid., p. 186.
21. Ibid., p. 186.
22. Dans la pratique cependant, les choses sont loin d'être aussi tran
chées. Certaines oeuvres d'Andrea Sacchi sont quasi aussi mouvemen
tées que celles de Cortona. En revanche, nombre de compositions de
Pietro Cortona observent les règles fondamentales de celles de Sac
chi.
52
23. Dufresnoy était d’ailleurs à Rome dès les années 1633-34.
24. C. A. Dufresnoy, «L’Art de peindre», ch. XV, v. 152-161, in C.
H. Watelet, L'Art de peindre, p. 197-199. Nous citons quelques
images à titre d'exemple d'influence théâtrale: «la machine de
votre tableau»,«imitez ici Melpomène, la Tragédie Soeur de la
Peinture», «la scène du tableau»... exemples qui sont bien ap
pliqués dans son tableau Le Songe de Nausicaa (coll. Czemin,
Vienne), reproduit in Gazette des Beaux-Arts, t. 12 (1925), p. 171.
25. D'Aubignac, op. cit., p. 271 et p. 274.
CHAPITRE III
LA THEORIE DE L'EXPRESSION
«Toutes les figures qu'on y voit jouent leur personnage selon le Temps qu'il fait» (Poussin).
1. Analyse des passions: peinture et poésie.
Si chez Poussin, la représentation est fonction du sujet et l'imi
tation, fonction de l'action, la conception de l'action est inséparable
de l'expression des «affetti» qui rendent toujours actuels et nouveaux
les sujets anciens . Dans une lettre à Chantelou à propos de 1'Extrême
Onction (deuxième série des Sacrements), Poussin écrit que Cassiano dal
Pozzo, qui possédait la première série des Sacrements, «a esté estonnë
de voire sur un mesme subiec une disposition si diuerse et des actions
de figures toutte contraires aux siennes»^.
La synthèse des divers moments du récit qui composent l'action uni
fiée est conditionné par l'analyse psychologique.
(La figure elle-même que Poussin a privilégiée dans les premières an
nées de sa carrière, n'est encore que le moyen concret, visible, pour ma
nifester un état d'âme). Il va sans dire que la pensée de l'artiste prési
de au choix des éléments du récit qui, chez Poussin, s'effectue selon le
principe des «Belles Idées»; «je vous ei escris que pour votre respect je
seruirois Mo de Lysle Je lui ei trouué la pensée. Je veux dire la con-
ception de l'idée et l'ouurage de l'esprit est conclu» . Et à propos d'une
54
Vierge commandée par Chantelou, il écrit encore: «la pensée en est ares-
II semble qu’il faille encore établir une relation entre l’expres
sion des passions, qui caractérise la peinture du XVIIe siècle, et le
mouvement théâtral. Puisque l’on fait relever la peinture et le théâtre
de la Poésie, il doit nécessairement y avoir un lien commun: l’analyse
des passions (qui sera aussi le moyen terme entre théâtre et musique).
C’est elle qui permet au peintre de rivaliser avec le poète tragique.
Chapelain, l’un des principaux artisans de la doctrine classique, tient
que la peinture des moeurs et des passions est la principale vertu de la
poésie.
Mais derrière le théâtre et la peinture se profile toujours la dis
cipline rhétorique . Corneille disait que l’expression des sentiments,
partie essentielle du poème dramatique, «a besoin de la rhétorique pour
peindre les passions et les troubles de l’esprit, pour consulter, délibé
rer, exagérer ou exténuer»^. Le Père Nicola Caussin, dans son traité Elo
quent ia sacrae et humanae parailela?, consacre un chapitre spécial aux
passions qu’il examine et analyse suivant les «charàcteres epidicti» (tels
avarice, ambition, haine) et les «fontes eloquentiae» (les figures bril
lantes, ardentes). Il insiste particulièrement sur la notion de «tempe-
rentia» car «comme les cordes d’une guitare ne doivent être ni trop ten-
dues, ni_flottantes par excès de relâchement, de même pour les passions» .
Il crée de plus une «étourdissante galerie de masques» tirés du répertoi
re mythologique, héroïque, allégorique, auxquels il prête un discours vrai
semblable.
55
2. Analyse des passions: L'Art du geste.
La rhétorique se rattache encore, en tant que source de référence
commune entre le théâtre et la peinture, à la célèbre notion de cathar
sis dont l'idéal est atteint par l'art du geste permettant d’exprimer
les sentiments â éveiller chez le spectateur. Le but premier et avoué
du rhétoriqueur, du moins tel qu'entendu par Quintilien et Cicéron aux-9
quels on se référait au XVIIe siècle, est de toucher le spectateur .
Qu’il s’agisse d’un discours politique ou philosophique, de la conquête
d’un auditoire ou de la séduction d’un juge, il est toujours question de
langage passionnel assumé par le geste, car «l’importance du geste pour
l’orateur est suffisamment visible du seul fait que même sans les paroles,
il fait comprendre la plupart des choses». C’est là la notion même
d’«Actio» qui désignait tant l’interprétation du texte dramatique que cel
le du texte judiciaire. «Est actio quasi sermo corporis» (Cicéron) (le
discours corporel est un commentaire, une mise en scène du discours ver
bal) . Voilà qui devait satisfaire un esprit comme celui de Poussin, pour
qui la manifestation de l’idée, sa mise en scène, sa représentation (dis
cours mental versus discours pictural) était si importante.
Quintilien pose à priori que le geste touche l’âme en agissant sur
la vue (l’un des deux sens par lesquels toute impression pénètre l’âme).
«Et il n’est pas étonnant que ces gestes, qui, après tout, comportent
quelque mouvement, produisent une impression profonde sur l’âme, quand la
peinture, qui est un ouvrage silencieux et qui fixe des attitudes immua
bles, agit sur notre sensibilité la plus intime au point d’avoir parfois
l’air d’être plus éloquente que la parole même»^^.
56
Cicéron est encore plus explicite: «à tout mouvement de l'âme
correspond en quelque sorte naturellement son expression de physiono
mie, son accent et son geste propre, et tout le corps de l'homme, toute
sa physionomie, tous ses accents vibrent comme les cordes d'une lyre,
selon le mouvement de l'âme qui les met en branle (...) Mais comme les
passions de l'âme, que l'action doit avant tout mettre en lumière ou imi
ter sont souvent si confuses (...) il faut s'attacher aux traits saillants• ~~ -12 qui les mettent en relief» .
La puissance cathartique potentielle de l'oeuvre, tant picturale que
théâtrale, qu'elle relève de l'ordre de la sensation-émotion et/ou de l'or
dre intellectuel (comme chez Poussin), est fonction de la vérité de l'imi-
tatipn. Pour satisfaire pleinement cette exigence, le peintre, à l'exemple
du comédien et de l'orateur, doit d'abord éprouver lui-même les passions de
13 l'âme qu'il veut représenter, penser son oeuvre dans «l'état passionné»
Mais, pour traduire ces états d'âme sans déroger aux principes de vraisem
blance et de bienséance, le peintre pouvait-il s'appuyer sur des répertoi
res de gestes, des traités offrant un code gestuel-narratif?
Chez les Grecs, la caractérisation d'après les gestes ou l'allure re
levait des conventions dramatiques et fut intégrée à la rhétorique. C'est
peut-être par ce biais qu'elle parvint jusqu'au XVIIe siècle. Nous re
trouvons au livre XI des Institutions oratoires de Quintilien (que Pous
sin connaissait), une description formelle de plusieurs gestes en fonc
tion de divers mobiles d'interprétation. Le rhéteur insistait en les ana
lysant sur les traits physiques qui agissent comme catalysateur d'expres
57
sion, tels les mains, les yeux, les sourcils. Mais à quelque niveau
que ce soit, le geste de l’orateur doit s'harmoniser avec le sens de
son discours: «c'est d'ailleurs ainsi que procèdent les comédiens qui
se font de leur art une idée un peu plus sérieuse». C'est aussi la
méthode que semble avoir adoptée Poussin, suivant l'exemple du Domini-
quin.
Ces préceptes formels ont été repris dans certains traités des XVIe
et XVIIe siècles. René Barry, par exemple, dans sa Rhétorique française
(1653), décrit ainsi le geste de la franchise: elle «veut qu'on éloigne
les bras l'un de l'autre, et qu'en ouvrant les mains, on les tourne dehors,
parce que la franchise déployé les plis de l'âme, et que les mains tour
nées en dehors marque ce dëployement»^.
L'Abbé Du Bos, abordant la «Saltatio» dans ses Réflexions critiques
sur la poésie et peinture, authentifie, d'une manière indirecte, l'exis
tence d'un système de codification des gestes.
L'art de la «Saltatio» (ou Art du geste) relèverait de la musique
«hypocritique ou musique «contréfaiseuse». l'un des genres musicaux (chez
les Grecs: «Orchesis» et chez les Romains: «Saltatio»). S'inspirant d'Aris
tide Quintilanus, Du Bos écrit que cette musique démontre et enseigne à
faire avec grâce et mesure tous les mouvements dont le corps est capable
et qu'elle a sa méthode et ses règles bien établies. Il mentionne que
Saint Augustin en avait donné sensiblement la même définition, sans l'ex
pliquer davantage, disant que ces choses étaient connues de tous ceux qui
montaient sur le théâtre.
58
Du Bos pose à priori que le sens qu’attribuaient les Anciens qu
mot danser se rapportait à «une gestuelle d’accompagnement» et non à son
acceptation moderne. Il appuie son affirmation sur Platon, Aristot, Tite-
Live, Maxime, Apulée, Lucien, Quintilien, Cassiodore: «nos ancêtres ont
appelé Musique muette celui des Arts musicaux, qui montre à parler, sans
ouvrir la bouche, à dire tout avec les gestes, et qui enseigne même à
faire entendre par certains mouvements des mains, comme par différentes
attitudes du corps, ce qu'on aurait bien de la peine à faire comprendre par un discours suivi»^7. Ainsi la danse du choeur grec serait à entendre
18 comme la «démonstration» des sentiments évoqués
Chez les Romains, la formule se serait davantage développée. La dé
clamation se partageait entre deux acteurs, l'un prononçant et l'autre
exécutant les gestes. La musique «hypocritique» doit alors s'aider de la
musique rythmique car les deux acteurs doivent respecter une commune mesu
re. La pantomime, d'origine romaine, représente l'aboutissement de la for
mule où l'art du geste devient autonome et pleinement signifiant: «aussi,
comme le dit Saint Augustin, tous les mouvemens d'un Pantomine signifioient
quelque chose. Tous les gestes ëtoient des phrases, pour ainsi dire, mais19 seulement pour ceux qui en avoient la clef»
Ce jeu scénique s'appuyait-il sur certaines conventions, était-il ré
gi par des traités de codification, au même titre que le dramaturge était
tenu de respecter les règles de composition et le comédien, celles de l'in
terprétation? Du Bos mentionne qu'au-dessus des vers apparaissaient en. . . . 20 notes les gestes que devaient faire les histrions, mesure par mesure
Le principe de la convention des décors en fonction du genre dramatique
59
s’applique aussi aux gestes. Du Bos donne d'ailleurs la classification
des recueils de gestes particuliers à chaque genre .
La filiation de cet art du geste est atteste par Du Bos qui men
tionne la publication en 1616, à Vicence, chez Grossi, d'un volumineux
traité sur cet art de s'exprimer par signes, l'Arte de Cenni de Giovanni
Bonifacio . Les nombreux traités du XVIIIe siecle s inscrivent-ils dans
le prolongement de cette tradition? Par exemple, Joseph de la Porte et
Sébastien Roch-Nicolas Chamfort dans leur Dictionnaire dramatique (1776),
parlent de la convention du demi-cercle pour la mise en scène a plusieurs23personnages, le personnage principal occupant le centre . Ceci n'est pas
2 A sans évoquer le schéma de la Disputa de Raphaël ainsi que celui du Par-
nasse (Madrid, Prado) de Poussin (qui emprunta â Raphaël).
Tous ces éléments ne prouvent cependant pas que Poussin était familier
avec ces traités pour l'élaboration de son code de gestes. Il n'en demeu
re pas moins qu'ils témoignent de l'existence d'une tradition de notation
de la communication visuelle.
Par ailleurs, en peinture, le privilège accordé au langage corporel
n'est certes pas un phénomène nouveau au XVIIe siècle. La doctrine de
l'expression avait déjà ses prémices au XVIe siècle et les décrets du Con
cile de Trente (1563) contribuèrent grandement au renouvellement de l'in
térêt des artistes pour l'expression de la vérité du sujet, au lieu de n'en
considérer que la beauté plastique. Et parallèlement à l'utilisation des
ressources de l'expression, centrée sur l'art du geste, apparaît l'élabo
ration d'un code gestuel déjà manifeste chez Léonard de Vinci par exemple.
60
Les maniéristes tardifs tentèrent d’ailleurs de systématiser cette tra
dition. Par exemple, Lomazzo, dans son livre sur le mouvement, dans son
traité de 1584, aborde la classification des émotions humaines et la des-
cription des gestes et des expressions du visage qu’elles font naître .
A peu près dans le même temps, Ingegneri codifie l’expression de la voix26et la signification des gestes de scène . Poussin connaissait, entre
autres, les traités de Lomazzo, de Léonard. Ne projeta-t-il d’ailleurs
pas d’illustrer celui de ce dernier? Alberti accordait une grande impor
tance à l’habileté du peintre de rendre les émotions par le geste et l’ex
pression du visage et d’amener par ce fait, le spectateur à la catharsis,
Mais c’est surtout chez Léonard que cette théorie de l’expression se déve
loppe en s’enracinant dans l’observation empirique. Selon lui, la meilleure
façon de bien composer les groupes de figures dans la peinture d'histoire
est d'observer et de considérer les attitudes et les actions des hommes au
naturel 27t c’est lui qui a proposé d'accorder les gestes au mobile dra
matique :
«quand tu veux représenter quelqu'un parlant dans un groupe de personnages, considère d'abord la matière qu'il doit traiter, et comment ordonner ses gestes pour qu'ils s'accordent avec son sujet (...) par exemple si le sujet comporte divers raisonnements, celui qui parle prendra entre deux doigts de sa main droite un doigt de la gauche, en repliant les deux plus petits, le visage animé, tourné vers le peuple, et la bouche entr'ouverte comme s'il parlait»^”.Ainsi «une peinture ou toute représentation de figure doit être faite de façon que ceux qui la voient puissent aisément connaître, par les attitudes, le concept de l'âme»29. et «cette figure est plus louable, dont l'attitude exprime le mieux la passion qui l'anime»^^.
L'un des rares théoriciens du début du XVIIe siècle, Monseigneur
Giovanni Battista Agucchi (1570-1632), précurseur de l'idéalisme clas
sique, préconisait une peinture noble, conçue en termes de poésie drama
61
tique et de puissance dans l’expression des émotions humaines («affetti»).
Notons que Poussin fut peut-être en contact avec le manuscrit d’Agucchi
par l’entremise de Dominiquin (avant son départ pour Naples) pendant l’hiver 1634-35.31
Franciscus Junius, dans son De pictura veterum (1637), que Poussin
connaissait et qui a contribué à l’affirmation du mouvement classique en
France, préconisait aussi l’étude des sentiments, qui vient en quatrième
place dans sa classification des parties de la peinture; «de l’invention
du sujet se tirent des pensées sublimes et variées, et l'oeuvre s'illumine. 32 .de tout l'éclat des passions» • Par ailleurs, c'est l'expression qui com
mande la narration de la peinture, son discours, puisque «le mouvement rem
place souvent toute espèce de paroles». De ce fait, le visage, et plus par
ticulièrement les yeux, les mains elles-mêmes parlent et pour qui sait bien
lire, «il y a dans toute physionomie comme une image de moeurs qui ne peut
tromper un regard perspicace»33.
Roger de Piles, qui aurait fréquenté Poussin à Rome, insiste encore sur
l’expression des passions, perceptibles non seulement par les mouvements du
visage, mais par ceux du corps tout entier: «il me semble, dit Damon, que
c'est dans le caractère des passions de l'âme, que le peintre fait voir ce-34lui de son génie» . S'appuyant sur Cicéron et Quintilien, De Piles dis
tingue deux formes de mouvements dans les passions: les pathétiques qui
commandent et troublent et les moraux qui apaisent et persuadent. Il in
siste tout particulièrement sur le fait que les passions doivent pouvoir
se lire sur le visage et surtout dans les yeux (Descartes, Des passions
de l'âme, article 112, dit la même chose); les mains, qui «obéissent à
62
. 35la tete», contribuent encore a faire de la peinture un langage universel
Selon Félibien, Rubens avait laissé «un petit traité contenant une
recherche exacte des actions de l'homme, lesquelles il a dessinées confor
mément aux plus belles descriptions qui se trouvent dans les meilleurs poë- tes»36.
Même si les spéculations sur l'art dramatique commandent l'essentiel de
L'esthétique du XVIIe siècle^?, même si les disciplines artistiques sont per
méables et profitent des acquis qui jalonnent leur progrès, chacune des dis
ciplines trace et suit son propre développement. Les théoriciens du théâtre,
par exemple, proscrivaient les tragédies à sujet chrétien, car «l'esprit de
notre religion est directement opposé à celui de la tragédie. L'humilité et
la patience de nos saints sont trop contraires aux vertus des héros qui de-
mande le théâtre» . Cette règle s'accorde mal au Jugement de Salomon, aux
Moïses de Poussin»
La notion de mimésis, appliquée à l'expression des passions, conduit à
l'imitation de la tragédie grecque , à laquelle on emprunte une technique
de composition, une sorte de «praxis» tragique fondée sur la raison. Le
fait essentiel, dans cette approche, réside dans la caractérisation de cha
que figure, non pas dans le sens d'une individualisation, mais bien dans le
sens d'une généralisation individualisée, car l'action tragique doit toujours
se situer à une certaine distance de l'humanité «concrète», pour en dégager
une signification universelle. Aristote préconisait l'imitation d'actions,
de modèles héroïques exemplaires qui mettaient en scène des sentiments no
bles. Cette définition du statut du personnage a réorienté l'expression
63
(chaque figure devant être traitée et particularisée en fonction de l’ac
tion) et amené de nouvelles formules de composition et de distribution scé-40nique
D’autre part, tout comme le peintre doit choisir le moment le plus
chargé de sens et d’expressivité pour résumer l’histoire ou la fable, ainsi
il doit rechercher le geste essentiel qui donnera au personnage toute sa
force d'expression. Dans les deux cas, il doit assumer l'immobilité spa
tiale et temporelle de la peinture par rapport à la mobilité du théâtre.
Ainsi l'attitude, en peinture, rend par une pose et un geste uniques, la
séquence que peut accomplir le commédien sur la scène.
3. La représentation des passions dans les oeuvres de Poussin.
La grande majorité des oeuvres de Poussin met en lumière l’importance
qu'il accorde, pour rendre l’expression, «au langage du corps» et aux «mou
vements des figures» (Poussin). «En parlant de la peinture, (Poussin) dist
que de mesme que les 24 lettres de l'alfabet servent à former nos parolles
et exprimer nos pensées, de mesme les lineamens du corps humain a exprimer
les diverses passions de l’ame pour faire paroistre au dehors ce que l'on a dans l'esprit»^. Poussin suit en cela les préceptes d'Aristote, des rhé-
toriqueurs, des dramaturges, de Léonard de Vinci. Cependant, comme le re
commandait Quintilien, nous ne croyons pas qu'il faille chercher une tra
duction littérale des attitudes choisies par Poussin, d’autant plus que
l’attitude de ses figures, régies par un canon, se situe déjà à une certai
ne distance du réel. Les figures, oeuvres de raison, renvoient à la sélec
tion qui préside au dessein de ces figures: incarner un moment du sujet qui
lui-même incarne un état d'âme, un sentiment.
64
Cette transmutation du sujet orientée vers la représentation d’un
état d’âme constitue l’aboutissement de la recherche de Poussin. Elle
est par le fait même moins perceptible dans les premières oeuvres où la
représentation équivaut à la transcription narrative du sujet, comme dans
les tableaux reprenant les sujets des amours mythologiques, la Bacchanale
à la Joueuse de luth (Paris, Louvre), le Midas devant Bacchus (Munich, Alte
Pinakothek). Déjà cependant, des oeuvres telles le Massacre des Innocents
(fig. 1), le Triomphe de Flore (fig. 3), le Martyre de Saint Erasme (Rome,
Vatican, Pinacothèque) annoncent un intérêt pour le mouvement et les expres
sions très caractérisées.
Cette tendance à transcrire davantage le sujet par le mouvement de l’ac
tion, s’accentue au cours des années 1630-1640. La recherche de Poussin sem
ble alors porter sur la relation langage corporel-action qui suppose une plus
grande intégration de tout le corps. Cette recherche joue sur deux plans.
Dans certains tableaux comme l’Empire de Flore (fig. 5), la Bacchanale de
vant un terme (Londres, National Gallery), les Bacchanales Richelieu, la re
présentation s’articule sur une description très physique du mouvement. Le
thème de la danse est significatif à cet égard. L’expression est ainsi pro
posée à travers une ordonnance souple et animée. Les visages sont souriants,
les bras et les jambes décrivent des arabesques, comme celle décrite par
exemple, par le personnage féminin à droite, au troisième plan, dans la co
pie de la National Gallery de Londres, du Triomphe de Silène. Dans d’autres
tableaux, cependant, comme la Peste d’Asdod (fig. 4), 1*Enlèvement des Sa
bine s du Louvre (fig. 16) et du Métropolitain, le Jeune Pyrrhus (fig. 4),
le mouvement est dramatisé. L'expression des visages se particularise tout
autant que celle des corps et les attitudes sont énergiques. L'action s’in
65
tensifie d’ailleurs dans le sens d’une situation conflictuelle.
La Manne (fig. 17) représente en quelque sorte un tableau charnière.
Lorsque Delacroix écrivait de Poussin qu’il ne réveillait presque jamais
d’idée par d’autres moyens que la pantomime plus ou moins expressive de
ses figures4 , il aurait pu se référer à ce tableau. Les expressions di
versifiées que l'on y rencontre traduisent moins un mouvement qu’elles ne
représentent différents états d’âme ou réactions psychologiques devant le
miracle. Les divers groupes, chacun caractérisé par une attitude différen
te, pivotent autour de Moïse et Aaron «qui sont comme les deux héros de son43sujet»
Dans sa correspondance, Poussin lui-même raconte qu’il a trouvé «une
certaine distribution pour le tableau de M. de Chantelou, et certaines at
titudes naturelles, qui font voir dans le peuple juif la misère et la faim
où il était réduit, et aussi la joie et l’allégresse où il se trouve; l’ad
miration dont il est touché, le respect et la révérence qu’il a pour son
Législateur, avec un mélange de femmes, d’enfants et d’hommes d’âge et de
tempéraments différents; choses, comme je crois, qui ne déplairont pas a
ceux qui les sauront bien lire» . Et il précise dans une autre lettre,
«touchans les mouvement des figures (...) quelles sont celles qui lan
guissent, qui admire, celles qui ont pitié, qui font action de charité, de
grande nécessité, de désir de serepestre de consolation, et autres, car
les sept première figure à main gauche vous diront tout ce qui est icy es-
crit et tout le reste est de la mesme estoffe: Usés l’histoire et le ta-.45 bleau afin de cognoistre si chasque chose est apropriée au subiect»
66
Cette description de tempéraments, de caractères et d’états différents
n'est pas sans évoquer une certaine parenté avec la Rhétorique d’Aris
tote qui proposait, pour l’imitation d’une action tragique, de tels mo
dèles .
Malgré quelques écarts (voir la Manne, le Passage de la Mer rouge
...), Poussin conserve le type de composition en frise qui lui permet
de concentrer au premier plan les protagonistes, â la manière des pro
tagonistes grecs. Le Jeune Pyrrhus sauvé (fig. 11) et les deux Camille
et le Maître d’école de Faléries illustrent bien cette formule. Dans le
Camille (Los Angeles, Norton Simon Foundation, fig. 10), les protagonis
tes sont appuyés en contrepoint par un choeur inscrit dans un axe paral
lèle, alors que dans le Pyrrhus, les deux choeurs sont répartis à gauche
et à droite. Le plan le plus directement accessible au spectateur, comme
le devant de la scène au théâtre, propose de ce fait l’expression la plus
intense du sujet.
Ainsi dans le Frappement du Rocher (Golspie, coll. duc de Sutherland,
fig. 9), l’accent est-il mis sur les différentes attitudes des personnages,
témoins de sentiments divers, qui découlent du geste de Moïse relégué au
deuxième plan. Ce geste de Moïse est, en soi, plus statique; les réactions
qu’il provoque offrent par contre la diversité d’expressions que Poussin
recherchait.
Après l'épisode parisien, l’expression dramatique se renforce. Pous
sin réduit le nombre des personnages et cerne son sujet par quelques atti
tudes catalysatrices. Dans la Continence de Scipion (Moscou, Musée Pouch
kine, fig. 21), dont l’épisode rejoint le répertoire du théâtre parisien
67
de cette période l'expression joue sur la reconnaissance. Trois
gestes l'expriment: le geste de don de Scipion, le geste de reconnais
sance proprement dit du fiancé et celui de la captive rendue à son fian
cé. Dans la Crucifixion de Hartford (fig. 22), l’attitude de Marie ca
talyse toute l'expression du tableau; son geste est à la fois supplique,
abandon et expression d'impuissance humaine face à ce drame. Le Corio-
lan des Andelys (fig. 32) joue pour sa part sur le geste de supplique, re
présenté six fois, jusque dans l'attitude même de l'enfant de Coriolan.
De telles attitudes théâtrales qui concentrent l'expression du drame
apparaissent encore dans le Christ et la femme adultère (fig. 33), où le
personnage féminin au centre du tableau évoque l'accablement, et dans la
Mort de Saphira (fig. 34), où la pose de Saphira indique clairement l'orien
tation tragique du drame.
Poussin, après avoir cherché à approfondir la relation corps-action
puis la relation corps-action-sujet, cherche maintenant à faire ressortir
de façon plus probante le contenu moral du sujet, comme par exemple le thè
me de la grâce divine dans l'Eliézer et Rëbecca. Pour ce faire, il dévelop
pe son sujet comme s'il s'agissait d'une «peinture parlante». Il prête aux
personnages un discours verbal articulé suivant les principes du dialogue.
L'action est ainsi concentrée dans le visage et dans les mains, comme dans
l'Eliézer et Rëbecca, le Jugement de Salomon, la Femme adultère et la Mort
de Saphira. Derrière cette expression s'est glissée en transparence la
raison: «et sur mes passions, ma raison souveraine» (Corneille, Polyeucte).
Ce jeu intellectuel d'analyse psychologique commande une lecture, impose
un parcours au regard du spectateur, lequel s'articule sur le regard même
des personnages.
68
Dans 1’Eliëzer et Rëbecca (fig. 26), le drame se joue surtout dans
1’échange des regards. Les deux héros ou protagonistes sont d’ailleurs
placés au centre du premier plan, rapprochés l’un face à l’autre; l’échan
ge des regards, soutenu par cette disposition, nous permet d’identifier
clairement ces deux personnages principaux. Le groupe de droite, dont le
regard des figures converge vers les deux protagonistes, renforce la si
tuation. Le regard du personnage de gauche (la femme vêtue de vert qui
verse l’eau) agit un peu comme contrepoint et équilibre la composition fon
dée sur un schéma en «V» ouvert sur l’arrière-plan. Par-delà cette dispo
sition qui concerne davantage le mouvement de l’action, le regard évoque
le lien direct et par ce fait la réaction psychologique des figures fémi
nines par rapport à cet événement. C’est ici qu’opère la «phantasia» de
Poussin car il a réussi, à partir d’une scène qui ne requérait pas tant de
figurants (le texte biblique ne mentionne que Rébecca), à diversifier son
tableau par ces «transformateurs de l'action en passion» que sont les yeux^?.
La vue, au XVIIe siècle, joue un rôle déterminant dans le rapport que
l’homme entretient avec le monde. Cependant, selon les modes d’appréhen
sion, elle peut impliquer divers niveaux de conscience et ainsi être soumi
se à des fins multiples. Le XVIIe siècle visait surtout à rendre percep
tible et compréhensible par les sens ce qui est du domaine de l'esprit.
Il cherchait donc à donner, sous l'impulsion de la Contre Réforme, une réa
lité vivante à des entités spirituelles ou à des concepts abstraits selon
une plus grande authenticité de sentiments.
Ainsi la vue est considérée comme un intermédiaire, un condensateur
qui transfère, par les images, une certaine énergie à l'intellect48 Ces
69
images, selon les diverses modalites du sentiment qui y sont rattachées,
sont donc susceptibles de convaincre, d’émouvoir, d’éveiller des émo
tions religieuses ou autres, et de plaire. Le regard, par les relations
vectorielles qu’il crée, impliquant toujours un vu et un voyant, anime
l'oeuvre picturale, inanimée en elle-même. Non seulement l'oeil est un
lien physique entre les personnages, puis entre les personnages et le
spectateur, mais encore, un lien psychologique par l'expression même qui
lui est dévolue. Dans le Paysage de l’homme au serpent (fig. 27), Pous
sin met justement en valeur le rôle du regard, tant chez les acteurs que
chez le spectateur: l'atténuation progressive vers le plan médian de l'é
vénement pathétique est fonction de la participation visuelle.
La vue est, pourrions-nous dire, pour Poussin, ce que l'oreille est
aux dramaturges. A l'exemple de ces derniers qui utilisent le verbe pour
créer un discours à l'intérieur duquel l'action se meut et se transforme en
passion, Poussin utilise la vue qui lui permet de créer un discours pictu
ral où sont conciliées raison (évoquant une certaine stabilité) et expres
sion (évoquant un certain mouvement). Cette transformation de l'expression
demeure liée en tous points à l'intériorisation du drame, à un transfert du
physique au psychologique (tout comme le théâtre du XVIIe siècle marque le
passage d'un théâtre d'action à un théâtre du sentiment). Cette intério
risation va également de pair avec une plus forte caractérisation de chaque
personnage, principalement au niveau des mains et du visage, ce qui dénote
une analyse plus profonde des «affetti». Cette caractérisation, dans le
Jugement de Salomon (fig. 29)par exemple, s'adapte parfaitement au mobile
dramatique qui met justement en scène les passions humaines. Observons
70
particulièrement la force d’expression du visage de la protagoniste de
droite (la «méchante mère»), par opposition à l’impassibilité du visage
de Salomon.
Poussin s’attachait donc à dégager l’idée principale du sujet, le
message essentiel du texte qu’il utilisait comme source de référence, et
à la rendre accessible en la traduisant par le geste. Le geste traduit
alors un sentiment parce que l’implication morale du sujet, son contenu
didactique que Poussin veut amener à la conscience du spectateur, est de
l’ordre des sentiments. Les sentiments sont toutefois soumis à la raison
car Poussin ne cherchait pas tant à représenter un spectable qu’à traduire
par les moyens de la représentation ses «Belles Idées», la morale et l’i
déal du philosophe stoïque. Plus globalement, mais suivant la même idée,
la pensée pré-structurée de l’artiste, par la réflexion, sélectionne un
mode de composition dans lequel l’ensemble des gestes des figures est ré
gi par la règle de l’unité des sentiments. Et comme le geste de chacun des
personnages naît du fond même du sujet (l’idée principale), ou de l’émotion
essentielle, les gestes que l’artiste leur fait exécuter naissent de sa mé
ditation interprétant le sujet en le réduisant à l’essentiel. Ainsi chaque
geste participe à un tout qui est lui-même discours, «geste» qui traduit
la pensée et à travers lequel le spectateur doit recevoir une impression,
ou mieux: «lire» la pensée du peintre.
On peut alors établir un certain parallélisme entre la démarche de
Poussin et celle du rhétoriqueur et du comédien, à partir du principe même
de la correspondance entre l’action magique du verbe et l’action magique
71
du geste. Cette hypothèse pré-suppose l’acceptation de l’origine magi
que du théâtre où, tant chez les Egyptiens que chez les Grecs, celui-ci
a d’abord représenté les «Mystères». Cette représentation usait d’élé
ments auxquels on accorde une valeur magique, le verbe et le geste. L’un
et l’autre, en tant qu’action, donnaient ainsi forme à un contenu abstrait,
l’incarnaient, afin que ce contenu puisse accéder à l’entendement humain et
agir sur lui. On peut donc supposer que le langage gestuel, rituellement
connoté à l’origine, s’est maintenu dans sa forme alors que la référence
magique s’est perdue ou du moins, n’a en tout cas plus été prise en consi
dération (sinon dans le secret; on peut noter, par exemple, un phénomène
semblable pour les rites gestuels de la messe chrétienne).
.49On soupçonne Poussin de s’être intéressé de près à l’ésotérisme
/Aurait-il fait des emprunts au théâtre pour exprimer justement cet ésoté
risme? La prudence cependant nous empêche de l’affirmer d’une manière cer
taine, l’état actuel des recherches sur cet aspect de l’oeuvre de Poussin
ne le permettant pas. Nous pouvons tout de même retenir l’hypothèse du ges
te entendu comme action magique. Cette idée réfère ici au sens premier de
la magie: le geste catalyse l’action, l’émotion, le sentiment. Il est le
point-relais d'une énergie concentrée en vue d’un certain effet à produire.
Au théâtre, le comédien transmet directement cette énergie au public, alors
que le peintre la transmet indirectement. La fonction cathartique de l'art
pourrait en ce sens présider à ce type de transmission d'énergie. Rien ne
nous interdit de penser qu'Aristote voyait dans la catharsis plus qu'une
simple «purgation». L'influence de la pensée pythagoricienne, dont on re
connaît aujourd'hui le caractère ésotérique, a pu jouer sur Aristote, com
me elle a joué sur Platon (Aristote fut d'ailleurs formé à l’Académie de
Platon).
72
Pour mettre davantage en lumière l'importance du langage corporel
chez Poussin, nous avons dressé un tableau des principaux gestes qu'il a
utilisés. Ce répertoire démontre comment le nombre de gestes est somme
toute assez réduit. Ces gestes réfèrent d'autre part à un langage que
l'on pourrait presque qualifier d'archétypal. Ils font encore partie de
notre expression quotidienne et l'on est en droit de supposer qu'ils fu
rent également utilisés sur la scène. Certaines correspondances entre les
gestes utilisés par Poussin et des préceptes établis l'attestent de façon
indirecte. On en retrouve, en tout cas, plusieurs dans de nombreux ta
bleaux contemporains et dans certains traités de l'époque, concernant tant
le théâtre que la peinture (voir INFRA., pp. 1X1-132) . Dans d'autres cas, fau
te de document pertinent, on ne peut qu'avancer une certaine influence pos
sible. Ainsi, par exemple, le geste d'autorité et certaines attitudes très
théâtrales comme celle d'Herminie coupant sa chevelure pour étancher le
sang du héros dans le Tancrède et Herminie (Leningrad, Ermitage); celle du
personnage féminin se tirant les cheveux dans le Massacre des Innocents
(fig. 1), geste traditionnel depuis l'antiquité pour exprimer un sentiment
douloureux particulièrement intense. Dans le meme ordre d'idées, mais
touchant l'expression plus générale, on peut se demander si le côté gauche
et le côté droit, en rapport avec le côté cour et le côté jardin au théâ
tre, ne jouent pas un rôle déterminant. Il y aurait peut-être lieu aussi
de se demander si Poussin ne leur a pas prêté un sens ésotérique. Autant
chez les Grecs que dans la Tradition chrétienne, par exemple, la bi-pola-
rité joue un rôle important dans le symbolisme. Ainsi la gauche est géné
ralement passive et néfaste, par opposition à la droite, active et faste;
le mot latin «sinister» (gauche) a d'ailleurs donné en français «sinistre».
73
En Extrême-Orient, par contre, les valeurs sont inversées. L’antithèse
de la droite et de la gauche n’a cependant rien d’une opposition absolue
puisque «le matin (gauche) donne ce que le soir (droite) reprend» ou en
core, suivant le texte même du «Cantique des Cantiques», «son bras gau
che est sous ma tête et sa droite m’étreint».
Dans quelques tableaux, le personnage noble qui incarne l’autorité
est situé à gauche, assis sur un trône ou debout (voir l’Enlèvement des
Sabines du Métropolitain et du Louvre, le Camille et le maître d’école de
Falëries de Los Angeles et de Paris, La Continence de Scipion de Moscou,
le Moïse foulant aux pieds la couronne de Pharaon et le Moïse changeant en
serpent la verge d'Aaron du Louvre). Par contre, dans le Salomon, ce per
sonnage est au centre, alors que dans Esther devant Assuërus et Coriolan,
il est à droite.
Mentionnons enfin, à propos de l’analyse des mouvements des figures,
que plusieurs significations peuvent se rattacher au même geste, allant
de la simple nuance à l’opposition. C’est le propre même du langage de
prêter sa plasticité à la volonté de l'homme. Et Poussin à partir de quel
ques gestes fondamentaux, a su tirer une grande variété suivant le sens du
sujet, l’expression et l’attitude du personnage et l'expression plus globale
du tableau. Par exemple, l'attitude du personnage aux bras étendus de cha
que côté du corps avec les mains ouvertes, peut signifier soit la supplique,
l'imploration, soit la frayeur, la surprise, soit le don et/ou la réceptivité^ . (Voir pour le répertoire des gestes, 1'Appendice A).
74
4. Le principe du Décorum.
Il importe de souligner que malgré la caractérisation des gestes
et des attitudes, tant individuelles que collectives, Poussin ne s’é
carte pas de l’exigence de vraisemblance, rattachée à la peinture con
çue comme imitation: «il étudiait en quelque lieu qu'il fût. Lorsqu’il
marchait par les rues, il observait toutes les actions des personnages
qu’il voyait; et s’il en découvrait quelques'unes extraordinaires, il en faisait des notes dans un livre qu'il portait exprès sur lui»^. Ce souci
de vraisemblance, en plus de satisfaire au regard, favorise la délecta
tion d'ordre intellectuel qui est intimement liée à l'idée de «catharsis».
L'émotion ne saurait être gratuite et demeure rattachée au plaisir de l'es-
prit, l’âme ne pouvant être touchée sans l'accord de la raison . Par
exemple, dans Les aveugles de Jéricho (Paris, Louvre), l'action particu
lière, selon un travail de l'esprit, y est traitée de manière à faire res
sortir un caractère général et «c'est ce qui est cause de la joie qu'on re-
çoit en le voyant» . Le principe de la lecture du tableau, cher a Pous
sin, sous-tend cette conception. Pour que les figures éveillent, inspi
rent de pareils mouvements dans l'âme des spectateurs, il faut «apprendre
de leurs actions mêmes non seulement ce qu'elles font, mais ce qu'elles
pensent»^. En ce sens, la théorie des modes, comme nous l'avons souli
gné, fournissait à Poussin des modèles-types de caractère expressif (l'é
thos des modes) qui déterminaient d'emblée les moyens à mettre en oeuvre
«et de faire de tels sentiments que son sujet les inspire dans l'âme de
ceux qui le voyaient, de la même sorte que dans la musique ces modes dont
je viens de parler émouvaient les passions»
75
Et ceci nous amène tout naturellement à la notion de convenance ou
«décorum» puisque chez Poussin l’expression est soumise à ce principe,
qui relève de la doctrine Ut Pictura Poesis. Horace recommandait de
«respecter le rôle et le ton assignés à chaque oeuvre (...) et de mar
quer les moeurs de chaque âge et donner aux caractères, changeant avec56les années, les traits qui conviennent»J . Alberti, acceptant ce prin
cipe horatien, établit le mouvement des figures selon leur âge, puis cha
que partie du corps proportionnellement aux autres parties. Les figures
doivent également être proportionnées entre elles. Léonard souligne que
tous les éléments doivent «convenir» au mobile dramatique: «observe le
décorum, c'est-à-dire le fait que l'action, le costume, le décor et les
circonstances soient appropriés à la dignité ou à l'infériorité des cho
ses que tu veux représenter»^ . L'expression, le langage corporel, se
conde exigence de la peinture, doit être convenable et diversifiée selon i 58les personnages
Cette notion se précise vers le milieu du XVle siècle: tout dans une
peinture doit être approprié, tant à la scène dépeinte qu'à l'emplacement
pour lequel elle est destinée (ce qui valut, entre autres, à Michel-Ange
d'acerbes reproches de la part d'une certaine critique pour l'indécence de
ses nus dans la Chapelle Sixtine). Elle acquiert donc une implication mo
rale. Au XVIIe siècle, le principe de l'«Ars imitâtio naturae» amplifie
cette règle: on doit respecter l'exactitude archéologique, la vérité his
torique et la stricte logique du décor. Pour Roland Fréart de Chambray,
«ce costume qui est proprement à dire un stile sçauant, une expression,
une conuenance particulière et spécifique à chaque figure du sujet qu'on
76
traitte» , s’adresse à l’esprit. Félibien le définit pour sa part comme
«ce qui regarde la convenance dans toutes les choses qui doivent accompagner une histoire»^. Ainsi il exprime la science de l’ouvrier. Il diver
tit par la nouveauté et enseigne des choses qui satisfont l’esprit et plai
sent à la vue.
Mais c’est chez Du Bos qu’on trouve la définition la plus complète du
«décorum», qu’il désigne sous le terme de «vraisemblance poétique», par
opposition â «vraisemblance mécanique».
Elle «consiste a donner à ses personnages les passions qui leur conviennent, suivant leur âge, leur dignité, suivant le tempérament qu’on leur prête, et l'intérêt qu’on leur fait prendre dans l’action. Elle consiste à observer dans son tableau ce que les Italiens appellent il Costumé, e*est-â-dire, à s’y conformer a ce que nous sçavons des moeurs, des habits, des bâtiments et des armes particulières des peuples qu’on veut représenter. La vraisemblance poétique consiste enfin â donner aux personnages d’un tableau leur tête et leur caractère connu (...) Quoique tous les spectateurs dans un tableau deviennent des Acteurs, leur action nëamoins ne doit être vive qu’a proportion de l’intérêt qu’ils prennent â l’événement (...) Il faut représenter les lieux où l’action s’est passée, tels qu’ils ont été (...) Les mêmes régies veulent encore qu’on donne aux différentes nations qui paroissent ordinairement sur la scène des tableaux, la couleur de visage et l'habitude de corps que l’Histoire a remarqué leur être propre (...) avec leurs vêtemens, leurs armes et leurs étendarts (...) qu'on se conforme â celleg^de leurs coutumes qui ont du rapport avec l’action du Tableau»
La doctrine classique fait relever le «décorum» des bienséances.
Cette règle, qui régit l’harmonie de l'oeuvre dans son ensemble, sous-tend
la théorie des moeurs, la règle de vraisemblance dans son application aux
«peintures» de caractère et la présentation du spectacle. Elle se pré
sente ainsi sous deux aspects, â savoir la relation entre l’objet et sa
propre nature (interne) et la relation entre l'objet et le sujet (externe),
77
les bienséances externes étant la mesure des bienséances internes.
Le réalisme historique, qui pose cette règle comme exigence, est
cependant limité par les connaissances archéologiques peu développées
à l’époque. Ainsi dans la tragédie, on ne visait pas tant à recréer
une scène-lieu exacte qu’à créer un lieu irréel, à la fois antique et
moderne, situé en dehors du commun et du quotidien, où pouvaient s’af
fronter à l’état pur les passions. Dans les tableaux, par contre, les
peintres introduisent des palmiers et des obélisques pour les épisodes se
passant en Egypte. Les palais cependant étaient grecs ou romains parce
qu’on ne connaissait pas l’architecture égyptienne. L’obélisque, les py
ramides ou les palmiers apparaissent chez Poussin notamment dans Moïse expo
sé sur les eaux (Dresde, Gemaldegalerie), la Peste d’Asdod du Louvre, le
Jeune Pyrrhus sauvé du Louvre, le Moïse sauvé des eaux du Louvre, (inv.
7271), le Saint Jean à Patmos (Chicago, Art Institute), le Moïse sauvé
des eaux du Louvre (inv. 7272) et celui de Bellasis House (coll. Derek
Schreiber), le Repos pendant la fuite en Egypte (Leningrad, Ermitage)
et dans Moïse enfant foulant aux pieds la couronne de Pharaon (Woburn Ab-
bey, coll. duc de Bedford).
Le «décorum»constitue l’un des soucis majeurs de la recherche de
Poussin dans les oeuvres de sa maturité. Dans un témoignage qui laisse
deviner que le peintre était au courant des développements théâtraux de
son époque, Félibien rapporte même qu’il satisfaisait mieux à ce princi
pe que les auteurs dramatiques: «il dist encore que nos poètes qui tra-
vailloient aux pièces de théâtre ne sçavoient point le coustume, c’est
à dire faire entrer les personnages dans les sentiments des héros, des
78
nations et des personnes qu'ils veulent représenter» . Dans une lettre
à Jacques Stella, Poussin lui-même écrit, au sujet du Pyrame et Thisbë,
que «toutes les figures qu'on y voit joûënt leur personnage selon le63temps qu'il fait»
S'adressant toujours à Stella, mais cette fois au sujet du Frappe
ment du rocher (1649, Leningrad, Ermitage, fig. 28), il rétorque à ceux
qui avaient trouvé
«à redire sur la profondeur du lit où l'eau coule, qui semble n'avoir pu être fait en si peu de temps, ni disposé par la nature dans un lieu aussi sec et aussi aride que le désert où étoient les Israélites (»..): qu'il est bien-aise qu'on sache qu'il ne travaille point au hasard et qu'il est en quelque manière assez bien instruit de ce qui est permis à un Peintre dans les choses qu'il veut représenter, lesquelles se peuvent prendre et cg^sidërer comme elles sont encore ou comme elles doivent êtreb\ Qu'apparamment la disposition du lieu où ce miracle se fit devoit être de la sorte qu'il l'a figurée, parce qu'autrement l'eau n'auroit pu être ramassée, ni prise pour s'en servir dans le besoin qu'une si grande quantité de gguple en avoit, mais qu'elle se seroit répandue de tous côtés» .
Sur quoi Poussin remonte même, pour se justifier, à la création du monde
où Dieu disposa toutes choses avec ordre et rapport, à laquelle fin il
perfectionna son ouvrage. On sent bien ici jusqu'à quel point ce souci
d'exactitude, de logique interne, dans les rapports des éléments de l'oeu
vre entre eux, s'appuie sur un intellectualisme, une raison seule garante
du sens de l'oeuvre.
Ce principe des convenances permet encore à Poussin de se glorifier
de quelque nouvelle invention qui témoigne, en plus de la variété qu'elle
crée, d'un souci archéologique. Dans une lettre à Chantelou, Poussin é
79
crit: «je suis sur le point de vous commencer un second tableau, de la
pënitencse où il y aura quelque chose de nouuéau, particulleremt le tri- cline lunaire quils apelloint Sigma y sera obserué pontuellement» &.
Il ajoute par ailleurs que ce tricline, qui sera chose nouvelle à voir,
ne sera pas sans lui procurer un certain plaisir ’ •
Quant aux «pareogues» (ornements ou incidents ajoutes à l’histoire)
tels la procession de prêtres aux têtes rasées, le coffre qui contient
les reliques de Sërapis et autres éléments introduits dans Le repos pen
dant la fuite en Egypte (1648, Leningrad, Ermitage), Poussin spécifie que
«tout cela nest point fait aisi pour me l’estre imaginé». Il s’est en ef
fet inspiré d’une mosaïque de Palestrina, qu’il devait connaître par l’in
termédiaire de Cassiano dal Pozzo qui s’y était intéressé. Il ajoute en
core qu’il a mis en «ce tableau toutes ces choses là pour delecter par la
nouueauté et variété et pour montrer que la Vierge qui est là représentée„ . 68 est en Egipte»
Au sujet noble doit correspondre, selon le principe du décorum, le
rendu noble. En ce sens, la «matière sur laquelle le Peintre fait effort
étant fort grande, son premier soin doit être de s’éloigner de tout son
pouvoir des minuties, pour ne pas contrevenir au décor de l’histoire»
L’idéalisation de ses figures, composées selon le canon de la statuaire
antique et qu’on lui a souvent reprochée, peut, à première vue, sembler
ne pas s’accorder avec le «décorum» qui posait l’exigence de vraisemblan
ce dans l'imitation. Le modèle antique lui fournissait cependant le point
de référence le plus vraisemblable et le plus noble pour les «choses incor
porelles». Il était donc le plus susceptible d'être en accord avec la ma
tière. Ce style de figure stéréotypée, savamment construite, n’est d’ail
80
leurs pas loin des personnages tragiques de Corneille et de Racine.
En ce sens, le masque, que Roland Barthes définit comme «une méta
physique des essences psychologiques», soutient la comparaison car le
«personnage classique est un masque éternel naissant douloureusement à lui-même»? . Imitant une «dramatis persona» (archétype magique, modèle),
il réactualise de ce fait une «imago» originelle. Il est médiateur entre
la génération moderne et la tradition ramenée à son principe. Tant en Ita
lie qu’en France, le XVIIe siècle a tenté de retrouver, de réactualiser le secret de la «virtus» et de la «venustas»romaines?. Derrière le visage
du héros, qui n’est qu’un masque, se profile l’idée platonicienne , pui
sée à même le fond universel. Avant la transformation définitive, cepen
dant, se déploie le jeu des passions, qui implique un double jeu de masques
(psychologiques et verbaux (masques de mots, «figurae»)). Ce sont ces der
niers qui fondent la visibilité théâtrale et créent dans l’esprit du spec
tateur le «relief» de la vision intérieure. La tragédie classique, tout
comme la peinture de Poussin, est «cosa mentale».
Chez Poussin, la référence au masque est parfois directe, comme dans
1'Enlèvement des Sabines du Louvre (1637-38, fig. 16) où la tête du Sabin
courant â droite témoignerait, selon Jacques Thuillier, d'une allusion di
recte aux masques de la tragédie antique dont il restait de nombreuses fi-. 73gurations . Comme accessoires, les masques apparaissent notamment dans
le Triomphe de Pan (Paris, Louvre), la Bacchanale d’enfants (Rome, coll.
Incisa délia Rochetta), le Parnasse, le Bacchus Apollon ou Bacchus et Eri-
gone (Stockholm, Nationalmuseum). La figure du personnage féminin qui sou
81
tient Saphira, dans la Mort de Saphira (fig. 34), pourrait aussi se ré
férer à un masque, ainsi que celle du personnage féminin qui tente d’ar
rêter le soldat dans le Massacre des Innocents du musée Condé (fig.l).
Parfois aussi, à un autre niveau, la référence est plus subtile et ce,
particulièrement dans les oeuvres postérieures aux années 1640, après le
retour de Paris. L’analyse psychologique d’un thème, indissociable de la
compréhension de l’action chez Poussin, préside au choix des expressions
et des attitudes. Les personnages sont alors particularisés en fonction
de leur participation émotive, intérieure au conflit: ils incarnent un état
d’âme. A ce titre, ils peuvent se définir comme les protagonistes des tra
gédies grecques, dont le masque servait à fixer le «relief intérieur», c’est-
à-dire le caractère. Par là-même, le masque participait d’une certaine im
muabilité qui, transcendant le personnage, révélait une composante fonda
mentale de la nature humaine. C’est également ce sens que réassume le per
sonnage de la tragédie classique du XVIIe siècle.
Dans le Jugement de Salomon (fig. 29), par exemple, que Poussin au dire
de Bellori considérait comme la meilleure de ses oeuvres, l'exagération des
attitudes démontre encore plus clairement le caractère de chaque protagonis
te. Sont définis, comme personnages principaux, la «femme méchante», la
«femme bonne», et le juge impassible et sage. La même caractérisation peut
être observée dans Le Christ et la femme adultère et La Mort de Saphira.
Et il ne faudrait pas omettre le fameux Autoportrait du Louvre (1650) (fig.
31)peint pour Chantelou, qui dans un sens n’est pas sans évoquer un masque.
Le visage de la muse, qui apparaît du côté gauche, se rapproche des mas
ques tragiques grecs. Le troisième-oeil que celle-ci porte en couronne ne
82
fait-il pas référence à ce pouvoir qu’a la conscience humaine de voir par-■> 74 . .....delà les masques ... Il pourrait encore signifier le fondement de la pein
ture dans l'intelligence.
Toujours en rapport avec la notion de «décorum», nous pouvons relever
la présence de motifs qui, tout en concourant à la vérité de l’oeuvre, ac
centuent l’expression ^5. Par exemple, dans le Jugement de Salomon (fig.
29), la disposition en deux groupes des personnages se répercute dans le
motif symétrique des deux portes, repris par les deux colonnes encadrant le
trône de Salomon. La rigidité des lignes de ces motifs accentue la tension
dramatique. Les droites sévères de l’architecture «cubiste» du Christ et
de la femme adultère (fig. 33) et de La Mort de Saphira (fig. 34), tout en
stabilisant le décor, accentuent, par contraste, les droites rompues des per
sonnages. Dans le Germanicus (fig. 2), le mouchoir qui dissimule le visage
d'Agrippine est aussi un motif qui, en évoquant une passion extrême, renfor
ce l’expression.
L’évolution de la démarche de Poussin concernant l’expression pourrait
se résumer en trois temps. Après avoir insisté sur l’intégration du corps à
l’action, Poussin s’attarde davantage sur la liaison de l’action au sujet,
pour enfin faire correspondre l’ensemble du tableau à l’état d’âme qu’il vou
lait dépeindre. L’élaboration d’un langage corporel très caractérisé, l’é
puration du décor, la concentration, le resserrement du sujet autour du fait
le plus chargé d’intensité dramatique sont soumis à la règle de la convenan
ce, celle-là même qui a peut-être suscité l’orientation d’une telle recherche.
83
NOTES
1. Voir le passage intitulé «De la nouveauté», dans Bellori, op. cit., p.496.
2. Lettre à Chantelou, 14 mai 1644, in op. cit. , P- 268, lettre n. 108.
3. Lettre a Chantelou, 22 décembre 1647, in op. cit •, P • 376, lettre n. 157
4. Lettre *• a Chantelou, 11 mai 1653, in op. cit. » P- 430, lettre n. 192.
5. Voir première partie, Poussin dramaturge, pp. 20-23.
6. Corneille, «Les trois discours sur le poème dramatique», in R. Mantero,
Corneille critique, p. 189.
7. Ce traité eut six éditions entre 1619 et 1643 et contribua à poser les
assises rhétoriques de la tragédie française dès sa parution.
8. N. Caussin, cité d’après M. Fumaroli, op. cit., p. 249.
9. Le triple but de l’orateur, selon Cicéron, De l'Orateur, liv. II, XLIV,
est de prouver, plaire et émouvoir.
10. Quintilien, Institutions oratoires, liv. XI, 3, 65.
11. Ibid., XI, 3, 67.
12. Cicéron, De l’Orateur, III, LVII, 216 et 215.
13. Voir Aristote, Poétique, VI, 2 et XVII, 3; Horace, L’Art poétique, CIII:
«si vous voulez que je pleure commencez par ressentir vous-mêmes de la
douleur», Cicéron, op> cit., II, XLIV, 185; Roger de Piles, entre autres,
réassumera la validité de ce précepte. Le Dominiquin, pour qui Poussin
eut une admiration sans borne, défendait aussi ce principe.
14. Quintilien, op. cit., XI, 3, 89.
15. René Bary, cité par D. H. Roy, «Acteurs et spectateurs à 1'Hôtel de Bour
gogne, vers une notation de la communication théâtrale», Dramaturgie et
société, I, C.N.R.S., p.293.
84
16. Du Bos, Réflexions critiques sur la Poésie et la Peinture, p. 300.
17. Cassiodore cité par Du Bos, Réflexions critiques sur la Poésie et la
Peinture, p. 247 (nous donnons la pagination originale). Meursius au
rait composé un dictionnaire sur ce sujet, voir Ibid., note b, p. 232.
18. Du Bos, op. cit., p. 262.
19. Ibid., p. 289.
20. Ibid., p. 259.
21. Ibid., p. 253; l’Emélie pour la tragédie, le Cordax pour les comédies et
le Sicinis; pour le drame satyrique.
22. Ibid., p. 310.
23. Consulter l’article très bien documenté et illustré de Dene Barnett.
«The Performance practice of acting: the Eighteen Century». in Theatre
Research International, vol. Il’, no 3 (1977). vol. III, no. 1, (1978),
vol. III, no 2 (1978) et vol. V. no 1 (1979-1980). Notons qu'ici encore,
les traités affirment l’influence de la rhétorique.
24. Per Bjurstrom, op. cit., p. 91, mentionne que ce schéma apparaît aussi
dans les dessins de Buontalenti, ainsi que dans des gravures d’Epifanio
d’Alfiano et d’Agostino Carrache pour des Intermèdes de 1589.
que Poussin, I, p. 242.
25. Voir A. Blunt, La théorie des arts en Italie, 1450-1600, p. 201.
26. Per Bjurstrom, op . cit., p. 83.
27. Léonard de Vinci, Carnets, II, p. 217.
28. Ibid., p. 205.
29. Ibid., p. 229.
30. Ibid., p. 221.
31. Boir Denis Mahon, «Poussin au carrefour des années’30», Actes du Collo'
85
32. Junius cité par A. Fontaine, Les doctrines d'art en France, p. 25.
33. Ibid., p. 29-30. A noter l’étroite parenté avec la discipline rhé
torique.
34. Roger de Piles, Conversations sur la connaissance de la peinture, p.271.
35. Roger de Piles, Cours de peinture par principes, p. 162-200.
36. Félibien cité par P. Desjardins, La méthode des classiques français, p.
221 (note 1).
37. Jacques Thuillier, «La notion d’imitation dans la pensée artistique du
XVIIe siècle, Critique et création littéraire en Fran
ce au XVIIe siècle, C.N.R.S., 1974, p. 372.
38. Saint Evremond cité d’après René Bary, Formation de la doctrine classique,
p. 293.
39. Ou encore, par extension, à l'imitation de la peinture et de la sculpture
grecques. Mais n'oublions pas que la caractérisation de la nature morale
des protagonistes grecs, de l'expression des sentiments qui les animent,
qui conduira même les artistes à peindre des attitudes pathétiques, serait
due, pour une bonne part, à l'influence des héros du théâtre et, plus par
ticulièrement, à l'usage des masques à caractères inventés par Eschyle, à
l'époque hellénistique; voir a ce sujet, L. Séchan, op. cit., p. 55.
40. Dans l'exemple de Raphaël, cité en note 9, p. 49, la caractérisation de
chaque figure est fonction du moment de l'action et de son temps psycho
logique. L’expression est ainsi soumise au mobile dramatique. Chaque
figure a sa «pensée» et sa compréhension de l'événement qui conditionne sa
participation.
41. Journal de Félibien, 26 février 1648, manuscrit inédit, cité d'après Jac
ques Thuillier, «Pour un Corpus Pussinnanum», Actes du Colloque Poussin,
II, p. 80.
86
42. Delacroix cité par Paul Desjardins, op. cit., p. 207.
43. Fëlibien, op. cit., p. 178.
44. Lettre à Jacques Stella, 1639, in op. cit., p. 4-5, lettre no. 2.
45. Lettre à Chantelou, 28 avril 1639, in op. cit., p. 21, lettre no. 11.
46. On pourrait d’ailleurs supposer que le séjour de Poussin à Paris ait
pu l’amener a la connaissance plus ou moins directe des événements théâ
traux qui s’y déroulaient à ce moment, comme la création du Cid de Cor
neille, au début des années’ 40. Le dessin de Médée tuant ses enfants
(Windsor Castle, Royal Library, in A. Blunt, The Drawings of Nicolas Pous
sin, fig. 68) que Blunt date dans la seconde moitié des années 1640, peut
évoquer un tel climat cornélien. Thuillier, dans Tout l’oeuvre peint de
Poussin, p. 83, mentionne que Poussin lors de son séjour à Paris aurait
réalisé, entre autres, des décors de théâtre.
47. C'est d’ailleurs un bon exemple de ce que Poussin, augmentant le nombre
des personnages pour expliciter le sujet, se rapproche parfois de Pierre
de Cortone.
48. Horace dans son Art Poétique, v. 180, écrivait que l'esprit est davantage
touché par les yeux que par les oreilles.
49. Communication orale à Marie-Nicole Boisclair de Jacques Thuillier, qui
s'intéresse a cet aspect peu abordé de l'oeuvre de Poussin. Le symbole
du serpent, entre autres, symbole majeur dans la tradition ésotérique,
pourrait donner lieu à une recherche plus approfondie. Il apparaît no
tamment dans Moïse devant le Buisson ardent (Copenhague, Statens Muséum
for Kunst) alors qu'il n’en n'est fait aucune mention dans le texte bibli
que, dans Le Temps et la Vérité (Paris, Louvre) particulièrement sous la
forme de l’Ouroboros et dans le Paysage au deux Nymphes (Chantilly, Musée
87
Condé) et dans Le Déjugé ou 1'Hiver des Quatre Saisons (Paris, Louvre). Le
personnage de Saint Joseph pourrait également se prêter à une étude de
ce genre, particulièrement tel qu'il est présenté dans La Sainte Famille
5 figures (dite La Madone à l'Escalier) (Paris, collection particulière);
on pourrait peut-être y découvrir des références à la Kabbale ou à 1'Al
chimie.
50. Nous présentons en Appendice «A» l'analyse des gestes sous forme de ta
bleau schématique afin d'en faciliter la lecture; les numéros entre pa
renthèses renvoient à la liste des tableaux jointe en fin d'Appendice et
comprenant le lieu de localisation et le nom du musée.
51. Félibien, op. cit., p. 29. Léonard recommandait sensiblement la même chose;
voir Carnets, II, p.217.
52. Corneille, avec son «pathétique d'admiration», «une tragédie qui n'excite
que de l'admiration dans l'âme du spectateur» (cité par R. Bary, op. cit.,
p. 319), s'appuyait sur une telle conception de la «delectatio».
53. Félibien, op. cit., p. 232.
54. Ibid., p. 169. Dans le même sens, Poussin, dans une lettre à Chantelou du
22 juin 1648 (in op. cit., p. 384, lettre n. 162) au sujet de la seconde
série des Sacrements, écrit: «Ces exemples ne seroint pas a l'auenture de
petit fruit rapelant l'homme par leur véùe à la considération delà vertu
et de la sagesse».
55. Ibid., p. 257.
56. Horace, Art poétique, v. 99 et v. 156.
57. Léonard de Vinci cité par A. Blunt, La théorie des Arts en Italie, 1450-
1600, p. 56.
58. Léonard de Vinci, Carnets, II, p. 234.
88
59. R. F. de Chambray, Idée de la perfection de la peinture, p. 54.
60. Félibien, op. cit., p. 123.
61. Du Bos, Réflexions critiques sur la poésie et la peinture, p. 267-277
(Ces quelques phrases indiquent assez clairement une influence théâtra
le) .
62. Journal de Félibien, 26 février 1648, d’après Thuillier, Actes du Col
loque Poussin, II, 1960, p.80.
63. Lettre â Stella, in «Correspondance de Nicolas Poussin» op. cit., p. 424,
lettre n. 188.
64. Poussin semble ici se référer à la distinction du possible et du vraisem
blable chez Aristote.
65. Lettre à Stella, in op. cit., p. 406, lettre no. 175.
66. Lettre à Chantelou, 30 mai 1644, in op. cit., p. 272, lettre no. 109.
67. Lettre à Chantelou, 4 février 1646, op. cit., p. 331, lettre no. 135.
68. Lettre à Chantelou, 25 nov. 1658, op. cit., p. 449, lettre no. 201.
69. Bellori, «Observations de...», op. cit., p. 494.
70. Marc Fumaroli, op. cit., p. 250.
71. Voir par exemple la scène de la descente aux enfers d’Enée (Enéide,
VI, 756-853), qui peut être considérée comme l’emblème de la dramatur
gie humaniste, «où le discours du vieil Anchise au jeune Enée qui por
te en lui l’avenir de Rome, illustre les Idées fondamentales de la civi
lisation romaine par l’apparition successive de masques qui sont autant
de moules préparés pour le visage de ses futurs hëraux», M. Fumaroli, op.
cit., p. 238. Voir aussi, dans le même sens, la notice de Jacques Thuil
lier, Tout l’oeuvre peint de Poussin, pour 1'Enlèvement des Sabines du
Métropolitain et du Louvre (n. 99 et n. 114).
89
72. Chez Poussin, nous l’avons déjà souligné, le passage intitulé «De l’idée
de Beauté», dans les «Observations» rapportées par Bellori (op. cit.),
est le seul écrit qui atteste d'une influence platonicienne.
73. J. Thuillier cité par Avidgor Arikha, «L’Enlèvement des Sabines de
Poussin», Petit Journal des Grandes Expositions du Louvre, no. 17, p. 21.
Du Bos, dans ses Réflexions critiques sur la poésie et la peinture, p. 203-
217, mentionne que les Grecs plaçaient après la définition de chaque per
sonnage, et sous le titre de «dramatis personae», un dessin du masque.
Il donne comme exemple «le manuscrit de Térence à la Bibliothèque du Roi»,
le «Térence de Madame Dacier». Il n’omet pas non plus de mentionner les
pierres gravées, les médailles, les ruines du théâtre de Marcellus «et de
plusieurs autres monuments» qui en reproduisent.
74. Ce fait n’est pas sans présenter quelqu’ambiguité, qui témoigne encore
de l’attitude marginale de Poussin. Par exemple, dans 1'Hercule au carre
four d’Annibal Carrache (Naples, Capodimonte, 1595-97), une femme à gauche
d'Hercule «lui montre le vice sous formes d'instruments de musique et de
masques de tragédie et de comédie» (R.E. Wolf, «La querelle des 7 arts
libéraux», Actes du Xle stage international de Tours, Renaissance, Manié
risme et Baroque, 1972, p. 280); dans La Luxure dévoilée par le temps de
Bronzino (Londres, National Gallery) et dans le Songe de Michel-
Ange, les masques sont encore symboles de fausseté et de duperie, signifi
cation par ailleurs appuyée par 1’lconologia de Cesare Ripa (voir Erwin
Panofsky, Essais d'iconologie, p. 125 et p. 306).
75. On peut noter, fort à propos, que Matisse, dans ses Notes d'un peintre,
écrivait que l'expression «est dans toute la disposition de mon tableau.
La place qu’occupe les corps, les vides qui sont entre eux, les propor
tions, tout y a sa part».
CHAPITRE IV
LE PETIT THEATRE
1. Les sources descriptives.
Jusqu’à présent, notre étude a porté sur l’aspect plutôt théorique
de l’oeuvre et de la démarche de Poussin. Mais il est un autre fait, plus
concret celui-là, qui peut encore nous permettre d’établir une autre paren
té avec le théâtre: le système de «la petite boîte». Nous devons toutefois
nous en tenir aux sources secondaires, témoignages de gens qui l’ont fré
quenté, tels Sandrart et Félibien, car il n’existe aucune mention de
Poussin à ce sujet. En revanche, l’emploi du modèle de cire pour
les personnages est attesté dans une lettre à Chantelou où, au sujet de la
décoration de la Grande Galerie, Poussin écrit: «j’ay fet des modelles de
cire que j’ay baillés à monsieur parlan affin de faire modeler les piédes
taux du dit ornement de la gallerie» .
Poussin aurait aussi modelé en cire une Ariane endormie (actuellement
au Musée du Louvre). Félibien rapporte d’ailleurs qu’avec François Duques-
noy, «comme ils étudiaient l'un et l’autre d'après les antiques, cela don-. 2na lieu au Poussin de modeler, et de faire quelques figures en relief» .
L'utilisation des modèles de cire n'est pas une invention de Poussin.- . . .3Tintoret, Barocci, El Greco avaient adopté cette technique avant lui . Se
lon Mariette, Tintoret «se contentait de modeler de petites figures qu'il
disposait sur un théâtre; il les éclairait ensuite et, lorsqu'il s'était
assuré de l'effet des lumières et qu'il était content de la disposition de
91
ses groupes, il se mettait sur le champ à peindre» .
L’auteur d’un manuscrit français rédige entre 1619 et 1625 (Biblio
thèque Nationale, ms. fr. 9155) conseille de faire l’ébauche d’un tableau
avec des statuettes d’argile, d’en étudier l’éclairage à la chandelle et
de résoudre les problèmes de perspective et de disposition des ombres et lumières en utilisant «une caisse de bois qui se desmonte» \
Joachim von Sandrart qui a fréquenté Poussin à Rome entre 1628 et 1635,
affirme que Poussin utilisait déjà cette méthode de travail: «Quand il se
proposait de peindre une composition, il étudiait soigneusement le sujet
puis jetait sur le papier deux ou trois légères esquisses de l’ordonnance
générale. S’il s’agissait d'une histoire, il prenait une planche divisée
en carrés, convenable a son projet, et y ordonnait des petites figures nues,
en cire, dans les poses nécessaires à l'expression de l'action d'ensemble.
Ensuite, pour représenter les draperies, il les habillait de papier mouillé
ou d’une fine étoffe, puis cousait ses draperies au moyen de fils qui lui
permettaient de placer les figurines à la distance appropriée au-dessus de
l’horizon; et c'est d’après ces maquettes qu'il peignait sa toile. Mais
pour exécuter ses tableaux, il se servait aussi de modèles vivants, et pre
nait son temps pour les étudier» .
Félibien pour sa part, mentionne qu’il ne commençait jamais «un ta
bleau sans avoir bien médité sur les attitudes de ses figures qu’il des
sinait toutes en particulier et avec soin (...) Il disposait sur une ta-
ble de petits modèles qu'il couvrait de vêtements pour juger de l'effet et
de la disposition de tous les corps ensemble» . L'indication du petit théâ
tre est ici très évasive.
92
Selon Bellori,
«lorsqu'il voulait faire ses compositions et qu'il en avait imaginé l’invention, il faisait d’abord une esquisse qui suffisait à la faire comprendre; ensuite il formait des modèles de cire de tous les personnages dans leurs attitudes, en petites figurines d’une demi-palme, et s'en servait pour composer l'histoire ou la fable en relief, pour voir les effets naturels de la lumière et de l'ombre des corps. Ensuite il faisait d'autres modèles plus grands et les vêtait pour juger d’autre part de l'arrangement et des plis des draperies sur le nu, et à cet effet se servait de toile fine, ou de toile de Cambrai mouillée, quelques petits morceaux de drap lui suffisant pour la variété des couleurs. De même il dessinait le nu, peu à peu d'après nature. Et les dessins qu'il faisait de ses inventions n'étaient que des esquisses spontanées, formées de traits rapides et d'un simple clair-obscur d'aquarelle, qu^ cependant donnaient toute leur efficacité aux mouvements et à l'expression» .
Ici encore, les esquisses précèdent le travail avec les modèles de cire, uti
lisés pour les études de lumière et de distribution. Mais Bellori ne donne
aucune indication concernant le petit théâtre.
Le témoignage de Le Blond de Latour, en 1668, est plus explicite et plus
détaillé.
«Cet homme admirable et divin inventa une planche Barlongue, comme nous l'appelons, qu'il faisoit faire selon la forme qu'il vouloit donner â son sujet, dans laquelle il fesoit certaine quantité de trous où il mettoit des chevilles, pour tenir ses mannequins dans une assiète forme et asseurëe, et les ayant placés dans leur scituation propre et naturelle, il les habil- loit d'habits convenables aux figures qu'il vouloit peindre, formant les draperies avec la pointe d'un petit bâton, comme je vous ay dit ailleurs, et leur faisant la teste les pieds, les mains et le corps nud, comme on fait cuex des Anges, les élévations des Païsages, les pièces d'Architecture, et les autres ornemens avec de la cire molle, qu'il manioit avec une adresse et une tranquillité singulière: Et ayant exprimé ses Idées de cette manière, il dressoit une boette Cube, ou plus oblongue que large, selon la forme de sa planche, qui servait d'assiette à son Tableau, laquelle boette il bouchoit bien de tous costés, hormis celuy par où il ouvroit (lire couvroit) toute sa planche qui soutenoit ses Figures, la posant de sorte que les extrimités de la boette tomboient sur celles de la planche, entourant ainsi et embrassant, pour ainsi dire, toute cette grande machine.
Ces choses estant préparées de la façon, il considéroit la disposition du lieu où son Tableau devoit estre mis. Si c'estoit dans une Eglise, il regardoit la quantité de fenestres, et remarquoit celles qui donnoient plus de iour à l'endroit destiné pour le mettre, si le iour venoit par de-
93
vant, par le cote, ou par le haut, s'il y venoit de plusieurs côtés, ou lequel dominoit davantage les autres. Et après toutes ces réflexions si judicieuses, il arrestoit l'endroit où son Tableau devoit recevoir son véritable jour, et ainsi il ne manquoit jamais de trouver la place la plus avantageuse pour faire des trous à sa boette, en la mesme disposition des fenes- tres de 1'Eglise, et pour donner tous les jours et les demy-jours nécessaires à son dessein. Et enfin il fesoit une petite ouverture au devant de sa boette, pour voir toute la face de son Tableau à l'endroit de la distance; et il pratiquoit cette ouverture si sagement, qu'elle ne causoit aucun jouretranger, parce qu'il la fermoit avec son oeil, en regardant par là pour dessigner son Tableau sur le papier dans toutes ses aptitudes, ce qu'il fai- soit sans y oublier le moindre trait ny la moindre circonstance; et l'ayant esquisse ensuite sur 1^ toille il y mettoit la dernière main, apres l'avoir bien peint et repeint» .
S'il développe abondamment la maquette et insiste sur la fonction de la
lumière en rapport avec le lieu de destination du tableau, il ne mentionne
cependant pas les dessins préparatoires. Fait intéressant, le petit trou cen
tral et frontal à partir duquel Poussin aurait opéré la transposition à la
deuxième dimension, n'est pas sans présenter quelque analogie avec le siège
central de l'orchestre, réservé au roi ou au prince, à partir duquel on établissait la perspective de la scène^.
La majorité des auteurs postérieurs s'appuient sur ces témoignages, Anthony Bluntil donne cependant une explication plus élaborée de la méthode,
qui tient compte des dessins préparatoires. Ainsi, une fois le sujet choi
si, Poussin se préparait par des lectures appropriées. Puis il faisait une
première esquisse très grossière. Il modelait ensuite de petites figures de
cire, les habillait et les plaçait sur sa scène, dans sa petite boîte, au
fond de laquelle il dressait un fond de paysage (on peut déjà noter ici le
contraste des figures en ronde-bosse en opposition au fond en aplat). Après
avoir joué avec ses figures et fixé les attitudes désirées, il faisait une
autre esquisse. Suivant le regard critique, il pouvait recommencer à jouer
94
avec ses figures, faire une autre esquisse et ainsi de suite, jusqu’à ce
qu’il trouve la disposition d’ensemble qui satisfasse tant l’harmonie que
le principe de clarté et de simplicité. Parvenu à ce stade, il modelait des
figures plus grandes, les revêtant à nouveau de draperies, à partir desquel
les il peignait.
La reconstitution de la maquette du petit théâtre de Poussin que A.. 12 ...Blunt reproduit fait comprendre la disposition des châssis latéraux, in
diquant les coulisses ou successions des plans. Ce fait est important puis
qu’il établit une certaine parenté d’aménagement avec la scène du XVIIe siècle.
Les fondements mathématiques et la théorie scientifique de la scène à
coulisses furent posés dès 1600 par Guido Ubaldus. Mais ce n’est qu’en 1628,
pour l’inauguration du Théâtre Farnèse de Parme, que ce système semble avoir. . . 13été utilise dans la scénographie de Francesso Guitti pour le Mercurio e Marte
Il fut perfectionné par Giacomo Torelli au cours des années 1640 (ce dernier
était en France en 1645), ainsi que par Guilio Troili (dit II Parnasso) et
Andrea Pozzo.
Ce système était lié à la création de l’encadrement du proscenium qui
masquait les côtés et le dessus de la scène et, par le fait même, l’isolait
de la salle pour en faire un lieu à part, une «boîte à illusions». Il per
mettait donc le changement de décor et les métamorphoses du lieu scénique
et modifiait considérablement par les nouvelles possibilités techniques qu’il14offrait, les jeux de lumière . La scene entièrement ouverte de la Renais
sance ne pouvait composer qu’avec une lumière neutre, inchangeable tout au
long de la représentation. Au XVIIe siècle, on pouvait varier les éclaira
95
ges en dissimulant des bougies derrière les coulisses. Les dramaturges
et metteurs en scène de l’époque surent tirer profit de la double nature
de la lumière, naturelle et émotionnelle, qui appelle la notion d'éclai
rage en peinture, et l'utilisèrent pour créer des effets. Dans la tragé
die, par exemple, la lumière a pour fonction de créer une atmosphère, de
baigner le décor semi-abstrait, de supporter le climat psychologique créé
par le dialogue, puisque c'est ce dernier qui doit avant tout émouvoir le
spectateur.
Pierre Schneider, dans Le voir et le savoir, Essai sur Nicolas Poussin \
est le seul auteur contemporain qui mentionne, après avoir présenté le petit
théâtre de Poussin, que celui-ci plaçait des bougies derrière les volets
(coulisses), pour étudier les effets de lumière. Il ne donne toutefois pas
la source de son information. Accepter cette donnée comme hypothèse, mais avec
réserve, ne contredit en rien cependant l'hypothèse de l'influence du sys
tème des coulisses du théâtre du XVIIe siècle. Bien au contraire, ce fait
la rend encore plus plausible et plus logique par rapport à la démarche de
Poussin, car ce système pouvait faciliter considérablement son étude des
éclairages.
2. Le système du petit théâtre comme méthode de travail.
Nous savons donc par les divers témoignages cités que Poussin a utili
sé le système du petit théâtre pour la composition de ses tableaux. Ain
si certains d'entre eux doivent illustrer cette méthode de travail et nous
permettre de démontrer son utilisation en nous basant sur les principes qui
en découlent. Par exemple, nous pouvons considérer l'organisation, la pré
96
sentation même du lieu dramatique selon les formules définies antérieure
ment. Les dessins préparatoires peuvent aussi nous renseigner, soit par
les transformations dans l’ordonnance et les mouvements des figures dans
une suite de dessins se rapportant à un même tableau, soit par la facture
même du dessin laissant deviner la technique du modelage, ainsi que les éclai
rages .
Dans Le Massacre des Innocents (1628-29 , Chantilly, Musée Condé, fig.
1), Poussin semble avoir privilégié cette méthode de travail principalement
pour l’étude de la position des figures. Deux dessins préparatoires montrent
le bébé dans une pose presque identique à celle de l’oeuvre peinte, mais sous
des angles différents. L’axe oblique donné par la tête du bébé, celle de la
mère et celle de l’autre personnage féminin, soutenu par l'axe de l’épée du
soldat, est d'ailleurs ainsi prolongé et renforcé. Selon A. Bluntle
changement correspondrait au déplacement du modèle de cire de l'enfant.
L'apparence sculpturale du groupe de figures au premier plan, qui se déta
chent du fond, serait redevable à l’utilisation des modèles de cire. La mê
me remarque pourrait peut-être s'appliquer aux figures d’Echo et Narcisse
(1627-28, Paris, Louvre), bien que la référence au plateau scénique soit ici
plus subtile, ainsi qu'au Bacchus (1626-27, Stockholm, Nationalmuseum), sur
tout si l'on considère le dessin préparatoire (Cambridge, Fitzwilliam Mu
séum, reproduit dans Thuillier, Tout l'oeuvre peint de Poussin, fig. 33a).
L'échelonnement des plans de La Peste d'Asdod (1630, fig. 4), semble
avoir été déterminé par l'utilisation du petit théâtre. La succession des
trois plans pourrait correspondre à la disposition de trois coulisses symé
97
triques: les côtés ouverts au premier plan, l’axe qui s'inscrit entre
les deux colonnes à gauche et l’escalier à droite, et l’axe donné par
la ligne frontale de l’édifice à portique et à colonnade.
Le Jeune Pyrrhus sauvé (1636-37) (fig.11) est aussi construit à par
tir de trois plans. La gradation, l’échelonnement des trois masses d’ar
chitecture à l’arrière-plan soutient d’ailleurs cette construction. L’a
rabesque des figures rompt cependant le schéma symétrique des coulisses.
Un dessin préparatoire pour ce tableau (Windsor Castle, Royal Library,
fig. 12 ) atteste de plusieurs modifications, notamment celle de l’ajout
du deuxième plan. Le mouvement vers la gauche a été accentué en hauteur,
faisant ainsi changer la position du personnage à la lance. On peut éga
lement noter que le bras du personnage à gauche du personnage â la lance
a été ramené vers le bas; la position des jambes du personnage central aux
bras déployés a été modifiée et les figures féminines ont été plus étroite
ment regroupées sur la droite. Ces diverses modifications pourraient en
core être attribuées au jeu avec les modèles de cire.
De tels changements concernant l’ordonnance des figures sont apparents
entre un dessin préparatoire (Windsor Castle, Royal Library, Fig. 15 ) et
la Confirmation peinte pour Cassiano dal Pozzo (Grantham, Belvoir Castle,
coll. duc de Rutland, fig. 14 ). De plus, la vue oblique des pilastres à
droite pourrait référer à la vision oblique à l’intérieur du théâtre.
Nous aurions alors ici un sujet centralisé devant un décor décentré, comme
si le spectateur se trouvait assis du côté droit de l’orchestre. Les des-
dins préparatoires pour les deux séries des Sacrements sont peut-être les meilleurs exemples de l’usage de la méthode du petit théâtre^.
98
Le Moïse enfant foulant aux pieds la couronne de Pharaon (1647-48,
Paris, Louvre, Fig. 23 ) et le Moïse changeant en serpent la verge d'Aa-
ron (ibid., Fig. 24 ) seraient peut-être les exemples d'une utilisation
du petit théâtre mais sans l'emploi des coulisses latérales. Les person
nages sont ordonnés en frise sur un plateau fermé par un fond plat, sans
profondeur. Le Jugement de Salomon (fig. 29) reprend aussi cette formule.
Ici encore, un dessin (Paris, Louvre, fig. 25 ) se rapportant au Moïse et
Aaron et un autre dessin (Paris, Ecole des Beaux-Arts, fig.30 ) se rappor
tant au Salomon, attestent de modifications importantes dans l'ordonnance
des figures.
Dans La Mort de Saphira, (fig. 34), le décor architecture rend claire
ment compte de la succession des coulisses symétriques. Le fond de paysage de
La danse de la vie humaine (Londres, Wallace collection fig. 19 ) ressemble
beaucoup à une toile de fond que Poussin aurait disposé derrière la scène
de son petit théâtre. Cet aspect y est encore plus manifeste, si l'on
tient compte du volume des figures qui se détachent nettement de ce fond.
Le motif qui apparaît dans le ciel, sur un nuage, pourrait être redevable
à l'influence des machines qu'utilisait le théâtre. Poussin pouvait d'ail
leurs lui-même suspendre au plafond de sa «boette cube» de telles machines
ou encore des personnages comme la Vénus montrant ses armes à Enëe (Rouen,
Musée des Beaux-Arts, Fig. 18 ). Un dessin pour la Danse de la vie humaine
(Berkshire, Lockinge, coll. Christopher Loyd, fig. 20 ) permet de consta
ter que le motif du nuage avec le char du dieu a été passablement élevé;
de plus, l'un des deux enfants, qui étaient tous deux dans le coin droit,
est passé au coin gauche, au pied du terme. Le fait que les figures fémi
99
nines dans le dessin soient légèrement vêtues, pourrait signifier que
Poussin a joué par la suite avec des drapés différents sur ses modèles
de cire.
L’utilisation d’un arrière-plan représentant un lointain dans La
Danse de la vie humaine se retrouve encore dans le Coriolan (Les Andelys,
Hôtel de ville, fig. 32) et dans Achille parmi les filles de Lycomède
(Boston, Muséum of Fine Arts). Ici encore, le plateau est délimité par
quelques éléments d’architecture.
Le travail avec le petit théâtre pourrait aussi avoir aidé Poussin à
graduer les quatre plans du Paysage au serpent (fig. 27)et à délimiter le
plateau scénique fermé par une toile de fond du Paysage avec les funérail
les de Phocion (Oakly Park, coll. comte de Plymouth) et du Paysage avec Py-
rame et Thisbë (Francfort, Stadelsches Kunstinstitut).
La technique du modelage des figures, que faisait intervenir cette
méthode de travail, peut transparaître dans le rendu de certains dessins.18Blunt mentionne que les figures du dessin du Louvre pour 1’Eucharistie
(Edimburg, coll. Duc de Sutherland) sont de façon évidente rendues d’après
les modèles de cire. On pourrait encore relever un dessin pour le Camille
et le maître d'école de Falêries (v. 1637, Windsor Castle, Royal Library,
reproduit dans A. Blunt, The Drawings of..., fig. 44), un autre pour la Pé
nitence (Montpellier, Musée Fabre, reproduit dans A. Blunt, The drawings
of-.., fig- 61).
L'autre élément qui peut démontrer l'usage du petit théâtre est le jeu
des éclairages, particulièrement dans les oeuvres où la scène dépeint un
100
intérieur. Ainsi, par exemple, L'Extrême-Onction et 1'Eucharistie (pre
mière série des Sacrements). La source de lumière qui vient de droite
dans 1'Extrême-Onction (Belvoir Castle, coll. duc de Rutland, fig. 13)
pourrait très bien référer aux bougies placées en retrait derrière un vo
let. La même remarque pourrait s'appliquer aux deux Moïses étudiés plus
haut. Dans 1'Eucharistie (Belvoir Castle, coll. duc de Rutland), «la peti
te iouverture au devant de sa boette qui ne causoit aucun jour étranger» a
pu lui permettre de bien disposer les ombres et lumières selon l'éclairage
donné par une lampe réellement suspendue au plafond de son petit théâtre.
Faut-il faire dériver le caractère plus approfondi de l'ordonnance des
figures et l'affirmation plus rigoureuse de la composition du procédé du
petit théâtre? C'est en tout cas les premiers avantages qu'offrait cette mé
thode de travail. La solution au problème de l'échelonnement des plans et
des personnages, de la liaison des personnages entre eux, pouvait y être en
visagée de manière concrète, notamment si l'on accepte l'hypothèse du sys
tème des coulisses. La science des jeux d'ombre et de lumière qui augmen
te l'intensité dramatique des oeuvres de la maturité de Poussin pourrait en
core s'y rattacher. Par contre, l'absence des détails dans le traitement
des visages, à savoir nez, bouche, yeux, les mains et les pieds rendus par
un seul trait dans les dessins, ne signifient pas pour autant que Poussin
ne s'en tenait qu'à ses petits modèles de cire. Ses figures idéalisées re-19 lèvent d'un calcul qui pouvait être directement effectué sur la toile
Tout ramener à cette méthode ne rend pas justice à Poussin. L'expres
sion d'une émotion, d'un sentiment, l'architecture du tableau, la composi-
101
tion où le centre s'affirme comme noyau d'énergie, tout cela est «cosa
mentale». «Et de tout cela appert-il manifestement que la Beauté est en
tout éloignée de la matière des corps, de laquelle elle ne s'approche, si
elle n'y est disposée par des préparations incorporelles. Et l'on conclut20 ainsi que la Peinture n'est autre qu'une idée des choses incorporelles»
Dans son testament artistique, Poussin résume ainsi sa doctrine: ïl
faut savoir choisir la matière «capable de receuoir la plus excellente for
me, Il faut commencer par la Disposition, Puis par 1'Ornement, le Décoré,
la Beauté, la grâce, la viuacitë, le Costume, la Vraysemblance et le Juge
ment partout. Ces dernières parties sont du Peintre et ne se peuuent apren-
dre. C'est le Rameau d'or de Virgile que nul ne peut trouuer ny cueillir21sil n'est conduit par la Fatalité» . En ce sens, la délectation, nous l'a
vons souligné, est une fin de l'esprit avant que d'être célébration de la
ligne et du volume, du velouté de la pâte.
Poussin n'a cependant pas abstrait ou renié ce qui est intimement lié
à la présence même de l'esprit, la matière. Conscient de cet équilibre,
«c'était dans ces retraites et promenades solitaires qu'il faisait de légè
res esquisses des choses qu'il rencontrait propres; soit pour le paysage(...)
soit pour des compositions d'histoires, comme quelques belles dispositions
de figures, quelques accomodements d'habits ou autres ornements particuliers 22dont ensuite il savait faire un si beau choix, et un si bon usage»
102
NOTES
1. Lettre à Chantelou, 29 juin 1641, op. cit., p. 80, lettre no. 39.
2. Félibien, op. cit., p. 26.
3. Voir A. Blunt, The drawings of Nicolas Poussin, p. 195, note 2.
4. Mariette cité par Marguerite Charageat, «L’Ariane endormie, cire
de Nicolas Poussin-^ Revue des Arts, n. 1 (mars 1953). p. 36.
5. Auteur anonyme, cité par J. Thuillier, «Doctrines et querelles ar
tistiques en France au XVIIe siècle», Archives de l’Art français,
t. XXIII (1968) p. 128. L’usage des boîtes à perspective, même si
ces dernières réfèrent à un système autre, tout en présentant quel-
qu’analogie avec la conception du petit théâtre, témoigne déjà d’une
influence scénique. Consulter W. Born, «Early Peep-shows and the
Renaissance stage», I et II, in The Connoisseur, vol. 107, no. 474
(février 1941), p.-67-71 et no. 476 (avril), p. 161-164.
6. Sandrart, cité d’après A. Blunt, Nicolas Poussin, Lettres et propos
sur l’art, p. 178-179.
7. Félibien, op. cit., p. 201-202.
8. Bellori, cité d’après Blunt, Nie. Pous., Lettres et propos sur l’art,
p. 178-179.
9. Le Blond de La Tour, cité d’après J. Thuillier, «Pour un Corpus Pus-
sinianum», Actes du Colloque Poussin, II, 1960, p. 146.
10. Chambray, dans Idée de la perfection de la Peinture, p. 40-42, par
lant du point de vue monoculaire, dit que c’est la première chose à
rechercher, car c’est là le signe d’un peintre savant.
103
11. A. Blunt, Art and Architecture in France, 1500-to 1700, p. 176
et A. Blunt, Nicolas Poussin, the A.W. Mellon Lectures, I, p. 243-
247. Notons que A. Blunt (The drawings of Nicolas Poussin, p. 195,
note 2) mentionne que «the idea of the stage seems to hâve been Pous
sin* s own invention».
12. A. Blunt, Nicolas Poussin, I, p. 243, fig. 200 et 201.
13. Jean Jacquot, «Drame poétique...», op. cit., p. 17. Voir également
Hélène Leclerc, «La scène d’illusion et l’hégémonie du théâtre à
l’italienne», Histoire des spectacles, Pléiade, p. 600.
14. Nicola Sabbattini, Pratique pour fabriquer scènes et machines de
théâtre (1638), recommandait de faire venir la lumière d’un des cô
tés plutôt que de face ou d'en arrière.
15. P. Schneider, Le voir et lé savoir..., Mercure de France, Paris,
1964. Voir p. 29 pour la référence.
16. Blunt, The drawings of Nicolas Poussin, p. 97.
17. Ibid., p. 106-113 (pour le Baptême et la Confirmation, coll. duc de
Sutherland); A. Blunt étudie aussi le Baptême dans, Nicolas
Poussin, I, p. 193-196.
18. Blunt, Nicolas Poussin, I. p. 254.
19. Mentionnons seulement à titre indicatif, que Léonard recommandait de
ne point pousser le travail des membres dans les esquisses et d'en
indiquer tout au plus la position.
20. Bellori, «Observations...», op. cit., p. 496.
21. Lettre à Chambray, 1er mars 1665, op.cit., p. 463, lettre no. 210.
22. Félibien, op. cit., p. 29.
CONCLUSION
LES SIGNIFICATIONS JOUEES
En s’inspirant des règles qui président à l'écriture et à la re
présentation de la tragédie classique, Poussin ne vise pas tant à l'il
lusion théâtrale qu'à la beauté dramatique qui découle de ces règles.
La Beauté est pour Poussin oeuvre de raison et ne saurait se manifester
sans la médiation de ces règles qui interviennent plus comme agent ca-
talysateur que comme agent restricteur. Pourquoi cependant les règles
du théâtre?
Parce que le théâtre est d'abord Poésie et que l'oeuvre picturale veut
être poétique, parce que le théâtre-poésie qui peint l'homme, dans sa re
présentation jouée, est un lieu vivant, actualisé, où l'imaginaire se don
ne pour réel et parce que l'oeuvre picturale veut accéder à l'imitation du
vrai. Par l'affirmation de la mise en ordre, de l'intériorisation du dra
me, l'oeuvre s'anime sous le jour de la révélation d'une transparence, re
flet de l'intelligible, fusion d'une forme sensible et d'une pensée. Chez
les dramaturges, chez les tragiques entre autres, la transmutation du ma
tériau littéraire en spectacle équivalait à la spatialisation de son con
tenu conceptuel. La perfection de la forme n'appelle toutefois pas une
«ascèse» mais une «catharsis» conduisant elle-même à une réflexion médi
tative .
105
De l’humanisme italien tel que développé dans la doctrine Ut Pictura
Poesis, jusqu’au XVIIe siècle, le chemin parcouru par la conscience va
d’une expression centrée sur l’imitation de l’action (où l’attitude cor
porelle est cependant envisagée comme intermédiaire et non comme une fin
en soi), à une expression directement centrée sur la manière d’être qui
met en scène le coeur et l’esprit a travers les passions humaines. Et
c’est un peu, en raccourci, le chemin suivi par Poussin, lui qui écrivait:
«nous voyons bien souuent que l’homme est un dieu à l’Homme» , lui qui sa
vait si bien comprendre ses personnages jusqu’à refuser même à Stella de lui
peindre un Portement de croix qui, à ses dires, aurait achevé de le tuer^.
Le rapport des personnages de Poussin avec leur environnement peut
s’interpréter à partir de l’image même du «Theatrum mundi» que nous avons
évoquée dans l’avant-propos. Dans sa quête de l’invisible, Poussin a ap
puyé son oeuvre à la fois sur une logique de la forme corporelle qui im
plique la conscience diffuse dans tout le corps et, à un autre plan, sur
une logique de la représentation qui implique la conscience humaine ins
crite en filigrane dans le tragique de l'oeuvre. Il s’agissait en quelque
sorte de concilier deux mystères, celui de l’homme et celui de la nature
ou, pour respecter le ton de Poussin, de transmuter en esprit la richesse
sensible, de rendre la nature parfaite.
La réconciliation de l'homme et de la nature, de l'action et du décor,
s'opère dans le lieu géométrique, vérité abstraite, mais qui n’est que
l'image retrouvée d'un ordre, d’une harmonie qui respire au coeur même du
106
monde. L’espace pictural n’a pas une fonction décorative: il articule
un lieu, celui de la représentation, dont le sens renvoie ici à l’orga
nisation, au langage, au discours pictural du système figuratif. Tant chez
les dramaturges du XVIIe siècle que chez Poussin, la représentation, dépas
sant en la transcendant la seule fonction de réplique du monde, est de
l’ordre des «significations jouées». La perspective, par exemple, qui obli
ge à penser en termes d’objets, se réfère à un mode de perception-trans
cription qui réfère lui-même à une conscience. La perspective atmosphéri
que adoptée par Poussin contribue en ce sens à «fondre» êtres et choses
tout en tenant compte de la mobilité et de la texture du monde.
Par ailleurs, pour Poussin, le geste, qui se donne en prolongement
d’une conscience d’être s’enracinant au coeur même de l’homme, fonde le
privilège de la représentation. Dans cette symbiose du geste et de la
conscience se manifeste, s’incarne l’univers «dévoilé». A ce titre, l’i-
dée de Chantelou de couvrir les tableaux de Poussin d’un petit rideau
n’est pas sans évoquer un certain sens du théâtral. Poussin lui-même
était pleinement d’accord avec cette idée: «L’inuention de couurir vos
tableaus est excellente, et les fere voir un a un fera que l'on s’en las
sera moins, car les voyans tous ensemble rempliroit le sens trop à un4coup» ,
Sur son petit théâtre, Poussin a rassemblé les éléments d'un drame,
celui de la peinture qui, dans sa conquête d'elle-même, se laisse guider
par sa soeur Melpomène, selon les termes mêmes de Dufresnoy. Le drame
aussi de la conscience d'un artiste qui, poussé par l’interrogation de
son siècle sur l’univers, veut percer le mystère de la représentation.
107
«Je lui demandais un jour par quelle voie il était arrivé à ce
haut point d'élévation qui lui donnait un rang si considérable entre les
plus grands peintres d'Italie; il me répondit modestement: «Je n'ai rien négligé» »\ ..
108
NOTES
1. Lettre à Chantelou, 3 juillet 1645, op. cit., p. 311, lettre n. 125
2. Lettre à Stella, cité d’après J. Thuillier, Actes du Colloque N.P.,
II, p. 219.
3. Voir Chantelou, Journal de voyage en France du cavalier Bernin,
p. 82 et p. 253. On peut également noter que Roger de Piles, dans
ses Cours de peinture par principes, recommandera, quelques années
plus tard, de porter beaucoup d’attention au devant du tableau, qui
doit favoriser «l’entrée» du spectateur. Soulignons encore que l’i
dée était déjà en germe dans les tableaux des peintres renaissants
apparaît bien souvent, comme motif d’encadrement peint, un rideau.
4. Lettre à Chantelou, 22 juin 1648, op. cit., p. 384, lettre no. 162.
5. Témoignage de Bonaventure d’Argonne cité par A. Blunt, Nie. Pous.,
Lettres et propos sur l’art, p. 187.
où
109
LISTE DES ILLUSTRATIONS
(Tous les tableaux sont des huiles sur toile de Nicolas Poussin)
1. Le Massacre des Innocents, (147x171 cm), 1625-26. Chantilly, Musée
Condé.
2. La Mort de Germanicus, (148x196.5 cm), 1628. Minneapolis, Institute
of Arts.
3. Le Triomphe de Flore, (165x241 cm), v.1627-28. Paris, Louvre.
4. La Peste d'Asdod, (148x198 cm), 1631. Paris, Louvre.
5. L'Empire de Flore, (131x181 cm), 1631. Dresde, Staatliche Kunstsamm-
lungen Gemaldegalerie.
6. L'Adoration des Mages, (161x182 cm), 1633. Dresde, Staatliche Kunst-
sammlungen Gemaldegalerie.
7. Le Passage de la Mer rouge, (154x210 cm), 1633-35. Melbourne, National
Gallery of Victoria.
8. L'Adoration du Veau d'or, (154x214 cm), 1633-35. Londres, National
Gallery.
9. Le Frappement du Rocher, (97x133 cm), 1633-35. Golspie, Dunrobin Cas-
tle, coll. duc de Sutherland.
10. Camille et le Maître d'école de Falëries, (252x268 cm), 1634-35.
Los Angeles, Norton Simon Foundation
110
11. Le Jeune Pyrrhus sauvé, (116x160 cm), 1636-37. Paris, Louvre.
12. Le Jeune Pyrrhus sauvé, (210x346 mm). Winsdor Castle, Royal Libra-
ry. Dessin préparatoire. Plume et encre brune sur sanguine.
13. L*Extrême-Onction, (première série des Sacrements), (95.5X121 cm),
1636-40. Grantham, Belvoir Castle, coll. duc de Rutland.
14. La Confirmation, (première série des Sacrements), (95.5x121 cm),
1636-40. Grantham, Belvoir Castle, coll. duc de Rutland.
15. La Confirmation, (137x208 mm). Winsdor Castle, Royal Library.
Dessin préparatoire. Plume et lavis brun.
16. L^nlèvement des Sabines, (159x206 cm), v. 1637-38. Paris, Louvre.
17. La Manne, (149x200 cm), 1639. Paris, Louvre.
18. Vénus montrant ses armes à Enée, (105x142 cm), 1639. Rouen, Musée
des Beaux-Arts.
19. La Danse de la vie humaine, (83x105 cm), v.1638-40. Londres, Walla
ce collection.
20. La Danse de la vie humaine, (149x197 mm). Berkshire, Lockinge, coll.
Christopher Loyd. Dessin préparatoire. Plume et lavis brun.
21. La Continence de Scipion, (116x150 cm), 1643-45. Moscou, Musée
Pouchkine.
22. La Crucifixion, (148.5x218.5 cm), 1646. Hartford (Connecticut),
Wadsworth Atheneum.
111
23. Moïse enfant foulant aux pieds la couronne de Pharaon, (92x128 cm),
1647-48. Paris, Louvre.
24. Moïse changeant en serpent la verge d’Aaron, (92x128 cm), 1647-48.
Paris, Louvre.
25. Moïse changeant en serpent la verge d’Aaron, (156x260 mm). Paris,
Louvre. Dessin préparatoire. Plume et lavis brun.
26. Eliezer et Rebecca, (118x197 cm), 1648. Paris, Louvre.
27. Le Paysage au Serpent, (119.5x198.5 cm), 1649. Londres, National
Gallery.
28. Le Frappement du Rocher, (122.5x193 cm), 1649. Leningrad, Ermitage.
29. Le Jugement de Salomon, (101x150 cm), 1649. Paris, Louvre.
30. Le Jugement de Salomon, (248x384 mm). Paris, Ecole des Beaux-Arts.
Dessin préparatoire. Plume et lavis brun sur craie noire.
31. Autoportrait, (98x74 cm), 1650. Paris, Louvre.
32. Coriolan, (112x195 cm), v.1650-55. Les Andelys, Hôtel de ville.
33. La Femme adultère, (122x195 cm), 1653. Paris, Louvre.
34. La Mort de Saphira, (122x199 cm), 1654-55. Paris, Louvre.
35. Esther devant Assuërus, (119x155 cm), v. 1655. Leningrad, Ermitage.
ILLUSTRATIONS
FIG. 1: Le Massacre des Innocents, Chantilly,
Musée Condé.
FIG. 2: La Mort de Germanicus, Mineapolis,
Institute of Arts.
FIG. 3: Le Triomphe de Flore, Paris, Louvre. FIG. 4: La Peste d'Asdod, Paris, Louvre.
112
FIG. 5 : L'Empire de Flore, Dresde, Staatliche
Kunstsammlungen Gemaldegalerie.
: Le Passage de la Mer rouge, Melbourne,FIG. 7
National Gallery of Victoria.
FIG. 6: L'Adoration des Mages, Dresde, Staat-
liche Kunstsammlungen Gemaldegalerie.
National Gallery.
113
FIG. 9 : Le Frappement du Rocher, Golspie, Dun-
robin Castle, coll. duc de Sutherland.
FIG. 11: Le Jeune Pyrrhus sauvé, Paris, Louvre.
FIG. 10: Camille et le Maître d'ëcole de Falë-
ries, Los Angeles, Norton Simon Foun-
dation.
FIG. 12: Le Jeune Pyrrhus sauvë, Winsdor Cas-
tle, Royal Library.
114
FIG.
FIG.
13: L * Extrême-Onc t ion, Grantham, Belvoir
Castle, coll duc de Rutland
15: La Confirmation, Winsdor Castle,
a*'
Royal Library
FIG. 14: La Confirmation, Grantham, Belvoir
Castle, coll. du duc de Rutland*
FIG. 16: L’Enlèvement des Sabines, Paris, Lou
vre
115
FIG. 17: La Manne, Paris, Louvre.
FIG. 19: La Danse de la vie humaine, Londres,
Wallace collection
FIG. 18: Venus montrant ses armes à Enëe,
Rouen, Musée des Beaux-Arts.
FIG. 20: La Danse de la vie humaine, Berkshire,
Lockinge, coll. Christopher Loyd.
116
FIG. 21: La Continence de Scipion, Moscou, Mu
sée Pouchkine.
couronne de Pharaon, Paris, Louvre
FIG. 22: La Crucifixion, Hartford (Connecticut),
Wadsworth Atheneum.
FIG. 24 : Moïse changeant en serpent la verge
d*Aaron, Paris, Louvre
117
FIG. 25: Moïse changeant en serpent la verge
d*Aaron, Paris, Louvre.
tional Gallery.
FIG. 27: Le Paysage au Serpent, Londres, Na
FIG. 26: Eliezer et Rebecca, Paris, Louvre.
FIG. 28: Le Frappement du Rocher, Leningrad,
Ermitage.
oo
FIG. 29: Le Jugement de Salomon, Paris, Louvre.
FIG. 31: Autoportrait, Paris, Louvre.
FIG. 30: Le Jugement de Salomon, Paris, Ecole
des Beaux-Arts.
FIG. 32: Coriolan, Les Andelys, Hôtel de ville.
119
FIG. 33: La Femme adultère, Paris, Louvre.
Ermitage
FIG. 35: Esther devant Assuërus, Leningrad,
FIG. 34: La Mort de Saphira, Paris, Louvre.
120
121
APPENDICE A
REPERTOIRE DES GESTES
(Les numéros entre parenthèses renvoient a la liste des tableaux en fin d’appendice)
1. Variantes sur le geste des bras ouverts, de chaque côté du corps, mains ouvertes.
ATTITUDE DE SUPPLIQUE, D’IMPLORATION:
. Lamentation sur le Christ mort (1). figure féminine agenouillée, face au Christ
. Le Miracle de St François Xavier (73). figure féminine qui se penche vers la mourante
. La Crucifixion (79) (fig. 22). geste de Marie
. Le Frappement du Rocher (91) (fig. 28). personnage féminin, coin droit. personnage masculin derrière ce personnage
. Le Jugement de Salomon (92) (fig. 29). geste de la Abonne mère»
(peut également signifier la frayeur)
. Coriolan (98) (fig. 32). geste plusieurs fois repris par figures féminines
. St Pierre et St Jean guérissant le Boiteux. geste du mendiant (106)
ATTITUDE DE FRAYEUR OU DE SURPRISE1;
. Massacre des Innocents (10) (fig. 1). geste de la mère, plus violent: la main droite, s’agrip
pant au dos du soldat, la bouche est ouverte.
. L’Enlèvement des Sabines (64) (fig. 16). 3 figures féminines et 1 masculine
. Le Jeune Pyrrhus sauvé (51) (fig. 11). figure féminine, nuance: main sur la tête
• Pan et Syrinx (56). geste de la nymphe Syrinx: refus (paumes tournées vers
l’extérieur) par rapport au même geste de Pan: possession (paumes tournées vers l’intérieur)
122
. Moïse devant le Buisson ardent (72)
. Moïse enfant foulant la courronne de Pharaon (87) (fig. 23). geste des deux personnages assis: surprise. geste fig. fém. - droite (paumes tourmées vers l’exté
rieur: non) (geste du pers. mas. au couteau: attaque)
. Paysage au Serpent (90) (fig. 27). figure féminine, 2e plan, au centre du tableau
. Paysage avec Pyrame et Thisbë (97). geste de Thisbé
. St Pierre et St Jean guérissant le boiteux (106). geste du pers. masc. à droite de St-Pierre:
surprise et admiration
. Vénus montrant ses armes à Enëe (68) (fig. 18). gest d’Enée
ATTITUDE D’ETONNEMENT2:
. Lorsque les bras se replient vers le corps et que l’on sent un mouvement de recul de l’axe du corps:
. Achille parmi les filles de Lycomède (99). voir le pers. masc. et le pers. fém. à gauche, au 2e plan
3ATTITUDE DE DON ET/OU DE RECEPTIVITE :
. Le Sacrifice de Noë (21). Moïse; geste repris par la figure féminine derrière lui
. Triomphe de Flore (24) (fig. 3). attitude de Flore
. L’inspiration du poète (27). geste d’Anacréon: réceptivité
. David vainqueur (32). geste de la figure ailée: don
. Le Retour d’Egypte (40). geste de 1’Enfant-Jésus : acceptation
. L’Adoration du Veau d’or (44) (fig. 8). geste des pers. masculins, à droite
. Le Frappement du Rocher (46) (fig. 9). geste du pers. masculin, au centre, devant l’arbre: recon
naissance
123
. La Vierge protégeant Spolète (52)
. Sainte Marguerite (55)
. Le Mariage (58). geste du prêtre qui touche chacun des deux époux: don
. La Manne (67) (fig. 17). geste du pers. masculin derrière la femme qui allaite:
réceptivité
. L’institution de 1'Eucharistie (71). geste du pers. face au Christ: réceptivité
. Le Miracle de St François Xavier (73). geste de don du Père et geste de réceptivité du prêtre
agenouillé
. Le Temps et la Vérité (74)
. Sainte Famille 3 figures (75)
. Le Ravissement de Saint Paul (76)
. St Jean baptisant le Christ (85). geste du Père
. Le Frappement du Rocher (91). geste du pers. masculin agenouillé, a gauche
. L'Assomption de la Vierge (93)
. Le Ravissement de St Paul (94)
. St Pierre et St Jean guérissant le boiteux (106). geste de St-Pierre: don
. L'Annonciation (109) et (116)
. Les Quatre Saisons, 1'Eté (114). geste de Ruth
. Noli me Tangere (117)
. La Continence de Scipion (77) (fig. 21). geste du personnage féminin qui pose une couronne sur la
tête de Scipion
AUTRE VARIANTE
ATTITUDE DE RECONNAISSANCE:
avec le corps incliné
124
. La Continence de Scipion (77) (fig. 21). voir l’attitude du «fiancé», face à Scipion
42. Geste d’autorité
. Le Passage de la Mer rouge (43) (fig. 7). geste de Moïse, bras levé
. L’Enlèvement des Sabines (64) (fig. 16). attitude du pers. masculin qui porte une couronne,
à gauche, bras levé
. La Continence de Scipion (77) (fig. 21). geste de Scipion: gracie
avec paume de la main tournée vers le ciel
. Camille et le Maître d’école de Falëries (48) (fig. 10) . geste de Camille, bras allongé: condamne
avec paume de la main tournée vers le sol
3. Geste de possession, de prise: les bras autour du corps du personnage (soit attitude positive, ex: la passion amoureuse, soit attitude négative, ex: l’enlèvement).
. Cêphale et 1*Aurore (2) et (12). voir aussi le geste de refus de Céphale
. Vénus et Adonis (3) et (11)
. Apollon et Daphné (8)
. Acis et Galathée (22)
. Bacchanale devant un terme (36) (voir encore le geste de refus de la Bacchanale, à droite)
. L’Enlèvement des Sabines (64) (fig. 16)
. Le Triomphe de Pan (49)
. Pan et Syrinx (56)
. Le Temps et la Vérité (74)
Variante, plus théâtralisée:
. Le Ravissement de St Paul (76) et (94)
. L’Assomption de la Vierge (93)
Attitude plus tragique et très théâtrale:
. Esther devant Assuërus (105) (fig. 35)
125
4. Variantes sur le geste de la main avec l’index pointé:
. GESTE DE DIRECTION, DE DESIGNATION:
. Vénus et Mercure (14). geste de mercure (main droite)
• Nymphe et satyre buvant (17). geste de la nymphe (main gauche)
. Apollon accordant son char à Phaëton (18). geste du pers. mas. devant Apollon (main gauche)
. Le Martyre de St-Erasme (25). geste du soldat qui pointe en direction de St-Erasme
. Les Bergers d'Arcadie (26). geste du berger qui indique l'inscription (main droite)
. Le Parnasse (35). geste du 2e pers. à gauche
. L'Adoration des Mages (39) (fig. 6). geste du soldat au 1er plan, à droite
. Thésée retrouvant l'épée de son père (41). geste de Aethra
. Le Passage de la mer rouge (43) (fig. 7). geste d'un pers. féminin et d'un pers. masculin au 2e plan
. L'Adoration du veau d'or (44) (fig. 8). geste d'un pers. féminin, à droite et d'un pers. masculin
à droite d'Aaron. Camille et le maître d'école de Falëries (48) (fig. 10)
. geste des deux enfants, à droite. Vénus montrant ses armes à Enëe (68) (fig. 18)
. geste de Vénus. La Confirmation (60) (fig. 14)
. geste de la femme, à gauche. La Manne (67) (fig. 17)
. geste du pers. masc. derrière la femme qui allaite. Les Bergers d'Arcadie (65)
. geste du berger agenouillé. La Crucifixion (79) (fig. 22)
. geste du soldat debout, (à gauche). La Confirmation (81)
. geste du pers. fém. au 1er plan, à droite. Le Christ et la femme adultère (102) (fig. .33)
. geste du personnage agenouillé montrant l'inscription au sol
126
. Saint Jean baptisant le Christ (106). Geste de deux pers. masculins, à droite, montrant St-Jean
. Le repos pendant la fuite en Egypte (108). geste du pers. fém. debout, à droite
. La naissance de Bacchus (110). geste d’une nymphe, à gauche
GESTE DE «PAROLE», A NUANCE PSYCHOLOGIQUE5:
. La mort de Germanicus (20) (fig. 2). geste du soldat au 1er plan (main droite). geste de GermanicusLe martyre de Saint-Erasme (25). geste du personnage masculin vêtu de blanc, à gauche
du tableau (main gauche)• L’Apparition de la Vierge à St-Jacques (28)
. geste de la Vierge (main gauche). L'Adoration du veau d’or (44) (fig. 8)
. geste d'Aaron (main gauche)
. L’Enlèvement des Sabines (64) (fig. 16). geste de la femme âgée, agenouillée (main gauche)
. Camille et le Maître d'Ecole de Falëries. (48) (fig. 10). geste de Camille (autorité)
. Le Jeune Phyrrus sauvé (51) (fig. 11). geste du soldat au centre, implorant du secours pour Phyrrus
. Sainte Marguerite (55). geste de l'angelot pointant le doigt vers le ciel
. Eliezer et Rebecca (89) (fig. 26). geste de Eliezer
. Le Jugement de Salomon (92) (fig. 29). geste de la «méchante mère»
. L'Adoration des Bergers (100). geste de Joseph
. Le Christ et la femme adultère (102) (fig. 33). geste du Christ
geste du pers. masc. à l'extrême gauche et celui du pers. masculin près de la femme adultère, au premier plan
. L'Ordre (61). geste du Christ
. Le Baptême (63). geste de 1'Apôtre, au centre du tableau
127
. Les Bergers d'Arcadie (65). geste du berger tourne vers le personnage féminin
. Moïse sauvé des eaux (66). geste du pers. féminin qui semble dire de prendre l'enfant.
. L'Ordre (83). geste de 2 Apôtres, indiquant l'un le ciel et l'autre, le
Christ, à droite du tableau. La naissance de Bacchus (110)
. geste de Mercure. La Reine Zënobie (112)
. geste du berger (à droite)geste du pers. fém. agenouillé près de Zénobie
. Le Printemps (Les 4 saisons) (113). geste de Ruth (main droite)
. L'Adoration des Mages (39) (fig. 6). geste du berger: imposer le silence respectueux
GESTE DE DEMONSTRATION (DOUBLE: CAUSE ET EFFET, OU LIEN)
. Le Frappement du rocher (46) (fig. 9). geste d'Aaron
. La Manne (67) (fig. 17). geste de Moïse
. Moïse devant le Buisson ardent (72). geste du Père
. L'Ordre (83). geste du Christ
. Moïse changeant en serpent la verge d'Aaron (88) (fig. 24). les 3 gestes des 3 personnages masculins, à droite
. Le Jugement de Salomon (92) (fig. 29). geste de Salomon
. La mort de Saphira (103) (fig. 34). geste des deux Apôtres
. L *Annonciation (109 et 116). geste de l'ange
. L'Eté (Les 4 saisons). • geste de Booz (114)
. Le Baptême (63). le geste des deux Apôtres, au centre du tableau, dont
le mouvement se complète.
128
5. ATTITUDE «DE LA DOULEUR EXTREME»
. La mort de Germanicus (20) (fig. 2). voir l’attitude d’Agrippine; le mouchoir accentue l’ex
pression. L'Extrême-Onction (59) (fig. 13)
l’attitude du personnage féminin, à droite, au pied du lit. L'Extrême-Onction (80)
. l'attitude du personnage féminin, à droite, au pied du lit. Le Testament d'Eudamidas (101)
. L'attitude du personnage féminin, à droite, appuyée sur l'autre pers. féminin
. La lamentation sur le Christ mort (111). l’attitude du pers. féminin debout, à gauche
6. Geste des mains jointes.
. ATTITUDE DE RECONNAISSANCE:
. L’Adoration des Bergers (37). personnage masculin agenouillé
. L’Adoration des Mages (39) (fig. 6). pers. masc. agenouillé
. Le Passage de la mer Rouge (43) (fig. 7). geste repris trois fois
(1er plan, plan médian et arrière-plan). Le Frappement du rocher (46) (fig. 9)
. geste repris 3 fois (gauche, centre et droite). Le mariage (58)
. pers. masculin, à gauche, derrière l’épouse agenouillée. La Manne (67) (fig. 17)
. principalement Aaron; aussi qq. personnages secondaires autour de Moïse et Aaron
. La confirmation (81). enfant, au 2e plan, au centre du tableau
. Le Frappement du Rocher (91) (fig. 28). geste d’Aaron
. Sainte-Famille (5 figures) (107). Saint-Joseph
129
. ATTITUDE D’INTERCESSION:
. La déposition de la croix (4)
. L’Extrême-Onction (59) (fig. 13). un pers. fêm. au pied du lit, doigts allongés. un pers., au centre, doigts repliés
. Le miracle de St François Xavier (73)
. L*Extrême-Onction (80). un pers. féminin, à droite, doigts repliés. un pers. féminin, à gauche, doigts allongés
. La lamentation sur le Christ mort (111). pers. féminin, à droite, au 2e plan
. L'Hiver, les 4 saisons (115). pers. masc., à gauche, dans la barque
7. Geste de la main sur la poitrine, à la hauteur du coeur:
. ATTITUDE DE RESPECT ET D’HUMILITE:
. L'Apparition de la vierge à Saint Jacques le majeur (28) pers. masc. agenouillé, au 2e plan
. L’Adoration dès Mages (39) (fig. 6). pers. masc. derrière le pers. agenouillé, à droite.. pers. masc. à gauche
. L'Ordre (61). les 3 Apôtres
. L'Eucharistie (62). 1er Apôtre à droite du Christ
. La Continence de Scipion (77) (fig. 21). pers. féminin a droite de Scipion, dont l'attitude
permet de nous faire connaître la captive rendue à son fiancé
. Saint Jean baptisant le Christ (85)
. La Confirmation (141)
. Le Baptême (82)
. Eliezer et Rëbecca (89) (fig. 26). attitude de Rebecca
. L'Eté, (les 4 saisons) (114). attitude du pers. masculin, à droite, au premier plan
130
. VARIANTE :
. Midas devant Bacchus (29). attitude de Midas, mais avec variante: un genou au sol
. La Femme adultère (102) (fig. 33). attitude de la femme adultère: l’expression du visage
et la position du corps accentuent le geste d’humilité
. ACCENTUATION: Les 2 mains croisées sur la poitrine
. L’Apparition de la Vierge à St Jacques le Majeur (28). pers. masculin (St-Jacques debout à droite)
. L’Adoration du veau d’or (44) (fig. 8). pers. féminin à l’extrême droite
. L'Ordre (61). Apôtre agenouillé, au centre du tableau
. Le Baptême (63). personnage masculin recevant le baptême
. L'Institution de 1'Eucharistie (71). un pers. masc. à droite, debout, et un autre, à
gauche, agenouillé. L’Adoration des bergers (100)
. berger, à droite, au premier plan
8. AUTRES ATTITUDES TRES THEATRALES :
. La Peste d’Asdod (31) (fig. 4). se boucher le nez
. Le massacre des Innocents (10) (fig. 1). le personnage féminin qui tire ses cheveux
. Tancrède et Herminie (34 et 54). Herminie coupant sa chevelure pour étancher le
sang du héros. La Manne (67) (fig. 17)
. La jeune femme allaitant la femme plus âgée. Morse enfant foulant aux pieds la couronne de Pharaon (87) (fig.23)
. le geste de protection très théâtral du pers. féminin qui prend le jeune Moïse, entre les 2 personnages assis
. Esther devant Assuërus (105) (fig. 35). attitude pathétique d'Esther
. L’Empire de Flore (33) (fig. 5). geste théâtral énigmatique de Mercure, appuyé sur la
pointe de son épée. ^.e Christ et la femme adultère (102) (fig. 33)?
. attitude du pers. masculin a l'extrême-gauche, au premier plan
131
NOTES
1. Le geste de l’horrible veut «qu’on ouvre extraordinairement les
yeux et la bouche, qu’on détourne un peu le corps vers le costë
gauche et que les deux mains étendues servent comme de défense,
parce que ceux qui sont sur le point de souffrir les dernières
cruautez, cherchent par tout de l’oeil les moyens d’éviter la
mort; que l’effroy étouffant le coeur par la retraite des es
prits porte la bouche a donner à l’air un grand passage; et
que le mesme effroy qui serre le coeur, dilate la bouche, dé
tourne le corps et étend les mains», René Bary cité d’après
D. H. Roy, op. cit., p. 294.
2. Le geste de l’étonnement, «au moins celuy qui naist des choses
fâcheuses veut (...) qu’en écartant les bras tombans, on ouvre
les mains, parce que l’étonnement qui naît des chosès fâcheuses,
est une surprise comme glaçante», Ibid., p. 293.
3. Dans le même sens, le geste de la franchise veut «qu’on éloigne
les bras l’un de l’autre, et qu’en ouvrant les mains, on les
tourne en dehors, parce que la franchise déployé les plis de
l’âme, et que les mains tournées en dehors marque ce dëploye-
ment», Ibid., p. 293.
4. En ce sens, le geste du règne veut «qu’on étende les bras en li
gne droite, qu'on ait la main un peu concave vers la terre, parce
que cette action marque l'infériorité de ceux dont on parle»,
Ibid., p. 293.
132
5. L’index «est aussi utilisé pour faire des reproches; la main levée
et tournée vers l’épaule, lui-même un peu incliné, il affirme;
tourné vers le sol, et, pour ainsi dire, penché vers lui, il insis
te» , Quintilien, op. cit», XI, 3, 94.
6. Voir Aristote, Art rhétorique, III, XVI, 10: «quand on commence à
pleurer on porte ses mains à ses yeux».
7. La colère, «ou pour mieux dire la colère présomptueuse veut qu'on
élève horriblement les paupières et qu'on avance mesme la lèvre
inférieure, parce que celuy qui est vivement picquë d'un affront
dont il prétend sur le champ tirer vengeance, semble déjà se ven
ger; et que dans la vengeance l'oeil enflammé et la lèvre infë-
rieure avancée marque l'animosité», Ibid», p. 294.
133
LISTE DES TABLEAUX DE POUSSIN CITES
EN APPENDICE A.
1.
2.
3.
4.
5..
6.
7.
8.
9.
10.
11.
12.
13.
14.
15.
16.
17.
18.
19.
20.
Lamentation sur le Christ mort, av. 1628. Munich, Alte Pinakothek.
Céphale et l'aurore, av. 1628. Hovingham Hall (Yorkshire), coll.
Sir William Worsley.
Venus et Adonis, 1624-25. Richmond, coll. Cook.
La Déposition de Croix, av. 1628. Leningrad, Ermitage.
Bataille de Josuë contre les Amalëcites, av. 1628. Leningrad, Ermitage.
Bataille de Josuë contre les Amorites, v. 1625. Moscou, Musée Pouch
kine.
Vénus pleurant Adonis, av. 1627. Cain, Musée des Beaux-Arts.
Apollon et Daphné, av. 1628. Munich, Alte Pinakothek.
Renaud et Armide, v. 1625 Londres, Dulwich College
Le Massacre des Innocents, 1625-26. Chantilly, Musée Condé
Vénus et Adonis, av. 1628 Providence, Rhode Island School of Desing
Céphale et l'aurore, av. 1628. Londres, National Gallery
La Nourriture de Bacchus, v. 1626. Londres, National Gallery.
Vénus et Mercure, (copie), v. 1627. Londres, Dulwich College.
Olympos et Marsyas, v. 1626. Paris, Louvre.
La Nourriture de Bacchus, 1626-27. Paris, Louvre.
Nymphe et Satyre buvant, v. 1626-27._ Moscou, Musée Pouchkine.
Apollon accordant son char à Phaéton, av. 1630. Berlin-Ouest, Staat-
licke Museen, Muséum Dahlem.
Diane et Endymion, v. 1627. Détroit, Institute of Arts.
La Mort de Germanicus, 1628. Minneapolis, Insitute of Arts.
134
21. Le Sacrifice de Noë, v. 1628. Knutsford (Ckeskire), Talton Park.
22. Acis et Galatëe, v. 1629-31. Dublin, National Gallery of Ireland.
23. Bacchanale (dite à la joeuse de Luth), v. 1627-28. Paris, Louvre.
24. Le Triomphe de Flore, v. 1627-28. Paris, Louvre.
25. Le Martyre de Saint Erasme, 1629. Rome, Vatican, Pinacothèque.
26. Les Bergers d’Arcadie, v. 1629-30. Chatsworth (Gerbyshire), Devon-
shire collection.
27. L’Inspiration du poète, v. 1630. Hanovre, Niedersacksische Landes-
galerie.
28. L’Apparition de la Vierge a Saint Jacques le Majeur, v. 1629-30.
Paris, Louvre.
29. Midas devant Bacchus, v. 1629-30. Munich, Alte Pinakotek.
30. L’Inspiration du poète, v. 1630. Paris, Louvre.
31. La Peste d’Asdod, 1631. Paris, Louvre.
32. David vainqueur, 1630-31. Madrid, Prado.
33. L’empire de Flore, 1631. Dresde, Staatliche Kunstsammlungen, Gemalde-
galerie.
34. Tancrède et Herminie, v. 1631. Leningrad, Ermitage.
35. Apollon et les Muses (ou le Parnasse), 1631-33. Madrid, Prado.
36. Bacchnale devant un Terme, 1631-33. Londres, National Gallery.
37. L’Adoration des Bergers, 1631-33. Londres, National Gallery.
38. Les Compagnons de Renaud, 1631-33. New York, Collection Wrightsman.
39. L’Adoration des Mages, 1633. Dresde, Staatliche Kunstsammlungen,
Gemaldegalerie.
40. Le Retour d’Egypte, 1633-34. Cleveland, Muséum of Art.
135
41. Thésée retrouvant l'épée de son père, 1633-34. Chantilly, Musée
Condé.
42. Saint-Jean baptisant le peuple, 1633-35. Paris, Louvre.
43. Le Passage de la Mer rouge, 1633-35. Melbourne, National Gallery
of Victoria.
44. L'Adoration du Veau d'or, 1633-35. Londres, National Gallery.
45. Saint-Jean baptisant le peuple, v. 1635. Malibu, Paul Getty Muséum.
46. Le Frappement du Rocher, 1633-35. Golspie (Sutherland, Dunrobin
Castle, coll. duc de Sutherland.
47. L'Enlèvement des Sabines, 1634-35. New York, Métropolitain Muséum
of Art.
48. Camille et le Maître d'école de Falëries, 1634-35. Los Angeles, Nor
ton Simon Foundation.
49. Le Triomphe de Pan, 1634-36. Sudely Castle, coll. Gent. Brocklehurst.
50. Le Triomphe de Silène, (copie), 1634-36. Londres, National Gallery.
51. Le Jeune Pyrrhus sauvé, 1636-37. Paris, Louvre.
52. La Vierge protégeant Spolète, v. 1635. Londres, Dulwich College.
53. Vénus montrant ses armes à Enëe, 1635-36. Toronto, Art Gallery.
54. Tancrède et Herminie, 1636-37. Birmingham, Barber Institute of Fine
Arts.
55. Sainte Marguerite, 1636-37. Turin, Galleria Sabauda.
56. Pan et Syrinx, v. 1637. Dresde, Staatliche Kunstsammlungen, Gemalde
galerie.
57. Camille et le Maître d'école de Falëries, 1637. Paris, Louvre.
58. Le Mariage (1ère série des Sacrements), 1636-40. Grantham, Belvoir
Castle, coll. duc de Rutland.
136
59. L'Extrême-Onction, Idem.
60. La Confirmation, Idem.
61. L'Ordre, Idem.
62. L'Eucharistie, Idem.
63. Le Baptême. Washington, National Gallery of Art (Samuel H. Kriss Col
lection) .
64. L'Enlèvement des Sabines, 1637-38. Paris, Louvre.
65. Les Bergers d'Arcadie, v. 1638-39. Paris, Louvre.
66. Moïse sauve des eaux, 1638. Paris, Louvre.
67. La Manne, 1639. Paris, Louvre.
68. Vénus montrant ses armes à Enëe, 1639. Rouen, Musée des Beaux-Arts.
69. La Danse de la vie humaine, 1638-40. Londres, Wallace Collection.
70. La Nourriture de Jupiter, 1638-40. Berlin-Ouest, Staatliche Museen,
Muséum Dahlem.
71. L'Institution de 1'Eucharistie, 1641. Paris, Louvre.
72. Moïse devant le Buisson ardent, 1641. Copenhague, Statens Muséum
for Kunst.
73. Le Miracle de Saint François-Xavier, 1641. Paris, Louvre.
74. Le Temps et la Vérité, 1641. Paris, Louvre.
75. Sainte Famille 3 figures, 1641-42. Détroit, Institute of Arts.
76. Le Ravissement de Saint Paul, 1643. Sarasota, John and Masble Ring-
ling Muséum of Art.
77. La Continence de Scipion, 1643-45. Moscou, Musée Pouchkine.
78. Moïse enfant foulant aux pieds la couronne de Pharaon, 1645. Woburn
Abbey (Berdfordshire), Collection du duc de Bedford.
79. La Crucifixion, 1646. Hartford (Connecticut), Wadsworth Atheneum.
80. L'Extrême-Onction, 2ième série des Sacrements, 1644. Golspie (Suther
land), Dunrobin Castle, coll. duc de Sutherland
137
81. La Confirmation, 1645. Idem.
82. Le Baptême, 1646. Idem.
83. L'Ordre, 1647. Idem.
84. Le Mariage, 1647-48. Idem.
85. Saint-Jean baptisant le Christ, 1648. New York, collection Wildenstein.
86. Moïse sauve des eaux (inv. 7272), 1647. Paris, Louvre.
87. Moïse enfant foulant aux pieds la Couronne de Pharaon, 1647-48. Paris,
Louvre.
88. Moïse changeant en serpent la verge d'Aaron, 1647-48. Paris, Louvre.
89. Eliezer et Rebecca, 1648. Paris, Louvre.
90. Paysage au Serpent, 1648. Londres, National Gallery.
91. Le Frappement du Rocher, 1649. Leningrad, Ermitage.
92. Le Jugement de Salomon, 1649. Paris, Louvre.
93. L'Assomption de la Vierge, 1649-50. Paris, Louvre.
94. Le Ravissement de Saint Paul, 1649-50. Paris, Louvre.
95. Le Christ guérissant les aveugles de Jéricho, 1650. Paris, Louvre.
96. Moïse sauvé des eaux, 1651. Bellasis House, Dorking (Surrey) Collection
Derek Schreiber.
97. Paysage avec Pyrame et Thisbë, 1651. Francfort am Main, Stadelsches
Kunstinstitut.
98. Coriolan, v. 1650-55. Les Andelys, Hôtel de ville.
99. Achille parmi les filles de Lycodème, 1650-51. Boston, Muséum of Fine
Arts.
100. L'Adoration des Bergers, 1652-54. Munich, Alte Pinakothek.
101. Le Testament d'Eudamidas, 1653. Copenhague, Statens Muséum for Kunst.
102. La Femme adultère, 1653. Paris, Louvre.
138
103. La Mort de Saphira, 1654-55. Paris, Louvre.
104. Saint Jean baptisant le Christ, 1653-56. Philadelphie, John C. Johnson
Collection.
105. Esther devant Assuërus, v. 1655. Leningrad, Ermitage.
106. Saint Pierre et Saint Jean guérissant le boiteux, 1655. New York Me
tropolitan Muséum of Art.
107. Sainte Famille 5 figures, 1656. Paris, Louvre.
108. Le Repos pendant la fuite en Egypte, v. 1655-57. Leningrad, Ermitage.
109. L’Annonciation, 1657. Londres, National Gallery.
110. La Naissance de Bacchus, 1657. Cambridge (Mass.), Fogg Art Muséum.
111. La Lamentation sur le Christ mort, 1654. Dublin, National Gallery of
Ireland.
112. La Reine Zënobie, v. 1657-1660. Leningrad, Ermitage.
113. Le Printemps (Les Quatre Saisons), v. 1660-64. Paris, Louvre.
114-. L’Etë. Idem.
115. L'Hiver. Idem.
116. L'Annonciation, v. 1657, Munich, Alte Pinakothek.
117. Noli me Tangere, 1653. Madrid, Prado.
118. Autoportrait, 1650. Paris, Louvre.
13<
BIBLIOGRAPHIE
.LIVRES
. (Académie de France à Rome). Nicolas Poussin, Catalogue d’exposition,
(nov. 1977), Ed. dell’Elefante, Rome, 1977.
. ALEWYN, Richard. L’Univers du baroque, Médiations, 21, Gonthier, Suisse,
1964.
. ARISTOTE. Art rhétorique et Art poétique, (trad. J. Voilquin et J.
Capelle), Classiques Garnier, Librairie Garnier et frères,
Paris, 1944.
. ARNAUD, Jean. L'Académie de Saint Luc a Rome. Considérations histo
riques depuis son origine à nos jours, Herman Loescher,
Rome, 1886.
. AUBIGNAC D’, l'Abbé. La pratique du théâtre, Edouard Champion, Paris,
1927 (1657).
. BATTEUX, Charles. Les Beaux-Arts réduits à un même principe, Slatkine
Reprints, Genève, 1969, (ed. de Paris, 1773).
. BAUR-HEINOLD, Margarete. Baroque theatre, Thames and Hudson, London,
1967 (1966 pour l'édition allemande).
. BLANCHART, Paul. Histoire de la mise en scène, Que sais-je, P.U.F.,
Paris, 1948.
. BLUNT, Anthony. Nicolas Poussin, Lettres et propos sur l’art, Miroirs
de l’art, Hermann, Paris, 1964.
. BLUNT, Anthony. La théorie des arts en Italie, 1450-1600, coll. His
toire de l'art, René Julliard, Paris, 1962 (1940 pour
l'édition anglaise).
14(
BLUNT, Anthony. Nicolas Poussin, 2 volumes, The A.W. Mellon Lectures
in the Fine Arts, 1958, Bollington sériés XXXV 7,
Panthéon Books, Washington, 1967.
BLUNT, Anthony, The drawings of Nicolas Poussin, Yale University Press,
London, 1979.
BLUNT, Anthony. Art and Architecture in France, 1500 to 1700, The Pé
lican History of Art, Penguin Books, Maryland (U.S.A.)
1970 (1953).
BLUNT, Anthony et Friedlander, W. The drawings of Nicolas Poussin, Ca
talogue raisonné, vol. III, IV et V, The Warburg Ins-
titute, London, 1953, 1963 et 1974.
BLUNT, Anthony. The French drawings in the collection of his Majesty
the King at Windsor Castle, Phaidon Press Ltd., Lon
don, 1945.
BONNEFOY, Yves. Rome 1630, l’horizon du premier baroque, Flammarion,
Paris, 1970.
BRAY, René. La formation de la doctrine classique en France, Librairie
Nizet, Paris, 1966.
BREJON, Arnauld. L'univers de Poussin, Les Carnets de dessins, Henri
Scrépel, Paris, 1977.
CHAMBRAY DE, Roland Fréart. Idées de la perfection de la Peinture,
Gregg Inter Publishers Limited, Angleterre, 1968 (1662)
CHANTELOU. Journal-de voyage en France du cavalier Bernin, Art Histo
ry, 35, Burt Franklin: Research and source work sériés,
New-York, 1972, (1930).
141
CICERON. De l'Orateur (livre II et III), Les Belles-Lettres, Paris,
1961
COSTELLO, Jane
DAMISCH, Hubert
Nicolas Poussin, «Le Martyre de Saint Erasme», Chefs
d’oeuvre de la Galerie Nationale du Canada, 3, Otta
wa, 1975
Thëorie du nuage. Pour une histoire de la peinture,
Seuil, Paris, 1972
DAUDY, Philippe. Le XVIIe siècle, I, Histoire générale de la peinture,
12, ed. Rencontre, Lausanne, 1966
DECUGIS, Nicole et Reymond, Suzanne Le décor de théâtre en France,
du Moyen Age à 1925, Compagnie française des arts
graphiques, Paris, 1953.
DESCARTES
DESJARDINS,
Oeuvres et Lettrés, Pléiade, Gallimard, Paris, 1963 (1649)
Paul. Poussin, biographie critique, Les Grands Artistes,
Henri Laurens, Paris, 1903
DESJARDINS, Paul. La méthode des classiques français, Corneille, Pous
sin, Pascal, Librairie Armand Collin, Paris, 1904.
DIDEROT. Salons (vol. III), Oxford University Press, Oxford, 1963 (1767).
DUBECH, Lucien. Histoire générale illustrée du théâtre, 5 volumes,
Librairie de France, Paris, 1931-1935.
DU BOS, l’Abbé. Réflexions critiques sur la Poésie et sur la Peinture,
Slatkine Reprints, Genève, 1967 (7e édition, 1770).
DUFRESNOY, C.A., «L’Art de peindre», in Claude-Henri Watelet, L'Art
de peindre, Slatkine Reprints, Genève, 1969 (1761).
ENGEL, Johan Jacob. Idées sur le geste et l’action théâtrale, T.I et
II, Ressources, no 61, Slatkine Reprints, Genève,
1977 (ed. de Paris, 1795)..
14
FELIBIEN. Entretiens sur la vie et les ouvrages de Nicolas Poussin,
Ecrits et documents de peintres, Pierre Cailler, Genève,
1947 (1704).
FONTAINE, A. Les doctrines d’art en France, H. Laurens, Paris, 1909.
FOURNEL, Victor. Curiosités théâtrales, Winkoff Reprints, Genève,
1973 (ed. de Paris, 1859).
FRANCASTEL, Pierre. Histoire de la peinture française, 2 volumes, Mé-
diations, ed. Gonthier, Paris, 1955.
FRANCASTEL, Pierre. Peinture et société, Idées/Arts, 4, Gallimard,
Paris, 1965.
FRANCASTEL, Pierre. La réalité figurative, Eléments structurels de
sociologie de l’art, Bibliothèque de sociologie
de l’art-, Gonthier, Paris, 1965.
FRIEDLANDER, Walter. The drawings of Nicolas Poussin, Catalogue rai-
sonné, vol. I et II, The Warburg Institute, Lon
don, 1968 (1949).
FUCHS, Max. Précis de littérature théâtrale, I, Ed. L.H.L., Paris,
(...).
GEVAERT, Fr. Aug.. Histoire et théorie de la musique de l’antiquité,
I, Gand, 1875.
GILLOT, Hubert. La Querelle des Anciens et des Modernes en France,
Slatkine Reprints, Genève, 1968 (Nancy, 1914).
HAUTECOEUR, Louis. Littérature et peinture en France du XVIIe au XXe
siècle, Librairie Armand Collin, Paris, 1963 (1942).
HORACE. L’Art poétique,
143
HUYGHE, René. Sens et destin de l'art, II, Images et Idées, Flammarion,
Paris, 1967.
JANNEAU, Guillaume. La peinture française au XVIIe siècle, Pierre Cail
ler, Genève, 1965.
JOUIN, Henry. Conférences de l'Académie Royale de Peinture et de Sculp
ture, Paris, 1883.
KERNODLE, George R.. From Art to theatre, Form and convention in the
Renaissance, University of Chicago Press, Chicago,
1964 (1944).
KLEIN, Robert. La forme et l'intelligible, Biblio. des sciences hu
maines, N.R.F., Gallimard, Paris, 1970.
KOWZAN, Tadeusz.
LANSON, Gustave.
LECLERC, Hélène.
LECLERC, Ludovic
Littérature et spectacle (Approaches to semiotics,
no 58, Mouton, Paris, 1975), PWN-ed. scientifique de
Pologne, Warszawa, 1975.
Esquisse d'une histoire de la tragédie française, AMS
Press, New-York, 1966.
Les origines italiennes de l'architecture théâtrale
moderne, l'évolution des formes en Italie de la Re
naissance a la fin du XVIIe siècle, Biblio. de la So
ciété des historiens du théâtre, XXII, Librairie E.
Droz, Paris, 1946.
Les décors, les costumes et la mise en scène au XVIIe
siècle (1615-1680), Slatkine Reprints, Genève, 1970
(ed. de Paris, 1869).
MAHON, Denis. Studies in Seicento Art and theory, Greenwood Press,
Connectitut (U.S.A.), 1971 (1947)*
14^
MANTERO, R.. Corneille critique, coll. Le vrai savoir, Buchet/Chas-
tel, Paris, 1964.
MOULOUD, Noël. La peinture et l’espace, Recherche sur les conditions
formelles de l’expérience esthétique, Biblio. de Philo,
contemporaine, P.U.F., Paris, 1964.
MOUSSINAC, Léon. Traité de la mise en scène, Charles Massin et Cie,
Paris, 1956.
(Musée du Louvre). Nicolas Poussin, Catalogue d’exposition, ed. des
Musées Nationaux, Paris, I960.
PANOFSKY, Erwin. Essais d*iconologie, N.R.F. Gallimard, Paris, 1967
(1939 pour l’ed. anglaise).
PILES DE, Roger. Cours de peinture par principes avec balance des
princes, Slatkine Reprints, Genève, 1969 (ed. de
Paris, 1708).
PILES DE, Roger. Conversations sur la Connaissance de la Peinture,
Slatkine Reprints, Genève, 1970 (ed. de Paris, 1667).
POLIERI, Jacques. Scénographie Sémiographie, coll. Grand format,
Médiations, Denoël/Gonthier, Paris, 1971.
QUINTILIEN. Institution Oratoire, Livre XI, Les Belles-Lettres, Paris,
1979.
REYNOLD DE, Gonzague. Synthèse du XVIIe siècle, la France classique
et l'Europe baroque, ed. du Conquistador, Paris,
1962.
ROLI, Fr. R. et Vicente, Claude. Poussin, Chefs d'oeuvre de l'art,
Grands Peintres, 50, Hachette, Paris, 1967.
SABBATINI, Nicolas. Pratique pour fabriquer scènes et machines de
théâtre (Havenne, Pietro de' Paoli et Gio. Bat-
tista Giovanelli, 1638). Idées et Calendes,
145
Neufchâtel, 1977 (1942).
SCHEFER, Jean-Louis. Scénographie d'un tableau, Tel Quel, Seuil, Paris,
1969.
SCHERER, Jacques, La dramaturgie classique en France, Librairie Nizet,
Paris, 1968.
SCHNEIDER, Pierre. Le voir et le savoir, Essai sur Nicolas Poussin,
Mercure de France, Paris, 1964.
SCHNEIDER, René. «Des sources peu connues ou ignorées de l’art du Pous
sin», Mélanges Bertaux, Ed. de Boccard, Paris, 1924,
p. 279-287.
SCHUHL, P. Maxime. Platon et l’art de son temps, Biblio. de Philo, con
temporaine, P.U.F., Paris, 1952.
SECHAN, Louis. Etudes sur la_ tragédie grecque dans ses rapports avec la
céramique, Librairie Honoré Champion, Paris, 1926.
SKRINE, Peter N., The Baroque, Littérature and culture in seventeenth- *
century Europe, University Paperbacks, 649, Methuen
and Co Ltd., London, 1978.
SUBERVILLE, Jean. Théorie de l’art et des genres littéraires, ed. de
l’Ecole, Paris, 1948.
THUILLIER, Jacques. Tout l’oeuvre peint de Poussin, Catalogue raisonné,
Les Classiques de l’art, Flammarion, Paris, 1974.
TOURETTE DE LA, Gilles. Nicolas Poussin, Maîtres de l'art ancien,
Rieder, Paris, 1929.
VINCI DE, Léonard. Carnets, tome II, NRF Gallimard, Paris, 1951 (1942).
(---------- ). Mémoires inédits sur la vie et les ouvrages des membres
de 1'Académie Royale de peinture et de sculpture. Tome
I, F. de Nobele, Paris, 1968 (réimpression).
146
COLLOQUES
Actes des Journées internationales d’Etude du Baroque, Le Baroque au
théâtre et la théâtralité du Baroque, 2e session, Montauhan,
1966, ed. du Centre National de Recherches du Baroque, Mon-
tauban, 1967.
Actes du Colloque Nicolas Poussin, 2 volumes, (Paris, 1958), ed. du
C.N.R.S., Paris, 1960.
Actes du Xle stage international de Tours, Renaissance, Maniérisme et
Baroque, (coll. de Pétrarque à Descartes XXV) Librairie Phi
lo., J. Vrin, Paris, 1972.
Actes du XXIe Congrès international d’Histoire de l’art (Bonn, 1964),
Stil und überlieferung, vol. III, Berlin, 1967.
Colloques internationaux du C.N.R.S., Critique et création littéraires
en France au XVIIe siècle, C.N.R.S., Paris, 1974.
Colloques internationaux du C.N.R.S., Dramaturgie et société, rapports
entre l'oeuvre théâtrale, son interprétation et son public aux
XVIe et XVIIe siècles, 2 tomes, Le Choeur des Muses, ed. du
C.N.R.S., Paris, 1968.
Colloques internationaux du C.N.R.S., Le lieu théâtral a la Renaissance
(Royaumont, 1963), C.N.R.S., Paris, 1964.
Colloques internationaux du C.N.R.S., Les Fêtes de la Renaissance, 3
volumes, Le Choeur des Muses, ed. du C.N.R.S., Paris, 1956,
1960 et 1975.
Encyclopédie de la Pléiade, Histoire des spectacles, Pléiade, 19,
Gallimard, Paris, 1965.
147
REVUES
APLATOV, M. . «Poussin problems», The Art Bulletin, vol. XVII, no 1
(mars 1935), p. 5-31.
ARIKHA, Avidgor. «"L’Enlèvement des Sabines" de Poussin», Petit Jour
nal des Grandes expositions, Dossier du département des
peintures, no 17, nouvelle série no 76, Réunion des Mu
sées nationaux, France, 1979.
BADT, Kurt. «Raphaël’s "Incendio del Borgo1'», The Journal of the Warburg
and Courtauld Institute vol. 22 (1959). p. 35-59.
BARNETT, Dene. «The performance practice of acting: the Eighteenth cen-
tury», I, II, III et IV, Theatre Research International,
vol. II, no 3, (mai 1977), p. 157-186; vol. III, no 1,
(1978), p. 1-19; vol. III, no 2, (1978) f vol. V, no 1
(1979-1980), p. 1-36.
BARTHES, Roland. «L’ancienne rhétorique», Communications, Seuil, Paris,
vol. 16, (1970), p. 172-230.
BEIJER, Agne. «XVI-XVII century theatrical designs at thie National Mu
séum», Gazette des Beaux-Arts, vol. XXVIII, (oct. 1945),
p. 213-236.
BIALOSTOCKI, Jan. «Une idée de Léonard réalisée par Poussin», La Revue
des Arts, no 3. (septembre 1954), p. 131-136.
BJURSTROM, Per. «Témoignages sur l’éphémère», L’Oeil, no 24, (déc. 1956),
p. 36-41.
BLUNT, Anthony. «The heroîc and the idéal landscape in the works of Ni
colas Poussin», The Journal of the Warburg and Cour-
tauld Institutes, vol. 7, (1944), p. 154-168.
148
BLUNT, Anthony. «Jean Lemaire: painter of architectural», The Burling-
ton Magazine, Vol. LXXXIII, (octobre 1943), p. 241-246.
BLUNT, Anthony. «Poussin Studies VI: Poussin’s décoration of the Long
Gallery in the Louvre», The Burlington Magazine, vol.
XCIII, no 585, (dec. 1951), p. 369-376.
BLUNT, Anthony. «Poussin studies XIV: Poussin’s «Crucifixion»», Burling
ton Magazine, vol. CVI (1964), p. 450-454.
BLUNT, Anthony. «Poussin’s note on painting», The Journal of the Warburg
and Courtauld Institutes, vol. I, (1937-38), p.344-351.
BORN, Wolfang. «Early peep-shows and the Renaissance stage», I et II, The
Connoisseur, vol. 107, no 474, (février 1941), p. 67-71
et no 476, (avril 1941), p. 161-165.
BRIEGER, Peter. «The Baroque équation, Illusion and Reality», Gazette des
Beaux-Arts, vol. XXVII, (mars 1945), p. 143-164.
BRIGSTOCKE, Hugh. «Nicolas Poussin and Cassiano dal PoZzo: a study of the
p. 373-377.
CHARAGEAT, Marguerite. «"L’Ariane endormie”, cire de Nicolas Poussin», La
Revue des Arts, no 1, (mars 1953), p. 35-39.
COLOMBIER DU, Pierre. «Notes sur Nicolas Poussin, «1’Enlèvement des Sa-
bines» et Luca Cambiano», Gazette des Beaux-Arts, 6e
période, tome LXIII, (1964), p. 81-88.
COSTELLO, Jane. «Poussin’s drawings for Marino and the new classism: I:
0vid’s Métamorphoses» The Journal of the Warburg and
Courtauld Institutes, vol. 18, (1955), p. 296-318.
(Réédition de 1965 utilisée)
14<
DECROISETTE, Françoise. «La construction des personnages dans deux
fêtes théâtrales à la cour de Florence au XVIIe siècle»,
Revue d'Histoire du théâtre, 24e année, vol. III, (Juil.-
sept. 1972), p. 207-222.
DEMPSEY, Charles. «The textual sources of Poussin’s «Marine Vénus»
in Philadelphia», The Journal of the Warburg and Courtauld
Institutes, vol. 29, (1966), p. 438-442.
DEMPSEY, Charles. «The classical perception of Nature in Poussin'ear-
lier works», The Journal of the Warburg and Courtauld Ins
titutes, vol. 29, (1966), p. 219-249.
DORIVAL, Bernard. «Expression littéraire et expression picturale du
sentiment de la nature au XVIIe siècle français», La Revue
des Arts, no 1. (mars 1953), p. 45-53.
EVANS, Grose, «The baroque harmony of space and form», Gazette des Beaux-
Arts, vol. XXXIX, (janv. 1952), p. 27-36.
FISCHEL, Oskar. «Art and the théâtre», I et II, The Burlington Magazine,
vol. 66, (janv. 1935), p. 4-14 et (fév. 1935), p. 54-66.
FLORISCONE, Michel. «Sur quelques récents problèmes de la peinture des
XVIIe et XVIIIe siècles», La Revue des Arts, no 4, (dec.
1954), p. 247-256.
FRANCASTEL, Pierre. «Poussin et le milieu romain de son temps», La
Revue de l’Art, vol. 68, no. 366, (1935), p. 145-156.
FRANCASTEL, Pierre. «Imagination plastique, vision théâtrale et signi
fication humaine», Journal de psychologie normale et patho
logique, 46e année, (avril-juin 1953), p. 157-187.
150
FRIEDLÂNDER, Walter. «Poussin’s old âge», Gazette des Beaux-Arts, 6e
série, T. 60, (juil.-août 1962), p. 249-263.
FUMAROLI, Marc. «Rhétorique et dramaturgie: le statut du personnage
dans la tragédie classique», Revue d’Histoire du théâtre,
24e année, vol. III, (juil.-sept. 1972), p. 223-250.
GOMBRICH, E.H.. «The subject of Poussin’s "Orion"», The Burlington Ma
gazine, vol. 84, (fev. 1944), p. 37-41.
GRENIER, Jean. «L’esthétique classique vue à travers Poussin», L’Oeil,
no 58, (1959), p. 45-51.
GUDLAUGSSON, S.J.. «Représentations of Granida in Dutch seventeenth-
century painting», I et II, The Burlington Magazine, vol.
90, no 545, (août 1948), p. 226-230 et vol. 90 no 549, (dec
1948), p. 348-351.
HALDENAVANG, Jacques. «Les origines de la mise en scène», Musées de Ge
nève, no 21, (1962), p. 17-19; no 22, p. 17-19; no 23, p.
17-19; no 25, p. 18-20.
HARRIS, Ann Sutherland. «A new drawing by Nicolas Poussin in Berlin»,
The Burlington Magazine, vol. CX, no 779, (fev. 1968), p.
89-91.
HASKELL, Francis et Rinehart, Sheila. «The dal Pozzo collection, some
new evidence», The Burlington Magazine, vol. Cil, no 668,
(juillet 1960), p. 318-326.
HEIKAMP, Detlef. «L’architecture de la métamorphose», L’Oeil, no 114,
(juin 1964), p. 2-9.
HENDERSON, Nathalie et Arnold. «Nouvelles recherches sur la décoration
de Poussin pour la Grande Galerie», La Revue du Louvre,
XXVIIe année, no 4, (1977), p. 225-234.
151
HEWZEY, Jacques. «Du costume et de la décoration tragique au XVIIe
siècle», Revue d'Histoire du théâtre, 12e année, no. 1,
(janv.-mars 1960), p. 20-33.
JAMOT, Paul. «Les '"Funérailles de Phocion'’ par Poussin au Musée du
Louvre», Gazette des Beaux-Arts, 63e année, 2e semestre,
(1921), p. 319-330.
JAMOT, Paul «Etudes sur Nicolas Poussin», Gazette des Beaux-Arts,
63e année, (1921), 2e semestre, p. 81-100
JAMOT, Paul «Nouvelles études sur Nicolas Poussin», Gazette des
Beaux-Arts, 67e année, 2e semestre, (1925), p. 73-114.
JAMOT, Paul «Poussin's two pictures of the story of Phicion», The
Burlington Magazine, vol XL, (avril 1922), p. 158-163
KAMENSKAYA, Tatiana «Some unpublished drawings of Poussin and his
studio in the Hermitage», Master Drawings, vol. V, no 4,
(avril 1968), p. 390-395 et p. 442-444.
KLEIN, Jérôme. «An analysis of Poussin’s "Et in Arcadia ego*», The
Art Bulletin, vol. 19, no 2, (juin 1937), p. 314-317.
LECLERC, Hélène. «La scénographie italienne de la Renaissance à nos
jours», Revue d'Histoire du théâtre, 3e année, no. 1,
(1951), p. 19-32.
LECLERC, Hélènes «Le siècle de l'invention théâtrale», Revue d'His
toire du théâtre, 3e année, no. 4, (1951), p. 392-399.
LEE, R.W.. «Ut Pictura Poesis: the humanistic theory of painting»,
The Art Bulletin, vol. (décembre 1940), p. 197-270.
LEJEAUX, Jeanne. «Quelques décors de théâtre du XVIIe siècle», Gazette
des Beaux-Arts, 6e série, tome 40, (juil.-août 1952), p.
39-46.
LITTLE, A.M.G.. «Perspective and scene painting», The Art Bulletin,
vol. 19, no. 3, (sept. 1937), p. 486-395.
MAHON, Denis. «Poussin’s early development: an alternative hypothesis»,
The Burlington Magazine, vol. Cil, no. 688, (juillet
1960), p. 288-304.
MAHON, Denis. «Nicolas Poussin and venetian painting, I et II, The Bur
lington Magazine, vol. 88, (janvier 1946), p. 15-20 et
(février 1946), p. 37-42.
MÂLE, Emile. «Les rois mages et le drame liturgique», Gazette des Beaux-
Arts, oct. 1910, p. 261-270.
MITCHELL, Charles. «Poussin’s "Flight into Egypt'1», The Journal of the
Warburg and Courtauld Institutes, I, (1937-38), p. 340-343.
MOISY, Pierre. «Eglises et théâtres», Revue d'Histoire du théâtre, 12e
année, no II, (1960), p. 103-117.
MONTAIGLON, de, A..’ «Notes sur Nicolas Poussin sculpteur», Archives de
l'art français, 2e série, tome II, (1862), p. 267-309.
ODGEN, H.V.S.. «The principles of variety and contrast in seventeenth-
century aesthetics, and Milton's poetry», Journal of the
History of Ideas, vol. X, (avril 1949), no 2, p. 159-182.
PANOFSKY, Dora. «Narcissus and Echo, notes on Poussin's *Birth of Bac-
chus,< », The Art Bulletin, vol. 31, (1949), p. 112-120.
PICARD, Raymond. «Note sur tragédie et plastique», Gazette des Beaux-
Arts, vol. 55, (avril 1960), p. 245-246.
PUVIS DE CHAVANNE, Henri. «Nicolas Poussin et la sculpture», La Revue
de l'Art, tome LXVIII, (1935), p. 93-95.
SAYCE, R.A.. «Saint-Amant and Poussin Ut Pictura Poesis», French Studies,
vol. I, no 3, (juil. 1947), p. 241-251.
153
SCHNEIDER, Pierre. «Poussin: ou le voir et le savoir», Gazette des
Beaux-Arts, tome 60, (juil.-août 1962), p. 265-268.
SIMON, Robert B.. «Poussin, Marino and the interprétation of mytho-
logy», The Art Bulletin, vol. LVIII, no. 1, (mars
1978), p. 56-68.
STEINITZ, Kate Trauman. «Les décors de théâtre de Léonard de Vinci,
Paradis et Enfer», Bibliothèque d*Humanisme et de
Renaissance, t. XX, (1958), p. 257-265.
STEINITZ, Kate Trauman. «Poussin, illustrator of Leonard de Vinci and
the problem of replicas in Poussin’s studio», The
Art Quaterly, vol. 16, (1953), p. 40-55.
TERVARENT DE, Guy. «Le véritable sujet du "Paysage au Serpent” de Pous
sin à la National Gallery de Londres», Gazette des Beaux-
Arts , tome 40, (dec. 1952), p. 343-350.
THUILLIER, Jacques. «Doctrines et querelles artistiques en France au
XVIIe siècle», Archives de l’Art français, T. XXIII,
(1968), p. 125-217.
THUILLIER, Jacques. «Le paysage dans la peinture française du XVIIe
siècle: de l’imitation de la nature à la rhétorique
des "Belles Idées"», Cahiers de l'Association inter.
des Etudes françaises, no 29, (mai 1977), p. 45-64.
TOLNAY DE, Charles, «Poussin, Michel-Ange et Raphaël», Art de France,
vol. II, (1962), p. 260-262.
VITZTHUM, Walter, «Poussin illustrateur des "Documenti d’Amorë», Art
de France, vol. II, (1962), p. 262-264.
WALLACE, Richard W.. «Venus at the fountain and ''The Judgment of Paris” ,
notes on two late Poussin drawings in the Louvre», Ga
zette des Beaux-Arts, vol. 55, (1960), p. 11-18.
154
WHITFIELD, Clovis. «Nicolas Poussin’s "Orage'' and ''Temps calme"»,
The Burlington Magazine, vol. 119, no. 886, (Janv.
1977), p. 4-12.
WHITFIELD, Clovis. «Poussin*s early landscapes», The Burlington
Magazine, vol. 121, no. 910, (janv. 1979), p. 10-20.
WILD, Doris. «Oeuvres du Musée Condé», Gazette dès Beaux-Arts, vol.51,
(janvier 1958), p. 15-31.
WILD, Doris, «"L’Adoration des bergers" de Poussin a Munich et ses
tableaux religieux des années cinquante», Gazette des
Beaux-Arts, tome 60, (juil.-aout 1962), p. 223-248.
WORTHEN, Thomas. «Poussin’s painting of Flora», The Art Bulletin, vol.
LXI, no. 4, (dec. 1979(, p. 575-588.
JOUANNY, Ch.. «Correspondance de Nicolas Poussin», Archives de l’art
français, tome V, (1911). Réédition de 1968 utilisée.
TABLE DES MATIERES
page
AVANT-PROPOS ....................................................... III
INTRODUCTION: APERÇU HISTORIQUE
1. La Poétique d’Aristote.......................... 12. Le modèle Vitruvien............................. 23. Le XVIIe siècle....,............................. 5
CHAPITRE I : POUSSIN DRAMATURGE
1. L'écriture de l'oeuvre et la réflexion intellectuelle........................... 15
2. Les modes et la proportion harmonique.......... 163. La rhétorique: un modèle d’organisation du dis
cours pictural ................................ 204. La théorie de l’expression ................... 23
CHAPITRE II : POUSSIN METTEUR EN SCENE
1. Le lieu dramatique et les modes de composition 272. La composition et la règle des unités ......... 363. Le problème des unités et la Querelle de 1’Aca
démie Saint-Luc ............................... 44
.CHAPITRE III: LA THEORIE DE L’EXPRESSION
1. Analyse des passions: peinture et poésie ...... 532. Analyse des passions: l’art du geste ......... 553. La représentation des passions dans les oeuvres
de Poussin ..................................... 634. Le principe du Décorum ........................ 74
CHAPITRE IV : LE PETIT THEATRE
1. Les sources descriptives ...................... 902. Le système du |>etit théâtre comme méthode de
travail ........................................ 95
CONCLUSION : LES SIGNIFICATIONS JOUEES .......................... 104
Liste des illustrations ................. 109Illustrations ...................................... 112
156
page
APPENDICE A: REPERTOIRE DES GESTES
1. Geste des bras ouverts, de chaque côté ducorps, mains ouvertes .............. 121
2. Geste d’autorité ............................. 1243. Geste de possession .......................... 1244. Geste de la main avec l’index pointé ......... 1255. Attitude de la douleur extrême .............. 1286. Geste des mains jointes ...................... 1287. Geste de la main sur la poitrine, â la hauteur
du coeur ...................................... 1298. Autres attitudes très théâtrales ............ 130
LISTE DES TABLEAUX DE POUSSIN CITES EN APPENDICE A ............. 133
BIBLIOGRAPHIE ...................................................... 139