faculte des lettres these

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FACULTE DES LETTRES THESE PRESENTEE A LECOLE DES GRADUES DE L'UNIVERSTIE LAVAL POUR LOBTENTION DU GRADE DE MAITRE ES ARTS (M.A.) PAR GUAITAN LACROIX BACHELIER ES ARTS DE LUNIVERSITE LAVAL APERÇU DE L'INFLUENCE DU THEATRE DANS L'OEUVRE DE NICOLAS POUSSIN AVRIL 1984

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Page 1: FACULTE DES LETTRES THESE

FACULTE DES LETTRES

THESE

PRESENTEE

A L’ECOLE DES GRADUES

DE L'UNIVERSTIE LAVAL

POUR L’OBTENTION

DU GRADE DE MAITRE ES ARTS (M.A.)

PAR

GUAITAN LACROIX

BACHELIER ES ARTS

DE L’UNIVERSITE LAVAL

APERÇU DE L'INFLUENCE DU THEATRE

DANS L'OEUVRE DE NICOLAS POUSSIN

AVRIL 1984

Page 2: FACULTE DES LETTRES THESE

«Moy qui fais profession de choses muettes...Je pourrois vous dire des choses sur se subiect ici qui sont très véritables et cognues de personne».

Poussin

Page 3: FACULTE DES LETTRES THESE

AVANT-PROPOS

Est-il une idée, de l’ordre des significations intrinsèques panofs-

kyennes, qui permette de saisir l'ensemble de l’activité du XVIIe siècle,

de suivre dans ses plis et replis la conscience de cette période artis­

tique?

On a beaucoup élaboré jusqu'à maintenant sur le mouvement, sur la

passion des spirales et la spirale des passions, sur la théâtralité. Mais

dans quel sens l'entendait-on?

Par exemple, jusqu'à quel point peut-on envisager la représentation

d'un sujet en peinture par le biais de l'appareil dramatique? Jusqu'où

peut-on pousser la métaphore scénique?

Dans la doctrine Ut Pictura Poesis, c'est l'idée même de repré­

sentation picturale qui constitue le point de rencontre, d'échange de­

vrions-nous dire, entre la peinture et la poésie.

Chez Poussin, tout l'artifice de la peinture consiste justement

à orienter et à définir la représentation en fonction du sujet!. Or

le sujet fait également partie du vocabulaire dramatique.

Le terme personnage, utilisé par la critique, réfère de par son

origine latine (persona), à un masque de théâtre. Le terme figure,

non moins utilisé, réfère pour sa part à un masque de mots. Ainsi la

permutation de ces deux termes, leur passage du champ d'investigation

dramatique au domaine pictural, témoigne-t-il déjà d'une certaine in­

fluence?

Page 4: FACULTE DES LETTRES THESE

IV

La peinture est un lieu d’actualisation du rapport des êtres avec

l’univers selon les diverses modalités de compréhension, de visualisa­

tion et d’expression. On ne peut donc abstraire cette «pensée plas­

tique» (P. Francastel), cette conscience-témoin qui imbue le geste

créateur. Et il n'est peut-être pas dénué de sens de relever que la

naissance de la tragédie chez les Grecs s'accorde, en terme d'harmonie

musicale, à une période dite classique, exactement comme la re-naissance

de la tragédie s’accorde à l'esprit de raison du XVIIe siècle, après

une période d'incubation au cours des XVe et XVIe siècles italiens.

La pensée du XVIIe siècle prolonge, en les exploitant au maximum,

les concepts développés depuis le Moyen Age. La réflexion qui imprègne

les oeuvres d'un Bernin ou celles d'un Poussin nous informe d'une con­

ception de la réalité dont la fonction médiatrice joue sur la trans­

parence-transcendance .

Ainsi, aux frontières en quelque sorte de l'apparence, «la conscience

baroque accepte l'illusion comme telle et en fait la donnée fondamentale

avec quoi il s'agit, non de se résigner au néant, mais de produire de

1'être»2. Ce mode de pensée semblerait rapprocher les arts plastiques

de la vision théâtrale.

L'Abbé d'Aubignac, théoricien de la «vraysemblance», écrit: «il est

certain que les ornemens de la scène sont les plus sensibles charmes de

cette ingénieuse Magie, qui rappelle au Monde les Héros des siècles pas­

sez, et qui nous met en veüe un nouveau Ciel, une nouvelle Terre, et

une infinité de merveilles que nous croyons voir présentes, dans le

temps même que nous sommes bien assurez qu'on nous trompe»3.

Page 5: FACULTE DES LETTRES THESE

V

Les artistes de la scène romaine, contemporains de Poussin, ont

exploité l'approche théâtrale. La Conversion de Saint Paul (Rome,

Eglise Sainte-Marie-du-Peuple, v. 1599) de Caravage, par l'ampleur

des gestes, la tension dramatique entre la lumière et l'ombre, le

jeu passionné des lignes, annonçait un certain sens du théâtral. Mais

peut-être cette approche est-elle encore plus manifeste chez Bernin.

dont la Sainte Thérèse (Rome, Sainte-Marie de la Victoire, Chapelle

Cornaro, v. 1645) représente une véritable mise en scène de l'extase.

Cependant, l'ensemble des caractères théâtraux en peinture doit

être envisagé sous plusieurs aspects. Il peut en effet y avoir une in­

fluence aussi bien de l'organisation du lieu scénique et des éléments

qui le constituent, que du corpus doctrinal qui préside à la composi­

tion des pièces. Plus globalement, il peut s'agir d'une vision du mon­

de où la vie «est une espèce de comédie continuelle, où les hommes, dé­

guisés de mille manières différentes, paraissent sur la scène, jouent

petit coin comme, incognue pouuoir gouster les gestes des acteurs»^.

leurs rôles, jusqu'à ce que le maître du théâtre, après les avoir fait

quelquefois changer de déguisement et paraître tantôt sous la pourpre

superbe des rois, tantôt sous les haillons dégoûtants de l'esclavage

et de la misère, les force enfin à quitter lê théâtre»^.

Poussin lui-même écrit: «Vous aués le grand liure ouuert où l'on

voit comme sur un téâtre jouer d'estranges personnage. Mais ce n'est

pas peu de plaisir de sortir quelquefois de! l'orquestre. pour d'un

Page 6: FACULTE DES LETTRES THESE

VI

L’oeuvre de Poussin témoigne-t-il d’une certaine théâtralité? Et

quelles en sont les sources, les modèles, les différents aspects, tant

au niveau des principes que de la plastique? Pour répondre à ces ques­

tions, nous avons dû consacrer une bonne part de nos recherches à l’his­

toire du théâtre afin de cerner ses différentes manifestations, non seu -

lement contemporaines de Poussin, mais antérieures également. Poussin

se réclame bien souvent de l’esprit du siècle renaissant et, par là-même,

de celui des siècles antiques.

Nombre d'historiens d’art s’accordent pour voir un sens du tragique

chez Poussin, une dynamique narrative et une plastique proches du théâtre.

Mais les allusions sont brèves et éparses. Nous nous proposons donc d’a­

border le problème de la complémentarité et de la convertibilité des si­

gnes des langages pictural et"théâtral, par le biais d’un aperçu histori­

que. Nous étudierons ensuite les mises en scène des tableaux de Poussin

afin de dégager une certaine théorie de la composition. Notamment par la

conception du lieu dramatique, la mise en page du sujet et le problème

des unités, et le parti adopté par Poussin dans la Querelle de 1'Académie de

Saint Luc.

Enfin, au travers même de cette «épaisseur de signes» (Roland Bar-

thes) qu’est la théâtralité, nous esquisserons une poétique picturale

par l’étude des correspondances entre les divers modes d’expression

utilisés par Poussin: analyse et représentation des passions comme

lien commun entre «peinture» et «poésie», art du geste et langage cor­

porel, imitation et notion de convenance.

Nous ne présenterons qu’en dernier lieu la méthode de composition

avec le petit théâtre , respectant ainsi la démarche de Poussin où la

représentation demeure soumise à la «pensée» de l’oeuvre.

Page 7: FACULTE DES LETTRES THESE

VII

NOTES

1. Voir Lettre à Chantelou, 24 nov. 1647, Charles Jouanny (édit.),

«Corespondance de Nicolas Poussin», Archives de l’Art français,

V, (1911) p. 372, lettre no. 156.

Nous nous permettons ce rapprochement à partir du principe même de

Panofsky (Essais d'iconologie, p. 29), suivant lequel l’historien

d’art devra confronter ce qui lui paraît «la signification intrin­

sèque» de l’oeuvre (ou du groupe d’oeuvres) qui occupe son attention,

avec ce qui lui paraît la «signification intrinsèque» d’autres docu­

ments culturels, historiquement liés à cette oeuvre (ou groupe d’oeu­

vres). Louis Hjelmslev, dans Prolégomènes à une théorie du langage

(p. 177) dit aussi que «l'esprit scientifique exige que la complexi­

té qui lui est offerte puisse être analysée de façon à permettre

d'extraire un seul trait et à utiliser ce trait comme une clé pour

l'ensemble». Ajoutons cependant que le but de cet essai n’est pas

d'établir ni de convaincre à tout prix d'une «identité» de fins et

de moyens entre peinture et théâtre, mais davantage de faire res­

sortir une certaine «parenté», entendu que «chaque langage a ses

propres lois, son évolution propre et (qu')il est rare que deux

d'entre eux se situent au même degré de maturité» (Jacques Thuil­

lier, «Le paysage dans la peinture française du XVIIe siècle»,

Cahiers de l'Association internationale des Etudes françaises,

n.29, (mai 1977), 47). Pour appuyer^quant aux termes, notre hy­

pothèse de travail, nous avons tenté d'établir un lexique adéquat,

Page 8: FACULTE DES LETTRES THESE

VIII

à partir de la correspondance et des quelques écrits de Poussin.

Mais son vocabulaire n’est guère révélateur â ce sujet (la peinture

et le théâtre puisent par ailleurs largement leur vocabulaire au même

modèle: la poésie). Les quelques expressions pertinentes, ne pouvant

faire l’objet d’un lexique, sont donc distribuées dans le texte.

2. Yves Bonnefoy, Rome 1630, l'horizon du premier baroque, p. 179,

note 22.

3. D'Aubignac, Pratique du théâtre, p. 355.

4. Erasme, Eloge de la folie, p. 42. Cette notion de «Theatrum mundi»

est très ancienne et remonte même aux philosophes antiques. Elle

fut reprise notamment par les Pères de 1'Eglise. L'analogie est

encore très manifeste pour la période qui nous concerne: par exem­

ple, Olivier de Serres publie à Paris en 1600, Le Théâtre d'agri­

culture et Mesnage des champs; François Fougerolles publie Le Théâ­

tre de la Nature à Lyon en 1597; sans oublier la célèbre tirade de

Louis XIV, «la face du théâtre change», quand il prit pouvoir en

1661.

5. Lettre à Chantelou, 21 décembre 1643, in op. cit., p. 235, lettre

no. #96; pour de telles allusions, voir aussi p. 369, lettre no.

#155, p. 395, lettre no. #168 et p. 409, lettre no. #176. A noter

également le témoignage de Bellori sur les promenades de Poussin sur

le mont Pincio, «d'où se découvre la plus admirable vue de Rome et

de ces amènes collines qui, s'harmonisant avec les édifices, font

scène et théâtre» (cité d'après A. Blunt, Nicolas Poussin, Lettres

Page 9: FACULTE DES LETTRES THESE

IX

et propos sur l'art, p. 177); passage particulièrement révélateur,

surtout si on l'envisage du point de vue de l'imitation de la nature

dont la perception même de la nature est déjà théâtrale.

Page 10: FACULTE DES LETTRES THESE

INTRODUCTION

APERÇU HISTORIQUE

1. La Poétique d'Aristote

Sans présenter le développement du théâtre et ses innovations tech­

niques depuis 1'Antiquité, il importe tout de même de rappeler quelques

principes et quelques figures marquantes qui ont contribué à la formu­

lation de l'esthétique picturale pour la période qui nous occupe ici.

L'autorité d'Aristote est, et ce à plusieurs points de vue, incontes­

tée. Pour ouvrir cet horizon, nous devons donc lui accorder la place qui

lui revient de droit, puisque sa Poétique a déterminé l'orientation des

genres théâtraux. C'est également à lui que furent empruntées certaines

règles de la peinture par le biais de la doctrine Ut Pictura Poesis ,

laquelle servit de trait d'union entre 1’Italie et la France dans l'éla­

boration de la doctrine du XVIIe siècle.

Déjà chez Aristote, le principe d'imitation, qui doit présider à l'art,

s'applique aussi bien à la peinture qu'au genre tragique, «attendu que le

poète est un imitateur, comme l'est un peintre ou tout autre créateur de

figures». L'objet de cette imitation, dans la tragédie, puisque c'est le

genre qu'il s'attache à définir, réside dans l'action.

Précisons que les caractères, rattachés à l'expression chez Aristote,

constituent un aspect fondamental de la recherche des peintres du XVIIe

Page 11: FACULTE DES LETTRES THESE

2

siècle. Ces caractères sont renforcés par les attitudes et les gestes

qui leur sont subordonnés puisque la manière d'être s'appréhende lar­

gement par la manière d'agir. Il s'ensuit que la prééminence est ac­

cordée à la fable, combinaison des actes accomplis ou mise en place des

faits, qui correspond, analogiquement, aux contours bien tracés d'une

image^.

La redécouverte et la traduction des textes antiques à partir du XlVe

siècle a permis aux Italiens d'établir de nouvelles formules théâtrales.

Il n'y a toutefois pas de rupture avec le Moyen Age. Bon nombre de motifs

picturaux de l'Antiquité3, plus ou moins bien compris et assimilés par la

peinture et le théâtre médiévaux, ont été conservés mais remaniés par les

artistes du XVIIe siècle. L'invention de la scène d'illusion et le dé­

veloppement de la perspective scénique, qui s'appuient sur le modèle ro­

main, sont des développements renaissants.

2. Le modèle Vitruvien

L'influence du De Architectura, Livre X, de Vitruve, qui traite de

théâtre et de mise en scène, fut primordiale. La description de la scè­

ne qu'il donne contribua à fixer un type de scène utilisée surtout au dé­but du XVIe siècle^. Sa classification des décors selon les divers gen­

res théâtraux eut également une influence déterminante. Notons par ail­

leurs que «l'accompagnement thématique des six principes formels de Vi­

truve dans l'idéal classique, étaient les six parties constitutives de

la tragédie définies par Aristote: la fable, les caractères, l'élocution,

la pensée, le spectacle et le chant» .

Page 12: FACULTE DES LETTRES THESE

3

Avec des artisans du décor théâtral tels Sebastiano Serlio, Igna-

tio Danti^, une nouvelle formule s’est élaborée à partir du modèle vi-

truvien, qui marque les débuts de la scène moderne. Cette nouvelle for­

mule est caractérisée par un décor de place publique avec rues en pers­

pective qui disparaîtront progressivement pour ne laisser qu’une arrière-

scène occupée par la toile de fond?.

La nouvelle formule illustre le passage graduel d’une notion de lieu,

où la scène n’est qu’un support (c’était là la conception médiévale), à

une notion d’espace où la scène devient véritablement une réplique du mon­

de et comme telle, fonctionne suivant les mêmes lois et principes. La

spéculation sur l’espace, qui caractérise principalement la définition re­

naissante de l’objet d’art, témoigne de cette quête de représentation «réel­

le», dans sa forme mais non dans son contenu, qui se fonde sur la perspec­

tive. On se situe encore dans la ligne de pensée du Moyen Age où l’uni­

vers est l’oeuvre d’un Dieu géomètre. Ainsi, pour comprendre cet univers

fondé sur l'ordre, la proportion et l'harmonie, faut-il user des mêmes ou­

tils et remonter à la source.

La conception d'un espace cubique unitaire, à partir d'un effort de

compréhension de l'espace physique, repose sur l'a priori de la scène et du

tableau comme microcosme ou image réduite de l'univers. L'élément premier

de cette perception du réel réside dans la forme, puis dans le système

régissant la relation spatiale des formes entre elles. En ce sens, la

scénographie signifie, au XVIe siècle, «l'art de mettre les objets en

perspective en les représentant sur une surface peinte»0.

Page 13: FACULTE DES LETTRES THESE

4

Mais qui a influencé qui? Nous nous rallions à l’hypothèse de Pierre

Francastel, suivant laquelle la peinture aurait précédé le théâtre dans

l’organisation du cube scénique unitaire’. Dès le Quattrocento, le nou­

vel espace est défini par le système oculaire (la pyramide visuelle d'Al-

berti). Ce système de scénographie monoculaire prévaut également dans

l’organisation de l’espace scénique^ .

L'espace ainsi unifié est indissociable de la concentration de l'ac­

tion, fait que l'on peut déjà relever dans la peinture de la fin du Quat­

trocento. Il marque le passage d'une représentation processionnelle (ex.

Giotto) à une représentation fixe^.

Sous le vocable de représentation picturale, le tableau devient un cu­

be scénographique à trois dimensions, fermé par une toile de fond. La con­

ception de la scène conditionnant essentiellement la composition scénique,

cette formule génère ainsi une nouvelle distribution scénique, un nouveau

rapport des personnages avec le décor. Au si célèbre tableau-fenêtre, avec

son cadre, son plateau et son arrière-scène, nous pourrions adjoindre le

tableau-scène parce que le tableau, avec son cadre, son plateau et son ar­

rière-scène, correspond exactement au concept de la scène italienne. On

passe alors de la notion de surface à la notion de volume où l'espace tant

scénique que pictural est défini par la subdivision tripartite: prosce­

nium, scène et arrière-scène-^.

Parallèlement à cette conception du lieu scénique, dans sa définition

de la finalité de l'art, le premier quart du XVIe siècle se rallie au prin­

cipe qu'Aristote posait comme essentiel, tant pour la peinture que pour le

théâtre, à savoir que la représentation mimétique de la nature humaine trou­

Page 14: FACULTE DES LETTRES THESE

5

ve sa pleine valeur dans l'action, accessible et traduisible par les at­

titudes corporelles. Cette importance accordée à l'expression, qui sera

reprise par le XVIIe siècle et aboutira à une véritable théorie, est par-

ticulièrement manifeste chez Léonard de Vinci . Pour celui-ci en effet,

la poésie décrit les actions de l'esprit et la peinture exprime l'esprit

à travers les mouvements du corps.

3. Le XVIIe siècle

Le théâtre et la peinture du XVIIe siècle, sur les bases mêmes de cet­

te nouvelle orientation spatiale, chercheront â découvrir le moyen d'expri­

mer l'instantanéité, le changement, la vie par le mouvement. Ils privilé­

gieront en ce sens l'arabesque et la diagonale, le dynamisme du vide con­

fronté au plein, ainsi qu'un certain désir d'accroître l'illusionnisme pic­

tural. Au primat de l'oeil succédera alors celui de la vue.

Parallèlement à l'utilisation d'un système complexe de machineries, qui

multiplient au théâtre les possibilités d'illusion du plan supérieur de la

scène, on élabore davantage la toile de fond afin d'abolir les limites et

d'ouvrir l'horizon. L'apparition du système des coulisses favorise des

éclairages plus variés et subtils en même temps qu'il permet d'augmenter la

profondeur de la scène en multipliant les plans. La nouvelle conception du

lieu scénique correspond à la création d'un nouveau type de spectacle qui

opère la fusion entre musique et tragédie et qui se concrétisa très rapi­

dement dans la formule de l'opéra.

Pas plus que le tableau, le lieu scénique n'est envisagé comme un lieu

fermé, clos sur lui-même. Cet aspect est surtout manifeste dans le rôle

dévolu a l'arche du proscenium: les artistes du XVIe siècle attribuaient

Page 15: FACULTE DES LETTRES THESE

6

à ce cadre une valeur de limite. Les artistes du XVIIe siècle essaient

d’en atténuer la présence parce que la scène est désormais conçue comme

la prolongation, le reflet de la salle, comme un morceau de la réalité,

une tranche de vie qui se prolonge par-delà les limites du tableau ou

de la scène. Les grandes fresques qui semblent déborder de leur cadre

témoignent, chez les peintres, de ce désir de prolonger l’espace réel qui

se confond avec l’espace fictif.

La conception des églises, et surtout les voûtes des nefs, n’est pas

sans faire écho à cette théâtralité, à cette création d'un lieu qui par­

ticipe de l'imaginaire et du réel. Bernin recommandait de toujours met­

tre un petit vestibule à l'église afin de favoriser justement la percep­

tion de l'espace circulaire comme un tout pictural, sur le modèle de la14 .perception du lieu scénique . Et il est peut-être opportun de souligner,

en ce sens, le caractère théâtral de sa Gloire pour la cathèdre de saint

Pierre (Saint-Pierre, Rome), que Tintelnot va.jusqu'à comparer à la «ma­

chine» que Bernin avait conçue pour figurer le lever du soleil dans la comédie La Marina (1638) dont il avait exécuté les décors^.

Le XVIe siècle avait unifié tous les éléments du décor par la pers­

pective, générant ainsi l'identification de tout l'espace scénique au

lieu de l'action. Partant de ces données, le XVIIe siècle réalisera la

création d'un espace scénique plus vivant, plus animé et ce, plus parti­

culièrement dans la seconde partie du siècle, lorsque l'Italie imposera

la formule du drame lyrique.

Page 16: FACULTE DES LETTRES THESE

7

En contre-partie, la France imposera dans le domaine littéraire, sa

doctrine qui, constituée dès les années 1630, ne s’affirmera cependant16 que vers les années 1650. Ses principaux artisans, tels Chapelain , La

Mesnardière, Scudëry, d’Aubignac s’appuient sur des auteurs italiens du

XVIe siècle (Vida, Scaliger, Castelvetro) et sur Aristote. Ils donnent

alors au théâtre, et principalement a la tragédie qui redevient le genre

majeur, une nouvelle orientation. Puisqu’il ne s'agit pas uniquement de

plaire mais aussi d’instruire, on vise à la concentration psychologique,

au resserrement du sujet, pour mieux étudier les passions. La conception

moderne de l’action s’impose alors, avec le principe du découpage et de

la liaison des scènes, ainsi que la restriction du lieu de l’action. L’é­

puration de la situation dramatique trouve son corollaire dans l’épuration

du décor, avec le poncif du «palais à volonté» *

Page 17: FACULTE DES LETTRES THESE

8

NOTES

1. Aristote, Poétique, XXVI, 2.

2. Ibid., VI, 12 et 13, 20. Voir, pour un simple rapprochement, un au­

teur du XXe siècle, Bertol Brecht, qui écrit: «tout est fonction de

la «fable», elle est le coeur du spectacle (...) l'ensemble des évé­

nements qui s'expriment dans un «gestus»».

Mentionnons qu'il existait déjà dans la Grèce antique une certaine

parenté entre théâtre et peinture. Dans les peintures de vase, par

exemple, le motif des dieux localisés dans le registre supérieur se­

rait à mettre en relation avec l'utilisation de machines théâtrales

qui faisaient apparaître les dieux au-dessus de la scène (L. Séchan,

Etude sur la tragédie grecque dans ses rapports avec la céramique,

p-. 555). Au Ve siècle av» J.C., le groupement plus rationnel des fi­

gures, la composition trilogique, les attitudes pathétiques corres­

pondent au développement du genre tragique, davantage centré sur les

procédés dramatiques. Bon nombre de textes de l'époque rapporteraient

également que plusieurs sujets de peinture et de sculpture (le groupe

de «Laocoon» par exemple) se rattachent à des tragédies (L. Séchan,

op. cit., p. 30 et 33). Les •f'hylax, classe de vases grecs, tirent

encore leur nom d'un genre de représentation théâtrale qui parodiaient

la tragédie.

3. Par exemple, Edwig Kenner retrace les motifs des coulisses de rochers

et les frises de ville en couronnement, qui dérivent du théâtre grec,

Page 18: FACULTE DES LETTRES THESE

9

dans la peinture pompéienne. Ces motifs ont dû.être connus au

Haut Moyen Age par l’intermédiaire de la miniature antique. Il

retrouve même dans des miniatures byzantines des Xe et Xle siècles,

un souvenir précis des décors de théâtre du Ve siècle av. J.C.,

devant lesquels se sont jouées les grandes oeuvres du théâtre grec

(Kenner, «Die Frühmittelalterliche Buchmalarei und das Klassische

ÇriechischeTheater», in Hefte oesterr. archaol. Inst.«Wien, T. 39

(1952), p. 47-53, cité d’après la notice du Répertoire d'Art et d'Ar-

chëologie, 1952). La filiation aurait pu être faite par l’immigra­

tion en Italie des artistes et penseurs byzantins, après la chute de

Constantinople. Sur l’influence du théâtre dans l’art de Giotto, voir

P. Francastel, Peinture et Société, p. 19-25, ainsi que p. 48ss. sur

la récupération des accessoires de théâtre du Moyen Age par les ar­

tistes du Quattrocento (ex. le char, la grotte-rocher). Notons enfin

qu'il existait déjà un rapport très étroit au Moyen Age entre pein­

ture et théâtre, particulièrement dans le principe de la mise en scè­

ne simultanée.

4. «Au centre il y a une double porte décorée comme celle d'un palais

royal; à droite et à gauche sont les chambres des invités; au-delà,

des espaces réservés à des décors ou machines tournantes de forme

triangulaire présentant chacune trois décors différents». L'attri­

bution d'un décor particulier à chacun des genres théâtraux est la

suivante: les scènes tragiques sont formées de colonnes, frontons et

Page 19: FACULTE DES LETTRES THESE

10

statues et autres ornements royaux; les scènes comiques montrent

des demeures privées avec des fenêtres semblables à celles des

habitations ordinaires; les scènes satyriques sont décorées d'ar­

bres, de cavernes, de rochers et autres objets agrestes, traités

en style paysagiste.

Voir Hélène Leclerc, Les origines italiennes de l'architecture théâ­

trale moderne, p. 54.

5. Avidgor Arikha, «L'enlèvement des Sabines de Poussin», in Petit

Journal des Grandes expositions du Louvre, no 76, (1979), p. 13.

6. Sébastiano Serlio fut l'élève de Peruzzi; c'est lui qui a synthé­

tisé, vers 1545, tant sur le plan .théorique que sur le plan prati­

que les trois types de scène décrits (mais non illustrés) par Vi-

truve. Ighatio Danti, pour sa part, dans son Commentaire des Due

Regole délia prospettiva pratica de Vignole (1583) a développé le

modèle serlien en proposant un décor fixe avec une scène ouverte en

perspective. Par contre, Palladio et Scamozzi, rattachés au Théâ­

tre Olympique de Vicence vers 1585, conservent la formule plus anti-

quisante de la scène vitruvienne. Mentionnons encore Nicola Sabatti-

ni qui a particulièrement insisté sur la recherche de l'effet de pro­

fondeur par la perspective aérienne.

Concrètement, la nouvelle formule s'est élaborée par l'élargissement

de la Porte Royale de la «Frons scenae» jusqu'à devenir l'encadrement

du proscenium. La plate-forme de jeu, en se prolongeant vers l'ar­

Page 20: FACULTE DES LETTRES THESE

11

rière, a ainsi accru l’espace scénique, le champ d’action des ac­

teurs. Les ouvertures de la «Frons scenae» du modèle vitruvien,

absorbées par l’élargissement de la Porte Royale, ont été rempla­

cées par les rues en perspective pour progressivement disparaître

et ne laisser que l’arrière-scène occupée par la toile de fond.

7. Déjà en 1508, une «prospettiva d’un paese» servit de toile de fond

lors de la représentation de la «Cassaria» de l’Aristote. En 1513,

la «Calandria»de Bibiena utilisa une peinture de fond combinée avec

un bas-relief en trompe l’oeil. Le décor de Raphaël pour «I Suppo-

siti» de l’Arioste (dessin à la Bibliotheca Civica de Ferrare, men­

tion faite par Robert Klein, La forme et l'intelligible, p. 298),

représentait une place publique bordée de chaque côté par deux mai­

sons en relief illusionniste et fermée par la vue panoramique, peinte,

d’une ville stylisée.

8. H. Leclerc, «La scène d'illusion et l’hégémonie du théâtre à l'ita­

lienne», in Pléiade, Histoire des Spectacles, p. 583.

9. P. Francastel, Peinture et société, p. 82. G. Kernodle, From Art

to theatre, avance l'hypothèse contraire. Voir aussi Ferrucio Ma-

rotti, «Structure de l'espace scénique», in Fêtes de la Renaissance,

III, C.N.R.S., p. 232; (Le fait est que) «l'idée d'espace scénique,

en tant qu’hypothèse, se développe (et il ne saurait èn être autre­

ment) en même temps que l'apparition et l'affirmation d'une techni­

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12

que, la perspective, apte à isoler une cellule de l'espace physique

et à en fournir la composition». L'art de la perspective fut d'abord

développé dans les arts plastiques par Filippo Brunelleschi et fut

appliqué à la scène par l'entremise de Vitruve.

10. Dans la relation du spectateur au tableau, le point de fuite est éta­

bli à partir du point de vue centralisé. Dans la relation du spec­

tateur à la scène, le point central, qui permet d'établir le point

de fuite, correspond à .«l'oeil du roi», au siège central du théâtre

(Serlio déterminait son point de fuite central à partir de l'oeil de

l'acteur debout sur la scène et ne tenait pas compte du spectateur).

11. Fait à remarquer, le Philodoxus (1436-1437), première pièce écrite

avec une idée cohérente du lieu d'action, est l'oeuvre de celui-là

même qui contribua à l'application de la perspective à point de vue

fixe au dessin. Alberti formulait alors ce que Brunelleschi avait

découvert peu auparavant. Voir Robert Klein, La forme et l'intelli­

gible, p. 297.

12. Par exemple, dans 1'Adoration du Veau d'or de Filippino Lippi (Lon­

dres, National Gallery) les deux montagnes symétriques forment deux

coulisses séparant nettement le premier plan de l'arrière-plan; l'a­

brupt changement d’échelle entre les danseurs alignés au premier plan

et le décor de l'arrière-plan évoque précisément ce nouveau lieu thé­

âtral. La présentation de Marie au Temple (Santa Maria délia Pace,

1516) de Baldassare Peruzzi n'est pas sans lien avec les compositions

Page 22: FACULTE DES LETTRES THESE

13

scénographiques qu'il a réalisées selon cette nouvelle formule

(voir le dessin des Uffizi, Florence, 1515, reproduit in N. Decugis

et S. Raymond, Le décor de théâtre en France, fig. 7 ) » On pourrait

encore mentionner La Visitation (fresque) de Perino del Vaga (Rome,

SS. Trinità dei Monti, Capella Pucci, ap. 1523), la Bethsabée de

Paris Bordone (Cologne, Wallraf-Richartz Muséum, av. 1543).

L'humaniste Gauricus, dans son De sculptura (Padoue, 1504), défi­

nissait essentiellement, dans sa théorie de la perspective «arti­

ficielle», une perspective dramatique; elle devait moins servir à

peindre le «mazzochio» qu'à composer l'«istoria», d'où, par exemple,

les intervalles entre les figures, dont dépend la clarté de l*«is-

toria», relèvent de la perspective. Sur l'apport de Gauricus, con­

sulter R. Klein, La forme et l'intelligible, p. 240ss.

13. Léonard de Vinci, Carnets, II, p. 190.

14. Sur la conception de l'église-théâtre, consulter Pierre Moisy,

«Eglises et théâtres», in Revue d'histoire du théâtre, no 2, 1960,

p. 103-117.

15. Voir Pierre Charpentrat, «Théâtre et architecture baroque», Actes

des Journées internationales d'Etude du Baroque, 2, Montauban, 1967,

p. 114. Lors des cérémonies de canonisation, on aurait par ailleurs

fait apparaître dans cette gloire, l'image du nouveau saint. Sur

l'activité théâtrale du Bernin, voir également Chantelou, Journal de

voyage en France du cavalier Bernin, p. 132; «M. le commandeur de

Jars, ou quelque autre, ayant parlé de ses autres comédies, comme de

l'embrasement du théâtre et du débordement du Tibre, il a conté, pour

Page 23: FACULTE DES LETTRES THESE

14

divertir sa Majesté, la manière dont il avait représenté ces choses,

et le soleil levant aussi, lequel plut tant à tout le monde».

16. Soulignons que Chapelain (1595-1674), «le véritable artisan des

règles classiques en France», a préfacé 1 *Adonis (1620) du poète Ma-

rino avec qui Poussin était lié à Paris, au début de sa carrière.

(René Bray, La Formation de la doctrine classique, p. 103).

17. Sous le règne de Louis XIII toutefois, le théâtre français (v. 1580-

1650) n'a pas renié les innovations italiennes. Le Mirame du Cardi­

nal Richelieu, tragédie écrite pour l'inauguration de son théâtre

en 1641 (dont Lemaire avait peint le plafond), fut joué dans un décor

unique de Georges Buffequin. Il représentait «le jardin du palais

royal d'Hëraclëe, regardant la mer». Cependant, quelque temps seu­

lement après cette représentation, le Ballet de la Prospérité des Ar­

mes de France fut joué «avec de nouvelles inventions pour faire paraî­

tre tantôt les campagnes d'Arras et la plaine de Casai et tantôt les

Alpes couvertes de neiges, puis la mer agitée, le gouffre des Enfers

et enfin le Ciel ouvert» (Michel de Marolles, Mémoire (1656-1657), ci­

té par Nicole Decugis et Suzanne Raymond, Le décor de théâtre en Fran­

ce du Moyen Age â 1925, p. 59). D'autre part, les mouvements d'influ­

ence n'étant jamais à sens unique, le Cid de Corneille (avec son héros

de nationalité espagnole) fut traduit en italien dès 1643 et joué à

Rome par des acteurs français en 1653.

Page 24: FACULTE DES LETTRES THESE

CHAPITRE I

POUSSIN DRAMATURGE

«Veramente! quel uomo e stato un grande istoriatore e grande favoleggiatore»

(Bernini)«Ma foi, cet homme-là a été un grand narrateur d’histoires, un grand conteur de fables».

1. L’écriture de l’oeuvre etla réflexion intellectuelle

Chez Poussin, la structure du tableau est fonction du contenu didac­

tique fondamental des sujets à illustrer. S’appuyant sur les données

essentielles de la Poétique d’Aristote, il s’est attaché à la signifi­

cation profonde, moralisatrice, qui transparaît à travers le sujet orga­

nisé en fable. Poussin définit la peinture comme n’étant «autre que

l’imitation des actions humaines» . Cette réflexion qu’il aurait tiré

d'un essai du Tasse^ n’est pas sans rappeler la définition de la tragé­

die que donnait Aristote. D’autre part, Poussin, qui veut «que la ma­

tière et le sujet soient grands, comme seroient les batailles, les ac-

tions héroïques et les choses divines» , prévilégie l’action ayant

un sens épique. Quant à l’invention, elle réside moins dans le choix

d’un sujet nouveau que dans «la bonne et nouvelle disposition et expres-

sion»^ d’un sujet déjà répertorié.

Page 25: FACULTE DES LETTRES THESE

16

L’action, dont Poussin dit que sans elle «les lignes et la couleur

sont inutiles», renvoie au caractère, à une manière d'être qui la mo­

tive. Elle met donc toujours en jeu, par la cause ou le motif qui la

détermine, une certaine expression qui suscite dans l’oeuvre une réson­

nance émotive.

Poussin vise donc, par-delà l’action, à incarner un état d’esprit ou

un sentiment pour lequel l’action et l’attitude du personnage deviennent

un point-relais, support de la méditation du spectateur. L’écriture de

l’oeuvre se double alors d’une réflexion intellectuelle. Et la peinture

est envisagée comme l’exposé d’une rhétorique qui se définit par la théo­

rie des «Belles Idées», laquelle ne va pas toutefois sans le respect fon­

damental de «l’Ars imitatio naturae».

Mais corollairement, cette réflexion, support de l’invention, doit

s’appuyer sur une certaine logique de structuration, sur un certain ca­

dre d’éléments théoriques accordés à la volonté de l’artiste de mettre

en lumière tel principe ou telle situation. Il y a toujours un modèle

de base en vertu de quoi le créateur peut opérer son choix et organiser

ainsi sa matière. Ce modèle de base chez Poussin est la doctrine Ut Pic-

tura Poesis, dont il est d’ailleurs un des plus fidèles représentants.

2. Les modes et la proportion harmonique

Il faut cependant élargir ce cadre de référence, car Poussin a uti­

lisé un concept apparemment peu habituel en peinture: les modes. Cette

théorie fut très peu étudiée et nous n’avons qu’un seul document

Page 26: FACULTE DES LETTRES THESE

17

où Poussin entretient son lecteur sur ce sujet. Et encore est-il as­

sez énigmatique. Ce document est la lettre qu’il adressa à Chantelou,

le 27 novembre 1647 :

«... je vous veux advertir d’une chose d'importance qui vous fera cognoistre ce qu'il faut obseruer en la représentation des subiect qui se dépeignent...

Cette parolle Mode signifie proprement la raison ou la mesure et forme de la quelle nous nous seruons a faire quel­que chose... et partant telle médiocrité et modération n'est autre que une certaine manière ou ordre déterminé, et ferme dedans le procéder par lequel la chose se conserue en son es- tre.

Etans les Modes des ansiens une composition de plusieurs choses mises ensemble de leur variété naiscoit une certeine diffërense de Mode par laquelle l'on pouuait comprendre que chascun d'eux retenoit en soy je ne scais quoy de varié prin­cipalement quand touttes les choses qui entroint au composé ëtoint mises ensemble proportionnëment d'où procëdoit une puis­sance de induire l'âme des regardans à diuerses passions de la vint que les sages antiens atribuèrent à chascun sa propriété des effets qu'il voyoint naistre d'eus pour cette cause il apellèrent le Mode dorique stable graue et sëuëre et luy ap- pliqoint matières graues sëuères et plaine de sapiense.

et passant de la aux choses plaisantes et joieuses il usoint le mode frygien pour auoir ses Modulations plus menues que au­cun autre mode et son aspec plus Aygu. Ses deux manières et nulle autres furent louées et aprouuëes de Platon et Aristote estimant les autres inutiles ils estimèrent se Mode véhément furieus très-sëuère et qui rend les personnes estonnës(...) il voulurent encore que le Mode Lydien s'accomodast aux choses lamentables parce qu'il n'a pas la modestie du Dorien ni la sëuëritë du Frigien.

L'ypolidye contient en soy une certaine Suauitë et Douceur qui remplit l'ame des regardans de joye. il s'accomode aux matières diuines gloire et Paradis.

Les Ansiens iuentèrent le Ionique avec lequel ils reprësen- toint danses baccanalles et festes pour estre de nature joconde (...)

Il achève la lettre par une comparaison avec les poètes, particuliè­

rement Virgile; il souligne que le «merueilleux artifice» de Virgile

consistait a varier les sons en fonction du sens; par exemple, pour par­

ler d'amour, il choisit des paroles «grandement gratieuses à ouir».

Page 27: FACULTE DES LETTRES THESE

18

L’origine grecque de cette théorie ne fait nul doute aujourd’hui.

Reliée au théâtre, elle concernait surtout l’art de la mélopée. Cha­

que mode était caractérisé par une succession particulière d'inter­

valles. Mais l’éthos des modes, plus particulièrement, déterminait

les divers genres de composition selon les sujets. Ainsi, le caractère

expressif de chacun des modes se rattachait au caractère des peuples

auxquels ils empruntaient leur nom.

Ce qu'il importe de retenir est que les modes permettaient à Poussin

d'orienter son argumentation picturale, sa représentation du sujet, et

par le fait même, de prédisposer le spectateur a une certaine lecture.

Tout d'abord, ils l'aidaient à circonscrire son sujet, puis à ordonner

la gamme des passions à imiter et enfin, à investir son jeu de lignes et

de couleurs des résonnances émotives accordées à son sujet. Chaque élé­

ment participait ainsi au caractère général de l'oeuvre, toutes les par­

ties étant subordonnées.

Le mode est donc un intermédiaire, un moyen terme qui joue exacte­

ment le même rôle que dans la tragédie grecque où il médiatisait les

sons (musique) en fonction du sens (poésie). Voici d'ailleurs un pas­

sage particulièrement révélateur de Félibien:

«Il s'était imaginé que comme dans la musique l'oreille ne se trouve charmée que par un juste accord de différentes voies; de même dans la peinture la vue n'est agréablement satisfaite que par la belle harmonie des couleurs et la jus­te convenance de toutes les parties les unes auprès des au­tres. De sorte que, considérant que la différence des sons cause à l'âme des mouvements différents, selon qu'elle est touchée par des tons graves ou aigus, il ne doutait pas que la manière d'exposer les objets dans une disposition de mou­vements, et une apparence d'expressions plus ou moins vio- lentes, et sous des couleurs mises les unes auprès des au-

Page 28: FACULTE DES LETTRES THESE

19

ties et mélangées diversement, ne donnât à la vue di­verses sensations qui pouvaient rendre l'âme suscepti­ble d'autant de passions differentes».

Ce texte met bien en valeur l'idée rythmique et musicale contenue

dans les modes. Car c'est bien la règle de la proportion harmonique

qui permet à Poussin d'ordonner sa gamme d'éléments, de formuler quel­

que nouvelle «disposition», garante de l'expressivité de l'oeuvre.

Tant dans la tragédie grecque que dans la peinture de Poussin, l'u­

tilisation des modes est fonction du sujet et comme telle, oriente la

fonction cathartique de l'art. Reprochant à Chantelou de mal juger de

ses intentions, parce qu'il avait cru sentir plus d'amour dans le Moïse

sauvé des eaux peint pour Pointel, Poussin rétorque que «c'est la na­

ture du subiect qui est cause de cet effet, et vostre disposition, et

que les subiect que je vous traitte doiuent estre représentés par une

autre manière. C'est en cela que consiste tout l'artifice de la pein­

ture» .8

Peut-être faut-il voir aussi une influence de la tradition néo-pla­

tonicienne qui attribuait au mode le rôle de médiateur entre l'ordre

(plan abstrait) et la forme (plan concret) pour réaliser la beauté idé­

ale dans la matière. Cette notion de rapport et d'harmonie n'est pas

sans quelque lien avec ce passage de Poussin: «l'idée de beauté ne des­

cend dans la matière que si elle y est préparée le plus possible (...)

L'ordre et l'intervalle des parties ne suffisent pas, ni que tous les

membres du corps aient leur place naturelle, s'il ne s'y joint le mode,

qui donne a chaque membre la grandeur qui lui est due, proportionnée au

tL

Page 29: FACULTE DES LETTRES THESE

20

corps, et si l'espèce n'y concourt pas, en sorte que les lignes soient

faites avec grâce, et dans un doux accord de la lumière voisine deQ

1'ombre».

3. La rhétorique: un modèle d'organisation du discours pictural.

La rhétorique de Poussin, autre aspect de son modèle de base, s'ins­

pire de la doctrine Ut Pictura Poesis. L'humanisme italien du XVIe siè­

cle a récupéré ce principe horatien et, dans la hiérarchie des Arts li­

béraux, a privilégié les trois premiers: la Grammaire, la Rhétorique et

la Dialectique. Le XVIe siècle a formulé une théorie où les règles de

la peinture sont définies à partir des règles mêmes de la poésie. C'est

sous l'égide de l'Ut Pictura Poesis que se développe la théorie des Bel­

les Idées, dans laquelle l'art est «mimësis» ou «imitatio naturae».

Le XVIIe siècle met davantage que le XVIe siècle l'accent sur l'expres­

sion de la psychologie des personnages. Le décor architectural et pay-

sagé sert de support â cette traduction des passions.

La discipline rhétorique, en ce sens, n'est pas sans lien avec le

théâtre et avec la théorie de l'expression du XVIIe siècle. Aristote

soulignait dans sa Poétique que ce qui concerne la «pensée» ou «l'art

de trouver l'expression de ce qui est dans le sujet et de ce qui lui

convient»^, trouve sa place dans les traités de rhétorique^. Il con­

sacre lui-même une douzaine de chapitres à la description des passions

et cinq chapitres à l'étude des caractères dans son Art rhétorique.

L'origine de l'art oratoire, conçu comme art du geste et de la pa­

role, remonte à Quintilien et à Cicéron. Ce dernier établit le parai-

Page 30: FACULTE DES LETTRES THESE

21

lèle avec l’art théâtral. Il dit en effet que l’orateur et le comé­

dien, dont le but commun est d’exprimer des sentiments et de faire en

sorte que les spectateurs ressentent ces sentiments, doivent recourir

à l’expression tant physionomique que gestuelle. Les deux disciplines

doivent respecter le même principe fondamental: l’imitation de l'action

humaine dans ce qu'elle a de plus noble, les mouvements de l'âme. La

caractérisation par le geste ou l’allure, qui relevait à l'origine des

conventions dramatiques^, est la mise en application du système de

perception en miroir, qui repose sur le principe des correspondances:

du geste, on peut ainsi remonter au sentiment, puis à l'idée.

Marc Fumaroli, dans un article très éclairant1 , souligne le fait que

la rhétorique a servi de dénominateur commun à la correspondance entre

les arts dans une civilisation qui cherchait à concilier vitalité et or­

dre. D'ailleurs, dans la «renovatio studii» des XVIe et XVIIe siècles,

le Ratio Studiorum, version christianisée des Institutions oratoires

de Quintilien, est le principe pédagogique utilisé par les Jésuites, qui

ont grandement contribué à modeler la pensée du XVIIe siècle.

Déjà Gauricus, dans son De sculptura (Padoue, 1504), récupère chez

Quintilien, à partir de l'analogie entre perspective et«perspicuitas»

(terme rhétorique), des notions qu'il applique à la narration picturale^.

Bramante et son cercle s'étaient posé le problème des relations en­

tre art et rhétorique, entre communication visuelle et effets psycho-

logico-ëmotionnels .̂ Alberti conseillait au peintre «de se délecter

des poètes et des orateurs car ceux-ci ont assurément avec le peintre16bien des beautés communes Franciscus Junius, dans son De Pictura

Page 31: FACULTE DES LETTRES THESE

22

Veterum publié en 1637 (que Poussin connaissait), remplace le mot

eloquentia par le mot pictura, et applique de ce fait à la peinture

ce que Cicéron et Tacite disaient de l’éloquence.

Dans les «Observations sur la Peinture», rapportées par Bellori,

qui sont pour la plupart des notes de lecture et non des observations

personnelles de Poussin, deux textes sont à mettre en relation avec

la discipline rhétorique^.

Mais que lui offrait cette discipline? Elle lui donnait un modèle

d’organisation du discours et même, dans la caractérisation par le geste

de l’état d’âme, certains éléments de transcription plastique. Ceci re­

vient à dire que Poussin met véritablement en oeuvre un discours pictu­

ral^ qui se fonde sur les exigences de la vraisemblance et du décorum.

L’oeuvre se présente comme le développement d’un thème général, explici­

té, clarifié par des sous-thèmes. L'analyse des passions et de leurs

modulations commande les actions des personnages dans le tableau tout

comme dans le récit poétique ou le discours oratoire.

Un passage de Félibien souligne bien l’influence du modèle rhétori­

que : «on voit pourtant dans la composition des uns des autres, qu'à

l'exemple des savants orateurs, son intention a été d'en serrer toutes

les parties qu'il divise en certains membres, auxquels il ne donne d'é­

tendue que ce qui est nécessaire pour exprimer sa pensée, sans qu'il y

ait dans son ouvrage ni embarras, ni confusion, ni rien de superflu .

Et Chantelou rapporte encore qu'après avoir vu L'Extrême-onction de Pous­

sin, le Bernin «dit que cela faisait le même effet qu'une belle prédica-

Page 32: FACULTE DES LETTRES THESE

23

qu'on écouté avec attention fort grande et dont on sort après sans20 rien dire, mais que l'effet s'en ressent au-dedans

4. La théorie de l'expression

Mais comment le langage dramatique de Poussin, son écriture, opè­

re-t-il a partir de ces éléments théoriques? L'un des aspects essen­

tiels de sa démarche consiste à sélectionner, à dégager d'une action

le moment le plus chargé de signification, d'intensité dramatique et

d'expressivité. C'est ici qu'intervient alors la théorie de l'expres­

sion qu'a privilégiée le XVIIe siècle.

Celle-ci se fonde, pour une large part, sur la théorie de Léonard de

Vinci selon qui l'expression des passions devait être en rapport avec le

mobile dramatique. Pour ce faire, le peintre devait respecter un ensem­

ble de règles, dont la principale était le décorum; d'abord appliquée à

la poésie dramatique et épique (ainsi qu'à leur représentation), cette

règle exigeait que tous les éléments, tant ceux qui relèvent de la plas­

tique que ceux qui relèvent de l'expression des sentiments, soient en re­

lation de convenance. L'utilisation des modes chez Poussin concourrait

entre autres, à vivifier de l'intérieur cette règle.

Ainsi l'analyse psychologique va permettre de préciser le sens de

l'action des protagonistes imposés par le sujet. Cette analyse est à

deux temps. D'une part, la compréhension des comportements des person­

nages doit transparaître dans le choix de leurs attitudes, appropriées

à leur mobile. D'autre part, les caractères des différents personnages

Page 33: FACULTE DES LETTRES THESE

24

doivent s’harmoniser afin de renforcer l'action, voire même d'en don­

ner une image exemplaire. Dans les oeuvres les plus représentatives

d'un certain modèle théâtral (comme par exemple, La Mort de Saphira,

(fig. 34), le Jugement de Salomon (fig. 29) ce dernier aspect constitue

en quelque sorte le dialogue.

C'est à dessein que nous avons esquissé ce résumé du modèle théori­

que de Poussin, afin de faire ressortir l'importance de son écriture

picturale. L'apparente lacune de notre bref exposé laisse en­

core mieux entrevoir que son esthétique serait somme toute assez intel­

lectuelle et froide, si on ne l'incarnait dans ce qui fait la spécifi­

cité du langage dramatique de Poussin: sa plasticité. L'ordonnance

des figures et du fond, puis des figures entre elles, est un problème fon­

damental chez lui. Il peut nous permettre de suivre, à travers les

formules qu'il a privilégiées, la transcription des scénarios.

Respectant ainsi le développement de son art, lié à l'évolution d'une

pensée plastique, nous allons maintenant voir, en reprenant ces données,

comment s'opère la transposition du sujet de la littérature à la peintu­

re, de l'idée à sa représentation.

Page 34: FACULTE DES LETTRES THESE

25

NOTES

1. Cite par Bellori, «Observations de Nicolas Poussin sur la Pein­

ture», «Correspondance de Nicolas Poussin», op.cit., p. 492.

2. A. Blunt, Nicolas Poussin, Lettres et propos sur l’art, p. 169

3. Cité par Bellori, op. cit., p. 494.

4. Ibid,, p. 496.

5. Ibid., p. 494.

6. In op. cit., p. 372, lettre no. 156. Cet exposé sur les modes

rait la transcription de certains passages tirés des Instituzioni

Harmoniche de Gioseffo Zarlino, que Poussin aurait lu par l’inter­

médiaire du Dominiquin. Pour une histoire des modes ainsi que

leur classification, consulter H. Gevaert, Histoire et théorie de

la musique dans l’antiquité, I, p. 127ss.

Rappelons que, selon Thuillier, le sujet du Olympos et Marsyas

(v. 1626, Paris, Louvre) (reproduit dans Thuillier, Tout 1 * oeuvre

peint de Poussin, fig. 34), qui n’est identifié que depuis 1969,

montre Marsyas révélant les modes musicaux à son favori Olympos

qui à son tour, les enseignera à la Grèce.

7. Félibien, Entretiens sur la vie et les ouvrages de Nicolas Poussin,

p. 255-256.

8. Lettre à Chantelou, 24 novembre 1647. «Correspondance de Nicolas

Poussin», op. cit., lettre no. 156, p. 372.

9. Cité par Bellori, op. cit., p. 496.

Page 35: FACULTE DES LETTRES THESE

26

10. Aristote, Poétique, VI, 22.

11. Ibid., XIX, 2-3.

12. Quintilien, Institutions oratoires, XI, 3, 112 (et note 2, p.366).

13. M. Fumaroli,«Rhétorique et dramaturgie: le statut du personnage

dans la dramaturgie classique», Revue d'histoire du théâtre, III

(1972), p. 223-250.

14. Robert Klein, La forme et l'intelligible, p. 257.

15. Fabrizio Cruciani, «Vision et organisation de l'espace dans les

fêtes romaines», Les Fêtes de la Renaissance, C.N.R.S., 1975, p.227.

16. Alberti cité par A. Fontaine, Les doctrines d'art en France, p.3

(note 2).

17. A. Blunt, «Poussin's note on painting», Journal of Warburg and

Courtauld Institute, I, (1937-38), p. 344-351, notamment les ru­

briques «De 1'Action» et «Comment l'art surpasse la nature».

18. «A partir du moment où un certain nombre de figures se trouvent

réunies dans une toile, on se heurte aussitôt à l'aspect narratif

des rapports qui relient les figures les unes aux autres. Elles

s'articulent immédiatement selon l'ordre d'un récit», Francis Ba­

con cité par Jean-Louis Schefer, Scénographie d'un tableau, p. 199

(note 13).

19. Félibien, op. cit., p. 204.

20. Chantelou, Journal de voyage en France du cavalier Bernin, p.83.

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CHAPITRE II

POUSSIN METTEUR EN SCENE

1. Le lieu dramatique et les modes de composition.

Dans la mesure où l’oeuvre théâtrale et l’oeuvre peinte se don­

nent toutes deux pour fin la représentation de la nature humaine, on

peut déjà établir une certaine équivalence entre les moyens utilisés

pour y parvenir. Ceci permet de supposer que les termes de cette équa­

tion sont ou peuvent être interchangeables. Puisque notre hypothèse de

départ cherche a vérifier l’influence du théâtre sur la peinture de Pous­

sin, il s’agit de considérer les termes qui se rapportent au théâtre et

de voir comment les concepts de mise en scène et de décor, les règles

et les principes du drame littéraire sont transférables à la peinture.

Tout autant que la représentation théâtrale, «la représentation des

subiect qui se dépeignent» (Poussin) ne peut se manifester sans le sup­

port physique d’un lieu. En ce sens, sur le modèle de la scène, le

tableau est appréhendé comme lieu dramatique. La conception de ce lieu

se présente donc comme le premier aspect d’investigation d'une esthéti­

que visant à dégager la théâtralité d’un oeuvre pictural, car c'est cet­

te conception qui détermine le mode de composition.

Jusque vers 1640, les compositions en profondeur avec échelonne­

ment des plans n'apparaissent qu’occasionnellement dans les tableaux

de Nicolas Poussin. Qu’il s’agisse de thèmes mythologiques ou de sujets

Page 37: FACULTE DES LETTRES THESE

28

héroïques, l’horizon y est généralement fermé et les personnages re­

groupés au centre du premier plan dans une mise en page soit centrée,

soit décentrée: c’est le mode de composition en bas-relief. Cette for­

mule réfère à la pratique théâtrale humaniste des XVe et XVIe siècles,

laquelle reprit les données fondamentales de la scène gréco-romaine.

Le champ dramatique est restreint, découpé; il n’est que le support de

1’action.

Dans la célèbre Mort de Germanicus (Minneapolis, Institute of Arts,

fig. 2), le lieu dramatique est défini beaucoup plus par les figurants

que par le décor. Ce trait caractérise les tableaux des années 1624-

1630. Dans la Mort de Germanicus toute l’action est concentrée au pre­

mier plan. L’intérêt est d’ailleurs constamment ramené vers ce plan par

le décor architectural, tendu d’une lourde draperie à droite. En outre

le contraste dramatique entre la draperie sombre et le vif éclairage

de Germanicus attire le regard. C’est là aussi un procédé théâtral.

Anciennement, le comédien s’avançait sur le devant de la scène, en pleine

lumière, pour déclamer son texte. Puis il se retirait dans l’ombre pour

faire place à un autre comédien.

Les personnages sont répartis en deux groupes bien définis, de gau­

che à droite, sur toute la largeur du tableau. La verticalité de la main

levée du guerrier (geste qui explique le sens du tableau) est accentuée

par les pilastres de l’arrière-plan, mais atténuée par les diagonales

des lances. Le geste de ce guerrier est préparé par la position des bras

des deux personnages derrière lui. Il y a ainsi gradation dans la verti­

Page 38: FACULTE DES LETTRES THESE

29

calité du mouvement, de l’arrière vers l’avant du tableau, suggérant

un crescendo émotif.

Le non moins célèbre Triomphe de Flore (Paris, Louvre, fig. 3) re­

prend cette formule en déployant toutefois davantage les figures. Leur

regroupement moins compact n’élimine cependant pas pour autant l’accent

horizontal de la composition: les personnages s’y meuvent encore comme

dans une frise. Le décor paysagé, en accord avec le sujet suivant la rè­

gle des convenances, fait office de toile de fond, tout comme dans le

Triomphe de Bacchus (Kansas City, Atkins Muséum, copie) et la Bacchana­

le à la joueuse de luth (Paris, Louvre). Cette fonction seconde du dé­

cor accroît la prééminence accordée à l'action. Ce procédé réfère de

nouveau au théâtre si on se souvient que le primat du théâtre grec, entre

autres, résidait dans le sujet et sa narration, jouée dans un décor-sup­

port.

Dans 1'Adoration des Mages (Dresde, Staatliche Kunstsammlungen, Ge-

maldegalerie, fig.6), qui offre un renouvellement d’un thème fort popu­

laire, il y a bien un troisième plan dans la partie droite du tableau,

mais là encore l’horizon est fermé par une architecture qui ramène le

regard au premier plan occupé par les personnages principaux. A l’im­

portance des figures, soulignée par leur disposition en frise sur un

plateau très apparenté à une scène avec un décor de fond, vient s’ajou­

ter une narration psychologique: le langage corporel des acteurs évoque

des réactions psychologiques individualisées. C’est d’ailleurs ce lan­

gage qui soutient plastiquement la mise en scène, comme dans le Camille

et le Maître d’école de Falëries (Los Angeles, Norton Simon Foundation,

fig. 10).

Page 39: FACULTE DES LETTRES THESE

30

Dans le Jeune Pyrrhus sauvé (Paris, Louvre, fig. 11), la même for­

mule est reprise: les figures sont campées au premier plan, jouant le

rôle de plateau scénique. L’expression des personnages est tout aussi

caractérisée que dans 1'Adoration des Mages. Mais la mise en scène se

complique: la disposition en frise des figures décrit une arabesque qui

tend à se déployer, tant sur la gauche que sur la droite vers l’arrière-

plan. Ce mouvement est renforcé par les gestes des figures. Le personna­

ge central, vu de face, tend les bras dans les deux directions; les deux

groupes masculin et féminin soutiennent les deux mouvements opposés. Le

fond, quoique plus élaboré, participe encore du décor.

Ces quelques exemples illustrent comment Poussin traite ses sujets

â la façon des reliefs. Ce procédé de la frise comporte en lui-même la

justification de son usage. Il permet de n'introduire que le nombre in­

dispensable de figures, chacune ayant un rôle précis à jouer. En outre

la réduction du nombre des figures met en valeur leur rôle de protagonis­

tes, et permet une plus grande concentration du sujet. Poussin met ainsi

en lumière sa conception du personnage comme sujet capable de différentes

manière d’agir, elles-mêmes reflet de manières d'être. C'est conséquem­

ment un mode de composition approprié, traduisant exactement la concep­

tion que Poussin nourrissait concernant la nécessité de condenser l'ac­

tion dramatique.

La frise présente l'ensemble des acteurs évoluant devant un décor

peint. Ceci fait alors intervenir trois éléments: le plateau, les person­

nages et le décor. Les personnages s'exécutant sur la plateau scénique

Page 40: FACULTE DES LETTRES THESE

31

se détachent nettement de l’aplat du décor qui complète la narration^.

Ce procédé permet encore d’établir le parallèle entre le jeu scénique

des tragiques grecs, mettant l’accent sur la beauté du texte et sur sa

narration, et le jeu scénique des figures de Poussin, basé sur l’ex­

pression des passions et le primat du contenu didactique.

Nous retrouvons ces deux aspects dans le théâtre humaniste des XVe

et XVIe siècles. C’était un art conçu pour les yeux de l’esprit. Les

premières pièces à l’antique, jouées à l’académie fondée et dirigée à

Rome par Pomponius Lactus, autour des années 1470, étaient jouées sur

une plate-forme avec un arrière-plan peint . L’étude archéologique plus

poussée et l’influence de Vitruve amenèrent Palladio â réintroduire, au

théâtre Olympique de Vicence en 1580, la scène classique avec frons sce-

nae et proscenium. La formule de Poussin s’apparente à ce modèle. Il

s’en inspira possiblement.

Qu’on nous permette ici d’ouvrir une parenthèse au sujet du concept

de temporalité rattaché à ce type de composition. Même envisagée plas­

tiquement, cette formule fait davantage référence au temps qu’à l’espace,

dans le sens qu’elle génère l’idée de succession. Elle se rattache à la

tradition des processions qui étaient, soit dans 1'Antiquité soit au Mo­

yen Age, conçues comme manifestation théâtrale et qui se prolongèrent

pendant la Renaissance sous la forme des Entrées.

L'usage de ce procédé chez Poussin pourrait témoigner d'un habile com­

promis visant à instaurer un certain mouvement dans le déroulement d'une

action dans un espace délimité et clos. Selon qu'il tient compte directe­

Page 41: FACULTE DES LETTRES THESE

32

ment de la perception du spectateur, l’artiste cherche à établir, selon3 l’expression de Mikel Dufrenne , la solidarité phénoménologique des deux

concepts, temporalité versus spatialité, sur lesquels repose le débat de

la règle des unités. Nous verrons plus loin comment la théorie des pé­

ripéties et le principe de la lecture du tableau, chers à Poussin, conver­

gent en ce sens.

Il est maintenant bien établi, par de nombreuses et sérieuses re­

cherches, que l’évolution de la conception picturale de Poussin ne peut

être ni schématisée ni déterminée par des types ou modèles de composition

qui auraient prévalu de telle date à telle date. C’est cette diversité

même qui rend son oeuvre vivant. L'animation du Martyre de Saint Erasme

(Rome, Vatican, Pinacothèque) ne manque jamais d'étonner auprès du sévère

Germanicus, à peu près contemporain.

Ainsi, non pas subséquemment mais concurremment (nous nous en tenons

toujours aux années 1630-1640), certaines oeuvres relèvent d'un autre type

de composition, caractérisé par un approfondissement et un agrandissement

du plateau scénique, correspondant au prolongement vers l'arrière du pros­

cenium. C'est là une des acquisitions majeures du théâtre italien de la

fin du XVIe siècle, laquelle dérive peut-être, par contamination, de l'En-

trée et des Fêtes qui offraient le modèle concret des architectures, de la, , . .4place publique, de la perspective et des figurants .

Le premier tableau que nous pourrions rattacher à ce mode de composi­

tion est la Peste d'Asdod (Paris, Louvre, fig.4), dit aussi Les Philistins

frappés de la peste. La portion d'espace englobée par le champ pictural

Page 42: FACULTE DES LETTRES THESE

33

y est plus vaste que dans la majorité des tableaux précédents; non pas

qu’il y soit tellement plus ouvert mais il est beaucoup plus profond,

bien que la perspective soit encore bloquée à l’horizon. Le décor archi­tectural en perspective^ caractérise principalement ce mode de composition.

Une rue, légèrement décentrée et en diagonale, part de la place publique

au premier plan et fuit au loin entre les maisons. Ce décor architectural

fait office de toile de fond. La place centrale agit pour sa part en quel­

que sorte comme plateau scénique et l’action principale y est concentrée.

A l’arrangement toujours en frise des personnages du premier plan s’ajou­

tent quelques personnages qui, dans leur rôle de figurants, assurent la

liaison des plans et le prolongement de la narration dramatique. Néamoins,

de même que dans la formule précédente, le sujet demeure toujours concentré

sur l’imitation de l’action, caractérisée par la diversité des émotions-

réactions •

L'Enlèvement des Sabines (nous retenons la version du Louvre, Paris,

fig. 16) développe le même schéma d'organisation, mais avec un accroisse­

ment du nombre de figurants, ce qui permet un plus grand éventail d'expres­

sions. L'espace accru de la scène permet un mouvement avant-arrière plus

accentué. Les personnages sont campés sur une vaste place-plateau formée

par les architectures. Les lignes de fuite sont encore données par l'ou­

verture centrale, la rue, mais plus subtilement que dans la Peste d'Asdod.

Le Passage de la Mer Rouge (Melbourne, National Gallery of Victoria,

fig. 7) et la Manne (Paris, Louvre, fig. 17) exploitent aussi le concept

du plateau plus vaste. Poussin délaisse ici l'arrangement en frise des

figures et remplace le décor architectural par le décor paysagé, imposé par

Page 43: FACULTE DES LETTRES THESE

34

la nature même du sujet. La théâtralité réside davantage dans l'atti­

tude des personnages dont le nombre est augmenté.

Pendant les années de maturité (1642-1652), après son retour de Pa­

ris, Poussin épure son style. La nouvelle rigueur qui l’imprègne commen­

çait toutefois a être perceptible dans la série des «Sacrements^peints pour

Cassiano dal Pozzo . Dans la seconde série, l’environnement relève toujours

du décor, comme dans la première, mais la relation personnage-décor versus

sujet y est manifestement plus ténue et soutenue, particulièrement dans

1’Extrême-Onction (Golspie (Sutherland), Dunrobin Castle, coll. duc de Suther­

land) . Le décor, très sobre, voire même sévère, concourt â la dramatisation

de l’oeuvre. Poussin reprend la formule de la composition en frise, mais

retient le principe du plateau plus en profondeur, comme dans Moïse enfant

foulant aux pieds la couronne de Pharaon (Bedfordshire, coll. duc de Bedford,

1645). Le décor de ce dernier tableau, très sobre, reste cependant froid.

Dans la seconde version du Louvre, (fig. 23), postérieure de quelques années,

et dans son pendant, Moïse changeant en serpent la verge d’Aaron (Paris,

Louvre, fig. 24), le décor, plus austère encore, intensifie le sentiment

dramatique du sujet, justement par sa neutralité. Poussin se préoccupe da­

vantage à ce moment des valeurs plastiques et dramatiques du clair-obscur.

Le décor a alors pour fonction de ramener le regard au plan principal où se

joue le drame, comme dans Esther devant Assuërus (Leningrad, Ermitage,

fig. 35), et le très théâtral Jugement de Salomon (Paris, Louvre, fig.29).

Le second type de composition abordé précédemment, l’espace à plateau

scénique agrandi, se retrouve encore dans les deux oeuvres les plus repré­

sentatives d’une tendance théâtrale: La Femme adultère (Paris, Louvre,

Page 44: FACULTE DES LETTRES THESE

35

fig. 33) et la Mort de Saphira (Paris, Louvre, fig. 34). Sur un plateau

bien défini, Poussin a élaboré une mise en scène très calculée, dans

un décor architectural géométrique savamment construit, qui n’est pasg

sans évoquer une certaine parenté avec les décors du XVIe siècle .

Moins caractéristiques, mais dans un sens plus représentatives d’une

nouvelle orientation de Poussin, sont les oeuvres où le décor glisse dans

le paysage, comme dans 1’Eliézer et Rëbecca (Paris, Louvre, fig. 26), le

Christ guérissant les aveugles de Jéricho (Paris, Louvre), le Moïse sauvé

des eaux (Gorking, Bellasis House, coll. Derek Schreiber). Les tableaux

où le paysage prédomine, comme le Paysage avec Polyphème (Leningrad, Ermi­

tage) , le Paysage aux trois moines (Belgrade, Palais du Président de la

République), le Paysage avec Pyrame et Thisbë (Francfort, Stade sches Kunst-

institut), marquent l’abandon du fond envisagé comme décor, comme élément

pittoresque.

Il ressort de cette analyse des modes de composition, de la relation

figures-fond versus lieu dramatique, que Poussin, a partir d’une conception

dualiste (personnage et décor), a développé une approche où ces termes de

la représentation sont unifiés. Dans cette approche plus intériorisée,

Poussin ne minimise aucunement le précepte de la mimésis. Bien au contrai­

re, car c’est sur la base même de cette exigence d’imiter la nature qu’il

articule son discours. Les deux termes de la représentation sont unifiés

parce que Poussin a fait du décor, la nature, un élément pleinement inté­

gré à la méditation du sujet.

En exigeant plus de vérité et de réalisme, la Contre-Réforme amena

les artistes à emprunter certains motifs iconographiques au théâtre. Par­

Page 45: FACULTE DES LETTRES THESE

36

mi ceux-ci figurent les personnages apparaissant sur des nuages. Le

«nuage» était un procédé théâtral connu depuis les «deus ex machina» des

Grecs et dont l’usage est attesté tout au long du Moyen Age et de la Re­

naissance. Mais il fut particulièrement prisé par les artistes du XVIIe

siècle dans leurs mises en scène de l’extase et du divin. Nicolas de

Montreux, par exemple, pour la représentation de sa pastorale L’Arimène,

en 1596, au château de Nantes, nous dit que dans l’un des intermèdes my­

thologiques qui séparaient les actes, «on y voyait Jupiter en un globe

tournant qui, venant a s'ouvrir, fait voir ce dieu assis sur l'arc en ciel,

vestu d'une robe de toille d'or»'. Quant â l'usage du nuage comme élément

de composition chez Poussin, mentionnons le Ravissement de Saint Paul (Sa-

rasota, John et Mable Ringling Muséum of Art), l'Assomption de la Vierge

(Paris, Louvre), la Vierge protégeant Spolète (Londres, Dulwich College),

le Miracle de Saint François Xavier (Paris, Louvre), la Vénus montrant ses

armes à Enëe (Rouen, Musée des Beaux-Arts, fig. 18) et le Diane et Endymion

(Detroit, Institute of Arts).

2. La composition et la règle des unités.

Nous allons maintenant aborder un autre aspect de la composition, soit

la mise en page du sujet figuré proprement dit, selon la règle des trois

unités. Le problème des unités, temps, lieu et action, se pose en termes

différents selon qu'on l'oriente vers le théâtre ou vers la peinture.

Jusqu'au Laocoon (Berlin, 1766) de Lessing qui se voulait une systématisa­

tion du problème, les artistes et théoriciens se sont interrogés sur les

concepts de spatialité et de temporalité. Ils ont essayé d'en définir des

Page 46: FACULTE DES LETTRES THESE

37

principes qui puissent s’intégrer dans une esthétique picturale. Encore

une fois, le modèle de la poésie, du théâtre, vint à la rescousse. Déjà

au XVIe siècle, dans la doctrine Ut Pictura Poesis, le principe des trois

unités fut formulé en reprenant les données d'Aristote. Le XVIIe siècle,

soumettant ce principe à celui de la vraisemblance, en fera sa règle d'or,

garante de la qualité de l'oeuvre.

La règle fondamentale est sans conteste celle de l'unité d'action.

C'est d'ailleurs elle qui a suscité le plus de débats-critiques. Aristo­

te l'avait formulée très simplement dans sa définition de la tragédie com­

me étant «l'imitation d'une action importante et complète, ayant une cer­

taine étendue». Il précisa par la suite que l'action doit être «une et

totale et que les parties en soient agencées de telle manière qu'une seule

déplacée ou enlevée, l'ensemble se trouve modifié ou bouleversé» . L'action

doit avoir un commencement, un milieu et une fin et, pour ce faire, le poè­

te doit avoir une idée d'ensemble du sujet, en distinguer les épisodes,

puis les développer . Cette mise en place des faits oblige donc le poete

à un certain arrangement, qui procède d'une sélection préalable.

Cette règle de l'unité d'action implique donc l'idée de succession

ou de progression et,comme telle, est liée au concept de temporalité.

C'est justement là que se situe tout le débat. En appliquant cette règle

à la peinture, on fait de cette dernière, à l'image de la poésie et du

théâtre, un art du temps,et l'on fonde ce rapport sur la «lecture» possi­

ble de l'oeuvre peinte: «Usés l'istoire et le tableau, afin de cognois- tre si chaque chose est apropriée au subiect»^.

Page 47: FACULTE DES LETTRES THESE

38

La doctrine du XVIIe siècle, en soumettant cette règle à la loi de

concentration, propre à l’esprit de l’époque, conditionne une façon nou­

velle de développer l’action, de la concentrer sur un problème psycholo­

gique permettant l’étude des passions. L’unité d’action ne restreint ce­

pendant pas l’action à un seul fait ou événement. Tout ce qu’elle exige,

est que l’action soit rigoureusement unifiée, que les «fils» ou épisodes

soient subordonnés au thème principal.

L’unité d’action est donc fonction du resserrement et de la subordi­

nation des parties. Mais comment traduire ceci en peinture, sans faire

intervenir la mise en scène simultanée de plusieurs épisodes comme dans

les miniatures médiévales? Fëlibien nous donne une première clé lorsque,

parlant du Rébecca de Poussin, il dit «que cette action doit-être unique,

et les principales figures plus considérables que celles qui les doivent

accompagner, (et) le Poussin a observé que les deux figures qui dominent

dans son tableau sont si bien disposées, et s’expriment par des actions in­

telligibles, que l'on comprend tout d'un coup l'histoire qu'il a voulu pein­

dre» . Nous pouvons dégager quelques traits essentiels: la taille des fi­

gures, la disposition et l’expression des figures.

L'Abbé d'Aubignac, traitant de l'unité d'action, dit que le poète,

quand il entreprend la composition d'une pièce de théâtre, «doit penser

qu’il entreprend de faire une peinture agissante et parlante» et que, à

l'instar du peintre, il ne doit représenter qu'une action, pouvant toute-

fois comporter plusieurs «incidens» . Développant cette comparaison, il

souligne que le peintre doit choisir l'action la plus importante, «la plus

convenable à l’excellence de son art, qui contiendrait en quelque façon tou­

Page 48: FACULTE DES LETTRES THESE

39

tes les autres, afin que d’un seul regard on pût avoir une suffisante

connaissance de tout ce qu'il aurait voulu dépeindre». La solution qu'il

propose au peintre désireux d'adjoindre quelque développement à l'action

principale consiste à peindre dans l'un des coins du tableau un autre

tab1eau, «faisant par ce moyen deux peintures diverses de deux actions

différentes tirées d'une même histoire»

Chez Poussin, la présentation en bas-relief du sujet concentre l'in­

térêt au premier plan où se déroule l'action. Cette construction hori­

zontale implique l'idée de succession, de continuité, de temporalité, la

verticalité impliquant l'idée de simultanéité. Soulignons encore qu'elle

peut, avec la lecture potentielle que génère l'idée de temporalité, s'adap­ter à une certaine narration^. D'ailleurs le mouvement du regard imposé

par la composition n'est pas sans évoquer le mouvement de l'oeil lors de

la lecture d'un texte.

Le déroulement suppose donc une certaine liaison entre les éléments

constitutifs du schéma narratif pour que s'établisse la continuité. Le

problème se pose alors de savoir comment développer le récit sur un espa­

ce limité à une durée, comment articuler les divers temps de ce récit dans

le moment unique du tableau.

Les deux principes importants de la peinture du XVIIe siècle, y com­

pris celle de Poussin, sont la vérité de la représentation et l'expression

des passions. Ceux-ci nous confrontent à deux types de figuration; l'une

tend a une figuration instantanée et l'autre, à une figuration synthéti­sée^. Cette dernière témoigne d'un goût de l'analyse psychologique et

Page 49: FACULTE DES LETTRES THESE

40

en fait son champ d’investigation picturale. Elle extrait, d'une façon

intellectuelle et morale, les moments du récit les plus expressifs, qu'el­

le distribue ensuite en un tout qui satisfasse la vérité de la représen­

tation.

C'est à ce niveau que vient se greffer, chez Poussin, la théorie des

péripéties dans l'application de la règle de l'unité d'action. L'usage

du mot péripétie remonte à Aristote, pour qui il désignait un changement

de fortune unique (exemple: le héros passe du bonheur au malheur). Les16théoriciens du XVIIe siècle définissent les épisodes comme des actions

consécutives annonçant le dénouement ou action principale et amenant de

ce fait un certain rebondissement du récit. L'idée de péripétie renvoie

directement au principe du tableau narratif. Elle se rattache à l'expres­

sion des passions et elle fait intervenir simultanément l'unité de temps

et l'unité d'action que Poussin néglige assez souvent. Notons encore que

ces actions accessoires, subordonnées â l'action principale, représentent

chez Poussin, règle générale, des fragments successifs, dans le sens qu'el­

les définissent la cause du motif ainsi que sa répercussion dans l'attitu­

de des figures par différents stades psychologiques, comme dans la Peste

d'Asdod, le Frappement du rocher de Golspie (1633-35, Dunrobin Castle) et

celui de 1'Ermitage (1649) ainsi que la Manne du Louvre.

La Peste d'Asdod (1630-31, fig.4) apparaît comme la première utilisa­

tion décisive de la formule. Le sujet de ce tableau est double. Le pre­

mier plan montre la peste frappant les Philistins et les menaçant de mort.

Le second plan insiste sur la cause de cette situation dramatique: 1'Arche

d'alliance enlevée par les Philistins et placées dans le temple de Dagon.

Page 50: FACULTE DES LETTRES THESE

41

L’action se perçoit ici à travers une lecture qui instaure d'elle-même

plusieurs temps, chaque temps introduisant des nuances psychologiques

s’enchaînant les unes aux autres suivant la loi de cause à effet. Cet­

te lecture s’articule sur la disposition en arabesque des figures. Ainsi,

à partir du geste du grand-prêtre montrant l'idole renversée par la co­

lère de Yahvé, peut-on suivre la succession des temps du récit: les

gens encore bien portants, puis malades, puis mourants et enfin morts

(les deux hommes transportant le corps d’un homme mort, dans le coin

droit du tableau).

Plusieurs temps ou moments du récit sont pareillement développés dans

1'Adoration du veau d’or (Londres, National Gallery, 1633-35, fig.8).

Le groupe de figures de droite est rattaché à Aaron qui semble annoncer,

par son geste, l’issue prochaine du drame. Par contre, le groupe de fi­

gures â gauche du premier plan ne pressent aucunement la présence de Moï­

se. De chaque côté du veau d’or, au deuxième plan, quelques figures sont

tournées vers Moïse; leur visage exprime d’ailleurs la crainte, alors

que le visage des figures dansant exprime l’allégresse. Quelques autres

groupes de personnages sont encore disposés un peu plus en retrait dans

le décor.

Le Passage de la Mer Rouge (Melbourne, National Gallery of Victoria,

1633-35, fig. 7), le pendant du Veau d’or, présente aussi divers temps du

récit illustrés par des actions particulières. Des figures qui tirent un

noyé et des pièces d’armes hors de l’eau, l’arabesque nous amène jus­

qu’aux figures retirées sur le promontoire de l’arrière-plan, chantant

un hymne de victoire en l’honneur de Yahvé.

Page 51: FACULTE DES LETTRES THESE

42

Le Jeune Phyrrhus sauvé (1636-37, fig.ll), avec sa distribution cer­

tes moins large, s’appuie aussi sur cette formule. Malgré son unité tem­

porelle apparente, la composition développe deux temps psychologiques,

clairement indiqués par la position des deux bras du personnage central;

au temps du danger (droite) répond celui du secours (gauche). Ces deux

temps sont donnés par l’action des personnages secondaires et constituent

en quelque sorte un prolongement de l’action, le salut étant opéré par la

grâce divine. La bipolarité psychologique s’applique encore au premier

plan où le groupe des protagonistes de gauche pourrait représenter la for­

ce, la détermination et celui de droite, la crainte, la peur.

Dans 1'Enlèvement des Sabines du Louvre (1637-38, fig.16), le premier

plan développe trois degrés d’intensité de l’action, allant de l’approche

du soldat (coin droit) jusqu’à la capture de la Sabine (coin gauche).

Mais l’oeuvre probablement la plus éloquente à cet égard est La Man­

ne (fig. 17). Nous bénéficions d'ailleurs d'un texte très éclairant de

Fêlibien qui non seulement confirme mais explicite la théorie des péri- .

péties. Dans un premier temps, il établit la différence entre peintre

et historien, laquelle repose principalement sur le temps dévolu à l'un

et à l'autre pour leur discours. Sous-jacent à cette notion de discours,

se profile l'un des buts de la peinture: instruire. Le peintre doit fai­

re une synthèse de son sujet et pour ce faire, il n'a «qu'un seul instant».

D’où «ces différents états et diverses actions lui (tiennent) lieu de dis­cours et de paroles pour faire entendre sa pensée^». Dans un deuxième

temps, et c'est là un passage qui penche en faveur de notre hypothèse de

base, un autre intervenant dans lé débat se réfère au théâtre pour justi-

Page 52: FACULTE DES LETTRES THESE

43

fier cette mise en scène à grand déploiement: «si par les règles du

théâtre, il est permis aux poètes de joindre ensemble plusieurs ëvëne-

ments arrivés en divers temps pour en faire une seule action, pourvu

qu'il n'y ait rien qui se contrarie, et que la vraisemblance y soit exac-

tement observée, il est encore bien plus juste que les peintres prennent• 18cette licence» . C'est en ce sens que «l'on ne pouvait pas accuser le

Poussin d'avoir mis dans son tableau aucune chose qui empêche l'unité

d'action, et qui ne soit vraisemblable, n'y ayant rien qui ne concoure à« • 19 •un même sujet» ; il est par ailleurs explicitement mentionné que Poussin

a composé «son ouvrage dans les règles qu'on doit observer aux pièces de

théâtre» . Et l'une de ces règles concerne les péripéties: «les groupes

de différentes personnes qui font diverses actions, sont comme autant d'é­

pisodes qui servent a ce que l'on nomme péripéties, ou de moyens pour fai­

re connaître le changement arrivé aux Israélites qui sortent d'une extrême„ 21 misere, et rentrent dans un état plus heureux»

Le Frappement du rocher (1649, Leningrad, Ermitage, fig. 28) témoigne

du même usage des péripéties, en insistant sur le changement de fortune lié

a l'action. Il fait également appel à une mise en scène plus élaborée.

Le Paysage au serpent (1648, Londres, National Gallery, fig.27), encore

basé sur la péripétie, présente cependant un tout autre schéma de compo­

sition. L'accord des figures et du décor est mieux senti et la mise en

scène très réduite. La lecture en zig-zag nous montre un enchaînement

de faits qui se rapportent à une unité de sujet, mais développée dans le

temps: la réaction de B (personnage courant), conditionnée par A (person­

nage au serpent), conditionne une réaction de surprise chez C (personnage

Page 53: FACULTE DES LETTRES THESE

44

féminin) mais n’a pas encore atteint D (le groupe de la barque).

Dans d’autres tableaux, l’idée de péripéties se rattache davanta­

ge aux réactions psychologiques des personnages liées de plus près au

sujet, chacun ayant valeur d’entité autonome et caractérisant un aspect,

un temps particulier, visant à satisfaire l'esprit et l'oeil. Corollai-

rement, le nombre de personnages est réduit et l'ordonnance se modifie.

L’unité de temps et l'unité d'action sont renforcées, comme dans le Ju­

gement de Salomon (fig. 29) et l’Eliëzer et Rëbecca du Louvre (fig. 26).

En général, les personnages sont groupés selon une unité de sentiment.

La composition (presque toujours’en bas-relief) joue sur la confrontation

de deux centres psychologiques. Ce schéma prévaut par exemple, dans Moïse

foulant aux pieds la couronne de Pharaon (fig. 23), son pendant Moïse et

Aaron devant le Pharaon (fig. 24) ainsi que dans la Femme Adultère (fig.33)

et la Mort de Saphira (fig. 34).

3. Le problème des unités et la Querelle de 1'Académie de Saint-Luc.

La théorie des péripéties touche donc le problème fondamental de la

règle des unités (le problème des unités ne concerne d'ailleurs que les

tableaux â péripéties) . Il faudrait peut-être la mettre en relation avec

la position adoptée par Poussin dans la Querelle de 1'Académie de Saint-

Luc .

Le débat, que tous s'accordent à situer vers les années 1630-35, met

en cause les deux partis qui définissent les deux principales orientations

de la peinture d'histoire au XVIIe siècle en Italie. Les deux tendances

réfèrent à des pratiques théâtrales. le désaccord semblait porter non sur

Page 54: FACULTE DES LETTRES THESE

45

le refus d’une peinture-théâtre, mais davantage sur le sens même du

deuxième terme, “par la peinture-spectacle, les uns privilégiaient les

formules de la mise en scène à grand déploiement, alors que les autres,

en se ralliant à la tragédie, refusaient certains éléments de cette mise

en scene a grand déploiement .

Au début des années 1630, Andrea Sacchi peint la Divine Sagesse

dans un plafond du Palais Barberini, dont le modello était déjà réalisé

en 1631. Il n’a mis en scène qu’un nombre restreint de figures, qu'il

s'attache à caractériser en fonction du contenu moral. Sacchi a conçu

son oeuvre comme un quadro riportato et la composition, qui n'est pas

sans quelque concession à l'autre tendance (ex. les nues), en transcen­

dant les formes, vise à établir un espace de la conscience qui, en soi,

se situe à une certaine distance du réel, à l'image de la tragédie.

Dans le même temps, Pierre de Cortone commence son «opéra fabuleux»,

la Divine Providence, dans le plafond du Grand Salon du même palais Barbe­

rini. Les figures multiples, qui lui permettent de composer des effets de

masse et de les accorder en rythmes dynamiques, en font une peinture-épopée.

La composition célèbre les formes dans leur aspect terrestre, plus immédiat.

Ainsi le problème semble porter sur la question du nombre des figu­

res, qui fait intervenir directement la composition et l'expression.

Cortone (qui, succédant à Lanfranco, fut Prince de 1'Académie de 1634 à

1638) défendait la cause des compositions à grand déploiement (en s'inspi­

rant de l'école vénitienne) et soutenait que de telles compositions ne

pouvaient tenir compte des propositions «sacchiennes». il admettait

Page 55: FACULTE DES LETTRES THESE

46

aussi l'importance des considérations dramatiques, comme l’unité d’ac­

tion, qui pouvait être maintenue par la dépendance des épisodes au thè­

me principal, et le principe du décorum.

Sacchi, pour sa part, favorisait la concentration où, comme dans la

tragédie, l'effet est d'autant plus puissant que le nombre de personnages

est restreint. Ceci l'amena tout naturellement à accorder plus d'impor­

tance à l'expression des passions, au resserrement psychologique, qui con­

tribue à la densité de l'oeuvre.

Il n'y a guère lieu de douter que Poussin s'intéressa au conflit, mais

il est toutefois impossible d'affirmer qu'il y prit directement part. Il

était lié avec Duquesnoy, dont la Sainte Suzanne (1633) prouve son allégean­

ce au parti de Sacchi (avec qui.il était lié par ailleurs), et fréquenta

l'atelier de Sacchi pour y dessiner d'après modèle vivant, probablement dès

novembre 1630. C'est à ce moment que Poussin, dans les assises théoriques

qu'il se donne, se tourne vers la doctrine classique. Sa position dans le

conflit peut se qualifier de mitoyenne entre la variété de Pierre de Corto-

ne et le dépouillement d'Andrea Sacchi. Il a su concilier les termes oppo­

sés en faisant tout dépendre du sujet: son argument de base résidait dans

le fait qu'on pouvait introduire un grand nombre de personnages, en autant

que le sujet le permît. L'emploi des péripéties assurait l'unité d'action,

tout comme l'emploi des modes assurait l'unité d'expression.

Le De Arte Graphica (1667) de Ch. A. Dufresnoy, qui présente plus d'un

recoupement avec le théâtre, peut nous donner une idée, un aperçu de la« .... ^ 23 •formulation esthétique qui suivit ce débat , du point de vue des classi-

Page 56: FACULTE DES LETTRES THESE

47

cisants. Abordant le problème des figures, il écrit que «comme une comé­

die est rarement bonne quand il y a un trop grand nombre d’acteurs, de

même il est bien rare et presque impossible de faire un tablèau parfait,

lorsqu'il s'y trouve une grande quantité de figures (»».) Cependant, si

vous y êtes contraint par le sujet, il faudfa concevoir le tôùt-ensemble

et l'effet de l'ouvrage comme tout d'une vue, et non pas chaque chose en

particulier . Que l'on compare ici avec l'Abbé D'Aubignac, suivant le­

quel «on peut mettre et faire agir dans une scène tant d'acteurs que l'on

voudra, pourvu que le nombre, et leurs discours ne confondent en rien l'in­

telligence des spectateurs (et qu'ils rendent) une couleur tirée dé la vé­25rité de l'action»

Page 57: FACULTE DES LETTRES THESE

48

NOTES

1. «La silhouette des objets et des individus se profilant sur un dé­

cor correspond à la règle édictée par Alberti, qui commandait la

pose du modèle et la seule considération des parties simultanément

visibles, sous un certain angle et sous une certaine lumière, des

objets figurés, dans leur relation apparente de situation les uns

par rapport aux autres», P. Francastel, Histoire de la Peinture

française, II, p. 14.

2. Per Bjurstrom, «Espace scénique et durée de l’action dans le théâtre

italien», Le lieu théâtral à la Renaissance, C.N.R.S., 1964, p.75.

3. Mikel Dufrenne cité par Tadeus Kowzan, Littérature et Spectacle,

p. 21.

4. Voir à ce propos, T.E. Lawrenson, «Ville imaginaire, décor théâtral

et Fête», Les Fêtes de la Renaissance, I, C.N.R.S., 1956, p. 425-430.

Pour la fête, on transformait la ville, on la «transfigurait» par

des décors fictifs, pour lui donner l’allure antique (ex. arcs, pyra­

mides...). La comédie, entre autres, reprendra ce décor «contaminé».

Voir également André Chastel, «Le lieu de la Fête», Les Fêtes de la

Renaissance, I, C.N.R.S., 1956, p. 421; Jean Jacquot, «Drame poétique

et fête théâtrale», Actes des Journées internationales d’Etude du Ba­

roque, II, Montauban, 1967, p. 5-19. Voir également, pour le dévelop­

pement, la note 6.

Page 58: FACULTE DES LETTRES THESE

49

5. Voir A. Blunt, Nicolas Poussin, I, p. 94. «The setting with its

steep perspective view of a town, is like the Petit Palais «Mas­

sacre» and the «Woman taken in adultery», though in this case it

is taken precisely from Serlio's reconstruction of the tragic sce-

ne» (in Blunt, op. cit., fig. 89).

6. Voir le dessin de II Ricio pour l'Ortensio, 1561, reproduit dans

Dramaturgie et Société, I, C.N.R.S., fig. 158-A.

7. N. de Montreux cité par Victor Fournel, Curiosités théâtrales, p. 24.

8. Aristote, Poétique, VIII, 4.

9. Ibid., XVII, 5-6. «L'Incendie du Bourg», de Raphaël (Vatican, Chambre

de la Signature, 1515) est composé suivant les principes même d'Aris­

tote. Raphaël a voulu représenter une «catastrophe» mettant en scène

le feu, le peuple menacé et le salut (l'intervention du pape) qui for­

ment trois temps d'une action. Ils évoquent donc un drame en trois

actes. Il s'agit en fait d'une unité séquentielle, établie sur la

correspondance entre progression temporelle, progression spatiale et

progression psychologique: le côté gauche de cette composition symé­

trique représente la cause (le feu); le côté droit, l'effet (l'eau

pour éteindre le feu); au centre-arrière se situe la fin du drame.

10. Lettre à Chantelou, 28 avril 1639, op. cit., p. 21, lettre no. #11;

voir également lettre à Chantelou, 20 mars 1642, p. 122, lettre no.

#56.

11. Félibien, op.cit., p. 141.

Page 59: FACULTE DES LETTRES THESE

50

12. D'Aubignac, Pratique du Théâtre, p. 83-84. Il a recours, tout au

long de son traité, à la comparaison peinture-théâtre.

13. Ibid., p. 84.

14. On pourra rétorquer que Poussin s’est inspiré des bas-reliefs an­

tiques. Mais qu’évoquent ces bas-reliefs, sinon des scènes repré­

sentant un passage, le déroulement de la vie d’ici-bas à celle de

l'au-delà. Voir même seulement la vie d’ici-bas: par exemple le

frise du Parthénon.

15. Voir, pour ce qui suit, l’excellent article de Jacques Thuillier,

«Temps et tableaux: la théorie des «péripéties» dans la peinture

française du XVIIe siècle», Actes du XXIe Congrès International

d’Histoire de l’Art (Bonn, 1964), vol. III, Berlin, 1967, p.191-206.

16. «La péripétie étant dans le poème tragique un dénouement de la fable,

d’autant que par son arrivée tout commence à décliner et qu’on voit

toute l'histoire se précipiter vers la fin, il ne faut pas qu’une

partie si considérable de soi, et qui doit être ménagée de tant d'é­

conomie, se voie deux fois dans un corps, où elle serait inutile,

importune et monstrueuse». La Mesnardière, cité d'après Jacques

Scherer, La Dramaturgie classique en France, p. 83.

«Je ne veux point omettre ici une chose qui est en faveur de la

Poésie, c'est que les Episodes font d’autant plus de plaisir dans

la suite d’un Poème qu'elles y sont insérées et liées impercepti­

blement; au lieu que la peinture peut bien représenter tous les

faits d’une Histoire par ordre en multipliant ses tableaux; mais

elle n'en peut faire voir ni la cause, ni la liaison», Roger de

Page 60: FACULTE DES LETTRES THESE

51

Piles, Cours de peinture par Principes, p. 453.

Notons que Poussin lui-même a utilise le mot épisode: «Le subiec

de Leurope est forbeau remply d'épisodes for goûtés», Lettre à

Chantelou, 22 août 1649, op. cit., p. 404, lettre no. 173.

Mentionnons enfin que dans la tragédie grecque, les épisodes

(par rapport à la péripétie) désignent des subdivisions purement

quantatives de la pièce (Jacques Scherer, La dramaturgie classi­

que en France, p.95). Jean Suberville (Théorie de l'Art et des

genres littéraires, ed. de l'Ecole, Paris, 1948, p. 282) souligne

que les épisodes sont des actions incidentes autour de l'action

principale, qui doivent sortir du fond même du sujet, alors que les

péripéties sont des passages subits d'une situation donnée à une

situation contraire.

17. Félibien, op. cit., p. 183.

18. Ibid., p. 184-185.

19. Ibid., p. 185.

20. Ibid., p. 186.

21. Ibid., p. 186.

22. Dans la pratique cependant, les choses sont loin d'être aussi tran­

chées. Certaines oeuvres d'Andrea Sacchi sont quasi aussi mouvemen­

tées que celles de Cortona. En revanche, nombre de compositions de

Pietro Cortona observent les règles fondamentales de celles de Sac­

chi.

Page 61: FACULTE DES LETTRES THESE

52

23. Dufresnoy était d’ailleurs à Rome dès les années 1633-34.

24. C. A. Dufresnoy, «L’Art de peindre», ch. XV, v. 152-161, in C.

H. Watelet, L'Art de peindre, p. 197-199. Nous citons quelques

images à titre d'exemple d'influence théâtrale: «la machine de

votre tableau»,«imitez ici Melpomène, la Tragédie Soeur de la

Peinture», «la scène du tableau»... exemples qui sont bien ap­

pliqués dans son tableau Le Songe de Nausicaa (coll. Czemin,

Vienne), reproduit in Gazette des Beaux-Arts, t. 12 (1925), p. 171.

25. D'Aubignac, op. cit., p. 271 et p. 274.

Page 62: FACULTE DES LETTRES THESE

CHAPITRE III

LA THEORIE DE L'EXPRESSION

«Toutes les figures qu'on y voit jouent leur personnage selon le Temps qu'il fait» (Poussin).

1. Analyse des passions: peinture et poésie.

Si chez Poussin, la représentation est fonction du sujet et l'imi­

tation, fonction de l'action, la conception de l'action est inséparable

de l'expression des «affetti» qui rendent toujours actuels et nouveaux

les sujets anciens . Dans une lettre à Chantelou à propos de 1'Extrême

Onction (deuxième série des Sacrements), Poussin écrit que Cassiano dal

Pozzo, qui possédait la première série des Sacrements, «a esté estonnë

de voire sur un mesme subiec une disposition si diuerse et des actions

de figures toutte contraires aux siennes»^.

La synthèse des divers moments du récit qui composent l'action uni­

fiée est conditionné par l'analyse psychologique.

(La figure elle-même que Poussin a privilégiée dans les premières an­

nées de sa carrière, n'est encore que le moyen concret, visible, pour ma­

nifester un état d'âme). Il va sans dire que la pensée de l'artiste prési­

de au choix des éléments du récit qui, chez Poussin, s'effectue selon le

principe des «Belles Idées»; «je vous ei escris que pour votre respect je

seruirois Mo de Lysle Je lui ei trouué la pensée. Je veux dire la con-

ception de l'idée et l'ouurage de l'esprit est conclu» . Et à propos d'une

Page 63: FACULTE DES LETTRES THESE

54

Vierge commandée par Chantelou, il écrit encore: «la pensée en est ares-

II semble qu’il faille encore établir une relation entre l’expres­

sion des passions, qui caractérise la peinture du XVIIe siècle, et le

mouvement théâtral. Puisque l’on fait relever la peinture et le théâtre

de la Poésie, il doit nécessairement y avoir un lien commun: l’analyse

des passions (qui sera aussi le moyen terme entre théâtre et musique).

C’est elle qui permet au peintre de rivaliser avec le poète tragique.

Chapelain, l’un des principaux artisans de la doctrine classique, tient

que la peinture des moeurs et des passions est la principale vertu de la

poésie.

Mais derrière le théâtre et la peinture se profile toujours la dis­

cipline rhétorique . Corneille disait que l’expression des sentiments,

partie essentielle du poème dramatique, «a besoin de la rhétorique pour

peindre les passions et les troubles de l’esprit, pour consulter, délibé­

rer, exagérer ou exténuer»^. Le Père Nicola Caussin, dans son traité Elo­

quent ia sacrae et humanae parailela?, consacre un chapitre spécial aux

passions qu’il examine et analyse suivant les «charàcteres epidicti» (tels

avarice, ambition, haine) et les «fontes eloquentiae» (les figures bril­

lantes, ardentes). Il insiste particulièrement sur la notion de «tempe-

rentia» car «comme les cordes d’une guitare ne doivent être ni trop ten-

dues, ni_flottantes par excès de relâchement, de même pour les passions» .

Il crée de plus une «étourdissante galerie de masques» tirés du répertoi­

re mythologique, héroïque, allégorique, auxquels il prête un discours vrai­

semblable.

Page 64: FACULTE DES LETTRES THESE

55

2. Analyse des passions: L'Art du geste.

La rhétorique se rattache encore, en tant que source de référence

commune entre le théâtre et la peinture, à la célèbre notion de cathar­

sis dont l'idéal est atteint par l'art du geste permettant d’exprimer

les sentiments â éveiller chez le spectateur. Le but premier et avoué

du rhétoriqueur, du moins tel qu'entendu par Quintilien et Cicéron aux-9

quels on se référait au XVIIe siècle, est de toucher le spectateur .

Qu’il s’agisse d’un discours politique ou philosophique, de la conquête

d’un auditoire ou de la séduction d’un juge, il est toujours question de

langage passionnel assumé par le geste, car «l’importance du geste pour

l’orateur est suffisamment visible du seul fait que même sans les paroles,

il fait comprendre la plupart des choses». C’est là la notion même

d’«Actio» qui désignait tant l’interprétation du texte dramatique que cel­

le du texte judiciaire. «Est actio quasi sermo corporis» (Cicéron) (le

discours corporel est un commentaire, une mise en scène du discours ver­

bal) . Voilà qui devait satisfaire un esprit comme celui de Poussin, pour

qui la manifestation de l’idée, sa mise en scène, sa représentation (dis­

cours mental versus discours pictural) était si importante.

Quintilien pose à priori que le geste touche l’âme en agissant sur

la vue (l’un des deux sens par lesquels toute impression pénètre l’âme).

«Et il n’est pas étonnant que ces gestes, qui, après tout, comportent

quelque mouvement, produisent une impression profonde sur l’âme, quand la

peinture, qui est un ouvrage silencieux et qui fixe des attitudes immua­

bles, agit sur notre sensibilité la plus intime au point d’avoir parfois

l’air d’être plus éloquente que la parole même»^^.

Page 65: FACULTE DES LETTRES THESE

56

Cicéron est encore plus explicite: «à tout mouvement de l'âme

correspond en quelque sorte naturellement son expression de physiono­

mie, son accent et son geste propre, et tout le corps de l'homme, toute

sa physionomie, tous ses accents vibrent comme les cordes d'une lyre,

selon le mouvement de l'âme qui les met en branle (...) Mais comme les

passions de l'âme, que l'action doit avant tout mettre en lumière ou imi­

ter sont souvent si confuses (...) il faut s'attacher aux traits saillants• ~~ -12 qui les mettent en relief» .

La puissance cathartique potentielle de l'oeuvre, tant picturale que

théâtrale, qu'elle relève de l'ordre de la sensation-émotion et/ou de l'or­

dre intellectuel (comme chez Poussin), est fonction de la vérité de l'imi-

tatipn. Pour satisfaire pleinement cette exigence, le peintre, à l'exemple

du comédien et de l'orateur, doit d'abord éprouver lui-même les passions de

13 l'âme qu'il veut représenter, penser son oeuvre dans «l'état passionné»

Mais, pour traduire ces états d'âme sans déroger aux principes de vraisem­

blance et de bienséance, le peintre pouvait-il s'appuyer sur des répertoi­

res de gestes, des traités offrant un code gestuel-narratif?

Chez les Grecs, la caractérisation d'après les gestes ou l'allure re­

levait des conventions dramatiques et fut intégrée à la rhétorique. C'est

peut-être par ce biais qu'elle parvint jusqu'au XVIIe siècle. Nous re­

trouvons au livre XI des Institutions oratoires de Quintilien (que Pous­

sin connaissait), une description formelle de plusieurs gestes en fonc­

tion de divers mobiles d'interprétation. Le rhéteur insistait en les ana­

lysant sur les traits physiques qui agissent comme catalysateur d'expres­

Page 66: FACULTE DES LETTRES THESE

57

sion, tels les mains, les yeux, les sourcils. Mais à quelque niveau

que ce soit, le geste de l’orateur doit s'harmoniser avec le sens de

son discours: «c'est d'ailleurs ainsi que procèdent les comédiens qui

se font de leur art une idée un peu plus sérieuse». C'est aussi la

méthode que semble avoir adoptée Poussin, suivant l'exemple du Domini-

quin.

Ces préceptes formels ont été repris dans certains traités des XVIe

et XVIIe siècles. René Barry, par exemple, dans sa Rhétorique française

(1653), décrit ainsi le geste de la franchise: elle «veut qu'on éloigne

les bras l'un de l'autre, et qu'en ouvrant les mains, on les tourne dehors,

parce que la franchise déployé les plis de l'âme, et que les mains tour­

nées en dehors marque ce dëployement»^.

L'Abbé Du Bos, abordant la «Saltatio» dans ses Réflexions critiques

sur la poésie et peinture, authentifie, d'une manière indirecte, l'exis­

tence d'un système de codification des gestes.

L'art de la «Saltatio» (ou Art du geste) relèverait de la musique

«hypocritique ou musique «contréfaiseuse». l'un des genres musicaux (chez

les Grecs: «Orchesis» et chez les Romains: «Saltatio»). S'inspirant d'Aris­

tide Quintilanus, Du Bos écrit que cette musique démontre et enseigne à

faire avec grâce et mesure tous les mouvements dont le corps est capable

et qu'elle a sa méthode et ses règles bien établies. Il mentionne que

Saint Augustin en avait donné sensiblement la même définition, sans l'ex­

pliquer davantage, disant que ces choses étaient connues de tous ceux qui

montaient sur le théâtre.

Page 67: FACULTE DES LETTRES THESE

58

Du Bos pose à priori que le sens qu’attribuaient les Anciens qu

mot danser se rapportait à «une gestuelle d’accompagnement» et non à son

acceptation moderne. Il appuie son affirmation sur Platon, Aristot, Tite-

Live, Maxime, Apulée, Lucien, Quintilien, Cassiodore: «nos ancêtres ont

appelé Musique muette celui des Arts musicaux, qui montre à parler, sans

ouvrir la bouche, à dire tout avec les gestes, et qui enseigne même à

faire entendre par certains mouvements des mains, comme par différentes

attitudes du corps, ce qu'on aurait bien de la peine à faire comprendre par un discours suivi»^7. Ainsi la danse du choeur grec serait à entendre

18 comme la «démonstration» des sentiments évoqués

Chez les Romains, la formule se serait davantage développée. La dé­

clamation se partageait entre deux acteurs, l'un prononçant et l'autre

exécutant les gestes. La musique «hypocritique» doit alors s'aider de la

musique rythmique car les deux acteurs doivent respecter une commune mesu­

re. La pantomime, d'origine romaine, représente l'aboutissement de la for­

mule où l'art du geste devient autonome et pleinement signifiant: «aussi,

comme le dit Saint Augustin, tous les mouvemens d'un Pantomine signifioient

quelque chose. Tous les gestes ëtoient des phrases, pour ainsi dire, mais19 seulement pour ceux qui en avoient la clef»

Ce jeu scénique s'appuyait-il sur certaines conventions, était-il ré­

gi par des traités de codification, au même titre que le dramaturge était

tenu de respecter les règles de composition et le comédien, celles de l'in­

terprétation? Du Bos mentionne qu'au-dessus des vers apparaissaient en. . . . 20 notes les gestes que devaient faire les histrions, mesure par mesure

Le principe de la convention des décors en fonction du genre dramatique

Page 68: FACULTE DES LETTRES THESE

59

s’applique aussi aux gestes. Du Bos donne d'ailleurs la classification

des recueils de gestes particuliers à chaque genre .

La filiation de cet art du geste est atteste par Du Bos qui men­

tionne la publication en 1616, à Vicence, chez Grossi, d'un volumineux

traité sur cet art de s'exprimer par signes, l'Arte de Cenni de Giovanni

Bonifacio . Les nombreux traités du XVIIIe siecle s inscrivent-ils dans

le prolongement de cette tradition? Par exemple, Joseph de la Porte et

Sébastien Roch-Nicolas Chamfort dans leur Dictionnaire dramatique (1776),

parlent de la convention du demi-cercle pour la mise en scène a plusieurs23personnages, le personnage principal occupant le centre . Ceci n'est pas

2 A sans évoquer le schéma de la Disputa de Raphaël ainsi que celui du Par-

nasse (Madrid, Prado) de Poussin (qui emprunta â Raphaël).

Tous ces éléments ne prouvent cependant pas que Poussin était familier

avec ces traités pour l'élaboration de son code de gestes. Il n'en demeu­

re pas moins qu'ils témoignent de l'existence d'une tradition de notation

de la communication visuelle.

Par ailleurs, en peinture, le privilège accordé au langage corporel

n'est certes pas un phénomène nouveau au XVIIe siècle. La doctrine de

l'expression avait déjà ses prémices au XVIe siècle et les décrets du Con­

cile de Trente (1563) contribuèrent grandement au renouvellement de l'in­

térêt des artistes pour l'expression de la vérité du sujet, au lieu de n'en

considérer que la beauté plastique. Et parallèlement à l'utilisation des

ressources de l'expression, centrée sur l'art du geste, apparaît l'élabo­

ration d'un code gestuel déjà manifeste chez Léonard de Vinci par exemple.

Page 69: FACULTE DES LETTRES THESE

60

Les maniéristes tardifs tentèrent d’ailleurs de systématiser cette tra­

dition. Par exemple, Lomazzo, dans son livre sur le mouvement, dans son

traité de 1584, aborde la classification des émotions humaines et la des-

cription des gestes et des expressions du visage qu’elles font naître .

A peu près dans le même temps, Ingegneri codifie l’expression de la voix26et la signification des gestes de scène . Poussin connaissait, entre

autres, les traités de Lomazzo, de Léonard. Ne projeta-t-il d’ailleurs

pas d’illustrer celui de ce dernier? Alberti accordait une grande impor­

tance à l’habileté du peintre de rendre les émotions par le geste et l’ex­

pression du visage et d’amener par ce fait, le spectateur à la catharsis,

Mais c’est surtout chez Léonard que cette théorie de l’expression se déve­

loppe en s’enracinant dans l’observation empirique. Selon lui, la meilleure

façon de bien composer les groupes de figures dans la peinture d'histoire

est d'observer et de considérer les attitudes et les actions des hommes au

naturel 27t c’est lui qui a proposé d'accorder les gestes au mobile dra­

matique :

«quand tu veux représenter quelqu'un parlant dans un groupe de personnages, considère d'abord la matière qu'il doit traiter, et comment ordonner ses gestes pour qu'ils s'accordent avec son su­jet (...) par exemple si le sujet comporte divers raisonnements, celui qui parle prendra entre deux doigts de sa main droite un doigt de la gauche, en repliant les deux plus petits, le visage animé, tourné vers le peuple, et la bouche entr'ouverte comme s'il parlait»^”.Ainsi «une peinture ou toute représentation de figure doit être faite de façon que ceux qui la voient puissent aisément connaître, par les attitudes, le concept de l'âme»29. et «cette figure est plus louable, dont l'attitude exprime le mieux la passion qui l'anime»^^.

L'un des rares théoriciens du début du XVIIe siècle, Monseigneur

Giovanni Battista Agucchi (1570-1632), précurseur de l'idéalisme clas­

sique, préconisait une peinture noble, conçue en termes de poésie drama­

Page 70: FACULTE DES LETTRES THESE

61

tique et de puissance dans l’expression des émotions humaines («affetti»).

Notons que Poussin fut peut-être en contact avec le manuscrit d’Agucchi

par l’entremise de Dominiquin (avant son départ pour Naples) pendant l’hi­ver 1634-35.31

Franciscus Junius, dans son De pictura veterum (1637), que Poussin

connaissait et qui a contribué à l’affirmation du mouvement classique en

France, préconisait aussi l’étude des sentiments, qui vient en quatrième

place dans sa classification des parties de la peinture; «de l’invention

du sujet se tirent des pensées sublimes et variées, et l'oeuvre s'illumine. 32 .de tout l'éclat des passions» • Par ailleurs, c'est l'expression qui com­

mande la narration de la peinture, son discours, puisque «le mouvement rem­

place souvent toute espèce de paroles». De ce fait, le visage, et plus par­

ticulièrement les yeux, les mains elles-mêmes parlent et pour qui sait bien

lire, «il y a dans toute physionomie comme une image de moeurs qui ne peut

tromper un regard perspicace»33.

Roger de Piles, qui aurait fréquenté Poussin à Rome, insiste encore sur

l’expression des passions, perceptibles non seulement par les mouvements du

visage, mais par ceux du corps tout entier: «il me semble, dit Damon, que

c'est dans le caractère des passions de l'âme, que le peintre fait voir ce-34lui de son génie» . S'appuyant sur Cicéron et Quintilien, De Piles dis­

tingue deux formes de mouvements dans les passions: les pathétiques qui

commandent et troublent et les moraux qui apaisent et persuadent. Il in­

siste tout particulièrement sur le fait que les passions doivent pouvoir

se lire sur le visage et surtout dans les yeux (Descartes, Des passions

de l'âme, article 112, dit la même chose); les mains, qui «obéissent à

Page 71: FACULTE DES LETTRES THESE

62

. 35la tete», contribuent encore a faire de la peinture un langage universel

Selon Félibien, Rubens avait laissé «un petit traité contenant une

recherche exacte des actions de l'homme, lesquelles il a dessinées confor­

mément aux plus belles descriptions qui se trouvent dans les meilleurs poë- tes»36.

Même si les spéculations sur l'art dramatique commandent l'essentiel de

L'esthétique du XVIIe siècle^?, même si les disciplines artistiques sont per­

méables et profitent des acquis qui jalonnent leur progrès, chacune des dis­

ciplines trace et suit son propre développement. Les théoriciens du théâtre,

par exemple, proscrivaient les tragédies à sujet chrétien, car «l'esprit de

notre religion est directement opposé à celui de la tragédie. L'humilité et

la patience de nos saints sont trop contraires aux vertus des héros qui de-

mande le théâtre» . Cette règle s'accorde mal au Jugement de Salomon, aux

Moïses de Poussin»

La notion de mimésis, appliquée à l'expression des passions, conduit à

l'imitation de la tragédie grecque , à laquelle on emprunte une technique

de composition, une sorte de «praxis» tragique fondée sur la raison. Le

fait essentiel, dans cette approche, réside dans la caractérisation de cha­

que figure, non pas dans le sens d'une individualisation, mais bien dans le

sens d'une généralisation individualisée, car l'action tragique doit toujours

se situer à une certaine distance de l'humanité «concrète», pour en dégager

une signification universelle. Aristote préconisait l'imitation d'actions,

de modèles héroïques exemplaires qui mettaient en scène des sentiments no­

bles. Cette définition du statut du personnage a réorienté l'expression

Page 72: FACULTE DES LETTRES THESE

63

(chaque figure devant être traitée et particularisée en fonction de l’ac­

tion) et amené de nouvelles formules de composition et de distribution scé-40nique

D’autre part, tout comme le peintre doit choisir le moment le plus

chargé de sens et d’expressivité pour résumer l’histoire ou la fable, ainsi

il doit rechercher le geste essentiel qui donnera au personnage toute sa

force d'expression. Dans les deux cas, il doit assumer l'immobilité spa­

tiale et temporelle de la peinture par rapport à la mobilité du théâtre.

Ainsi l'attitude, en peinture, rend par une pose et un geste uniques, la

séquence que peut accomplir le commédien sur la scène.

3. La représentation des passions dans les oeuvres de Poussin.

La grande majorité des oeuvres de Poussin met en lumière l’importance

qu'il accorde, pour rendre l’expression, «au langage du corps» et aux «mou­

vements des figures» (Poussin). «En parlant de la peinture, (Poussin) dist

que de mesme que les 24 lettres de l'alfabet servent à former nos parolles

et exprimer nos pensées, de mesme les lineamens du corps humain a exprimer

les diverses passions de l’ame pour faire paroistre au dehors ce que l'on a dans l'esprit»^. Poussin suit en cela les préceptes d'Aristote, des rhé-

toriqueurs, des dramaturges, de Léonard de Vinci. Cependant, comme le re­

commandait Quintilien, nous ne croyons pas qu'il faille chercher une tra­

duction littérale des attitudes choisies par Poussin, d’autant plus que

l’attitude de ses figures, régies par un canon, se situe déjà à une certai­

ne distance du réel. Les figures, oeuvres de raison, renvoient à la sélec­

tion qui préside au dessein de ces figures: incarner un moment du sujet qui

lui-même incarne un état d'âme, un sentiment.

Page 73: FACULTE DES LETTRES THESE

64

Cette transmutation du sujet orientée vers la représentation d’un

état d’âme constitue l’aboutissement de la recherche de Poussin. Elle

est par le fait même moins perceptible dans les premières oeuvres où la

représentation équivaut à la transcription narrative du sujet, comme dans

les tableaux reprenant les sujets des amours mythologiques, la Bacchanale

à la Joueuse de luth (Paris, Louvre), le Midas devant Bacchus (Munich, Alte

Pinakothek). Déjà cependant, des oeuvres telles le Massacre des Innocents

(fig. 1), le Triomphe de Flore (fig. 3), le Martyre de Saint Erasme (Rome,

Vatican, Pinacothèque) annoncent un intérêt pour le mouvement et les expres­

sions très caractérisées.

Cette tendance à transcrire davantage le sujet par le mouvement de l’ac­

tion, s’accentue au cours des années 1630-1640. La recherche de Poussin sem­

ble alors porter sur la relation langage corporel-action qui suppose une plus

grande intégration de tout le corps. Cette recherche joue sur deux plans.

Dans certains tableaux comme l’Empire de Flore (fig. 5), la Bacchanale de­

vant un terme (Londres, National Gallery), les Bacchanales Richelieu, la re­

présentation s’articule sur une description très physique du mouvement. Le

thème de la danse est significatif à cet égard. L’expression est ainsi pro­

posée à travers une ordonnance souple et animée. Les visages sont souriants,

les bras et les jambes décrivent des arabesques, comme celle décrite par

exemple, par le personnage féminin à droite, au troisième plan, dans la co­

pie de la National Gallery de Londres, du Triomphe de Silène. Dans d’autres

tableaux, cependant, comme la Peste d’Asdod (fig. 4), 1*Enlèvement des Sa­

bine s du Louvre (fig. 16) et du Métropolitain, le Jeune Pyrrhus (fig. 4),

le mouvement est dramatisé. L'expression des visages se particularise tout

autant que celle des corps et les attitudes sont énergiques. L'action s’in­

Page 74: FACULTE DES LETTRES THESE

65

tensifie d’ailleurs dans le sens d’une situation conflictuelle.

La Manne (fig. 17) représente en quelque sorte un tableau charnière.

Lorsque Delacroix écrivait de Poussin qu’il ne réveillait presque jamais

d’idée par d’autres moyens que la pantomime plus ou moins expressive de

ses figures4 , il aurait pu se référer à ce tableau. Les expressions di­

versifiées que l'on y rencontre traduisent moins un mouvement qu’elles ne

représentent différents états d’âme ou réactions psychologiques devant le

miracle. Les divers groupes, chacun caractérisé par une attitude différen­

te, pivotent autour de Moïse et Aaron «qui sont comme les deux héros de son43sujet»

Dans sa correspondance, Poussin lui-même raconte qu’il a trouvé «une

certaine distribution pour le tableau de M. de Chantelou, et certaines at­

titudes naturelles, qui font voir dans le peuple juif la misère et la faim

où il était réduit, et aussi la joie et l’allégresse où il se trouve; l’ad­

miration dont il est touché, le respect et la révérence qu’il a pour son

Législateur, avec un mélange de femmes, d’enfants et d’hommes d’âge et de

tempéraments différents; choses, comme je crois, qui ne déplairont pas a

ceux qui les sauront bien lire» . Et il précise dans une autre lettre,

«touchans les mouvement des figures (...) quelles sont celles qui lan­

guissent, qui admire, celles qui ont pitié, qui font action de charité, de

grande nécessité, de désir de serepestre de consolation, et autres, car

les sept première figure à main gauche vous diront tout ce qui est icy es-

crit et tout le reste est de la mesme estoffe: Usés l’histoire et le ta-.45 bleau afin de cognoistre si chasque chose est apropriée au subiect»

Page 75: FACULTE DES LETTRES THESE

66

Cette description de tempéraments, de caractères et d’états différents

n'est pas sans évoquer une certaine parenté avec la Rhétorique d’Aris­

tote qui proposait, pour l’imitation d’une action tragique, de tels mo­

dèles .

Malgré quelques écarts (voir la Manne, le Passage de la Mer rouge

...), Poussin conserve le type de composition en frise qui lui permet

de concentrer au premier plan les protagonistes, â la manière des pro­

tagonistes grecs. Le Jeune Pyrrhus sauvé (fig. 11) et les deux Camille

et le Maître d’école de Faléries illustrent bien cette formule. Dans le

Camille (Los Angeles, Norton Simon Foundation, fig. 10), les protagonis­

tes sont appuyés en contrepoint par un choeur inscrit dans un axe paral­

lèle, alors que dans le Pyrrhus, les deux choeurs sont répartis à gauche

et à droite. Le plan le plus directement accessible au spectateur, comme

le devant de la scène au théâtre, propose de ce fait l’expression la plus

intense du sujet.

Ainsi dans le Frappement du Rocher (Golspie, coll. duc de Sutherland,

fig. 9), l’accent est-il mis sur les différentes attitudes des personnages,

témoins de sentiments divers, qui découlent du geste de Moïse relégué au

deuxième plan. Ce geste de Moïse est, en soi, plus statique; les réactions

qu’il provoque offrent par contre la diversité d’expressions que Poussin

recherchait.

Après l'épisode parisien, l’expression dramatique se renforce. Pous­

sin réduit le nombre des personnages et cerne son sujet par quelques atti­

tudes catalysatrices. Dans la Continence de Scipion (Moscou, Musée Pouch­

kine, fig. 21), dont l’épisode rejoint le répertoire du théâtre parisien

Page 76: FACULTE DES LETTRES THESE

67

de cette période l'expression joue sur la reconnaissance. Trois

gestes l'expriment: le geste de don de Scipion, le geste de reconnais­

sance proprement dit du fiancé et celui de la captive rendue à son fian­

cé. Dans la Crucifixion de Hartford (fig. 22), l’attitude de Marie ca­

talyse toute l'expression du tableau; son geste est à la fois supplique,

abandon et expression d'impuissance humaine face à ce drame. Le Corio-

lan des Andelys (fig. 32) joue pour sa part sur le geste de supplique, re­

présenté six fois, jusque dans l'attitude même de l'enfant de Coriolan.

De telles attitudes théâtrales qui concentrent l'expression du drame

apparaissent encore dans le Christ et la femme adultère (fig. 33), où le

personnage féminin au centre du tableau évoque l'accablement, et dans la

Mort de Saphira (fig. 34), où la pose de Saphira indique clairement l'orien­

tation tragique du drame.

Poussin, après avoir cherché à approfondir la relation corps-action

puis la relation corps-action-sujet, cherche maintenant à faire ressortir

de façon plus probante le contenu moral du sujet, comme par exemple le thè­

me de la grâce divine dans l'Eliézer et Rëbecca. Pour ce faire, il dévelop­

pe son sujet comme s'il s'agissait d'une «peinture parlante». Il prête aux

personnages un discours verbal articulé suivant les principes du dialogue.

L'action est ainsi concentrée dans le visage et dans les mains, comme dans

l'Eliézer et Rëbecca, le Jugement de Salomon, la Femme adultère et la Mort

de Saphira. Derrière cette expression s'est glissée en transparence la

raison: «et sur mes passions, ma raison souveraine» (Corneille, Polyeucte).

Ce jeu intellectuel d'analyse psychologique commande une lecture, impose

un parcours au regard du spectateur, lequel s'articule sur le regard même

des personnages.

Page 77: FACULTE DES LETTRES THESE

68

Dans 1’Eliëzer et Rëbecca (fig. 26), le drame se joue surtout dans

1’échange des regards. Les deux héros ou protagonistes sont d’ailleurs

placés au centre du premier plan, rapprochés l’un face à l’autre; l’échan­

ge des regards, soutenu par cette disposition, nous permet d’identifier

clairement ces deux personnages principaux. Le groupe de droite, dont le

regard des figures converge vers les deux protagonistes, renforce la si­

tuation. Le regard du personnage de gauche (la femme vêtue de vert qui

verse l’eau) agit un peu comme contrepoint et équilibre la composition fon­

dée sur un schéma en «V» ouvert sur l’arrière-plan. Par-delà cette dispo­

sition qui concerne davantage le mouvement de l’action, le regard évoque

le lien direct et par ce fait la réaction psychologique des figures fémi­

nines par rapport à cet événement. C’est ici qu’opère la «phantasia» de

Poussin car il a réussi, à partir d’une scène qui ne requérait pas tant de

figurants (le texte biblique ne mentionne que Rébecca), à diversifier son

tableau par ces «transformateurs de l'action en passion» que sont les yeux^?.

La vue, au XVIIe siècle, joue un rôle déterminant dans le rapport que

l’homme entretient avec le monde. Cependant, selon les modes d’appréhen­

sion, elle peut impliquer divers niveaux de conscience et ainsi être soumi­

se à des fins multiples. Le XVIIe siècle visait surtout à rendre percep­

tible et compréhensible par les sens ce qui est du domaine de l'esprit.

Il cherchait donc à donner, sous l'impulsion de la Contre Réforme, une réa­

lité vivante à des entités spirituelles ou à des concepts abstraits selon

une plus grande authenticité de sentiments.

Ainsi la vue est considérée comme un intermédiaire, un condensateur

qui transfère, par les images, une certaine énergie à l'intellect48 Ces

Page 78: FACULTE DES LETTRES THESE

69

images, selon les diverses modalites du sentiment qui y sont rattachées,

sont donc susceptibles de convaincre, d’émouvoir, d’éveiller des émo­

tions religieuses ou autres, et de plaire. Le regard, par les relations

vectorielles qu’il crée, impliquant toujours un vu et un voyant, anime

l'oeuvre picturale, inanimée en elle-même. Non seulement l'oeil est un

lien physique entre les personnages, puis entre les personnages et le

spectateur, mais encore, un lien psychologique par l'expression même qui

lui est dévolue. Dans le Paysage de l’homme au serpent (fig. 27), Pous­

sin met justement en valeur le rôle du regard, tant chez les acteurs que

chez le spectateur: l'atténuation progressive vers le plan médian de l'é­

vénement pathétique est fonction de la participation visuelle.

La vue est, pourrions-nous dire, pour Poussin, ce que l'oreille est

aux dramaturges. A l'exemple de ces derniers qui utilisent le verbe pour

créer un discours à l'intérieur duquel l'action se meut et se transforme en

passion, Poussin utilise la vue qui lui permet de créer un discours pictu­

ral où sont conciliées raison (évoquant une certaine stabilité) et expres­

sion (évoquant un certain mouvement). Cette transformation de l'expression

demeure liée en tous points à l'intériorisation du drame, à un transfert du

physique au psychologique (tout comme le théâtre du XVIIe siècle marque le

passage d'un théâtre d'action à un théâtre du sentiment). Cette intério­

risation va également de pair avec une plus forte caractérisation de chaque

personnage, principalement au niveau des mains et du visage, ce qui dénote

une analyse plus profonde des «affetti». Cette caractérisation, dans le

Jugement de Salomon (fig. 29)par exemple, s'adapte parfaitement au mobile

dramatique qui met justement en scène les passions humaines. Observons

Page 79: FACULTE DES LETTRES THESE

70

particulièrement la force d’expression du visage de la protagoniste de

droite (la «méchante mère»), par opposition à l’impassibilité du visage

de Salomon.

Poussin s’attachait donc à dégager l’idée principale du sujet, le

message essentiel du texte qu’il utilisait comme source de référence, et

à la rendre accessible en la traduisant par le geste. Le geste traduit

alors un sentiment parce que l’implication morale du sujet, son contenu

didactique que Poussin veut amener à la conscience du spectateur, est de

l’ordre des sentiments. Les sentiments sont toutefois soumis à la raison

car Poussin ne cherchait pas tant à représenter un spectable qu’à traduire

par les moyens de la représentation ses «Belles Idées», la morale et l’i­

déal du philosophe stoïque. Plus globalement, mais suivant la même idée,

la pensée pré-structurée de l’artiste, par la réflexion, sélectionne un

mode de composition dans lequel l’ensemble des gestes des figures est ré­

gi par la règle de l’unité des sentiments. Et comme le geste de chacun des

personnages naît du fond même du sujet (l’idée principale), ou de l’émotion

essentielle, les gestes que l’artiste leur fait exécuter naissent de sa mé­

ditation interprétant le sujet en le réduisant à l’essentiel. Ainsi chaque

geste participe à un tout qui est lui-même discours, «geste» qui traduit

la pensée et à travers lequel le spectateur doit recevoir une impression,

ou mieux: «lire» la pensée du peintre.

On peut alors établir un certain parallélisme entre la démarche de

Poussin et celle du rhétoriqueur et du comédien, à partir du principe même

de la correspondance entre l’action magique du verbe et l’action magique

Page 80: FACULTE DES LETTRES THESE

71

du geste. Cette hypothèse pré-suppose l’acceptation de l’origine magi­

que du théâtre où, tant chez les Egyptiens que chez les Grecs, celui-ci

a d’abord représenté les «Mystères». Cette représentation usait d’élé­

ments auxquels on accorde une valeur magique, le verbe et le geste. L’un

et l’autre, en tant qu’action, donnaient ainsi forme à un contenu abstrait,

l’incarnaient, afin que ce contenu puisse accéder à l’entendement humain et

agir sur lui. On peut donc supposer que le langage gestuel, rituellement

connoté à l’origine, s’est maintenu dans sa forme alors que la référence

magique s’est perdue ou du moins, n’a en tout cas plus été prise en consi­

dération (sinon dans le secret; on peut noter, par exemple, un phénomène

semblable pour les rites gestuels de la messe chrétienne).

.49On soupçonne Poussin de s’être intéressé de près à l’ésotérisme

/Aurait-il fait des emprunts au théâtre pour exprimer justement cet ésoté­

risme? La prudence cependant nous empêche de l’affirmer d’une manière cer­

taine, l’état actuel des recherches sur cet aspect de l’oeuvre de Poussin

ne le permettant pas. Nous pouvons tout de même retenir l’hypothèse du ges­

te entendu comme action magique. Cette idée réfère ici au sens premier de

la magie: le geste catalyse l’action, l’émotion, le sentiment. Il est le

point-relais d'une énergie concentrée en vue d’un certain effet à produire.

Au théâtre, le comédien transmet directement cette énergie au public, alors

que le peintre la transmet indirectement. La fonction cathartique de l'art

pourrait en ce sens présider à ce type de transmission d'énergie. Rien ne

nous interdit de penser qu'Aristote voyait dans la catharsis plus qu'une

simple «purgation». L'influence de la pensée pythagoricienne, dont on re­

connaît aujourd'hui le caractère ésotérique, a pu jouer sur Aristote, com­

me elle a joué sur Platon (Aristote fut d'ailleurs formé à l’Académie de

Platon).

Page 81: FACULTE DES LETTRES THESE

72

Pour mettre davantage en lumière l'importance du langage corporel

chez Poussin, nous avons dressé un tableau des principaux gestes qu'il a

utilisés. Ce répertoire démontre comment le nombre de gestes est somme

toute assez réduit. Ces gestes réfèrent d'autre part à un langage que

l'on pourrait presque qualifier d'archétypal. Ils font encore partie de

notre expression quotidienne et l'on est en droit de supposer qu'ils fu­

rent également utilisés sur la scène. Certaines correspondances entre les

gestes utilisés par Poussin et des préceptes établis l'attestent de façon

indirecte. On en retrouve, en tout cas, plusieurs dans de nombreux ta­

bleaux contemporains et dans certains traités de l'époque, concernant tant

le théâtre que la peinture (voir INFRA., pp. 1X1-132) . Dans d'autres cas, fau­

te de document pertinent, on ne peut qu'avancer une certaine influence pos­

sible. Ainsi, par exemple, le geste d'autorité et certaines attitudes très

théâtrales comme celle d'Herminie coupant sa chevelure pour étancher le

sang du héros dans le Tancrède et Herminie (Leningrad, Ermitage); celle du

personnage féminin se tirant les cheveux dans le Massacre des Innocents

(fig. 1), geste traditionnel depuis l'antiquité pour exprimer un sentiment

douloureux particulièrement intense. Dans le meme ordre d'idées, mais

touchant l'expression plus générale, on peut se demander si le côté gauche

et le côté droit, en rapport avec le côté cour et le côté jardin au théâ­

tre, ne jouent pas un rôle déterminant. Il y aurait peut-être lieu aussi

de se demander si Poussin ne leur a pas prêté un sens ésotérique. Autant

chez les Grecs que dans la Tradition chrétienne, par exemple, la bi-pola-

rité joue un rôle important dans le symbolisme. Ainsi la gauche est géné­

ralement passive et néfaste, par opposition à la droite, active et faste;

le mot latin «sinister» (gauche) a d'ailleurs donné en français «sinistre».

Page 82: FACULTE DES LETTRES THESE

73

En Extrême-Orient, par contre, les valeurs sont inversées. L’antithèse

de la droite et de la gauche n’a cependant rien d’une opposition absolue

puisque «le matin (gauche) donne ce que le soir (droite) reprend» ou en­

core, suivant le texte même du «Cantique des Cantiques», «son bras gau­

che est sous ma tête et sa droite m’étreint».

Dans quelques tableaux, le personnage noble qui incarne l’autorité

est situé à gauche, assis sur un trône ou debout (voir l’Enlèvement des

Sabines du Métropolitain et du Louvre, le Camille et le maître d’école de

Falëries de Los Angeles et de Paris, La Continence de Scipion de Moscou,

le Moïse foulant aux pieds la couronne de Pharaon et le Moïse changeant en

serpent la verge d'Aaron du Louvre). Par contre, dans le Salomon, ce per­

sonnage est au centre, alors que dans Esther devant Assuërus et Coriolan,

il est à droite.

Mentionnons enfin, à propos de l’analyse des mouvements des figures,

que plusieurs significations peuvent se rattacher au même geste, allant

de la simple nuance à l’opposition. C’est le propre même du langage de

prêter sa plasticité à la volonté de l'homme. Et Poussin à partir de quel­

ques gestes fondamentaux, a su tirer une grande variété suivant le sens du

sujet, l’expression et l’attitude du personnage et l'expression plus globale

du tableau. Par exemple, l'attitude du personnage aux bras étendus de cha­

que côté du corps avec les mains ouvertes, peut signifier soit la supplique,

l'imploration, soit la frayeur, la surprise, soit le don et/ou la récepti­vité^ . (Voir pour le répertoire des gestes, 1'Appendice A).

Page 83: FACULTE DES LETTRES THESE

74

4. Le principe du Décorum.

Il importe de souligner que malgré la caractérisation des gestes

et des attitudes, tant individuelles que collectives, Poussin ne s’é­

carte pas de l’exigence de vraisemblance, rattachée à la peinture con­

çue comme imitation: «il étudiait en quelque lieu qu'il fût. Lorsqu’il

marchait par les rues, il observait toutes les actions des personnages

qu’il voyait; et s’il en découvrait quelques'unes extraordinaires, il en faisait des notes dans un livre qu'il portait exprès sur lui»^. Ce souci

de vraisemblance, en plus de satisfaire au regard, favorise la délecta­

tion d'ordre intellectuel qui est intimement liée à l'idée de «catharsis».

L'émotion ne saurait être gratuite et demeure rattachée au plaisir de l'es-

prit, l’âme ne pouvant être touchée sans l'accord de la raison . Par

exemple, dans Les aveugles de Jéricho (Paris, Louvre), l'action particu­

lière, selon un travail de l'esprit, y est traitée de manière à faire res­

sortir un caractère général et «c'est ce qui est cause de la joie qu'on re-

çoit en le voyant» . Le principe de la lecture du tableau, cher a Pous­

sin, sous-tend cette conception. Pour que les figures éveillent, inspi­

rent de pareils mouvements dans l'âme des spectateurs, il faut «apprendre

de leurs actions mêmes non seulement ce qu'elles font, mais ce qu'elles

pensent»^. En ce sens, la théorie des modes, comme nous l'avons souli­

gné, fournissait à Poussin des modèles-types de caractère expressif (l'é­

thos des modes) qui déterminaient d'emblée les moyens à mettre en oeuvre

«et de faire de tels sentiments que son sujet les inspire dans l'âme de

ceux qui le voyaient, de la même sorte que dans la musique ces modes dont

je viens de parler émouvaient les passions»

Page 84: FACULTE DES LETTRES THESE

75

Et ceci nous amène tout naturellement à la notion de convenance ou

«décorum» puisque chez Poussin l’expression est soumise à ce principe,

qui relève de la doctrine Ut Pictura Poesis. Horace recommandait de

«respecter le rôle et le ton assignés à chaque oeuvre (...) et de mar­

quer les moeurs de chaque âge et donner aux caractères, changeant avec56les années, les traits qui conviennent»J . Alberti, acceptant ce prin­

cipe horatien, établit le mouvement des figures selon leur âge, puis cha­

que partie du corps proportionnellement aux autres parties. Les figures

doivent également être proportionnées entre elles. Léonard souligne que

tous les éléments doivent «convenir» au mobile dramatique: «observe le

décorum, c'est-à-dire le fait que l'action, le costume, le décor et les

circonstances soient appropriés à la dignité ou à l'infériorité des cho­

ses que tu veux représenter»^ . L'expression, le langage corporel, se­

conde exigence de la peinture, doit être convenable et diversifiée selon i 58les personnages

Cette notion se précise vers le milieu du XVle siècle: tout dans une

peinture doit être approprié, tant à la scène dépeinte qu'à l'emplacement

pour lequel elle est destinée (ce qui valut, entre autres, à Michel-Ange

d'acerbes reproches de la part d'une certaine critique pour l'indécence de

ses nus dans la Chapelle Sixtine). Elle acquiert donc une implication mo­

rale. Au XVIIe siècle, le principe de l'«Ars imitâtio naturae» amplifie

cette règle: on doit respecter l'exactitude archéologique, la vérité his­

torique et la stricte logique du décor. Pour Roland Fréart de Chambray,

«ce costume qui est proprement à dire un stile sçauant, une expression,

une conuenance particulière et spécifique à chaque figure du sujet qu'on

Page 85: FACULTE DES LETTRES THESE

76

traitte» , s’adresse à l’esprit. Félibien le définit pour sa part comme

«ce qui regarde la convenance dans toutes les choses qui doivent accompa­gner une histoire»^. Ainsi il exprime la science de l’ouvrier. Il diver­

tit par la nouveauté et enseigne des choses qui satisfont l’esprit et plai­

sent à la vue.

Mais c’est chez Du Bos qu’on trouve la définition la plus complète du

«décorum», qu’il désigne sous le terme de «vraisemblance poétique», par

opposition â «vraisemblance mécanique».

Elle «consiste a donner à ses personnages les passions qui leur conviennent, suivant leur âge, leur dignité, suivant le tempéra­ment qu’on leur prête, et l'intérêt qu’on leur fait prendre dans l’action. Elle consiste à observer dans son tableau ce que les Italiens appellent il Costumé, e*est-â-dire, à s’y conformer a ce que nous sçavons des moeurs, des habits, des bâtiments et des ar­mes particulières des peuples qu’on veut représenter. La vrai­semblance poétique consiste enfin â donner aux personnages d’un tableau leur tête et leur caractère connu (...) Quoique tous les spectateurs dans un tableau deviennent des Acteurs, leur action nëamoins ne doit être vive qu’a proportion de l’intérêt qu’ils prennent â l’événement (...) Il faut représenter les lieux où l’action s’est passée, tels qu’ils ont été (...) Les mêmes régies veulent encore qu’on donne aux différentes nations qui paroissent ordinairement sur la scène des tableaux, la couleur de visage et l'habitude de corps que l’Histoire a remarqué leur être propre (...) avec leurs vêtemens, leurs armes et leurs étendarts (...) qu'on se conforme â celleg^de leurs coutumes qui ont du rapport avec l’action du Tableau»

La doctrine classique fait relever le «décorum» des bienséances.

Cette règle, qui régit l’harmonie de l'oeuvre dans son ensemble, sous-tend

la théorie des moeurs, la règle de vraisemblance dans son application aux

«peintures» de caractère et la présentation du spectacle. Elle se pré­

sente ainsi sous deux aspects, â savoir la relation entre l’objet et sa

propre nature (interne) et la relation entre l'objet et le sujet (externe),

Page 86: FACULTE DES LETTRES THESE

77

les bienséances externes étant la mesure des bienséances internes.

Le réalisme historique, qui pose cette règle comme exigence, est

cependant limité par les connaissances archéologiques peu développées

à l’époque. Ainsi dans la tragédie, on ne visait pas tant à recréer

une scène-lieu exacte qu’à créer un lieu irréel, à la fois antique et

moderne, situé en dehors du commun et du quotidien, où pouvaient s’af­

fronter à l’état pur les passions. Dans les tableaux, par contre, les

peintres introduisent des palmiers et des obélisques pour les épisodes se

passant en Egypte. Les palais cependant étaient grecs ou romains parce

qu’on ne connaissait pas l’architecture égyptienne. L’obélisque, les py­

ramides ou les palmiers apparaissent chez Poussin notamment dans Moïse expo­

sé sur les eaux (Dresde, Gemaldegalerie), la Peste d’Asdod du Louvre, le

Jeune Pyrrhus sauvé du Louvre, le Moïse sauvé des eaux du Louvre, (inv.

7271), le Saint Jean à Patmos (Chicago, Art Institute), le Moïse sauvé

des eaux du Louvre (inv. 7272) et celui de Bellasis House (coll. Derek

Schreiber), le Repos pendant la fuite en Egypte (Leningrad, Ermitage)

et dans Moïse enfant foulant aux pieds la couronne de Pharaon (Woburn Ab-

bey, coll. duc de Bedford).

Le «décorum»constitue l’un des soucis majeurs de la recherche de

Poussin dans les oeuvres de sa maturité. Dans un témoignage qui laisse

deviner que le peintre était au courant des développements théâtraux de

son époque, Félibien rapporte même qu’il satisfaisait mieux à ce princi­

pe que les auteurs dramatiques: «il dist encore que nos poètes qui tra-

vailloient aux pièces de théâtre ne sçavoient point le coustume, c’est

à dire faire entrer les personnages dans les sentiments des héros, des

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78

nations et des personnes qu'ils veulent représenter» . Dans une lettre

à Jacques Stella, Poussin lui-même écrit, au sujet du Pyrame et Thisbë,

que «toutes les figures qu'on y voit joûënt leur personnage selon le63temps qu'il fait»

S'adressant toujours à Stella, mais cette fois au sujet du Frappe­

ment du rocher (1649, Leningrad, Ermitage, fig. 28), il rétorque à ceux

qui avaient trouvé

«à redire sur la profondeur du lit où l'eau coule, qui semble n'avoir pu être fait en si peu de temps, ni disposé par la nature dans un lieu aussi sec et aussi aride que le désert où étoient les Israélites (»..): qu'il est bien-aise qu'on sache qu'il ne travaille point au hasard et qu'il est en quelque ma­nière assez bien instruit de ce qui est permis à un Peintre dans les choses qu'il veut représenter, lesquelles se peuvent prendre et cg^sidërer comme elles sont encore ou comme elles doivent êtreb\ Qu'apparamment la disposition du lieu où ce miracle se fit devoit être de la sorte qu'il l'a figurée, par­ce qu'autrement l'eau n'auroit pu être ramassée, ni prise pour s'en servir dans le besoin qu'une si grande quantité de gguple en avoit, mais qu'elle se seroit répandue de tous côtés» .

Sur quoi Poussin remonte même, pour se justifier, à la création du monde

où Dieu disposa toutes choses avec ordre et rapport, à laquelle fin il

perfectionna son ouvrage. On sent bien ici jusqu'à quel point ce souci

d'exactitude, de logique interne, dans les rapports des éléments de l'oeu­

vre entre eux, s'appuie sur un intellectualisme, une raison seule garante

du sens de l'oeuvre.

Ce principe des convenances permet encore à Poussin de se glorifier

de quelque nouvelle invention qui témoigne, en plus de la variété qu'elle

crée, d'un souci archéologique. Dans une lettre à Chantelou, Poussin é­

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79

crit: «je suis sur le point de vous commencer un second tableau, de la

pënitencse où il y aura quelque chose de nouuéau, particulleremt le tri- cline lunaire quils apelloint Sigma y sera obserué pontuellement» &.

Il ajoute par ailleurs que ce tricline, qui sera chose nouvelle à voir,

ne sera pas sans lui procurer un certain plaisir ’ •

Quant aux «pareogues» (ornements ou incidents ajoutes à l’histoire)

tels la procession de prêtres aux têtes rasées, le coffre qui contient

les reliques de Sërapis et autres éléments introduits dans Le repos pen­

dant la fuite en Egypte (1648, Leningrad, Ermitage), Poussin spécifie que

«tout cela nest point fait aisi pour me l’estre imaginé». Il s’est en ef­

fet inspiré d’une mosaïque de Palestrina, qu’il devait connaître par l’in­

termédiaire de Cassiano dal Pozzo qui s’y était intéressé. Il ajoute en­

core qu’il a mis en «ce tableau toutes ces choses là pour delecter par la

nouueauté et variété et pour montrer que la Vierge qui est là représentée„ . 68 est en Egipte»

Au sujet noble doit correspondre, selon le principe du décorum, le

rendu noble. En ce sens, la «matière sur laquelle le Peintre fait effort

étant fort grande, son premier soin doit être de s’éloigner de tout son

pouvoir des minuties, pour ne pas contrevenir au décor de l’histoire»

L’idéalisation de ses figures, composées selon le canon de la statuaire

antique et qu’on lui a souvent reprochée, peut, à première vue, sembler

ne pas s’accorder avec le «décorum» qui posait l’exigence de vraisemblan­

ce dans l'imitation. Le modèle antique lui fournissait cependant le point

de référence le plus vraisemblable et le plus noble pour les «choses incor­

porelles». Il était donc le plus susceptible d'être en accord avec la ma­

tière. Ce style de figure stéréotypée, savamment construite, n’est d’ail­

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leurs pas loin des personnages tragiques de Corneille et de Racine.

En ce sens, le masque, que Roland Barthes définit comme «une méta­

physique des essences psychologiques», soutient la comparaison car le

«personnage classique est un masque éternel naissant douloureusement à lui-même»? . Imitant une «dramatis persona» (archétype magique, modèle),

il réactualise de ce fait une «imago» originelle. Il est médiateur entre

la génération moderne et la tradition ramenée à son principe. Tant en Ita­

lie qu’en France, le XVIIe siècle a tenté de retrouver, de réactualiser le secret de la «virtus» et de la «venustas»romaines?. Derrière le visage

du héros, qui n’est qu’un masque, se profile l’idée platonicienne , pui­

sée à même le fond universel. Avant la transformation définitive, cepen­

dant, se déploie le jeu des passions, qui implique un double jeu de masques

(psychologiques et verbaux (masques de mots, «figurae»)). Ce sont ces der­

niers qui fondent la visibilité théâtrale et créent dans l’esprit du spec­

tateur le «relief» de la vision intérieure. La tragédie classique, tout

comme la peinture de Poussin, est «cosa mentale».

Chez Poussin, la référence au masque est parfois directe, comme dans

1'Enlèvement des Sabines du Louvre (1637-38, fig. 16) où la tête du Sabin

courant â droite témoignerait, selon Jacques Thuillier, d'une allusion di­

recte aux masques de la tragédie antique dont il restait de nombreuses fi-. 73gurations . Comme accessoires, les masques apparaissent notamment dans

le Triomphe de Pan (Paris, Louvre), la Bacchanale d’enfants (Rome, coll.

Incisa délia Rochetta), le Parnasse, le Bacchus Apollon ou Bacchus et Eri-

gone (Stockholm, Nationalmuseum). La figure du personnage féminin qui sou­

Page 90: FACULTE DES LETTRES THESE

81

tient Saphira, dans la Mort de Saphira (fig. 34), pourrait aussi se ré­

férer à un masque, ainsi que celle du personnage féminin qui tente d’ar­

rêter le soldat dans le Massacre des Innocents du musée Condé (fig.l).

Parfois aussi, à un autre niveau, la référence est plus subtile et ce,

particulièrement dans les oeuvres postérieures aux années 1640, après le

retour de Paris. L’analyse psychologique d’un thème, indissociable de la

compréhension de l’action chez Poussin, préside au choix des expressions

et des attitudes. Les personnages sont alors particularisés en fonction

de leur participation émotive, intérieure au conflit: ils incarnent un état

d’âme. A ce titre, ils peuvent se définir comme les protagonistes des tra­

gédies grecques, dont le masque servait à fixer le «relief intérieur», c’est-

à-dire le caractère. Par là-même, le masque participait d’une certaine im­

muabilité qui, transcendant le personnage, révélait une composante fonda­

mentale de la nature humaine. C’est également ce sens que réassume le per­

sonnage de la tragédie classique du XVIIe siècle.

Dans le Jugement de Salomon (fig. 29), par exemple, que Poussin au dire

de Bellori considérait comme la meilleure de ses oeuvres, l'exagération des

attitudes démontre encore plus clairement le caractère de chaque protagonis­

te. Sont définis, comme personnages principaux, la «femme méchante», la

«femme bonne», et le juge impassible et sage. La même caractérisation peut

être observée dans Le Christ et la femme adultère et La Mort de Saphira.

Et il ne faudrait pas omettre le fameux Autoportrait du Louvre (1650) (fig.

31)peint pour Chantelou, qui dans un sens n’est pas sans évoquer un masque.

Le visage de la muse, qui apparaît du côté gauche, se rapproche des mas­

ques tragiques grecs. Le troisième-oeil que celle-ci porte en couronne ne

Page 91: FACULTE DES LETTRES THESE

82

fait-il pas référence à ce pouvoir qu’a la conscience humaine de voir par-■> 74 . .....delà les masques ... Il pourrait encore signifier le fondement de la pein­

ture dans l'intelligence.

Toujours en rapport avec la notion de «décorum», nous pouvons relever

la présence de motifs qui, tout en concourant à la vérité de l’oeuvre, ac­

centuent l’expression ^5. Par exemple, dans le Jugement de Salomon (fig.

29), la disposition en deux groupes des personnages se répercute dans le

motif symétrique des deux portes, repris par les deux colonnes encadrant le

trône de Salomon. La rigidité des lignes de ces motifs accentue la tension

dramatique. Les droites sévères de l’architecture «cubiste» du Christ et

de la femme adultère (fig. 33) et de La Mort de Saphira (fig. 34), tout en

stabilisant le décor, accentuent, par contraste, les droites rompues des per­

sonnages. Dans le Germanicus (fig. 2), le mouchoir qui dissimule le visage

d'Agrippine est aussi un motif qui, en évoquant une passion extrême, renfor­

ce l’expression.

L’évolution de la démarche de Poussin concernant l’expression pourrait

se résumer en trois temps. Après avoir insisté sur l’intégration du corps à

l’action, Poussin s’attarde davantage sur la liaison de l’action au sujet,

pour enfin faire correspondre l’ensemble du tableau à l’état d’âme qu’il vou­

lait dépeindre. L’élaboration d’un langage corporel très caractérisé, l’é­

puration du décor, la concentration, le resserrement du sujet autour du fait

le plus chargé d’intensité dramatique sont soumis à la règle de la convenan­

ce, celle-là même qui a peut-être suscité l’orientation d’une telle recherche.

Page 92: FACULTE DES LETTRES THESE

83

NOTES

1. Voir le passage intitulé «De la nouveauté», dans Bellori, op. cit., p.496.

2. Lettre à Chantelou, 14 mai 1644, in op. cit. , P- 268, lettre n. 108.

3. Lettre a Chantelou, 22 décembre 1647, in op. cit •, P • 376, lettre n. 157

4. Lettre *• a Chantelou, 11 mai 1653, in op. cit. » P- 430, lettre n. 192.

5. Voir première partie, Poussin dramaturge, pp. 20-23.

6. Corneille, «Les trois discours sur le poème dramatique», in R. Mantero,

Corneille critique, p. 189.

7. Ce traité eut six éditions entre 1619 et 1643 et contribua à poser les

assises rhétoriques de la tragédie française dès sa parution.

8. N. Caussin, cité d’après M. Fumaroli, op. cit., p. 249.

9. Le triple but de l’orateur, selon Cicéron, De l'Orateur, liv. II, XLIV,

est de prouver, plaire et émouvoir.

10. Quintilien, Institutions oratoires, liv. XI, 3, 65.

11. Ibid., XI, 3, 67.

12. Cicéron, De l’Orateur, III, LVII, 216 et 215.

13. Voir Aristote, Poétique, VI, 2 et XVII, 3; Horace, L’Art poétique, CIII:

«si vous voulez que je pleure commencez par ressentir vous-mêmes de la

douleur», Cicéron, op> cit., II, XLIV, 185; Roger de Piles, entre autres,

réassumera la validité de ce précepte. Le Dominiquin, pour qui Poussin

eut une admiration sans borne, défendait aussi ce principe.

14. Quintilien, op. cit., XI, 3, 89.

15. René Bary, cité par D. H. Roy, «Acteurs et spectateurs à 1'Hôtel de Bour­

gogne, vers une notation de la communication théâtrale», Dramaturgie et

société, I, C.N.R.S., p.293.

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84

16. Du Bos, Réflexions critiques sur la Poésie et la Peinture, p. 300.

17. Cassiodore cité par Du Bos, Réflexions critiques sur la Poésie et la

Peinture, p. 247 (nous donnons la pagination originale). Meursius au­

rait composé un dictionnaire sur ce sujet, voir Ibid., note b, p. 232.

18. Du Bos, op. cit., p. 262.

19. Ibid., p. 289.

20. Ibid., p. 259.

21. Ibid., p. 253; l’Emélie pour la tragédie, le Cordax pour les comédies et

le Sicinis; pour le drame satyrique.

22. Ibid., p. 310.

23. Consulter l’article très bien documenté et illustré de Dene Barnett.

«The Performance practice of acting: the Eighteen Century». in Theatre

Research International, vol. Il’, no 3 (1977). vol. III, no. 1, (1978),

vol. III, no 2 (1978) et vol. V. no 1 (1979-1980). Notons qu'ici encore,

les traités affirment l’influence de la rhétorique.

24. Per Bjurstrom, op. cit., p. 91, mentionne que ce schéma apparaît aussi

dans les dessins de Buontalenti, ainsi que dans des gravures d’Epifanio

d’Alfiano et d’Agostino Carrache pour des Intermèdes de 1589.

que Poussin, I, p. 242.

25. Voir A. Blunt, La théorie des arts en Italie, 1450-1600, p. 201.

26. Per Bjurstrom, op . cit., p. 83.

27. Léonard de Vinci, Carnets, II, p. 217.

28. Ibid., p. 205.

29. Ibid., p. 229.

30. Ibid., p. 221.

31. Boir Denis Mahon, «Poussin au carrefour des années’30», Actes du Collo'

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85

32. Junius cité par A. Fontaine, Les doctrines d'art en France, p. 25.

33. Ibid., p. 29-30. A noter l’étroite parenté avec la discipline rhé­

torique.

34. Roger de Piles, Conversations sur la connaissance de la peinture, p.271.

35. Roger de Piles, Cours de peinture par principes, p. 162-200.

36. Félibien cité par P. Desjardins, La méthode des classiques français, p.

221 (note 1).

37. Jacques Thuillier, «La notion d’imitation dans la pensée artistique du

XVIIe siècle, Critique et création littéraire en Fran­

ce au XVIIe siècle, C.N.R.S., 1974, p. 372.

38. Saint Evremond cité d’après René Bary, Formation de la doctrine classique,

p. 293.

39. Ou encore, par extension, à l'imitation de la peinture et de la sculpture

grecques. Mais n'oublions pas que la caractérisation de la nature morale

des protagonistes grecs, de l'expression des sentiments qui les animent,

qui conduira même les artistes à peindre des attitudes pathétiques, serait

due, pour une bonne part, à l'influence des héros du théâtre et, plus par­

ticulièrement, à l'usage des masques à caractères inventés par Eschyle, à

l'époque hellénistique; voir a ce sujet, L. Séchan, op. cit., p. 55.

40. Dans l'exemple de Raphaël, cité en note 9, p. 49, la caractérisation de

chaque figure est fonction du moment de l'action et de son temps psycho­

logique. L’expression est ainsi soumise au mobile dramatique. Chaque

figure a sa «pensée» et sa compréhension de l'événement qui conditionne sa

participation.

41. Journal de Félibien, 26 février 1648, manuscrit inédit, cité d'après Jac­

ques Thuillier, «Pour un Corpus Pussinnanum», Actes du Colloque Poussin,

II, p. 80.

Page 95: FACULTE DES LETTRES THESE

86

42. Delacroix cité par Paul Desjardins, op. cit., p. 207.

43. Fëlibien, op. cit., p. 178.

44. Lettre à Jacques Stella, 1639, in op. cit., p. 4-5, lettre no. 2.

45. Lettre à Chantelou, 28 avril 1639, in op. cit., p. 21, lettre no. 11.

46. On pourrait d’ailleurs supposer que le séjour de Poussin à Paris ait

pu l’amener a la connaissance plus ou moins directe des événements théâ­

traux qui s’y déroulaient à ce moment, comme la création du Cid de Cor­

neille, au début des années’ 40. Le dessin de Médée tuant ses enfants

(Windsor Castle, Royal Library, in A. Blunt, The Drawings of Nicolas Pous­

sin, fig. 68) que Blunt date dans la seconde moitié des années 1640, peut

évoquer un tel climat cornélien. Thuillier, dans Tout l’oeuvre peint de

Poussin, p. 83, mentionne que Poussin lors de son séjour à Paris aurait

réalisé, entre autres, des décors de théâtre.

47. C'est d’ailleurs un bon exemple de ce que Poussin, augmentant le nombre

des personnages pour expliciter le sujet, se rapproche parfois de Pierre

de Cortone.

48. Horace dans son Art Poétique, v. 180, écrivait que l'esprit est davantage

touché par les yeux que par les oreilles.

49. Communication orale à Marie-Nicole Boisclair de Jacques Thuillier, qui

s'intéresse a cet aspect peu abordé de l'oeuvre de Poussin. Le symbole

du serpent, entre autres, symbole majeur dans la tradition ésotérique,

pourrait donner lieu à une recherche plus approfondie. Il apparaît no­

tamment dans Moïse devant le Buisson ardent (Copenhague, Statens Muséum

for Kunst) alors qu'il n’en n'est fait aucune mention dans le texte bibli­

que, dans Le Temps et la Vérité (Paris, Louvre) particulièrement sous la

forme de l’Ouroboros et dans le Paysage au deux Nymphes (Chantilly, Musée

Page 96: FACULTE DES LETTRES THESE

87

Condé) et dans Le Déjugé ou 1'Hiver des Quatre Saisons (Paris, Louvre). Le

personnage de Saint Joseph pourrait également se prêter à une étude de

ce genre, particulièrement tel qu'il est présenté dans La Sainte Famille

5 figures (dite La Madone à l'Escalier) (Paris, collection particulière);

on pourrait peut-être y découvrir des références à la Kabbale ou à 1'Al­

chimie.

50. Nous présentons en Appendice «A» l'analyse des gestes sous forme de ta­

bleau schématique afin d'en faciliter la lecture; les numéros entre pa­

renthèses renvoient à la liste des tableaux jointe en fin d'Appendice et

comprenant le lieu de localisation et le nom du musée.

51. Félibien, op. cit., p. 29. Léonard recommandait sensiblement la même chose;

voir Carnets, II, p.217.

52. Corneille, avec son «pathétique d'admiration», «une tragédie qui n'excite

que de l'admiration dans l'âme du spectateur» (cité par R. Bary, op. cit.,

p. 319), s'appuyait sur une telle conception de la «delectatio».

53. Félibien, op. cit., p. 232.

54. Ibid., p. 169. Dans le même sens, Poussin, dans une lettre à Chantelou du

22 juin 1648 (in op. cit., p. 384, lettre n. 162) au sujet de la seconde

série des Sacrements, écrit: «Ces exemples ne seroint pas a l'auenture de

petit fruit rapelant l'homme par leur véùe à la considération delà vertu

et de la sagesse».

55. Ibid., p. 257.

56. Horace, Art poétique, v. 99 et v. 156.

57. Léonard de Vinci cité par A. Blunt, La théorie des Arts en Italie, 1450-

1600, p. 56.

58. Léonard de Vinci, Carnets, II, p. 234.

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88

59. R. F. de Chambray, Idée de la perfection de la peinture, p. 54.

60. Félibien, op. cit., p. 123.

61. Du Bos, Réflexions critiques sur la poésie et la peinture, p. 267-277

(Ces quelques phrases indiquent assez clairement une influence théâtra­

le) .

62. Journal de Félibien, 26 février 1648, d’après Thuillier, Actes du Col­

loque Poussin, II, 1960, p.80.

63. Lettre â Stella, in «Correspondance de Nicolas Poussin» op. cit., p. 424,

lettre n. 188.

64. Poussin semble ici se référer à la distinction du possible et du vraisem­

blable chez Aristote.

65. Lettre à Stella, in op. cit., p. 406, lettre no. 175.

66. Lettre à Chantelou, 30 mai 1644, in op. cit., p. 272, lettre no. 109.

67. Lettre à Chantelou, 4 février 1646, op. cit., p. 331, lettre no. 135.

68. Lettre à Chantelou, 25 nov. 1658, op. cit., p. 449, lettre no. 201.

69. Bellori, «Observations de...», op. cit., p. 494.

70. Marc Fumaroli, op. cit., p. 250.

71. Voir par exemple la scène de la descente aux enfers d’Enée (Enéide,

VI, 756-853), qui peut être considérée comme l’emblème de la dramatur­

gie humaniste, «où le discours du vieil Anchise au jeune Enée qui por­

te en lui l’avenir de Rome, illustre les Idées fondamentales de la civi­

lisation romaine par l’apparition successive de masques qui sont autant

de moules préparés pour le visage de ses futurs hëraux», M. Fumaroli, op.

cit., p. 238. Voir aussi, dans le même sens, la notice de Jacques Thuil­

lier, Tout l’oeuvre peint de Poussin, pour 1'Enlèvement des Sabines du

Métropolitain et du Louvre (n. 99 et n. 114).

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89

72. Chez Poussin, nous l’avons déjà souligné, le passage intitulé «De l’idée

de Beauté», dans les «Observations» rapportées par Bellori (op. cit.),

est le seul écrit qui atteste d'une influence platonicienne.

73. J. Thuillier cité par Avidgor Arikha, «L’Enlèvement des Sabines de

Poussin», Petit Journal des Grandes Expositions du Louvre, no. 17, p. 21.

Du Bos, dans ses Réflexions critiques sur la poésie et la peinture, p. 203-

217, mentionne que les Grecs plaçaient après la définition de chaque per­

sonnage, et sous le titre de «dramatis personae», un dessin du masque.

Il donne comme exemple «le manuscrit de Térence à la Bibliothèque du Roi»,

le «Térence de Madame Dacier». Il n’omet pas non plus de mentionner les

pierres gravées, les médailles, les ruines du théâtre de Marcellus «et de

plusieurs autres monuments» qui en reproduisent.

74. Ce fait n’est pas sans présenter quelqu’ambiguité, qui témoigne encore

de l’attitude marginale de Poussin. Par exemple, dans 1'Hercule au carre­

four d’Annibal Carrache (Naples, Capodimonte, 1595-97), une femme à gauche

d'Hercule «lui montre le vice sous formes d'instruments de musique et de

masques de tragédie et de comédie» (R.E. Wolf, «La querelle des 7 arts

libéraux», Actes du Xle stage international de Tours, Renaissance, Manié­

risme et Baroque, 1972, p. 280); dans La Luxure dévoilée par le temps de

Bronzino (Londres, National Gallery) et dans le Songe de Michel-

Ange, les masques sont encore symboles de fausseté et de duperie, signifi­

cation par ailleurs appuyée par 1’lconologia de Cesare Ripa (voir Erwin

Panofsky, Essais d'iconologie, p. 125 et p. 306).

75. On peut noter, fort à propos, que Matisse, dans ses Notes d'un peintre,

écrivait que l'expression «est dans toute la disposition de mon tableau.

La place qu’occupe les corps, les vides qui sont entre eux, les propor­

tions, tout y a sa part».

Page 99: FACULTE DES LETTRES THESE

CHAPITRE IV

LE PETIT THEATRE

1. Les sources descriptives.

Jusqu’à présent, notre étude a porté sur l’aspect plutôt théorique

de l’oeuvre et de la démarche de Poussin. Mais il est un autre fait, plus

concret celui-là, qui peut encore nous permettre d’établir une autre paren­

té avec le théâtre: le système de «la petite boîte». Nous devons toutefois

nous en tenir aux sources secondaires, témoignages de gens qui l’ont fré­

quenté, tels Sandrart et Félibien, car il n’existe aucune mention de

Poussin à ce sujet. En revanche, l’emploi du modèle de cire pour

les personnages est attesté dans une lettre à Chantelou où, au sujet de la

décoration de la Grande Galerie, Poussin écrit: «j’ay fet des modelles de

cire que j’ay baillés à monsieur parlan affin de faire modeler les piédes­

taux du dit ornement de la gallerie» .

Poussin aurait aussi modelé en cire une Ariane endormie (actuellement

au Musée du Louvre). Félibien rapporte d’ailleurs qu’avec François Duques-

noy, «comme ils étudiaient l'un et l’autre d'après les antiques, cela don-. 2na lieu au Poussin de modeler, et de faire quelques figures en relief» .

L'utilisation des modèles de cire n'est pas une invention de Poussin.- . . .3Tintoret, Barocci, El Greco avaient adopté cette technique avant lui . Se­

lon Mariette, Tintoret «se contentait de modeler de petites figures qu'il

disposait sur un théâtre; il les éclairait ensuite et, lorsqu'il s'était

assuré de l'effet des lumières et qu'il était content de la disposition de

Page 100: FACULTE DES LETTRES THESE

91

ses groupes, il se mettait sur le champ à peindre» .

L’auteur d’un manuscrit français rédige entre 1619 et 1625 (Biblio­

thèque Nationale, ms. fr. 9155) conseille de faire l’ébauche d’un tableau

avec des statuettes d’argile, d’en étudier l’éclairage à la chandelle et

de résoudre les problèmes de perspective et de disposition des ombres et lumières en utilisant «une caisse de bois qui se desmonte» \

Joachim von Sandrart qui a fréquenté Poussin à Rome entre 1628 et 1635,

affirme que Poussin utilisait déjà cette méthode de travail: «Quand il se

proposait de peindre une composition, il étudiait soigneusement le sujet

puis jetait sur le papier deux ou trois légères esquisses de l’ordonnance

générale. S’il s’agissait d'une histoire, il prenait une planche divisée

en carrés, convenable a son projet, et y ordonnait des petites figures nues,

en cire, dans les poses nécessaires à l'expression de l'action d'ensemble.

Ensuite, pour représenter les draperies, il les habillait de papier mouillé

ou d’une fine étoffe, puis cousait ses draperies au moyen de fils qui lui

permettaient de placer les figurines à la distance appropriée au-dessus de

l’horizon; et c'est d’après ces maquettes qu'il peignait sa toile. Mais

pour exécuter ses tableaux, il se servait aussi de modèles vivants, et pre­

nait son temps pour les étudier» .

Félibien pour sa part, mentionne qu’il ne commençait jamais «un ta­

bleau sans avoir bien médité sur les attitudes de ses figures qu’il des­

sinait toutes en particulier et avec soin (...) Il disposait sur une ta-

ble de petits modèles qu'il couvrait de vêtements pour juger de l'effet et

de la disposition de tous les corps ensemble» . L'indication du petit théâ­

tre est ici très évasive.

Page 101: FACULTE DES LETTRES THESE

92

Selon Bellori,

«lorsqu'il voulait faire ses compositions et qu'il en avait imagi­né l’invention, il faisait d’abord une esquisse qui suffisait à la faire comprendre; ensuite il formait des modèles de cire de tous les personnages dans leurs attitudes, en petites figurines d’une demi-palme, et s'en servait pour composer l'histoire ou la fable en relief, pour voir les effets natu­rels de la lumière et de l'ombre des corps. Ensuite il faisait d'autres mo­dèles plus grands et les vêtait pour juger d’autre part de l'arrangement et des plis des draperies sur le nu, et à cet effet se servait de toile fine, ou de toile de Cambrai mouillée, quelques petits morceaux de drap lui suffi­sant pour la variété des couleurs. De même il dessinait le nu, peu à peu d'après nature. Et les dessins qu'il faisait de ses inventions n'étaient que des esquisses spontanées, formées de traits rapides et d'un simple clair-obscur d'aquarelle, qu^ cependant donnaient toute leur efficacité aux mouvements et à l'expression» .

Ici encore, les esquisses précèdent le travail avec les modèles de cire, uti­

lisés pour les études de lumière et de distribution. Mais Bellori ne donne

aucune indication concernant le petit théâtre.

Le témoignage de Le Blond de Latour, en 1668, est plus explicite et plus

détaillé.

«Cet homme admirable et divin inventa une planche Barlongue, comme nous l'appelons, qu'il faisoit faire selon la forme qu'il vouloit donner â son sujet, dans laquelle il fesoit certaine quantité de trous où il mettoit des chevilles, pour tenir ses mannequins dans une assiète forme et asseurëe, et les ayant placés dans leur scituation propre et naturelle, il les habil- loit d'habits convenables aux figures qu'il vouloit peindre, formant les dra­peries avec la pointe d'un petit bâton, comme je vous ay dit ailleurs, et leur faisant la teste les pieds, les mains et le corps nud, comme on fait cuex des Anges, les élévations des Païsages, les pièces d'Architecture, et les autres ornemens avec de la cire molle, qu'il manioit avec une adresse et une tranquillité singulière: Et ayant exprimé ses Idées de cette manière, il dressoit une boette Cube, ou plus oblongue que large, selon la forme de sa planche, qui servait d'assiette à son Tableau, laquelle boette il bouchoit bien de tous costés, hormis celuy par où il ouvroit (lire couvroit) toute sa planche qui soutenoit ses Figures, la posant de sorte que les extrimités de la boette tomboient sur celles de la planche, entourant ainsi et embrassant, pour ainsi dire, toute cette grande machine.

Ces choses estant préparées de la façon, il considéroit la disposi­tion du lieu où son Tableau devoit estre mis. Si c'estoit dans une Eglise, il regardoit la quantité de fenestres, et remarquoit celles qui donnoient plus de iour à l'endroit destiné pour le mettre, si le iour venoit par de-

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93

vant, par le cote, ou par le haut, s'il y venoit de plusieurs côtés, ou lequel dominoit davantage les autres. Et après toutes ces réflexions si judicieuses, il arrestoit l'endroit où son Tableau devoit recevoir son véri­table jour, et ainsi il ne manquoit jamais de trouver la place la plus avan­tageuse pour faire des trous à sa boette, en la mesme disposition des fenes- tres de 1'Eglise, et pour donner tous les jours et les demy-jours nécessai­res à son dessein. Et enfin il fesoit une petite ouverture au devant de sa boette, pour voir toute la face de son Tableau à l'endroit de la distance; et il pratiquoit cette ouverture si sagement, qu'elle ne causoit aucun jouretranger, parce qu'il la fermoit avec son oeil, en regardant par là pour dessigner son Tableau sur le papier dans toutes ses aptitudes, ce qu'il fai- soit sans y oublier le moindre trait ny la moindre circonstance; et l'ayant esquisse ensuite sur 1^ toille il y mettoit la dernière main, apres l'avoir bien peint et repeint» .

S'il développe abondamment la maquette et insiste sur la fonction de la

lumière en rapport avec le lieu de destination du tableau, il ne mentionne

cependant pas les dessins préparatoires. Fait intéressant, le petit trou cen­

tral et frontal à partir duquel Poussin aurait opéré la transposition à la

deuxième dimension, n'est pas sans présenter quelque analogie avec le siège

central de l'orchestre, réservé au roi ou au prince, à partir duquel on éta­blissait la perspective de la scène^.

La majorité des auteurs postérieurs s'appuient sur ces témoignages, An­thony Bluntil donne cependant une explication plus élaborée de la méthode,

qui tient compte des dessins préparatoires. Ainsi, une fois le sujet choi­

si, Poussin se préparait par des lectures appropriées. Puis il faisait une

première esquisse très grossière. Il modelait ensuite de petites figures de

cire, les habillait et les plaçait sur sa scène, dans sa petite boîte, au

fond de laquelle il dressait un fond de paysage (on peut déjà noter ici le

contraste des figures en ronde-bosse en opposition au fond en aplat). Après

avoir joué avec ses figures et fixé les attitudes désirées, il faisait une

autre esquisse. Suivant le regard critique, il pouvait recommencer à jouer

Page 103: FACULTE DES LETTRES THESE

94

avec ses figures, faire une autre esquisse et ainsi de suite, jusqu’à ce

qu’il trouve la disposition d’ensemble qui satisfasse tant l’harmonie que

le principe de clarté et de simplicité. Parvenu à ce stade, il modelait des

figures plus grandes, les revêtant à nouveau de draperies, à partir desquel­

les il peignait.

La reconstitution de la maquette du petit théâtre de Poussin que A.. 12 ...Blunt reproduit fait comprendre la disposition des châssis latéraux, in­

diquant les coulisses ou successions des plans. Ce fait est important puis­

qu’il établit une certaine parenté d’aménagement avec la scène du XVIIe siècle.

Les fondements mathématiques et la théorie scientifique de la scène à

coulisses furent posés dès 1600 par Guido Ubaldus. Mais ce n’est qu’en 1628,

pour l’inauguration du Théâtre Farnèse de Parme, que ce système semble avoir. . . 13été utilise dans la scénographie de Francesso Guitti pour le Mercurio e Marte

Il fut perfectionné par Giacomo Torelli au cours des années 1640 (ce dernier

était en France en 1645), ainsi que par Guilio Troili (dit II Parnasso) et

Andrea Pozzo.

Ce système était lié à la création de l’encadrement du proscenium qui

masquait les côtés et le dessus de la scène et, par le fait même, l’isolait

de la salle pour en faire un lieu à part, une «boîte à illusions». Il per­

mettait donc le changement de décor et les métamorphoses du lieu scénique

et modifiait considérablement par les nouvelles possibilités techniques qu’il14offrait, les jeux de lumière . La scene entièrement ouverte de la Renais­

sance ne pouvait composer qu’avec une lumière neutre, inchangeable tout au

long de la représentation. Au XVIIe siècle, on pouvait varier les éclaira­

Page 104: FACULTE DES LETTRES THESE

95

ges en dissimulant des bougies derrière les coulisses. Les dramaturges

et metteurs en scène de l’époque surent tirer profit de la double nature

de la lumière, naturelle et émotionnelle, qui appelle la notion d'éclai­

rage en peinture, et l'utilisèrent pour créer des effets. Dans la tragé­

die, par exemple, la lumière a pour fonction de créer une atmosphère, de

baigner le décor semi-abstrait, de supporter le climat psychologique créé

par le dialogue, puisque c'est ce dernier qui doit avant tout émouvoir le

spectateur.

Pierre Schneider, dans Le voir et le savoir, Essai sur Nicolas Poussin \

est le seul auteur contemporain qui mentionne, après avoir présenté le petit

théâtre de Poussin, que celui-ci plaçait des bougies derrière les volets

(coulisses), pour étudier les effets de lumière. Il ne donne toutefois pas

la source de son information. Accepter cette donnée comme hypothèse, mais avec

réserve, ne contredit en rien cependant l'hypothèse de l'influence du sys­

tème des coulisses du théâtre du XVIIe siècle. Bien au contraire, ce fait

la rend encore plus plausible et plus logique par rapport à la démarche de

Poussin, car ce système pouvait faciliter considérablement son étude des

éclairages.

2. Le système du petit théâtre comme méthode de travail.

Nous savons donc par les divers témoignages cités que Poussin a utili­

sé le système du petit théâtre pour la composition de ses tableaux. Ain­

si certains d'entre eux doivent illustrer cette méthode de travail et nous

permettre de démontrer son utilisation en nous basant sur les principes qui

en découlent. Par exemple, nous pouvons considérer l'organisation, la pré­

Page 105: FACULTE DES LETTRES THESE

96

sentation même du lieu dramatique selon les formules définies antérieure­

ment. Les dessins préparatoires peuvent aussi nous renseigner, soit par

les transformations dans l’ordonnance et les mouvements des figures dans

une suite de dessins se rapportant à un même tableau, soit par la facture

même du dessin laissant deviner la technique du modelage, ainsi que les éclai­

rages .

Dans Le Massacre des Innocents (1628-29 , Chantilly, Musée Condé, fig.

1), Poussin semble avoir privilégié cette méthode de travail principalement

pour l’étude de la position des figures. Deux dessins préparatoires montrent

le bébé dans une pose presque identique à celle de l’oeuvre peinte, mais sous

des angles différents. L’axe oblique donné par la tête du bébé, celle de la

mère et celle de l’autre personnage féminin, soutenu par l'axe de l’épée du

soldat, est d'ailleurs ainsi prolongé et renforcé. Selon A. Bluntle

changement correspondrait au déplacement du modèle de cire de l'enfant.

L'apparence sculpturale du groupe de figures au premier plan, qui se déta­

chent du fond, serait redevable à l’utilisation des modèles de cire. La mê­

me remarque pourrait peut-être s'appliquer aux figures d’Echo et Narcisse

(1627-28, Paris, Louvre), bien que la référence au plateau scénique soit ici

plus subtile, ainsi qu'au Bacchus (1626-27, Stockholm, Nationalmuseum), sur­

tout si l'on considère le dessin préparatoire (Cambridge, Fitzwilliam Mu­

séum, reproduit dans Thuillier, Tout l'oeuvre peint de Poussin, fig. 33a).

L'échelonnement des plans de La Peste d'Asdod (1630, fig. 4), semble

avoir été déterminé par l'utilisation du petit théâtre. La succession des

trois plans pourrait correspondre à la disposition de trois coulisses symé­

Page 106: FACULTE DES LETTRES THESE

97

triques: les côtés ouverts au premier plan, l’axe qui s'inscrit entre

les deux colonnes à gauche et l’escalier à droite, et l’axe donné par

la ligne frontale de l’édifice à portique et à colonnade.

Le Jeune Pyrrhus sauvé (1636-37) (fig.11) est aussi construit à par­

tir de trois plans. La gradation, l’échelonnement des trois masses d’ar­

chitecture à l’arrière-plan soutient d’ailleurs cette construction. L’a­

rabesque des figures rompt cependant le schéma symétrique des coulisses.

Un dessin préparatoire pour ce tableau (Windsor Castle, Royal Library,

fig. 12 ) atteste de plusieurs modifications, notamment celle de l’ajout

du deuxième plan. Le mouvement vers la gauche a été accentué en hauteur,

faisant ainsi changer la position du personnage à la lance. On peut éga­

lement noter que le bras du personnage à gauche du personnage â la lance

a été ramené vers le bas; la position des jambes du personnage central aux

bras déployés a été modifiée et les figures féminines ont été plus étroite­

ment regroupées sur la droite. Ces diverses modifications pourraient en­

core être attribuées au jeu avec les modèles de cire.

De tels changements concernant l’ordonnance des figures sont apparents

entre un dessin préparatoire (Windsor Castle, Royal Library, Fig. 15 ) et

la Confirmation peinte pour Cassiano dal Pozzo (Grantham, Belvoir Castle,

coll. duc de Rutland, fig. 14 ). De plus, la vue oblique des pilastres à

droite pourrait référer à la vision oblique à l’intérieur du théâtre.

Nous aurions alors ici un sujet centralisé devant un décor décentré, comme

si le spectateur se trouvait assis du côté droit de l’orchestre. Les des-

dins préparatoires pour les deux séries des Sacrements sont peut-être les meilleurs exemples de l’usage de la méthode du petit théâtre^.

Page 107: FACULTE DES LETTRES THESE

98

Le Moïse enfant foulant aux pieds la couronne de Pharaon (1647-48,

Paris, Louvre, Fig. 23 ) et le Moïse changeant en serpent la verge d'Aa-

ron (ibid., Fig. 24 ) seraient peut-être les exemples d'une utilisation

du petit théâtre mais sans l'emploi des coulisses latérales. Les person­

nages sont ordonnés en frise sur un plateau fermé par un fond plat, sans

profondeur. Le Jugement de Salomon (fig. 29) reprend aussi cette formule.

Ici encore, un dessin (Paris, Louvre, fig. 25 ) se rapportant au Moïse et

Aaron et un autre dessin (Paris, Ecole des Beaux-Arts, fig.30 ) se rappor­

tant au Salomon, attestent de modifications importantes dans l'ordonnance

des figures.

Dans La Mort de Saphira, (fig. 34), le décor architecture rend claire­

ment compte de la succession des coulisses symétriques. Le fond de paysage de

La danse de la vie humaine (Londres, Wallace collection fig. 19 ) ressemble

beaucoup à une toile de fond que Poussin aurait disposé derrière la scène

de son petit théâtre. Cet aspect y est encore plus manifeste, si l'on

tient compte du volume des figures qui se détachent nettement de ce fond.

Le motif qui apparaît dans le ciel, sur un nuage, pourrait être redevable

à l'influence des machines qu'utilisait le théâtre. Poussin pouvait d'ail­

leurs lui-même suspendre au plafond de sa «boette cube» de telles machines

ou encore des personnages comme la Vénus montrant ses armes à Enëe (Rouen,

Musée des Beaux-Arts, Fig. 18 ). Un dessin pour la Danse de la vie humaine

(Berkshire, Lockinge, coll. Christopher Loyd, fig. 20 ) permet de consta­

ter que le motif du nuage avec le char du dieu a été passablement élevé;

de plus, l'un des deux enfants, qui étaient tous deux dans le coin droit,

est passé au coin gauche, au pied du terme. Le fait que les figures fémi­

Page 108: FACULTE DES LETTRES THESE

99

nines dans le dessin soient légèrement vêtues, pourrait signifier que

Poussin a joué par la suite avec des drapés différents sur ses modèles

de cire.

L’utilisation d’un arrière-plan représentant un lointain dans La

Danse de la vie humaine se retrouve encore dans le Coriolan (Les Andelys,

Hôtel de ville, fig. 32) et dans Achille parmi les filles de Lycomède

(Boston, Muséum of Fine Arts). Ici encore, le plateau est délimité par

quelques éléments d’architecture.

Le travail avec le petit théâtre pourrait aussi avoir aidé Poussin à

graduer les quatre plans du Paysage au serpent (fig. 27)et à délimiter le

plateau scénique fermé par une toile de fond du Paysage avec les funérail­

les de Phocion (Oakly Park, coll. comte de Plymouth) et du Paysage avec Py-

rame et Thisbë (Francfort, Stadelsches Kunstinstitut).

La technique du modelage des figures, que faisait intervenir cette

méthode de travail, peut transparaître dans le rendu de certains dessins.18Blunt mentionne que les figures du dessin du Louvre pour 1’Eucharistie

(Edimburg, coll. Duc de Sutherland) sont de façon évidente rendues d’après

les modèles de cire. On pourrait encore relever un dessin pour le Camille

et le maître d'école de Falêries (v. 1637, Windsor Castle, Royal Library,

reproduit dans A. Blunt, The Drawings of..., fig. 44), un autre pour la Pé­

nitence (Montpellier, Musée Fabre, reproduit dans A. Blunt, The drawings

of-.., fig- 61).

L'autre élément qui peut démontrer l'usage du petit théâtre est le jeu

des éclairages, particulièrement dans les oeuvres où la scène dépeint un

Page 109: FACULTE DES LETTRES THESE

100

intérieur. Ainsi, par exemple, L'Extrême-Onction et 1'Eucharistie (pre­

mière série des Sacrements). La source de lumière qui vient de droite

dans 1'Extrême-Onction (Belvoir Castle, coll. duc de Rutland, fig. 13)

pourrait très bien référer aux bougies placées en retrait derrière un vo­

let. La même remarque pourrait s'appliquer aux deux Moïses étudiés plus

haut. Dans 1'Eucharistie (Belvoir Castle, coll. duc de Rutland), «la peti­

te iouverture au devant de sa boette qui ne causoit aucun jour étranger» a

pu lui permettre de bien disposer les ombres et lumières selon l'éclairage

donné par une lampe réellement suspendue au plafond de son petit théâtre.

Faut-il faire dériver le caractère plus approfondi de l'ordonnance des

figures et l'affirmation plus rigoureuse de la composition du procédé du

petit théâtre? C'est en tout cas les premiers avantages qu'offrait cette mé­

thode de travail. La solution au problème de l'échelonnement des plans et

des personnages, de la liaison des personnages entre eux, pouvait y être en­

visagée de manière concrète, notamment si l'on accepte l'hypothèse du sys­

tème des coulisses. La science des jeux d'ombre et de lumière qui augmen­

te l'intensité dramatique des oeuvres de la maturité de Poussin pourrait en­

core s'y rattacher. Par contre, l'absence des détails dans le traitement

des visages, à savoir nez, bouche, yeux, les mains et les pieds rendus par

un seul trait dans les dessins, ne signifient pas pour autant que Poussin

ne s'en tenait qu'à ses petits modèles de cire. Ses figures idéalisées re-19 lèvent d'un calcul qui pouvait être directement effectué sur la toile

Tout ramener à cette méthode ne rend pas justice à Poussin. L'expres­

sion d'une émotion, d'un sentiment, l'architecture du tableau, la composi-

Page 110: FACULTE DES LETTRES THESE

101

tion où le centre s'affirme comme noyau d'énergie, tout cela est «cosa

mentale». «Et de tout cela appert-il manifestement que la Beauté est en

tout éloignée de la matière des corps, de laquelle elle ne s'approche, si

elle n'y est disposée par des préparations incorporelles. Et l'on conclut20 ainsi que la Peinture n'est autre qu'une idée des choses incorporelles»

Dans son testament artistique, Poussin résume ainsi sa doctrine: ïl

faut savoir choisir la matière «capable de receuoir la plus excellente for­

me, Il faut commencer par la Disposition, Puis par 1'Ornement, le Décoré,

la Beauté, la grâce, la viuacitë, le Costume, la Vraysemblance et le Juge­

ment partout. Ces dernières parties sont du Peintre et ne se peuuent apren-

dre. C'est le Rameau d'or de Virgile que nul ne peut trouuer ny cueillir21sil n'est conduit par la Fatalité» . En ce sens, la délectation, nous l'a­

vons souligné, est une fin de l'esprit avant que d'être célébration de la

ligne et du volume, du velouté de la pâte.

Poussin n'a cependant pas abstrait ou renié ce qui est intimement lié

à la présence même de l'esprit, la matière. Conscient de cet équilibre,

«c'était dans ces retraites et promenades solitaires qu'il faisait de légè­

res esquisses des choses qu'il rencontrait propres; soit pour le paysage(...)

soit pour des compositions d'histoires, comme quelques belles dispositions

de figures, quelques accomodements d'habits ou autres ornements particuliers 22dont ensuite il savait faire un si beau choix, et un si bon usage»

Page 111: FACULTE DES LETTRES THESE

102

NOTES

1. Lettre à Chantelou, 29 juin 1641, op. cit., p. 80, lettre no. 39.

2. Félibien, op. cit., p. 26.

3. Voir A. Blunt, The drawings of Nicolas Poussin, p. 195, note 2.

4. Mariette cité par Marguerite Charageat, «L’Ariane endormie, cire

de Nicolas Poussin-^ Revue des Arts, n. 1 (mars 1953). p. 36.

5. Auteur anonyme, cité par J. Thuillier, «Doctrines et querelles ar­

tistiques en France au XVIIe siècle», Archives de l’Art français,

t. XXIII (1968) p. 128. L’usage des boîtes à perspective, même si

ces dernières réfèrent à un système autre, tout en présentant quel-

qu’analogie avec la conception du petit théâtre, témoigne déjà d’une

influence scénique. Consulter W. Born, «Early Peep-shows and the

Renaissance stage», I et II, in The Connoisseur, vol. 107, no. 474

(février 1941), p.-67-71 et no. 476 (avril), p. 161-164.

6. Sandrart, cité d’après A. Blunt, Nicolas Poussin, Lettres et propos

sur l’art, p. 178-179.

7. Félibien, op. cit., p. 201-202.

8. Bellori, cité d’après Blunt, Nie. Pous., Lettres et propos sur l’art,

p. 178-179.

9. Le Blond de La Tour, cité d’après J. Thuillier, «Pour un Corpus Pus-

sinianum», Actes du Colloque Poussin, II, 1960, p. 146.

10. Chambray, dans Idée de la perfection de la Peinture, p. 40-42, par­

lant du point de vue monoculaire, dit que c’est la première chose à

rechercher, car c’est là le signe d’un peintre savant.

Page 112: FACULTE DES LETTRES THESE

103

11. A. Blunt, Art and Architecture in France, 1500-to 1700, p. 176

et A. Blunt, Nicolas Poussin, the A.W. Mellon Lectures, I, p. 243-

247. Notons que A. Blunt (The drawings of Nicolas Poussin, p. 195,

note 2) mentionne que «the idea of the stage seems to hâve been Pous­

sin* s own invention».

12. A. Blunt, Nicolas Poussin, I, p. 243, fig. 200 et 201.

13. Jean Jacquot, «Drame poétique...», op. cit., p. 17. Voir également

Hélène Leclerc, «La scène d’illusion et l’hégémonie du théâtre à

l’italienne», Histoire des spectacles, Pléiade, p. 600.

14. Nicola Sabbattini, Pratique pour fabriquer scènes et machines de

théâtre (1638), recommandait de faire venir la lumière d’un des cô­

tés plutôt que de face ou d'en arrière.

15. P. Schneider, Le voir et lé savoir..., Mercure de France, Paris,

1964. Voir p. 29 pour la référence.

16. Blunt, The drawings of Nicolas Poussin, p. 97.

17. Ibid., p. 106-113 (pour le Baptême et la Confirmation, coll. duc de

Sutherland); A. Blunt étudie aussi le Baptême dans, Nicolas

Poussin, I, p. 193-196.

18. Blunt, Nicolas Poussin, I. p. 254.

19. Mentionnons seulement à titre indicatif, que Léonard recommandait de

ne point pousser le travail des membres dans les esquisses et d'en

indiquer tout au plus la position.

20. Bellori, «Observations...», op. cit., p. 496.

21. Lettre à Chambray, 1er mars 1665, op.cit., p. 463, lettre no. 210.

22. Félibien, op. cit., p. 29.

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CONCLUSION

LES SIGNIFICATIONS JOUEES

En s’inspirant des règles qui président à l'écriture et à la re­

présentation de la tragédie classique, Poussin ne vise pas tant à l'il­

lusion théâtrale qu'à la beauté dramatique qui découle de ces règles.

La Beauté est pour Poussin oeuvre de raison et ne saurait se manifester

sans la médiation de ces règles qui interviennent plus comme agent ca-

talysateur que comme agent restricteur. Pourquoi cependant les règles

du théâtre?

Parce que le théâtre est d'abord Poésie et que l'oeuvre picturale veut

être poétique, parce que le théâtre-poésie qui peint l'homme, dans sa re­

présentation jouée, est un lieu vivant, actualisé, où l'imaginaire se don­

ne pour réel et parce que l'oeuvre picturale veut accéder à l'imitation du

vrai. Par l'affirmation de la mise en ordre, de l'intériorisation du dra­

me, l'oeuvre s'anime sous le jour de la révélation d'une transparence, re­

flet de l'intelligible, fusion d'une forme sensible et d'une pensée. Chez

les dramaturges, chez les tragiques entre autres, la transmutation du ma­

tériau littéraire en spectacle équivalait à la spatialisation de son con­

tenu conceptuel. La perfection de la forme n'appelle toutefois pas une

«ascèse» mais une «catharsis» conduisant elle-même à une réflexion médi­

tative .

Page 114: FACULTE DES LETTRES THESE

105

De l’humanisme italien tel que développé dans la doctrine Ut Pictura

Poesis, jusqu’au XVIIe siècle, le chemin parcouru par la conscience va

d’une expression centrée sur l’imitation de l’action (où l’attitude cor­

porelle est cependant envisagée comme intermédiaire et non comme une fin

en soi), à une expression directement centrée sur la manière d’être qui

met en scène le coeur et l’esprit a travers les passions humaines. Et

c’est un peu, en raccourci, le chemin suivi par Poussin, lui qui écrivait:

«nous voyons bien souuent que l’homme est un dieu à l’Homme» , lui qui sa­

vait si bien comprendre ses personnages jusqu’à refuser même à Stella de lui

peindre un Portement de croix qui, à ses dires, aurait achevé de le tuer^.

Le rapport des personnages de Poussin avec leur environnement peut

s’interpréter à partir de l’image même du «Theatrum mundi» que nous avons

évoquée dans l’avant-propos. Dans sa quête de l’invisible, Poussin a ap­

puyé son oeuvre à la fois sur une logique de la forme corporelle qui im­

plique la conscience diffuse dans tout le corps et, à un autre plan, sur

une logique de la représentation qui implique la conscience humaine ins­

crite en filigrane dans le tragique de l'oeuvre. Il s’agissait en quelque

sorte de concilier deux mystères, celui de l’homme et celui de la nature

ou, pour respecter le ton de Poussin, de transmuter en esprit la richesse

sensible, de rendre la nature parfaite.

La réconciliation de l'homme et de la nature, de l'action et du décor,

s'opère dans le lieu géométrique, vérité abstraite, mais qui n’est que

l'image retrouvée d'un ordre, d’une harmonie qui respire au coeur même du

Page 115: FACULTE DES LETTRES THESE

106

monde. L’espace pictural n’a pas une fonction décorative: il articule

un lieu, celui de la représentation, dont le sens renvoie ici à l’orga­

nisation, au langage, au discours pictural du système figuratif. Tant chez

les dramaturges du XVIIe siècle que chez Poussin, la représentation, dépas­

sant en la transcendant la seule fonction de réplique du monde, est de

l’ordre des «significations jouées». La perspective, par exemple, qui obli­

ge à penser en termes d’objets, se réfère à un mode de perception-trans­

cription qui réfère lui-même à une conscience. La perspective atmosphéri­

que adoptée par Poussin contribue en ce sens à «fondre» êtres et choses

tout en tenant compte de la mobilité et de la texture du monde.

Par ailleurs, pour Poussin, le geste, qui se donne en prolongement

d’une conscience d’être s’enracinant au coeur même de l’homme, fonde le

privilège de la représentation. Dans cette symbiose du geste et de la

conscience se manifeste, s’incarne l’univers «dévoilé». A ce titre, l’i-

dée de Chantelou de couvrir les tableaux de Poussin d’un petit rideau

n’est pas sans évoquer un certain sens du théâtral. Poussin lui-même

était pleinement d’accord avec cette idée: «L’inuention de couurir vos

tableaus est excellente, et les fere voir un a un fera que l'on s’en las­

sera moins, car les voyans tous ensemble rempliroit le sens trop à un4coup» ,

Sur son petit théâtre, Poussin a rassemblé les éléments d'un drame,

celui de la peinture qui, dans sa conquête d'elle-même, se laisse guider

par sa soeur Melpomène, selon les termes mêmes de Dufresnoy. Le drame

aussi de la conscience d'un artiste qui, poussé par l’interrogation de

son siècle sur l’univers, veut percer le mystère de la représentation.

Page 116: FACULTE DES LETTRES THESE

107

«Je lui demandais un jour par quelle voie il était arrivé à ce

haut point d'élévation qui lui donnait un rang si considérable entre les

plus grands peintres d'Italie; il me répondit modestement: «Je n'ai rien négligé» »\ ..

Page 117: FACULTE DES LETTRES THESE

108

NOTES

1. Lettre à Chantelou, 3 juillet 1645, op. cit., p. 311, lettre n. 125

2. Lettre à Stella, cité d’après J. Thuillier, Actes du Colloque N.P.,

II, p. 219.

3. Voir Chantelou, Journal de voyage en France du cavalier Bernin,

p. 82 et p. 253. On peut également noter que Roger de Piles, dans

ses Cours de peinture par principes, recommandera, quelques années

plus tard, de porter beaucoup d’attention au devant du tableau, qui

doit favoriser «l’entrée» du spectateur. Soulignons encore que l’i

dée était déjà en germe dans les tableaux des peintres renaissants

apparaît bien souvent, comme motif d’encadrement peint, un rideau.

4. Lettre à Chantelou, 22 juin 1648, op. cit., p. 384, lettre no. 162.

5. Témoignage de Bonaventure d’Argonne cité par A. Blunt, Nie. Pous.,

Lettres et propos sur l’art, p. 187.

Page 118: FACULTE DES LETTRES THESE

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LISTE DES ILLUSTRATIONS

(Tous les tableaux sont des huiles sur toile de Nicolas Poussin)

1. Le Massacre des Innocents, (147x171 cm), 1625-26. Chantilly, Musée

Condé.

2. La Mort de Germanicus, (148x196.5 cm), 1628. Minneapolis, Institute

of Arts.

3. Le Triomphe de Flore, (165x241 cm), v.1627-28. Paris, Louvre.

4. La Peste d'Asdod, (148x198 cm), 1631. Paris, Louvre.

5. L'Empire de Flore, (131x181 cm), 1631. Dresde, Staatliche Kunstsamm-

lungen Gemaldegalerie.

6. L'Adoration des Mages, (161x182 cm), 1633. Dresde, Staatliche Kunst-

sammlungen Gemaldegalerie.

7. Le Passage de la Mer rouge, (154x210 cm), 1633-35. Melbourne, National

Gallery of Victoria.

8. L'Adoration du Veau d'or, (154x214 cm), 1633-35. Londres, National

Gallery.

9. Le Frappement du Rocher, (97x133 cm), 1633-35. Golspie, Dunrobin Cas-

tle, coll. duc de Sutherland.

10. Camille et le Maître d'école de Falëries, (252x268 cm), 1634-35.

Los Angeles, Norton Simon Foundation

Page 119: FACULTE DES LETTRES THESE

110

11. Le Jeune Pyrrhus sauvé, (116x160 cm), 1636-37. Paris, Louvre.

12. Le Jeune Pyrrhus sauvé, (210x346 mm). Winsdor Castle, Royal Libra-

ry. Dessin préparatoire. Plume et encre brune sur sanguine.

13. L*Extrême-Onction, (première série des Sacrements), (95.5X121 cm),

1636-40. Grantham, Belvoir Castle, coll. duc de Rutland.

14. La Confirmation, (première série des Sacrements), (95.5x121 cm),

1636-40. Grantham, Belvoir Castle, coll. duc de Rutland.

15. La Confirmation, (137x208 mm). Winsdor Castle, Royal Library.

Dessin préparatoire. Plume et lavis brun.

16. L^nlèvement des Sabines, (159x206 cm), v. 1637-38. Paris, Louvre.

17. La Manne, (149x200 cm), 1639. Paris, Louvre.

18. Vénus montrant ses armes à Enée, (105x142 cm), 1639. Rouen, Musée

des Beaux-Arts.

19. La Danse de la vie humaine, (83x105 cm), v.1638-40. Londres, Walla­

ce collection.

20. La Danse de la vie humaine, (149x197 mm). Berkshire, Lockinge, coll.

Christopher Loyd. Dessin préparatoire. Plume et lavis brun.

21. La Continence de Scipion, (116x150 cm), 1643-45. Moscou, Musée

Pouchkine.

22. La Crucifixion, (148.5x218.5 cm), 1646. Hartford (Connecticut),

Wadsworth Atheneum.

Page 120: FACULTE DES LETTRES THESE

111

23. Moïse enfant foulant aux pieds la couronne de Pharaon, (92x128 cm),

1647-48. Paris, Louvre.

24. Moïse changeant en serpent la verge d’Aaron, (92x128 cm), 1647-48.

Paris, Louvre.

25. Moïse changeant en serpent la verge d’Aaron, (156x260 mm). Paris,

Louvre. Dessin préparatoire. Plume et lavis brun.

26. Eliezer et Rebecca, (118x197 cm), 1648. Paris, Louvre.

27. Le Paysage au Serpent, (119.5x198.5 cm), 1649. Londres, National

Gallery.

28. Le Frappement du Rocher, (122.5x193 cm), 1649. Leningrad, Ermitage.

29. Le Jugement de Salomon, (101x150 cm), 1649. Paris, Louvre.

30. Le Jugement de Salomon, (248x384 mm). Paris, Ecole des Beaux-Arts.

Dessin préparatoire. Plume et lavis brun sur craie noire.

31. Autoportrait, (98x74 cm), 1650. Paris, Louvre.

32. Coriolan, (112x195 cm), v.1650-55. Les Andelys, Hôtel de ville.

33. La Femme adultère, (122x195 cm), 1653. Paris, Louvre.

34. La Mort de Saphira, (122x199 cm), 1654-55. Paris, Louvre.

35. Esther devant Assuërus, (119x155 cm), v. 1655. Leningrad, Ermitage.

Page 121: FACULTE DES LETTRES THESE

ILLUSTRATIONS

FIG. 1: Le Massacre des Innocents, Chantilly,

Musée Condé.

FIG. 2: La Mort de Germanicus, Mineapolis,

Institute of Arts.

FIG. 3: Le Triomphe de Flore, Paris, Louvre. FIG. 4: La Peste d'Asdod, Paris, Louvre.

112

Page 122: FACULTE DES LETTRES THESE

FIG. 5 : L'Empire de Flore, Dresde, Staatliche

Kunstsammlungen Gemaldegalerie.

: Le Passage de la Mer rouge, Melbourne,FIG. 7

National Gallery of Victoria.

Page 123: FACULTE DES LETTRES THESE

FIG. 6: L'Adoration des Mages, Dresde, Staat-

liche Kunstsammlungen Gemaldegalerie.

National Gallery.

113

Page 124: FACULTE DES LETTRES THESE

FIG. 9 : Le Frappement du Rocher, Golspie, Dun-

robin Castle, coll. duc de Sutherland.

FIG. 11: Le Jeune Pyrrhus sauvé, Paris, Louvre.

Page 125: FACULTE DES LETTRES THESE

FIG. 10: Camille et le Maître d'ëcole de Falë-

ries, Los Angeles, Norton Simon Foun-

dation.

FIG. 12: Le Jeune Pyrrhus sauvë, Winsdor Cas-

tle, Royal Library.

114

Page 126: FACULTE DES LETTRES THESE

FIG.

FIG.

13: L * Extrême-Onc t ion, Grantham, Belvoir

Castle, coll duc de Rutland

15: La Confirmation, Winsdor Castle,

a*'

Royal Library

Page 127: FACULTE DES LETTRES THESE

FIG. 14: La Confirmation, Grantham, Belvoir

Castle, coll. du duc de Rutland*

FIG. 16: L’Enlèvement des Sabines, Paris, Lou­

vre

115

Page 128: FACULTE DES LETTRES THESE

FIG. 17: La Manne, Paris, Louvre.

FIG. 19: La Danse de la vie humaine, Londres,

Wallace collection

Page 129: FACULTE DES LETTRES THESE

FIG. 18: Venus montrant ses armes à Enëe,

Rouen, Musée des Beaux-Arts.

FIG. 20: La Danse de la vie humaine, Berkshire,

Lockinge, coll. Christopher Loyd.

116

Page 130: FACULTE DES LETTRES THESE

FIG. 21: La Continence de Scipion, Moscou, Mu­

sée Pouchkine.

couronne de Pharaon, Paris, Louvre

Page 131: FACULTE DES LETTRES THESE

FIG. 22: La Crucifixion, Hartford (Connecticut),

Wadsworth Atheneum.

FIG. 24 : Moïse changeant en serpent la verge

d*Aaron, Paris, Louvre

117

Page 132: FACULTE DES LETTRES THESE

FIG. 25: Moïse changeant en serpent la verge

d*Aaron, Paris, Louvre.

tional Gallery.

FIG. 27: Le Paysage au Serpent, Londres, Na­

Page 133: FACULTE DES LETTRES THESE

FIG. 26: Eliezer et Rebecca, Paris, Louvre.

FIG. 28: Le Frappement du Rocher, Leningrad,

Ermitage.

oo

Page 134: FACULTE DES LETTRES THESE

FIG. 29: Le Jugement de Salomon, Paris, Louvre.

FIG. 31: Autoportrait, Paris, Louvre.

Page 135: FACULTE DES LETTRES THESE

FIG. 30: Le Jugement de Salomon, Paris, Ecole

des Beaux-Arts.

FIG. 32: Coriolan, Les Andelys, Hôtel de ville.

119

Page 136: FACULTE DES LETTRES THESE

FIG. 33: La Femme adultère, Paris, Louvre.

Ermitage

FIG. 35: Esther devant Assuërus, Leningrad,

Page 137: FACULTE DES LETTRES THESE

FIG. 34: La Mort de Saphira, Paris, Louvre.

120

Page 138: FACULTE DES LETTRES THESE

121

APPENDICE A

REPERTOIRE DES GESTES

(Les numéros entre parenthèses renvoient a la liste des tableaux en fin d’appendice)

1. Variantes sur le geste des bras ouverts, de chaque côté du corps, mains ouvertes.

ATTITUDE DE SUPPLIQUE, D’IMPLORATION:

. Lamentation sur le Christ mort (1). figure féminine agenouillée, face au Christ

. Le Miracle de St François Xavier (73). figure féminine qui se penche vers la mourante

. La Crucifixion (79) (fig. 22). geste de Marie

. Le Frappement du Rocher (91) (fig. 28). personnage féminin, coin droit. personnage masculin derrière ce personnage

. Le Jugement de Salomon (92) (fig. 29). geste de la Abonne mère»

(peut également signifier la frayeur)

. Coriolan (98) (fig. 32). geste plusieurs fois repris par figures féminines

. St Pierre et St Jean guérissant le Boiteux. geste du mendiant (106)

ATTITUDE DE FRAYEUR OU DE SURPRISE1;

. Massacre des Innocents (10) (fig. 1). geste de la mère, plus violent: la main droite, s’agrip­

pant au dos du soldat, la bouche est ouverte.

. L’Enlèvement des Sabines (64) (fig. 16). 3 figures féminines et 1 masculine

. Le Jeune Pyrrhus sauvé (51) (fig. 11). figure féminine, nuance: main sur la tête

• Pan et Syrinx (56). geste de la nymphe Syrinx: refus (paumes tournées vers

l’extérieur) par rapport au même geste de Pan: posses­sion (paumes tournées vers l’intérieur)

Page 139: FACULTE DES LETTRES THESE

122

. Moïse devant le Buisson ardent (72)

. Moïse enfant foulant la courronne de Pharaon (87) (fig. 23). geste des deux personnages assis: surprise. geste fig. fém. - droite (paumes tourmées vers l’exté­

rieur: non) (geste du pers. mas. au couteau: attaque)

. Paysage au Serpent (90) (fig. 27). figure féminine, 2e plan, au centre du tableau

. Paysage avec Pyrame et Thisbë (97). geste de Thisbé

. St Pierre et St Jean guérissant le boiteux (106). geste du pers. masc. à droite de St-Pierre:

surprise et admiration

. Vénus montrant ses armes à Enëe (68) (fig. 18). gest d’Enée

ATTITUDE D’ETONNEMENT2:

. Lorsque les bras se replient vers le corps et que l’on sent un mouvement de recul de l’axe du corps:

. Achille parmi les filles de Lycomède (99). voir le pers. masc. et le pers. fém. à gauche, au 2e plan

3ATTITUDE DE DON ET/OU DE RECEPTIVITE :

. Le Sacrifice de Noë (21). Moïse; geste repris par la figure féminine derrière lui

. Triomphe de Flore (24) (fig. 3). attitude de Flore

. L’inspiration du poète (27). geste d’Anacréon: réceptivité

. David vainqueur (32). geste de la figure ailée: don

. Le Retour d’Egypte (40). geste de 1’Enfant-Jésus : acceptation

. L’Adoration du Veau d’or (44) (fig. 8). geste des pers. masculins, à droite

. Le Frappement du Rocher (46) (fig. 9). geste du pers. masculin, au centre, devant l’arbre: recon­

naissance

Page 140: FACULTE DES LETTRES THESE

123

. La Vierge protégeant Spolète (52)

. Sainte Marguerite (55)

. Le Mariage (58). geste du prêtre qui touche chacun des deux époux: don

. La Manne (67) (fig. 17). geste du pers. masculin derrière la femme qui allaite:

réceptivité

. L’institution de 1'Eucharistie (71). geste du pers. face au Christ: réceptivité

. Le Miracle de St François Xavier (73). geste de don du Père et geste de réceptivité du prêtre

agenouillé

. Le Temps et la Vérité (74)

. Sainte Famille 3 figures (75)

. Le Ravissement de Saint Paul (76)

. St Jean baptisant le Christ (85). geste du Père

. Le Frappement du Rocher (91). geste du pers. masculin agenouillé, a gauche

. L'Assomption de la Vierge (93)

. Le Ravissement de St Paul (94)

. St Pierre et St Jean guérissant le boiteux (106). geste de St-Pierre: don

. L'Annonciation (109) et (116)

. Les Quatre Saisons, 1'Eté (114). geste de Ruth

. Noli me Tangere (117)

. La Continence de Scipion (77) (fig. 21). geste du personnage féminin qui pose une couronne sur la

tête de Scipion

AUTRE VARIANTE

ATTITUDE DE RECONNAISSANCE:

avec le corps incliné

Page 141: FACULTE DES LETTRES THESE

124

. La Continence de Scipion (77) (fig. 21). voir l’attitude du «fiancé», face à Scipion

42. Geste d’autorité

. Le Passage de la Mer rouge (43) (fig. 7). geste de Moïse, bras levé

. L’Enlèvement des Sabines (64) (fig. 16). attitude du pers. masculin qui porte une couronne,

à gauche, bras levé

. La Continence de Scipion (77) (fig. 21). geste de Scipion: gracie

avec paume de la main tournée vers le ciel

. Camille et le Maître d’école de Falëries (48) (fig. 10) . geste de Camille, bras allongé: condamne

avec paume de la main tournée vers le sol

3. Geste de possession, de prise: les bras autour du corps du personnage (soit attitude positive, ex: la passion amoureuse, soit attitude négative, ex: l’enlèvement).

. Cêphale et 1*Aurore (2) et (12). voir aussi le geste de refus de Céphale

. Vénus et Adonis (3) et (11)

. Apollon et Daphné (8)

. Acis et Galathée (22)

. Bacchanale devant un terme (36) (voir encore le geste de refus de la Bacchanale, à droite)

. L’Enlèvement des Sabines (64) (fig. 16)

. Le Triomphe de Pan (49)

. Pan et Syrinx (56)

. Le Temps et la Vérité (74)

Variante, plus théâtralisée:

. Le Ravissement de St Paul (76) et (94)

. L’Assomption de la Vierge (93)

Attitude plus tragique et très théâtrale:

. Esther devant Assuërus (105) (fig. 35)

Page 142: FACULTE DES LETTRES THESE

125

4. Variantes sur le geste de la main avec l’index pointé:

. GESTE DE DIRECTION, DE DESIGNATION:

. Vénus et Mercure (14). geste de mercure (main droite)

• Nymphe et satyre buvant (17). geste de la nymphe (main gauche)

. Apollon accordant son char à Phaëton (18). geste du pers. mas. devant Apollon (main gauche)

. Le Martyre de St-Erasme (25). geste du soldat qui pointe en direction de St-Erasme

. Les Bergers d'Arcadie (26). geste du berger qui indique l'inscription (main droite)

. Le Parnasse (35). geste du 2e pers. à gauche

. L'Adoration des Mages (39) (fig. 6). geste du soldat au 1er plan, à droite

. Thésée retrouvant l'épée de son père (41). geste de Aethra

. Le Passage de la mer rouge (43) (fig. 7). geste d'un pers. féminin et d'un pers. masculin au 2e plan

. L'Adoration du veau d'or (44) (fig. 8). geste d'un pers. féminin, à droite et d'un pers. masculin

à droite d'Aaron. Camille et le maître d'école de Falëries (48) (fig. 10)

. geste des deux enfants, à droite. Vénus montrant ses armes à Enëe (68) (fig. 18)

. geste de Vénus. La Confirmation (60) (fig. 14)

. geste de la femme, à gauche. La Manne (67) (fig. 17)

. geste du pers. masc. derrière la femme qui allaite. Les Bergers d'Arcadie (65)

. geste du berger agenouillé. La Crucifixion (79) (fig. 22)

. geste du soldat debout, (à gauche). La Confirmation (81)

. geste du pers. fém. au 1er plan, à droite. Le Christ et la femme adultère (102) (fig. .33)

. geste du personnage agenouillé montrant l'inscription au sol

Page 143: FACULTE DES LETTRES THESE

126

. Saint Jean baptisant le Christ (106). Geste de deux pers. masculins, à droite, montrant St-Jean

. Le repos pendant la fuite en Egypte (108). geste du pers. fém. debout, à droite

. La naissance de Bacchus (110). geste d’une nymphe, à gauche

GESTE DE «PAROLE», A NUANCE PSYCHOLOGIQUE5:

. La mort de Germanicus (20) (fig. 2). geste du soldat au 1er plan (main droite). geste de GermanicusLe martyre de Saint-Erasme (25). geste du personnage masculin vêtu de blanc, à gauche

du tableau (main gauche)• L’Apparition de la Vierge à St-Jacques (28)

. geste de la Vierge (main gauche). L'Adoration du veau d’or (44) (fig. 8)

. geste d'Aaron (main gauche)

. L’Enlèvement des Sabines (64) (fig. 16). geste de la femme âgée, agenouillée (main gauche)

. Camille et le Maître d'Ecole de Falëries. (48) (fig. 10). geste de Camille (autorité)

. Le Jeune Phyrrus sauvé (51) (fig. 11). geste du soldat au centre, implorant du secours pour Phyrrus

. Sainte Marguerite (55). geste de l'angelot pointant le doigt vers le ciel

. Eliezer et Rebecca (89) (fig. 26). geste de Eliezer

. Le Jugement de Salomon (92) (fig. 29). geste de la «méchante mère»

. L'Adoration des Bergers (100). geste de Joseph

. Le Christ et la femme adultère (102) (fig. 33). geste du Christ

geste du pers. masc. à l'extrême gauche et celui du pers. masculin près de la femme adultère, au premier plan

. L'Ordre (61). geste du Christ

. Le Baptême (63). geste de 1'Apôtre, au centre du tableau

Page 144: FACULTE DES LETTRES THESE

127

. Les Bergers d'Arcadie (65). geste du berger tourne vers le personnage féminin

. Moïse sauvé des eaux (66). geste du pers. féminin qui semble dire de prendre l'enfant.

. L'Ordre (83). geste de 2 Apôtres, indiquant l'un le ciel et l'autre, le

Christ, à droite du tableau. La naissance de Bacchus (110)

. geste de Mercure. La Reine Zënobie (112)

. geste du berger (à droite)geste du pers. fém. agenouillé près de Zénobie

. Le Printemps (Les 4 saisons) (113). geste de Ruth (main droite)

. L'Adoration des Mages (39) (fig. 6). geste du berger: imposer le silence respectueux

GESTE DE DEMONSTRATION (DOUBLE: CAUSE ET EFFET, OU LIEN)

. Le Frappement du rocher (46) (fig. 9). geste d'Aaron

. La Manne (67) (fig. 17). geste de Moïse

. Moïse devant le Buisson ardent (72). geste du Père

. L'Ordre (83). geste du Christ

. Moïse changeant en serpent la verge d'Aaron (88) (fig. 24). les 3 gestes des 3 personnages masculins, à droite

. Le Jugement de Salomon (92) (fig. 29). geste de Salomon

. La mort de Saphira (103) (fig. 34). geste des deux Apôtres

. L *Annonciation (109 et 116). geste de l'ange

. L'Eté (Les 4 saisons). • geste de Booz (114)

. Le Baptême (63). le geste des deux Apôtres, au centre du tableau, dont

le mouvement se complète.

Page 145: FACULTE DES LETTRES THESE

128

5. ATTITUDE «DE LA DOULEUR EXTREME»

. La mort de Germanicus (20) (fig. 2). voir l’attitude d’Agrippine; le mouchoir accentue l’ex­

pression. L'Extrême-Onction (59) (fig. 13)

l’attitude du personnage féminin, à droite, au pied du lit. L'Extrême-Onction (80)

. l'attitude du personnage féminin, à droite, au pied du lit. Le Testament d'Eudamidas (101)

. L'attitude du personnage féminin, à droite, appuyée sur l'au­tre pers. féminin

. La lamentation sur le Christ mort (111). l’attitude du pers. féminin debout, à gauche

6. Geste des mains jointes.

. ATTITUDE DE RECONNAISSANCE:

. L’Adoration des Bergers (37). personnage masculin agenouillé

. L’Adoration des Mages (39) (fig. 6). pers. masc. agenouillé

. Le Passage de la mer Rouge (43) (fig. 7). geste repris trois fois

(1er plan, plan médian et arrière-plan). Le Frappement du rocher (46) (fig. 9)

. geste repris 3 fois (gauche, centre et droite). Le mariage (58)

. pers. masculin, à gauche, derrière l’épouse agenouillée. La Manne (67) (fig. 17)

. principalement Aaron; aussi qq. personnages secondaires autour de Moïse et Aaron

. La confirmation (81). enfant, au 2e plan, au centre du tableau

. Le Frappement du Rocher (91) (fig. 28). geste d’Aaron

. Sainte-Famille (5 figures) (107). Saint-Joseph

Page 146: FACULTE DES LETTRES THESE

129

. ATTITUDE D’INTERCESSION:

. La déposition de la croix (4)

. L’Extrême-Onction (59) (fig. 13). un pers. fêm. au pied du lit, doigts allongés. un pers., au centre, doigts repliés

. Le miracle de St François Xavier (73)

. L*Extrême-Onction (80). un pers. féminin, à droite, doigts repliés. un pers. féminin, à gauche, doigts allongés

. La lamentation sur le Christ mort (111). pers. féminin, à droite, au 2e plan

. L'Hiver, les 4 saisons (115). pers. masc., à gauche, dans la barque

7. Geste de la main sur la poitrine, à la hauteur du coeur:

. ATTITUDE DE RESPECT ET D’HUMILITE:

. L'Apparition de la vierge à Saint Jacques le majeur (28) pers. masc. agenouillé, au 2e plan

. L’Adoration dès Mages (39) (fig. 6). pers. masc. derrière le pers. agenouillé, à droite.. pers. masc. à gauche

. L'Ordre (61). les 3 Apôtres

. L'Eucharistie (62). 1er Apôtre à droite du Christ

. La Continence de Scipion (77) (fig. 21). pers. féminin a droite de Scipion, dont l'attitude

permet de nous faire connaître la captive rendue à son fiancé

. Saint Jean baptisant le Christ (85)

. La Confirmation (141)

. Le Baptême (82)

. Eliezer et Rëbecca (89) (fig. 26). attitude de Rebecca

. L'Eté, (les 4 saisons) (114). attitude du pers. masculin, à droite, au premier plan

Page 147: FACULTE DES LETTRES THESE

130

. VARIANTE :

. Midas devant Bacchus (29). attitude de Midas, mais avec variante: un genou au sol

. La Femme adultère (102) (fig. 33). attitude de la femme adultère: l’expression du visage

et la position du corps accentuent le geste d’humilité

. ACCENTUATION: Les 2 mains croisées sur la poitrine

. L’Apparition de la Vierge à St Jacques le Majeur (28). pers. masculin (St-Jacques debout à droite)

. L’Adoration du veau d’or (44) (fig. 8). pers. féminin à l’extrême droite

. L'Ordre (61). Apôtre agenouillé, au centre du tableau

. Le Baptême (63). personnage masculin recevant le baptême

. L'Institution de 1'Eucharistie (71). un pers. masc. à droite, debout, et un autre, à

gauche, agenouillé. L’Adoration des bergers (100)

. berger, à droite, au premier plan

8. AUTRES ATTITUDES TRES THEATRALES :

. La Peste d’Asdod (31) (fig. 4). se boucher le nez

. Le massacre des Innocents (10) (fig. 1). le personnage féminin qui tire ses cheveux

. Tancrède et Herminie (34 et 54). Herminie coupant sa chevelure pour étancher le

sang du héros. La Manne (67) (fig. 17)

. La jeune femme allaitant la femme plus âgée. Morse enfant foulant aux pieds la couronne de Pharaon (87) (fig.23)

. le geste de protection très théâtral du pers. féminin qui prend le jeune Moïse, entre les 2 personnages assis

. Esther devant Assuërus (105) (fig. 35). attitude pathétique d'Esther

. L’Empire de Flore (33) (fig. 5). geste théâtral énigmatique de Mercure, appuyé sur la

pointe de son épée. ^.e Christ et la femme adultère (102) (fig. 33)?

. attitude du pers. masculin a l'extrême-gauche, au premier plan

Page 148: FACULTE DES LETTRES THESE

131

NOTES

1. Le geste de l’horrible veut «qu’on ouvre extraordinairement les

yeux et la bouche, qu’on détourne un peu le corps vers le costë

gauche et que les deux mains étendues servent comme de défense,

parce que ceux qui sont sur le point de souffrir les dernières

cruautez, cherchent par tout de l’oeil les moyens d’éviter la

mort; que l’effroy étouffant le coeur par la retraite des es­

prits porte la bouche a donner à l’air un grand passage; et

que le mesme effroy qui serre le coeur, dilate la bouche, dé­

tourne le corps et étend les mains», René Bary cité d’après

D. H. Roy, op. cit., p. 294.

2. Le geste de l’étonnement, «au moins celuy qui naist des choses

fâcheuses veut (...) qu’en écartant les bras tombans, on ouvre

les mains, parce que l’étonnement qui naît des chosès fâcheuses,

est une surprise comme glaçante», Ibid., p. 293.

3. Dans le même sens, le geste de la franchise veut «qu’on éloigne

les bras l’un de l’autre, et qu’en ouvrant les mains, on les

tourne en dehors, parce que la franchise déployé les plis de

l’âme, et que les mains tournées en dehors marque ce dëploye-

ment», Ibid., p. 293.

4. En ce sens, le geste du règne veut «qu’on étende les bras en li­

gne droite, qu'on ait la main un peu concave vers la terre, parce

que cette action marque l'infériorité de ceux dont on parle»,

Ibid., p. 293.

Page 149: FACULTE DES LETTRES THESE

132

5. L’index «est aussi utilisé pour faire des reproches; la main levée

et tournée vers l’épaule, lui-même un peu incliné, il affirme;

tourné vers le sol, et, pour ainsi dire, penché vers lui, il insis­

te» , Quintilien, op. cit», XI, 3, 94.

6. Voir Aristote, Art rhétorique, III, XVI, 10: «quand on commence à

pleurer on porte ses mains à ses yeux».

7. La colère, «ou pour mieux dire la colère présomptueuse veut qu'on

élève horriblement les paupières et qu'on avance mesme la lèvre

inférieure, parce que celuy qui est vivement picquë d'un affront

dont il prétend sur le champ tirer vengeance, semble déjà se ven­

ger; et que dans la vengeance l'oeil enflammé et la lèvre infë-

rieure avancée marque l'animosité», Ibid», p. 294.

Page 150: FACULTE DES LETTRES THESE

133

LISTE DES TABLEAUX DE POUSSIN CITES

EN APPENDICE A.

1.

2.

3.

4.

5..

6.

7.

8.

9.

10.

11.

12.

13.

14.

15.

16.

17.

18.

19.

20.

Lamentation sur le Christ mort, av. 1628. Munich, Alte Pinakothek.

Céphale et l'aurore, av. 1628. Hovingham Hall (Yorkshire), coll.

Sir William Worsley.

Venus et Adonis, 1624-25. Richmond, coll. Cook.

La Déposition de Croix, av. 1628. Leningrad, Ermitage.

Bataille de Josuë contre les Amalëcites, av. 1628. Leningrad, Ermitage.

Bataille de Josuë contre les Amorites, v. 1625. Moscou, Musée Pouch­

kine.

Vénus pleurant Adonis, av. 1627. Cain, Musée des Beaux-Arts.

Apollon et Daphné, av. 1628. Munich, Alte Pinakothek.

Renaud et Armide, v. 1625 Londres, Dulwich College

Le Massacre des Innocents, 1625-26. Chantilly, Musée Condé

Vénus et Adonis, av. 1628 Providence, Rhode Island School of Desing

Céphale et l'aurore, av. 1628. Londres, National Gallery

La Nourriture de Bacchus, v. 1626. Londres, National Gallery.

Vénus et Mercure, (copie), v. 1627. Londres, Dulwich College.

Olympos et Marsyas, v. 1626. Paris, Louvre.

La Nourriture de Bacchus, 1626-27. Paris, Louvre.

Nymphe et Satyre buvant, v. 1626-27._ Moscou, Musée Pouchkine.

Apollon accordant son char à Phaéton, av. 1630. Berlin-Ouest, Staat-

licke Museen, Muséum Dahlem.

Diane et Endymion, v. 1627. Détroit, Institute of Arts.

La Mort de Germanicus, 1628. Minneapolis, Insitute of Arts.

Page 151: FACULTE DES LETTRES THESE

134

21. Le Sacrifice de Noë, v. 1628. Knutsford (Ckeskire), Talton Park.

22. Acis et Galatëe, v. 1629-31. Dublin, National Gallery of Ireland.

23. Bacchanale (dite à la joeuse de Luth), v. 1627-28. Paris, Louvre.

24. Le Triomphe de Flore, v. 1627-28. Paris, Louvre.

25. Le Martyre de Saint Erasme, 1629. Rome, Vatican, Pinacothèque.

26. Les Bergers d’Arcadie, v. 1629-30. Chatsworth (Gerbyshire), Devon-

shire collection.

27. L’Inspiration du poète, v. 1630. Hanovre, Niedersacksische Landes-

galerie.

28. L’Apparition de la Vierge a Saint Jacques le Majeur, v. 1629-30.

Paris, Louvre.

29. Midas devant Bacchus, v. 1629-30. Munich, Alte Pinakotek.

30. L’Inspiration du poète, v. 1630. Paris, Louvre.

31. La Peste d’Asdod, 1631. Paris, Louvre.

32. David vainqueur, 1630-31. Madrid, Prado.

33. L’empire de Flore, 1631. Dresde, Staatliche Kunstsammlungen, Gemalde-

galerie.

34. Tancrède et Herminie, v. 1631. Leningrad, Ermitage.

35. Apollon et les Muses (ou le Parnasse), 1631-33. Madrid, Prado.

36. Bacchnale devant un Terme, 1631-33. Londres, National Gallery.

37. L’Adoration des Bergers, 1631-33. Londres, National Gallery.

38. Les Compagnons de Renaud, 1631-33. New York, Collection Wrightsman.

39. L’Adoration des Mages, 1633. Dresde, Staatliche Kunstsammlungen,

Gemaldegalerie.

40. Le Retour d’Egypte, 1633-34. Cleveland, Muséum of Art.

Page 152: FACULTE DES LETTRES THESE

135

41. Thésée retrouvant l'épée de son père, 1633-34. Chantilly, Musée

Condé.

42. Saint-Jean baptisant le peuple, 1633-35. Paris, Louvre.

43. Le Passage de la Mer rouge, 1633-35. Melbourne, National Gallery

of Victoria.

44. L'Adoration du Veau d'or, 1633-35. Londres, National Gallery.

45. Saint-Jean baptisant le peuple, v. 1635. Malibu, Paul Getty Muséum.

46. Le Frappement du Rocher, 1633-35. Golspie (Sutherland, Dunrobin

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47. L'Enlèvement des Sabines, 1634-35. New York, Métropolitain Muséum

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48. Camille et le Maître d'école de Falëries, 1634-35. Los Angeles, Nor­

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49. Le Triomphe de Pan, 1634-36. Sudely Castle, coll. Gent. Brocklehurst.

50. Le Triomphe de Silène, (copie), 1634-36. Londres, National Gallery.

51. Le Jeune Pyrrhus sauvé, 1636-37. Paris, Louvre.

52. La Vierge protégeant Spolète, v. 1635. Londres, Dulwich College.

53. Vénus montrant ses armes à Enëe, 1635-36. Toronto, Art Gallery.

54. Tancrède et Herminie, 1636-37. Birmingham, Barber Institute of Fine

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55. Sainte Marguerite, 1636-37. Turin, Galleria Sabauda.

56. Pan et Syrinx, v. 1637. Dresde, Staatliche Kunstsammlungen, Gemalde­

galerie.

57. Camille et le Maître d'école de Falëries, 1637. Paris, Louvre.

58. Le Mariage (1ère série des Sacrements), 1636-40. Grantham, Belvoir

Castle, coll. duc de Rutland.

Page 153: FACULTE DES LETTRES THESE

136

59. L'Extrême-Onction, Idem.

60. La Confirmation, Idem.

61. L'Ordre, Idem.

62. L'Eucharistie, Idem.

63. Le Baptême. Washington, National Gallery of Art (Samuel H. Kriss Col­

lection) .

64. L'Enlèvement des Sabines, 1637-38. Paris, Louvre.

65. Les Bergers d'Arcadie, v. 1638-39. Paris, Louvre.

66. Moïse sauve des eaux, 1638. Paris, Louvre.

67. La Manne, 1639. Paris, Louvre.

68. Vénus montrant ses armes à Enëe, 1639. Rouen, Musée des Beaux-Arts.

69. La Danse de la vie humaine, 1638-40. Londres, Wallace Collection.

70. La Nourriture de Jupiter, 1638-40. Berlin-Ouest, Staatliche Museen,

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71. L'Institution de 1'Eucharistie, 1641. Paris, Louvre.

72. Moïse devant le Buisson ardent, 1641. Copenhague, Statens Muséum

for Kunst.

73. Le Miracle de Saint François-Xavier, 1641. Paris, Louvre.

74. Le Temps et la Vérité, 1641. Paris, Louvre.

75. Sainte Famille 3 figures, 1641-42. Détroit, Institute of Arts.

76. Le Ravissement de Saint Paul, 1643. Sarasota, John and Masble Ring-

ling Muséum of Art.

77. La Continence de Scipion, 1643-45. Moscou, Musée Pouchkine.

78. Moïse enfant foulant aux pieds la couronne de Pharaon, 1645. Woburn

Abbey (Berdfordshire), Collection du duc de Bedford.

79. La Crucifixion, 1646. Hartford (Connecticut), Wadsworth Atheneum.

80. L'Extrême-Onction, 2ième série des Sacrements, 1644. Golspie (Suther­

land), Dunrobin Castle, coll. duc de Sutherland

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81. La Confirmation, 1645. Idem.

82. Le Baptême, 1646. Idem.

83. L'Ordre, 1647. Idem.

84. Le Mariage, 1647-48. Idem.

85. Saint-Jean baptisant le Christ, 1648. New York, collection Wildenstein.

86. Moïse sauve des eaux (inv. 7272), 1647. Paris, Louvre.

87. Moïse enfant foulant aux pieds la Couronne de Pharaon, 1647-48. Paris,

Louvre.

88. Moïse changeant en serpent la verge d'Aaron, 1647-48. Paris, Louvre.

89. Eliezer et Rebecca, 1648. Paris, Louvre.

90. Paysage au Serpent, 1648. Londres, National Gallery.

91. Le Frappement du Rocher, 1649. Leningrad, Ermitage.

92. Le Jugement de Salomon, 1649. Paris, Louvre.

93. L'Assomption de la Vierge, 1649-50. Paris, Louvre.

94. Le Ravissement de Saint Paul, 1649-50. Paris, Louvre.

95. Le Christ guérissant les aveugles de Jéricho, 1650. Paris, Louvre.

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97. Paysage avec Pyrame et Thisbë, 1651. Francfort am Main, Stadelsches

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99. Achille parmi les filles de Lycodème, 1650-51. Boston, Muséum of Fine

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101. Le Testament d'Eudamidas, 1653. Copenhague, Statens Muséum for Kunst.

102. La Femme adultère, 1653. Paris, Louvre.

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103. La Mort de Saphira, 1654-55. Paris, Louvre.

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105. Esther devant Assuërus, v. 1655. Leningrad, Ermitage.

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116. L'Annonciation, v. 1657, Munich, Alte Pinakothek.

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TABLE DES MATIERES

page

AVANT-PROPOS ....................................................... III

INTRODUCTION: APERÇU HISTORIQUE

1. La Poétique d’Aristote.......................... 12. Le modèle Vitruvien............................. 23. Le XVIIe siècle....,............................. 5

CHAPITRE I : POUSSIN DRAMATURGE

1. L'écriture de l'oeuvre et la réflexion intellec­tuelle........................... 15

2. Les modes et la proportion harmonique.......... 163. La rhétorique: un modèle d’organisation du dis­

cours pictural ................................ 204. La théorie de l’expression ................... 23

CHAPITRE II : POUSSIN METTEUR EN SCENE

1. Le lieu dramatique et les modes de composition 272. La composition et la règle des unités ......... 363. Le problème des unités et la Querelle de 1’Aca­

démie Saint-Luc ............................... 44

.CHAPITRE III: LA THEORIE DE L’EXPRESSION

1. Analyse des passions: peinture et poésie ...... 532. Analyse des passions: l’art du geste ......... 553. La représentation des passions dans les oeuvres

de Poussin ..................................... 634. Le principe du Décorum ........................ 74

CHAPITRE IV : LE PETIT THEATRE

1. Les sources descriptives ...................... 902. Le système du |>etit théâtre comme méthode de

travail ........................................ 95

CONCLUSION : LES SIGNIFICATIONS JOUEES .......................... 104

Liste des illustrations ................. 109Illustrations ...................................... 112

Page 173: FACULTE DES LETTRES THESE

156

page

APPENDICE A: REPERTOIRE DES GESTES

1. Geste des bras ouverts, de chaque côté ducorps, mains ouvertes .............. 121

2. Geste d’autorité ............................. 1243. Geste de possession .......................... 1244. Geste de la main avec l’index pointé ......... 1255. Attitude de la douleur extrême .............. 1286. Geste des mains jointes ...................... 1287. Geste de la main sur la poitrine, â la hauteur

du coeur ...................................... 1298. Autres attitudes très théâtrales ............ 130

LISTE DES TABLEAUX DE POUSSIN CITES EN APPENDICE A ............. 133

BIBLIOGRAPHIE ...................................................... 139