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Tous droits de'traduction, de reproduction et d'adaptationréservés pour tous les pays, y compris la Russie.

Copyright by Librairie Gallimard, 1942.

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AVIS AU LECTEUR

Ce livre n'a qu'une prétention faire connaître aussifidèlement que possible la conception behavioriste deWatson. Behavior signi fie « comportement ». Le Beha-viorisme est donc une psychologie du comportement,ou plus exactement, une science du comportement.Beaucoup d'auteurs se prévalent de la conception beha-vioriste. Cependant, Watson seul l'a développée d'unefaçon radicale. C'est pourquoi nous avons cru possiblede rapporter ses idées sans nous préoccuper directe-ment des diverses écoles qui lui ont emprunté, et quid'ailleurs sont mieux connues; des critiques qui luiont été adressées, nous avons juste retenu ce qui étaitindispensable à un exposé actuel. Nos matériaux sontpuisés avant tout dans ses deux ouvrages La psycho-logie du point de vue d'un behavioriste (1919-1929),et Behaviorisme (1930), non traduits en français.Conformément à l'allure de ces deux livres, l'expositionest restée aussi accessible et simple qu'il a été possiblede le faire.

John Broadus Watson (né le 9 janvier 1878 à Green-ville) a été Professeur à l'Université John Hopkins etdirecteur du Laboratoire de Psychologie, et Professeur àla New-York School for Social Research. En 1924, ildevint Vice-Président de la Compagnie J.-W. Thomson.Il fut l'éditeur des Behavior Monographs et du Journalof Animal Behavior (1911-1917), du Journal of Expéri-mental Psychology (1915-1926), puis du PedagogicalSeminary and Journal of Genetic Psychology et duJournal of General Psychology. Il a été Président de

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LA PSYCHOLOGIE

l'American Psychological Association, et membre del'Académie Américaine des Arts et Sciences. Sa renommée

est devenue mondiale depuis ses communications auCongrès International de Psychologie en 1921, et lapsychologie de comportement se répandit rapidement.En France aussi, elle trouva un terrain déjà préparé.Dans l'époque contemporaine, Ribot et Pierre Janetavaient posé plus d'un jalon solide. Des savants aussiéminents que MM. Piéron, Wallon, Guillaume, Lher-mitte, ont noté l'importance des thèses behavioristes.M. Guillaume a pu écrire « qu'une grande partie dumouvement psychologique contemporain s'inspire decette tendance (le behaviorisme), même chez les auteursqui ne s'en réclament pas expressément ». Nous sommesdonc assurés qu'un accès plus direct aux thèses wal-soniennes était éminemment souhaitable. C'est à le

faciliter que se consacrent les pages qui suivent.

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CHAPITRE PREMIER

QU'EST-CE QUE LE BEHAVIORISME ?

La psychologie introspectionniste.« Conscience » et comportement. Originedu behaviorisme. L'école de Pavlov et la

psychologie animale. Qu'est-ce que lecomportement ? Introspection et témoi-

gnage.

La notion de comportement est évidemment piusancienne que le « behaviorisme ». Watson a eu desprédécesseurs, sans toujours s'en douter (Appen-dice A). En fait, toute étude scientifique de la viehumaine, de la conduite, de l'attitude des individuset des groupes fut toujours inspirée par une préoccu-pation « comportementiste ». Les méthodes dessciences physiques et naturelles tournaient autourdu « comportement » des objets. Pourquoi les pré-tendues sciences de « l'esprit » n'en feraient-elles pasautant ?

Cependant, sur cette voie, la psychologie devaittomber dans une impasse. Les méthodes objectives,de plus en plus fréquemment utilisées, entraient encontradiction avec leur objet même. En effet, pour lamajorité des psychologues, l'objet de la science était< la conscience ». Comment la saisir par des méthodeiscientifiques, qui supposent la mesure ? N'était-ilpas plus tentant de se servir d'une méthode adaptée

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LA PSYCHOLOGIE

à cet objet si particulier ? A défaut d'intuition mys-tique, on se rabattait sur a l'introspection ».

De fait, la psychologie est divisée en deux cou-rants la psychologie introspective ou subjective, etle behaviorisme, ou psychologie objective. Ce der-nier n'a trouvé sa pleine expression en Amériquequ'en 1912, avec le développement des travaux deJ.-B. Watson. En réalité, c'est au behaviorismeseul que doit être réservé le nom. de psychologie,pour autant qu'on veuille désigner par là une sciencenaturelle.

« E.-B. Titchener et William James, dit Watson,furent les leaders éminents de la psychologie intros-pective dans la première décade du xxe siècle. Lamort de James en 1910, et celle de Titchener en1927, laissèrent la psychologie introspective sansdirection spirituelle. Bien que la psychologie de Tit-chener différât en bien des points de celle de WilliamJames, leurs attitudes fondamentales étaient lesmêmes. Ils estimaient tous deux que la conscienceest le domaine de la psychologie. Le behaviorisme, aucontraire, prétend que le domaine de la psychologiehumaine est le comportement de l'être humain. Lebehaviorisme estime que la conscience n'est un con-cept ni défini ni utilisable. C'est pourquoi le beha-viorisme, qui se propose l'expérimentation, considèreque la croyance en l'existence de la conscience nousramène aux anciens jours de la superstition et de lamagie ».

L'appréciation est sévère, mais ne vaut pas seule-ment pour les États-Unis. La psychologie bergso-nienne s'est très facilement muée en mystique. Lapsychologie de la « forme » prête le flanc à des cri-tiques analogues. Mais les psychologues introspectionnistes, bien qu'ils prétendent voir « au dedansd'eux-mêmes », ne font le plus souvent que répondreaux désirs du public. Le public, la masse, est toujoursavide de superstition et de magie. Watson n'a pascraint d'insister sur ce point dans un pays qui s'étaitplacé par ailleurs à la tête de la civilisation indus-

SCIENCE DU COMPORTEMENT

trielle et capitaliste.• Toutes les époques ont leurnouvelle magie, noire ou blanche, et leurs nouveauxmagiciens. Mofse était magicien il changeait l'eauen vin et ressuscitait les morts. Coué avait sa parolemagique. Mrs. Eddy en a une toute semblable. > Lamagie vit toujours. Avec le temps, les légendes passentdans le folk-lore populaire. Elles ont eu parfois uneexpérience pratique comme origine,,mais elles ne semaintiennent vivantes que comme souvenir de pou-voirs surnaturels. Le folk-lore est une des bases desreligions. Celles-ci font partie de la trame politiqueet économique du pays elles servent d'instruments.Le public repasse ses explications aux enfants deses enfants. Sortis de leurs laboratoires, bien des phy-siciens et des biologistes éminents retombent dans lefolk-lore religieux. Cet état d'esprit fut toujours undes plus puissants obstacles au développement de lapsychologie scientifique.

Qu'elle le veuille ou non, la psychologie introspec-tionniste s'appuie sur la métaphysique « dualiste »chaque individu a une âme distincte du corps, et unieà lui dans certaines conditions. 'Cette âme est une

émanation d'un être divin. Bien que le mot fonc-tion ait remplacé le mot faculté, le dualisme s'estconservé intact depuis la plus haute antiquité. Mais,des deux termes, l'un est observable c'est le corps.L'autre, personne ne l'a jamais observé, ni vu, nitouché, ni expérimenté. Ce qu'on en a dit et écritn'est connu que par l'activité corporelle. Et pourtantle scepticisme à l'égard de l'âme, cette inconnue, futlongtemps taxé d'hérésie on pouvait y laisser satête, note Watson, et d'ailleurs, pas un homme publicn'oserait, même aujourd'hui, mettre son existence enquestion.

Ainsi, la psychologie piétinait, parce qu'elle s'occu-pait soi-disant d'objets non matériels, à une époqueoù toutes les autres sciences se constituaient sur une

base objective. Dès la Renaissance (et il ne faut pasoublier maint savant de l'antiquité, surtout préso-cratique), les hommes parvenaient à détacher l'âme

LA PSYCHOLOGIE

des corps célestes et de leurs mouvements puis descorps terrestres ce n'était pas là une mince con-quête.

Les psychologues du xixe siècle, comme Wundtou Ribot, qui furent les pionniers de la psychologieexpérimentale, ne se dégagèrent cependant pointtotalement de la philosophie dualiste. Leurs travauxrésultèrent à la fois de contradictions et de com-

promis. La conscience et les états de conscienceremplacèrent l'âme, mais furent tout aussi soustraitsà l'observation que celle-ci. Bergson et James pro-fitèrent jusqu'au bout de ce fait. Introspection etintuition se disputèrent, à travers mille nuances, ledroit exclusif d'exploiter les soi-disant « états deconscience ». La définition de James est valable pourtoute la psychologie introspectionniste « La psy-chologie, écrivait-il, est la description et l'explicationdes états de conscience comme tels ». La plupart desouvrages classiques français ne s'expriment pasautrement.

Le résultat de cette attitude, c'est qu'il y a autantde psychologies qu'il y a de psychologues. Commentdécrire objectivement ce que vous seul pouvez « voir »

et précisément par les yeux de l'esprit ? La défini-tion introspectionniste de' la psychologie affirmed'abord une existence qu'il lui faut prouver. Elletombe ainsi dans un cercle vicieux elle échappe àtoute épreuve expérimentale. Affirmer que l'on est« conscient », dit-on, c'est par exemple sentir, perce-voir, penser, vouloir, proposer, désirer. Mais lesactions, rapportées au sujet (et l'introspection nepeut se rapporter qu'au sujet), échappent à toutedéfinition objective, communicable, valable pour

autrui. Les introspectionnistes parlent de sensations,et des images leurs fantômes, ou d'éléments affectifs,de volonté, etc. Toute cette littérature donna nais-sance à une scolastique nouvelle, où les connais-sances tournent en rond.

Mais la tentative de Wundt, de Titchener, de Ribot,de Binet (liée à celle des empiristes et associationnistes

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SCIENCE DU COMPORTEMENT

anglais) eut aumoins le grand mérite de faire surgirdes laboratoires. Dans ces laboratoires (qui s'orga-nisèrent surtout en Allemagne et aux Etats-Unis)les psychologues traquèrent de leur mieux cette« conscience » impalpable. Cette lutte eut un résultatpositif elle orienta une jeune génération de savantsdans une voie nouvelle. Si vraiment le laboratoire

voulait servir à quelque chose, il fallait lui trouverun domaine scientifique correspondant. « En 1912,écrit Watson, les psychologues objectifs ou beha-vioristes, en arrivèrent à conclure qu'ils ne pouvaientpas se contenter plus longtemps des formules deWundt. Ils estimèrent que les trente années stérilesécoulées depuis la fondation du laboratoire de Wundtavaient clairement prouvé que la psychologie alle-mande, dite introspective, était fondée sur des hypo-thèses erronées, et qu'aucune psychologie admet-tant la conception religieuse du problème corps-esprit ne pourrait jamais parvenir à des conclusionsvérifiables. Ils décidèrent de renoncer à la psycho-logie, ou d'en faire une science naturelle ». Ilsne firent d'ailleurs pas immédiatement table rasede leurs points de vue antérieurs, et Watson lui-même modifia à plusieurs reprises certaines de sesconclusions. Mais le pas essentiel était fait la psy-chologie abandonnait l'étude des états de conscience,écartait les conceptions médiévales encore régnantes,rejetait de son vocabulaire tous les termes subjectifs.Le comportement objectivement observable des êtreshumains: voilà quel est son domaine.

Le behaviorisme, guidé avec énergie par Watson,qui est lui-même un expérimentateur, avant d'êtreun théoricien, se trouve donc, au début du xxe siècle,au confluent de plusieurs courants de recherches dis-tincts.

D'abord, il faut signaler l'influence du « fonc-tionnalisme » américain (aussi appelé instrumenta-lisme), dont le Pr Dewey est un représentant émi-nent. Ce courant, assez différent du pragmatisme,dérivait de la biologie évolutionniste anglaise et de

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LA PSYCHOLOGIE

la psychologie allemande de la fonction et de l'acte.Il mettait en avant le caractère pratique et instru-mental de la fonction consciente, l'histoire génétiquede la pensée dans ses rapports avec le milieu. C'étaitune psychologie orientée sur les idées d'aptitude etd'adaptation. Mais il ne s'agissait encore là qued'une atmosphère, qui se dégageait aussi du déve-loppement économique et social américain au débutdu siècle. Le vertigineux développement industriel,l'élévation considérable du niveau moyen ,de la cul-ture, ont évidemment joué ici un grand rôle.

L'école neurologique de Pavlov et de Bechterew,et la psychologie comparée (« animale »), donnèrentau behaviorisme la plus forte impulsion, en y joi-gnant l'œuvre de Sherrington et de Donaldson.

Le domaine de l'école neurologique russe fut essen-tiellement la mécanique du réflexe conditionné ouassociatif et sa relation avec l'activité corticale. Ce

qui intéressait avant tout ces grands savants, c'étaitle mécanisme physiologique des réactions ils pla-çaient au premier plan l'étude du processus nerveuxqui se trouve encadré par l'excitation et la réaction,par les processus sensoriel etmoteur.

Quant à l'étude de la psychologie animale, c'estd'elle que Watson est personnellement parti et quele behaviorisme est directement sorti.

C. Lloyd Morgan, le psychologue anglais, peut êtreconsidéré virtuellement comme le fondateur de

l'école américaine de psychologie animale. Dans seslivres Introduction to Comparative Psychology (1894)et Animal Behaviour (1900), il rompit avec les inter-prétations anthropomorphiques traditionnelles del'activité animale. Il souligna le premier la nécessitéde décrire toutes les étapes d'un acte effectué parl'animal avant d'essayer de l'interpréter. Il fit peud'expérimentation directe, mais en tira des conclu-sions très fécondes il souligna l'importance del'apprentissage animal par « essais et erreurs ». Lestravaux de Morgan inspirèrent E.·L. Thorndike, qui6t le nremW aux Etats-Unis des exDériences systé-

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SCIENCE DU COMPORTEMENT

matiques avec des poules, des chiens, des chats etdes singes. L'apprentissage des mammifères futensuite étudié en détail par une série d'expérimen-tateurs (Small, Yerkes, Kinnaman, Davis, Allen,Porter, Cass, Franz, Johnson, Ulrich, Richardson,Yookum, Haggerty et Watson). Les résultats impor-tants obtenus dans l'étude des mammifères sub-

humains conduisirent à des études analogues chezl'homme. C'est au cours de la même période quel'on commença pour la première fois à étudierl'homme comme un membre du règne animal. (Tra-vaux de E.-J. Swift, W. Book, H.-A. Ruger etK.-S. Lashley). Les études sur l'acquisition.de l'ha-bileté manuelle dans les actes comme le jonglage, ladactylographie, les puzzles mécaniques, le tir à l'arc,etc. convainquirent de la similitude essentielle del'apprentissage humain et sub-humain. Le livre deMiss Washburn The Animal Mind (1907) représentetrès bien la tendance moyenne de l'époque. Elle neréussit pas à interpréter la totalité du comportementanimal en termes de conscience, selon l'usage qu'enfaisait la psychologie introspective de Wundt et deTitchener.

Watson résume ainsi les progrès du behaviorisme« Au début, le behaviorisme était essentiellementfondé sur la conception assez vague de la formationdes habitudes. Les travaux de Pavlov et' de ses

élèves sur les réflexes conditionnés, bien qu'ils fussentconnus des behavioristes, ne jouèrent d'abord qu'unrôle modeste dans leurs explications. La raison étaitque ces travaux concernaient essentiellement lesréflexes conditionnés glandulaires, domaine où lespsychologues ne pénétraient guère à cette époque.Les travaux de Bechterew sur les réflexes condi-

tionnés moteurs, dans lesquels on se servait desujets humains, eurent d'abord une plus grandeinfluence sur le behaviorisme. Les travaux de Lashleysur le conditionnement salivaire chez les hommes,et ceux de Watson et R. Rayner Watson sur lesréactions émotionnelles conditionnées chez l'homme

LA PSYCHOLOGIE

(peur) montrèrent que les méthodes de réflexe con-ditionné peuvent s'appliquer à une grande partie del'activité humaine. Ces travaux ont conduit à essayerde formuler toutes les habitudes (organisation) entermes de réactions conditionnées glandulaires etmotrices. Bien que le behaviorisme n'ait pas utiliséimmédiatement les méthodes de réflexe conditionné,on doit admettre que Pavlov et Bechterew ontfourni la clef de voûte de cette construction ».

x

Avant tout, le behavioriste considère que le domaineréel de la psychologie ne consiste qu'en mouvementsobservables. On ne peut formuler de lois, on ne peutpratiquer de mesures qu'à propos de choses obser-vables, directement ou indirectement. Or, nous pou-vons observer le comportement, c'est-à-dire ce quel'organisme fait et dit. Notez que pour Watson, laparole est une action comme les autres « Dire, c'estfaire, c'est-à-dire se comporter. Parler à voix hauteou à soi-même (penser) est un type de comportementtout aussi objectif que jouer au base-ball. » (App. B).

Le comportement des êtres humains peut toujoursse décrire en termes de « stimulus et réponses », lors-qu'on en observe un fragment, un segment déter-miné. Que faut-il entendre ici par « stimulus » et« réponse » ?P Dans la terminologie, watsonienne,c'est à peu près l'équivalent de ce qu'on appelleexcitation et réaction, avec un sens un peu pluslarge. Par stimulus il faut entendre « tout objet dumilieu général, et toute modification des tissus dueà la condition physiologique de l'animal, telle que lechangement qui survient si on le prive d'activitésexuelle ou de nourriture, ou si on l'empêche de sefaire un nid. Par « réponse », nous entendons tout ceque l'animal fait, comme de s'approcher ou de s'éloi-gner d'une lumière, de sursauter à un bruit, ou desactivités plus hautement organisées, telles que laconstruction d'un gratte-ciel, l'établissement de plans.

SCIENCE D U COMPORTEMENT

la procréation d'enfants, la rédaction de livres,etc.. ».

De fait, Watson s'est surtout préoccupé de recueil-lir des faits de comportement du premier genre, pri-mitifs. C'est ainsi qu'il fut conduit à s'occuper toutspécialement des nouveau-nés. La psychologie toutentière lui est redevable de l'impulsion donnée dansce domaine. Le behaviorisme doit observer le nou-

veau-né dans une pouponnière expérimentale; et seposer à son sujet les mêmes questions qu'il se poseà propos de tout autre animal à quels mouvementsse livre l'enfant ? Quel est le stimulus qui provoquece mouvement ? Il verra que la succion, le tressaille-ment, la fermeture de la main, la tension du troncsont dus à des stimuli précis, et à des conditions pré-cises de maturation le bébé sucera le sein dès la

naissance (et esquissera les mouvements de succiondans l'utérus), mais le passage d'une ombre sur l'œilne provoquera pas de réponse avant 65 jours. Lamain se refermera très tôt sur une baguette placéedans la paume mais il faut au moins 120 jours pourque l'enfant recherche et s'empare d'un biscuit oud'une pomme placé à sa portée.Stimuler un enfant convenablement éduqué, àn'importe quel âge, avec des poissons, des chats, deschiens, des singes, des oiseaux, de l'obscurité ou desflammes, ne provoquera aucune réaction de « peur »(réaction qu'il faudrait, pour être objectif, appelertout simplement réaction « X »), c'est-à-dire ce typede réponse qui se caractérise par la suspension de larespiration, le raidissement du corps entier, l'éloi-gnement du corps de la source de stimulation, en setraînant ou en courant. Par contre, un son violentet le défaut de support sont des excitations (selonWatson, ce sont les seules, et ses constatations sontconstamment vérifiées) qui provoquent cette réac-tion « X ».

Le behavioriste recueille ainsi des quantités d'ob-iervations, qu'il contrôle, classe, soumet au traite-nent logique et mathématique il ne se refuse pas

PSYCHOLOGIE 3

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LA PSYCHOLOGIE

non plus à l'hypothèse, à l'invention. Ainsi, aprèsavoir constaté que le nouveau-né ne présente deréaction de peur qu'à deux types de stimuli, il s'aper-çoit que les enfants élevés hors de la pouponnière,c'est-à-dire en famille, présentent des réponses depeur à des centaines de stimuli et de situations. Ilpose alors la question suivante si deux stimuliseulement provoquent la peur à la naissance, convment, finalement, tous ces autres objets y parvien-nent-ils aussi ? C'est là une question scientifique, etnon une hypothèse littéraire. Autrement dit, elle estsusceptible d'expérimentation, comme tout pro.blème scientifique. Les expériences doivent pouvoir êtrereproduites un grand nombre de fois dans des labora-toires différents, et conduire chaque fois aux mêmesconclusions, si la première observation est valable,et si les conditions se maintiennent constantes.

Reprenons l'exemple des réactions de « peur ».L'enfant qui n'a encore jamais vu de chien, de chat,de souris ou de lapin n'en sera jamais effrayé au pre-mier abord il les palpera et tentera de les mani-puler. Vous pouvez répéter l'expérience 8 ou 10 joursde suite pour vous en assurer. L'enfant aura tou-jours une réaction positive vis-à-vis de ces animaux.D'autre part, prenez une barre de fer et frappez-laénergiquement juste derrière la tête de l'enfant uneréponse de peur apparaîtra immédiatement. Main-tenant, essayez ceci en même temps que vous luimontrez l'animal, et au moment où il essaye de l'at-teindre, frappez la barre derrière sa tête. Répéteztrois ou quatre fois l'expérience. Un changementnouveau et important se produit. L'animal suscitemaintenant la même réaction que la barre d'acier,c'est-à-dire une réaction de peur. Pour la psychologiebehavioriste il s'agit d'une réponse émotionnelle con-ditionnée, c'est-à-dire d'une forme de réflexe condi-tionné, comme nous le verrons plus loin.

Nous n'avons donc besoin ni de conscience, nid'images, ni d'états mentaux quelconques pourexpliquer la peur infantile.

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SCIENCE DU COMPORTEMENT

Les réponses émotionnelles conditionnées ditesd'amour (ou réaction « Y », si l'on veut) ont lamême origine. L'embrassement, le gazouillement, lesourire, répondent au bercement, à la stimulationlégère de la peau, des organes sexuels, etc. La simplevue de la mère ou de la nourrice remplacera bientôtle contact corporel direct. Le même processus serépète pour la colère, et, dans ce cas aussi, avec unerapidité foudroyante.

Le behaviorisme pose des questions du mêmegenre au sujet des adultes, dont voici le type

« Quelles méthodes utiliserons-nous systématique-ment pour conditionner l'adulte ? Par exemple, pourlui faire prendre des habitudes professionnelles, deshabitudes scientifiques ? Il faut former et unir deshabitudes manuelles (technique et savoir-faire) etdes habitudes laryngées (habitudes de parole etde pensée), avant que l'apprentissage puisse êtreconsidéré comme complet. Lorsque ces habitudes detravail sont constituées, de quel système de stimulivariable devons-nous l'accompagner pour que sonniveau de rendement se maintienne élevé et en accrois-sement constant ?

« A ses habitudes professionnelles s'ajouteront lesproblèmes de sa vie émotionnelle. Jusqu'à quelpoint cette vie a-t-elle ses racines dans l'enfance ?Dans quelle mesure se mêle-t-elle aux adaptationsdirectes ? Comment pourrons-nous lui en faire aban-donner une partie, c'est-à-dire en inhiber le condi-tionnement là où c'est nécessaire, et le conditionnerlà où il le faut ? En vérité, nous ne connaissons pasgrand'chose sur la variété et le genre d'habitudesémotionnelles ou, pour mieux dire, viscérales (par ceterme nous voulons indiquer les relations condi-tionnées qui se forment entre l'estomac, les intestins,la respiration et la circulation), qui peuvent êtreformées. Mais nous savons qu'elles sont nombreuseset importantes ».

Nous sommes ainsi conduits à définir le behavio-risme à la fois par son domaine et par ses méthodes.

LA PSYCHOLOGIE

Après tout, bien des sciences se sont brillammentdéveloppées en changeant plusieurs fois de défini-tion et d'ailleurs les définitions sont devenues très

plastiques. Néanmoins, il n'est pas mauvais de savoirdans quel domaine on se meut.

Le behaviorisme est donc un secteur des sciences

naturelles qui prend comme domaine propre le champtotal des adaptations humaines. Il ne veut recourirqu'aux méthodes des sciences objectives, celles de lamesure, donc de l'observation extérieure. Commeon le voit, ce n'est pas seulement une psychologie deréaction, mais une science du comportement. Lecomportement suppose des adaptations ou ajuste-ments constants. Ces adaptations ont toute unesérie d'aspects elles concernent aussi bien le milieuinterne (le corps lui-même) que le milieu externe,celui-ci revêtant à son tour un caractère physiolo-gique, technologique, social.

Le behaviorisme prétend que ces différentes formesd'adaptation c'est-à-dire de réponses à des stimulidonnés sont toutes solidaires elles impliquentl'homme total, et non quelques-unes de ses parties.Notons ce premier point. En voici un second, toutaussi important le behavioriste ne prétend pointêtre un pur spectateur de l'activité humaine. Il veutla contrôler et l'orienter, comme s'efforcent de lefaire toutes les autres sciences naturelles. Les réac-

tions humaines doivent pouvoir être manipuléescomme les autres réactions naturelles. En groupantdes faits, en expérimentant, le behavioriste veutapprendre à contrôler et à prévoir il le fera selonune formule qui sera le leit-motiv de tous les tra-vaux de Watson, et qui n'est que le postulat communà toute science, expression même du causalismeprévoir, étant donné le stimulus, la réaction quis'ensuivra ou bien, étant donné la réaction, recon-naître quelle est la situation ou le stimulus qui l'asuscitée.

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SCIENCE DE COMPORTEMENT

Cette conception de la psychologie a sur» desattaques trop souvent répétées peur que nous nefassions pas tout de suite état des plus sérieusesd'entre elles.

Dans son livre intitulé Gestaltpsychology, W. Kôhler,l'un des principaux psychologues de la « forme »,affirme que la psychologie ne peut pas se placerencore sur le même terrain que les sciences phy-siques, celui de l'observation extérieure indirecte.Et pourquoi cela ? Parce qu'elle est encore trop jeune.S'il faut s'inspirer des sciences physiques/ ce n'estpas de leur forme contemporaine, développée, maisde la forme qu'elles revêtirent dans leur jeunessehistorique. Cependant, on ne comprend vraimentpas pourquoi chaque nouvelle science devrait abso-lument passer par les mêmes étapes qu'ont parcouruesles autres. Kôhler estime que le behaviorisme, enadoptant les méthodes objectives, est conduit àrejeter le « je ». l'expérience personnelle or, cetteexpérience personnelle doit encore servir, comme elleservit la physique à ses débuts. En somme, les mé-'1thodes détermineraient le domaine en lui traçantdes limites trop étroites. Mais cette critique passeplutôt à côté du but, car chez Watson, le domaineet la méthode sont définis et donnés ensemble, etl'un par l'autre. La physique elle-même admet, aumoins dans certains domaines, que la description del'objet est inséparable de la méthode qui sert à ladécrire. Cela est aussi vrai en physiologie et en bio-logie. Cela reste vrai avec le behaviorisme.

Il n'est pas plus raisonnable de critiquer la méthodebehavioriste en arguant du caractère fallacieux desdonnées sensorielles, comme le fait Kôhler. Kôhlerestime que l'observation en physique n'est finale-ment pas plus objective et certaine qu'en psycho-logie, car, aussi indirecte soit-elle, l'observation phy-sique s'appuie en fin de compte sur des données

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