Un grand silence, plein de sérénité, s’est installé dans ce lieu perdu dans les entrailles de la terre.

Childéric et Luan sont reliés par leurs mains crispées. Les machines ont cessé leur travail. Ils observent, ahuris, le lieu où il se trouvent… seuls. Leurs pas imprécis dans cette pénombre ne savent plus où se

diriger. Peu importe, ils savourent cet instant, persuadés de l’immuabilité

de leur amour. Ils ont enfin compris d’où venait cette irrépressible attirance, celle

qui leur avait fait franchir leurs peurs et leur routine, abandonner leur famille, pour venir ici, attirés irrésistiblement vers les entrailles de la terre et une destinée hors du commun !

Après avoir savouré ces impressions fugaces, ils décident de revenir sur leurs pas.

Le sol, légèrement glissant, fait un bruit étrange. Les machines ont compris grâce à leur faculté d’auto-création dans

quel état de trouble se trouve leur possesseur. Elles les ont guidés de la plateforme jusqu’en ce lieu, par la

pensée. Elles ont réalisé, à la limite de leurs possibilités, ce qui avait été

insufflé dans leurs tripes biochimiques. Aucune consigne, aucun programme n’est plus mis en œuvre. Elles reposent sur le sommet des crânes, comme d’étranges

perruques inutiles. Plus aucun message externe ne les atteint, dans cette zone sans

âme.

*

Childéric et Luan, sans le savoir, viennent d’endosser la personnalité de leur ancêtre.

Ils sont devenus Gastrula le Preux et Alinee son aimée.

Une infime partie de leur cerveau vient d’être excité, sans qu’ils le devinent, par les fils éthérés des ondes puissantes qui hantent ces lieux.

Comme des amoureux insouciants, sans angoisse, ils s’engagent dans les dédales cachés de cette grotte mystérieuse.

Childéric serre la main de Luan qu’il entraîne vers l’extrémité de cette galerie dont les murs s’éclairent, devenant peu à peu aussi lumineux que les parois du navire Atlantis.

Une porte fermée leur barre le passage. Luan avance la main et murmure quelque chose. Elle se retourne vers Childéric, le détaillant avec tendresse alors

que sans bruit l’issue s’ouvre, dévoilant les couloirs d’une aire d’habitation.

Des lampes multicolores décorent des murs austères ressemblant à ceux de la bibliothèque.

Ils pénètrent d’abord dans un long couloir dont les plafonds sont d’une hauteur peu commune. D’ailleurs, rien dans cet appartement, que Childéric parcourt, n’est de taille normale.

Il ouvre une porte révélant une salle à manger d’une dimension démesurée.

Puis une chambre immense avec un lit somptueux… L’ambiance y est chaude, parfumée, propice au repos. Luan, qui vient de le rejoindre, l’embrasse innocemment sur la

nuque, puis ébouriffe ses cheveux dans un geste mutin. Il se retourne, en se tordant le cou, cherchant à saisir la pulpe de

ses lèvres purpurines. Elle l’évite d’une passe gracieuse, courant en riant comme une

enfant vers le lit opportun. Dans sa course gracile, elle jette un à un ses horribles vêtements,

trébuche en enlevant ses brodequins et termine sa course en petite tenue par une envolée dans les draps ouverts.

Childéric, surpris un instant, la poursuit, savourant à l’avance les moments d’intimité à venir.