expo etre sans destin
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Pablo Olarte
Sorbonne Nouvelle
Poétique de l’anéantissement
IMRE, Kertész. Etre sans destin
A plusieurs reprises, les intellectuels ont affirmé qu’après Auschwitz on ne pouvait
plus écrire de la poésie, mais pour Imre Kertész, après cet incommensurable évènement de
l’histoire occidental, on ne peut que écrire sur Auschwitz. C’est pour ceci, "for writing that
upholds the fragile experience of the individual against the barbaric arbitrariness of
history"1, qu’il a reçu le prix Nobel en 2002. A travers d’un roman fondé sur les motifs
topiques de la représentation de la Shoah, Kertèsz réfléchit sur la question de la liberté de
l’individu dans les systèmes totalitaristes. Avec un personnage, qui a été souvent qualifié
comme Candide moderne, Etre sans destin, le premier roman de l’écrivain, nous plonge dans
un scénario de déportation troublant. Dès les premières pages, la distance émotionnelle et
l’incapacité du personnage à comprendre les événements dérangent le lecteur. Et c’est peut
être pour cette raison et les lieux communes revisités de l’holocauste, qu’on ne a pas donné
assez d’importance au roman à la suite de son apparition. Mais la prose de cet écrivain a été
incomprise, puisque ces facteurs sont précisément la porte d’entrée à son imaginaire. Nous
pourrons donc nous demander, en quelle mesure le roman est en lui-même une « philosophie
de l’existence qui a été près d’exploiter les limites de la littérature »2.
En effet, nous nous proposons de prendre cette problématique comme fil directoire, pour ainsi
tenter une introduction à l’univers d’Imre Kertész. Nous étudierons le roman comme une
reflet du totalitarisme. Pour ensuite analyser la problématique de l’identité face au
déterminisme. Finalement, nous aborderons la poétique de l’imaginaire et le projet Kerészien.
Dans le quasi totalité du roman, les camps de concentration et l’expérience des
horreurs nous sont présentés avec une distance objective dérangeante et avec une narration
1 http://nobelprize.org/nobel_prizes/literature/laureates/2002/2 Sipiro , György. Self-Recorder. Budapest : Szépirodalmi.
linéaire. Et c’est pour ceci que nous nous proposons décortiquer les différents structures et
perspectives à l’intérieur du roman. Dans un premier moment la logique et la réalité des
camps de concentration, dans un double perspective : l’objectivité et l’incompréhension.
Ensuite nous aborderons le ton détache de la narration et la figure de l’home indiffèrent. Pour
finalement analyser la linéarité comme représentation du totalitarisme.
A travers l’expérience de déportation et dans les camps de déportation, le narrateur prend une
perspective objective pour décrire ce qui l’arrive. Il adopte une réflexion rationnelle sur son
existence et sur ce qui arrive autour de lui. Il affirme : «je ne percevais que par ma raison, et
non à travers ma peau » (254). C’est en effet comme si son but était de garder la perspective
et de garder un regard froid, rationnel, d’être un « outsider »3. Ceci est accentué par sa
distance et l’étrangeté aux évènements.
Nous trouvons donc un narrateur écarté de tout type de perspective subjective. Gyurka
n’utilise pas des approches émotionnels ou subjectives dans son discours. Même quand il se
rend compte de l’usage des cheminées, la subjectivité est mise à côté: « Parfois, nous n’y
prêtions même pas attention, comme si elle n’avait pas été là : beaucoup on découvert que
cela dépendait de la direction du vent ». La plus part du temps quand il y a un sujet sensible
qui surgit, il est déplacé vers un quelconque type de rationalisation.
En fait, c’est comme si le narrateur était livré à un monde objectif qu’il ne peut pas
comprendre : un monde indépendamment de lui. Kertész a affirmé dans son discours au prix
Nobel: « if the world is an objective reality that exists independently of us, the humans
themselves, even in their own eyes, are nothing but objects, and their life stories merly a
series of historical accidents, which they themselves have nothing to do with ». L’objectivité
amène donc au personnage à se trouver face à un monde étranger qui ne le permet pas un
accès total à sa propre réalité.
Son accès à la réalité de camps est donc partiel et difficile. Le personnage est décentré et
même aliéné par son projet d’objectivité. C’est à cause de ce regard partiel et de l’hyper
objectivité que sa narration est « imparfaite». En nous appuyant sur la citation précédente,
nous pourrions affirmer que le discours du personnage est fait à partir, non d’un rapport de
causalité, mais à travers la corrélation (merly a series of historical accidents). Par exemple
dans la page 163, le personnage définit Auschwitz pour ensuite parler de la soupe. Si ce n’est
pas un phénomène qui traverse la totalité de l’œuvre, il est très répétitif comme démarche.
3 Von Jagow, Bettina. Representing the Holocaust, Kertész Fatelessness and Benigni’s La vita é bella.
C’est peut être un manière de garder le caractère de non-sens du totalitarisme et des camps de
concentration.
Même si la corrélation est par fois frappante, la description de lieux et de personnes est encore
plus problématique. Les descriptions sont en effet fragmentés et floues. Ses compagnons de
travail, Bandi Citrom et Pietka sont décrits d’une manière distante et indifférencie de fois. Par
exemple, on ne sait plus de Bandi Citrom à part du fait qu’il était venu d’un camp de travail et
qu’il avait était démineur en Ukraine C’est comme si, à travers d’une description
fragmentaire et objective, tous les personnages étaient dépossédés d’eux mêmes. En effet,
nous nous rendons vite compte que ces traits ne seront que l’impossibilité du personnage à
comprendre sa situation et son existence. Le personnage apprend à fur et à mesure et c’est
pour ceci que sa narration est imparfaite. Les limites de la raison, de la mémoire et des
émotions en sont preuve.
Cette incompréhension du monde et de la logique des camps de concentration entraine une
effort de précision des concepts. Assez souvent, le narrateur fait des affirmations du type « je
ne peux pas dire grand-chose de ce qui a suivi », pour manifester l’incapacité du langage à
cerner certaines évènements et l’essence même de l’existence au camps.
Il utilise un certain nombre de procédés pour expliquer et pour donner précision aux concepts.
D’un côté nous trouvons la description exhaustive des lieux et surtout des situations. Il y a
beaucoup de paraphrases et de reformulations dans son discours. Et s’il ne parvient pas à se
rappeler d’un incident avec précision, il décrit un événement qui fait éco à cet innommable :
« je ne sais pas qui commandait ni comment cela s’est passé – je me rappelle seulement
qu’une sorte de pression pesait sur moi, qu’une espèce d’élan m’emportait, me poussait, me
faisant un peu trébucher dans mes nouvelles chaussures… » (136). L’utilisation de
parenthèses et de tirés (-) est récurrente pour ce propos, ainsi que la paraphrase et la
répétition.
Cependant, cette impression va au-delà de l’incompréhension. Le narrateur n’est pas
seulement plongé dans un monde qui lui est étranger, mais il l’accepte comme quelque chose
de naturel. Même l’atrocité des cheminés est perçue comme « naturelle » (147) et presque
tous les actes autoritaires sont souvent qualifiés comme « compréhensibles ». Kornélia Koltai,
dans son analyse « Imre Kertész’s Fatelessnes and the myth. About Auschwitz in Hungary »,
affirme que « only when taking the absurdity of existance as a starting point, can such évents
seem « normal » ».
C’est à partir de cela que nous parvenons au ton détaché de la narration et la figure de
l’homme indifférent à l’intérieur du narrateur. Dès le départ du père du personnage, nous
commençons à ressentir un détachement de sa part. Même s’il comprend que son père va à
partir dans un camp de travail, il éprouve de l’indifférence et ses actes ne sont qu’à cause de
l’épuisement ou des efforts pour remplir des conventions sociales. « Je ne sais pas si c’est ça
qui a fait couler mes larmes, ou tout simplement l’épuisement, ou peut-être encore parce que
depuis le matin, depuis la premier remarque de ma belle-mère, je me préparais en quelque
sorte à ce qu’elles coulèrent nécessairement à cet instant précis : mais quoi qu’il en soit, c’est
bien que cela se soit produit, et je sentais que cela faisait plaisir à mon père d’avoir pu le
voir » (36). En fait, c’était comme si le narrateur éprouvait une impossibilité de communion
avec son environnement, comme s’il était psychologiquement isolé.
En outre, à travers les pages qui portent sur son expérience dans les camps de concentration,
Gyurka accepte son existence d’une manière indifférente, comme si c’était son destin.
« D’abord devenir un assez bon détenu, l’avenir fera le reste – voilà comment je comprenais
les choses » (186). Nous pourrons comparer l’indifférence de Gyurka face à l’existence avec
Meursault, le personnage du roman L’étranger de Camus. Quand Gyurka est amené à
l’hôpital pour le soigner, il y a un moment où le médecin lui demande s’il était résolu pour
pratiquer l’incision. Et lui, indifféremment répond : « comme vous voudrez » (241). Ce qui
trouve éco dans l’indifférence de Meursault face au fait qu’il a été condamné à mort.
Ainsi que nous l’avons évoqué précédemment, cette indifférence et le fait de prendre pour
naturelle le plus part des événements ne peut avoir comme point de départ que l’absurde. Si
l’absence de logique est total, le personnage n’a pas une autre option que considérer son
existence soit comme illogique « Tout au début, je me sentais, comment dirais-je, comme un
visiteur en prison » (139), ou soit comme évident.
A travers d’une temporalité relative, où sept jours deviennent sept ans dans la pensé du
personnage, le narrateur choisit l’évidence. Il y a des scènes où le lecteur éprouve un décalage
et un effacement de la limite entre l’horreur et le naturel. « Et alors j’ai vu pour la première
fois - car nous étions toujours là au crépuscule - la couleur du ciel d’ici, ainsi qu’un
phénomène : les feux grégeois, le feu d’artifice des étincelles et des flammes sur tout
l’horizon gauche du ciel. Au tour de moi, on chuchotait, on murmurait, on répétait : « les
crématoires… », mais déjà plutôt avec cette espèce d’admiration, pour ainsi dire, que
suscitent les phénomènes naturels» (159). Comme l’affirme Gyurka peu avant la fin du
livre, l’horreur « dans un camp de concentration, c’est naturel » (338).
Ce qui n’est pas naturel c’est, en effet, l’acceptation de l’existence imposée par les camps de
concentration et par le système totalitariste. « Je croyais chaque matin que c’était le dernier où
je me levais (…) ; et pourtant, en attendant, je les ai effectué encore tant de fois » (233). C’est
comme si le personnage était aliéné et continué chaque jour par l’absence d’option, de liberté.
Cette aliénation est présente dans le discours du personnage dans la démarche objective, mais
aussi dans le discours rapporté. En effet, le peu d’information fiable que le personnage donne
est toujours médiatise par un autre. Soient les personnes qui l’entourent dans le camp, soit des
personnes d’un rang plus haut. Par exemple après avoir vu les femmes tendues il ne parvient
pas à décrire ce qu’il ressent, mais il utilise les mots des autres « c’est effroyable » (160). De
même, l’aliénation est présente dans sa description des lieux. Avec quelques descriptions nous
avons l’impression que ses mots ne lui appartiennent pas ; comme s’il était entrain de décrire
une carte postale ou comme s’il utilisait un discours d’autrui.
Nous avons essayé jusqu’au moment de montrer la façon par laquelle la structure, la
perspective et le ton mime l’expérience du totalitarisme. Mais il reste encore l’aspect plus
important de représentation : la linéarité du texte. Celle-ci serait le sommet d’assimilation du
totalitarisme au roman.
Comme l’affirme Kertész ni le temps, ni le langage, ni sa propre personne lui appartient. Le
personnage est emprisonné par la temporalité linéaire de son existence et de la structure du
roman. « The héro of my novel does not live his own time in the concentration camps, for
neither his time nor his language, not even his person, is really his. He doesn’t remember, he
exists. So he must languish, poor boy in de dreary trap of linearity, unable to shake off the
painful détails » (Euréka! 606). La linéarité ne serait qu’une forme de montrer l’impuissance
du narrateur face à son existence immédiate (l’existence imposé par les camps).
L’impuissance est explicite par trois facteurs. En premier, l’impuissance face à l’autorité. Par
exemple l’impuissance face à la gifle qu’il a reçu lorsqu’il parlait avec Bandi Citrom.
L’impuissance face à l’horreur de camps, au point qu’il le prend pour naturel comme on l’a vu
précédemment avec les cheminées. Et finalement son impuissance face au destin qu’on lui a
imposé.
A travers tout le roman le temps pose un grand problème au personnage. Dans Etre sans
Destin, la temporalité est vue d’après deux perspectives : d’une manière concentré et comme
un « pas à pas ». Le narrateur pour sa part affirme qu’il a vécu et apprit pas à pas et non d’un
coup. Parce que « si toute la connaissance nous tombait immédiatement dessus, sur place, il
est possible qu’alors ni notre tête ni notre cœur ne pourraient le supporter » (341).
Si c’est vrai que le roman semblerait parler d’un souvenir, l’utilisation du passé composé sert
à actualiser la narration d’une certaine manière dans le présent de témoignage, dans le pas à
pas. Et c’est pour ceci, que le personnage est attrapé dans le vécu, dans la souffrance. Ainsi le
fait que Kertèsz affirme que le personnage ne se rappel pas, mais qu’il existe est capital. C’est
impossible pour lui s’empêcher de raconter des détails douloureux comme l’affirme l’auteur,
parce que la linéarité de l’existence dans les camps le rend impossible.
Ne pourrions nous pas affirmer que l’ennui serait la mise en parole du sentiment
d’emprisonnement chez le personnage ? Il définit Auschwitz, le camp symbole de tous les
camps, à travers l’ennui : « nous attendions – à bien y réfléchir, nous attendions que rien ne se
passe. Cet ennui, avec cette étrange attente : je crois que c’est cette impression-là, à peu près,
oui, qui en réalité caractérise vraiment Auschwitz ». Et si dans l’univers Kertészien
Auschwitz est le symbole par excellence du totalitarisme, l’ennui serait un de ses armes.
A côté de la linéarité comme prison, nous trouvons aussi ce que Julia Karolle a appelé
« l’existence concentré » (concentrated existence). En effet, ce concept d’une existence
concentré et intense dans les camps serait pour elle l’articulation de l’absurdité de l’existence.
Puisque le personnage n’a comme option que confronter la mort pour échapper au destin
imposé.
La linéarité et l’existence concentrée ne seraient que représentations formelles du
totalitarisme. Et c’est à travers d’elles que le romancier questionne la liberté de l’individu
dans ce genre de systèmes. En effet, ce que nous nous proposons d’expliciter est que d’une
certaine manière la logique – ou l’absence de logique plutôt - et la linéarité des camps de
concentration a été assimilé par l’écriture en elle-même et par la voix du narrateur. Cette
démarche servirait donc comme analogie de l’existence dans les camps.
Si c’est vrai que la forme nous permet de cerner certains traits du totalitarisme, ce ne serait
que par la problématique de l’identité que nous parviendrons à bien comprendre le concept de
« Etre sans destin » ou Fatelessness. De même nous nous demandons si dans le roman n’a t-il
pas une ouverture vers la récupération du destin, l’affirmation de l’individu et la prise en
charge de soi.
Ainsi, nous étudierons dans un premier temps la notion : « Etre sans destin », pour
ensuite parler d’une tentative de parcours de reconnaissance identitaire chez le narrateur.
Finalement nous analyserons ce que Louise O. Vasvari a nommé la condition préalable,
unique et fondamentale, à la révélation de l’existence.
Il me semble que pour comprendre le concept d’ « être sans destin », il faut d’abord
comprendre la notion de « destin » chez l’auteur. Dans Galynaplo Kertész se demande « What
do I call fate ? », à ce qu’il répond : « Certainly the possibility of tragedy. The external
determinacy, the stigma which constrains our life into a situation, an absurdity, in the given
totalitarianism ». Le destin ne serait donc que le déterminisme dans laquelle l’individu est
contraint.
Dès le début du roman nous percevons la problématique de l’identité juive, premier facteur de
déterminisme. « Son étoile jaune lui posse problème » (48) affirme l’aîné des sœurs. Dans la
conversation entre l’aîné des sœurs et le narrateur, la différence de perspective sur la
conception de l’identité est capitale. La sœur aînée comprend l’identité juive à travers de la
différence et de la collectivité. « Nous portons en nous cette différence » (50) affirme-t-elle.
C’est, en effet, comme si cette différence identitaire de group était inhérente à l’individu et le
définissait.
Du côté du narrateur ce n’est pas si simple. Pour lui, l’identité juive est conçue comme
quelque chose d’externe et d’imposé. « J’ai tenté d’expliquer à la fille que ce n’est pas elle
(…) qu’ils haïssent, mais plutôt la notion de « juif » ». De même, avec l’histoire sur les filles
échangés, il prétend montrer l’absurdité et le côté accidentel (extérieur) d’appartenir à la
communauté juive.
D’ailleurs, le déterminisme extérieur est toujours mis en rapport avec l’intérieur. Des
éléments comme l’étoile jaune, la tenue à rayures et les traits physiques devient des éléments
qui semblent définir l’identité profonde des gens. « (…) de véritables détenus, avec la tenu à
rayures, la tête rasée et la casquette ronde des malfaiteurs. (…) Leur visage non plus
n’inspirait pas vraiment confiance (…) Effectivement, ils avaient l’aire d’être des juifs, à tout
point de vue» (107). Cependant, le narrateur se rendra compte qu’il appartient aux détenus,
qu’il est juif et qu’il est hongrois par un déterminisme externe à lui-même.
Ainsi que nous l’avons vu précédemment, le camp de concentration est l’endroit où le
déterminisme arrivera au sommet. Malgré que nous ayons déjà évoqué la perte de soi à travers
la perspective, l’incompréhension et la linéarité, il reste encore à analyser des aspects sur les
camps. Cet endroit serait conçu dans l’univers du roman comme le lieu de la destruction de la
personnalité. Nous pouvons le constater lors de la description de Pietka, qui est assimilé à ses
taches journalières. L’être humain, étant déterminé, serait dépourvu de tout choix et de toute
liberté.
De cette manière les camps de concentration, avec la destruction du choix personnel, et le
déterminisme créent l’illusion d’une mase homogène plus manipulable (dans la quelle,
Gyurka, sans se rendre compte fait partie). « Nous tous, les malades, et pratiquement aussi les
meubles et les objets, prenons part avec une égale gravité, tous jouent leurs rôles ». Plus le
temps passe, moins le personnage trouve des échappatoires au destin imposé.
Bien que par son attitude distante et son objectivité, le personnage ait tenté d’échapper au
destin et au déterminisme, tous les chemins amènent à la mort. Ainsi que l’affirme Kornélia
Koltai, « only in the shadow of death is he able to fulfill his own destiny, that is, to reflect on
existence ». D’une certaine manière, Gyuka tombe dans l’état d’ « être sans destin » par le
besoin d’échapper par tous les moyens au destin.
Il me semble que nous devons encore définir ce que l’auteur comprend par « être sans
destin ». Kertész affirme dans Galyanaplo que « être sans destin » est : « when we live out
the derminacy that is doled out to us as a reality, instead of the necessity that stems from our
own (relative) freedom ». Le personnage serait emprisonné même par l’acte d’échappatoire.
Selon Kertész, quand on se rebelle contre le déterminisme nous devenons victimes d’elle,
parce que d’une manière ou d’une autre nous sommes obligés de percevoir notre
déterminisme comme réelle. Il reste alors une question : « comment peut-on construire son
destin en dehors de son propre déterminisme ? ». La réponse commence là où est né le
déterminisme : dans les camps.
Si c’est vrai que le camp de concentration est symbole du déterminisme dans le roman, nous
ne pouvons pas nous empêcher de voir son statut énigmatique et ambigu. En effet,
l’expérience dans le camp serait d’une certaine manière la condition préalable à la révélation
et donc à la reconstruction de soi. C’est au moment où son « corpos fut jeté avec d’autres sur
la plateforme mouillé d’un camion » (238) que « le combat (…) le plus désespéré » (250) a
commencé. Combat qui a comme but de récupérer son destin et son identité.
Mais, ne faut-il pas passer d’abord par un état de méconnaissance pour ensuite passer à la
reconnaissance de soi comme l’affirme Paul Ricœur dans Le Parcours de la Reconnaissance ?
La méconnaissance commence chez le personnage par le refus de tenir en compte tout
d’abord l’identité collective qu’on veut lui imposer. Il a l’impression« comme si quelque
chose n’allait pas avec (soi), comme si (il) n’était pas en harmonie avec l’idée générale, bref :
comme si (il)était un juif, et (il) trouvait que c’était plutôt bizarre après tout, parmi de juifs,
dans un camp de concentration ». D’une certaine manière le personnage refuse de porter en
soi cette différence évoquée précédemment par la sœur aînée.
Mais ce n’est pas seulement l’identité collective qu’il refuse, c’est aussi l’identité juive
comme religion. Gyurka ne se reconnaît point dans les autres juifs à cause de ceci. Mais c’est
surtout parce qu’il ne comprend pas cette « langue étrangère » (30). C’est en effet, comme si
le personnage trouvait insuffisante l’identité juive pour se reconnaître. Sara D. Cohen affirme
que le narrateur rejet presque toutes les définitions d’identité juive dans le roman : génétique,
religieuse, racial, culturel et antisémitique. Le concept d’identité chez personnage serait donc
fondé sur une définition purement personnelle à son retour des camps.
Le narrateur ne se reconnaît pas dans les ressemblances physiques. Il ne s’identifie guère dans
le prototype juif d’ « oreilles décollées, nez proéminent, petits yeux enfoncés brillants de
ruse ». En effet, c’est le refus de se reconnaître dans l’identité négative crée par
l’antisémitisme Nazi.
D’ailleurs, avec le refus coexiste une certaine forme exclusion. Et c’est en fait à partir de cette
exclusion que le personnage commence véritablement à construire son identité. « Di bist nicht
ka yid, d’bist a chéguetz »4 (191) dissent-ils à propos de Gyurka. C’est comme si à partir du
refus et de l’exclusion le personnage commençait à réclamer son propre destin et il faisait une
transition vers le choix.
D. Cohen dit que par le choix, le personnage affirme son humanité, ainsi que nous pouvons le
constater dans les citations « Je…pro…teste » (256) et « je voudrais vivre encore un peu dans
ce beau camp de concentration » (259). Le personnage d’une certaine manière se reconnaît
capable de choix. C’est comme si le personnage prenait le destin dans ses mains et allait
inévitablement vers une renaissance.
Et c’est en fait ce qui se passe au retour du personnage des camps de concentration en
Hongrie. Gyurka accepte, ou créée, son identité juive, ainsi que son identité Hongroise.
L’identité devient un choix au lieu d’un déterminisme, et c’est par le choix de cette identité
que le personnage affirme la vie. « Ce n’était pas mon destin, mais c’es moi qui l’ai vécu
jusqu’a bout » (354). En effet, il choisit ce qu’auparavant était source d’une condamnation à
mort dans les camps : l’identité juive.
Imre Kertész affirme dans Galynaplo : «In life there commes a time when all of a sudden, you
realize who you are and are overcome by a sens of power. From this moment on, we cant take
ourselves into account ; this is when we are actually born ». C’est par la prise en compte de
soi et de son expérience à tous les niveaux que le personnage va véritablement à naître.
Dans un premier temps, nous nous rendons compte d’un changement dans le discours du
personnage à son arrivé. C’est comme si par le langage il se prenait en compte et il pouvait
dire, donner son opinion, et se reconnaître dans ce qu’il dit. « C’est moi qui avait marché pas
à pas, et non un autre » (355). Par le « pouvoir dire »5, le narrateur semble articuler son
expérience pour le comprendre.
4 Tu n’es pas un juif, tu es un assimilé.5 Concept utilisé par Paul Ricœur dans le Parcours de la Reconnaissance : L’homme capable.
Ensuite, nous constatons une prise de responsabilité du passé de la part du personnage. Il a
besoin de se reconnaître dans ses actes, et non de penser son expérience comme un événement
indépendant de lui et comme « merly a series of historical accidents ». Il « pouvait ne pas
s’accommoder de l’idée que ce n’était qu’une erreur, un accident ». Sans la possibilité de se
reconnaître comme agent de son existence, les pas et la survie de Gyurka perdrait tout sens.
« On ne peut pas tout me prendre, il m’est impossible de n’être ni vainqueur ni vaincu (…), de
n’être ni la cause de la conséquence de rien » (357). Le personnage refuse être considère
comme victime, il veut revendiquer son statut d’homme capable d’action sur son existence.
De même, le narrateur prend responsabilité du passé par le refus d’oublier « un tel fardeau »
et considère qu’il ne peut point commencer une nouvelle vie. Il serait d’une certaine manière
se nier à soi-même. «Je leur ai fait comprendre qu’on ne pouvait jamais commencer une
nouvelle vie, on ne peut que poursuivre l’ancienne » (355). Gyurka comprend que la seule
façon de « vivre (sa) vie invivable » est par l’intériorisation de son expérience.
Cependant cette intériorisation doit d’abord surmonter l’incapacité de transmission pour
finalement construire son destin en dehors du déterminisme. Bien que le personnage se refuse
à participer à la transmission factuelle de l’expérience par le geste de jeter le papier du
journaliste, il a un besoin profond de transmettre Auschwitz pour aboutir à une
reconnaissance de soi pleine.
Ainsi nous parvenons à la révélation des camps de concentration. En vue de l’impossibilité de
« discuter avec des étrangers, des ignorants, dans un certain sens des enfants » (339), le
personnage se rend compte qu’ « il devait faire quelque chose, qu’il fallait l’adapter à quelque
chose ». En effet, le personnage comprend que pour aboutir à une reconnaissance complète, il
doit construire l’histoire selon lui, l’histoire propre à lui.
Et comment construire une histoire propre à lui ? Nous avons déjà évoqué centaines pistes à
propos de cela. D’un côté, le personnage prend en compte son passé et se reconnaît en lui.
Ainsi qu’il ne peut oublier et vivre une autre vie, il ne peut que transmettre ce passé pour le
faire survivre, et pour survivre la survie.
Gyurka semble comprendre que pour faire des camps de concentration une expérience
positive, il doit mettre en récit son expérience. Première piste : Le personnage juge le récit de
M. Fleischmann et de M. Steiner « Leur récit m’a donné les contours brumeux, l’impression
d’événements désordonnés, embrouillés et émiettés, que fondamentalement, je no pouvais pas
très bien comprendre » (349). Récit opposé à ce qu’il raconte sur le convoi dans les camps.
Mais si l’histoire est désordonne, c’est parce qu’il y une conception de la mémoire et de
l’expérience à rebours concentré. Les événements semblent avoir lieu « tous à la fois, dans un
sorte de tourbillon, de vertige unique, une espèce de réunion de l’après-midi, disons,
transformée subitement en chahut, où soudain, les nombreux participants perdent l’esprit tous
en même temps, pour une raison incompréhensible » (350).
En effet, c’est à l’opposée de cette conception que le personnage commence à construire sa
perspective de l’histoire et de l’expérience. Le personnage considère que « cela n’avait pas
fait « qu’arriver » : nous aussi, nous avions avancé pas à pas » (352). Pour Gyurka, la seule
manière de tenir en compte le temps qui passe est la connaissance préalable de l’évènement.
Le narrateur décide donc de raconter et de concevoir l’expérience autrement. Ainsi que
l’affirme Paul Ricœur, dans Le Parcours de la Reconnaissance, raconter autrement, c’est se
raconter autrement. C’est en fait comme si le personnage, par le choit de raconter autrement,
décidait faire face au déterminisme et se construire une identité par vié de la narration.
Ainsi, le personnage parvient à raconter le temps et l’expérience des camps de concentration
comme quelque chose d’intérieure à lui, comme partie constitutive de son identité. Les camps
serait d’une certaine manière un partie de l’identité ipsé du personnage, parce que « je suis ce
que je raconte » comme l’affirme Paul Ricœur à propos de l’identité narrative. « L’histoire
d’une vie ne cesse d’être refigurée par toutes les histoires véridiques ou fictives qu’un sujet se
raconte sur lui-même. Cette refiguration fait de la vie elle-même un tissu d’histoires
racontées »6. A travers cette méthode, le personnage parviendrait donc à surmonter le destin
imposé, ainsi que son statut d’ « être sans destin ».
Le narrateur parvient donc à la révélation capitale : raconter le bonheur des camps de
concentration. « Oui, c’est cela, du bonheur des camps de concentration, que je devrais parler
la prochaine fois qu’on me posera des questions », « puisque là-bas aussi, parmi les
cheminées, dans les intervalles de la souffrance, il y avait quelque chose qui ressemblait au
bonheur » (359). A partir de cette position, le personnage ouvre la possibilité de la rédemption
du passé : ce qui aurait pu avoir lieu.
Raconter le bonheur devient un défi au déterminisme des camps de concentration et des
systèmes totalitaristes. Et au même temps donne au narrateur la possibilité « vivre sa vie
invivable » (359). Raconter le bonheur est l’expression ultime de l’affirmation de la vie, de
l’affirmation de son humanité. Ce que nous pouvons constater par ce « sentiment aigu,
douloureux et vain : le mal du pays » et la « rancœur affectueuse » (358).
Mais, le fait de raconter le bonheur serait la plus grande expression de réinvention à travers
l’imagination. Auparavant, Gyurka s’avait déjà rendu compte qu’une de seules manières
6 (4) Ricoeur, P. (1985) Temps et récits III, Le temps raconté, éditions du Seuil.
d’échapper au déterminisme était l’imagination : « même en captivité, notre imagination reste
libre ».
Mais cette vérité retrouvée à partir des camps de concentration, ne serait pas la démarche
même de l’univers de Kertèsz ? La fiction et l’imagination comme seule forme d’aborder
Auschwitz et le déterminisme?
Finalement, nous aborderons la poétique de l’imaginaire et le projet Kerészien.
D’abord nous étudierons la défamiliarisation de la représentation, pour ensuite la poétique de
l’imagination. En dernier temps, nous montrerons le projet du romancer à constituer
Auschwitz comme culture.
Si c’est vrai que dans un premier abord le roman peut sembler un récit standard de la
littérature de l’Holocauste, ceci n’est qu’un piège au lecteur. Le piège est fondé sur le fait de
prendre des images et des structures topiques et les defamiliariser.
La structure du roman : 1. L’histoire avant la déportation, 2. L’expérience de la déportation
(train), 3. La vie dans les camps de concentration, 4. La libération des prisonniers, 5. Le retour
à la patrie. De même, l’utilisation des images topiques : la description des camps, la
description des prisonniers. Mais ces topos ne seraient qu’une façade que le romancier pose
au lecteur, pour ensuite passer à la défamiliarisation par le vié de l’absence d’interprétation de
la part du personnage.
La structure topique est cassée surtout par le chapitre final, où Kertèsz développe le centre
philosophique du roman. C’est dans le chapitre final où le personnage commence à avoir un
peut d’intériorité, et réflexion sur le concept d’ « être sans destin ». De même dans le premier
chapitre, où normalement est raconté le paradis avant de la déportation, nous trouvons qui est
complètement absent.
Un autre des topos complètement brisés est celui de l’utilisation de la première personne dans
la narration. Auparavant, l’utilisation de la première personne avait comme fonction
l’exaltation de la subjectivité et des émotions. Alors que dans le roman, le lecteur se trouve
face à un narrateur objectif qui n’inclut presque pas des sentiments et qui est très distant.
Cette confusion crée chez le lecteur le sentiment que le narrateur n’est pas fiable par son
objectivité. L’impossibilité du narrateur (voire le refus) de comprendre sa situation, crée chez
le lecteur un sentiment de doute et de rejet. Par exemple, dans le moment où le narrateur se
rend compte que les cheminées, ne sont pas seulement des cheminées, mais qu’elles sont des
crématoires de juifs. Face à la distance émotionnelle du narrateur, le lecteur est frappé avec
plus d’horreur émotionnellement et est indigné.
A propos de ceci, Enikö Molnar Basa affirme dans « Imre Kertész and Hungarian littérature »
que l’auteur a crée une nouvelle forme traumatique pour faire agir ses lecteurs. Et Kertész de
son côté affirme dans Gayanaplo : « I wished to traumatize the reader. The conception of my
work is based on the premise that fear, the loss of footing, which is cited as lacking in the
narrator shoud be found in the reader ». En effet, c’est comme si les trous interprétatifs et
émotionnels chez le narrateur, devaient être rempli par le lecteur, par sa peur, par ses
émotions. Et c’est par la perte de pied (la déstabilisation) du lecteur que l’auteur prétend que
l’œuvre ait une fonction cathartique.
Mais, cette fonction cathartique ne passe seulement par des procédés de choque et
traumatiques. Elle passe par toute une poétique de l’imagination très particulaire et illustré
dans le deuxième chapitre du roman. Lorsque Gyurka parle avec la sœur ainée à propos de la
définition de l’identité juive, il ne parvient pas à s’exprimer, à communiquer et surtout à se
faire comprendre. Pour lui « tout ça est beaucoup plus simple » (50), mais difficile à
communiquer.
Face à l’impossibilité de transmettre ce qu’il comprend du monde qui l’entoure, il se voit
forcé à trouver d’autres chemins à fin de s’exprimer. Il utilise une histoire et donc son
imagination pour illustrer son opinion et pour rendre plus facile la compression de son propos.
Comme l’affirme Bettina von Jagow : « this pattern displays the poetological core of
Kertész’s depiction of the Holocaust ».
« Je fini par lui donner un exemple. Il m’était déjà arrivé d’y réfléchir, rien que pour
passer le temps, c’est pourquoi j’y ai pensé. En plus, j’ai lu récemment un livre, une
espèce de roman : un mendiant et un prince qui ; hormis cette différence ; se ressemblent
de visage et de corps d’une manière manifeste, à s’y méprendre ; échangent leurs habits
par pure curiosité, si bien que finalement le mendiant devient un véritable prince et le
prince un véritable mendiant. Certes, ce n’est pas très vraisemblable, mais après tout,
beaucoup de choses son possibles » (51).
C’est en fait comme si ce passage était le résumé métaphorique de tout le roman.
L’imagination devient une réflexion fondamentale à travers tout l’œuvre, puisque c’est elle
qui permettrait la transmission et la libération. Bien que l’œuvre de fiction soit comme on l’a
vu précédemment un reflet du totalitarisme, elle est au même temps la seule sortie, étant
œuvre d’imagination, la seule forme de liberté face aux systèmes totalitaristes.
Il semblerait que pour Kertész la seule forme de représenter l’Holocauste était l’imagination,
la seule liberté, la fiction. Bettina von Jagow affirme : « he stages Memory in the realm of
fiction and for that he needs imagination ». Kertész explique cette démarche lors de son
discours à Leipzig, où il affirme :
« It is imagination that causes the problem… and talking about littérature and the
Holocaust means talking about imagination. Since it is hère that lies the big
paradox, the contradictio in adiecto, because only trhough aesthetic imagination is
that we are able to create an image of the Holocaust, this unseizable and
inscrutable reality. Yet thinking the Holocaust is such an inmense project by itself,
an almost phisical effort, that it usually means asking to much of those who try to
do so. Th fact that all this has truyly happened makes difficult to even think about
it. And how can horror be the object of aesthetization since it is true horror and
holds nothin original ? Instead of a pradigmatic kind of death, thèse facts have
only heaps of corpses to offer ».
Nous pourrions affirmer qu’au milieu de l’horreur de la représentation réaliste de Auschwitz,
le bonheur de la représentation, cette révélation, serait le concept de l’imagination « dans les
intervalles de souffrance ». Elle serait donc la seule forme de surmontement et de libération.
Mais n’est pas l’imagination une recherche d’une autre type de vérité et une forme de décrire
l’indescriptible ?
Dans l’essai « Who owns Auschwitz ? », Kertész questionne la représentation historique et
factuelle de l’Holocauste en affirmant : « Is the représentation plausible, the history exact ?
did we really say that, feel that way ? Is that really were the latrine stood, in precisely that
corner of the barracks ? ». Il semblerait que la seule forme de représenter l’Holocauste serait
la fiction. L’imagination remplirait d’une certaine manière les trous de mémoire, et c’est par
la mémoire - imagination que nous aurions la possibilité de décrire l’indescriptible.
C’est ainsi que le discours historique et le discours fictionnel deviennent presque équivalents
dans l’univers de Kertész. La démarche de l’auteur n’est point la représentation exacte de
l’événement, mais tout au contraire le fait de cerner l’âme d’Auschwitz. L’auteur abandonne
l’authenticité historique pour ainsi chercher un nouveau type d’authenticité, « one based on
spiritual and moral truth over historical truth »7.
En effet, l’auteur cherche une vérité qui soit cohérente avec l’absence de logique des camps et
une authenticité qui rend possible la transmission et la survie de l’événement. C’est ainsi qu’il
veut donner une place à la fiction plus importante au niveau de vérité que celle du fait
historique. Mais ne abandonne-t-il pas le concept d’étique de la mémoire ? Il ne l’abandonne
7Karolle, Julia. Imre Kertész’s Fatelessness as Historical Fiction.
pas, mais il le reformule en affirmant que son étique de la mémoire est « The Human being
written in capital letters at its heart »8.
Ecrire l’être humain ne serait qu’une manière d’affirmer la nécessite de faire survivre la
mémoire d’une événement qui devient peu à peu un moment historique exceptionnel. En vue
que la mémoire des gens qui on vécu l’événement est en péril, l’écrivain doit traduire cette
mémoire intime (experiential memory9) dans une mémoire culturelle qui possibilité la survie
de la mémoire du rescapé. Le véhicule est la fiction.
C’est ainsi qu’Imre Kertész refuse de concevoir Auschwitz comme un moment fixe et
exceptionnel de l’histoire occidental et, qu’il propose dans son œuvre de penser Auschwitz
comme culture. Dans cette courant de pensée, Auschwitz est accepté comme héritage pour
ainsi l’intégrer dans le plus profond de l’humanité.
Concevoir les camps comme un phénomène culturel est un appel à la société occidentale à
créer des nouveaux principes éthiques. Kertész affirme dans L’Holocauste comme culture :
« To be able to survive, a society has to keep alive and constantly renew its knowledge, its
awernes of itself, and its own conditions. And if a society decides to mantain the dark
obsequies for the Holocaust as an indispensable élément of this awerness, this décision is not
based on some kind of conmmiseration or regret but on a vital value judgment. The
Holocaust is a value in itself because it has led – over un-mesurable tragedy – to
unfranthomable knowledge and thus holds unmeasurable moral resources ».
Pour l’auteur, le fait de prendre Auschwitz comme source d’inspiration, comme phénomène
créatif et comme producteur de culture est une manière de compenser une réalité qui ne peut
être réparé. C’est donc par son caractère cathartique et de surmontement que la fiction de
l’Holocauste doit être prise comme quelque chose de sérieux.
En conclusion, nous avons constaté dans un premier temps que par la forme, la
perspective et la structure du roman, l’auteur développe la problématique de la liberté de
l’individu dans des systèmes totalitaires au point que le texte devient une mimesis du
totalitarisme. Ensuite les notions de destin et d’ « être sans destin » nous sont amené à voir le
rapport entre la problématique de l’identité face au déterminisme et le parcours de
reconnaissance mené par le personnage. Finalement, cette reconnaissance et la figure centrale
de l’imagination nous ont amené dans la poétique de Kertész, l’authenticité de la fiction et son
projet de concevoir Auschwitz comme phénomène culturel. Bien que Kertész n’explose pas
8 Jagow, Bettina von. Representing the Holocaust, Fatelessness, and la vita è bella9 Assmann, Aleida, citation dans Representing the Holocaust.
complètement les barrières de la littérature, la philosophie de l’existence traitée dans toute
l’analyse joue avec les limites de la littérature, avec la notion d’authenticité. De même, on met
en question l’effectivité de la subjectivité à propos de l’effet chez le lecteur. En fait, c’est
comme si nous ne pouvions pas délimiter entre fiction, vérité, réalité, biographie et
imagination. C’est peut être l’expérience limite des camps qui met en péril les limites de ces
notions.
Bibliographie
O. Vasvari, Louise ; Tötösy de Zpentnek, Steven. Imre Kertész and Holocaust
Literature. West Lafayet, Pardue UP, 2005.
Ricœur, Paul. Parcours de la Reconnaissance. Ed. Stock, 2004.
Kertész, Imre.
Etre sans destin. Trad. Natalia Zarembra et Charles Zaremba. Actes Sud, 1998.
Un autre. Chronique d’une métamorphose. Trad. Natalia Zaremba et Charles
Zaremba. Arles, Actes Sud, 1999.
Eureka ! the 2002 Nobel Lecture. Trad. Ivan Sanders. World Literature Today 77.1,
2003 : 4-8
Galyanaplo : extraits. Trad. Tim Wilkinson. Imre Kertész and Holocaust Literature.
West Lafayet, Pardue UP, 2005.