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aVOCATS sANS f RONTIĂRES
Etude de jurisprudence
lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
mars 2009
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Il va de soi que le contenu de ce rapport nâengage quâ Avocats Sans FrontiĂšres, et quâil ne reflĂšte pas nĂ©cessairement le point de vue du bailleur de fonds.
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TABLE DES MATIĂRES
PRĂFACE - 7
Introduction : Les fondements de lâapplication du Statut de Rome en RDC 13
1. La rĂ©ception des traitĂ©s dans lâordre juridique congolais 14
2. Lâapplication directe du Statut de Rome par les tribunaux nationaux 18
3. La hiérarchie des normes 2020
CHAPITRE 1 LES CRIMES CONTRE LâHUMANITĂ ET LES CRIMES DE GUERRE - 22025
1.1 Les crimes contre lâhumanitĂ© 20 25
1.1.1 DĂ©finition des crimes contre lâhumanitĂ© 2026
A. Le Statut de la CPI 26
B. Le Code pénal militaire de la RDC - 2026
1.1.2. Les éléments constitutifs généraux - 27
A. Le contexte : une « attaque généralisée ou systématique » - 28
B. Lancée contre la population civile - 34
C. La connaissance de cette attaque et lâintention dây participer - 36
1.1.3. Les crimes contre lâhumanitĂ© par meurtre â Ă©lĂ©ments constitutifs - - 38
A. Le Statut de la CPI, les « Eléments des Crimes » et la jurisprudence des TPI - 38
B. Le Code pénal militaire congolais - 40
C. La jurisprudence des tribunaux congolais - 40
1.1.4. Les crimes contre lâhumanitĂ© par viol â Ă©lĂ©ments constitutifs -42
A. Le Statut de la CPI et les « Eléments des Crimes » - 42
B. La jurisprudence des tribunaux congolais - 44
1.2. Les crimes de guerre - 48
1.2.1 DĂ©finition des crimes de guerre - 48
A. Le Statut de la CPI - 48
B. Le Code pénal militaire de la RDC - 48
1.2.2. Les éléments constitutifs généraux - 50
A. Le contexte : un conflit armé interne ou international - 50
B. La connaissance de lâexistence dâun conflit armĂ© - 59
C. Contre des personnes ou des biens protégés - 60
1.2.3. Crimes de guerre par meurtre - 64
1.2.4. Crimes de guerre par viol - 68
1.2.5. Crime de guerre par recrutement dâenfants dans des forces ou groupes armĂ©s - 70
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CHAPITRE 2 RESPONSABILITĂ PĂNALE, CAUSES DâEXONĂRATION,
ET CIRCONSTANCES ATTĂNUANTES OU AGGRAVANTES 72
2.1. La responsabilité pénale des supérieurs hiérarchiques - 72
2.1.1. Selon le Statut de Rome, la jurisprudence des TPI, et le
Code pénal militaire congolais 72
A. Le Statut de Rome 72
B. La jurisprudence des tribunaux pénaux internationaux 74
C. Le Code pénal militaire congolais 75
-2.1.2. La jurisprudence des juridictions militaires congolaises 76
2.2. Les motifs dâexonĂ©ration de la responsabilitĂ© pĂ©nale - 86
2.2.1. Selon les principes du droit pénal, du Statut de Rome et du
Code pénal militaire congolais - 86
A. Les principes de droit pénal - 86
B. Le Statut de Rome - 88
C. Le Code pénal militaire congolais - 89
2.2.2. La jurisprudence militaire congolaise - 90
2.3. Les circonstances attĂ©nuantes (causes dâexcuse) ou aggravantes - 93
2.3.1. Le Statut de Rome et la jurisprudence des TPI - 93
2.3.2. Le droit pénal militaire - 94
2.3.3. La jurisprudence militaire congolaise - 94
CHAPITRE 3 LA RESPONSABILITĂ CIVILE DE LâETAT - 96
3.1. Selon le Statut de Rome, les normes internationales, et le droit congolais 96
3.1.1. Le Statut de Rome et les normes internationales - 96
3.1.2. La législation congolaise : le Code civil - 97
3.2. La jurisprudence des Cours et tribunaux militaires - 98
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS GĂNĂRALES - 106
REMERCIEMENTS - 110
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ANNEXE 1
PRĂSENTATION DES AFFAIRES ĂTUDIĂES (par ordre alphabĂ©tique) - 111
ANNEXE 2
CONSTITUTIONS DE LA RDC (EXTRAITS) - 125
Acte Constitutionnel de la transition (1994) - 126
DĂ©cret-loi de la RDC 28 mai 1997 - 126
DĂ©cret- Loi 1998 - 127
Constitution de la transition de la République démocratique du Congo (2003) 129
Constitution de la République démocratique du Congo (février 2006 - 129
ANNEXE 3
STATUT DE ROME (EXTRAITS) - 130
ANNEXE 4
Tableau récapitulatif des recommandations relatives
Ă lâapplication du Statut de Rome par les juridictions congolaises 138
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e MANDAT DâAVOCATS SANS FRONTIĂRES
Avocats Sans FrontiĂšres est une organisation non-gouvernementale internationale composĂ©e principalement dâavocats et de juristes mais aussi de toute autre personne intĂ©ressĂ©e, qui se donne pour mission de contribuer Ă la rĂ©alisation dâune sociĂ©tĂ© juste et Ă©quitable, dans laquelle le droit est au service des groupes et individu les plus vulnĂ©rables.
Au niveau local et international, Avocats Sans FrontiĂšres a pour objectifs :
âą Dâassurer une aide juridique efficace eteffective pour les groupes les plus vulnĂ©rables au sein de la sociĂ©tĂ© et contribuer Ă la rĂ©alisation dâun systĂšme de droit qui est capable de protĂ©ger rĂ©ellement ces groupes;
âą De promouvoir le respect des droitsfondamentaux, universels de lâhomme et, en particulier, du droit Ă la dĂ©fense et Ă un procĂšs Ă©quitable;
⹠De promouvoir la responsabilité et «accountability » des acteurs publics notamment, mais aussi des acteurs privés, dans la sphÚre économique et sociale;
âą DetravaillerĂ larĂ©ductiondelapauvretĂ©parlâaccĂšs des populations Ă une justice sociale dans lâesprit dâune redistribution internationale des ressources et des compĂ©tences.
Pour plus dâinformation, veuillez consulter le site internet dâAvocats Sans FrontiĂšres www.asf.be
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7
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PRĂFACE
I. Contexte
A lâheure actuelle en RĂ©publique dĂ©mocratique du Congo (RDC), pour tout contentieux
relatif Ă des crimes dits internationaux (crime de guerre, crime contre lâhumanitĂ© et crime
de génocide), seuls les Tribunaux militaires de garnison (TMG), les Cours Militaires (CM)
et la Haute Cour Militaire sont compĂ©tentes1. MĂȘme si le prĂ©venu est civil, il sera jugĂ© par les
juridictions militaires.
Avant 2002, date oĂč la RDC est devenue Partie au Statut de Rome instituant la Cour pĂ©nale
internationale (CPI), les juridictions militaires sâappuyaient uniquement sur les dispositions
des articles du titre V du Code pénal militaire pour juger de tels crimes. Il aura fallu attendre
2006, pour que des magistrats congolais invoquent les dispositions du Statut de Rome dans
leur jugement, comme les y invite le droit constitutionnel national qui prévoit que « les traités
et accords internationaux rĂ©guliĂšrement conclus ont [âŠ]une autoritĂ© supĂ©rieure Ă celle des lois [âŠ]2 ».
Câest ici lâoccasion de se rĂ©jouir dâune telle avancĂ©e dans la pratique des juridictions internes,
synonyme dâĂ©volution positive de la jurisprudence en matiĂšre de crimes internationaux. A
cet effet, on peut citer lâaffaire Songo Mboyo, qui a permis aux juges dâadopter une vision
progressiste du viol en tant que crime de guerre, par une interprétation plus large car étendue
aux victimes hommes, que celle prévue par le droit congolais.
Lâapplication directe dâun instrument international par des juges nationaux reste nĂ©anmoins
source de défis, liés en ce qui concerne le Statut de Rome à la complexité du droit international
pĂ©nal et Ă lâapplication malaisĂ©e de lâensemble de son corpus de concepts et de rĂšgles au
contexte si particulier de la RDC ; pays ravagĂ© par plusieurs guerres successives oĂč sont entrĂ©s
en jeu une myriade de forces et groupes armés. Si nombre de décisions reflÚtent les efforts et
le niveau remarquable de compréhension de la matiÚre et de maßtrise de la jurisprudence des
tribunaux internationaux ad hoc, lâon ne peut occulter certaines faiblesses liĂ©es :
ïżœ Aux irrĂ©gularitĂ©s qui entachent le processus dâintĂ©gration du TraitĂ© dans lâordre
juridique interne et Ă lâabsence dâune loi de mise en Ćuvre du Statut de Rome pour
résoudre les problÚmes de hiérarchie des normes en cas de conflits de lois. Ainsi,
1 Selon lâarticle 104 du Code de justice militaire, la compĂ©tence personnelle des juridictions militaires est dĂ©terminĂ©e par la qualitĂ© et le grade que porte le justiciable au moment de la commission des faits incriminĂ©s ou au moment de sa comparution. Si le prĂ©venu est civil, il sera jugĂ© par le TMG en premiĂšre instance et par la CM en cas dâappel de la dĂ©cision. Si le prĂ©venu est un militaire, il sera justiciable suivant le mĂȘme schĂ©ma que prĂ©cĂ©demment, Ă moins quâil nâait un certain grade. Dans cette hypothĂšse, la CM ou la Haute Cour militaire sont compĂ©tentes en premiĂšre instance. Pour le dĂ©tail des rĂšgles de compĂ©tences des juridictions militaires liĂ©es au grade, voir les articles 120 Ă 122 du Code de justice militaire.2 Article 215 de la Constitution de la RĂ©publique DĂ©mocratique du Congo du 18 fĂ©vrier 2006, Journal Officiel numĂ©ro spĂ©cial du 18 fĂ©vrier 2006 (« Constitution de 2006 »).
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en matiĂšre dâincriminations, il existe de nombreuses disparitĂ©s entre les crimes de
guerre et crimes contre lâhumanitĂ© dĂ©finis par le Statut et ceux contenus dans le droit
pénal militaire congolais.
ïżœ A lâexposĂ© lacunaire des raisonnements des magistrats dans les jugements. Peu de
dĂ©cisions font montre dâune motivation juridique suffisante au regard de la gravitĂ©
des crimes commis. Le plus souvent, les magistrats omettent de transposer les
Ă©lĂ©ments constitutifs des incriminations aux faits de lâespĂšce, lorsquâils ne font pas
complĂštement lâimpasse sur les critĂšres constitutifs du crime.
ïżœ Au problĂšme du dĂ©faut de confrontation des Ă©lĂ©ments de preuve aux faits sous examen.
En rĂ©alitĂ©, les tribunaux et Cours nĂ©gligent dâanalyser chaque piĂšce Ă conviction afin
dâen juger de sa valeur probante. ParallĂšlement, ils oublient de prĂ©senter les preuves
qui ont Ă©tĂ© utiles pour fonder leur dĂ©cision. Quâil sâagisse par exemple dâun meurtre
constitutif dâun crime de guerre ou dâun crime contre lâhumanitĂ©, peu de jugements
identifient formellement les éléments de preuves retenus pour établir le décÚs,
rechercher ses causes, et identifier lâauteur des faits.
Lâabsence dâune loi de mise en Ćuvre du Statut de Rome visant Ă harmoniser les dispositions
nationales et internationales, le manque de qualification et dâindĂ©pendance des acteurs
judiciaires sur une matiÚre aussi complexe que le droit international pénal et le manque de
ressources tant matĂ©rielles, financiĂšres, quâhumaines pour conduire Ă bien des procĂ©dures
complexes, sont autant de facteurs responsables de ces Ă©cueils.
Ces faiblesses constituent de réels obstacles à la bonne application des dispositions du Statut
de Rome par ces magistrats militaires congolais, qui doivent, au vu des décisions examinées
au cours de la prĂ©sente Ă©tude, ĂȘtre encouragĂ©s dans leurs efforts menĂ©s dans la lutte contre
lâimpunitĂ© et aidĂ©s pour que celle-ci soit efficacement menĂ©e, grĂące Ă la mise en Ćuvre de
solutions adaptées à la hauteur du combat.
Afin de remĂ©dier Ă ces difficultĂ©s il est indispensable quâun certain nombre de mesures
concrĂštes soient prises, telles que lâadoption dâune loi de mise en Ćuvre du Statut de Rome,
le transfert aux juridictions civiles du contentieux en matiĂšre de crimes internationaux3, la
formation et lâoctroi de ressources adĂ©quates aux magistrats. Ces mesures devraient ĂȘtre
prises dans les plus brefs dĂ©lais, grĂące Ă lâappui des autoritĂ©s congolaises ainsi que de la
communauté internationale.
3 Ce transfert de compétence est prévu tant dans le projet de loi de 2005 que dans la proposition de loi de mars 2008.
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II. Objectif de lâĂ©tude :
Avocats Sans FrontiĂšres a dĂ©cidĂ© de mener cette Ă©tude de jurisprudence afin de (dâ):
ïżœ identifier les dĂ©fis et problĂšmes auxquels sont confrontĂ©s les magistrats dans
lâexercice de leur fonction de juges du contentieux relatif aux crimes internationaux ;
ïżœ fournir une analyse dĂ©taillĂ©e des lois et de la pratique judiciaire en RDC relative Ă la
répression des crimes internationaux ; notamment en exposant les raisonnements
des juges lorsquâils qualifient ou non des faits infractionnels de crimes
internationaux et lorsquâils recourent aux dispositions du Statut de Rome et autres
textes complĂ©mentaires de lâarsenal juridique de la CPI (ElĂ©ments de crimes et RĂšglement
de procédures et de preuves) ;
ïżœ permettre Ă la communautĂ© professionnelle des juges, juristes, acadĂ©miciens,
Ă©tudiants et membres des barreaux, ainsi quâaux autoritĂ©s concernĂ©es, de bĂ©nĂ©ficier
dâune meilleure comprĂ©hension des lois, rĂšgles de procĂ©dures, et jurisprudence, dans
le domaine du droit international pénal en RDC ;
ïżœ prĂ©senter des recommandations afin de promouvoir lâamĂ©lioration des capacitĂ©s du
systÚme judicaire et de la qualité des décisions rendues en RDC, particuliÚrement
en matiĂšre de crimes internationaux. Ces recommandations visant Ă proposer des
moyens de redresser les faiblesses constatĂ©es concernent notamment lâadoption
dâune loi de mise en Ćuvre, la formation des juges, et la distribution de ressources
adéquates au secteur de la justice.
III. MĂ©thodologie
Avocats Sans FrontiĂšres (ASF) est une ONG internationale qui a pour mission de contribuer Ă
la rĂ©alisation dâune sociĂ©tĂ© juste et Ă©quitable dans laquelle le droit est au service des groupes
et individus les plus vulnérables. Présente en RDC depuis 2002, en 2005 ASF a mis en place
un vaste programme de Justice internationale et transitionnelle afin dâapporter :
ïżœ un renforcement des capacitĂ©s et des compĂ©tences des acteurs congolais jouant un
rÎle dans les poursuites judiciaires menées dans le pays et devant la CPI contre les
auteurs prĂ©sumĂ©s de crimes internationaux (formation dâavocats, de magistrats,
dâONG et organisation de tables-rondes) ;
ïżœ une aide juridique par le biais dâun soutien du travail des ONG et autres organismes
de la société civile congolaise au profit des victimes de crimes internationaux, en vue
de renforcer lâexercice de leurs droits devant les juridictions congolaises et devant la
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CPI (encadrement et assistance juridiques des organismes qui font le lien entre les
victimes et les avocats) ;
ïżœ une assistance judiciaire au profit des victimes et/ou prĂ©venus des crimes
internationaux devant les juridictions congolaises.
Pour la conduite de la prĂ©sente Ă©tude, ASF sâest fondĂ©e sur lâensemble des textes de lois
congolais, les décisions pertinentes des cours et tribunaux militaires congolais, les
instruments juridiques de la CPI, les grands principes du droit international pénal, et sur la
jurisprudence des tribunaux pénaux internationaux.
De maniÚre synthétique, il a été procédé à :
ïżœ la lecture des diffĂ©rents jugements nationaux relatifs aux crimes internationaux et
textes de lois nationaux y afférent ;
ïżœ lâanalyse des dĂ©cisions des tribunaux militaires congolais du point de vue de leur
qualité juridique ;
ïżœ des recherches et entretiens sur le terrain, en vue (i) dâidentifier les points de droit
pénal congolais et droit international pénal qui posent un problÚme aux juges et/
aux avocats, et (ii) de rédiger les recommandations nécessaires pour remédier
aux difficultĂ©s nĂ©es de lâapplication des dispositions du Statut de Rome devant les
juridictions congolaises ;
ïżœ des recherches juridiques sur le droit congolais, le droit international pĂ©nal, et la
jurisprudence des juridictions internationales en matiĂšre de crimes internationaux.
Il est important de souligner que cette étude concerne les décisions qui ont été rendues
jusquâen juillet 2008 et qui ont pu ĂȘtre accessibles au chercheur car dactylographiĂ©es
et susceptibles de faire lâobjet dâune levĂ©e copie. Les dĂ©cisions postĂ©rieures Ă cette date
(jusquâen janvier 2009) sont signalĂ©es Ă titre de renseignement dans lâannexe 1 relative Ă la
présentation des affaires étudiées.
En introduction, lâĂ©tude sâattachera Ă exposer les fondements de lâapplication du Statut
de Rome en RDC, dans le cadre de laquelle la rĂ©ception des traitĂ©s dans lâordre juridique
congolais, lâapplication directe du Statut par les tribunaux nationaux, et la hiĂ©rarchie
des normes seront adressĂ©es. Lâanalyse de la maniĂšre dont les juridictions militaires
congolaises ont concrÚtement appliqué le Statut de Rome dans leurs décisions sera abordé
dans un premier chapitre. Le deuxiÚme chapitre sera quant à lui consacré aux questions
liĂ©es Ă la responsabilitĂ© pĂ©nale, aux causes dâexonĂ©ration et aux circonstances attĂ©nuantes
ou aggravantes. Enfin, la responsabilitĂ© civile de lâEtat sera prĂ©sentĂ©e dans un troisiĂšme
chapitre.
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
Pour chacun de ces chapitres, une analyse des dispositions pertinentes du Statut de
Rome, de la jurisprudence des Tribunaux pénaux internationaux (TPI), et du droit et de la
jurisprudence congolais en la matiĂšre a Ă©tĂ© entreprise. LâĂ©tude se termine par une conclusion
générale comprenant un certain nombre de recommandations.
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
INTRODUCTION : LES FONDEMENTS DE LâAPPLICATION DU STATUT DE ROME EN RDC
AprÚs avoir été le terrain de nombreuses guerres successives depuis 1994, la RDC fait face aux
défis de la reconstruction. Or reconstruire un Etat de droit suppose, entre autres, de mettre
fin Ă lâimpunitĂ©. Depuis janvier 2006, certains tribunaux militaires congolais, confrontĂ©s au
contentieux des crimes internationaux, ont dĂ©cidĂ© dâappliquer les dispositions du Statut de
Rome en lieu et place du Code pénal militaire national. Le Tribunal Militaire de Garnison
(TMG) de Mbandaka a été la premiÚre juridiction à suivre cette voie dans un jugement avant
dire droit et portant précisément sur cette question (Mutins de Mbandaka)4. Ce raisonnement
pionnier a Ă©tĂ© confirmĂ© par la dĂ©cision sur le fond5 et en appel6. LâapplicabilitĂ© directe du
Statut a de nouveau Ă©tĂ© prononcĂ©e par ce mĂȘme tribunal en avril 2006 (affaire Songo Mboyo )7
et confirmĂ©e en appel devant la Cour Militaire (CM) de lâEquateur8. A la mĂȘme pĂ©riode, le
TMG de lâIturi sâengageait sur cette voie dans les affaires Bongi9, Kahwa10 et Bavi11 et voyait sa
démarche confirmée en appel par la Cour Militaire de la Province Orientale dans les affaires
Bavi12 et Kahwa13.
A la lumiÚre de ces décisions et des dispositions juridiques pertinentes, il convient de revenir
sur les conditions et les Ă©tapes requises pour invoquer et appliquer directement le Statut de
Rome devant les juridictions congolaises et dâexaminer si celles-ci ont Ă©tĂ© respectĂ©es par
les juges. Pour ce faire, il appartenait aux tribunaux et cours de vérifier si le Statut de la
Cour pĂ©nale internationale (CPI) a Ă©tĂ© intĂ©grĂ© dans lâordre juridique interne, si les provisions
contenues dans ce traité sont directement applicables et invocables devant les tribunaux et,
si en cas de conflit entre ces dispositions et la législation nationale, la hiérarchie des normes
leur accorde une position supérieure à la norme nationale.
4 TMG de Mbandaka, Affaire Mutins de Mbandaka, 12 janvier 2006, RP 086/05.5 TMG de Mbandaka, Affaire Mutins de Mbandaka, 20 juin 2006, RP 086/05 - RP 101/06. 6 CM de lâEquateur, Affaire Mutins de Mbandaka, 15 juin 2007, RPA 615/2006,7 TMG de Mbandaka, Affaire Songo Mboyo , 12 avril 2006, RP 084/05.8 CM de lâEquateur, Affaire Songo Mboyo , 7 juin 2006, RPA 014/06.9 TMG de lâIturi, Affaire Bongi, 24 mars 2006, RP 018/06.10 TMG de lâIturi, Affaire Kahwa, 2 aoĂ»t 2006, RP 039/06.11 TMG de lâIturi, Affaire Bavi, 19 fĂ©vrier 2007, RP 101/06.12 CM de la Province Orientale, Affaire Bavi, 28 juillet 2007, RP 101/06 â RPA 003/07. Le jugement ne contient pas de motivation concernant lâapplication directe du Statut de Rome mais invoque lâarticle 8 du Statut de Rome, relatif aux crimes de guerre, pour fonder sa dĂ©cision.13 CM de la Province Orientale, Affaire Kahwa, 28 juillet 2007, RP 039/06 â RPA 023/07.
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
1. La rĂ©ception des traitĂ©s dans lâordre juridique congolais
En ce qui concerne la procédure par laquelle la RDC est devenue Partie au Statut de Rome, il
convient de rappeler quâelle a signĂ© ledit instrument le 8 septembre 2000 et un « DĂ©cret-loi n°
003/2002 autorisant la ratification du Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale »14 a été émis
par le Président de la République le 30 mars 2002. Le dépÎt des instruments de ratification
est quant Ă lui intervenu le 11 avril 200215.
La République démocratique du Congo, en tant que pays généralement classé parmi les Etats
Ă tendance moniste, nâexige aucune loi de transposition pour quâun traitĂ© acquiĂšre la qualitĂ©
de norme juridique au niveau national16. Les constitutions et autres textes fondamentaux
successivement adoptés depuis 1994 ont presque tous prévu que les traités et accords
internationaux rĂ©guliĂšrement conclus ont, dĂšs leur publication, une autoritĂ© supĂ©rieure Ă
celle des lois17. Aussi la Constitution de 2006, en son article 215, ne déroge pas à la rÚgle18.
En vertu de cette disposition et de celles qui lâont prĂ©cĂ©dĂ©e, il faut donc, pour dĂ©terminer si
le Statut de Rome a bien Ă©tĂ© reçu dans lâordre juridique de la RDC, analyser si le traitĂ© a Ă©tĂ©
ratifié par les autorités congolaises compétentes, si le Statut a été publié au Journal Officiel, et
si le traitĂ© a fait lâobjet dâune application rĂ©ciproque.
Toutefois, et sans entrer ici dans des dĂ©tails techniques, lâon peut constater que les juges ne
se sont pas attachés à vérifier scrupuleusement le respect de ces conditions. Les dispositifs
et motivations des décisions susmentionnées restent souvent trÚs laconiques.
En ce qui concerne la légalité de la ratification, les juridictions militaires congolaises se
sont limitées à citer le Décret-loi du 30 mars 2002 du Président de la République autorisant
la ratification du Statut19, sans vérifier sa conformité avec les dispositions constitutionnelles
14 DĂ©cret-loin°003/2002du30mars2002autorisantlaratificationduStatutdeRomedelaCourPĂ©naleInternationale du 17 juillet 1998, Journal Officiel du 5 dĂ©cembre 2002 (numĂ©ro spĂ©cial « Instruments internatio-nauxetrĂ©gionauxrelatifsauxdroitsdelâhommeratifiĂ©sparlaRĂ©publiquedĂ©mocratiqueduCongo»).15 LâinstrumentderatificationaĂ©tĂ©dĂ©posĂ©le11avril2002(http://www.icc-cpi.int/asp/statesparties/country&id=5.html). 16 Traditionnellement en matiĂšre de droit des traitĂ©s, la doctrine opĂšre une distinction entre les Etats Ă tendance moniste et ceux qui ont optĂ© pour un systĂšme dualiste. Dans un rĂ©gime dualiste, lâordre national et lâordre international constituent deux sphĂšres juridiques distinctes. Une transposition du contenu du traitĂ© par le biais dâune loi est nĂ©cessaire Ă son incorporation dans lâordre interne. En revanche, dans un systĂšme moniste, lâordre juridique est perçu comme un ensemble sans quâil nâexiste de distinction entre droit national etdroitinternational.LestraitĂ©sratifiĂ©ssontdirectementincorporĂ©sdanslâordreinternesansquâaucuneloide transposition ne soit requise. Le TMG de lâIturi dans lâaffaire Blaise BongiaconfirmĂ©lâexistencedâunrĂ©gimemoniste avec primautĂ© du droit international en RDC (dĂ©cision du 24 mars 2006, op. cit.).17 Article 112 de lâActe constitutionnel de la transition (1994), article 193 de la Constitution de la transi-tion de la RĂ©publique DĂ©mocratique du Congo du 4 avril 2003, Journal Officiel numĂ©ro spĂ©cial du 5 avril 2003 (« Constitution de 2003 »), article 216 de la Constitution de la RĂ©publique DĂ©mocratique du Congo du 18 fĂ©vrier 2006, Journal Officiel numĂ©ro spĂ©cial du 18 fĂ©vrier 2006 (« Constitution de 2006 »).18 Lâarticle 215 de la Constitution dispose que « les traitĂ©s et accords internationaux rĂ©guliĂšrement conclus, ont dĂšs leur publication, une autoritĂ© supĂ©rieure Ă celle des lois, sous rĂ©serve pour chaque TraitĂ© ou accord, de son application par lâautre partie ».19 Tous les jugements analysĂ©s y font rĂ©fĂ©rence, Ă lâexception de lâarrĂȘt de la Cour militaire dans lâaffaire Ka-hwa qui omet de le citer et se fonde directement sur les articles du Statut (dĂ©cision du 28 juillet 2007, op.cit.)
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
en vigueur au moment de cette ratification. Seule référence fut faite à la Constitution de
200620, postérieure à la ratification.
Lâidentification des dispositions constitutionnelles pertinentes permettrait pourtant
dâidentifier qui, du PrĂ©sident, du gouvernement ou du Parlement, disposait du pouvoir de
ratifier un traité. Certains auteurs considÚrent en effet que la procédure suivie en le cas
dâespĂšce a violĂ© le droit congolais et que la ratification est irrĂ©guliĂšre en raison de lâabsence
dâautorisation parlementaire21.
Tant la Constitution de 2006 que celles de 1965 et de 1967, ainsi que lâActe constitutionnel de
la transition de 1994 obligeaient le Parlement à autoriser la ratification des traités de paix,
de commerce, ceux relatifs aux organisations internationales, au rĂšglement des conflits
internationaux, Ă lâĂ©tat des personnes, ceux qui engagent les finances publiques, modifient
les dispositions législatives ou comportent modification du territoire. A contrario, le Décret-loi
constitutionnel 003 du 28 mai 1997, « relatif Ă lâorganisation et Ă lâexercice du pouvoir en RĂ©publique
démocratique du Congo », abrogeait la Constitution de 1994 et reconnaissait en son article 29 au
PrĂ©sident le droit dâexercer seul le pouvoir exĂ©cutif et lĂ©gislatif par voie de dĂ©cret et dĂ©cret-loi.
Ce DĂ©cret-loi a tout de mĂȘme fait lâobjet dâune modification en 1998, qui imposait entre autres,
une autorisation parlementaire pour les accords relatifs aux organisations internationales
(art. 111). Dâaucuns considĂšrent toutefois que lâAssemblĂ©e constituante et lĂ©gislative qui devait par
ce DĂ©cret de 1998 assumer le pouvoir lĂ©gislatif nâa jamais existĂ©22, et quâen outre un nouveau
Décret-loi pris le 1er juillet 2001 conférait de nouveau la procédure de ratification au pouvoir
réglementaire23.
Comme lâon peut le voir, il est difficile pour les juristes congolais de se mettre dâaccord sur le
texte constitutionnel en vigueur au moment de la signature et de la ratification du Statut de
Rome. En lâabsence dâun consensus, il faut tout de mĂȘme relever que si la ratification du Statut
est irrĂ©guliĂšre, faute dâautorisation par le pouvoir lĂ©gislatif, lâarticle 153 de la Constitution
prévoit que « les Cours et tribunaux, civils et militaires, appliquent les traités internationaux dûment
ratifiĂ©s [âŠ] pour autant quâils soient conformes aux lois... ». Or Ă ce jour, aucun juge nâa Ă©cartĂ©
20 A lâexception du jugement avant-dire droit du TMG de Mbandaka qui renvoie Ă la Constitution de transi-tion de 2003 (dĂ©cision du 12 janvier 2006, op.cit.).21 Voir Ă ce sujet lâarticle de M. Wetshâokonda koso, « Le malaise soulevĂ© par lâapplication directe du Statut de Rome par le jugement n° RP 084/2005 du 12 avril 2006 du Tribunal Militaire de Garnison de Mbandaka », Revue « Horizons », n°2, 2006, p. 177-201 ; et la rĂ©ponse contradictoire de P. K. kambale, dans « Lâapplication du Statut de Rome Ă©tait-elle correctement faite ? Une brĂšve rĂ©plique Ă Marcel Wetshâokonda », Revue « Horizons », n°2, 2006, pp. 202-203.22 A la lecture de nombreux articles, il semblerait que cette AssemblĂ©e constituante et lĂ©gislative nâait jamais assumĂ© pleinement son mandat, laissant de fait le pouvoir lĂ©gislatif entre les mains du PrĂ©sident. Il semblerait dâailleurs que le dĂ©cret-loi de 1998 dans son ensemble nâait eu quâune existence virtuelle. En tĂ©-moignent les prĂ©parations au dialogue inter-congolais qui ne font rĂ©fĂ©rence quâau texte de 1997 sans citer les dispositionsconstitutionnelleslemodifiant.VoirainsilesconclusionsdelarĂ©uniondeBruxellesdes15,16,et 17 janvier 2002 « concertation informelle entre les composantes Opposition politique et Forces Vives aux nĂ©gociations politiques inter-congolais », disponible sur le site web : www.diplomatie.be/viennafr/posts/fr/press/homedetails.asp?TEXTID=6523 Selon P.K. kambale, op.cit., p. 202, lâarticle 5 du dĂ©cret-loi 096-200 du 1er juillet 2001 disposerait que le PrĂ©sident de la RĂ©publique « nĂ©gocie et ratifie les traitĂ©s et accords internationaux au nom de la RĂ©publique dĂ©mocratique du Congo. »
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
lâapplication du Statut de la CPI sur cette base. En tout Ă©tat de cause, la compĂ©tence pour
vĂ©rifier la rĂ©gularitĂ© de la ratification du Statut de Rome nâappartient pas aux juridictions
militaires congolaises. Le contrĂŽle de constitutionnalitĂ© dâun instrument international
relĂšve du mandat de la Cour SuprĂȘme congolaise24. Ainsi, si une des parties Ă un procĂšs
soulĂšve la question de la rĂ©gularitĂ© de lâacte de ratification, le tribunal militaire est obligĂ© de
renvoyer lâexception Ă la Cour SuprĂȘme25. Comme il existe en RDC « une forte prĂ©somption de
rĂ©gularitĂ© en faveur des lois publiĂ©es au Journal Officiel »26, il est peu probable quâune telle question
prĂ©judicielle soit posĂ©e Ă la Cour SuprĂȘme.
En ce qui concerne sa publication, le Statut de la CPI été publié dans le Journal Officiel de la
RDC le 5 décembre 200227, soit prÚs de huit mois aprÚs sa ratification. Or, à la lecture des
décisions citées, on constate que les juges ont presque toujours omis de vérifier si le Statut
avait déjà été publié dans le Journal Officiel au moment des faits incriminés28. La question a
pourtant une certaine importance puisquâen principe, les dispositions dâun traitĂ© ne sont
uniquement invocables Ă lâencontre de nationaux si elles leur ont Ă©tĂ© communiquĂ©es. Cette
question revĂȘt une importance particuliĂšrement cruciale lorsque les dispositions en cause
portent sur la criminalisation de comportements en droit interne. En théorie, le principe de
lĂ©galitĂ© impose quâon ne peut ĂȘtre condamnĂ© quâen vertu dâun texte prĂ©cis et clair, accessible
et prĂ©visible pour tous. Ce principe (Nullum crimen sine lege), sâil a Ă©tĂ© reconnu au niveau
international par la DĂ©claration Universelle des Droits de lâHomme (article 11.2) et par le Pacte
international relatif aux droits civils et politiques, a néanmoins connu des aménagements
en matiÚre de répression des crimes internationaux et a souvent été appliqué avec souplesse.
Bon nombre de pĂ©nalistes et juges considĂšrent quâon peut condamner les auteurs de tels
crimes en lâabsence de textes, sur base de lâexistence dâune coutume internationale Ă©rigeant
le comportement en crime.
Selon lâarticle 215 de la Constitution, un traitĂ© est supĂ©rieur Ă une loi « sous rĂ©serve pour
chaque TraitĂ© ou accord, de son application par lâautre partie. » Cette condition de rĂ©ciprocitĂ©, bien
quâinscrite dans une majoritĂ© des systĂšmes constitutionnels, doit ĂȘtre relativisĂ©e lorsquâil
sâagit de conventions multilatĂ©rales ou lorsque celles-ci portent sur le respect de normes
impĂ©ratives. En effet, sâil existe une logique Ă inclure une telle clause dans un pacte bilatĂ©ral
oĂč les droits et devoirs des Etats contractants sont Ă©troitement liĂ©s, la logique semble moins
admissible pour une entente entre la majoritĂ© des pays membres de lâONU. En outre, les
24 Voir lâarticle 160 de la Constitution qui dispose que « la Cour constitutionnelle est chargĂ©e du contrĂŽle de la constitutionnalitĂ© des lois et des actes ayant force de loi. » et lâarticle 76. §4 du Code Judiciaire Militaire congolais qui prĂ©voit que « [les juridictions militaires] sont incompĂ©tentes pour statuer sur la constitutionnalitĂ© des lois et des actes ayant force de loi. Les exceptions soulevĂ©es Ă cet effet sont portĂ©es devant la Cour SuprĂȘme de Justice qui statue, toutes af-faires cessantes, en tant que Cour Constitutionnelle. » .25 Lâarticle 162 de la Constitution dispose que « la Cour constitutionnelle est juge de lâexception dâinconstitutionna-litĂ© soulevĂ©e devant ou par une juridiction. ».26 Voir P.K.kambale, op.cit., p. 202.27 Journal Officiel de la RĂ©publique dĂ©mocratique du Congo, instruments internationaux et rĂ©gionaux relatifs auxdroitsdelâhommeratifiĂ©sparlaRĂ©publiquedĂ©mocratiqueduCongo,43Ăšme annĂ©e, numĂ©ro spĂ©cial du 5 dĂ©cembre 2002, pp. 169-243.28 Seuls les juges intervenus dans lâaffaire Bavi ont mentionnĂ© la date de publication du DĂ©cret-loi de 2002 (mais pas celle du Statut de Rome) au Journal Officiel de la RĂ©publique, TMG de lâIturi, dĂ©cision du 19 fĂ©vrier 2007, op.cit., feuillet 48.
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
instruments internationaux relatifs Ă la protection des droits humains dans leur ensemble
ne peuvent ĂȘtre Ă©cartĂ©s en vertu dâun manque de rĂ©ciprocitĂ©29. On considĂšre en effet que ces
conventions doivent ĂȘtre appliquĂ©es de façon objective par chaque Etat, indĂ©pendamment du
comportement des autres Etats Parties.
En gĂ©nĂ©ral, on substitue cette condition devenue obsolĂšte par le respect de lâexigence de
lâentrĂ©e en vigueur du traitĂ©. Bien que lâon sâabstienne dans ce cas de vĂ©rifier si le traitĂ© est
appliquĂ© in concreto par les autres membres, lâidĂ©e reste similaire : lâEtat en question ne veut
pas ĂȘtre le seul contraint dâappliquer le traitĂ© conclu. LâentrĂ©e en vigueur objective du traitĂ©
est donc souvent conditionnĂ©e Ă la signature dâun nombre minimum dâEtats.
Les rĂ©dacteurs du Statut de Rome ont ainsi prĂ©vu Ă lâarticle 126 quâil entrerait en vigueur « le
premier jour du mois suivant le soixantiÚme jour aprÚs la date de dépÎt du soixantiÚme instrument de
ratification⊠». Le seuil des 60 Etats ayant été atteint le 11 avril 2002, lors de la ratification
par la RDC et de neuf autres Etats, le Statut est effectivement entré en vigueur au niveau
international le 1er juillet 2002, obligeant ipso facto les Parties Ă lâexĂ©cuter de bonne foi. Les
jugements des juridictions militaires analysés dans le cadre de cette étude ne mentionnent
pas lâentrĂ©e en vigueur en droit international du Statut de Rome.
Enfin, si de nombreuses questions sur la lĂ©galitĂ© de lâintroduction du Statut de Rome dans
lâarsenal juridique se posent en thĂ©orie juridique ; en tout Ă©tat de cause, le fait quâaucune
irrĂ©gularitĂ© relative Ă lâadhĂ©sion de la RDC au Statut et Ă lâapplicabilitĂ© de ce dernier nâait Ă©tĂ©
soulevĂ©e devant la CPI peut ĂȘtre perçu comme un signe de consensus gĂ©nĂ©ral sur la validitĂ©
de la ratification intervenue en 2002. Ni le Procureur, ni les juges, ni les avocats des Parties
concernĂ©es nâont invoquĂ© de tels moyens dans le cadre des affaires actuellement pendantes
devant la Cour. Faire un Ă©tat des lieux des maladresses et autres omissions commises par les
juges permet uniquement de tirer les leçons en vue dâamĂ©liorer la rĂ©daction des dispositifs.
Ainsi, il est dâune importance cruciale au regard du fondement de leurs dĂ©cisions que les
juges citent dans le dispositif de ces jugements le Statut de Rome, en se référant au Décret-
loi n° 003/2002 du 30 mars 2002 autorisant la ratification, en présumant que la ratification
est rĂ©guliĂšre au regard des dispositions constitutionnelles en vigueur au moment oĂč elle a
eu lieu et en citant comme base légale, les Décrets-Lois constitutionnels de 1997 et 1998 et
non la Constitution de transition de 2003 ou celle de 2006.
En ce qui concerne lâimpĂ©ratif de publication, il est Ă©galement indispensable que les
décisions fassent état de la publication du Statut de Rome dans le Journal Officiel du 5
dĂ©cembre 2002 et comparent la date des faits de lâaffaire avec celle de la publication au
Journal Officiel pour dĂ©terminer lâapplicabilitĂ© du Statut.
29 Lâarticle 60 de la Convention de Vienne sur le droit des traitĂ©s (adoptĂ©e le 23 mai 1969), prĂ©voit une sus-pension dâapplication dâun TraitĂ© en cas de non-respect dâobligations conventionnelles par les autres Parties ; exception faite des dispositions relatives Ă la protection de la personne humaine.
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
2. Lâapplication directe du Statut de Rome par les tribunaux nationaux
La rĂ©ception dâun traitĂ© dans lâordre juridique interne doit ĂȘtre distinguĂ©e de son Ă©ventuelle
application par les juridictions nationales. Alors que la réception touche aux modalités
techniques et formelles de ratification/publication/entrée en vigueur qui laissent rarement la
place Ă des remarques interprĂ©tatives, la question de lâapplication directe est souvent source
de dĂ©bats. Au niveau international, les critĂšres qui permettent de dĂ©terminer lâapplication
immĂ©diate dâun traitĂ© ou de certaines de ses dispositions ne sont dâailleurs pas uniformisĂ©s
et leurs interprétations sont multiples.
Un principe de base domine cependant ces différences et controverses: celui du caractÚre
auto-exécutoire (self-executing) du traité30. Un instrument international est considéré comme
tel, lorsque la norme internationale est suffisamment claire et précise pour conférer
des droits ou des obligations aux particuliers dans lâordre juridique interne, sans que les
Etats nâaient Ă adopter de mesures dâexĂ©cution. Un traitĂ© revĂȘt donc cette qualitĂ© si deux
conditions cumulatives sont rĂ©alisĂ©es ; Ă savoir que le titulaire du droit doit ĂȘtre visĂ© par la
norme internationale (critĂšre personnel) et la norme doit ĂȘtre suffisamment prĂ©cise et claire
pour ne pas nĂ©cessiter de mesures nationales de mise en Ćuvre (critĂšre matĂ©riel).
Pour satisfaire au critĂšre matĂ©riel, lâinterprĂ©tation des dispositions du traitĂ© doit ĂȘtre aisĂ©e,
laissant une faible marge de manĆuvre dans la mise en Ćuvre du contenu de lâinstrument.
De telles dispositions sont ainsi qualifiĂ©es de self-sufficient, puisquâaucune mesure interne ou
loi de transposition nâest nĂ©cessaire Ă leur application31.
Pour satisfaire au critÚre personnel, un traité doit créer des droits et obligations dont les
individus peuvent se prĂ©valoir devant les juridictions internes. Les individus nâĂ©tant pas
traditionnellement considérés comme des sujets à part entiÚre du droit international, peu de
conventions internationales sont considérées ipso facto comme auto-exécutoires32. Selon de
nombreux auteurs, cette condition de subjectivitĂ© doit dâailleurs ĂȘtre relativisĂ©e33.
En application des principes dĂ©finis ci-dessus, mĂȘme si le Statut de Rome ne revĂȘt pas dans
30 Le caractĂšre self executing dâune convention internationale est une invention jurisprudentielle amĂ©ricaine. Voir J.A. FroWein, K. oellers-Frahm, âLâapplication des traitĂ©s dans lâordre juridique interneâ, p. 24, in LâintĂ©gra-tion du droit international et communautaire dans lâordre juridique interne, sous la direction de P.M. eisemann, La Haye, Kluwer Law International, 1996, 587p.31 Il est important de noter que cet examen « dâobjectivitĂ© » ne peut pas se faire Ă lâĂ©gard dâun traitĂ© pris danssonensemble.ChaquedispositionferalâobjetdâuntelcontrĂŽleafindedĂ©terminersielleestsuffisam-ment claire et prĂ©cise. A titre dâexemple, on peut faire rĂ©fĂ©rence Ă la Convention europĂ©enne des droits de lâhomme,dontcertainsarticlesontĂ©tĂ©reconnuscommeauto-suffisantsetdâautresnon.32 Puisque les traitĂ©s multilatĂ©raux sont conclus par des pays Ă tendances moniste et dualiste confondue, et quâils nâont jamais pour objectif de crĂ©er directement des droits et obligations directement applicables, cette condition semble quelque peu caduque. 33 Le critĂšre subjectif peut avoir son utilitĂ© pour les pays Ă tradition moniste, surtout lorsque des clauses explicites encourageant (ou empĂȘchant) lâapplication directe sont prĂ©vues par le traitĂ©. On peut par ailleurs prendre en considĂ©ration lâintention des rĂ©dacteurs du traitĂ©. Ainsi en fonction des termes employĂ©s, transpa-raĂźt le rĂŽle rĂ©servĂ© aux Etats et Ă ses tribunaux pour donner plein effet au TtraitĂ©.
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
son ensemble cette qualitĂ©, on peut toutefois prĂ©sumer quâun nombre non nĂ©gligeable de
dispositions ne requiert pas de mesures nationales de mise en Ćuvre. DĂšs lors quâun organe
juridictionnel - la Cour pénale internationale - a été institué pour poursuivre des personnes
sur la base des articles du Statut, sans autres mesures dâexĂ©cution, on peut considĂ©rer
lâinstrument comme auto-exĂ©cutoire. Sans aucun doute possible, une majoritĂ© des articles
est suffisamment claire et précise pour que la Cour puisse engager des procÚs équitables
dans des dĂ©lais raisonnables. Le Statut de Rome prĂ©voit en outre les peines quâencourent
les auteurs de crimes énoncés34. Cet instrument respecte donc le principe de la légalité des
crimes et des peines en matiÚre pénale, satisfaisant sur ce point les conditions de clarté et
de précision35.
Toutefois, il est indĂ©niable que lâentiĂšretĂ© de lâarsenal juridique de la CPI ne se prĂȘte pas Ă une
application directe par les juridictions nationales. On peut citer par exemple le RĂšglement de
procédure et de preuve de la Cour pénale internationale, établi pour les affaires pendantes
devant la Cour et non devant une juridiction nationale36. Adopté et entré en vigueur le 9
septembre 2002, il mentionne dâailleurs explicitement quâil « nâaffecte en rien les rĂšgles de procĂ©dure
quâapplique tout tribunal ou systĂšme juridique national dans le cadre de poursuites nationales37. » MĂȘme
si cet article tĂ©moigne de lâintention des Etats Parties de ne pas sâimmiscer dans les rĂšgles
de procĂ©dure nationale, il nâexclut pas, quâen cas de lacunes juridiques en droit interne, les
juges puissent sâinspirer du RĂšglement de procĂ©dure et de preuve. Câest dâailleurs ce quâa
fait le TMG de Mbandaka dans lâaffaire Songo Mboyo38. Il faut cependant garder Ă lâesprit que
contrairement au Statut, le RĂšglement nâa pas Ă©tĂ© « reçu » dans lâordre juridique congolais de
maniÚre spécifique. On peut donc se demander si, comme le Statut, il a force de loi en droit
congolais. Lâarticle 52 du Statut rĂ©pond Ă cette question en prĂ©cisant que « le RĂšglement de
procĂ©dure et de preuve entre en vigueur dĂšs son adoption par lâAssemblĂ©e des Etats parties ⊠». On peut
donc en dĂ©duire que lâadhĂ©sion au Statut implique lâacceptation du RĂšglement par un Etat
Partie. En est-il de mĂȘme des ElĂ©ments des crimes39 du Statut de Rome ? Dans lâaffaire Songo
Mboyo, le TMG de Mbandaka à livré une interprétation plus large du crime de viol (et plus
conforme aux Eléments des crimes) que celle inscrite dans le droit congolais. En effet, en droit
interne seul le viol commis sur une femme était incriminé, alors que les Eléments des crimes
prĂ©voient que les hommes comme les femmes peuvent ĂȘtre victimes de viol40.
34 Voir lâarticle 77 du Statut de Rome.35 Lâabsence de peine est un argument souvent invoquĂ© pour nier lâapplication directe des conventions re-latives au droit international pĂ©nal. A titre dâexemple, la Convention contre la torture demande explicitement aux Etats Parties dâadopter une loi de mise en Ćuvre prĂ©voyant la criminalisation de la torture et lâinscription dâune peine dans leur lĂ©gislation.36 Voir aussi lâarticle 88 du Statut de Rome, qui incite expressĂ©ment les Etats Parties Ă inclure dans leur lĂ©gislation des procĂ©dures facilitant la rĂ©alisation de la coopĂ©ration avec la Cour pĂ©nale internationale. 37 RĂšglement de procĂ©dure et de preuve (RPP), adoptĂ© par lâAssemblĂ©e des Etats Parties, New York, 9 sep-tembre 2002, Note explicative du titre, §2.38 TMG Mbandaka, Affaire Songo Mboyo, op.cit., p. 28.39 ElĂ©ments des crimes, adoptĂ© par lâAssemblĂ©e des Etats Parties Ă New York, le 9 septembre 2002 et entrĂ© en vigueur Ă la mĂȘme date (ICC-ASP/1/3). Lâon rappellera que lâarticle 9 du Statut de Rome dispose que les ElĂ©ments des crimes aident la Cour Ă interprĂ©ter et appliquer les articles 6, 7 et 8 (crimes de gĂ©nocide, crimes contre lâhumanitĂ© et crimes de guerre) et quâils sont explicitement considĂ©rĂ©s comme « conformes » au Statut.40 TMG de Mbandaka, Affaire Songo Mboyo, op.cit., p.27.
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
Aucun des jugements analysés dans le cadre de cette étude ne mentionne la vérification du
caractÚre auto-exécutoire du Statut de Rome. Dans presque toutes les affaires, les juridictions
mentionnent le Décret-loi de 2002 autorisant la ratification et se contentent de déclarer
lâapplicabilitĂ© directe des dispositions conventionnelles en se rĂ©fĂ©rant Ă lâarticle 153 de
la Constitution congolaise de 2006. Au terme de cet article, « les Cours et tribunaux, civils et
militaires, appliquent les traités internationaux dûment ratifiés⊠».
Par consĂ©quent, une rĂ©fĂ©rence au caractĂšre autosuffisant du Statut, et ce mĂȘme lorsque
la rĂ©ception du TraitĂ© dans lâordre interne a Ă©tĂ© mentionnĂ©e, se devrait dâĂȘtre prĂ©cisĂ©e
afin de renforcer la justification juridique du fondement des jugements. Il appartient en
outre aux juges de vĂ©rifier si, pour chaque article invoquĂ© (ou chaque ensemble dâarticles),
les conditions dâapplication directe sont remplies, et ce grĂące Ă lâexamen du caractĂšre
suffisamment clair et prĂ©cis de lâarticle.
3. La hiérarchie des normes
Comme nous venons de le voir, lorsquâun traitĂ© a dĂ»ment Ă©tĂ© reçu en droit interne et que
ses dispositions sont assez claires et prĂ©cises que pour ĂȘtre directement appliquĂ©es, les
tribunaux peuvent lâinvoquer. Il peut toutefois arriver que les dispositions dâun traitĂ© soient
en contradiction avec le droit interne dâun Etat Partie. On soulignera tout dâabord que, quelles
que soient les solutions adoptĂ©es par le droit interne pour rĂ©gler les conditions dâapplication
directe dâun traitĂ© par les juridictions nationales, celles-ci nâaffectent en rien le devoir de
lâEtat dâen assurer lâapplication, sous peine dâengager sa responsabilitĂ© internationale.
Le principe de la primauté du droit international sur le droit interne interdit en effet aux
Etats de se prévaloir de leur législation nationale pour ne pas exécuter leurs obligations
conventionnelles internationales. Ainsi, si lâEtat est libre de dĂ©terminer souverainement le
systĂšme juridique qui rĂšglera la relation entre le droit international et le droit interne, il nâen
demeure pas moins obligĂ©, sur le plan international, dâexĂ©cuter de bonne foi les dispositions
du traitĂ© en question, comme le confirme lâadage international « Pacta sunt servanda. »
Si lâon se rĂ©fĂšre aux textes constitutionnels de 2003 et de 2006, en vigueur lors de lâensemble
des procédures judiciaires ici sous étude, les traités dûment ratifiés, publiés, et entrés en
vigueur bĂ©nĂ©ficient dâune position supĂ©rieure Ă celle des lois internes mais infĂ©rieure Ă celle
de la Constitution41. En cas de conflit entre droit national et droit international, ce dernier
corpus a bien, en vertu des deux derniÚres constitutions congolaises, une position supérieure
dans la hiérarchie des normes congolaise.
En revanche, le DĂ©cret-loi constitutionnel de 1997, en vigueur au moment de la commission
41 Voir par exemple les articles 215 de la Constitution de 2006 et 193 de la Constitution de 2003.
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
de certains des faits étudiés, reste silencieux sur cette question. Si une juridiction décidait
de se rĂ©fĂ©rer Ă ce dĂ©cret, elle devrait dĂ©finir elle-mĂȘme la position des traitĂ©s internationaux
dans la hiérarchie des normes, et, pour ce faire, la juridiction pourrait se laisser guider par
les Constitutions de 2003 et de 2006, qui reprennent dâailleurs la mĂȘme hiĂ©rarchie que celle
de la Loi constitutionnelle de 1994. Cette position répétée et réaffirmée par les différents
actes constitutionnels pourrait pousser les juridictions à considérer que la RDC a posé ce
principe de hiérarchie des normes de façon coutumiÚre.
Lâargumentation qui fonde lâapplication directe du Statut de Rome en lieu et place de la
lĂ©gislation congolaise varie quelque peu dâune juridiction Ă lâautre. Lâexamen des dĂ©cisions
révÚle divers raisonnements fondant la supériorité du Statut de Rome sur le droit congolais.
Si certaines dĂ©cisions nâont aucunement abordĂ© la question du conflit des normes, comme
par exemple dans lâaffaire Kilwa42, la majoritĂ© dâentre elles ont explicitement fondĂ© leur
décision sur les dispositions constitutionnelles de 2006, qui accordent la primauté aux
traitĂ©s internationaux rĂ©guliĂšrement conclus et publiĂ©s43. Dans lâaffaire MILOBS, le TMG de
lâIturi a ainsi conclu que « le droit positif congolais a introduit dans son arsenal des lois le Statut de la
Cour Pénale Internationale, lequel devient désormais un instrument juridique faisant partie intégrante
de la législation pénale congolaise »44. Le TMG de Mbandaka a quant à lui fait référence à la
Constitution de transition de 2003 dans le jugement sur les mutins de Mbandaka45.
Par ailleurs, certains juges considĂšrent que ce sont les lacunes ou contradictions de la
législation congolaise qui justifient le recours aux dispositions du Statut de Rome. En matiÚre
dâincriminations, il existe des divergences importantes entre le Statut et le droit pĂ©nal militaire
congolais quant Ă la dĂ©finition des crimes de guerre et des crimes contre lâhumanitĂ©. Lâarticle
166 du Code pĂ©nal militaire congolais intĂšgre Ă la dĂ©finition des crimes contre lâhumanitĂ©
un grand nombre des incriminations constitutives de crimes de guerre dans le Statut de
Rome46. Dans lâaffaire des mutins de Mbandaka, le Tribunal a ainsi notĂ© que le Code pĂ©nal
militaire « entretient une confusion entre le crime contre lâhumanitĂ© et le crime de guerre qui du reste est
clairement défini par le Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale »47. Dans son jugement avant
dire droit dans lâaffaire Songo Mboyo, le mĂȘme Tribunal a de nouveau constatĂ© les divergences
entre la dĂ©finition du crime contre lâhumanitĂ© inscrite dans le Statut et celle du Code pĂ©nal
militaire48. Quant Ă la dĂ©finition des crimes de guerre, telle que posĂ©e par lâarticle 173 du
Code pĂ©nal militaire, elle est si Ă©loignĂ©e de celle du Statut, quâelle nâa aucun rapport avec
42 CM du Katanga, Affaire Kilwa, 28 juin 2007, RP 010/2006, p. 30. La Cour militaire sâest contentĂ©e de se rĂ©fĂ©rerauStatutdeRomesansciterlesdispositionsconstitutionnellesoulesprincipesquijustifientsonap-plication. Voir Ă©galement les dĂ©cisions de la Cour Militaire de la Province Orientale dans les affaires Kahwa et Bavi. 43 Par exemple, le TMG de lâIturi se fonde pour chacun de ses jugements sur la Constitution de 2006. Voir notamment lâaffaire Kahwa, 2 aoĂ»t 2006, op.cit., feuillet 24 et lâaffaire Milobs, 19 fĂ©vrier 2007, RP 103/2006, p. 11.44 TMG de lâIturi, Affaire Milobs, op.cit. , p. 11.45 TMG de Mbandaka, Affaire Mutins de Mbandaka, 20 juin 2006, p. 16.46 Article 166 de la Loi n°024/2002 du 18 novembre 2002 portant Code PĂ©nal Militaire, Journal Officiel numĂ©ro spĂ©cial du 20 mars 2003 (« Code PĂ©nal Militaire). Voir infra, chapitre I. 47 TMG de Mbandaka, Affaire Mutins de Mbandaka, 20 juin 2006, op.cit., p. 16.48 TMG Mbandaka, Affaire Songo Mboyo, 12 avril 2006, op.cit., p. 12.
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
celle retenue dans les principaux instruments de droit international humanitaire49. Tant le
TMG de Mbandaka50, que celui de lâIturi, ont constatĂ© lâexistence de ce conflit des normes.
Dans lâaffaire Bavi, les juges militaires de lâIturi se sont appuyĂ©s sur la Constitution de 2006
et sur les décisions précédemment rendues par les juridictions militaires pour écarter les
dispositions pénales nationales et pour appliquer « en toute sécurité les dispositions essentielles
du Statut de Rome sur les crimes contre lâhumanitĂ© et les crimes de guerre»51. En outre, le Code pĂ©nal
militaire omet certains actes qualifiĂ©s de crimes contre lâhumanitĂ© par le Statut, comme les
disparitions forcĂ©es52, ou constitutifs de crimes de guerre, comme le recrutement dâenfants-
soldats et lâhomicide intentionnel53.
En matiÚre de peines, des questions importantes de hiérarchie des normes se posent
également. Le Code pénal militaire ne prévoit aucune peine en cas de crimes de guerre. Afin
de pallier Ă cette « omission », des juges pragmatiques ont choisi dâappliquer le Statut de
Rome. Ainsi, dans lâaffaire Bongi54, le TMG de lâIturi, saisi de faits constitutifs de crimes de
guerre et constatant la « lacune criante » du Code pénal militaire, a considéré que « le législateur
congolais nâavait nullement lâintention de laisser impuni ce crime atroce dont il a reconnu la haute gravitĂ©
en ratifiant le TraitĂ© de Rome ». Il a dĂšs lors conclu que lâabsence de peine Ă©tait « manifestement une
erreur matĂ©rielle » et quâil y avait lieu de « combler les lacunes de la lĂ©gislation interne en trouvant appui
sur le TraitĂ© de Rome ». Soucieux de ne pas violer le principe de lĂ©galitĂ©55, qui interdit dâimposer
une peine qui nâĂ©tait pas prĂ©vue par la loi au moment du crime, le tribunal a estimĂ© que « la
ratification par la RDC fait partie de lâarsenal des lois de la RDC en vertu du monisme juridique avec
primautĂ© du droit international », et quâil Ă©tait donc lĂ©gitime dâappliquer directement tant les
éléments matériels des crimes de guerre que les peines prévues par le Statut de Rome56. Le
TMG de lâIturi a donc prĂ©sumĂ© que le lĂ©gislateur nâavait pas eu lâintention de soustraire les
criminels de guerre Ă une peine juste et quâil convenait dâappliquer les dispositions du Statut
49 Article 173 du Code pĂ©nal militaire. 50 TMG Mbandaka, Affaire Mutins de Mbandaka, Avant dire droit, op.cit, p.6 ; et TMG Mbandaka, Affaire Mutins de Mbandaka, 20 juin 2006, op.cit., p.16. 51 TMG de lâIturi, Affaire Bavi, 19 fĂ©vrier 2006, feuillets 36-37.52 Article. 7.1. i) du Statut de Rome.53 Article 8.2. a) i) du Statut de Rome.54 TMG de lâIturi, Affaire Bongi, 24 mars 2006, op.cit., p. 10 et 11.55 Le fait quâaucune Ă©chelle de peine, ni de technique de « pĂ©nalitĂ© par renvoi » nâexistent pour les crimes de guerre mĂ©tamorphose le juge congolais en lĂ©gislateur et crĂ©e une distorsion dans lâapplication du principe « nulla poena sine lege» (il ne peut y avoir dâincrimination sans peine). Il sâagit lĂ dâun principe de droit coutu-mier international reconnu par la Constitution et les lois nationales congolaises (notamment lâarticle 2 du Code pĂ©nal militaire). Voir Ă ce sujet L. mutata luaba, Droit pĂ©nal militaire congolais. Des peines et des incriminations de la compĂ©tence des juridictions militaires en RDC, Editions du Service de Documentation et dâEtudes du MinistĂšre de la Justice et Garde des Sceaux, Kinshasa, p. 572.56 Les juges, pour conforter cette position, Ă©voquent les opinions des experts pĂ©nalistes congolais, dont Me Franck Mulenda, TMG de lâIturi, Affaire Bongi, op.cit., p.11. Celui-ci suggĂšre que la description des crimes de guerre dans le droit congolais diverge tellement de celle comprise dans le Statut de Rome, quâil sâagit en fait de deux listes de crimes diffĂ©rents et que la question de conflit de loi ne se pose mĂȘme pas. Selon lui, il faut appliquer non seulement les Ă©lĂ©ments matĂ©riels des crimes de guerre du Statut, mais Ă©galement les peines prĂ©vues par lâarticle 77 du Statut de Rome.
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de Rome pour répondre aux objectifs de la ratification du Traité par la RDC57.
Enfin, le Code pĂ©nal militaire prĂ©voit que la peine de mort peut ĂȘtre prononcĂ©e dans
certaines circonstances pour sanctionner les crimes contre lâhumanitĂ©58, alors que la peine
maximale prévue par le Statut est la réclusion à perpétuité. Certains tribunaux se sont donc
appuyés sur ce constat pour écarter les peines prévues par la législation congolaise. Ils ont
invoquĂ© le principe gĂ©nĂ©ral de lâapplication de la peine la moins lourde en cas de conflit de lois
pour Ă©carter celle-ci. Selon ce raisonnement, lâarticle 77 du Statut prĂ©vaut une nouvelle fois
sur les dispositions du Code pénal militaire59.
Câest ainsi que dans lâaffaire des mutins de Mbandaka, les juges ont soulignĂ© que :« le Statut
de Rome, moins sévÚre aux prévenus paraßt le mieux adapté en disposant des mécanismes protecteurs
des droits des victimes (âŠ) en outre, en prĂ©sence de deux lois en conflit, la plus favorable au prĂ©venu
sera dâapplication »60. Le mĂȘme raisonnement a fondĂ© la dĂ©cision de ce Tribunal dans lâaffaire
Songo Mboyo61. On relĂšvera que dans les deux jugements, le tribunal militaire a Ă©galement
fondé sa décision sur la meilleure prise en compte des droits des victimes par le Statut. La
Cour militaire de la Province Orientale a quant Ă elle, dans lâaffaire Bongi considĂ©rĂ© que « les
dispositions du Traité de Rome sont plus humanisantes, en effet, moins sévÚres par la peine, la peine
capitale y Ă©tant mĂ©connue contrairement au Code PĂ©nal militaire ⊠que câest pour ces motifs que la Cour
militaire (âŠ) a dĂ©cidĂ© dâappliquer le TraitĂ© de Rome »62.
57 Lâincriminationdâuncomportementdoitcomprendredeuxvoletsdistincts:ladĂ©finitionducrime(Ă©lĂ©-mentmoraletĂ©lĂ©mentmatĂ©rielconstitutifsdelâinfraction)etlafixationdâunepeine.LePrĂ©ambuleduStatutde Rome rappelle aux Etats que « les crimes les plus graves qui touchent lâensemble de la communautĂ© internationale ne sauraient rester impunis et que leur rĂ©pression doit ĂȘtre effectivement assurĂ©e par des mesures prises dans le cadre national » et « quâil est du devoir de chaque Ătat de soumettre Ă sa juridiction criminelle les responsables de crimes internationaux. » Les EtatsontdonclâobligationdeprendretouteslesmesuresnationalesnĂ©cessairesĂ cettefin.Orlâabsencedepeines pour des crimes de guerre en droit congolais, empĂȘche la RDC de satisfaire Ă ses obligations puisque le triptyque pĂ©nal de dissuasion/prĂ©vention/rĂ©pression nâest pas complet. Voir Ă ce sujet I. Fichet-boyle, M. mossĂ©, « Lâobligation de prendre des mesures internes nĂ©cessaires Ă la prĂ©vention et Ă la rĂ©pression des in-fractions », pp. 871-886, in Droit international pĂ©nal, sous la direction de H. ascensio, E. decaux, A. Pellet, Paris, Pedone, 2000.58 Article 167. §2 du Code pĂ©nal militaire.59 Lâon notera toutefois que la dĂ©cision des juges de ne pas condamner Ă la peine capitale nâest pas exigĂ©e par les dispositions du Statut de Rome, puisque son article 80 a) a au contraire Ă©tĂ© conçu dans le but de lais-ser les Etats appliquer leurs peines nationales et la peine capitale en particulier. Cette disposition est le fruit dâun compromis entre les Etats en faveur de lâabolition de la peine de mort et ceux sây opposant, tels que les pays Arabes, certains pays des CaraĂŻbes, et mĂȘme le Rwanda qui vient dâabolir la peine de mort pour laquelle il militait Ă lâĂ©poque. Ainsi, bien que le Statut prĂ©voie comme peine maximale la rĂ©clusion Ă perpĂ©tuitĂ©, il nâinterdit pas aux Etats Parties dâappliquer la peine de mort pour les crimes internationaux, si cette peine est prĂ©vue dans leur lĂ©gislation nationale. A ce sujet voir W. A. schabas, « Penalties », p. 1505, in The Rome Statute of the International Criminal Court : a Commentary, A. cassese et al (eds.), Oxford, Oxford University Press, vol. II, 2002.60 TMG de Mbandaka, Affaire Mutins de Mbandaka, avant dire droit, op.cit., p. 6 et 20 juin 2006, p. 16.61 TMG Mbandaka, Affaire Songo Mboyo, 12 avril 2006, op.cit., et dĂ©cision avant dire droit, 20 janvier 2006, op.cit.,p.12.Ce raisonnementaĂ©tĂ©confirmĂ©enappel le7 juin2006par laCourmilitairede lâEquateur,op.cit., p. 25.62 Cour Militaire de la Province Orientale, Affaire Bongi, 4 novembre 2006, RPA 030/06, p. 15 et 16.
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Il est donc important que les juges fassent référence à la hiérarchie des normes congolaise,
telle que définie par la Constitution et par la jurisprudence congolaise en la matiÚre. En tout
état de cause, en cas de conflit entre la législation congolaise et le Statut de Rome, surtout
lorsquâil sâagit de la dĂ©finition des incriminations comprises dans les articles 6 Ă 8 du Statut
de Rome, celui-ci doit prĂ©valoir et ĂȘtre directement appliquĂ©.
Il faut par ailleurs recommander Ă la RDC de se conformer Ă son engagement international
dâadjoindre Ă la dĂ©finition du crime de guerre une sanction pĂ©nale adĂ©quate pour respecter
la finalitĂ© du Statut: la lutte contre lâimpunitĂ©.
![Page 25: Etude de jurisprudence - ASF](https://reader036.vdocuments.mx/reader036/viewer/2022062502/62afc4be27bbae64720be3ce/html5/thumbnails/25.jpg)
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CHAPITRE 1 LES CRIMES CONTRE LâHUMANITĂ ET LES CRIMES DE GUERRE
Les juridictions saisies dâaffaires qui se sont dĂ©roulĂ©es dans un contexte comme celui
quâa connu, et que connaĂźt toujours la RDC, sont confrontĂ©es Ă la question essentielle de
la qualification juridique des faits. Les juges ont en effet le pouvoir de décider si les faits
prĂ©sentĂ©s devant la Cour sont constitutifs de crimes contre lâhumanitĂ©, crime de guerre ou
dâun crime de droit commun. Dans ce chapitre, seront analysĂ©es les dĂ©cisions des juridictions
en fonction des infractions retenues par les Cours et Tribunaux militaires, sans omettre les
dĂ©cisions pour lesquelles la qualification de crime international nâa pas Ă©tĂ© retenue.
1.1 Les crimes contre lâhumanitĂ©
La dĂ©finition que le Code pĂ©nal militaire donne des crimes contre lâhumanitĂ© nâest pas
identique à celle du Statut de la Cour pénale internationale. Comme il a déjà été constaté
dans lâintroduction de cette Ă©tude, cette diffĂ©rence est source de conflits normatifs qui
imposent aux juges de déterminer quelles dispositions (nationales ou internationales)
sont applicables aux faits et de veiller à justifier ces choix avec clarté et précision dans la
motivation de leurs jugements.
Au delà du choix du droit applicable, les divergences de définition des crimes contre
lâhumanitĂ© entre le Statut de Rome et le Code pĂ©nal militaire emportent des consĂ©quences
sur la qualification des faits et leur incrimination.
Dans cette section, lâon se penchera successivement sur les dĂ©finitions retenues par le
Statut et le Code pénal militaire (1.1.), sur la maniÚre dont la jurisprudence internationale
et la jurisprudence des tribunaux militaires congolais interprÚtent les éléments constitutifs
gĂ©nĂ©raux des crimes contre lâhumanitĂ© (1.2.), ainsi que ceux constitutifs de crimes contre
lâhumanitĂ© par meurtre (1.3.) et par viol (1.4.).
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1.1.1 DĂ©finition des crimes contre lâhumanitĂ©
A. Le Statut de la CPI
Le crime contre lâhumanitĂ© est dĂ©fini par lâarticle 7 du Statut de Rome :
« 1. Aux fins du prĂ©sent Statut, on entend par crime contre lâhumanitĂ© lâun quelconque des actes ci-
aprĂšs lorsquâil est commis dans le cadre dâune attaque gĂ©nĂ©ralisĂ©e ou systĂ©matique lancĂ©e contre toute
population civile et en connaissance de cette attaque :
a. Meurtre ;
b. Extermination ;
c. RĂ©duction en esclavage ;
d. Déportation ou transfert forcé de population ;
e. Emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique en violation des
dispositions fondamentales du droit international ;
f. Torture ;
g. Viol, esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse forcée, stérilisation forcée ou toute
autre forme de violence sexuelle de gravité comparable ;
h. PersĂ©cution de tout groupe ou de toute collectivitĂ© identifiable pour des motifs dâordre
politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste au sens du paragraphe
3, ou en fonction dâautres critĂšres universellement reconnus comme inadmissibles en droit
international, en corrélation avec tout acte visé dans le présent paragraphe ou tout crime
relevant de la compétence de la Cour ;
i. Disparitions forcées de personnes ;
j. Crime dâapartheid ;
k. Autres actes inhumains de caractĂšre analogue causant intentionnellement de grandes
souffrances ou des atteintes graves Ă lâintĂ©gritĂ© physique ou Ă la santĂ© physique ou
mentale. »
Les Eléments des crimes donnent une description plus détaillée des comportements,
conséquences et circonstances associés à chaque infraction. Les rédacteurs de cet instrument
ont tenu Ă insister sur la gravitĂ© des crimes contre lâhumanitĂ©, « dĂ©finis parmi les crimes les
plus graves qui concernent lâensemble de la communautĂ© internationale »63. Il est utile de souligner
que câest par leur caractĂšre « inhumain » que ces comportements reprĂ©sentent une atteinte
aux valeurs communes de lâhumanitĂ©. Ce degrĂ© de gravitĂ© renforce lâapplication du principe
dâinterprĂ©tation stricte de la loi pĂ©nale.
B. Le Code pénal militaire congolais
En droit congolais, les crimes contre lâhumanitĂ© sont rĂ©gis par les articles 165 Ă 172 du Code
63 Article 7. Introduction.1 des ElĂ©ments des crimes.Pourrappel, ilsontĂ©tĂ©adoptĂ©safindâaider laCourĂ interprĂ©ter et appliquer les articles 6, 7 et 8 du Statut de Rome.
![Page 27: Etude de jurisprudence - ASF](https://reader036.vdocuments.mx/reader036/viewer/2022062502/62afc4be27bbae64720be3ce/html5/thumbnails/27.jpg)
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
pénal militaire (CPM). A la lecture de ces articles, on constate immédiatement la confusion
entretenue entre les crimes contre lâhumanitĂ© et les crimes de guerre.
Lâarticle 165 dĂ©finit les crimes contre lâhumanitĂ© comme « des violations graves du droit
international humanitaire commises contre toutes populations civiles avant ou pendant la guerre », tout
en prĂ©cisant que « les crimes contre lâhumanitĂ© ne sont pas nĂ©cessairement liĂ©s Ă lâĂ©tat de guerre »64.
Cette rĂ©fĂ©rence au droit humanitaire est troublante puisquâon sait que, par essence, une
violation grave du droit humanitaire est liĂ©e Ă lâĂ©tat de conflit armĂ© alors quâun crime contre
lâhumanitĂ© peut ĂȘtre commis en dehors de toute situation de conflit armĂ©65.
Lâarticle 166 du Code pĂ©nal militaire intĂšgre Ă la dĂ©finition des crimes contre lâhumanitĂ© un
grand nombre dâincriminations constitutives de crimes de guerre selon le Statut de Rome.
Lâarticle 169, qui dĂ©finit aussi le crime contre lâhumanitĂ©, reprend les principaux Ă©lĂ©ments
de lâarticle 7 du Statut tout en omettant certains actes incriminĂ©s par le Statut comme les
disparitions forcĂ©es ou le crime dâapartheid66. Par contre, le mĂȘme article Ă©rige en crime des
comportements non prĂ©vus par lâarticle 7 du Statut comme la « dĂ©vastation grave de la faune,
de la flore, des ressources du sol ou du sous-sol » et la « destruction du patrimoine naturel ou culturel
universel ». Enfin, cette mĂȘme disposition semble vouloir incriminer le crime dâagression, qui nâa
pas encore été défini par les Etats parties au Statut, en faisant référence à une attaque lancée
contre « la République »67.
Face Ă ce constat, lâon peut se demander si cette « confusion des genres », assortie de
lâabsence de peines pour sanctionner les crimes de guerre, nâest pas le reflet de la volontĂ© des
rédacteurs du Code militaire de ne pas exposer leurs forces combattantes à des sanctions
trop lourdes. Cette hypothĂšse doit Ă©videmment ĂȘtre replacĂ©e dans le contexte de guerre que
traversait la RDC au moment de lâadoption de ce Code pĂ©nal en 2002. Ces contradictions et
lacunes compliquent le travail des juges qui préfÚrent se référer aux dispositions du Statut de
Rome, lorsque la qualification de crime international est retenue.
1.1.2. Les éléments constitutifs généraux
Pour dĂ©finir les crimes contre lâhumanitĂ©, tant lâarticle 7 du Statut, que lâarticle 169 du
Code pénal militaire, se réfÚrent à une « attaque généralisée ou systématique », contre une
« population civile ». La connaissance de lâattaque en tant quâĂ©lĂ©ment moral est Ă©galement
une condition requise par ces deux articles.
64 Ibidem.65 Voir Ă ce sujet la jurisprudence du TPIY dans lâaffaire Tadic : « Lâabsence de lien entre les crimes contre lâhumanitĂ© et un conflit armĂ© international est maintenant une rĂšgle Ă©tablie de droit international coutumier », TPIY, Procureur c/ Tadic, Ch. dâappel, 2 octobre 1995, § 141 et pour plus de dĂ©tail, voir Ă©galement E. david, Principes de droit des conflits armĂ©s, Bruxelles, Bruylant, Edition 1999, pp. 643-645.66 Respectivement, article 7.1. i) et j) du Statut de Rome. 67 PrĂ©ambule de lâarticle 169 du Code pĂ©nal militaire.
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A. Le contexte : une « attaque généralisée ou systématique »
Le caractÚre généralisé ou systématique est sans aucun doute un des éléments contextuels
les plus difficiles Ă Ă©tablir dans le cadre de la poursuite des crimes contre lâhumanitĂ©. On
constate dâailleurs des divergences Ă ce sujet entre la jurisprudence des tribunaux ad hoc et le
Statut de la CPI. Selon celui-ci, la commission dâun crime contre lâhumanitĂ© exige, « sinon un
Etat de guerre, au moins une situation générale de troubles et de tensions caractérisées par des violations
graves et multiples des droits de lâhomme commises de maniĂšre planifiĂ©e ou concertĂ©e »68.
Selon le Statut de la CPI et la jurisprudence des tribunaux ad hoc
Le Statut du TPIY ne fait aucune rĂ©fĂ©rence Ă la condition dâattaque «gĂ©nĂ©ralisĂ©e » et/ou
« systĂ©matique» pour dĂ©finir les crimes contre lâhumanitĂ©69. La version originale française
du Statut du TPIR exige quant Ă elle que lâattaque soit gĂ©nĂ©ralisĂ©e et systĂ©matique,
contrairement Ă la version anglaise de ce Statut, dĂ©clarant que lâattaque doit ĂȘtre gĂ©nĂ©ralisĂ©e
ou systématique70.
Dans le jugement Kunarac en appel, le TPIY a considéré que :
« Déterminer ce qui constitue une attaque « généralisée » ou « systématique » est, par essence, un
exercice relatif, dans la mesure oĂč cela dĂ©pend de la population qui aurait Ă©tĂ© attaquĂ©. [Une Cour]
doit donc tout dâabord identifier la population visĂ©e par lâattaque et dĂ©terminer ensuite, Ă la lumiĂšre
des moyens, des mĂ©thodes, des ressources mises en Ćuvre et des consĂ©quences pour la population,
si lâattaque Ă©tait effectivement gĂ©nĂ©ralisĂ©e ou systĂ©matique. Les consĂ©quences de lâattaque sur
la population visĂ©e, le nombre des victimes, la nature des actes, lâĂ©ventuelle participation de
responsables ou dâautoritĂ©s, ou tout scĂ©nario criminel identifiable pourraient ĂȘtre pris en compte pour
dĂ©terminer si lâattaque contre cette population civile satisfait lâune de ces conditions (« gĂ©nĂ©ralisĂ©e »
ou « systématique ») ou les deux71. »
Dans les affaires Akayesu72 et Bagilishema, le TPIR a confirmé, conformément à la version
anglaise du Statut du Tribunal, quâune des deux conditions est suffisante. Pour ĂȘtre retenue
comme constitutive de crime contre lâhumanitĂ© « lâattaque doit ĂȘtre au moins gĂ©nĂ©ralisĂ©e ou
systĂ©matique, sans quâil soit nĂ©cessaire quâelle revĂȘte ce double caractĂšre »73. En rĂ©alitĂ©, ce qui importe,
68 E. david, Principes de droit des conflits, op.cit., § 4.125, p. 645.69 Article 5 du Statut du TPIY, annexe de la RĂ©solution S/RES/827 du Conseil de sĂ©curitĂ© des Nations Unies, adoptĂ©e Ă sa 3217Ăšme sĂ©ance, le 25 mai 1993. 70 Article 3 Statut du TPIR, annexe Ă la RĂ©solution S/RES/955 du Conseil de SĂ©curitĂ© des Nations Unies Ă sa 3453Ăšme sĂ©ance, le 8 novembre 1994.71 TPIY, Procureur c/Kunarac et consorts, Ch. dâappel, 12 juin 2002 (IT-96-23&23/1), § 95.72 TPIR, Procureur c/ Akayesu, Ch. 1Ăšre inst. I, 2 septembre 1998, (ICTR 96-4-T), § 579 et note accompagnĂ©e 143 : « Il est une condition sine qua non : lâacte doit sâinscrire dans le cadre dâune attaque gĂ©nĂ©ralisĂ©e ou systĂ©matique et ne saurait ĂȘtre un acte de violence isolĂ©. Toutefois, il nâest pas exigĂ© quâil revĂȘte ce double caractĂšre. » Note 143 : « Dans la ver-sion originale française du Statut, ces exigences sont cumulatives : «dans le cadre dâune attaque gĂ©nĂ©ralisĂ©e et systĂ©matique», ce qui relĂšve sensiblement le seuil dâapplication de cette disposition. Dans la mesure oĂč le droit international coutumier se borne Ă exiger que lâattaque soit gĂ©nĂ©ralisĂ©e ou systĂ©matique, il y a tout lieu de croire que la version française souffre dâune erreur de traduction ».73 TPIR, Procureur c/ Bagilishema, Ch. 1Ăšre inst. I, 7 juin 2001, (ICTR-95-1A-T), §77.
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
câest que « chacune de ces deux conditions, est de nature Ă entraĂźner lâexclusion des actes inhumains
perpétrés de maniÚre isolée, tout aussi bien que des crimes commis de maniÚre fortuite ou encore, à des fins
purement personnelles.74 » Par la suite, le TPIY a soutenu cette position75.
Le Statut de la CPI nâest porteur quant Ă lui dâaucune ambiguĂŻtĂ©. Lâarticle 7 mentionne
clairement « une attaque gĂ©nĂ©ralisĂ©e ou systĂ©matique ». Il dĂ©finit lâattaque comme « le comportement
qui consiste en la commission multiple dâactes visĂ©s au paragraphe 1 Ă lâencontre dâune population civile
quelconque, en application ou dans la poursuite de la politique dâun Etat ou dâune organisation ayant
pour but une telle attaque76 ». Les Eléments des crimes précisent que les actes ne doivent pas
nécessairement constituer une attaque militaire77.
Il est donc nĂ©cessaire dâexaminer ce quâil faut entendre par une attaque gĂ©nĂ©ralisĂ©e ou
systématique. Les critÚres pour caractériser chacune des deux situations ne sont pas toujours
faciles à déterminer.
Dans lâaffaire Blaskic, le TPIY a considĂ©rĂ© quâ:
« en pratique, ces deux critĂšres seront souvent difficiles Ă sĂ©parer lâun de lâautre : une attaque dâampleur
qui vise un grand nombre de victimes repose généralement sur une forme quelconque de planification
ou dâorganisation. Le critĂšre quantitatif nâest, en effet, pas objectivement dĂ©finissable : ni les textes
internationaux, ni la jurisprudence, quâelle soit internationale ou interne, ne fournissent de seuil
Ă partir duquel le crime contre lâhumanitĂ© est rĂ©alisĂ©. »78 Nombre dâauteurs ont dâailleurs
soulignĂ© quâun acte commis contre une seule personne pouvait constituer un crime
contre lâhumanitĂ©79.
Dans le jugement Akayesu, le TPIR a précisé que :
« Le caractĂšre «gĂ©nĂ©ralisé» rĂ©sulte du fait que lâacte prĂ©sente un caractĂšre massif, frĂ©quent, et que,
menĂ© collectivement, il revĂȘt une gravitĂ© considĂ©rable et est dirigĂ© contre une multiplicitĂ© de victimes.
Le caractĂšre «systĂ©matique» tient, quant Ă lui, au fait que lâacte est soigneusement organisĂ© selon
un modĂšle rĂ©gulier en exĂ©cution dâune politique concertĂ©e mettant en Ćuvre des moyens publics ou
privés considérables.»80.
En synthĂšse, lâon peut donc avancer quâune attaque gĂ©nĂ©ralisĂ©e est une attaque massive (dâenvergure),
frĂ©quente, menĂ©e collectivement et dirigĂ©e contre une multiplicitĂ© de victimes, alors quâune attaque
systĂ©matique est celle qui est perpĂ©trĂ©e sur la base dâune politique ou dâun plan prĂ©conçu.
74 TPIR, Procureur c/ Kayishema et Ruzidana, Ch. 1Ăšre inst., 21 mai 1999, (ICTR-95-1), §12375 TPIY, Procureur c/ Jelisic, Chambre 1Ăšre inst. I, 14 dĂ©cembre 1999, (IT-95-10-T) §§ 53-57 et Procureur c/Blaskic, Ch.1Ăšre inst. I, 3 mars 2000, (IT-95-14), § 207 qui rĂ©fĂšre aux diffĂ©rents jugements du TPIR, entre autres Akayesu.76 Article 7.2. a) du Statut de Rome.77 Article 7. Introduction. 3 des ElĂ©ments des crimes.78 TPIY, Procureur c/ Blaskic, op. cit., §.207.79 Voir notamment E. david, Principes de droit des conflits armĂ©s, op. cit., §. 656.80 TPIR, Procureur c/ Akayesu,op.cit.,§580etconfirmĂ©danslâaffaireProcureur c/ Kayishema et Ruzidana, op.cit., §123.
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
Lâon peut concrĂštement se demander ce quâil faut entendre par la politique ou le plan
prĂ©conçu dâun Etat ou dâune organisation.
Dans lâaffaire Akayesu, le TPIR considĂšre quâil sâagit dâune politique « mettant en Ćuvre des
moyens publics ou privĂ©s considĂ©rables. Il nâest nullement exigĂ© que cette politique soit officiellement
adoptĂ©e comme politique dâEtat. Il doit cependant exister une espĂšce de plan ou de politique prĂ©conçus »81.
Le TPIY a confirmĂ© quâil nâĂ©tait pas nĂ©cessaire que la politique soit « Ă©noncĂ©e formellement » 82.
DâaprĂšs Mario Bettati, il faut que soit Ă©tabli, au delĂ de tout doute raisonnable, que lâacte
commis exprime un dessein, traduise un calcul, « révÚle une préméditation politique, idéologique
ou dogmatique, ⊠une visée délibérée »83. Eric David souligne quant à lui que « toute politique
suppose une concertation et une planification préalables »84.
Selon les ElĂ©ments des crimes du Statut de la CPI, « pour quâil y ait âune politique ayant pour but une
telle attaqueâ, il faut que lâEtat ou lâorganisation favorise ou encourage activement une telle attaque contre
une population civile ». Une note de bas de page précise :
« La politique qui a pour but une attaque contre la population civile en tant que telle se manifeste par
lâaction dâun Etat ou dâune organisation. Dans des circonstances exceptionnelles, une telle politique
peut prendre la forme dâune abstention dĂ©libĂ©rĂ©e dâagir, par laquelle lâEtat ou lâorganisation entend
consciemment encourager une telle attaque. On ne peut infĂ©rer lâexistence dâune telle politique du seul
fait que lâEtat ou lâorganisation sâabstienne de toute action »85.
Il sâagit Ă prĂ©sent dâexaminer la maniĂšre dont les juridictions militaires congolaises ont
interprĂ©tĂ© les dispositions du Statut concernant le caractĂšre gĂ©nĂ©ralisĂ© ou systĂ©matique dâune
attaque, et ce Ă la lumiĂšre de la jurisprudence des TPI.
Selon la jurisprudence des juridictions militaires congolaises
Dans lâaffaire Songo Mboyo, la dĂ©fense a demandĂ© au TMG de Mbandaka de ne pas retenir la
qualification de crime contre lâhumanitĂ© au motif que les viols nâauraient pas Ă©tĂ© commis
« en application ou dans la poursuite de la politique de la République Démocratique du Congo ou du
Mouvement de LibĂ©ration National ou de toute autre organisation. CâĂ©tait plutĂŽt la rĂ©sultante du
mĂ©contentement de militaires ⊠». Les juges nâont pas suivi cet argumentaire. En basant leur
raisonnements sur les grands principes dégagés par les Tribunaux internationaux ad hoc, ils
ont déterminé que :
81 TPIR, Procureur c/ Akayesu, op.cit., § 580.82 TPIY, Procureur c/ Tadic, Ch.1Ăšre inst. II, 7 mai 1997, (affaire n°IT-94-1), §.653.83 M. bettatti, Le crime contre lâhumanitĂ©, pp.300-301, in Droit international pĂ©nal, sous la direction de H. ascen-sio, E. decaux, A. Pellet, op.cit.84 E. david, Principes de droit des conflits armĂ©s, op. cit., § 4.136a, p. 657.85 Article 7.Introduction, §3 et note de bas de page n°6 des ElĂ©ments des crimes.
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
« Lâattaque gĂ©nĂ©ralisĂ©e doit se distinguer de lâattaque systĂ©matique ; en effet, si la premiĂšre prĂ©sente
un caractÚre massif par la pluralité des victimes et que menée collectivement présente une gravité
extrĂȘme, la deuxiĂšme, quant Ă elle, implique la nĂ©cessitĂ© dâun plan prĂ©conçu ou une politique [âŠ]
Lâattaque gĂ©nĂ©ralisĂ©e tient du fait de la pluralitĂ© des victimes, celle systĂ©matique tient du fait que
lâacte est soigneusement organisĂ© selon un modĂšle rĂ©gulier en exĂ©cution dâune politique concertĂ©e
mettant en Ćuvre des moyens publics ou privĂ©s considĂ©rables [âŠ] Il nâexiste pas un critĂšre quantitatif
ou un seuil Ă partir duquel le crime contre lâhumanitĂ© est rĂ©alisĂ©. Il appartient au juge de fond dâen
apprécier »86.
Ainsi, ils en ont conclu que « dans le cas sous examen, la pluralité des victimes prises dans le contexte
de la rĂ©alisation du crime suffit pour caractĂ©riser lâaspect gĂ©nĂ©ralisĂ© de lâattaque » 87.
En appel, la Cour Militaire de lâEquateur a confirmĂ© le caractĂšre gĂ©nĂ©ralisĂ© de lâattaque en
rappelant « quâil a Ă©tĂ© jugĂ© que le caractĂšre gĂ©nĂ©ralisĂ© peut rĂ©sulter du fait que lâacte prĂ©sente un caractĂšre
massif, frĂ©quent, et que, menĂ© collectivement, il revĂȘt une gravitĂ© considĂ©rable et est dirigĂ© contre une
multiplicité de victimes (chambre premiÚre instance, 6 décembre 1999, page 69, MUSOMA, TPIR) »88.
Comme le TMG et la Cour Militaire, lâon se doit de reconnaĂźtre que le nombre Ă©levĂ© de
victimes et le fait que les auteurs ont agi en groupe fondent de facto les caractĂšres massifs et
collectifs de lâattaque. En revanche, le caractĂšre frĂ©quent, Ă©galement requis pour caractĂ©riser
une attaque de gĂ©nĂ©ralisĂ©e, nâest pas nĂ©cessairement envisagĂ© selon un critĂšre de rĂ©pĂ©tition
dans le temps par les juges congolais, puisquâen lâespĂšce tous les crimes ont Ă©tĂ© commis le
mĂȘme soir.
Dans lâaffaire des Mutins de Mbandaka, le Tribunal Militaire de Garnison, se basant sur la
jurisprudence du TPIR, rappelle que «lâattaque doit ĂȘtre gĂ©nĂ©ralisĂ©e ou systĂ©matique et pas les deux
Ă la fois [âŠ]Le caractĂšre gĂ©nĂ©ralisĂ© tient du fait que lâacte prĂ©sente un caractĂšre massif, frĂ©quent [âŠ] menĂ©
collectivement [âŠ]et est dirigĂ©e contre une multiplicitĂ© de victimes »89. En appel, la Cour Militaire de
lâEquateur a retenu la mĂȘme dĂ©finition du caractĂšre gĂ©nĂ©ralisĂ© de lâattaque90.
Dans ces deux affaires, les juges congolais ont tentĂ© de dĂ©finir si lâattaque Ă©tait gĂ©nĂ©ralisĂ©e ou
systĂ©matique. En lâespĂšce, ils ont considĂ©rĂ© que câest le caractĂšre gĂ©nĂ©ralisĂ© qui devait ĂȘtre pris
en considĂ©ration ; sans quâaucun Ă©lĂ©ment de preuve spĂ©cifique ne soit toutefois invoquĂ© pour
Ă©tayer leur dĂ©cision. Ils se sont contentĂ©s dâindiquer quâen lâabsence dâun quelconque critĂšre
quantitatif ou dâun nombre minimal de victimes requis, il appartenait souverainement au
juge dâen dĂ©cider. Aucun des jugements prĂ©citĂ©s ne nous Ă©claire sur les Ă©lĂ©ments prĂ©cis
(nombre de victimes, nombre dâattaques, âŠ) qui ont Ă©tĂ© identifiĂ©s et retenus pour qualifier
lâattaque.
86 TMG de Mbandaka, Affaire Songo Mboyo, op.cit., p. 34.87 Ibid., p. 34.88 CM de lâEquateur, Affaire Songo Mboyo, op.cit., p. 27.89 TMG de Mbandaka, Affaire Mutins de Mbandaka, op.cit., p. 23.90 CM de lâEquateur, Affaire Mutins de Mbandaka, p. 14.
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
Au contraire, dans lâaffaire Kahwa le TMG de lâIturi a fait montre dâune plus grande rigueur
sur cette question en dĂ©taillant quelques Ă©lĂ©ments matĂ©riels pour qualifier lâattaque de
généralisée :
« le comportement des milices du PUSIC faisait partie dâune attaque gĂ©nĂ©ralisĂ©e [âŠ] lâampleur
de lâattaque Ă©tait vaste et Ă grande Ă©chelle [âŠ] contre la population civile [âŠ] lâĂ©lĂ©ment âattaque
gĂ©nĂ©ralisĂ©eâ est ici pris en compte par rapport Ă la grande Ă©chelle de lâattaque matĂ©rialisĂ©e par lâeffectif
des armes lourdes, armes légÚres, effectifs de plusieurs hommes tous habillés en tenue militaire et
dĂ©tenant des motorolats [âŠ], faisant la force de la milice PUSIC [âŠ]la grande Ă©chelle de lâattaque
est aussi matĂ©rialisĂ©e par le nombre Ă©levĂ© des victimes[âŠ]tel que dĂ©noncĂ© ici par les dĂ©positions
des victimes Ă lâaudience et par un rapport de lâONG Human Rights [Watch] versĂ© au dossier du
ministÚre public »91.
Dans ce cas dâespĂšce, les conditions dâune attaque gĂ©nĂ©ralisĂ©e semblent ĂȘtre rĂ©unies. Le
tribunal aurait Ă©galement pu se rĂ©fĂ©rer Ă la frĂ©quence des attaques, telle quâelle ressort des
faits.
Lâon notera au passage que les jugements Songo Mboyo92 et Mutins de Mbandaka93 mentionnent
à tort « les moyens utilisées par les agents » comme un élément constitutif de crimes de guerre.
Lâon peut supposer que les juges ont commis cette erreur parce quâils Ă©taient animĂ©s de la
nĂ©cessitĂ© de prendre en compte lâexamen des moyens utilisĂ©s pour qualifier lâattaque. Fort
heureusement, cette erreur ne figure plus dans les décisions en appel.
En ce qui concerne lâexistence dâun Ă©lĂ©ment de planification, il a dĂ©jĂ Ă©tĂ© vu que le Tribunal a
rejetĂ© dans lâaffaire Songo Mboyo lâargument de la dĂ©fense selon lequel lâattaque doit sâinscrire
dans les plans ou la politique dâun Etat ou dâune organisation pour ĂȘtre gĂ©nĂ©ralisĂ©e94.
Le TMG de lâIturi a suivi la mĂȘme voie dans lâaffaire des Mutins de Mbandaka. En appel, suite
Ă un argument soulevĂ© par la dĂ©fense qui soulignait « lâabsence dâune organisation ayant pour but
une telle attaque »95, la Cour Militaire de lâEquateur a Ă©tĂ© plus circonstanciĂ©e que la juridiction
de premier degrĂ© en jugeant que « lâorganisation se dĂ©gage des actes posĂ©s pour atteindre le but
notamment le casse du dĂ©pĂŽt dâarmement du camp Bokala pour lancer une attaque gĂ©nĂ©ralisĂ©e contre la
population. Il sâagit dâune organisation circonstancielle due au dĂ©cĂšs du Sergent Alia Charles »96. Cette
interprĂ©tation flexible vis-Ă -vis du concept dâorganisation se rĂ©fĂšre Ă la jurisprudence Tadic
du TPIY qui prĂ©cise que la « politique » ne doit pas ĂȘtre Ă©noncĂ©e formellement et suggĂšre
que dans certaines circonstances, lâexistence dâune politique peut ĂȘtre dĂ©duite de la façon
dont les actes ont été menés97. La révolte de militaires à Mbandaka ne présente sûrement
pas le mĂȘme degrĂ© de planification que lâĂ©puration ethnique en ex-Yougoslavie, mais lâon
91 TMG de lâIturi, Affaire Kahwa, op.cit., p. 25-26.92 TMG Mbandaka, Affaire Songo Mboyo, op. cit., p.26.93 TMG de Mbandaka, Affaire Mutins de Mbandaka, op.cit., p.19. 94 TMG Mbandaka, Affaire Songo Mboyo, op. cit., p. 34.95 CM de lâEquateur, Affaire Mutins de Mbandaka, p. 13.96 Ibid., p. 14.97 TPIY, Procureur c/Tadic, op.cit., § 653.
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
peut surtout retenir de cette décision que la position adoptée par la Cour militaire, qui a
recherchĂ© les Ă©lĂ©ments Ă©tablissant le caractĂšre « organisĂ© » de lâattaque, est davantage en
conformitĂ© avec lâarticle 7.2.a) du Statut de Rome qui Ă©nonce sans Ă©quivoque la condition :
« en application ou dans la poursuite de la politique dâun Etat ou dâune organisation ayant pour but une
telle attaque ».
Pour terminer, la décision de renvoi du chef Maï-Maï Gédéon devant le TMG du Haut-
Katanga pour crimes contre lâhumanitĂ© et crimes de guerre98 peut ici ĂȘtre citĂ©e. Le dĂ©tail des
préventions mises à la charge du prévenu et la description de crimes fréquents impliquant
un trĂšs grand nombre de victimes laissent peu de doutes sur le fait que lâauditeur militaire
a considĂ©rĂ© Ă juste titre que ces Ă©vĂšnements sâinscrivaient dans le cadre dâune attaque
généralisée ou systématique.
En conclusion, il convient de remarquer que les juridictions congolaises ne procĂšdent
pas Ă une analyse stricte des faits qui dĂ©montrerait que, conformĂ©ment Ă lâarticle 7.2 du
Statut lâattaque a Ă©tĂ© menĂ©e « en application ou dans la poursuite de la politique dâun Etat ou
dâune organisation ayant pour but une telle attaque ». MĂȘme dans lâaffaire Kahwa, oĂč les faits
permettent sans doute de dĂ©duire une forme de planification, les juges nâont pas dĂ©montrĂ©
cette planification grùce à une analyse en profondeur, que ce soit au premier degré comme
en appel.
A lâavenir, les juges congolais devraient ĂȘtre plus attentifs Ă cette condition pour retenir
la qualification de crime contre lâhumanitĂ©. Lâidentification par les juges dâĂ©lĂ©ments
de preuve Ă©tablissant lâexistence dâune organisation, dont les mĂ©thodes et moyens
suggĂ©reraient une certaine forme de planification, leur permettrait de sâengager sur la voie
de la rigueur. Rigueur nécessaire en matiÚre de droit international pénal, puisque tant les
principes gĂ©nĂ©raux du droit que lâarticle 7.1 de lâIntroduction des ElĂ©ments des crimes prĂŽnent
lâinterprĂ©tation stricte de la loi pĂ©nale.
Enfin, on notera que sâil est vraiment trop difficile pour lâaccusation dâĂ©tablir les Ă©lĂ©ments
de faits qui permettent de qualifier lâattaque de gĂ©nĂ©ralisĂ©e ou de systĂ©matique, elle peut
toujours vĂ©rifier si les crimes nâont pas Ă©tĂ© commis dans le cadre dâun conflit armĂ©. Celui-ci
Ă©tant parfois plus facile Ă Ă©tablir, lâaccusation pourrait poursuivre les auteurs pour crimes
de guerre.
98 Auditorat militaire prÚs le TMG du Haut-Katanga, Affaire Gédéon, 10 juillet 2007, RMP N° 0468/MAK/2007.
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
B. Lancée contre la population civile
Selon le Statut de la CPI et la jurisprudence des tribunaux ad hoc
Lâarticle 7.1 du Statut de Rome Ă©nonce que lâattaque doit ĂȘtre lancĂ©e contre « une population
civile », pour ĂȘtre constitutive dâun crime contre lâhumanitĂ©. Lâarticle 7.2 prĂ©cise quâil doit
sâagir dâune « population civile quelconque ».
Lâon relĂšvera tout dâabord que le terme « population » implique des crimes de nature
collective, excluant des actes individuels ou isolés99.
Par contre, il nâest pas nĂ©cessaire que toute la population ait Ă©tĂ© touchĂ©e. Le TPIY sâest
prononcĂ© en ce sens dans lâarrĂȘt Stakic :
« [âŠ] Il suffit de dĂ©montrer quâun nombre suffisant dâindividus ont Ă©tĂ© pris pour cible au cours de
lâattaque, ou quâils lâont Ă©tĂ© dâune maniĂšre telle que la Chambre est convaincue que lâattaque Ă©tait
effectivement dirigĂ©e contre une population civile, plutĂŽt que contre un nombre limitĂ© dâindividus
choisis au hasard. En outre, lâexpression âdirigĂ©e contreâ doit ĂȘtre interprĂ©tĂ©e comme signifiant que la
population civile doit ĂȘtre la cible principale de lâattaque »100.
Lâon retiendra Ă©galement que les termes « population civile » doivent ĂȘtre interprĂ©tĂ©s
largement101 et que la présence de certaines personnes non civiles ne disqualifie pas la
qualification de lâinfraction102.
Enfin, il ressort clairement de la jurisprudence des tribunaux ad hoc que les combattants
et les personnes appartenant à un mouvement de résistance (en uniforme ou non), mais
qui ne participent plus aux hostilitĂ©s au moment de la rĂ©alisation des crimes (câest-Ă -dire
hors de combat parce que prisonniers, blessĂ©s, âŠ), sont Ă©galement assimilĂ©s Ă des civils103.
La jurisprudence des juridictions militaires congolaises
Les juges congolais qui ont retenu la qualification de crime contre lâhumanitĂ© ont Ă©noncĂ© de
maniĂšre similaire la façon dont le concept de population civile devait ĂȘtre interprĂ©tĂ©. Sâil est
constaté que les attaques étaient clairement dirigées contre cette catégorie de population,
toutefois peu de jugements laissent transparaitre un grand souci dâappliquer lâinterprĂ©tation
donnée aux faits précis de la cause.
99 P. currat, Les crimes contre lâhumanitĂ© dans le Statut de la Cour PĂ©nale Internationale, FacultĂ© de droit de GenĂšve, Bruylant/LGDJ/Schulthess, 2006, p. 106 et Ă©numĂ©ration des jugements en note de bas de page 64 et 65.100 TPIY, Procureur c/ Stakic, Ch. 1Ăšre inst. II, 31 juillet 2003, (IT-97-24), § 624.101 P. currat, Les crimes contre lâhumanitĂ© dans le Statut de la Cour PĂ©nale Internationale, op. cit., p.107.102 TPIY, Procureur c/ Blaskic, op.cit., §214. Cette jurisprudence se fonde sur lâarticle 50 al. 3 du Premier Proto-Cette jurisprudence se fonde sur lâarticle 50 al. 3 du Premier Proto-cole additionnel aux Conventions de GenĂšve du 12 aoĂ»t 1949 relatif Ă la protection des victimes des conflits armĂ©s internationaux.103 TPIY, Procureur c/ Jelisic, op.cit., § 54 et Procureur c/Tadic, op.cit., §639. Le TPIR a adoptĂ© la mĂȘme position dans les affaires Procureur c/ Akayesu, op.cit., § 582 et Procureur c/ Kayishema, op.cit., § 128.
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
Le jugement de Songo Mboyo affirme ainsi :
« Par la population civile il faut entendre les personnes qui ne participent pas directement aux
hostilités y compris les membres des forces armées qui ont déposés les armes et les personnes qui ont
Ă©tĂ© mises hors combats. Mieux, la population civile vise les crimes dâune nature collective et exclus
de ce fait des actes individuels des crimes au regard de la lĂ©gislation nationale, nâatteignant pas le
degrĂ© dâimportance de crime contre lâhumanitĂ© ».
En appliquant cette interprétation aux faits, les juges se contentent de dire que « dans les
cas sous examen, les victimes de viol de SONGOMBOYO par leur nature et par la réalisation du crime
rĂ©pondent Ă la dĂ©finition de la population civile, objet de lâattaque »104. En appel, la Cour Militaire
de lâEquateur nâa pas examinĂ© si lâattaque avait bel et bien visĂ© la population civile, et ce
alors mĂȘme quâelle avait rappelĂ© quâil sâagissait dâun Ă©lĂ©ment constitutif du crime contre
lâhumanitĂ©105.
Dans lâaffaire des Mutins de Mbandaka, le jugement rĂ©pĂšte et confirme que « par la population
civile, il faut entendre les personnes qui ne participent pas directement aux hostilités y compris les membres
des Forces ArmĂ©es qui sont hors combat »106. A nouveau, les juges nâont pas examinĂ© si les faits de la
cause correspondaient précisément à cette interprétation. Le jugement note toutefois que « le
terme civil doit ĂȘtre interprĂ©tĂ© de façon plus large comprenant la population dâun territoire, ou dâune ville
Ă lâinstar des quartiers de BONGONDJO et MBANDAKA II, quartiers environnant au CBR/BOKALA »107.
En appel, la Cour se montre plus explicite en relevant que les différents viols ont été commis
sur « la population féminine » de certains quartiers108.
Le jugement Kahwa au premier degrĂ©, se contente lui aussi dâĂ©noncer que lâattaque « a Ă©tĂ©
commise contre la population civile qui ne participe pas aux hostilitĂ©s, câest-Ă -dire qui ne devait pas
ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme cible, nâayant ni arme, ne contenant et ne protĂ©geant aucun militaire ou cible
militaire »109.
A lâavenir, lâon peut donc espĂ©rer que les magistrats sâattacheront davantage Ă Ă©tablir
clairement, dans les jugements rendus en la matiÚre, les éléments de preuve qui établissent
que lâattaque a Ă©tĂ© dirigĂ©e contre la population civile.
104 TMG de Mbandaka, Affaire Songo Mboyo, op.cit., p. 35.105 CM de lâEquateur, Affaire Songo Mboyo, p. 26.106 TMG de Mbandaka, Affaire Mutins de Mbandaka, op.cit., p. 24. 107 Ibid.108 CM de lâEquateur, Affaire Mutins de Mbandaka, op.cit., p. 12109 TMG de lâIturi, Affaire Kahwa, op.cit., p. 27.
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
C. La connaissance de cette attaque et lâintention dây participer
Selon le Statut de la CPI et la jurisprudence des tribunaux ad hoc
Lâarticle 30 du Statut de Rome dĂ©finit lâĂ©lĂ©ment moral (psychologique) des crimes :
1. « 1. Sauf disposition contraire, nul nâest pĂ©nalement responsable et ne peut ĂȘtre puni Ă raison dâun crime relevant de la compĂ©tence de la Cour que si lâĂ©lĂ©ment matĂ©riel du crime est commis avec intention et connaissance.
2. Il y a intention au sens du présent article lorsque :a) Relativement à un comportement, une personne entend adopter ce comportement ; b) Relativement à une conséquence, une personne entend causer cette conséquence ou est consciente que celle-ci adviendra dans le cours normal des événements.
3. Il y a connaissance, au sens du prĂ©sent article, lorsquâune personne est consciente quâune circonstance existe ou quâune consĂ©quence adviendra dans le cours normal des Ă©vĂ©nements. «ConnaĂźtre» et «en connaissance de cause» sâinterprĂštent en consĂ©quence. »
LâĂ©lĂ©ment moral englobe deux aspects complĂ©mentaires: lâintention et la connaissance.
Pour Ă©tablir ces deux conditions dans la poursuite dâun crime contre lâhumanitĂ©, il est
nĂ©cessaire dâĂ©tablir un lien entre lâacte criminel de lâauteur et lâattaque gĂ©nĂ©ralisĂ©e ou
systĂ©matique contre une population civile110. Plusieurs conditions doivent ĂȘtre rĂ©unies :
ïżœ lâacte criminel doit faire partie de lâattaque ;
ïżœ lâauteur doit vouloir adopter le comportement criminel (intention) ;
ïżœ lâauteur doit savoir que lâattaque est menĂ©e contre la population civile (connaissance).
Lâarticle 7 du Statut comprend une rĂ©fĂ©rence expresse Ă la « politique dâun Etat ou dâune
organisation ». La connaissance et lâintention de lâauteur doivent donc aussi porter sur cet
Ă©lĂ©ment de planification111. Lâauteur doit savoir que lâattaque est menĂ©e par lâEtat ou une
organisation ayant pour but une telle attaque, et doit connaĂźtre la politique ou le plan de
lâEtat ou de lâorganisation qui mĂšne cette attaque112.
Le TPIR a considĂ©rĂ© que lâauteur du crime doit commettre le crime en connaissance de cause,
câest-Ă -dire quâil doit comprendre le contexte gĂ©nĂ©ral criminel dans lequel sâinscrit son acte113.
Le TPIY a considĂ©rĂ© que lâaccusĂ© doit avoir lâintention de commettre lâinfraction114, mais que
ses motivations de prendre part Ă lâattaque ne doivent pas ĂȘtre prises en considĂ©ration. Il
110 P. currat, Les crimes contre lâhumanitĂ© dans le Statut de la Cour PĂ©nale Internationale, op. cit, p.111-112.111 Ibid, p. 112.112 Ibid, p.115.113 TPIR, Procureur c/Kayishema et Ruzidana, op.cit., §§133-134.114 TPIY, Procureur c/Vasiljevic, Ch. 1Ăšre inst., 29 novembre 2002, (IT-98-32), § 37.
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
nâest pas nĂ©cessaire quâil « partage » les objectifs de lâattaque115. Le fait que lâauteur ait eu
lâintention de diriger son acte contre la population ou contre sa victime nâest pas pertinent,
câest lâattaque, et pas les actes de lâaccusĂ©, qui doit ĂȘtre dirigĂ©e contre la population ciblĂ©e.
LâaccusĂ© doit seulement savoir que son acte fait partie de lâattaque116. Pour condamner un
suspect pour crimes contre lâhumanitĂ©, il faut donc prouver que les crimes Ă©taient liĂ©s Ă
lâattaque sur une population civile et que lâaccusĂ© le savait117. La connaissance du risque que
son acte puisse faire partie dâune telle attaque est en rĂ©alitĂ© suffisante et ce indĂ©pendamment
de sa connaissance des détails de celle-ci118.
Jurisprudence des juridictions militaires congolaises
Les jugements analysĂ©s dans le cadre de cette Ă©tude tĂ©moignent dâune assez bonne
connaissance thĂ©orique des conditions dâintention et de connaissance. A lâinstar des observations
sur les éléments matériels, les juges ont tendance à ne pas présenter les éléments de preuve
qui ont été considérés comme pertinents par la juridiction.
Dans lâaffaire Songo Mboyo, les juges ont rappelĂ© :
« Il y a intention au sens du présent statut lorsque relativement à un comportement, une personne
entend adopter ce comportement et relativement à une conséquence, une personne entend causer
cette conséquence ou est consciente que celle-ci adviendrait dans le cours normal des événements ;
[âŠ] Lâagent doit ĂȘtre conscient que son acte faisait partie dâune attaque gĂ©nĂ©ralisĂ©e lancĂ©e contre la
population civile ou entendait quâil [en] fasse partie. En effet, lâauteur du crime contre lâhumanitĂ©
doit avoir agi en connaissance de cause. Câest-Ă -dire que lâagent doit comprendre le contexte gĂ©nĂ©ral
dans lequel sâinscrit son acte »119.
Afin de vĂ©rifier que ces Ă©lĂ©ments Ă©taient en lâespĂšce rĂ©unis, les juges Ă©noncent laconiquement
que « dans le cas sous examen, les prévenus connaissaient, chacun en ce qui le concerne, que les actes cruels
posĂ©s sâinscrivaient dans le cadre dâune attaque gĂ©nĂ©ralisĂ©e que les Ă©lĂ©ments du 9Ăšme Bataillon infanterie
avaient lancé sur la population civile de SONGOMBOYO »120. Le jugement ne fournit aucune
information sur les éléments de preuves qui ont été utiles pour tirer cette conclusion. En
appel, la Cour militaire nâa pas relevĂ© la faiblesse du raisonnement des juges et nâa pas, elle
non plus, prĂ©cisĂ© les Ă©lĂ©ments de preuve retenus pour Ă©tablir lâĂ©lĂ©ment moral.
Le jugement rendu dans lâaffaire des Mutins de Mbandaka suit le mĂȘme raisonnement,
en Ă©tablissant que « lâauteur du crime contre lâhumanitĂ© doit avoir agi en connaissance de cause et
115 TPIY, Procureur c/Tadic,Ch.dâappel,15juillet1999,(affairen°IT-94-1-A),§§248et252,etconfirmĂ©danslâaffaire Procureur c/Kunarac, Kovac et Vokovic, Ch. dâappel, 12 juin 2002, (IT-96-23&23.1), § 103.116 Ibid.117 TPIY, Procureur c/Tadic, Chambre dâappel, op.cit., § 271.118 TPIY, Procureur c/Kunarac, Kovac et Vokovic, op.cit., § 102.119 TMG de Mbandaka, Affaire Songo Mboyo, op.cit., p. 35.120 Ibid.
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
librement ». Le tribunal sâappuie sur le fait que « chacun des prĂ©venus ont reconnus avoir connaissance
que les actes posĂ©s par eux faisaient parties de lâattaque gĂ©nĂ©ralisĂ©e lancĂ©e par les insurgĂ©s contre la
population civile »121. En appel, la Cour souligne que la planification est un élément constitutif
et constate que « les appelants (âŠ) ont reconnu avoir fait partie des militaires insurgĂ©s qui ont attaquĂ©
la population civile (âŠ) ils ont reconnu avoir Ă©tĂ© porteurs dâarmes dont ils se sont servis pour agresser les
civils »122. Ceci constitue donc lâaveu qui a permis aux juges dâĂ©tablir lâĂ©lĂ©ment intentionnel.
Dans le jugement Kawha, les juges nâabordent pas lâaspect intentionnel et procĂšdent
uniquement à la vérification des faits en ce qui concerne la connaissance :
« En lâoccurrence, le prĂ©venu Kahwa Ă©tait au courant de lâattaque de Zumbe, car il contrĂŽlait tout ce
secteur ; que sa qualité de Chef de collectivité et Chef de milice PUSIC, et aprÚs avoir été ministre de la
dĂ©fense dâune autre milice lâUPC ne pouvait pas le mettre dans une situation dâignorance de lâattaque
engagée par les membres du PUSIC à Zumbe et, par-dessus tout, les conseils du prévenu confirment
que cette attaque de Zumbe Ă©tait dans le cadre dâune contre attaque organisĂ©e et commandĂ©e par le
prévenu »123.
Par consĂ©quent, il est essentiel de souligner sur la nĂ©cessitĂ© dâĂ©tablir plus fortement
lâexistence de lâĂ©lĂ©ment moral en recherchant les Ă©lĂ©ments de preuves qui permettent
dâĂ©tablir que les conditions dâintention et de connaissance sont bien rĂ©unies en lâespĂšce.
Ces conditions pourraient notamment ĂȘtre recherchĂ©es dans les ordres Ă©crits, dans les
témoignages des supérieurs hiérarchiques, des subalternes ou des autres combattants
ou de la population civile ; elles pourraient Ă©galement ĂȘtre dĂ©duites de lâattitude ou des
agissements des auteurs. Dans ce cas prĂ©cis, il est dâautant plus important que les juges
expliquent clairement leur raisonnement et les éléments de preuve qui le fonde.
1.1.3. Les crimes contre lâhumanitĂ© par meurtre â Ă©lĂ©ments constitutifs
A. Le Statut de la CPI, les « Eléments des Crimes » et la jurisprudence des TPI
Lâarticle 7 du Statut de Rome cite le meurtre comme un acte constitutif de crime contre
lâhumanitĂ©. Les ElĂ©ments des crimes prĂ©cisent quant Ă eux les conditions Ă Ă©tablir et confirment
la position adoptée par les tribunaux ad hoc:
121 TMG de Mbandaka, Affaire Mutins de Mbandaka, op.cit., p. 25.122 CM de lâEquateur, Affaire Mutins de Mbandaka, op.cit., p. 14.123 TMG de lâIturi, Affaire Kahwa, op.cit, p. 26.
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
1. « Lâauteur a tuĂ© une ou plusieurs personnes.
2. Le comportement faisait partie dâune attaque gĂ©nĂ©ralisĂ©e ou systĂ©matique dirigĂ©e contre une
population civile.
3. Lâauteur savait que ce comportement faisait partie dâune attaque gĂ©nĂ©ralisĂ©e ou systĂ©matique
dirigĂ©e contre une population civile ou entendait quâil en fasse partie. »
Une note de bas de page prĂ©cise que « le terme « tuĂ© » est interchangeable avec lâexpression « causĂ©
la mort de ». La prĂ©sente note sâapplique Ă tous les Ă©lĂ©ments qui utilisent lâune de ces deux expressions ».
On constate immĂ©diatement que mĂȘme si lâauteur doit avoir eu lâintention de participer Ă
lâattaque contre la population civile dans le cadre dâun plan gĂ©nĂ©ral, il nâest pas nĂ©cessaire
quâil ait planifiĂ© le meurtre de la victime, ni quâil ait lui-mĂȘme donnĂ© la mort.
En ce qui concerne lâĂ©lĂ©ment intentionnel, lâarticle 30 du Statut exige que lâauteur ait agi avec
intention et connaissance. Dans le cas du meurtre, lâauteur doit donc avoir eu lâintention
dâadopter un comportement en Ă©tant conscient que ce comportement provoquera la mort
de la victime au cours normal des Ă©vĂšnements. Il est peu probable que celui qui infligerait
intentionnellement Ă sa victime des atteintes graves Ă son intĂ©gritĂ© physique, sans ĂȘtre
conscient que ces actes peuvent provoquer la mort de ladite victime, puisse ĂȘtre condamnĂ©
pour meurtre124.
Il est inutile de revenir sur le caractĂšre gĂ©nĂ©ral ou systĂ©matique de lâattaque, ainsi que sur
lâĂ©lĂ©ment intentionnel, ces sujets ayant dĂ©jĂ fait lâobjet dâune analyse dans le cadre de la
section précédente de ce chapitre.
La jurisprudence du TPIR est quelque peu confuse en raison dâune divergence entre les
versions anglaise et française du Statut du TPIR125. Le tribunal définit le meurtre comme
lâintention illĂ©gale de donner la mort126. Pour quâun accusĂ© soit reconnu coupable de meurtre,
il faut que dans le cadre dâun comportement illĂ©gal, il ait: (1) causĂ© la mort dâune victime, (2)
par un acte ou une omission prĂ©mĂ©ditĂ©s, (3) avec lâintention de tuer une personne ou avec
lâintention de provoquer des atteintes graves Ă lâintĂ©gritĂ© physique dâune personne127.
Le tribunal souligne dans plusieurs dĂ©cisions que lâĂ©lĂ©ment de prĂ©mĂ©ditation est obligatoire
pour considĂ©rer quâil y a eu crime contre lâhumanitĂ© mais que lâintention prĂ©alable ne doit
pas avoir existĂ© longtemps Ă lâavance ; un moment de calme rĂ©flexion est jugĂ© suffisant128.
Le fait que lâaccusĂ© ait eu lâintention de tuer des civils au cours de lâattaque gĂ©nĂ©ralisĂ©e ou
systématique suffit129. Cependant, cette position est contredite par une autre décision du
124 P. currat, op. cit., p. 149.125 Lâarticle 3.a) du Statut du TPIR, version française utilise le terme « assassinat », alors que la version an-glaise utilise le terme « murder ». Or on sait que, contrairement au meurtre, lâassassinat requiert un Ă©lĂ©ment de prĂ©mĂ©ditation.126 TPIR, Procureur c/Akayesu, op.cit., § 589.127 Voir notamment TPIR, Procureur c/Kayishema et Ruzidana, op.cit., §§136-140.128 TPIR, Procureur c/ Kayishema et Ruzidana, ibid., §§137-140 et Procureur c/ Semanza, Chambre de 1Ăšre inst., 15 mai 2003, (ICTR-97-20-T), §§ 334-339.129 TPIR, Procureur c/ Semanza, op.cit., §§ 334-339.
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
tribunal qui considĂšre quâen vertu du droit international coutumier, câest le meurtre, et non
lâassassinat, qui constitue un crime contre lâhumanitĂ©130.
La jurisprudence du TPIY retient Ă©galement le meurtre, et non lâassassinat, comme constitutif
de crime contre lâhumanitĂ©. Les Ă©lĂ©ments constitutifs du meurtre sont :
ïżœ « Le dĂ©cĂšs de la victime ;
ïżœ rĂ©sultant dâun acte ou dâune omission de lâaccusĂ© ou de son subordonnĂ©;
ïżœ alors que lâaccusĂ© ou son subordonnĂ© Ă©tait animĂ© de lâintention de donner la mort Ă la victime ou
de porter des atteintes graves à son intégrité physique, dont il ne pouvait que raisonnablement
prĂ©voir quâelles Ă©taient susceptibles dâentraĂźner la mort »131.
Il faut que lâintention de lâauteur soit de tuer ou dâinfliger des atteintes graves Ă lâintĂ©gritĂ©
physique de sa victime sans Ă©gard pour sa vie132.
B. Le Code pénal militaire congolais
Lâarticle 169 du Code pĂ©nal militaire cite le meurtre comme un des actes constitutifs de crime
contre lâhumanitĂ©, sâil est commis dans le cadre dâune « attaque gĂ©nĂ©ralisĂ©e ou systĂ©matique
lancée sciemment contre la République ou contre la population ».
C. La jurisprudence des tribunaux congolais
Dans lâaffaire Songo Mboyo, des militaires ont Ă©tĂ© condamnĂ©s pour crime contre lâhumanitĂ©
en raison dâactes de viol et non de meurtre. La dĂ©cision en appel relĂšve pourtant que,
notamment selon le rapport dâun gynĂ©cologue requis par le ministĂšre des droits humains,
« plusieurs femmes ont Ă©tĂ© violĂ©es et lâune dâelles, la nommĂ©e EUGENE BONYOLE Ă©tait dĂ©cĂ©dĂ©e des suites
de viol »133. Compte tenu des précisions inscrites dans les Eléments des crimes (« avoir causé la
mort »), les auteurs de ce viol auraient donc Ă©galement pu ĂȘtre poursuivis pour meurtre si lâon
avait pu Ă©tablir quâils ne pouvaient pas raisonnablement ignorer que le viol pouvait causer,
mĂȘme Ă terme, le dĂ©cĂšs. A cet Ă©gard, le fait que lâauteur du viol sache quâil est atteint du VIH
pourrait ouvrir la voie Ă une condamnation pour meurtre puisque le virus est susceptible de
causer la mort.
Dans lâaffaire des Mutins de Mbandaka, aprĂšs avoir rappelĂ© que « le meurtre quant Ă lui sâentend
comme le fait pour lâagent de donner volontairement la mort Ă une personne humaine », le TMG prĂ©cise
que « dans le cas sous examen les témoignages, les renseignements ainsi que les piÚces versées au dossier
130 TPIR, Procureur c/Akayesu, op.cit., § 588.131 TPIY Procureur c/ Blaskic, op. cit., § 217.132 P. currat, op. cit., p. 148.133 CM de lâEquateur, Affaire Songo Mboyo, op.cit., p. 17.
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
prouvent Ă suffisance le dĂ©cĂšs de plusieurs personnes dont BOONGO NDJOLI (âŠ) »134. Le tribunal
constate ensuite que si « le meurtre est Ă©tabli dĂšs lors quâil y a rĂ©union des Ă©lĂ©ments matĂ©riels et
intellectuels », cette derniÚre exigence ne serait pas toujours requise en droit international135. Il
se rĂ©fĂšre explicitement Ă lâaffaire Banovic136, dans laquelle le TPIY a considĂ©rĂ© que le meurtre
est Ă©tabli mĂȘme lorsque lâintention de donner la mort fait dĂ©faut. LâinterprĂ©tation de cette
jurisprudence internationale par le juge congolais est Ă nuancer puisque lâĂ©lĂ©ment moral est
au moins prĂ©sent dans la connaissance quâa lâauteur de participer Ă une attaque gĂ©nĂ©ralisĂ©e
ou systématique contre une population civile.
En revanche, en appel de cette décision, la Cour militaire ne prend pas les faits de meurtres
(mais bien les viols) en considĂ©ration pour Ă©tablir les crimes contre lâhumanitĂ©137. Elle ne
justifie pas cette « omission », alors pourtant quâelle a constatĂ© que « lors de cette agression on a
déploré la mort des personnes suivantes dont [noms des victimes], les prévenus sus identifiés savaient
quâen utilisant des armes de guerre pour venger un des leurs, ils donneraient la mort aux civils »138.
Dans lâaffaire Kahwa, le principal prĂ©venu est notamment poursuivi pour avoir commis un
crime contre lâhumanitĂ© par meurtres. En lâespĂšce, le tribunal relĂšve que : « le prĂ©venu nâa pas
été vu par les victimes en train de tuer mais que les miliciens qui sont venus les agresser à ZUMBE le 15 et
16 octobre 2002 Ă©taient les membres de la milice PUSIC commandĂ©e par le prĂ©venu KAWA [âŠ] car lâattaque
de ce jour lĂ provenait de trois axes [âŠ]que ces secteurs sont alors sous contrĂŽle de la milice du prĂ©venu et il
ressort de lâinstruction que plusieurs personnes civiles ont trouvĂ© la mort ce jour »139.
En lâoccurrence, le statut de commandant de la milice qui contrĂŽlait la zone dont provenaient
les attaques, du principal prévenu, conduit le tribunal à condamner ce dernier pour ces
meurtres. MĂȘme si les magistrats auraient pu davantage prĂ©ciser les Ă©lĂ©ments de preuve qui
Ă©tablissent que les miliciens ont bien commis les meurtres et ont agi sous le commandement
du prĂ©venu, lâon peut relever avec intĂ©rĂȘt que les juges ont considĂ©rĂ© que le prĂ©venu Ă©tait
lâauteur dâactes qui ont causĂ© la mort des victimes, et ce mĂȘme sâil ne les a pas accomplis lui-
mĂȘme. Cette nouveautĂ© jurisprudentielle constitue en la matiĂšre une rĂ©elle avancĂ©e, qui
mĂ©rite dâĂȘtre ici soulignĂ©e.
134 TMG de Mbandaka, Affaire Mutins de Mbandaka, p. 19. 135 Ibid.136 TPIY, Procureur c/Banovic, Ch. 1Ăšre inst., 28 octobre 2003, (IT-02-65/1-3), note 93 : « Il va sans dire que lâintention spĂ©cifique de donner la mort nâest pas un Ă©lĂ©ment requis pour quâun accusĂ© soit reconnu coupable de meurtre en tant que crime contre lâhumanitĂ© en vertu du droit international coutumier. Voir par exemple Jugement Vasiljevic, par. 205 ; Jugement Krnojelac, par. 324 ; Le Procureur c/ Kvocka et consorts, Jugement, affaire n° IT-98-30/1-T, 2 novembre 2001, par. 132 ; Le Procureur c/ Krstic, Jugement, affaire n° IT-98-33-T, 2 aoĂ»t 2001, par. 485 ; Le Procureur c/ Kordic et Cerkez, Jugement, affaire n° IT-95-14/2-T, 26 fĂ©vrier 2001, par. 235 et 236 ; Jugement Kupreskic, par. 560 et 561 ; Le Procureur c/ Blaskic, Jugement, affaire n° IT-95-14-T, 3 mars 2000, par. 217 ; Le Procureur c/ Jelisic, Jugement, affaire n° IT-95-10-T, 14 dĂ©cembre 1999, par. 35 ; Jugement Celebici, par. 422 et 439. »137 « En effet, dans le cas dâespĂšce, ce sont les diffĂ©rents viols commis massivement sur la population fĂ©minine du quartier (âŠ) qui constituent lâinfraction de crime contre lâhumanitĂ© », CM de lâEquateur, Affaire Mutins de Mbandaka, op.cit., p. 12.138 Ibid., p. 14.139 TMG de lâIturi, Affaire Kahwa, op.cit., p. 25.
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
En conclusion, il faut noter que si les juges congolais maßtrisent les avancées
jurisprudentielles des tribunaux internationaux ad hoc, peu de jugements précisent par
contre quels sont les éléments de preuve qui ont été retenus pour établir le décÚs, rechercher
ses causes, et identifier lâauteur des faits avec certitude.
Les Ă©ventuels tĂ©moignages, aveux, Ă©lĂ©ments matĂ©riels, ou rapports dâexperts (tels que les
autopsies) devraient ĂȘtre systĂ©matiquement mentionnĂ©s dans le prononcĂ© de la dĂ©cision.
Il peut toutefois ĂȘtre notĂ© que selon la jurisprudence du TPIY, la preuve de la mort de la
victime ne signifie pas que le corps soit retrouvé ou identifié140. La mort de la victime peut
ĂȘtre Ă©tablie Ă la lumiĂšre des circonstances de lâespĂšce et de lâensemble des Ă©lĂ©ments de
preuve prĂ©sentĂ©s Ă lâaudience, tels que, par exemple, des preuves de mauvais traitements
de la victime, le climat général de violence sur le lieu de commission du meurtre, le temps
Ă©coulĂ© depuis la disparition de la personne, et lâabsence de contacts avec des proches.
En outre, il est du ressort des juges de sâattacher Ă Ă©tablir tous les Ă©lĂ©ments constitutifs
du crime tels quâĂ©numĂ©rĂ©s par lâarticle 7 du Statut et dans les ElĂ©ments des crimes, en
sâappliquant particuliĂšrement Ă sâassurer que câest, sans doute possible, le prĂ©venu qui a
causĂ© la mort (mĂȘme sans intention de la donner).
1.1.4. Les crimes contre lâhumanitĂ© par viol â Ă©lĂ©ments constitutifs
A. Le Statut de la CPI et les « Eléments des Crimes »
Lâarticle 7 du Statut ne donne aucune prĂ©cision sur la dĂ©finition du viol. Ce sont Ă nouveau
les ElĂ©ments des crimes qui remplissent ce rĂŽle en sâinspirant de la dĂ©finition Ă©tablie par le TPIR
dans lâaffaire Akayesu141 :
1. « Lâauteur a pris possession du corps dâune personne de telle maniĂšre quâil y a eu pĂ©nĂ©tration,
mĂȘme superficielle, dâune partie du corps de la victime ou de lâauteur par un organe sexuel, ou
de lâanus ou du vagin de la victime par un objet ou toute partie du corps.
2. Lâacte a Ă©tĂ© commis par la force ou en usant Ă lâencontre de ladite ou desdites ou de tierces
personnes de la menace de la force ou de la coercition, telle que celle causée par la menace de
violences, contrainte, détention, pressions psychologiques, abus de pouvoir, ou bien à la faveur
dâun environnement coercitif, ou encore en profitant de lâincapacitĂ© de ladite personne de donner
son libre consentement.
3. Le comportement faisait partie dâune attaque gĂ©nĂ©ralisĂ©e ou systĂ©matique dirigĂ©e contre une
population civile.
140 TPIY, Procureur c/Krnojelac, Ch. 1Úre inst., 15 mars 2002, (IT-97-25), § 326.141 TPIR, Procureur c/Akayesu, op. cit, §§ 596-598.
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
4. Lâauteur savait que ce comportement faisait partie dâune attaque gĂ©nĂ©ralisĂ©e ou systĂ©matique
dirigĂ©e contre une population civile ou entendait quâil en fasse partie. »142
La rÚgle 70 du RÚglement de procédure et de preuve de la CPI comporte des précisions intéressantes.
Elle prĂ©voit notamment que le consentement dâune victime ne peut ĂȘtre dĂ©duit de son silence,
de son manque de rĂ©sistance, de ses paroles ou de sa conduite, lorsquâelle a Ă©tĂ© forcĂ©e ou
menacĂ©e ou quâelle nâĂ©tait pas en Ă©tat de donner son consentement. La rĂšgle prĂ©cise aussi que
la crĂ©dibilitĂ©, lâhonorabilitĂ© ou la disponibilitĂ© sexuelle dâune victime ou dâun tĂ©moin ne peut
ĂȘtre dĂ©duite de son comportement sexuel antĂ©rieur ou postĂ©rieur.
En ce qui concerne lâusage de la force, la jurisprudence des tribunaux internationaux
ad hoc ainsi que la doctrine reconnaissent quâun environnement coercitif peut suffire
Ă constituer lâemploi de la force. De plus, le viol devant ĂȘtre commis dans le cadre dâune
attaque gĂ©nĂ©ralisĂ©e ou systĂ©matique pour ĂȘtre constitutif dâun crime contre lâhumanitĂ©,
lâenvironnement coercitif est intrinsĂšquement prĂ©sent et ne doit plus ĂȘtre dĂ©montrĂ©143.
Lâarticle 169 du Code pĂ©nal militaire cite le viol comme un des actes constitutifs de crime
contre lâhumanitĂ©, sâil est commis dans le cadre dâune « attaque gĂ©nĂ©ralisĂ©e ou systĂ©matique
lancée sciemment contre la République ou contre la population ».
Le 20 juillet 2006, de nouvelles dispositions ont été introduites dans le Code pénal
congolais en vue de la rĂ©pression des crimes dâagressions sexuelles et de viol144. Ce texte
a été adopté face à la « nécessité de prévenir et réprimer sévÚrement les infractions se rapportant
aux violences sexuelles » et dâadapter la lĂ©gislation congolaise aux « rĂšgles de droit international
humanitaire en matiÚre de violences sexuelles »145. Il prévoit notamment que la qualité officielle
nâest pas un motif dâexonĂ©ration, tout comme lâordre dâun supĂ©rieur nâexonĂšre pas lâauteur
dâune infraction relative aux violences sexuelles. Ce texte incrimine et dĂ©finit notamment
lâattentat Ă la pudeur, le viol, dâexcitation de mineurs Ă la dĂ©bauche, la prostitution forcĂ©e,
la prostitution dâenfants, lâesclavage sexuel, et les mutilations sexuelles. La dĂ©finition du
viol nâest pas identique Ă celle contenue dans les Elements de Crimes de la CPI, mais tĂ©moigne
dâune prise en compte beaucoup plus rĂ©aliste et Ă©quilibrĂ©e des cas de viols, notamment en
incriminant le viol sur la personne dâun homme. La loi prĂ©voit Ă©galement des circonstances
aggravantes qui imposent une peine plus lourde, notamment lorsque le viol est commis sous
la menace dâune arme, sur des personnes dĂ©tenues ou par des agents publics qui ont abusĂ©
de leur fonction. Bien entendu, le principe de non rĂ©troactivitĂ© de la loi pĂ©nale nâautorise
pas les juges à se référer à ce texte pour des faits antérieurs à son entrée en vigueur (1er août
2006) ; mais Ă lâavenir il devra ĂȘtre invoquĂ© pour toutes les infractions quâil vise.
142 Article 7.1) g)-1-Viol, des Eléments des crimes.143 Voir à ce sujet P. currat, op. cit., p. 396.144 Loi n° 06/18 du 20 juillet 2006, Journal Officiel, n° 15 du 1er août 2006.145 Voir exposé des motifs.
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
B. La jurisprudence des tribunaux congolais
En octobre 2005, le TMG de Kindu rendait un jugement dans lâaffaire Kalonga146, par lequel
il condamnait Ă mort un combattant MaĂŻ-MaĂŻ qui avait ordonnĂ© et participĂ© Ă lâenlĂšvement
et au viol de dix femmes. Les juges ont retenu lâinfraction de crime contre lâhumanitĂ©, telle
que dĂ©finie par le Code pĂ©nal militaire et nâont pas fait application du Statut de Rome. On
notera surtout que lâĂ©numĂ©ration des Ă©lĂ©ments constitutifs est entachĂ©e dâerreurs et que les
juges se sont contentĂ©s de lâaveu du prĂ©venu, sans faire Ă©tat des tĂ©moignages des victimes ou
dâĂ©ventuelles preuves matĂ©rielles corroborant les aveux.
Dans lâaffaire de Songo Mboyo, les militaires Ă©taient notamment poursuivis pour crimes
contre lâhumanitĂ© pour avoir « commis des viols massifs de femmes »147. Le jugement rendu en
premiÚre instance se démarque par la qualité et la rigueur du raisonnement des juges sur
les prĂ©ventions de viol. Lâon constate quâils se sont appliquĂ©s Ă Ă©tablir les quatre Ă©lĂ©ments
constitutifs de viol, tels que les énumÚrent les Eléments des crimes du Statut de Rome.
Quant Ă la dĂ©finition mĂȘme de lâacte, le tribunal reconnaĂźt que « le viol comme acte inhumain
se dĂ©finit diffĂ©remment selon que lâon se trouve en droit interne ou en droit international. En effet,
lâinterprĂ©tation comprise dans les ElĂ©ments des crimes, source complĂ©mentaire au Statut de Rome, donne
au viol une extension trÚs large comprenant ainsi tout acte inhumain à connotation sexo-spécifique ».148
Lâapplication directe du Statut de Rome dans lâaffaire Songo Mboyo a donc permis au TMG
de Mbandaka de livrer une interprétation plus large du crime de viol que celle initialement
prĂ©vue par le droit congolais. Le droit interne congolais nâincriminait Ă lâĂ©poque que le viol
commis sur une femme, alors que lâannexe ElĂ©ments des crimes du Statut de Rome indiquait
quâaussi bien les femmes que les hommes peuvent ĂȘtre victimes de viol149.
AprĂšs avoir rappelĂ© ces Ă©lĂ©ments, le tribunal a prĂ©cisĂ© quâen lâespĂšce, « il sâest agit de la
conjonction sexuelle, lâintromission du membre viril des agents dans les parties vaginales des victimes »150.
La dĂ©fense des prĂ©venus a tentĂ© de contester le viol en invoquant lâabsence de preuve. En
réponse, le tribunal a développé un argumentaire assez remarquable sur la difficulté de
rapporter la preuve en matiĂšre de viol et sur la situation trĂšs dĂ©licate des victimes, quâil
convient ici de rapporter intégralement :
« Attendu cependant que contrairement Ă la dĂ©fense lâatteinte sexuelle est une des choses les plus
difficiles à signaler à cause du contexte socio-culturel. Dans presque toutes les sociétés, une femme,
146 TMG de Kindu, Affaire Kalonga, RP 011/05, dĂ©cision du 26 octobre 2005.147 TMG de Mbandaka, Affaire Songo Mboyo, op.cit., p. 9.148 Ibid., p. 27.149 Cela ne veut pas dire pour autant quâil faut automatiquement sâaccorder sur le fait que le TMG ait appli-quĂ© directement cette annexe « ElĂ©ments de crimes » en droit interne. En effet, ce document nâa pas Ă©tĂ© incor-porĂ© dans lâordre juridique congolais comme nous en avons dĂ©crit les modalitĂ©s supra. Toutefois, il semble que rien nâempĂȘche dâinterprĂ©ter le Statut de Rome tel que la Cour pĂ©nale internationale est encouragĂ©e Ă le faire, ne serait-ce que par souci dâuniformitĂ© entre lâinterprĂ©tation au niveau international et au niveau national. 150 Ibid.
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
un homme ou un enfant qui porte des allĂ©gations des viols, de violence ou dâhumiliation sexuelle
a beaucoup Ă perdre et risque de faire lâobjet dâĂ©normes pressions ou dâostracisme de la part des
membres de sa famille immédiate et de la société en général ;
Compte tenu de son caractĂšre dâintimitĂ© et dâhumiliation il paraĂźt trop difficile de rĂ©unir pour la
rĂ©alisation du crime autant des tĂ©moignages possibles, câest ainsi, au regard de cette difficultĂ© de la
victime de lâinfraction passe pour premier tĂ©moin parce que ayant vĂ©cu elle mĂȘme le fait ;
Sâagissant de la faillibilitĂ© de certains tĂ©moignages des victimes dâagression sexuelle il est vrai que
les victimes pour éviter de revivre les moments pénibles ou encore par gÚne ou par honte se taisent
de certaines choses ou encore Ă©prouvent dâĂ©normes difficultĂ©s Ă se remĂ©morer fidĂšlement certains
Ă©pisodes de ce quâelles ont vĂ©cues et confondent les lieux ou les dates ou ajoutent dâautres dĂ©tails
qui leur viennent Ă lâesprit Ă mesure quâelles se sentent en confiance. Cette attitude peut donner Ă
tort lâimpression que les tĂ©moignages ne sont pas fiables voire quâils ne sont pas crĂ©dibles. Il en est
de mĂȘme de celles qui peuvent ressentir le besoin dâen rajouter le plus possible pour que leur histoire
fasse forte impression et soit cruelle. Il appartient donc au juge de fond de filtrer les témoignages en
se débarrassant des choses exagérément déclarée»151.
Quant aux preuves recueillies, le tribunal relĂšve que :
« Le MinistĂšre public [âŠ] fait asseoir son accusation sur les tĂ©moignages des victimes, sur ceux de
leurs conjoints et ceux des membres de leurs familles respectives. Au surplus, le ministĂšre public se
fonde également sur le rapport médical établi par le Docteur LUBAGA, gynécologue requis par le
MinistĂšre des Droits Humains ainsi que des renseignements tirĂ©s de lâinstruction de la prĂ©sente cause
[âŠ]Il ressort du rapport mĂ©dical Ă©tabli par le Dr LUBAGA, [âŠ]que nonobstant lâĂ©coulement du temps
Ă dater de lâĂ©vĂšnement, les traumatismes sont toujours prĂ©sents dans le chef des victimes dont plus
de 80% sont atteintes dâinfection sexuellement transmissible »152.
Le recours à un expert médical pour certifier les lésions et identifier leur cause est à saluer,
mĂȘme sâil ne ressort pas clairement du dispositif du jugement si celui-ci a Ă©tĂ© entendu en
audience.
Les juges procĂšdent ensuite Ă lâanalyse des preuves invoquĂ©es Ă lâencontre de chaque prĂ©venu.
Lâon relĂšvera ici les extraits les plus pertinents :
ïżœ « Il ressort des tĂ©moignages Ă©tablis de la victime (âŠ), des renseignements tirĂ©s de lâinstruction, et
du certificat mĂ©dical Ă©tabli, lâĂ©vidence du viol reprochĂ© aux prĂ©venus »153.
ïżœ « La qualitĂ© de parents ou dâalliance rĂ©vĂ©lĂ©e ne fait pas dĂ©faut Ă la rĂ©alisation du crime dĂšs lors que
les éléments constitutifs sont remplis »154.
151 Ibid, p. 27-28.152 Ibid.153 Ibid. p. 29.154 Ibid., p. 30.
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
ïżœ Alors que la dĂ©fense dâun prĂ©venu tente dâĂ©tablir lâincapacitĂ© de son client Ă commettre
un acte de viol en raison de son impuissance, le ministĂšre public appelle plusieurs
victimes qui dĂ©crivent « de maniĂšre constante le membre viril du prĂ©venu [âŠ] la tenue militaire
[âŠ] sa voix rock imitĂ©e par plusieurs victimes » et relĂšve la naissance dâune enfant dont la
date de conception atteste que le prĂ©venu nâĂ©tait pas impuissant au moment des faits.
ïżœ Le tribunal a Ă©galement considĂ©rĂ© quâun supĂ©rieur hiĂ©rarchique peut ĂȘtre condamnĂ©
comme « auteur moral » pour un fait de viol commis par « un militaire faisant partie
de sa suite » parce quâil a lui mĂȘme violĂ© une autre victime, et que ce comportement
« constitue pour les subalternes un encouragement aux actes analogues »155.
ïżœ Alors que la dĂ©fense invoque que le viol ne peut se commettre contre une personne
de sexe masculin, et que, à tort, le ministÚre public reconnaßt le bien fondé de ce
moyen, le tribunal conteste cette affirmation en invoquant la définition donnée par
les Eléments des crimes156.
ïżœ Concernant la dĂ©position dâune des victimes, les juges relĂšvent que « la flexibilitĂ© et
lâimprĂ©cision dans la dĂ©position de Mr LOFEKA LOKULI [âŠ] ne peuvent renverser les tĂ©moignages
des victimes dâagression sexuelle dont la force est reconnue par les instruments juridiques
internationaux »157.
ïżœ Une des victimes sâĂ©tant contredite dans ses dĂ©positions, le tribunal a considĂ©rĂ© que
« le besoin exprimĂ© par la victime de rajouter le plus possible le nombre dâagresseur pour donner au
fait forte impression et soit crue des juges ne signifie pas forcément que le témoignage raconte les
mensonges, il appartient donc au juge dâapprĂ©cier la valeur du tĂ©moignage en filtrant les choses
qui ont été exagérées. Dans le cas sous examen, le tribunal retient seul pour vrai le viol commis par
le prĂ©venu [âŠ] Ă©cartant des commentaires et rajouts [âŠ] sujets Ă contradiction »158.
Enfin, le jugement relĂšve que « lâacte matĂ©riel de viol a Ă©tĂ© commis par la force dans un
environnement coercitif manifeste. En effet, outre la qualité des militaires les prévenus disposaient, chacun
en ce qui concerne, une arme de guerre [âŠ] fait ayant annihilĂ© la possibilitĂ© de rĂ©sistance dans le chef des
victimes ainsi fragilisées »159. Une légÚre omission est à relever dans le dispositif du jugement
qui dĂ©clare certains des prĂ©venus « coupables de crimes contre lâhumanitĂ© » sans prĂ©ciser quâil
sâagit de crimes par viol.
En appel, la Cour militaire complÚte le jugement de premiÚre instance en énonçant que « le viol
commis par les militaires dans le cas de figure constitue une forme de torture Ă des fins dâhumiliation »160.
En matiĂšre de preuve, les juges dâappel estiment que « partant du principe de la libertĂ© des preuves,
155 TMG de Mbandaka, Affaire Songo Mboyo, op.cit., p. 31.156 Ibid., p. 32.157 Ibid., p. 24.158 Ibid., p. 34.159 Ibid., p. 34.160 CM de lâEquateur, Affaire Songo Mboyo, op.cit., p. 27.
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
[âŠ] les dĂ©clarations dâune victime faites de façon plus complĂšte peuvent constituer des preuves Ă charge des
prĂ©venus dĂšs lors quâelles sont corroborĂ©es par dâautres tĂ©moignages analogues »161. La Cour souligne en
outre que « la rĂ©alisation du viol nâest pas soumise Ă la satisfaction sexuelle Ă©prouvĂ©e par lâagent. Il faut
et il suffit seulement quâil y ait intromission de lâorgane masculin dans celui de la femme »162.
Dans lâaffaire des Mutins de Mbandaka, le tribunal reprend la dĂ©finition du viol quâil a donnĂ©
dans le jugement de Songo Mboyo163. Les auteurs ayant agi en dissimulant leur visage, « aucune
victime nâa reconnu son agresseur parmi les prĂ©venus et ce, tout au long de la procĂ©dure »164. Alors que
les viols semblent Ă©tablis (« Des certificats et rapports mĂ©dicaux [âŠ] font Ă©tat de 6 dĂ©cĂšs, 12 blessĂ©s et
46 victimes de viol »165), la preuve de la responsabilité des prévenus est beaucoup plus difficile
à apporter. Les juges ont condamné la plupart des auteurs sur la base des témoignages des
victimes mais ont aussi décidé, pour un des auteurs présumés, que « dans le cas sous examen,
la description physique du prévenu faite par les victimes ne suffit pas pour spécifier le prévenu parmi
tant dâautres [âŠ] et que devant cette situation, le tribunal se trouve devant un doute qui en principe ne
peut que profiter au prévenu »166. Si on se doit de reconnaßtre la rigueur des juges pour établir
la responsabilitĂ© de cet individu, on regrettera quâils aient en partie justifiĂ© cette dĂ©cision
en considĂ©rant que « en ce qui concerne les victimes dâagression sexuelle, les dĂ©positions des victimes
en reconnaissance de leurs agresseurs doivent ĂȘtre pris avec beaucoup de rĂ©serve car il a Ă©tĂ© suffisamment
démontré que la quasi-totalité paraßt plus erronée que juste »167.
En appel, la Cour confirme le raisonnement du tribunal concernant la définition du crime
de viol, tout en reconnaissant la valeur probante des témoignages des victimes dans
lâĂ©tablissement de la prĂ©vention pour viol :
« Il se dégage des attestations médicales établies par les médecins des différents hÎpitaux et cliniques
qui ont accueilli les victimes quâil y a eu pĂ©nĂ©tration de lâorgane sexuel masculin dans celui de la
femme (âŠ) ceci a Ă©tĂ© confirmĂ© par les victimes lors de leur audition au niveau de lâinstruction
prĂ©paratoire, or, le Statut de Rome veut quâen cette matiĂšre, câest plutĂŽt la victime du viol qui est le
tĂ©moin de lâacte »168.
Toutefois, rien dans le Statut ou les autres instruments de la Cour ne permet de déduire
un tel principe en matiĂšre de pertinence et dâadmissibilitĂ© des modes de preuves. Seule la
rĂšgle 66.4 du RĂšglement de procĂ©dure et de preuve relatif Ă lâadministration de cette derniĂšre
prĂ©voit que « les Chambres nâimposent pas lâobligation juridique de corroborer la preuve des crimes
relevant de la compétence de la Cour, en particulier des crimes de violences sexuelles. »
161 Ibid.162 Ibid., p. 28.163 TMG de Mbandaka, Affaire Mutins de Mbandaka, op.cit., p. 19.164 Ibid., p. 10.165 Ibid., p. 10.166 Ibid., p. 22.167 Ibid.168 CM de lâEquateur, Affaire Mutins de Mbandaka, op.cit, p.15.
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
Enfin, dans la dĂ©cision de renvoi de GĂ©dĂ©on devant le TMG du Haut-Katanga, lâauditeur
militaire fait rĂ©fĂ©rence Ă des faits qui devraient ĂȘtre qualifiĂ©s de viol (« intrusion dâun bĂąton
dans le sexe de K.V »169), en application de la définition du viol donnée par les Eléments des crimes.
En ce qui concerne le crime contre lâhumanitĂ© par viol, il appartient aux juges dâĂ©tablir tous
les Ă©lĂ©ments constitutifs tels quâĂ©numĂ©rĂ©s par les dispositions pertinentes de la loi du 20
juillet 2006 sur les violences sexuelles et/ou par lâarticle 7 du Statut et les ElĂ©ments des
crimes, sâil sâagit dâun crime contre lâhumanitĂ©.
Mention dans le jugement devrait ĂȘtre plus systĂ©matiquement faite des preuves qui ont
permis dâĂ©tablir ces Ă©lĂ©ments. En outre, une attention particuliĂšre au tĂ©moignage des
victimes de viol, souvent seule source de preuve dans ce domaine, et ce tout en tenant
compte de lâĂ©tat psychologique et du statut social souvent fragile des victimes, est dâune
grande importance.
1.2. Les crimes de guerre
1.2.1 DĂ©finition des crimes de guerre
A. Le Statut de la CPI
Le crime de guerre est dĂ©fini par lâarticle 8 du Statut de Rome. Les ElĂ©ments des crimes donnent
une description plus détaillée des comportements, conséquences et circonstances associés
Ă chaque infraction.
B. Le Code pénal militaire congolais
En droit congolais, les crimes de guerre sont régis par les articles 173 à 175 du Code pénal
militaire.
Lâarticle 173 dĂ©finit les crimes de guerre comme « toutes infractions aux lois de la RĂ©publique
commises pendant la guerre et qui ne sont pas justifiées par les lois et coutumes de la guerre170 ». La
rĂ©fĂ©rence aux lois et coutumes de la guerre aurait pu ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme un renvoi clair
au Jus cogens, autorisant formellement les juridictions à se référer au droit international
169 Auditorat militaire prÚs le TMG du Haut-Katanga, op.cit.170 Art. 165 §1 du Code pénal militaire.
![Page 49: Etude de jurisprudence - ASF](https://reader036.vdocuments.mx/reader036/viewer/2022062502/62afc4be27bbae64720be3ce/html5/thumbnails/49.jpg)
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
humanitaire coutumier171. En réalité, la définition se limite aux comportements incriminés
par le droit national congolais et ne correspond pas du tout Ă celle de lâarticle 8 du Statut de
Rome.
Quant Ă lâarticle 174, sa formulation est ambiguĂ«. Elle laisse entendre que les individus
qui peuvent ĂȘtre poursuivis pour crimes de guerre, tels que dĂ©finis par lâarticle 173, sont
exclusivement des personnes au service de lâennemi172.
De plus, comme nous lâavons prĂ©cĂ©demment soulignĂ©, lâarticle 166 du Code intĂšgre Ă
la dĂ©finition des crimes contre lâhumanitĂ© un nombre important des incriminations
constitutives de crimes de guerre dans le Statut de Rome173. Cette particularité, source
dâerreurs de qualification entre les crimes contre lâhumanitĂ© et les crimes de guerre, a justifiĂ©
lâapplication par les juges des dispositions du Statut de Rome. Dans lâaffaire des Mutins de
Mbandaka, le TMG a ainsi considéré que le Code pénal militaire « entretient une confusion entre
le crime contre lâhumanitĂ© et le crime de guerre qui du reste est clairement dĂ©fini par le Statut de Rome de la
Cour PĂ©nale Internationale »174, tandis que dans lâaffaire Bavi, le TMG de lâIturi a dĂ©cidĂ© dâĂ©carter
les dispositions pénales nationales pour appliquer « en toute sécurité les dispositions essentielles
du Statut de Rome sur les crimes contre lâhumanitĂ© et les crimes de guerre175. »
Comme il a Ă©tĂ© vu dans lâintroduction de cette Ă©tude, le Code pĂ©nal militaire ne prĂ©voit
aucune peine en cas de crimes de guerre. DâaprĂšs le TMG de lâIturi, « pour ce qui est des crimes de
guerre (âŠ) le lĂ©gislateur congolais entendait, pour leur rĂ©pression, que le juge militaire se rĂ©f Ăšre aux peines
prévues en droit interne »176.
Enfin, lâon notera que le Code pĂ©nal militaire ne distingue pas les conflits selon quâils sont
internes ou internationaux.
171 Voir lâĂ©tude menĂ©e par le CICR Ă ce sujet : J.M. henckaerts et L. dosWald-beck, Customary International Hu-manitarian Law, ICRC, Cambridge, Cambridge University Press, 2005.172 « Sont poursuivis devant les juridictions militaires, [âŠ] ceux qui, lors de la perpĂ©tration des faits, Ă©taient au service de lâennemi ou dâun alliĂ© de lâennemi, Ă quelque titre que ce soit, notamment en qualitĂ© de fonctionnaires de lâordre administratif ou judiciaire, de militaires ou assimilĂ©s, dâagents ou prĂ©posĂ©s dâune administration ou de membres dâune formation quelconque ou qui Ă©taient chargĂ©s par eux dâune mission quelconque[...] »173 Article 166 du Code pĂ©nal militaire. 174 TMG de Mbandaka, Affaire Mutins de Mbandaka, op.cit., p. 16.175 TMG de lâIturi, Affaire Bavi, op.cit., pp.36-37.176 TMG de lâIturi, Affaire Milobs, op.cit, p. 12.
![Page 50: Etude de jurisprudence - ASF](https://reader036.vdocuments.mx/reader036/viewer/2022062502/62afc4be27bbae64720be3ce/html5/thumbnails/50.jpg)
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
1.2.2. Les éléments constitutifs généraux
A. Le contexte : un conflit armé interne ou international
Selon les instruments internationaux de droit humanitaire, le Statut de la CPI et la
jurisprudence des tribunaux pénaux ad hoc
Les ElĂ©ments des crimes prĂ©voient que pour ĂȘtre constitutif de crime de guerre, le comportement
doit avoir eu lieu « dans le contexte de et était associé à » un conflit armé.
Les Commentaires de Jean Pictet sur les Conventions de GenÚve précisent que le terme
« conflit armé » a été choisi pour éviter les controverses qui auraient eu lieu, si le terme
« guerre » avait été utilisé177.
Lâon retiendra que câest avant tout la situation de fait qui dĂ©termine lâexistence dâun conflit
armé. Les situations de tensions internes et de troubles intérieurs comme les émeutes
ou les actes isolés et sporadiques de violence ne sont pas considérés comme des conflits
armĂ©s. Le droit international humanitaire ne sâapplique donc pas en principe aux situations
qui nâatteignent pas lâintensitĂ© dâun conflit armĂ©. Dans ce cas, ce sont les dispositions du
droit international des droits de lâhomme ainsi que la lĂ©gislation interne qui peuvent ĂȘtre
invoquées.
Pour dĂ©terminer sâil y a conflit armĂ©, le juge devra donc examiner plusieurs Ă©lĂ©ments
dont lâintensitĂ© (et la durĂ©e) ainsi que le degrĂ© dâorganisation des forces en prĂ©sence178.
Les Commentaires de Jean Pictet sur lâarticle 3 commun aux Conventions de GenĂšve
suggĂšrent des critĂšres utiles mais non exhaustifs pour dĂ©terminer lâexistence dâun conflit
armé. Le fait que les opposants au gouvernement possÚdent une force militaire organisée,
dirigée par une autorité responsable de ses actes, agissant sur un territoire déterminé et
disposant de moyens de respecter et faire respecter les Conventions de GenĂšve ; le fait
que le gouvernement soit contraint de recourir aux forces militaires réguliÚres contre des
insurgĂ©s qui contrĂŽlent une partie du territoire, quâil y ait reconnaissance ou dĂ©claration de
belligĂ©rance ou que le conflit ait Ă©tĂ© portĂ© Ă lâagenda du Conseil de SĂ©curitĂ© ou de lâAssemblĂ©e
gĂ©nĂ©rale des Nations Unies comme une menace pour la paix ou un acte dâagression179, sont
autant dâindicateurs possibles Ă prendre en compte.
Le droit international humanitaire reconnaßt deux catégories de conflits armés :
internationaux et non internationaux. Le caractĂšre international ou non dâun conflit est une
question centrale pour le juge, puisquâil va dĂ©terminer quelles rĂšgles du droit international
humanitaire sont applicables à la situation qui lui est déférée.
177 Il soutient quâ «Il suffit, pour que la Convention soit applicable, quâil y ait, en fait, un conflit armĂ©. Reste Ă savoir ce quâil faut entendre par « conflit armĂ© » Câest Ă dessein que lâon a remplacĂ© le mot « guerre » par cette expression beaucoup plus gĂ©nĂ©rale.», J. Pictet, Commentaire des Conventions de GenĂšve du 12 aout 1949, CICR, GenĂšve, 1952, vol. II, p.28. 178 TPIR, Procureur c/Akayesu, op.cit., § 620.179 Pour plus de dĂ©tails, voir J.Pictet, op.cit, Article 3, Para. 1, Dispositions applicables.
![Page 51: Etude de jurisprudence - ASF](https://reader036.vdocuments.mx/reader036/viewer/2022062502/62afc4be27bbae64720be3ce/html5/thumbnails/51.jpg)
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
En synthÚse, le droit international humanitaire connaßt deux régimes de protection :
1. Sâil y a conflit armĂ© international, les Conventions de GenĂšve de 1949 et le Protocole I de
1977 sâappliquent et protĂšgent tout individu ou catĂ©gorie dâindividus ne participant
pas ou ne participant plus activement au conflit, soit:
⹠les militaires blessés ou malades dans la guerre terrestre, ainsi que les
membres des services sanitaires des forces armées ;
⹠les militaires blessés, malades ou naufragés dans la guerre maritime,
ainsi que les membres des services sanitaires des forces navales ;
âą les prisonniers de guerre ;
âą la population civile, par exemple :
y les civils Ă©trangers sur le territoire des parties au conflit, y
compris les réfugiés;
y les civils dans les territoires occupés ;
y les détenus et les internés civils ;
y le personnel sanitaire, religieux, des organismes de protection
civile.
2. Si le conflit armĂ© ne prĂ©sente pas un caractĂšre international, seul lâarticle 3 commun aux
quatre Conventions et le Protocole II de 1977 sâapplique180. Le droit humanitaire
sâadresse alors aux forces armĂ©es, rĂ©guliĂšres ou non, qui prennent part au conflit, et
protĂšge tout individu ou catĂ©gorie dâindividus ne participant pas ou ne participant
plus activement aux hostilités, tels que :
⹠les combattants blessés ou malades ;
⹠les personnes privées de liberté en raison du conflit ;
âą la population civile ;
âą le personnel sanitaire et religieux.
Le Statut de Rome opĂšre la mĂȘme distinction entre conflit interne et conflit international. Le
caractĂšre du conflit dĂ©termine les prĂ©ventions qui peuvent ĂȘtre retenues contre les auteurs
des crimes. LâĂ©volution de la pratique tend toutefois Ă rĂ©duire les diffĂ©rences qui existent
entre les rĂšgles applicables aux conflits internationaux et celles applicables aux conflits
internes181.
Il est Ă ce stade pertinent de se demander comment il peut ĂȘtre dĂ©terminĂ© si un conflit
présente, ou ne présente pas, un caractÚre international.
180 Il convient de prĂ©ciser que les conditions dâapplication du Protocole II sont plus strictes que celles prĂ©-vues par lâarticle 3.181 A ce sujet, voir notamment E. david, Principes de droit des conflits armĂ©s, op.cit., § 1.44, pp. 95 et 96.
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
Un conflit armé international se caractérise généralement par la confrontation des forces
armĂ©es dâun Ătat contre celles dâun autre Ătat, par lâintervention armĂ©e des forces dâun Etat
sur le territoire dâun autre Etat ou par lâoccupation de tout ou une partie du territoire dâun
Etat182. Un conflit armé non international se caractérise par des hostilités entre les forces
armĂ©es dâun gouvernement et des groupes armĂ©s organisĂ©s, ou entre de tels groupes, au
sein dâun Ătat183.
Le Statut de Rome ne dĂ©finit pas le conflit armĂ© international. Lâarticle 8.2.f) donne une
indication sur les conflits armĂ©s ne prĂ©sentant pas un caractĂšre international. Il sâagit
de « [âŠ] conflits armĂ©s qui opposent de maniĂšre prolongĂ©e sur le territoire dâun Etat les autoritĂ©s du
gouvernement de cet Etat et des groupes armés organisés ou des groupes armés organisés entre eux ».
Si les forces armĂ©es dâun autre Etat interviennent dans un conflit qui se dĂ©roule sur le territoire
dâun Etat entre des forces gouvernementales et un ou plusieurs groupes armĂ©s ou entre ces
groupes armĂ©s, le conflit peut sâinternationaliser. Pour ce faire, il faut que les forces de lâEtat
tiers emploient la force en sâengageant au cĂŽtĂ© dâune des parties ou se battent pour le compte
de leur Etat. Câest certainement dans cette situation que se trouvait la RDC, lorsque des
troupes Ă©trangĂšres comme celles du Rwanda, de lâAngola ou de lâOuganda combattirent sur
son territoire. Les interventions militaires du Rwanda et de lâOuganda en Ituri prĂ©sentaient
également ces caractéristiques. A certaines périodes au moins, ces interventions militaires
Ă©trangĂšres en RDC laissent peu de doutes sur le caractĂšre international du conflit. Cette
question fera lâobjet dâun dĂ©veloppement ultĂ©rieur.
Plus délicate est la question du soutien financier et technique de certaines parties au conflit
par des Etats Ă©trangers. Dans ce cas, lâinternationalisation dĂ©pend du degrĂ© dâintervention
de lâEtat Ă©tranger, question sur laquelle aucune tendance jurisprudentielle ou doctrinale
majoritaire ne se dĂ©gage. On notera toutefois que dans lâaffaire Nicaragua c. Etats-Unis, la Cour
Internationale de Justice (CIJ) a considĂ©rĂ© que le conflit sâĂ©tait internationalisĂ© alors quâil nây
avait pas de troupes amĂ©ricaines au cĂŽtĂ© des rebelles Contras Ă partir du moment oĂč les Etats-
Unis les soutenaient financiÚrement et techniquement et avaient contribué au minage des
ports184. Dans lâaffaire Tadic, le TPIY a retenu le critĂšre du contrĂŽle exercĂ© par lâEtat Ă©tranger
sur les groupes armĂ©s, en considĂ©rant quâil fallait que lâEtat joue un rĂŽle dans lâorganisation,
la coordination et la planification des actions militaires en plus de le financer, lâentraĂźner,
lâĂ©quiper ou lui apporter un soutien opĂ©rationnel185. La question du soutien de certains
groupes rebelles qui combattent sur le territoire de la RDC par des Etats étrangers mérite
donc dâĂȘtre examinĂ©e au cas par cas pour dĂ©terminer le caractĂšre international ou non du
conflit. Câest ce quâa fait la Chambre prĂ©liminaire de la CPI dans la dĂ©cision de confirmation
des charges contre Thomas Lubanga en considĂ©rant que lâOuganda exerçait bien un contrĂŽle
182 Article 2 commun aux quatre Conventions de GenĂšve du 12 aoĂ»t 1949.183 Article 1 du Protocole additionnel II aux Conventions de GenĂšve du 12 aoĂ»t 1949 ; voir aussi TPIY, Procureur c/Tadic, Chambre dâappel, op.cit., § 70.184 Sur toutes ces questions, on se rĂ©fĂšrera notamment Ă E. david, Principes de droit des conflits armĂ©s, op.cit., § 1.44, pp. 92-181 et CIJ, Nicaragua c/ Etats-Unis, ActivitĂ©s militaires et paramilitaires au Nicaragua, 27 juin 1986, 185 TPIY, Procureur c/Tadic, Chambre dâappel, op.cit., § 84.
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
sur certaines milices actives en Ituri et que cette intervention internationalisait le conflit186.
Lâintervention des forces de maintien de la paix des Nations Unies peut Ă©galement avoir un
impact sur la qualification du conflit. En principe, elles ne sont pas envoyées dans un Etat
pour participer au conflit et comme le relÚve le professeur Eric David, « la seule présence des
forces de maintien de la paix de lâONU sur le territoire dâun Etat dĂ©chirĂ© par un conflit armĂ© ne suffit pas
Ă internationaliser ce conflit »187. Mais, prenant notamment lâexemple des affrontements entre
les forces de lâONU et les forces sĂ©cessionnistes katangaises en 1962 et 1963, il souligne que
lorsque le Conseil de sĂ©curitĂ© de lâONU autorise les forces de maintien de la paix Ă utiliser les
armes contre une ou plusieurs parties au conflit, « lâONU devient elle-mĂȘme Partie au conflit interne
[âŠ] Cette situation dâopposition armĂ©e entre lâONU et une partie au conflit sâapparente donc bien Ă une
situation de conflit international »188. Le mandat de la MONUC, autorisée à utiliser la force dans
certaines circonstances peut conduire Ă sâinterroger sur lâinternationalisation, au moins
partielle, du conflit en RDC. Les récents affrontements entre les FARDC, soutenues par la
MONUC, et les troupes du général Laurent Nkunda apporte à cette question un éclairage
trĂšs actuel.
Le magistrat qui veut déterminer le caractÚre international ou interne du conflit doit tenir
compte de la situation qui prĂ©valait au moment des faits quâil est appelĂ© Ă juger. Que les
combats se dĂ©roulent Ă lâendroit prĂ©cis des faits importe peu. Les tribunaux pĂ©naux
internationaux ont rappelĂ© que lorsque lâexistence dâun conflit armĂ© est Ă©tablie, le droit
international humanitaire continue de sâappliquer sur lâensemble du territoire des Etats
belligĂ©rants ou, dans le cas des conflits internes, sur lâensemble du territoire sous le
contrĂŽle dâune Partie, que des combats effectifs sây dĂ©roulent ou non, et ce, au moins jusquâĂ
ce quâun accord de paix soit effectivement mis en Ćuvre ou quâune conclusion pacifique
soit trouvĂ©e au conflit189. Bien sĂ»r, le juge doit toujours veiller Ă ce quâil existe un lien entre
le comportement criminel et le conflit armĂ© mais ce lien nâimplique pas forcĂ©ment que
lâinfraction ait Ă©tĂ© commise Ă lâendroit oĂč se dĂ©roulent les hostilitĂ©s. Le conflit doit avoir jouĂ©
un rĂŽle substantiel dans la commission du crime (capacitĂ© de lâauteur Ă commettre le crime,
décision de le commettre, maniÚre dont il a été commis, but dans lequel il a été commis). Les
facteurs suivants ont été pris en compte par le TPIR pour lier le crime au conflit armé : le fait
que lâauteur soit un combattant, le fait que la victime ne soit pas un combattant, le fait que
la victime appartienne au camp ennemi, le fait que le crime serve un objectif militaire, le fait
que le crime soit commis par lâauteur dans le cadre de ses fonctions officielles190.
La qualification que la CPI donnera au conflit dans le cadre du jugement de Thomas Lubanga
devrait constituer une indication claire pour les magistrats congolais qui ont Ă juger des
186 CPI, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, Chambre préliminaire I, décision du 29 janvier 2007, (ICC-01/04-01/06), §§ 200-237.187 E. david, Principes de droit des conflits armés, op. cit., § 1.103, p. 146.188 Ibid, § 1.101, p. 143.189 TPIR, Procureur c/ Rutaganda, op.cit., §§ 102-103 ; Procureur c/ Akayesu, op.cit., § 635 ; Procureur c/ Kayishema et Ruzidana, op.cit., §§ 182-183 ; Procureur c/ Bagilishema, op.cit., § 101 et TPIY, Kordic et Cerkez, Ch 1Úre inst., 26 février 2001, (IT-95-14/2-T), § 32 ; Procureur c/ Kunarac, Kovac et Vokovic, op.cit., § 57.190 TPIY, Procureur c/ Kunarac, Kovac et Vokovic, op.cit., §§ 58-59.
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
crimes commis en Ituri. La décision de confirmation des charges par la Chambre préliminaire
est dĂ©jĂ assez dĂ©taillĂ©e Ă ce sujet191. La Chambre considĂšre que lâintervention de lâOuganda
dans le conflit en tant que puissance occupante, ce qui a notamment été établi par le fait que
lâOuganda a procĂ©dĂ© Ă la nomination dâun gouverneur ou est intervenu pour faire libĂ©rer
Lubanga, prisonnier dâune autre milice, lui a confĂ©rĂ© un caractĂšre international, et ce jusquâau
retrait des troupes ougandaises en juin 2003. La Chambre considĂšre quâaprĂšs cette date, le
conflit ne prĂ©sentait plus ce caractĂšre international et doit par consĂ©quent ĂȘtre examinĂ©
comme un conflit interne. Pour fonder son raisonnement en droit, la Chambre sâappuie sur
les traitĂ©s et les principes du droit des conflits armĂ©s, notamment sur lâarticle 2 commun aux
Conventions de GenÚve qui définit le conflit armé international, sur le Protocole additionnel
II aux Conventions (conflit interne) et sur lâarticle 8-2-f du Statut. Elle se rĂ©fĂšre Ă©galement Ă
la dĂ©cision du 19 dĂ©cembre 2005 de la CIJ dans lâaffaire opposant la RDC Ă lâOuganda au sujet
de lâoccupation de lâIturi. La Cour a considĂ©rĂ© que lâOuganda avait illĂ©galement recouru Ă la
force et pouvait ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme une puissance occupante. La Chambre prĂ©liminaire
de la CPI mentionne Ă©galement plusieurs tĂ©moignages qui Ă©tablissent lâintervention directe
de lâOuganda dans le conflit. Cette dĂ©cision bien documentĂ©e, ainsi que celle de la CIJ,
peuvent aider les juges congolais devant qualifier le conflit en Ituri.
Il est Ă prĂ©sent pertinent dâexaminer la maniĂšre dont les juridictions militaires congolaises
ont fait application de ces dispositions.
La jurisprudence des juridictions militaires congolaises
Dans lâaffaire Bongi, le TMG de lâIturi relĂšve que, dans son analyse des Ă©lĂ©ments constitutifs
des crimes de guerre par pillage et par homicide intentionnel, le ministĂšre public invoque
des dispositions du Statut qui font référence à un « comportement qui a eu lieu dans le contexte de
et était associé à un conflit armé international »192, mais omet de prouver le caractÚre international
du conflit et « se contente dâĂ©voquer lâattaque gĂ©nĂ©ralisĂ©e entre deux milices armĂ©es internes, les FARDC
et les FRPI, effaçant ainsi le caractÚre international du dit conflit armé »193. Le tribunal requalifie alors
les infractions sur la base des articles du Statut qui prévoient les crimes de guerre par pillage
ou par atteinte Ă la vie et Ă lâintĂ©gritĂ© corporelle dans le cadre dâun conflit ne prĂ©sentant pas
un caractĂšre international, ou en tout cas, nâexcluant pas les conflits internes. Constatant
que le Statut de Rome ne définit pas le conflit armé présentant un caractÚre international,
les juges le dĂ©finissent par le biais dâun long dĂ©veloppement thĂ©orique avant de conclure,
« quâen lâespĂšce toutes les hypothĂšses de crimes de guerre commis dans le contexte dâun « conflit armĂ©
international » sont Ă©cartĂ©es car les FRPI, lâUPC armĂ©e, le FNI armĂ©, le PUSIC armĂ© ne sont en effet que des
milices ou groupes armés internes organisés qui se battent contre les FARDC »194. Pourtant en décrivant
le conflit en Ituri, le tribunal avait postérieurement relevé que « les armées étrangÚres dont celle
191 CPI, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, op.cit., §§ 200-237.192 TMG de lâIturi, Affaire Bongi, p. 12.193 Ibid.194 Ibid, p. 13-14.
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
de lâOuganda et autres ont aggravĂ© cette situation en apportant leur soutien en matĂ©riel de guerre, en
finances ou en personnel Ă lâun ou lâautre de ces groupes armĂ©s »195.
En appel, la Cour militaire de la province Orientale confirme lâinterprĂ©tation du tribunal
en précisant que « le comportement a eu lieu dans un contexte qui était associé à un conflit armé ne
présentant pas un caractÚre international » et en écartant la qualification de troubles internes
puisquâ« en lâespĂšce les affrontements entre les FARDC et les FRPI constituent des conflits armĂ©s non
internationaux quand on tient compte de leur intensité, de leur organisation et de la durée de participation
à ces conflits »196.
Dans lâaffaire Kahwa, le prĂ©venu est condamnĂ© pour crime de guerre pour avoir menĂ©
une attaque contre des biens protégés (centre de santé, église et écoles). Concernant la
qualification du conflit, le tribunal considÚre que « le comportement a eu lieu dans le contexte
de et Ă©tait associĂ© Ă un conflit ne prĂ©sentant pas un caractĂšre international, en lâoccurrence les milices
Hema et Lendus se battaient entre eux »197. Mais le jugement mentionne toutefois le fait que le
prĂ©venu « sâest organisĂ© en commandant les armĂ©es de lâOuganda et du Rwanda [âŠ] pour combattre
les ennemis qui menaceraient sa communauté HEMA de génocide »198. Si les juges avaient en leur
possession des éléments de preuve établissant une intervention déterminante de troupes
Ă©trangĂšres sur le territoire congolais, ils auraient pu juger quâil sâagissait dâun conflit Ă
caractÚre internationalisé.
Dans lâaffaire Bavi, la dĂ©fense du principal prĂ©venu a plaidĂ© le rejet de la qualification de
crime de guerre, en soutenant que « lâarticle 29 du code judiciaire militaire veut que le temps de guerre
ne commence quâau jour fixĂ© par le PrĂ©sident de la RĂ©publique pour la mobilisation des forces armĂ©es,
condition non rĂ©alisĂ©e en lâespĂšce »199. Le tribunal a judicieusement rĂ©pondu que « ces dispositions
ont Ă©tĂ© adoptĂ©es comme circonstances aggravantes de certaines infractions » mais nâont « aucun rapport
avec lâinfraction âcrime de guerreâ qui nâexige simplement que lâexistence dâun conflit armĂ© pour quâun acte
soit qualifiĂ© de crime de guerre »200. Pour Ă©tablir lâexistence de ce conflit, le tribunal relĂšve quâ« en
lâespĂšce, il ressort de lâinstruction que pendant la pĂ©riode du [âŠ],au [âŠ], les Forces ArmĂ©es de la RĂ©publique
Démocratique du Congo sont en conflit armé avec une milice armée commandée par le dénommé COBRA
MATATA (suit la description du lieu) »201 et que « le bataillon auquel appartiennent tous les prévenus
Ă©taient en hostilitĂ©s avec le groupe armĂ© commandĂ© par le sieur COBRA[âŠ],»202 Citant la jurisprudence
du TPIR, le tribunal concĂšde quâil doit exister un lien entre le comportement criminel et le
conflit armĂ© mais que ce lien nâimplique pas forcĂ©ment que lâinfraction ait Ă©tĂ© commise Ă
lâendroit oĂč se dĂ©roulent les hostilitĂ©s. En appel, la Cour se contente de constater que les
meurtres, viols et pillages ont eu lieu dans les mĂȘmes circonstances, « câest-Ă -dire celui dâun
195 Ibid, p. 5.196 CM Province Orientale, Affaire Bongi, 4 novembre 2006, RPA 030/06, p.19.197 TMG de lâIturi, Affaire Kahwa, op.cit., p. 29.198 Ibid.199 TMG de lâIturi, Affaire Bavi, op.cit., p. 37.200 Ibid, p. 37-38.201 Ibid, p. 38.202 Ibid, p. 41.
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
conflit armé ne présentant pas un caractÚre international, soit entre le Bataillon intervention de la 1Úre
Brigade intĂ©grĂ©e et une milice armĂ©e de lâIturi commandĂ©e par un certain COBRA MATATA »203.
Dans lâaffaire MILOBS, le TMG de lâIturi confirme sa jurisprudence en considĂ©rant que
le conflit ne présente pas un caractÚre international, et ce en se basant sur les constats
suivants : « en lâespĂšce la milice FNI est en hostilitĂ© armĂ©e avec celle dĂ©nommĂ©e UPC [âŠ], en lâespĂšce les
prévenus étaient devenus si violents car une attaque de la localité MUNGWALU par la milice armée UPC
commandée par un certain Thomas LUBANGA »204.
Dâun autre cĂŽtĂ©, plusieurs dĂ©cisions nâont mĂȘme pas retenu la qualification de crime de
guerre, ni fait application du Statut de Rome, alors que les éléments constitutifs de cette
prévention semblaient réunis.
Dans lâaffaire Ankoro205, la Cour militaire du Katanga nâa pas retenu la qualification de crimes
de guerre, alors que les faits laissent penser que les crimes ont bien été commis dans le cadre
dâun conflit armĂ© qui opposait, entre autres, les FARDC aux miliciens MaĂŻ-MaĂŻ. Câest dâailleurs
ce quâont plaidĂ© sans succĂšs les parties civiles206. La description des Ă©vĂšnements fait pourtant
Ă©tat dâaffrontements armĂ©s de grande ampleur prĂ©sentant un degrĂ© dâorganisation certain et
dâinfractions constitutives de crimes de guerre. Selon le tribunal :
« Le prĂ©venu savait que les localitĂ©s [âŠ], hĂ©bergeaient les MaĂŻ-MaĂŻ et Hutu mĂȘlĂ©s Ă la population
civile [âŠ], câest intentionnellement pour s âassurer lâanĂ©antissement de ses ennemis quâil lança des
bombes dans cette direction espérant atteindre par là les ennemis, bombes qui atteignirent les civils
qui nâĂ©taient pas concernĂ©s par cette guerre »207.
Traitant de la question de la responsabilitĂ© civile de lâEtat congolais, la Cour militaire
du Katanga fait encore Ă©tat de combats: « certains militaires de la 95Ăšme Brigade [âŠ], tuĂšrent des
personnes non engagĂ©es dans les hostilitĂ©s et en blessĂšrent dâautres »208. A la lecture des faits, on
peut mĂȘme se demander sâils nâont pas eu lieu dans le cadre dâun conflit armĂ© Ă caractĂšre
international, puisque la Cour reconnaĂźt lâintervention de « compagnies Hutu, câest-Ă -dire
les rĂ©fugiĂ©s rwandais hutus » et que les Ă©vĂšnements ont eu lieu en novembre 2002, Ă©poque Ă
laquelle des troupes étrangÚres étaient encore présentes sur le territoire de la RDC. Quoi
quâil en soit, les arguments avancĂ©s par la Cour pour Ă©carter la demande de requalification
en crime de guerre sont sans rapport aucun avec la définition des crimes de guerre209. Pire,
la Cour a disqualifiĂ© lâinfraction de crime contre lâhumanitĂ© retenue contre un prĂ©venu en
celle de meurtre210.
203 CM de la Province Orientale, Affaire Bavi, 28 juillet 2007, RPA 003/07, p. 30.204 TMG de lâIturi, Affaire Milobs, op.cit., pp. 14 et 15.205 CM du Katanga, Affaire Ankoro, 20 dĂ©cembre 2004, RP 01/2003 et RP 02/2004.206 ACIDH, « ProcĂšs de la Cour militaire du Katanga sur les crimes commis Ă Ankoro»,Rapportfinal,Lubumbashi,mars 2005, p. 27 et 57.207 Ibid., p. 58.208 CM du Katanga, Affaire Ankoro, op.cit. et ACDH, op.cit., p. 63.209 ACDH, op. cit., p. 57.210 Ibid.
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
Dans lâaffaire Mitwaba, la mĂȘme Cour sâest contentĂ©e dâune condamnation pour non-
assistance Ă personne en danger, alors que les faits tels quâils sont dĂ©crits laissent peu de
doute sur lâexistence dâun conflit armĂ© et la commission de crimes de guerre. La dĂ©fense des
parties civiles avaient dâailleurs demandĂ© une requalification en ce sens211. Pour prĂ©sentation :
« Le 17 mars 2005, le 632e bataillon infanterie basé à Konga fut attaqué par les insurgés Mai-Mai
[âŠ],le 632 e Bn Inf se rĂ©organisa rapidement pour la contre-attaque et rĂ©cupĂ©ra la localitĂ© de Konga
le 18 mars 2005 [âŠ], que suite Ă la guĂ©rilla pratiquĂ©e par les insurgĂ©s Mai-Mai en entrant dans les
localitĂ©s quâils veulent attaquer par infiltration dans la population civile, le Major[âŠ],dĂ©cida de
les dĂ©pister et de les arrĂȘter[âŠ],que cette opĂ©ration dâarrestation des Mai-Mai infiltrĂ©s dĂ©buta le 18
mars 2005 (âŠ) que 95 Mai-Mai furent arrĂȘtĂ©s et dĂ©tenus Ă la prison centrale de Mitwaba [âŠ], furent
regroupĂ©s dans trois cellules de trois mĂštres sur deux, oĂč 17 pĂ©rirent les uns aprĂšs les autres suite
aux mauvaises conditions telles que les maladies, privation de nourriture et dâeau potable ; que les
rescapĂ©s furent libĂ©rĂ©s suite Ă lâintervention du CICR »212.
Les arguments avancés par la Cour pour écarter la qualification de conflit armé ne sont pas
pertinents :
« les piĂšces du dossier et lâinstruction Ă lâaudience dĂ©montrĂšrent que parmi les 95 Mai-Mai, il y
eu de purs civils composĂ©s surtout de femmes et dâenfants, qui nâĂ©taient pas Mai-Mai [âŠ]La Cour
remarqua que le crime de guerre et le crime contre lâhumanitĂ© proposĂ©s respectivement par les parties
civiles et par le ministĂšre public[âŠ]ne cadrent pas avec les faits mis Ă charge des prĂ©venus [âŠ] elle
requalifie les faits en non assistance à personnes en danger »213.
La relation des faits ne laisse aucun doute sur la commission de crimes dans le cadre dâun
conflit armĂ© interne : les combats opposent lâarmĂ©e rĂ©guliĂšre Ă une faction armĂ©e et ont
une certaine intensitĂ©, ces combats sâinscrivent dans le prolongement dâaffrontements
plus anciens, et ils tĂ©moignent dâun degrĂ© dâorganisation assez important. Ils ne peuvent
donc ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme un simple soulĂšvement ou comme des troubles internes.
Lâintervention du CICR pour demander la libĂ©ration des prisonniers laisse Ă©galement penser
que les personnes détenues étaient bien des prisonniers de guerre ou des internés civils,
privĂ©s de libertĂ© dans le cadre dâun conflit armĂ©. Dans ce contexte, plusieurs crimes de
guerre au moins auraient dĂ» ĂȘtre poursuivis, notamment pour atteintes Ă la vie et Ă lâintĂ©gritĂ©
corporelle (meurtres et traitements cruels)214. De plus, le fait que certaines victimes soient
des civils ne disqualifie en rien lâinfraction. Ni le Statut de Rome, ni le droit international
humanitaire ne conditionnent lâexistence de tels crimes au fait que les victimes soient des
militaires. La Cour aurait mĂȘme pu retenir des circonstances aggravantes car une partie des
personnes détenues étaient mineures.
211 CM du Katanga, Affaire Mitwaba, 25 avril 2007, RP 011/2006, p. 7. Curieusement, le MinistĂšre public a demandĂ©unerequalificationencrimecontrelâhumanitĂ©,considĂ©rantsansdoutequâilnâyavaitpasdeconflitarmĂ©.212 CM du Katanga, Affaire Mitwaba, op.cit., p. 6.213 Ibid., p. 8.214 Art. 8.2. c) i) du Statut de Rome.
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
Comme il a dĂ©jĂ Ă©tĂ© vu, le TMG de lâIturi nâa pas retenu la qualification de crime de guerre
dans lâaffaire des Mutins de Bunia (et nâa dâailleurs pas fait application du Statut de Rome),
alors que de nombreux actes de pillage avait Ă©tĂ© commis par les forces armĂ©es congolaises Ă
lâencontre de nombreuses victimes, au moment oĂč lâIturi Ă©tait en proie Ă un conflit armĂ©215.
Dans lâaffaire Kilwa216, le MinistĂšre public a requis la condamnation de plusieurs prĂ©venus
(notamment des représentants de la société miniÚre Anvil Mining) pour crimes de guerre
commis dans le cadre dâune « contre-attaque », au cours de laquelle une brigade des FARDC
a pilonné la cité de Kilwa à coups de mortiers (causant des incendies de maisons), a exécuté
sommairement des personnes civiles et commis des viols, des tortures et des pillages. La
Cour militaire du Katanga nâa pas suivi les rĂ©quisitions du MinistĂšre public en invoquant
surtout lâinsuffisance des preuves Ă charge des prĂ©venus. En lâespĂšce, les magistrats de la
Cour nâont pas cherchĂ© Ă dĂ©terminer lâexistence dâun conflit et ne se sont donc pas prononcĂ©s
sur la qualification de crime de guerre.
Dans la décision de renvoi du chef Maï-Maï Gédéon devant le TMG du Haut-Katanga pour
crimes contre lâhumanitĂ© et crimes de guerre217, lâauditeur militaire fait prĂ©cĂ©der le dĂ©tail
des prĂ©ventions dâune mise en contexte dans laquelle il se rĂ©fĂšre tant aux infractions graves
aux Conventions de GenĂšve du 12 aoĂ»t 1949 quâaux violations de lâarticle 3 commun aux
quatre Conventions de GenĂšve, tout en prĂ©cisant que ces dispositions ne sâappliquent pas
aux situations de troubles ou tensions internes. Il parait Ă©vident que le ministĂšre public a
ainsi tenté de couvrir les deux caractÚres possibles de conflit (international et interne), sans
doute parce quâil lui Ă©tait difficile de procĂ©der lui-mĂȘme Ă cette qualification. La description
des crimes laisse peu de doutes sur le fait que lâauditeur militaire a considĂ©rĂ© Ă juste titre
que ces Ă©vĂšnements sâinscrivaient bien dans le cadre dâun conflit armĂ© et sont constitutifs de
crimes de guerre. Une des incriminations retenues est dâailleurs le recrutement dâenfants de
moins de 15 ans dans un mouvement armé, infraction prévue et sanctionnée par les articles
8.2.b) xxvi) (conflit Ă caractĂšre international) et 8.2.e) vii) (conflit interne) du Statut de Rome.
La qualification mĂȘme du (ou des) conflit(s) en RDC reste une question centrale pour les juges
militaires. Plusieurs points Ă©pineux mĂ©ritent notre intention : jusquâĂ quelle date le conflit
Ă©tait-il international ? Les accords de paix intervenus mettent-ils fin au conflit international ?
Alors que des combats ont encore eu lieu dans plusieurs régions du pays, peut-on considérer
que les dispositions du droit humanitaire sur les conflits armés non internationaux sont
applicables sur tout le territoire ? Toutes ces questions restent sans réponse devant les
juridictions congolaises, indéniablement du fait la sensibilité politique de ces premiÚres.
215 TMG de lâIturi, Affaire Mutins de Bunia, 18 juin 2007, RP 008/2007.216 CM du Katanga, Affaire Kilwa, 28 juin 2007, RP 010/2006, p. 30.217 Auditorat militaire prĂšs le TMG du Haut-Katanga, Affaire GĂ©dĂ©on, op.cit.
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En conclusion de ce point, lâon constate que les juges ont parfois ignorĂ© lâexistence dâun
conflit armé, voire ont écarté la qualification de crime de guerre pour des motifs qui
semblent erronĂ©s, comme tel est le cas dans lâaffaire Mitwaba.
De surcroĂźt, les juges ont Ă chaque fois qualifiĂ© dâinterne les conflits armĂ©s quâils ont eu
Ă qualifier, et ce mĂȘme lorsque lâintervention de troupes Ă©trangĂšres est mentionnĂ©e
dans le jugement. Si dans les affaires étudiées ce choix a peu de conséquences au vu des
incriminations retenues (prévues tant pour les conflits internationaux que pour les conflits
internes dans le Statut de la CPI), lâon rappellera que le Statut incrimine davantage de
comportements dans le cadre de conflits Ă caractĂšre international que dans le cadre de
conflits internes. Le corpus de rĂšgles sur lequel le juge peut sâappuyer est donc beaucoup
plus réduit dans ce dernier cas. De plus, le statut de personne ou de bien protégé est un des
Ă©lĂ©ments constitutifs des crimes de guerre Ă©numĂ©rĂ©s dans les ElĂ©ments des crimes, ainsi quâil
sera Ă©tudiĂ© ultĂ©rieurement ; or la protection offerte par le corps de rĂšgles qui sâapplique en
cas de conflit armĂ© international est de la mĂȘme maniĂšre considĂ©rablement plus Ă©tendue.
Au vu de ces derniers développements, il est donc primordial que les juges vérifient et
mentionnent dans chacune de leurs décisions, les éléments qui leur ont permis de
dĂ©terminer lâexistence dâun conflit armĂ© et son caractĂšre international ou interne.
B. La connaissance de lâexistence dâun conflit armĂ©
Le fait pour lâauteur de savoir quâun conflit armĂ© est en cours est un Ă©lĂ©ment constitutif de
tous les crimes de guerre.
Les ElĂ©ments des crimes requiĂšrent que lâauteur ait eu « connaissance des circonstances de fait
Ă©tablissant lâexistence dâun conflit armĂ© », sans quâil soit nĂ©cessaire dâĂ©tablir que lâauteur ait
dĂ©terminĂ© sur le plan juridique lâexistence dâun conflit armĂ© ou le caractĂšre international ou
non international du conflit218.
Lâon peut maintenant se poser la question de savoir comment la justice militaire congolaise
a tenu compte de cet élément constitutif.
Dans lâaffaire Bongi, le TMG avait retenu que « le capitaine Blaise BONGI MASSABA [âŠ], en qualifiant
les Ă©lĂšves amenĂ©s par devers lui de PRISONNIERS de guerre, avait connaissance de lâexistence dâun conflit
armé »219. En appel, la Cour militaire a précisé que « le prévenu Blaise Bongi Massaba savait que son
unitĂ© Ă©tait engagĂ©e dans lâoffensive dĂ©clenchĂ©e pour dĂ©manteler les poches de rĂ©sistance des miliciens [âŠ] le
prĂ©venu ne pouvait ignorer lâexistence des hostilitĂ©s dans le secteur oĂč son unitĂ© Ă©tait dĂ©ployĂ©e»220.
218 Voir lâintroduction concernant lâarticle 8 et le point 5 de lâArticle 8.2.a) i) des ElĂ©ments des crimes, par exemple.219 TMG de lâIturi, Affaire Bongi, op.cit., p. 19.220 CM Province Orientale, Affaire Bongi, op.cit., p. 23.
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
Dans le jugement Kahwa, le tribunal relÚve que le prévenu avait connaissance des
circonstances de fait Ă©tablissant lâexistence dâun conflit armĂ©, « Ă tel enseigne quâil sâest organisĂ©
en commandant les armĂ©es de lâOuganda et du Rwanda [âŠ] pour combattre les ennemis qui menaceraient
sa communauté HEMA de génocide »221.
Dans lâaffaire Bavi, les juges ont rattachĂ© la connaissance des circonstances de fait Ă©tablissant
lâexistence dâun conflit armĂ© sur lâexistence dâun ordre Ă©crit222. LâidĂ©e de rechercher dans les
ordres Ă©crits des supĂ©rieurs est bonne, mais lâon regrettera que le tribunal ne se soit pas rĂ©fĂ©rĂ©
Ă des extraits pertinents de lâordre en question lorsquâil a vĂ©rifiĂ© les Ă©lĂ©ments constitutifs de
lâinfraction, alors quâil avait dĂ©taillĂ© une partie de son contenu lors de lâexamen des faits223.
En appel, la Cour militaire nâa pas Ă©tĂ© amplement plus loin dans lâexamen en avançant que
« le prĂ©venu Ă©tant lui mĂȘme commandant en chef dudit bataillon avait connaissance, autant que les autres
co-prĂ©venus, tous membres du mĂȘme bataillon de lâexistence dâun conflit armĂ© »224.
Afin dâĂ©tablir les Ă©lĂ©ments constitutifs de crime de guerre par meurtre, les juges dans le
dossier MILOBS se sont appuyés sur le fait que le véhicule des victimes « portait la mention
visible MONUC et est de couleur blanche »225 ; permettant ainsi de conclure à la connaissance de
lâexistence dâun conflit armĂ© par les auteurs. Cette motivation est un peu lĂ©gĂšre pour Ă©tablir
la connaissance dâun conflit armĂ©.226 Les juges ont tenu un raisonnement plus probant pour
Ă©tablir le crime de guerre par attaque contre le personnel dâune mission de maintien de la
paix, en constatant que « tous les prĂ©venus savaient pertinemment bien quâils Ă©taient en plein conflit
armé avec le groupe armé UPC »227.
Enfin, tant dans le dossier Ankoro que dans ceux de Mitwaba ou de Kilwa, lâampleur des
combats et la qualitĂ© dâofficier de certains des prĂ©venus laissaient peu de doute sur le fait
que les auteurs avaient connaissance de lâexistence dâun conflit armĂ©. Cependant, lâon est
conscient que la qualification de crime de guerre nâa malheureusement pas Ă©tĂ© retenue dans
ces trois affaires.
C. Contre des personnes ou des biens protégés
Savoir que la victime ou le bien bĂ©nĂ©ficie dâune protection particuliĂšre en vertu du droit des
conflits armés est un élément constitutif de tous les crimes de guerre. Les Eléments des crimes
requiĂšrent dâailleurs que lâauteur ait eu connaissance des circonstances de fait Ă©tablissant ce
statut de personne ou de bien protégé228.
221 TMG de lâIturi, Affaire Kahwa, op.cit., p. 28-29.222 TMG de lâIturi, Affaire Bavi, op.cit., p. 25 et 41.223 Ibid., p. 21.224 CM de la Province Orientale, Affaire Bavi, op.cit., p. 30.225 TMG de lâIturi, Affaire Milobs, op.cit., p. 14.226 Voir note 185 supra.227 Ibid., p. 16.228 Voir par exemple le point 3 de lâarticle 8.2.a) i) des ElĂ©ments des crimes.
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
Afin que le comportement soit qualifié de crime de guerre, il faut donc que la personne ou le
bien soit protĂ©gĂ© et que lâauteur ait eu connaissance de ce statut.
Dans le cadre du droit international humanitaire, les personnes protégées sont celles
auxquelles sâapplique une Convention particuliĂšre leur offrant un rĂ©gime de protection
lorsquâelles se trouvent au pouvoir de la partie belligĂ©rante adverse. Au sens plus large, les
personnes protégées sont celles auxquelles le droit humanitaire conventionnel et coutumier
assure une protection, notamment les personnes mises hors de combat (tels que les blessés,
malades et naufragés), les prisonniers de guerre et autres personnes privées de liberté (y
compris civiles) en raison dâun conflit armĂ©, les personnes civiles, le personnel sanitaire
et religieux, ainsi que le personnel participant aux actions de secours et le personnel des
organismes de protection civile.
Similairement, sont considérés comme biens protégés en cas de conflit armé, les biens
auxquels le droit coutumier ou des conventions internationales accordent une protection
contre des attaques ou autres actes hostiles (destruction, représailles, capture, confiscation
etc.). Lâon peut citer Ă titre dâexemple les biens Ă caractĂšre civil (Ă©coles), les biens culturels,
les lieux de culte, les unités de soins (hÎpitaux, centres de santé) et les moyens de transport
sanitaire.
Quant au degrĂ© de connaissance du statut de protection que doit avoir lâauteur des actes
criminels, il nâest pas nĂ©cessaire dâĂ©tablir quâil ait dĂ©terminĂ© sur le plan juridique la
protection dont bénéficiait la victime ou le bien attaqué. La connaissance de circonstances
de fait Ă©tablissant la protection est suffisante.
Il est maintenant utile dâexaminer comment les juridictions militaires ont pris en compte
ces éléments constitutifs.
Dans lâaffaire Ankoro229, mĂȘme si la Cour militaire nâa pas fait application du Statut de
Rome, nâa pas retenu la qualification de crime de guerre et nâa pas cherchĂ© Ă dĂ©terminer si
les prévenus avaient connaissance du statut des victimes, il est évident que des crimes ont
Ă©tĂ© commis contre des personnes et des biens protĂ©gĂ©s. Lâattaque a Ă©tĂ© lancĂ©e, sans doute
de maniÚre disproportionnée par rapport aux objectifs, contre la population civile, faisant
de nombreuses victimes. Des bĂątiments, tels que des hĂŽpitaux, des Ă©coles, des Ă©glises et
plusieurs milliers de maisons, ont été détruits et pillés.
Le mĂȘme problĂšme se pose dans lâaffaire Mitwaba230, dans laquelle les juges ne se sont pas
penché sur cette question alors que la détention des victimes leur conférait automatiquement
le statut de personnes protĂ©gĂ©es, et ce, quâelles soient militaires ou civiles.
229 CM du Katanga, Affaire Ankoro, op.cit.230 CM du Katanga, Affaire Mitwaba, op.cit., 2007.
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
Dans lâaffaire Kilwa, lâauditeur militaire supĂ©rieur poursuit notamment les prĂ©venus pour
avoir exĂ©cutĂ© sommairement des civils « nâayant pas pris part aux combats »231 Cependant, il a
déjà été noté que la Cour ne les a pas condamnés pour crimes de guerre.
De mĂȘme, dans lâaffaire Biyoyo232, le TMG de Bukavu nâa pas retenu lâinfraction de recrutement
dâenfants dans des groupes armĂ©s, alors quâil est Ă©vident que les enfants, a fortiori de moins
de quinze ans, entrent dans la catégorie des personnes protégées en droit humanitaire.
Le TMG de lâIturi a quant Ă lui rappelĂ© que le capitaine Blaise Bongi a fait arrĂȘter « des personnes
civiles [âŠ] Ă©lĂšves en humanitĂ© pĂ©dagogique [âŠ] un autre Ă©lĂšve [âŠ] lequel sâapprĂȘtait Ă aller Ă lâĂ©cole »233.
Pour les juges, il est indéniable que le prévenu avait connaissance du statut spécial réservé
au prisonnier de guerre, « [âŠ] en qualifiant les Ă©lĂšves amenĂ©s par devers lui de PRISONNIERS de
guerre »234. On constate cependant que le TMG nâa pas pris la peine de relever spĂ©cifiquement
que ces personnes Ă©taient protĂ©gĂ©es juridiquement et que le prĂ©venu ne pouvait lâignorer.
En appel, la Cour militaire sâest montrĂ©e plus rigoureuse. Elle a dâabord Ă©noncĂ© ce quâil faut
entendre par « personnes protĂ©gĂ©es » au sens de lâarticle 3 commun aux quatre Conventions de
GenÚve, se référant donc aux dispositions applicables en cas de conflit non international.
La Cour a ensuite vĂ©rifiĂ© si, en lâespĂšce, les victimes du capitaine Bongi entraient dans cette
catĂ©gorie et sâil le savait :
« Dans le cas sous examen, les cinq élÚves rentrent dans la premiÚre catégorie comme toute
personne civile ne participant pas directement aux hostilitĂ©s ; câĂ©taient des Ă©lĂšves qui fuyaient
la guerre [âŠ] mĂȘme sâils Ă©taient des miliciens [âŠ] comme le prĂ©tend le prĂ©venu ils devraient
bĂ©nĂ©ficier de la protection des Conventions [âŠ] Ă©tant mis hors de combat par leur capture [âŠ]
cette protection est reconnue aux combattants capturĂ©s et dĂ©sarmĂ©s [âŠ] Le prĂ©venu ne pouvait
pas se mĂ©prendre sur la qualitĂ© des cinq personnes [âŠ] habillĂ©s en uniforme scolaire [âŠ] De
par sa formation et de par sa fonction, le prévenu est censé connaßtre le droit international
humanitaire »235.
Il est nĂ©cessaire de souligner le souci de la Cour de prĂ©ciser que mĂȘme si elles avaient Ă©tĂ©
considĂ©rĂ©es comme combattantes, les victimes bĂ©nĂ©ficiaient dâune protection puisquâelles
Ă©taient « hors de combat ». De plus, le fait de considĂ©rer quâun officier supĂ©rieur ne peut
ignorer les rÚgles essentielles du droit humanitaire constitue un précédent juridique
remarquable qui, espĂ©rons-le, sera confirmĂ© dans dâautres jugements.
Dans lâaffaire Kahwa, alors que le TMG de lâIturi relĂšve que « les attaquants ont [âŠ] tuĂ© plusieurs
personnes civiles qui ne participaient pas à ces hostilités »236, il condamne le prévenu pour crime
contre lâhumanitĂ© et non pour crime de guerre. EnumĂ©rant les Ă©lĂ©ments constitutifs dâun
231 Cour militaire du Katanga, Affaire Kilwa, op.cit., p. 3.232 TMG de Bukavu, Affaire Biyoyo, 17 mars 2006, RP 096/2006 et RP 101/2006.233 TMG de lâIturi, Affaire Bongi, op.cit., p. 6.234 Ibid., p. 19.235 CM Province Orientale, Affaire Bongi, p. 22-23.236 TMG de lâIturi, Affaire Kahwa, op.cit., p. 16
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
crime de guerre par attaque contre des biens protégés tels que décrits par les Eléments des
crimes, le tribunal constate quâ « il ressort des dĂ©positions des victimes que lâattaque [âŠ]a portĂ© sur les
bĂątiments du centre de santĂ© [âŠ] lâEglise [âŠ], lâĂ©cole primaire [âŠ] Quâen lâoccurrence, en sâattaquant Ă tous
ces biens, les hommes de Kawa savaient que ces biens nâĂ©taient pas des biens militaires[âŠ]quâen effet, il nây
avait pas de cible militaire pour prĂ©tendre quâils ont attaquĂ© ce bĂątiment parce quâoccupĂ©s par des hommes
armés »237.
Dans lâaffaire Bavi, le TMG relĂšve que le critĂšre de personne protĂ©gĂ©e est rempli puisquâ« en
lâespĂšce, ces personnes Ă©taient civiles et hors combat, car elles Ă©taient capturĂ©es, identifiĂ©es et puis tuĂ©es »238.
Les juges se rĂ©fĂšrent Ă lâaffaire Akayesu en rappelant quâil sâagit de « toutes les personnes qui ne
participent pas ou plus aux hostilités ». Un autre extrait de ce jugement, relatif à la responsabilité
civile de lâEtat, mĂ©rite dâĂȘtre ici rapportĂ© :
« La jurisprudence dĂ©cide quâil suffit que la faute ait Ă©tĂ© commise au cours du service par le prĂ©posĂ©,
mĂȘme si celui-ci a passĂ© outre Ă une dĂ©fense du commettant [âŠ] laquelle dĂ©fense, en lâespĂšce , est la
consigne générale connue de tous les militaires des FARDC que les personnes qui ne participent pas
directement aux hostilitĂ©s (civils, prisonniers de guerre, etc.) ne doivent pas ĂȘtre tuĂ©es »239.
Cette présomption que tous les militaires des FARDC savent que les personnes qui ne
participent pas aux hostilitĂ©s doivent ĂȘtre « Ă©pargnĂ©es » peut ĂȘtre trĂšs utile pour Ă©tablir quâun
militaire, par sa fonction mĂȘme, sait que la personne Ă©tait « protĂ©gĂ©e ». Le tribunal reprend
donc le raisonnement tenu dans lâaffaire Bongi240.
Les observateurs dâune mission de maintien de la paix, mĂȘme sâils sont militaires bĂ©nĂ©ficient
eux aussi dâune protection juridique. Câest ce quâa considĂ©rĂ© le TMG de lâIturi dans lâaffaire
MILOBS en Ă©nonçant quâ « en lâespĂšce ce vĂ©hicule, bien dâune mission internationale de maintien de la
paix lâONU, quâest la MONUC a droit Ă la protection du droit international [âŠ] Quâen lâespĂšce, il nâexiste
aucun doute quant à la connaissance par ce prévenu que les véhicules de la MONUC sont sous la protection
du Droit international »241. Si ce raisonnement est bien fondé, les magistrats auraient toutefois
dĂ» se rĂ©fĂ©rer Ă la qualitĂ© de membres du personnel des victimes, puisque lâattaque a aussi
et surtout Ă©tĂ© dirigĂ©e contre des personnes. Câest dâailleurs ce quâont fait les juges pour les
préventions de crimes de guerre par meurtre :
« en lâespĂšce ces deux observateurs militaires de la MONUC ne participaient pas aux hostilitĂ©s
[âŠ] les prĂ©venus Ă©tant tous membres dâun groupe armĂ©, le FNI-FRPI, savaient tous que ces deux
officiers de la MONUC trÚs populaires à MUNGWALU ne participaient pas aux hostilités »242.
237 Ibid., p. 28-29.238 TMG de lâIturi, Affaire Bavi, op.cit., p. 40.239 Ibid., p. 47.240 TMG de lâIturi, Affaire Bongi, op.cit,, p. 17.241 TMG de lâIturi, Affaire Milobs, op.cit., p. 13.242 Ibid., pp. 14-15.
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
En ce qui concerne la qualité de personne protégée, il serait souhaitable que les juges
sâattachent Ă systĂ©matiquement vĂ©rifier et mentionner le statut des victimes au moment
des faits (civils, prisonniers de guerre, blessĂ©s, mineurs, personnel humanitaire ou dâune
mission de maintien de la paix, etc.), afin de sâassurer que ces personnes Ă©taient rĂ©ellement
protégées en vertu des Conventions de GenÚve ou du droit international humanitaire
coutumier.
Il est Ă©galement important que les juges se prĂ©occupent dâĂ©tablir que le prĂ©venu connaissait
ce statut ou ne pouvait lâignorer. A cet Ă©gard, le fait de considĂ©rer quâun officier supĂ©rieur
ne peut ignorer les rĂšgles essentielles du droit humanitaire est une voie Ă poursuivre. En ce
qui concerne les biens, les juges procĂšderont aux mĂȘmes vĂ©rifications, en sâassurant que
les biens nâont pas perdu leur protection en raison de leur utilisation Ă des fins militaires
par lâennemi.
1.2.3. Crimes de guerre par meurtre
Lâarticle 8 du Statut de Rome ne donne aucune dĂ©finition du meurtre. En cas de conflit armĂ©
international, il est qualifiĂ© dâhomicide intentionnel243 et en cas de conflit ne prĂ©sentant pas un
caractÚre international, il est qualifié de meurtre244.
Les ElĂ©ments des crimes exigent quâil soit Ă©tabli que « Lâauteur a tuĂ© une ou plusieurs personnes »245.
Une note de bas de page prĂ©cise que « le terme âtuĂ©â est interchangeable avec lâexpression âcausĂ© la mort
deâ. La prĂ©sente note sâapplique Ă tous les Ă©lĂ©ments qui utilisent lâune de ces deux expressions ». A lâinstar
des crimes contre lâhumanitĂ©, mĂȘme si lâauteur doit avoir eu connaissance des circonstances
de fait Ă©tablissant lâexistence dâun conflit armĂ© et le statut de personne protĂ©gĂ©e de la victime,
il nâest pas nĂ©cessaire quâil ait planifiĂ© le meurtre, ni mĂȘme quâil ait lui-mĂȘme donnĂ© la mort.
Un supĂ©rieur hiĂ©rarchique peut donc ĂȘtre condamnĂ© pour un meurtre commis par un de ses
subordonnés.
Quant à la jurisprudence des tribunaux pénaux internationaux en matiÚre de crimes de
guerre par meurtre, elle sâinscrit dans la lignĂ©e de celle sur les crimes contre lâhumanitĂ© par
meurtre. DâaprĂšs les TPI, les Ă©lĂ©ments constitutifs de ce type de crime sont :
⹠Le décÚs de la victime ;
âą rĂ©sultant dâun acte illĂ©gal ou dâune omission illĂ©gale de lâaccusĂ© ou de son subordonnĂ©;
243 Art. 8.2. a) i) du Statut de Rome.244 Art. 8.2.c) i) du Statut. Le TPIY a prĂ©cisĂ© que les Ă©lĂ©ments constitutifs du meurtre sont similaires Ă ceux de lâhomicide intentionnel, si ce nâest quâen vertu de lâarticle 3, le crime ne doit pas avoir Ă©tĂ© commis contre une âpersonne protĂ©gĂ©eâ mais contre une personne âqui ne participe pas activement aux hostilitĂ©sâ, Procureur c/Kordic et Cerkez, op.cit., § 233.245 Art. 8.2. a) i) â Homicide intentionnel et Art. 8. 2. c. i)-1 â Meurtre.
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
âą alors que lâaccusĂ© ou son subordonnĂ© Ă©tait animĂ© de lâintention de donner la mort Ă la
victime ou de porter des atteintes graves à son intégrité physique, dont il ne pouvait
que raisonnablement prĂ©voir quâelles Ă©taient susceptibles dâentraĂźner la mort246.
Lâintention doit ĂȘtre Ă©tablie mais la prĂ©mĂ©ditation nâest pas requise247. La preuve quâune
personne a bien été tuée ne doit pas nécessairement découler de la preuve que le corps de
cette personne a Ă©tĂ© retrouvĂ© ; elle peut ĂȘtre dĂ©duite des circonstances et de tous les Ă©lĂ©ments
de preuves présentés devant le tribunal248.
Dans lâaffaire Bongi, le tribunal cite mĂ©thodiquement les cinq Ă©lĂ©ments constitutifs du
meurtre prévu par les Eléments du crime (article 8, 2. c. i) et les lient aux faits de la cause :
1. « Lâauteur a tuĂ© une ou plusieurs personnes, dans le cas sous examen, le capitaine BMM a tuĂ©
cinq personnes, les nommĂ©s [âŠ]
2. les dites personnes Ă©taient hors de combat ou des personnes civiles [âŠ], en lâespĂšce il sâagissait
des Ă©lĂšves de lâĂ©cole secondaire [âŠ] ;
3. lâauteur avait connaissance des circonstances de fait Ă©tablissant ce statut, en lâespĂšce, le
capitaine BMM, qui dans le centre de brassage a réappris le droit de la guerre, de surcroßt
pĂ©dagogue de formation [âŠ] a vu certaines victimes en uniforme scolaire [âŠ] prises sur la route
de lâĂ©cole portant des cahiers scolaires ; il a en outre eu tout son temps pour les identifier, car il
les arrĂȘtait de son propre chef ;
4. Le comportement a eu lieu dans le contexte de et était associé à un conflit armé ne présentant
pas un caractĂšre international, en lâespĂšce le capitaine BMM commandait des militaires en
pleine opĂ©ration dâattaque contre les poches de rĂ©sistance armĂ©es de lâIturi [âŠ] ;
5. Lâauteur avait connaissance des circonstances de fait Ă©tablissant lâexistence dâun conflit armĂ© ;
en lâoccurrence, Ă©tant lui-mĂȘme le commandant dâune compagnie. Il savait quâil Ă©tait en
plein conflit armé contre les milices armées FRPI et autres, contre lesquelles il organisait des
patrouilles de combat »249.
Le jugement nâapporte malheureusement aucune lumiĂšre sur les preuves qui permettent
dâĂ©tablir les faits. En revanche, lâon retiendra que les juges ont pris en compte le fait que
le prĂ©venu a bĂ©nĂ©ficiĂ© dâune formation (ou au moins dâun rappel) sur les rĂšgles du droit de
la guerre, lorsquâil Ă©tait dans un centre de brassage des troupes. Cet argument pourrait
inspirer dâautres juges appelĂ©s Ă juger des militaires qui auraient suivi de telles formations.
En appel de cette dĂ©cision, la Cour mentionne lâĂ©lĂ©ment de preuve qui lui a permis dâidentifier
lâauteur, en relevant que le prĂ©venu « a reconnu avoir donnĂ© lâordre Ă lâĂ©quipe [âŠ] pour exĂ©cuter
promptement les élÚves qui avaient tous porté les biens pillés »250. Elle cite ensuite avec précision
lâidentitĂ© des victimes. Par ailleurs, alors que le prĂ©venu tente de se dĂ©fendre en prĂ©tendant
avoir reçu un ordre dâexĂ©cution de son supĂ©rieur hiĂ©rarchique, la Cour rappelle quâen vertu
246 TPIR, Procureur c/Musema, Ch. 1Ăšre instance, 27 janvier 2000, (ICTR-96-13), § 215.247 TPIR, Procureur c/Semanza, op.cit., § 373.248 TPIY, Procureur c/ Krnojelac , op.cit., § 326.249 TMG de lâIturi, Affaire Bongi, op.cit., p. 15.250 CM Province Orientale, Affaire Bongi, op.cit, p. 21.
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
de lâarticle 28 de la Constitution de la RDC, « Nul nâest tenu dâexĂ©cuter un ordre manifestement
illĂ©gal » et que « lâillĂ©galitĂ© de lâordre quâaurait donnĂ© le Major FK nâaurait pu ĂȘtre douteuse et le prĂ©venu
[âŠ] aurait dĂ» refuser de lâexĂ©cuter si rĂ©ellement un tel ordre avait Ă©tĂ© donnĂ© »251.
Dans lâaffaire Bavi, le TMG de lâIturi se contente de soutenir que « les faits ont dĂ©montrĂ© que les
prĂ©venus [âŠ] ont tuĂ© un total de 30 personnes »252. La lecture des faits apportent certains dĂ©tails
sur lâidentitĂ© des victimes probables, sur la dĂ©couverte dâune fosse commune que le prĂ©venu
a tentĂ© de faire disparaĂźtre pendant lâinstruction, sur des communiquĂ©s dâONG qui ont
dĂ©noncĂ© les arrestations et disparitions. Le jugement donne cependant peu dâindications
sur le texte de ces communiqués ou sur la maniÚre dont le tribunal a pu établir que les corps
retrouvĂ©s dans la fosse Ă©taient bien ceux des personnes arrĂȘtĂ©es par le prĂ©venu et ses hommes.
Par contre, le tĂ©moignage dâun sous-officier qui aurait eu connaissance des meurtres semble
déterminant pour relier les différents éléments de preuve et établir la responsabilité directe
du principal prévenu. Le nom et le grade de ce témoin sont mentionnés dans le jugement,
qui le qualifie dâailleurs de « tĂ©moin au sens de lâarticle 249 du Code judiciaire militaire »253, ce qui
implique sans doute quâil a Ă©tĂ© entendu en audience. On constate toutefois que le tribunal nâa
malheureusement pas fait état de maniÚre précise du récit des faits par ce témoin, pourtant
capital Ă dĂ©faut dâautopsie ou dâexpertise mĂ©dicale Ă©tablissant lâidentitĂ© des corps retrouvĂ©s.
En appel, la Cour militaire rĂ©sout ce problĂšme de preuve en faisant Ă©tat de lâaveu de tous les
co-prévenus254.
Cette affaire mérite également un examen plus approfondi, au vu des faits établis lors de
lâinstruction :
« de toute Ă©vidence ce genre dâexĂ©cution de civils Ă©taient une habitude au sein de cette unitĂ© militaire
oĂč le prĂ©venu Capitaine François MULESA MULOMBO a rĂ©ussi Ă inculquer Ă ses hommes, plus
particuliĂšrement les soldats de sa garde rapprochĂ©e, lâidĂ©e que toute personne dâorigine tribale
« NGITI » Ă©tait un milicien Ă abattre Ă tout prix, un ennemi potentiel Ă tuer, sans distinction dâĂąge,
de sexe ou de profession »255.
Si lâinstruction a pu Ă©tablir cette intention, on peut se demander si le principal prĂ©venu
nâaurait pas dĂ» ĂȘtre poursuivi pour crime de gĂ©nocide, tel que prĂ©vu par lâarticle 6 du Statut
de Rome et par lâarticle 164 du Code pĂ©nal militaire. De par ces dispositions, le meurtre des
membres dâun groupe est en effet constitutif dâun crime de gĂ©nocide « lorsquâil est commis
dans lâintention de dĂ©truire en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux »256.
Le groupe tribal ne se différencie guÚre du groupe ethnique, en ce sens que les individus le
composant partagent la mĂȘme langue et la mĂȘme culture. En outre, le rĂ©gime de protection
251 Ibid., p. 21.252 TMG de lâIturi, Affaire Bavi, op.cit, p. 40.253 Câest-Ă -dire entendu au cours des dĂ©bats sur autorisation du PrĂ©sident.254 CM de la Province Orientale, Affaire Bavi, p. 26, 28 et 29.255 Ibid., p. 32.256 Article 6 du Statut de Rome.
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
et de rĂ©pression du gĂ©nocide, tel quâinstaurĂ© par la Convention de 1948 et repris par les
Statuts des Tribunaux internationaux, se fondait Ă lâorigine sur la volontĂ© de protĂ©ger des
individus appartenant de façon stable et permanente à un groupe257 , ce qui est le cas des
individus qui font partie dâun groupe tribal. En tout Ă©tat de cause, la jurisprudence des
TPI reconnait aujourdâhui lâapproche subjective qui permet la reconnaissance dâun groupe
sans que celui-ci ne soit objectivement constituĂ©. Il suffit en effet quâil sâagisse dâ« un groupe
dont les membres ont en commun une langue et une culture; ou un groupe qui se distingue comme tel
(auto-identification) ; ou un groupe reconnu comme tel par dâautres, y compris les auteurs des crimes
(identification par des tiers)258 ».
Dans le dossier Kilwa, non seulement la Cour militaire du Katanga nâa pas retenu la
qualif ication de crime de guerre, mais elle a également rejeté toutes les accusations de
meurtre que le MinistÚre public avait formulé contre le colonel des FARDC en charge
des opĂ©rations. La lecture de lâarrĂȘt montre quâen dĂ©pit des nombreux tĂ©moignages
à charge, la Cour a considéré que les preuves réunies étaient insuffisantes, voire
contradictoires, pour imputer les décÚs des victimes au prévenu et à ses hommes. Si
cette rigueur est « normale » dans le cadre dâune procĂ©dure pĂ©nale, il semble toutefois
que la Cour militaire nâait pas montrĂ© autant de diligence Ă rechercher les preuves
matĂ©rielles Ă charge, comme elle lâa fait pour les Ă©lĂ©ments Ă dĂ©charge. Ă titre dâexemple,
il semblerait que la Cour nâait pas interrogĂ© les dĂ©lĂ©guĂ©s de la Croix-Rouge du Congo,
qui ont pourtant procĂ©dĂ© Ă lâenterrement des corps et qui auraient pu Ă©clairer les juges
sur les lieux oĂč ils ont Ă©tĂ© trouvĂ©s ; question centrale dans lâargumentaire dĂ©veloppĂ©
pendant la procédure259.
Dans la dĂ©cision de renvoi du milicien GĂ©dĂ©on devant le TMG du Haut-Katanga, lâon notera
que lâauditeur militaire a prĂ©fĂ©rĂ© sâappuyer sur plusieurs dispositions du Statut de Rome qui
incriminent le meurtre, sans doute pour ne pas se heurter au problĂšme de qualification de
conflit (international ou pas).
En conclusion, Ă lâinstar des crimes contre lâhumanitĂ© par meurtre, il est dâune grande
importance quâĂ lâavenir les juges sâappliquent Ă Ă©tablir lâidentitĂ© des victimes, Ă constater
les décÚs, soit parce que les corps ont été retrouvés et identifiés, soit en le déduisant des
circonstances et des preuves rassemblĂ©es, et Ă en rechercher les causes. Lâobjectif principal
est clairement de sâassurer que le prĂ©venu est bien celui qui a causĂ© la mort. Les Ă©ventuels
tĂ©moignages, aveux, Ă©lĂ©ments matĂ©riels ou rapports dâexperts (ex. : autopsies) mĂ©ritent
dâĂȘtre systĂ©matiquement mentionnĂ©s.
257 Ceci explique lâexclusion des groupes politiques et Ă©conomiques des instruments internationaux en ma-tiĂšre de crime de gĂ©nocide.258 TPIR, Procureur c/ Kayishema et Ruzindana, op.cit., § 98.259 Cour militaire du Katanga, Affaire Kilwa, op.cit., p. 16-21.
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
1.2.4. Crimes de guerre par viol
Le viol en tant que crime de guerre est prĂ©vu Ă lâarticle 8.2) b) xxii) (applicable aux conflits
internationaux) et Ă lâarticle 8.2.e vi) (applicable aux conflits ne prĂ©sentant pas un caractĂšre
international) du Statut de Rome.
Comme pour le crime contre lâhumanitĂ© par viol, les ElĂ©ments des crimes sont inspirĂ©s de la
dĂ©finition Ă©tablie par le TPIR dans lâaffaire Akayesu260 :
1. Lâauteur a pris possession du corps dâune personne de telle maniĂšre quâil y a eu pĂ©nĂ©tration,
mĂȘme superficielle, dâune partie du corps de la victime ou de lâauteur par un organe sexuel,
ou de lâanus ou du vagin de la victime par un objet ou toute partie du corps.
2. Lâacte a Ă©tĂ© commis par la force ou en usant Ă lâencontre de ladite ou desdites ou de tierces
personnes de la menace de la force ou de la coercition, telle que celle causée par la menace
de violences, contrainte, détention, pressions psychologiques, abus de pouvoir, ou bien
Ă la faveur dâun environnement coercitif, ou encore en profitant de lâincapacitĂ© de ladite
personne de donner son libre consentement.
3. Le comportement a eu lieu dans le contexte de et était associé à un conflit armé international
/ ne présentant pas un caractÚre international.
4. Lâauteur avait connaissances des circonstances de fait Ă©tablissant lâexistence dâun conflit
armé.
Ă nouveau, le Statut prĂ©voit que les viols peuvent ĂȘtre commis par et sur des hommes et
des femmes. La jurisprudence des TPI a clairement Ă©noncĂ© que lâĂ©lĂ©ment coercitif peut ĂȘtre
inhĂ©rent Ă certaines circonstances, telles quâun conflit armĂ© ou une prĂ©sence militaire261.
Lâon rappellera Ă©galement la rĂšgle 70 du RĂšglement de procĂ©dure et de preuve de la CPI, dĂ©jĂ
mentionnĂ©e dans la section relative aux crimes contre lâhumanitĂ© par viol, qui Ă©nonce que le
consentement dâune victime ne peut ĂȘtre dĂ©duit de son silence, de son manque de rĂ©sistance,
de ses paroles ou de sa conduite lorsquâelle a Ă©tĂ© forcĂ©e ou menacĂ©e ou quâelle nâĂ©tait pas
en Ă©tat de donner son consentement ; que la crĂ©dibilitĂ©, lâhonorabilitĂ© ou la disponibilitĂ©
sexuelle dâune victime ou dâun tĂ©moin ne peut ĂȘtre dĂ©duite de son comportement sexuel
antérieur ou postérieur.
Pour rappel, il a déjà été mentionné que de nouvelles dispositions ont été introduites le 20
juillet 2006 dans le Code pĂ©nal congolais pour rĂ©primer les crimes dâagressions sexuelles262
et quâelles sâappliquent aux faits de violences sexuelles commis aprĂšs le 1er aoĂ»t 2006, date de
publication de la loi.
La jurisprudence militaire congolaise peut maintenant ĂȘtre examinĂ©e.
260 Ibid.261 TPIR, Procureur c/Akayesu, op.cit., § 688.262 Loi n° 06/18 du 20 juillet 2006, Journal Officiel, n° 15, 1er août 2006.
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
Dans lâaffaire Bavi, le commandant dâun bataillon des FARDC est poursuivi pour avoir « fait
violer par ses militaires cinq femmes qui Ă©taient du nombre de 18 personnes arrĂȘtĂ©es ce mĂȘme jour et qui
seront tuées aprÚs le viol »263. Le prévenu est poursuivi sur la base des articles 5 et 6 du Code
pénal militaire, pour avoir donné des instructions de commettre les viols. La prévention
initiale sâappuie Ă©galement sur le Statut de Rome mais sans toutefois citer les bonnes
dispositions264. Cette erreur est corrigée par la suite265, lorsque le tribunal examine si tous
les éléments constitutifs sont réunis. Concernant les deux premiers éléments requis par les
ElĂ©ments des crimes pour Ă©tablir la commission dâun crime de guerre par viol dans le cadre dâun
conflit armé ne présentant pas un caractÚre international266, le tribunal relÚve :
1. « [âŠ] quâen lâespĂšce le sang qui coulait entre les jambes dâune des filles violĂ©es au sol dans la tente
voisine de celle du prĂ©venu Capitaine MULESA, les propos de dĂ©rision de ce dernier Ă lâadresse
du prĂ©venu lieutenant ASSANI : [âŠ] âentre dans la tente et voit les exploits de tes soldatsâ, la
rĂ©ponse dâune de ces femmes Ă la question posĂ©e par le lieutenant MAKUNDIKILA sur le motif
de cette hĂ©morragie, montrent quâil y a eu viol »;
2. « [âŠ] en lâespĂšce les femmes et fillettes violĂ©es Ă©taient arbitrairement arrĂȘtĂ©es et lâexistence du
conflit armé constituait un environnement coercitif »267.
Les juges ont essayĂ© dâidentifier les preuves Ă©tablissant le crime de guerre par viol, mais
ils auraient dû mentionner avec plus de précision la source de ces témoignages et à tout le
moins, tenter dâidentifier chacune des victimes.
La Cour militaire du Katanga nâa pas condamnĂ© les militaires poursuivis dans lâaffaire
Kilwa pour crimes de guerre. Concernant les faits de viols, il est toutefois intéressant de
lire que la Cour a relevĂ© « quâaucun document mĂ©dical ni procĂšs-verbal dâOPJ nâattestĂšrent le viol ou
lâhospitalisation de feue KUNDA (âŠ) ; quâaucune plainte ne fut dĂ©posĂ©e Ă un quelconque service de lâEtat
quant Ă ce ; quâelle reprit sa vie de femme adulte normalement et mourut Ă Lubumbashi, bien des mois
aprĂšs, pendant lâaccouchement »268.
263 TMG de lâIturi, Affaire Bavi, op.cit., p. 10.264 Lâarticle 8. 2. c) i) est citĂ© alors que câest lâarticle 8. 2. e) vi) qui aurait dĂ» ĂȘtre invoquĂ©, Ibid., p. 10.265 Ibid., p. 42.266 Article 8.2.e) vi)-1 des ElĂ©ments des crimes.267 Ibid., p. 42-43.268 Cour militaire du Katanga, Affaire Kilwa, op.cit., p. 23.
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70
a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
1.2.5. Crime de guerre par recrutement dâenfants dans des forces ou groupes armĂ©s
Faire participer des enfants de moins de 15 ans aux hostilités est une violation des rÚgles
du droit international humanitaire269. Le Statut de Rome Ă©rige ce comportement en crime
de guerre, tant dans le cadre de conflits internationaux quâinternes. Ainsi est incriminĂ©
le fait de procĂ©der Ă la conscription ou Ă lâenrĂŽlement dâenfants de moins de quinze ans,
ou de les faire participer activement à des hostilités dans les forces armées nationales lors
dâun conflit armĂ© international270 et dans les forces armĂ©es et autres groupes armĂ©s lors
dâun conflit armĂ© non international271. La conscription se rĂ©fĂšre au recrutement forcĂ© et
lâenrĂŽlement Ă une dĂ©marche « volontaire ». Les travaux prĂ©paratoires du Statut prĂ©cisent que
tant la participation directe (dans les combats) quâindirecte (en tant quâĂ©claireurs, espions,
messagers) sont couvertes par le Statut272.
Les Eléments des crimes énumÚrent cinq éléments constitutifs:
1. « Lâauteur a procĂ©dĂ© Ă la conscription, Ă lâenrĂŽlement dâune ou plusieurs personnes dans les
forces armées nationales ou les a fait participer activement aux hostilités.
2. Ladite ou lesdites personnes étaient ùgées de moins de 15 ans.
3. Lâauteur savait ou aurait dĂ» savoir que ladite ou lesdites personnes Ă©taient ĂągĂ©es de moins
de 15 ans.
4. Le comportement a eu lieu dans le contexte de et était associé à un conflit armé international
/ ne présentant pas un caractÚre international273.
5. Lâauteur avait connaissance des circonstances de fait Ă©tablissant lâexistence dâun conflit
armé. »
Lâaffaire Lubanga, actuellement soumise Ă la CPI, porte sur le recrutement dâenfants au sein
de la milice du FPLC, branche armĂ©e de lâUPC274. Elle devrait constituer une jurisprudence
intéressante pour les magistrats congolais.
Le Code pĂ©nal militaire congolais nâincrimine pas spĂ©cifiquement le recrutement, forcĂ© ou
volontaire, dâenfants dans les forces et groupes armĂ©s. Et Ă lâheure actuelle, peu de dĂ©cisions
des juridictions militaires portent sur le recrutement dâenfants dans les forces et groupes
armés.
269 Pour un aperçu des rĂšgles protĂ©geant les enfants dans les conflits armĂ©s, voir R. Galand et I. kĂŒntziGer, « Quels rĂšgles et mĂ©canismes internationaux pour protĂ©ger les enfants dans la guerre ? », pp. 127-147, in La guerre enfants admis, Grip-Editions Complexe, Bruxelles, 2001.270 Article 8.2. b) xxxvi) du Statut de Rome.271 Article 8.2.e) vii) du Statut de Rome.272 R. Galand et I. kĂŒntziGer, op. cit., note de bas de page 18, p. 132. Câest pourquoi la terminologie dâEAFGA (Enfants associĂ©s aux forces et groupes armĂ©s) doit ĂȘtre privilĂ©giĂ©e car reflĂ©tant mieux les diverses formes dâutilisation des enfants durant les hostilitĂ©s. 273 Respectivement selon lâarticle 8.2. b) xxxvi) ou lâarticle 8.2.e) vii) du Statut de Rome.274 CPI, Procureur c/ Thomas Lubanga Dyilo, 29 janvier 2007, op.cit., §§ 242-258.
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
Dans lâaffaire Biyoyo275, le TMG de Bukavu nâa pas invoquĂ© lâincrimination prĂ©vue par le Statut
mais seulement lâenlĂšvement par ruse, qui comprend Ă©galement le fait de dĂ©tenir illĂ©galement
une personne.
Les faits dĂ©montrent pourtant quâil sâagissait bien dâun recrutement dâenfants dans un
groupe armé puisque selon les magistrats:
« le Comd KBJ avait transformé ladite mission en recrutant également des enfants militaires
dĂ©mobilisĂ©s [âŠ] le Comd. KBJ usera de la ruse pour prendre les enfants soldats dĂ©mobilisĂ©s de Kadutu
[âŠ] rĂ©cupĂ©rera, tant dâautres enfants soldats dĂ©mobilisĂ©s par force et les acheminer Ă MULU pour un
recyclage [âŠ] 407 enfants soldats et dĂ©mobilisĂ©s furent regroupĂ©s [âŠ] et le Comd KB sâopposera Ă
toute inspection de ce site par les organisations non gouvernementales de protection des enfants »276.
Le jugement mentionne en outre le recours Ă des menaces dâarrestation pour le recrutement277.
Le prĂ©venu a tentĂ© de se justifier en affirmant quâil avait arrĂȘtĂ© et enlevĂ© les enfants soldats
démobilisés au motif que « ce sont eux qui semaient la terreur »278.
MĂȘme si le jugement ne nous informe pas sur lâĂąge des enfants, il semble que tous les
autres éléments constitutifs du crime de guerre par conscription ou enrÎlement soient
rĂ©unis. Le tribunal aurait pu poursuivre sur cette base plutĂŽt que pour lâinfraction ordinaire
dâenlĂšvement. Lâauteur nâa dâailleurs Ă©tĂ© condamnĂ© quâĂ cinq ans de prison279, alors que le
Statut prévoit une peine beaucoup plus sévÚre pour ce crime.
La dĂ©cision de renvoi dans lâaffaire GĂ©dĂ©on devant le TMG mentionne quâil est notamment
poursuivi pour « avoir enrÎlé dans son mouvement plus ou moins 300 enfants ùgés de moins de 15
ans parmi lesquels 270 ont Ă©tĂ© identifiĂ©s et dĂ©mobilisĂ©s par la CONADER [âŠ] et du nombre desquels
se trouvent : KNR, recrutĂ© Ă 14 ans, [âŠ] »280. Lâauditeur militaire sâest rĂ©fĂ©rĂ© aux dispositions
pertinentes du Statut de Rome pour poursuivre ce crime et a déjà pris soin de mentionner
lâĂąge des enfants.
Lâon peut donc souligner lâimportance cruciale que revĂȘt la nĂ©cessitĂ© pour les juridictions
de se référer au Statut de Rome et de toujours vérifier si les cinq éléments constitutifs de ce
crime sont bien réunis. Il est également crucial que les jugements fassent état des éléments
de preuve qui ont été utiles au prononcé de la décision.
275 TMG de Bukavu, Affaire Biyoyo, op.cit.276 Ibid., p. 7.277 Ibid., p. 9.278 Ibid.,, p. 10.279 Mais condamné à mort pour mouvement insurrectionnel.280 Auditorat militaire prÚs le TMG du Haut-Katanga, Affaire Gédéon, op.cit., p. 5.
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
CHAPITRE 2 RESPONSABILITĂ PĂNALE, CAUSES DâEXONĂR ATION, ET CIRCONSTANCES ATTĂNUANTES OU AGGR AVANTES
La responsabilité pénale internationale est « la rÚgle du droit pénal international aux termes de
laquelle tout auteur dâun fait qui constitue une infraction internationale est responsable de ce chef et est
passible dâun chĂątiment qui est prononcĂ©, selon le cas, par un tribunal interne ou une juridiction pĂ©nale
internationale.281 ». Cependant, le droit international pénal et le droit national reconnaissent
des causes dâexonĂ©ration de cette responsabilitĂ© pĂ©nale, ainsi que des circonstances
atténuantes ou aggravantes qui ont pour effet de modifier la nature et le degré de la
responsabilité pénale. Ces questions seront examinées dans les sections qui suivent.
2.1. La responsabilité pénale des supérieurs hiérarchiques
La responsabilité pénale individuelle est un principe qui connaßt un certain nombre
dâamĂ©nagements. Certains de ces amĂ©nagements sont classiques, comme ceux qui
incriminent la complicitĂ©, et dâautres sont plus spĂ©cifiques au droit international pĂ©nal et au
droit pénal militaire, qui prévoient que les supérieurs hiérarchiques peuvent, dans certaines
circonstances, ĂȘtre condamnĂ©s pour des crimes commis par leurs subordonnĂ©s.
AprÚs un rappel des dispositions contenues dans le Statut de Rome, le Code pénal militaire
et une synthĂšse de la jurisprudence des tribunaux internationaux, la maniĂšre dont les
juridictions militaires congolaises ont traitĂ© cette question pourra ĂȘtre examinĂ©e.
2.1.1. Selon le Statut de Rome, la jurisprudence des TPI, et le Code pénal militaire congolais
A. Le Statut de Rome
Lâarticle 25 du Statut de Rome rappelle premiĂšrement le principe de la responsabilitĂ© pĂ©nale
individuelle : « Quiconque commet un crime relevant de la compétence de la Cour est individuellement
responsable et peut ĂȘtre puni conformĂ©ment au Statut »282. Il ouvre ensuite la voie Ă dâautres modes
de participation que la commission directe des crimes : « Une personne est pénalement responsable
et peut ĂȘtre punie pour un crime (âŠ) si :
281 J. salmon, Dictionnaire de droit international, Paris, Bruylant, 2001, p. 998.282 Article 25.2 du Statut de Rome.
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
a) Elle commet un tel crime, que ce soit individuellement, conjointement avec une autre personne
ou par lâintermĂ©diaire dâune autre personne, que cette autre personne soit ou non pĂ©nalement
responsable ;
b) Elle ordonne, sollicite ou encourage [âŠ] ;
c) En vue de faciliter la commission dâun tel crime, elle apporte son aide, son concours ou toute
autre forme dâassistance Ă la commission ou Ă la tentative de commission de ce crime, y compris
en fournissant les moyens de cette commission ;
d) Elle contribue de toute autre maniĂšre Ă la commission ou Ă la tentative de commission dâun tel
crime par un groupe de personnes agissant de concert. Cette contribution doit ĂȘtre intentionnelle
et, selon le cas :
i) Viser Ă faciliter lâactivitĂ© criminelle ou le dessein criminel du groupe, si cette activitĂ© ou ce
dessein comporte lâexĂ©cution dâun crime relevant de la compĂ©tence de la Cour ; ou
ii) Ătre faite en pleine connaissance de lâintention du groupe de commettre ce crime ;
e) Sâagissant du crime de gĂ©nocide, elle incite directement et publiquement autrui Ă le commettre ;
f ) Elle tente de commettre un tel crime par des actes qui, par leur caractĂšre substantiel, constituent
un commencement dâexĂ©cution mais sans que le crime soit accompli en raison de circonstances
indĂ©pendantes de sa volontĂ©. Toutefois, la personne qui abandonne lâeffort tendant Ă commettre
le crime ou en empĂȘche de quelque autre façon lâachĂšvement ne peut ĂȘtre punie en vertu du prĂ©sent
Statut pour sa tentative si elle a complÚtement et volontairement renoncé au dessein criminel.
Lâon peut noter quâil nâest pas nĂ©cessaire que le co-auteur ou lâintermĂ©diaire soit pĂ©nalement
responsable pour condamner son complice ou commanditaire. Lâon remarque aussi Ă la
lecture de ces dispositions que la tentative de commission est punissable.
Le Statut aborde également et de maniÚre spécifique la question de la responsabilité des
commandants. Lâarticle 28 sur la responsabilitĂ© des chefs militaires et autres supĂ©rieurs
hiérarchiques est libellé en ces termes :
Outre les autres motifs de responsabilité pénale au regard du présent Statut pour des crimes relevant
de la compétence de la Cour :
a) Un chef militaire ou une personne faisant effectivement fonction de chef militaire est pénalement
responsable des crimes relevant de la compétence de la Cour commis par des forces placées sous
son commandement et son contrÎle effectifs, ou sous son autorité et son contrÎle effectifs, selon
le cas, lorsquâil ou elle nâa pas exercĂ© le contrĂŽle qui convenait sur ces forces dans les cas oĂč :
i) Ce chef militaire ou cette personne savait, ou, en raison des circonstances, aurait dĂ» savoir,
que ces forces commettaient ou allaient commettre ces crimes ; et
ii) Ce chef militaire ou cette personne nâa pas pris toutes les mesures nĂ©cessaires et raisonnables
qui Ă©taient en son pouvoir pour en empĂȘcher ou en rĂ©primer lâexĂ©cution ou pour en rĂ©fĂ©rer aux
autoritĂ©s compĂ©tentes aux fins dâenquĂȘte et de poursuites ;
b) En ce qui concerne les relations entre supérieur hiérarchique et subordonnés non décrites au
paragraphe a), le supérieur hiérarchique est pénalement responsable des crimes relevant de la
compétence de la Cour commis par des subordonnés placés sous son autorité et son contrÎle
effectifs, lorsquâil ou elle nâa pas exercĂ© le contrĂŽle qui convenait sur ces subordonnĂ©s dans les
![Page 74: Etude de jurisprudence - ASF](https://reader036.vdocuments.mx/reader036/viewer/2022062502/62afc4be27bbae64720be3ce/html5/thumbnails/74.jpg)
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
cas oĂč :
i) Le supérieur hiérarchique savait que ces subordonnés commettaient ou allaient commettre
ces crimes ou a dĂ©libĂ©rĂ©ment nĂ©gligĂ© de tenir compte dâinformations qui lâindiquaient
clairement ;
ii) Ces crimes étaient liés à des activités relevant de sa responsabilité et de son contrÎle
effectifs ; et
iii) Le supĂ©rieur hiĂ©rarchique nâa pas pris toutes les mesures nĂ©cessaires et raisonnables qui
Ă©taient en son pouvoir pour en empĂȘcher ou en rĂ©primer lâexĂ©cution ou pour en rĂ©fĂ©rer aux
autoritĂ©s compĂ©tentes aux fins dâenquĂȘte et de poursuites.
B. La jurisprudence des tribunaux pénaux internationaux
La jurisprudence des TPI est assez riche sur le sujet et peut de fait constituer une source
dâinspiration pour des juges confrontĂ©s Ă cette question283.
Lâarticle 6 du Statut du TPIR prĂ©voit la responsabilitĂ© criminelle des supĂ©rieurs hiĂ©rarchiques
lorsquâils savaient ou avaient des raisons de savoir que leur subordonnĂ© allait commettre ou
avait commis un crime et quâils nâont pas pris les mesures « nĂ©cessaires et raisonnables » pour
lâen empĂȘcher. ConformĂ©ment Ă cette disposition, la jurisprudence du tribunal a Ă©tabli que
les éléments essentiels requis pour établir la responsabilité des supérieurs hiérarchiques
sont : lâexistence dâune relation de supĂ©rieur Ă subordonnĂ© impliquant le contrĂŽle effectif
entre lâaccusĂ© et lâauteur du crime, la connaissance par lâaccusĂ© que le crime allait ĂȘtre ou
avait Ă©tĂ© commis et, le fait que lâaccusĂ© nâait pas pris les mesures « utiles et raisonnables »
pour prĂ©venir, arrĂȘter ou sanctionner le crime284.
La jurisprudence du TPIY va dans le mĂȘme sens. Elle est basĂ©e sur lâarticle 7.3 du Statut
du tribunal. Elle retient trois éléments pour établir la responsabilité des supérieurs
hiĂ©rarchiques285 : (1) lâexistence dâune relation de supĂ©rieur Ă subordonnĂ© entre le commandant
(lâaccusĂ©) et lâauteur du crime, (2) la connaissance par le supĂ©rieur que son subordonnĂ© a
commis ou est sur le point de commettre un crime, et (3) le fait que le supĂ©rieur nâa pas pris
les mesures nĂ©cessaires et raisonnables pour prĂ©venir le crime ou sanctionner lâauteur. A la
lumiÚre des développements jurisprudentiels du tribunal, des indications précises quant à la
rĂ©union de ces trois Ă©lĂ©ments ont pu ĂȘtre dĂ©gagĂ©es286.
Il est intĂ©ressant de souligner que des autoritĂ©s civiles peuvent Ă©galement ĂȘtre dĂ©clarĂ©es
responsables lorsquâelles laissent commettre des crimes contre lâhumanitĂ© et des crimes
de guerre, alors quâelles auraient Ă©tĂ© en mesure de les empĂȘcher. Les Statuts des tribunaux
283 Un outil trĂšs utile sur la jurisprudence du TPIY et du TPIR: Human Rights Watch, Genocide, War Crimes, and crimes against humanity : topical digest of the case law of the international criminal tribunal for Rwanda and the international criminal tribunal for the former Yougoslavia, 2004, disponible Ă lâadresse Web : http://www.hrw.org/reports/2004/ij/.284 Voir notamment TPIR, Procureur c/ Bagalishema, op.cit., § 38 ; Procureur c/ Kayishema et Ruzindana, op.cit., §§ 217-231 ; Procureur c/ Musema, op.cit, §§ 141-148.285 TPIY, Kordic et Cerkez, op.cit, § 401 ; TPIY, Blaskic, op.cit, § 294.286 Voir Human Rights Watch, op. cit., pp. 219-229.
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
de Nuremberg et de Tokyo287 prévoyaient déjà que les dirigeants ayant pris part aux plans
visant Ă commettre de tels crimes soient tenus comme responsables des actes accomplis par
dâautres en exĂ©cution de ces plans288.
Lâapplication de cette thĂ©orie en RDC pourrait ouvrir la voie Ă la mise en cause de la
responsabilité de hauts fonctionnaires civils, de ministres, et autres représentants
gouvernementaux, sâil est Ă©tabli quâils ont eu connaissance de crimes contre lâhumanitĂ© et
de crimes de guerre quâils nâauraient pas empĂȘchĂ©s, sanctionnĂ©s ou dĂ©noncĂ©s, alors mĂȘme
quâils disposaient du pouvoir de le faire.
C. Le Code pénal militaire congolais
Les dispositions du droit pénal militaire congolais en matiÚre de responsabilité des
supĂ©rieurs hiĂ©rarchiques sont beaucoup plus concises que celles contenues Ă lâarticle 28 du
Statut.
Lâarticle 175 du Code pĂ©nal militaire prĂ©voit que « lorsquâun subordonnĂ© est poursuivi comme
auteur principal dâun crime de guerre et que ses supĂ©rieurs hiĂ©rarchiques ne peuvent ĂȘtre recherchĂ©s comme
co-auteurs, ils sont considĂ©rĂ©s comme complices dans la mesure oĂč ils ont tolĂ©rĂ© les agissements criminels
de leur subordonné ».
En vertu de ces dispositions, un chef militaire peut donc ĂȘtre poursuivi pour crime de
guerre uniquement si lâun de ses subordonnĂ©s lâest aussi. Il peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme co-
auteur ou comme complice mais non comme auteur principal dâun crime commis sous ses
ordres289. Câest donc plutĂŽt la responsabilitĂ© par abstention ou omission volontaire dâexercer
un contrĂŽle ou dâempĂȘcher ses troupes de commettre un crime, qui est ici incriminĂ©e par le
droit pĂ©nal militaire. Lui est reprochĂ©, non pas lâacte criminel commis par son subordonnĂ©
mais un manquement personnel Ă ses obligations de contrĂŽle et de commandement. Cette
mise en cause de sa responsabilitĂ© est renforcĂ©e par lâarticle 165 du code pĂ©nal militaire qui
prévoit que :
« Constituent des crimes contre lâhumanitĂ© et rĂ©primĂ©es conformĂ©ment aux dispositions du prĂ©sent
Code, les infractions graves énumérées ci-aprÚs portant atteinte, par action ou par omission, aux
287 Le Tribunal militaire international de Nuremberg a Ă©tĂ© instituĂ© par lâAccord de Londres du 8 aoĂ»t 1945 et le Tribunal militaire international pour lâExtrĂȘme Orient par une dĂ©claration du Commandant suprĂȘme des Forces AlliĂ©es, le 19 janvier 1946. Ils ont Ă©tĂ© mis en place pour juger les responsables des crimes de guerre et crimes contre lâhumanitĂ© nazis et japonais pendant la deuxiĂšme guerre mondiale.288 Article 6 in fine, du Statut du tribunal militaire international de Nuremberg et article 5 in fine, du Statut du tribunal militaire international de Tokyo.289 Les concepts de la participation en tant que co-auteur ou complice sont expliquĂ©s aux articles 5 et 6 du Code pĂ©nal militaire. Les modes lĂ©gaux de la correitĂ© ou coactivitĂ© se rĂ©alisent par lâexĂ©cution matĂ©rielle (le fait de poser un acte constitutif de lâinfraction ou de participer Ă sa rĂ©alisation), la coopĂ©ration directe (le fait dâintervenir directement dans la commission de lâinfraction), lâaide et lâassistance indispensable sans quoi lâinfraction nâaurait pu ĂȘtre commise et la provocation (le fait dâinciter lâauteur Ă commettre lâinfraction). La participation criminelle par complicitĂ© implique que la personne concernĂ©e a fourni une aide utile mais non indispensable Ă la rĂ©alisation de lâinfraction.
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
personnes et aux biens protégés par les conventions de GenÚve du 12 août 1949 et les protocoles
additionnels du 8 juin 1977, sans préjudice des dispositions pénales plus graves prévues par le Code
pénal ordinaire.»
A noter que lâarticle 4 du Code pĂ©nal militaire Ă©nonce que « la tentative de commettre une
infraction est punie de la mĂȘme maniĂšre que lâinfraction consommĂ©e ». MĂȘme si aucune des dĂ©cisions
analysĂ©es nâa retenu la tentative de crime de guerre ou de crime contre lâhumanitĂ© Ă charge
dâun prĂ©venu, cette hypothĂšse est possible.
2.1.2. La jurisprudence des juridictions militaires congolaises
A la lumiÚre des décisions sous examen, on constate que la premiÚre juridiction qui aurait
dû prendre une décision en matiÚre de responsabilité pénale des chefs hiérarchiques est
la Cour militaire du Katanga dans lâaffaire Ankoro290. Elle nâa malheureusement pas saisi
lâopportunitĂ© de produire une jurisprudence pertinente Ă ce sujet.
Plus de 20 combattants « Ă partir du grade de lieutenant colonel jusquâĂ celui de (âŠ) commandant
de milice Mai-Mai»291 ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s en dĂ©cembre 2002 pour avoir dĂ©clenchĂ© ou participĂ© Ă
une attaque contre la population civile, causant la mort de nombreuses personnes qui ne
participaient pas aux combats ainsi que la destruction de bĂątiments publics et de milliers
de maisons.
Le principal prévenu est un colonel qui commandait les troupes des FARDC au moment de
lâoffensive.
La Cour a dĂ©cidĂ© de ne pas retenir contre lui la prĂ©vention de crime contre lâhumanitĂ© au
motif quâ
« aucun militaire nâa reconnu avoir agi sur ordre personnel du Lieutenant Colonel Emile
TWABANGU »292, et quâ« il fut prouvĂ© de façon constante que le prĂ©venu TWABANGU, en sa qualitĂ©
de Commandant de brigade avait tout fait pour empĂȘcher les affrontements et que dâautres parties
civiles et autres chefs Mai-Mai furent sauvĂ©s grĂące Ă son intervention personnelle (âŠ) TWABANGU
ordonna des perquisitions dans les maisons des militaires pour rechercher et récupérer les biens
provenant des pillages dĂšs quâil en eu lâinformation »293.
Cependant, lâarrĂȘt ne donne aucune indication sur les Ă©lĂ©ments de preuve retenus par la Cour
pour fonder sa dĂ©cision. De plus, mĂȘme dans lâhypothĂšse oĂč le prĂ©venu aurait tentĂ© dâĂ©viter
290 CM du Katanga, Affaire Ankoro, op.cit.291 ACIDH, « ProcÚs de la Cour militaire du Katanga sur les crimes commis à Ankoro»,Rapportfinal,Lubumbashi,mars 2005, p. 11.292 Ibid., p. 19.293 Ibid, p. 57.
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
lâaffrontement et aurait pris des mesures pour rĂ©cupĂ©rer les biens pillĂ©s par ses soldats, les
rares éléments de preuve mentionnés ne permettent pas de conclure que ce colonel a fait tout
ce qui Ă©tait en son pouvoir pour empĂȘcher le bombardement de civils et les pillages, ni mĂȘme
quâil a sanctionnĂ© les responsables de ces actes ou quâil en a rĂ©fĂ©rĂ© Ă ses supĂ©rieurs.
Les conseils des Parties civiles ont tenté de démontrer la commission de crimes de guerre et
ont invoquĂ© lâarticle 175 du Code pĂ©nal militaire, afin que la Cour juge « chaque militaire [âŠ]
individuellement responsable pĂ©nalement des actes quâil avait posĂ© et les chefs militaires ou commandants
[âŠ] considĂ©rĂ©s comme des complices, se fondant sur la criminalitĂ© dâemprunt (article 175 du nouveau code
pĂ©nal militaire) dans la mesure oĂč ils ont tolĂ©rĂ© les agissements de leurs subordonnĂ©s »294. Cependant,
les juges ne les ont pas suivis.
La Cour nâa pas retenu les charges de crime contre lâhumanitĂ©, soulignant que « lâorgane de la
loi, les tĂ©moins, les parties civiles, les victimes et les renseignants furent dans lâimpossibilitĂ© dâidentifier un
seul des prĂ©venus comme Ă©tant co-auteurs ou complices dâincendie dâune maison ou de mort dâune personne
dĂ©terminĂ©e »295. Lâinsuffisance de preuve aurait ainsi empĂȘchĂ© la condamnation des supĂ©rieurs
hiĂ©rarchiques comme co-auteurs ou complices. La lecture du libellĂ© de lâarrĂȘt laisse supposer
que la Cour considĂšre quâaucune preuve de participation directe des supĂ©rieurs hiĂ©rarchiques
aux incendies, pillages, et meurtres nâa pu ĂȘtre Ă©tablie, et que cela suffit Ă les acquitter.
Lâon peut rappeler quâen vertu de lâarticle 175 du Code pĂ©nal militaire (et Ă fortiori de lâarticle
28 du Statut), il suffit de prouver « quâils ont tolĂ©rĂ© les agissements criminels de leurs subordonnĂ©s »
pour ĂȘtre condamnĂ©s comme complices. La Cour nâaurait donc pas dĂ» se contenter, comme
le laisse supposer lâarrĂȘt, dâĂ©tablir quâils ont eux-mĂȘmes participĂ© directement aux crimes ou
quâils les ont ordonnĂ©s.
Au cours du procĂšs, lâorganisation non gouvernementale congolaise ACIDH a constatĂ©:
« Le gĂ©nĂ©ral KYABU KANIKI de lâex-4Ăšme rĂ©gion militaire (Lubumbashi) et le GĂ©nĂ©ral MABIAL de
lâex-9Ăšme rĂ©gion militaire (Kamina) Ă©taient rĂ©guliĂšrement citĂ©s par les prĂ©venus comme ayant Ă©tĂ©
sur les lieux de commandement lors des Ă©vĂšnements dâAnkoro. Leur prĂ©sence Ă©tait signalĂ©e dĂšs le 12
novembre 2002. Ce qui avait expliquĂ© leur solidaritĂ© Ă la 95Ăšme brigade en ce quâils nâont ni rĂ©primĂ©
ni déféré devant une juridiction compétente les auteurs présumés »296.
Le rapport de cette ONG fournit un certain nombre de détails pertinents sur le déroulement
des faits:
« Le 12 novembre, les gĂ©nĂ©raux (âŠ) arrivent en hĂ©licoptĂšre des FAC Ă Ankoro. Le soir, ils tiennent
deux rĂ©unions, dâabord avec lâEtat Major de la 95Ăšme brigade et plus tard avec les autoritĂ©s politiques ;
le 13 novembre, les deux gĂ©nĂ©raux visitent Ankoro et constatent lâampleur des dĂ©gĂąts causĂ©s par leurs
294 Ibid, p. 27.295 Ibid, p. 55.296 ACIDH,Rapportfinal,op.cit,p.12.
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
forces ; le 15 novembre 2002, lâartillerie lourde est Ă nouveau utilisĂ©e au motif de dĂ©sarmer leurs
alliés miliciens »297.
Le rapport relÚve également que « les généraux cités au cours des audiences par les prévenus comme
ayant pris le commandement (âŠ) Bien que leur audition ait Ă©tĂ© avĂ©rĂ©e nĂ©cessaire pour Ă©tablir la vĂ©ritĂ©
sur les crimes contre lâhumanitĂ©, aucune procĂ©dure nâavait Ă©tĂ© ouverte Ă leur encontre »298. Lâon peut
donc supposer quâils nâont Ă©tĂ© ni convoquĂ©s, ni entendus comme tĂ©moins et encore moins
poursuivis. Ă tout le moins, ils auraient pu ĂȘtre interrogĂ©s, ne fĂ»t-ce que pour lever tout doute
sur leur éventuelle responsabilité.
Au terme de ce procÚs, la Cour a donc acquitté les officiers supérieurs et condamné des
soldats et officiers de grade inférieur pour des infractions secondaires, alors que certaines
dâentre elles Ă©taient prima facie constitutives de crimes contre lâhumanitĂ© ou crimes de guerre.
La premiÚre juridiction à réellement traiter de la question de la responsabilité des chefs
militaires (ou de groupes armés) est le TMG de Mbandaka dans le jugement Songo Mboyo.
Pour contester sa responsabilitĂ© civile, la RDC a plaidĂ© que celle-ci Ă©tait subordonnĂ©e « Ă
celle du Capitaine R considĂ©rĂ© comme chef hiĂ©rarchique et ce en vertu de lâarticle 28 du Statut de Rome de
la Cour pĂ©nale internationale qui dispose que le Chef militaire (âŠ) est pĂ©nalement responsable des crimes
commis par des forces placées sous son commandement et son contrÎle effectif »299. Considérant que
cette demande est une manĆuvre dilatoire pour prolonger le procĂšs, le tribunal la rejette
en rappelant que « lâarticle 28 du Statut de Rome de la Cour pĂ©nale internationale, faisant allusion
à la responsabilité pénale du supérieur hiérarchique ne dispose pas que les poursuites engagées contre les
Ă©lĂ©ments sous contrĂŽle sont subordonnĂ©es Ă celles de lâautoritĂ© hiĂ©rarchique »300. Lâon peut relever au
passage que par la voix de son avocat, lâEtat congolais a lui-mĂȘme invoquĂ© lâapplication du
Statut de Rome.
Sur le fond, la décision aborde la question de la responsabilité au regard du droit pénal
congolais. Alors que le MinistÚre public invoquait une responsabilité criminelle par
abstention concernant lâinfraction de vols dâarmes et de munitions de guerre, au motif
que le prévenu disposait des moyens pour dissuader les insurgés, les juges rejettent ce
raisonnement en considérant:
« Le droit congolais Ă lâinstar du droit belge ne retient pas lâinaction, mĂȘme intentionnelle, comme
un des Ă©lĂ©ments dâune participation criminelle. Cependant, certaines abstentions rĂ©vĂšlent avec Ă©clat
la manifestation dâune volontĂ© criminelle dangereuse, [âŠ], câest ainsi en droit pĂ©nal militaire la
responsabilité du chef hiérarchique est toujours présumée pour son inaction aux actes constitutifs
de crimes de guerre commis par ses subalternes. Or dans le cas sous examen, les actes commis par les
297 Ibid., p. 72.298 Ibid., p. 79.299 TMG de Mbandaka, Affaire Songo Mboyo, op.cit, p. 5.300 Ibid., p. 6.
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
mutins ne sont pas constitutifs de crime de guerre pour engager la responsabilité du prévenu E.N.,
alors commandant »301.
MĂȘme sâil Ă©carte lâargument de lâAuditeur militaire, le tribunal souligne quâen matiĂšre de
crimes de guerre, lâabstention du commandant est punissable.
Toujours dans lâaffaire Songo Mboyo, nous avons vu dans le premier Chapitre de cette Ă©tude,
que le tribunal a estimĂ© que mĂȘme si la responsabilitĂ© est individuelle aux termes de lâarticle
25 du Statut de Rome, un supĂ©rieur hiĂ©rarchique peut ĂȘtre condamnĂ© comme « auteur moral »
pour un fait de viol commis par « un militaire faisant partie de sa suite », parce quâil a lui mĂȘme
violé une autre victime et que ce comportement « constitue pour les subalternes un encouragement
aux actes analogues »302.
Dans lâaffaire Bongi, le TMG de lâIturi a menĂ© un raisonnement en matiĂšre de responsabilitĂ©
du supĂ©rieur hiĂ©rarchique qui mĂ©rite dâĂȘtre ici rapportĂ©. AprĂšs avoir rappelĂ© le principe de
la responsabilitĂ© pĂ©nale individuelle qui « est battu en brĂšche en droit pĂ©nal international ; oĂč la
culpabilitĂ© du supĂ©rieur hiĂ©rarchique peut ĂȘtre retenue pour des actes rĂ©prĂ©hensibles de leurs infĂ©rieurs »303,
les juges se référent à la jurisprudence du TPIR (affaire Bagalishema) pour retenir trois
conditions qui vont asseoir cette « responsabilitĂ© pĂ©nale dâemprunt ». Malheureusement, le
tribunal nâen cite quâune, celle du « lien de subordination plaçant lâauteur du crime sous le contrĂŽle
effectif de lâaccusĂ© ». Par rĂ©fĂ©rence aux « articles 85 Ă 87 du protocole additionnel I de la Convention
de GenĂšve et lâarticle 28 du Statut de Rome » ainsi quâĂ la jurisprudence internationale, les
juges ont recherchĂ© avec une certaine rigueur les Ă©lĂ©ments qui permettent dâĂ©tablir cette
responsabilité304 :
ïżœ Le lien de subordination :
« il ressort de lâexamen de la cause que le fait pour le prĂ©venu [âŠ] dâinclure ses propres gardes du
corps dans le peloton de patrouille [âŠ] au village Tchekele, Ă©tablit Ă suffisance cette subordination
requise pour lâĂ©tablissement de lâinfraction[âŠ]Que le lien de subordination sâapprĂ©cie par rapport
au rang dont jouit le prévenu BM, coupable secondaire vis-à -vis des militaires agissant sous le
commandement de KW, les coupables originaires [âŠ]»305 ;
ïżœ La capacitĂ© de prĂ©venir et sanctionner les crimes et lâabstention de le faire :
« le prĂ©venu a une prĂ©Ă©minence fonctionnelle, câest-Ă -dire la capacitĂ© matĂ©rielle de prĂ©venir et
de sanctionner les violations du droit humanitaire [âŠ] Attendu quâĂ la remise des biens pillĂ©s,
le prĂ©venu[âŠ]au lieu de punir les pilleurs, au contraire, sâest appropriĂ© les biens en dĂ©clarant
Ă son Ă©pouse et mĂȘme dans sa plainte que câĂ©tait des butins de guerre [âŠ] »306 et plus loin
« quâenfin le prĂ©venu[qui]avait le contrĂŽle et lâautoritĂ© sur les Ă©lĂ©ments pilleurs nâa pu ni saisir
301 TMG de Mbandaka, Affaire Songo Mboyo, op.cit, p. 20.302 Ibid, p. 31.303 Cour Militaire de la Province Orientale, Affaire Bongi, op.cit., p. 19.304 Nous reprenons ici lâordre dans lequel le tribunal les a Ă©numĂ©rĂ©s.305 Cour Militaire de la Province Orientale, Affaire Bongi, op.cit., p. 20.306 Ibid, p. 20.
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
une juridiction compétente, ni ouvrir une action disciplinaire »307 ;
ïżœ La connaissance des crimes ou la volontĂ© dĂ©libĂ©rĂ©e de ne pas sâen informer :
« Attendu que le prĂ©venu avait des raisons non seulement de savoir mais surtout de sâassurer que
ses militaires allaient et, par la suite, avaient pillĂ© la localitĂ© de Tchekele [âŠ] quâainsi le prĂ©venu
devra-t-il partager la responsabilité avec ses militaires, auteur du pillage »308 ; et plus loin,
citant lâarticle 28 du Statut « le prĂ©venu [âŠ] savait bien que ces troupes allaient commettre le
pillage, raison pour laquelle son garde du corps VALAKA et son informateur devaient faire partie
de cette patrouille pour ramener avec sécurité les biens pillés »309 ;
ïżœ La commission directe par ordre :
« Quâil a en outre lui mĂȘme organisĂ© ce pillage en tenant compte des informations reçues (âŠ) qui
devaient conduire les patrouilleurs aux adresses déjà identifiées »310.
Dans son analyse sur la responsabilitĂ© du chef de milice Kahwa, le TMG de lâIturi relĂšve « quâil
a été prouvé que Kawa a dans son attitude négative eu à tolérer les violations commises par ses hommes
lors de lâattaque du 15 au 16 octobre 2002 ; que ses troupes, en effet, ont opĂ©rĂ© dans le territoire contrĂŽlĂ© par
lui en sa qualitĂ© de chef de collectivitĂ©, actes quâil ne peut prĂ©tendre avoir ignorer311. » Sur base lĂ©gale des
articles 85 Ă 87 du Protocole additionnel des Conventions de GenĂšve et lâarticle 28 du Statut
de Rome sur la responsabilité du supérieur hiérarchique, les juges en ont conclu qu⠫ en
lâespĂšce, Kawa en sa qualitĂ© de chef de milice HEMA et chef de collectivitĂ© (âŠ) agressant les LENDU nâa rien
fait pour empĂȘcher ces drames ; que son silence constitue ainsi une approbation, soit un ordre tacite»312.
Câest donc ici lâabstention dâagir pour empĂȘcher les crimes et pour les rĂ©primer qui est
constitutive de la mise en cause de la responsabilitĂ© du chef313. MĂȘme si le jugement ne nous
informe pas sur les éléments de preuve dont le tribunal dispose pour étayer ses conclusions,
son raisonnement aborde les éléments constitutifs de la responsabilité des chefs : il était le
commandant, il avait connaissance et ne peut nier quâil avait connaissance, et il a (au moins)
laissé commettre les crimes.
Afin dâĂ©tablir la responsabilitĂ© pour « infraction de non assistance Ă personne en danger »314 des
officiers qui ont ordonnĂ© lâemprisonnement et causĂ© la mort des dĂ©tenus de Mitwaba, la
Cour militaire du Katanga sâest basĂ©e sur :
« lâabstention et lâomission des prĂ©venus de conjurer le pĂ©ril auquel les dĂ©tenus Ă©taient exposĂ©s [âŠ] ;
Quâen effet les prĂ©venus[âŠ]ne dressĂšrent aucun procĂšs verbal dâaudition des dĂ©tenus [âŠ] ne prirent
307 Ibid, p. 21.308 Ibid, p. 20.309 Ibid, p. 21.310 Ibid, p. 21.311 TMG de lâIturi, Affaire Kahwa, op.cit, p.29.312 TMG de lâIturi, Affaire Kahwa, op.cit, p. 31.313 Ă titre anecdotique, lâon peut noter au passage que la rĂ©fĂ©rence au Protocole additionnel I implique lâexistencedâunconflitĂ caractĂšreinternational,etquâenlâespĂšce,letribunalnâapasdonnĂ©cettequalifica-tion au conflit. Par ailleurs, les extraits citĂ©s ne correspondent pas au libellĂ© des articles en question.314 En rĂ©alitĂ© constitutive de crime de guerre comme il a Ă©tĂ© vu dans le Chapitre II de cette Ă©tude.
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
aucune mesure de libĂ©ration des non Mai-Mai [âŠ] nâorganisĂšrent pas de visites mĂ©dicales [âŠ] en
vue de prĂ©venir des maladies ou de les soigner ; [âŠ] savaient que toute personne vivant dans ces
conditions dâincarcĂ©ration succomberait ; Quâils maintinrent cependant ces conditions malsaines
et indécentes pendant plusieurs jours, gardÚrent les détenus en prison malgré leur affaiblissement
physique et la premiÚre mort constatée, et ne libérÚrent les autres détenus que malgré eux »315.
MĂȘme si la Cour nâa pas retenu la qualification de crime de guerre, câest donc lâomission
dâagir, telle que dĂ©crite Ă lâarticle 28. a) du Statut de Rome qui est retenue comme mode
de commission de lâinfraction. Lâon notera Ă©galement que les officiers qui ont transmis cet
ordre, tout en ne pouvant ignorer ses conséquences, ont également été condamnés, quoique
Ă des peines moins lourdes.
Le jugement rendu dans lâaffaire des Mutins de Bunia ne condamne pas le lieutenant Aboti,
qui commandait les troupes, pour crime de guerre ou crime contre lâhumanitĂ©, mais pour
« incitation des militaires à commettre des actes contraires au devoir ou à la discipline »316 ; le prévenu
ayant « invitĂ© les militaires moins gradĂ©s de la mĂȘme premiĂšre Brigade intĂ©grĂ©e Ă aller piller en vue de
se payer au dĂ©triment des particuliers »317. Dans cette affaire, mĂȘme si le Statut de Rome nâest
pas invoquĂ©, lâon constate que la responsabilitĂ© est Ă©tablie sur la base de la sollicitation ou de
lâencouragement Ă commettre les crimes, comme le prĂ©voit lâarticle 25.3.b) du Statut de la Cour
pénale internationale.
Enfin, dans lâaffaire Kilwa, le colonel Ilunga AdĂ©mar qui commandait les troupes ayant
pilonné la ville, était poursuivi comme « auteur, coauteur ou complice » de crime de guerre,
notamment parce quâil a « par abus de pouvoir et dâautoritĂ©, ordonnĂ© Ă ses hommes » dâentre autre
bombarder la citĂ©, « dâexĂ©cuter sommairement des personnes civiles », de faire arrĂȘter arbitrairement
et dĂ©tenir des personnes civilesâŠ318 Comme il a Ă©tĂ© vu prĂ©cĂ©demment, la Cour militaire nâa
pas retenu la prévention de crime de guerre et a condamné ce colonel pour le seul
meurtre de deux Ă©lĂšves.
Pour quâun supĂ©rieur hiĂ©rarchique soit condamnĂ© parce quâil a tolĂ©rĂ©, encouragĂ©, appuyĂ©
ou ordonnĂ© un crime, il faut quâil soit au prĂ©alable poursuivi. Dans la procĂ©dure pĂ©nale
congolaise, lâouverture de poursuites pĂ©nales incombe Ă lâauditorat militaire qui, une fois
lâinstruction menĂ©e, peut sâil « estime que le fait visĂ© constitue une infraction de la compĂ©tence de la
juridiction militaire et que lâinculpation est suffisamment Ă©tablie, [âŠ] [renvoyer] lâinculpĂ© devant cette
juridiction »319. Cet article renvoie à la disposition pertinente en matiÚre de mode de saisine
des juridictions militaires ; cette saisine se fait « par voie de traduction directe ou par décision de
renvoi Ă©manant de lâauditeur militaire prĂšs la juridiction compĂ©tente »320.
315 CM du Katanga, Affaire Mitwaba, p. 8 et 9.316 TMG de lâIturi, Affaire Mutins de Bunia,op.cit., p. 30.317 Ibid., p. 26.318 Cour militaire du Katanga, Affaire Kilwa, op.cit, p. 2 et 3.319 Article 200 du Code judiciaire militaire, Loi n° 023-2002 portant Code judiciaire militaire du 18 novembre 2002.320 Article 214 du Code judiciaire militaire.
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
Le jugement avant dire droit rendu dans lâaffaire Bavi aborde la question de la saisine
de la justice et de la mise en cause dâun supĂ©rieur hiĂ©rarchique non visĂ© par un acte
de renvoi. En lâespĂšce le tribunal rĂ©pondait Ă un moyen dâappel soulevĂ© par le conseil
du prévenu principal Bozizé et visait un colonel qui avait été informé par son officier
de renseignement (lieutenant) des agissements et des crimes commis par le principal
prĂ©venu de lâaffaire.
Au cours de la procĂ©dure judiciaire devant le TMG, le lieutenant a dĂ©clarĂ© « quâil aurait longtemps
avant tenu le colonel E. informĂ© de ces crimes perpĂ©trĂ©s sur le terrain par le Bataillon dâintervention ; mais
quâen revanche, ce Colonel, au lieu de procĂ©der Ă la vĂ©rification de ces graves dĂ©nonciations aurait purement
et simplement à son tour, par complaisance, informé le prévenu Capitaine FMM de ces dénonciations »321.
Le jugement met également à jour le fait que, malgré ses dénégations, le Colonel a reconnu
au moins partiellement dans une lettre adressĂ©e Ă lâauditeur militaire avoir conversĂ© avec
le lieutenant dénonciateur qui lui faisait part de sa volonté de quitter son poste par peur
dâĂȘtre tuĂ© par le colonel Bozize322. Le tribunal constate que le colonel a considĂ©rĂ© avec plus de
gravité cette soi-disant désertion que « les accusations de crimes graves dont est accusé le bataillon
dâintervention qui dĂ©pend de son autoritĂ© hiĂ©rarchique »323 ; et quâil a mĂȘme sanctionnĂ© le lieutenant
en procédant à la retenue de sa solde pour le contraindre à rejoindre son unité « sans le moindre
souci de procĂ©der Ă la rigueur, Ă une enquĂȘte, ne fut-ce que sur les raisons de la menace de mort »324.
En dĂ©pit de ces Ă©lĂ©ments accablants et corroborĂ©s, le colonel nâa pas Ă©tĂ© poursuivi par le
MinistĂšre public.
LâenquĂȘte a Ă©galement laissĂ© apparaĂźtre quâun gĂ©nĂ©ral commandant lâensemble des
opérations dans la région avait été alerté par une ONG locale des crimes commis par les
soldats concernĂ©s, sans quâaucune investigation ne soit ordonnĂ©e. LĂ encore, malgrĂ© les
observations pertinentes des juges325, lâauditeur militaire sâest abstenu de toute poursuite Ă
lâencontre de ce haut gradĂ©.
Les Ă©lĂ©ments de preuve mis Ă la disposition du MinistĂšre public nâont pu aller Ă lâencontre des
dispositions du Code de procĂ©dure pĂ©nale militaire ; le tribunal nâa donc condamnĂ© ni lâun,
ni lâautre, de ces deux officiers supĂ©rieurs, en considĂ©rant :
« Que la saisine des juridictions militaires en lâĂ©tat actuel du droit procĂ©dural militaire nâappartient
quâau MinistĂšre Public ; Que la responsabilitĂ© de ces supĂ©rieurs hiĂ©rarchiques pour crimes de guerre,
321 TMG de lâIturi, Affaire Bavi, op.cit, p. 28.322 Ibid., p. 29.323 Ibid., p. 29.324 Ibid., p. 30.325 Ibid., p.27-28 : Les juges ont observĂ© que : « le GĂ©nĂ©ral MS, saisi depuis le 3 octobre 2006 par ledit communiquĂ© de lâorganisation JUSTICE PLUS et par la lettre sus Ă©voquĂ©e du 25 septembre 2006, adressĂ©e entre autres Ă ce gĂ©nĂ©ral en sa qualitĂ© de commandant des opĂ©rations FARDC en Ituri [âŠ] semble nâavoir pas accordĂ© crĂ©dit aux dĂ©nonciations lui adressĂ©es et faites en son temps par la susdite Organisation Non Gouvernementale « Justice Plus » Ă moins, en effet, quâil ne dĂ©montre avoir organisĂ© et obtenu dâune commission dâenquĂȘte objective et fiable un rapport dâenquĂȘte dĂ©mentant ces faits ; Ă dĂ©faut dâavoir saisi dâoffice le MinistĂšre Public Militaire (âŠ) Quâen effet, au vu de la gravitĂ© des faits prĂ©tendus par ces flots de dĂ©nonciation (âŠ) il Ă©tait de bon sens quâune enquĂȘte soit ordonnĂ©e par ce ci-dessus citĂ© GĂ©nĂ©ral. »
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
au terme de lâarticle 175 du Code pĂ©nal militaire sâagissant de crimes de guerre ne peut sâĂ©tablir que
sâil est prouvĂ© Ă lâissue dâun procĂšs dans quelle mesure ils ont tolĂ©rĂ© les agissements criminels de leur
subordonnés »326.
De ce constat dâincapacitĂ©, la Cour a conclu :
« quâen lâespĂšce, le Tribunal compĂ©tent pour Ă©tablir si oui ou non le Colonel EM ou le GĂ©nĂ©ral M ont
toléré les agissements du prévenu Capitaine M et consorts dans cette cause et que le Colonel N ou que
le Capitaine GU se sont abstenus de dĂ©noncer les faits criminels de ces mĂȘmes prĂ©venus ne peut ĂȘtre
que le tribunal que saisira le ministĂšre public militaire sâil estime fondĂ©e ces allĂ©gations »327.
Ă la date de publication de cette Ă©tude, nulle poursuite nâa Ă©tĂ© engagĂ©e contre lâun de
ces officiers. Les éléments de preuve déjà rassemblés par le tribunal qui a condamné les
subalternes sont pourtant entre les mains du MinistĂšre public. A dĂ©faut pour lâauditorat
militaire de dĂ©clencher une action Ă leur encontre comme complices en vertu de lâarticle 175
du Code pĂ©nal militaire, voire en invoquant lâapplication directe de lâarticle 28 du Statut de
Rome, rien nâempĂȘcherait que cette affaire soit portĂ©e devant la Cour pĂ©nale internationale.
Il est évident que la responsabilité de poursuivre expose les auditeurs militaires à de fortes
pressions, lorsque de hauts gradĂ©s ou des militaires influents sont impliquĂ©s. Sâil nâexiste
pas en droit congolais de mĂ©canisme de saisine dâoffice par le tribunal328, mĂȘme lorsquâil
sâagit de crimes internationaux, certaines voies pourraient ĂȘtre explorĂ©es pour tenter de
contourner une Ă©ventuelle « rĂ©ticence » du magistrat instructeur. En cas dâinaction, il est
toujours possible dâen rĂ©fĂ©rer Ă son supĂ©rieur hiĂ©rarchique qui pourrait lui donner injonction
dâinstruire et de poursuivre329. Les ministres de la justice et de la dĂ©fense disposent Ă©galement
dâun droit dâinjonction positif pour ordonner lâouverture dâune enquĂȘte ou des poursuites330.
Mais que faire en cas dâinertie de cette hiĂ©rarchie ?
Si le MinistĂšre public ne poursuit pas lui-mĂȘme des supĂ©rieurs hiĂ©rarchiques contre lesquels
il existe des preuves ou des soupçons de responsabilité, les juges saisis des faits, plutÎt
que dâattendre une action de lâauditeur militaire, pourraient eux mĂȘme agir en application
de lâarticle 219 du Code judiciaire militaire qui prĂ©voit que « le juge militaire saisi peut, si
lâinstruction prĂ©paratoire lui semble incomplĂšte ou si des Ă©lĂ©ments nouveaux sont rĂ©vĂ©lĂ©s depuis sa
clĂŽture, ordonner tous actes dâinstruction quâil estime utiles. Il est procĂ©dĂ© Ă ces actes conformĂ©ment aux
dispositions relatives Ă lâinstruction prĂ©paratoire par lâAuditeur militaire [âŠ] » Or, parmi les pouvoirs
326 Ibid., p. 39.327 Ibid., p. 40.328 Exception faite en ce qui concerne les dĂ©lits dâaudience. Selon lâarticle 214 du Code judiciaire militaire, lorsquâune infraction est commise dans la salle et pendant la durĂ©e de lâaudience dâune juridiction, la saisine dâofficeestpossible.329 Dans tous les cas, câest lâAuditeur gĂ©nĂ©ral des Forces armĂ©es, en tant que chef hiĂ©rarchique de tous les magistrats du MinistĂšre public militaire qui a le pouvoir « dâordonner aux magistrats militaires dâinstruire, de pour-suivre ou de sâabstenir de poursuivre. » (Article 42 du Code judiciaire militaire)330 Voir les articles 47, 162 et 130 du Code judiciaire militaire.
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
dâinstruction en question, similaires Ă ceux du juge dâinstruction331, on retrouve notamment
le pouvoir dâinculper. Le juge pourrait ainsi user de tous les moyens traditionnels dâenquĂȘte
et, le cas échéant, inculper un supérieur hiérarchique qui ne serait pas poursuivi par le
MinistĂšre public.
Dâaucuns pourraient objecter que lâarticle 219 se situe dans la section du Code judiciaire
consacrĂ©e Ă la « procĂ©dure antĂ©rieure aux dĂ©bats »332 mais lâon peut rĂ©pondre Ă cela quâil ne sâagit
que dâun titre du Code et que lâesprit de lâarticle 219 est vraisemblablement de complĂ©ter
une instruction qui serait lacunaire. Le fait de ne pas chercher à établir la responsabilité
Ă©ventuelle dâun supĂ©rieur et, le cas Ă©chĂ©ant, de ne pas lâinculper ne rend-il pas lâinstruction
incomplĂšte ?
Dans le cas oĂč cette voie ne serait exploitable, les juges ont toujours la possibilitĂ© de requĂ©rir
du Parquet un supplĂ©ment dâinformation conformĂ©ment Ă lâarticle 253.3 du Code judiciaire
militaire. Une requĂȘte en ce sens peut dâailleurs ĂȘtre prĂ©sentĂ©e par la partie civile, la dĂ©fense,
ou le prévenu.
Dâun point de vue institutionnel, une modification lĂ©gislative autorisant la constitution
directe de Parties civiles devant les juges du fond pourrait constituer un moyen dâĂ©viter que
le Parquet militaire bloque une enquĂȘte ou des poursuites. Afin de pallier au risque que
les juridictions se retrouvent submergĂ©es, cette possibilitĂ© pourrait ĂȘtre limitĂ©e Ă certains
crimes, tels que les crimes de gĂ©nocide, de guerre, les crimes contre lâhumanitĂ© et autres
violations graves et massives des droits de lâhomme.
En clĂŽture de cette section, un autre mode de participation mĂ©rite dâĂȘtre Ă©voquĂ© : celui de
lâassociation de malfaiteur. En droit belge, lâarticle 322 du Code pĂ©nal prĂ©voit : « Toute association
formĂ©e en vue dâattenter aux personnes ou aux propriĂ©tĂ©s est un crime ou un dĂ©lit qui existe par le seul fait
de lâorganisation de la bande ».
DâaprĂšs le Code pĂ©nal français : « Constitue une association de malfaiteurs tout groupement formĂ© ou
entente Ă©tablie en vue de la prĂ©paration, caractĂ©risĂ©e par un ou plusieurs faits matĂ©riels, dâun ou plusieurs
crimes ou dâun ou plusieurs dĂ©lits »333.
Le droit anglo-saxon connaßt également un concept similaire : la « conspiracy ». La simple
appartenance à une entreprise collective criminelle (en préparation) est donc constitutive
de lâinfraction. Le recours Ă cette incrimination permet aux juges de contourner des
complications dues Ă un manque de preuve dans des affaires oĂč les tĂ©moins sont parfois
réticents face à des risques de représailles de la part des prévenus ou de leurs proches ou
alliés.
331 Article 170 du Code judiciaire militaire.332 Titre II, Chapitre I, Section 2 du Code judiciaire militaire.333 Article450-1duCodepénalfrançais,Loin°2001-420du15mai2001,JournalOfficieldu16mai2001.
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
Ainsi, dans lâaffaire des Mutins de Mbandaka les juges ont estimĂ© que :
« le seul fait pour les prévenus de reconnaßtre avoir fait partie de la bande des insurgés ayant lancé
volontairement et sciemment lâattaque contre la population civile Ă©tablie de maniĂšre non Ă©quivoque
leur culpabilitĂ© ; [âŠ] lâinstruction a dĂ©montrĂ© Ă suffisance que les prĂ©venus sus identifiĂ©s ont pris
part Ă lâattaque et ont Ă©tĂ© apprĂ©hendĂ©s avec armes de guerre et biens pillĂ©s »334.
En le cas dâespĂšce, les juges peuvent Ă©tablir la responsabilitĂ© des auteurs des crimes grĂące
à un faisceau de preuves indirectes. Pourtant, les juges ont fondé ce raisonnement, trÚs
proche de celui dâassociation de malfaiteurs, sur le concept dâemprunt de criminalitĂ©335. Or, lâemprunt
de criminalitĂ© se conçoit en principe de la maniĂšre suivante : pour quâun individu puisse
ĂȘtre condamnĂ© en tant que complice, une infraction principale doit au prĂ©alable avoir Ă©tĂ©
commise. Il sâagit donc dâun rejet de lâidĂ©e selon laquelle le complice est lâauteur dâun dĂ©lit
autonome. La doctrine utilise cette expression pour signifier que le complice emprunte sa
propre criminalitĂ© Ă celle de lâauteur principal, en sorte que lâauteur et le complice soient
« liĂ©s dans lâinfraction ». Les juges ont donc en lâespĂšce commis une erreur de qualification
quant au mode de participation.
En conclusion, il serait utile que les juges se réfÚrent au Statut de Rome, plus complet sur
les modes dâincrimination, lorsquâils sont confrontĂ©s Ă des crimes qui impliquent la mise en
cause de la responsabilitĂ© dâun supĂ©rieur hiĂ©rarchique.
Lorsque des crimes sont commis par des auteurs appartenant à un corps organisé tel que
les forces armées, les milices, les services publics, ou les partis politiques, il est important
que les magistrats déterminent minutieusement dans quelle mesure les supérieurs
hiĂ©rarchiques ou les dĂ©tenteurs de lâautoritĂ© ont ordonnĂ©, encouragĂ©, appuyĂ© ou tolĂ©rĂ©
les comportements criminels. Dans cette optique, reconstituer lâensemble de la chaĂźne de
commandement en rapport avec les faits criminels constitue lâunique moyen pour Ă©tablir
« Qui a Ă©mis lâordre ? Qui lâa transmis ? Comment ? Qui en avait connaissance ? Qui aurait
dĂ» en avoir connaissance ? Qui a agi (et comment) pour empĂȘcher les crimes ? Qui aurait
dû agir ?»
Dans lâhypothĂšse oĂč les auteurs et leurs supĂ©rieurs hiĂ©rarchiques sont identifiĂ©s mais que
le supĂ©rieur ne peut ĂȘtre poursuivi comme auteur principal parce quâil nâa pas lui mĂȘme
ordonnĂ© le crime, il appartient aux juges dâĂ©valuer:
334 Ibid.335 Selon le raisonnement des juges, « Dans la difficultĂ© dâidentifier spĂ©cifiquement les auteurs des actes [âŠ], tous les membres de la bande seront tenus pĂ©nalement responsables pour les actes consĂ©quences et ce en vertu du principe dâemprunt de criminalitĂ© qui est du reste, une exception au principe de lâindividualisation. » TMG de Mbandaka, Affaire Mutins de Mbandaka, op.cit., p. 20. En principe, lâemprunt de criminalitĂ© se conçoit de la maniĂšre suivante : pour quâun individu puisse ĂȘtre condamnĂ© comme complice, il faut dâabord quâune infraction principale ait Ă©tĂ© commise. Il sâagit donc dâun rejet de lâidĂ©e selon laquelle le complice est lâauteur dâun dĂ©lit autonome. La doctrine utilise lâexpression:«empruntdecriminalité»,quisignifiequelecompliceempruntesaproprecriminalitĂ©Ă celledelâauteur principal, en sorte que lâauteur et le complice sont « liĂ©s dans lâinfraction ». Deux traits caractĂ©risent lâempruntdecriminalitĂ©:dâunepartlâactedelâauteuretducompliceontlamĂȘmequalification;dâautrepartsilâactecommisparunindividunâestpaspĂ©nalementqualifiable,celuiquiycoopĂšrenâestpasuncomplice.
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
1. le lien de subordination entre lâauteur et le supĂ©rieur, en dĂ©terminant sâil existe
une relation de supĂ©rieur Ă subordonnĂ© impliquant le contrĂŽle effectif sur lâauteur
du crime,
2. la capacitĂ© du supĂ©rieur de prĂ©venir et sanctionner les crimes, en sâassurant
notamment du fait quâil a eu connaissance que le crime allait ĂȘtre ou avait Ă©tĂ©
commis ou quâil sâest volontairement abstenu de sâinformer,
3. le fait que le supĂ©rieur nâait pas pris de mesures pour prĂ©venir, arrĂȘter, sanctionner,
ou dénoncer le crime.
Lorsquâun supĂ©rieur est soupçonnĂ© ou poursuivi pour son abstention dâagir, il serait
malvenu que les juges se satisfassent de seuls témoignages directs qui établiraient sa
« complicité active ». Il est primordial de rechercher les preuves qui permettent de conclure
que le supĂ©rieur a fait tout ce qui Ă©tait en son pouvoir pour empĂȘcher les crimes, pour les
sanctionner, ou pour dénoncer leur commission.
Au cours dâune procĂ©dure, sâil apparaĂźt que des supĂ©rieurs hiĂ©rarchiques, mĂȘme de
haut niveau, pourraient porter une responsabilité, ou détiendraient des informations
importantes pour comprendre la chaßne de responsabilité, il est clairement nécessaire que
les juges les convoquent afin de les entendre comme témoins ou le cas échéant, les mettre
en accusation.
Si le MinistĂšre public ne poursuit pas lui-mĂȘme des supĂ©rieurs hiĂ©rarchiques contre
lesquels il existe des preuves ou des soupçons de responsabilité, les magistrats sont en
droit de faire application de lâarticle 219 du Code judiciaire militaire pour ordonner tous
actes dâinstruction utiles et/ou dâinvoquer lâarticle 220 pour ordonner un supplĂ©ment
dâinformation au MinistĂšre public.
2.2. Les motifs dâexonĂ©ration de la responsabilitĂ© pĂ©nale
2.2.1. Selon les principes du droit pénal, du Statut de Rome et du Code pénal militaire congolais
A. Les principes de droit pénal
Le droit pĂ©nal classe gĂ©nĂ©ralement les motifs dâexonĂ©ration de la responsabilitĂ© pĂ©nale en
deux grandes catégories : les causes de justification et les causes de non imputabilité.
Les causes de justification (ou justificatives) sont des causes légales ou jurisprudentielles
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
neutralisant lâĂ©lĂ©ment lĂ©gal de lâinfraction. Elles affectent lâexistence mĂȘme de lâinfraction.
Parmi les plus courantes, on retrouve :
âą lâordre de la loi : une cause qui peut, dans certaines hypothĂšses, justifier des actes
normalement rĂ©prĂ©hensibles posĂ©s en exĂ©cution dâune disposition lĂ©gale ou dâun ordre
rĂ©gulier de lâautoritĂ© (par exemple lorsquâun militaire abat un ennemi combattant dans
le cadre dâun conflit armĂ©, sans violer le droit de la guerre) ;
âą lâĂ©tat de nĂ©cessitĂ© : une situation dans laquelle se trouve une personne qui nâa dâautre
ressource que de commettre une infraction pour sauvegarder un intĂ©rĂȘt Ă©gal ou
supérieur à celui que cette infraction menace ;
âą la lĂ©gitime dĂ©fense : une forme dâĂ©tat de nĂ©cessitĂ© oĂč le sujet, victime ou tĂ©moin dâune
agression actuelle ou imminente, grave et injustifiĂ©e, se trouve dans lâalternative de subir
(ou laisser subir) cette agression ou dâinfliger une lĂ©sion Ă la personne de lâagresseur.
Les causes de non imputabilitĂ© sont des causes laissant subsister lâinfraction mais effaçant
la culpabilitĂ© de lâagent. Les plus frĂ©quentes sont :
âą la minoritĂ© dâĂąge : une cause dâincapacitĂ© fondĂ©e sur la prĂ©somption gĂ©nĂ©rale dâabsence
de discernement du mineur et qui empĂȘche de lui imputer la responsabilitĂ© pĂ©nale de
ses actes. Cette présomption est le plus souvent irréfragable ;
âą la dĂ©mence : une cause due Ă lâaltĂ©ration grave des facultĂ©s mentales de lâagent, excluant
sa responsabilité pénale car affectant sa capacité (conscience et volonté libre) ;
⹠la contrainte irrésistible : une force (facteurs physiques ou moraux) annihilant la volonté
de lâagent et Ă laquelle il ne peut rĂ©sister (elle doit ĂȘtre antĂ©rieure au fait reprochĂ©) ;
âą lâignorance (ou encore erreur invincible, de droit ou de fait) : une absence ou erreur
dâapprĂ©ciation sur une question donnĂ©e que toute personne, normalement prudente et
diligente, placĂ©e dans les mĂȘmes circonstances, aurait Ă©galement commise.
Dâautre part, la plupart des systĂšmes juridiques prĂ©voient Ă©galement des mĂ©canismes
qui ont pour effet dâexclure la poursuite de lâauteur prĂ©sumĂ© dâune infraction donnĂ©e. Un
exemple de tels mĂ©canismes est lâimmunitĂ© attachĂ©e Ă une fonction, telle que lâimmunitĂ©
diplomatique ; lâimmunitĂ© de fonction ne concerne gĂ©nĂ©ralement que les actes commis dans
lâexercice de la fonction et est le plus souvent provisoire. De la mĂȘme maniĂšre, la prescription
et lâamnistie ont pour effet de mettre fin Ă la possibilitĂ© dâengager une action publique : pour
la prescription du fait de lâĂ©coulement dâun dĂ©lai lĂ©gal entre la commission de lâinfraction et
la possibilitĂ© de poursuite pĂ©nale de lâauteur prĂ©sumĂ© de cette infraction , et pour lâamnistie
par un acte du pouvoir lĂ©gislatif qui exclut la possibilitĂ© pour les auteurs dâune infraction
donnĂ©e dâĂȘtre poursuivis en justice.
![Page 88: Etude de jurisprudence - ASF](https://reader036.vdocuments.mx/reader036/viewer/2022062502/62afc4be27bbae64720be3ce/html5/thumbnails/88.jpg)
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
B. Le Statut de Rome
Lâarticle 31.1 du Statut Ă©numĂšre un certain nombre de motifs dâexonĂ©ration de la responsabilitĂ©
pénale :
« Outre les autres motifs dâexonĂ©ration de la responsabilitĂ© pĂ©nale prĂ©vus par le prĂ©sent Statut, une
personne nâest pas responsable pĂ©nalement si, au moment du comportement en cause :
a) Elle souffrait dâune maladie ou dâune dĂ©ficience mentale qui la privait de la facultĂ© de comprendre
le caractÚre délictueux ou la nature de son comportement, ou de maßtriser celui-ci pour le
conformer aux exigences de la loi ;
c) Elle Ă©tait dans un Ă©tat dâintoxication qui la privait de la facultĂ© de comprendre le caractĂšre
délictueux ou la nature de son comportement, ou de maßtriser celui-ci pour le conformer aux
exigences de la loi, Ă moins quâelle ne se soit volontairement intoxiquĂ©e dans des circonstances
telles quâelle savait que, du fait de son intoxication, elle risquait dâadopter un comportement
constituant un crime relevant de la compĂ©tence de la Cour, ou quâelle nâait tenu aucun compte
de ce risque ;
d) Elle a agi raisonnablement pour se défendre, pour défendre autrui ou, dans le cas des crimes
de guerre, pour dĂ©fendre des biens essentiels Ă sa survie ou Ă celle dâautrui ou essentiels Ă
lâaccomplissement dâune mission militaire, contre un recours imminent et illicite Ă la force, dâune
maniĂšre proportionnĂ©e Ă lâampleur du danger quâelle courait ou que couraient lâautre personne
ou les biens protĂ©gĂ©s. Le fait quâune personne ait participĂ© Ă une opĂ©ration dĂ©fensive menĂ©e par
des forces armĂ©es ne constitue pas en soi un motif dâexonĂ©ration de la responsabilitĂ© pĂ©nale au
titre du présent alinéa ;
e) Le comportement dont il est allĂ©guĂ© quâil constitue un crime relevant de la compĂ©tence de la Cour
a Ă©tĂ© adoptĂ© sous la contrainte rĂ©sultant dâune menace de mort imminente ou dâune atteinte
grave, continue ou imminente Ă sa propre intĂ©gritĂ© physique ou Ă celle dâautrui, et si elle a agi
par nĂ©cessitĂ© et de façon raisonnable pour Ă©carter cette menace, Ă condition quâelle nâait pas eu
lâintention de causer un dommage plus grand que celui quâelle cherchait Ă Ă©viter. Cette menace
peut ĂȘtre :
i) Soit exercĂ©e par dâautres personnes ;
ii) Soit constituĂ©e par dâautres circonstances indĂ©pendantes de sa volontĂ©.
Il semble important de souligner que des voix se sont élevées pour dénoncer la reconnaissance
par le Statut de la détresse, et plus encore de la nécessité militaire, comme cause de
justification de crimes de guerre et de crimes contre lâhumanitĂ©336. La gravitĂ© de ces crimes
permet en effet de sâinterroger sur la possibilitĂ© de voir certains dâentre eux justifiĂ©s par la
nĂ©cessitĂ© dâaccomplir une mission militaire, de dĂ©fendre des biens ou mĂȘme de se dĂ©fendre.
336 Voit E. david, Principes de droit des conflits armĂ©s, op.cit, § 4.184c, p. 692 et F. delooz et R. Galand, « Lâarticle 31 du Statut de la Cour PĂ©nale internationale, synthĂšse des dĂ©bats de lâatelier de la commission consultative de droit humanitaire », Revue Internationale de la Croix-Rouge, GenĂšve, n°842, Juin 2001.
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
Lâarticle 32 du Statut prĂ©voit que lâerreur de fait ou de droit peut Ă©galement ĂȘtre un motif
dâexonĂ©ration si elle fait disparaĂźtre lâĂ©lĂ©ment psychologique du crime.
Lâarticle 33 admet que lâordre dâun supĂ©rieur ou de la loi peut exonĂ©rer lâauteur dâun crime
de guerre de sa responsabilité pénale mais à des conditions trÚs strictes et cumulatives : la
personne avait lâobligation lĂ©gale dâobĂ©ir, elle nâa pas su que lâordre Ă©tait illĂ©gal, et lâordre
nâĂ©tait pas manifestement illĂ©gal. Le Statut prĂ©sume que lâordre de commettre un crime
contre lâhumanitĂ© ou un gĂ©nocide est manifestement illĂ©gal et exclut donc la possibilitĂ©
dâinvoquer lâordre supĂ©rieur pour de tels crimes.
Lâarticle 27 Ă©carte spĂ©cifiquement les immunitĂ©s attachĂ©es, tant par le droit interne que
le droit international, Ă la qualitĂ© officielle (chef dâEtat, de gouvernement, membre dâun
gouvernement ou dâun parlement). Le Statut prĂ©cise Ă©galement que ces fonctions ne
constituent pas un motif de réduction des peines.
Enfin, lâarticle 29 Ă©nonce trĂšs clairement que « les crimes de la compĂ©tence de la Cour ne se prescrivent
pas ». Par extension, on peut Ă©galement considĂ©rer quâils ne sont pas amnistiables. En effet,
en droit international, on considĂšre gĂ©nĂ©ralement que lâimprescriptibilitĂ© dâun crime
implique quâil ne peut faire lâobjet dâune amnistie, puisque les consĂ©quences de celle-ci sont
encore plus Ă©tendues que celles de la prescription, qui ne fait pas, contrairement Ă lâamnistie,
disparaĂźtre la possibilitĂ© dâune action en justice contre lâauteur prĂ©sumĂ© de lâinfraction 337.
C. Le Code pénal militaire congolais
En droit pénal congolais, nul article de loi en particulier ne pose spécifiquement les causes
dâexonĂ©ration de la responsabilitĂ© pĂ©nale. Il faut ainsi rapprocher plusieurs instruments
juridiques pour Ă©tablir lesquelles sont reconnues par les lois du pays.
Concernant lâordre dâun supĂ©rieur hiĂ©rarchique, lâarticle 28 de la Constitution de la RDC est
sans ambiguïté :
« Nul nâest tenu dâexĂ©cuter un ordre manifestement illĂ©gal. Tout individu, tout agent de lâEtat est
dĂ©liĂ© du devoir dâobĂ©issance, lorsque lâordre reçu constitue une atteinte manifeste au respect des droits
de lâhomme et des libertĂ©s publiques et des bonnes mĆurs. La preuve de lâillĂ©galitĂ© manifeste de lâordre
incombe Ă la personne qui refuse de lâexĂ©cuter ».
Quant aux immunitĂ©s de fonction, lâarticle 163 du Code pĂ©nal militaire prĂ©voit que
« lâimmunitĂ© attachĂ©e Ă la qualitĂ© officielle dâune personne ne lâexonĂšre pas des poursuites pour crimes de
guerre ou crimes contre lâhumanitĂ© ». Lâon notera que cette absence dâimmunitĂ© de fonction nâest
pas formellement énoncée pour le crime de génocide. De nombreux auteurs en la matiÚre
considĂšrent toutefois que le gĂ©nocide est la forme la plus grave de crime contre lâhumanitĂ©.
337 Voir notamment E. david, op. cit., § 4.212, p. 714.
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
En ce qui concerne la prescription, lâarticle 10 du Code pĂ©nal militaire Ă©nonce clairement que
les crimes de gĂ©nocide, crimes contre lâhumanitĂ©, et crimes de guerre sont imprescriptibles.
Lâarticle 11 de ce mĂȘme Code prĂ©voit Ă©galement lâimprescriptibilitĂ© des peines en cas de
condamnation par défaut.
La loi dâamnistie adoptĂ©e le 19 dĂ©cembre 2005, qui abroge le dĂ©cret-loi N° 003/001 du 15
avril 2003, prĂ©voit lâamnistie pour les faits de guerre ainsi que les infractions politiques
et dâopinion commises entre le 20 aoĂ»t 1996 et le 30 juin 2003 (date considĂ©rĂ©e comme
marquant la fin de la transition). Lâarticle 2 de la loi dĂ©finit les trois concepts et lâarticle 3
stipule clairement que « La présente loi ne concerne pas les crimes de guerre, les crimes de génocide, et
les crimes contre lâhumanitĂ© ».
Les mineurs dâĂąge sont cependant prĂ©sumĂ©s non pĂ©nalement responsables ; sont mineurs
en droit congolais les enfants ùgés de moins de 18 ans au moment de la commission de
lâinfraction338.
2.2.2. La jurisprudence militaire congolaise
Le TMG de Mbandaka a procédé à une analyse assez remarquable des faits justificatifs et
des causes de non imputabilitĂ© dans lâaffaire Songo Mboyo339. AprĂšs avoir constatĂ© que tous les
Ă©lĂ©ments du crime contre lâhumanitĂ© sont rĂ©unis dans le chef des prĂ©venus, le jugement
Ă©numĂšre les Ă©lĂ©ments les plus importants, les dĂ©finit briĂšvement, et vĂ©rifie si, en lâespĂšce, les
prĂ©venus peuvent sâen prĂ©valoir.
Parmi les faits justificatifs, le tribunal cite la lĂ©gitime dĂ©fense, lâordre de la loi ou le
commandement de lâautoritĂ© lĂ©gitime, et lâĂ©tat de nĂ©cessitĂ©. En ce qui concerne les causes de
non imputabilitĂ©, le tribunal relĂšve la dĂ©mence, la contrainte, la minoritĂ© dâĂąge, et lâerreur de
droit. Cependant, lâon peut remarquer quâil nâen accorde pratiquement aucune. Voici certains
extraits de la dĂ©cision qui pourraient inspirer dâautres juges :
ïżœ concernant la lĂ©gitime dĂ©fense : « la lĂ©gitime dĂ©fense ne peut ĂȘtre retenue que dans la mesure
oĂč elle est proportionnelle Ă lâattaque dont lâagent a Ă©tĂ© victime. Dans le cas sous examen, les
prévenus ne peuvent justifier leur comportement à défaut pour eux de rapporter la preuve de
lâattaque dont ils ont Ă©tĂ© victimes de la part de la population » ;
ïżœ concernant lâordre de la loi ou dâun supĂ©rieur : « les prĂ©venus ont agi de leur propre
grĂ© sans ordre dâune autoritĂ© quelconque qui, le cas Ă©chĂ©ant, pouvait voir sa responsabilitĂ©
338 Lâarticle 41 de la Constitution de 2006 est en contradiction avec lâarticle 1 du DĂ©cret du 6 dĂ©cembre 1950 surlâenfancedĂ©linquantequifixelamajoritĂ©pĂ©naleĂ 16ans.MaisenvertudelahiĂ©rarchiedesnormes,laConstitution prime sur lâensemble des autres textes juridiques nationaux, y compris les dĂ©crets.339 TMG de Mbandaka, Affaire Songo Mboyo, op.cit.
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
pénale engagée du fait du caractÚre manifestement illégal entaché à pareil ordre » ;
ïżœ concernant lâĂ©tat de nĂ©cessitĂ© : « le retard enregistrĂ© dans la paie de solde, motif de lâinsurrection
des militaires, ne peut constituer une situation de péril éminent pouvant justifier les infractions » ;
ïżœ concernant lâerreur de droit : « dans le cas sous examen, ayant reçue mission de protĂ©ger les
personnes et leurs biens, les prĂ©venus ne peuvent se prĂ©valoir de lâerreur de droit Ă travers les actes
manifestement illĂ©gaux commis par eux Ă Songo Mboyo, qui du reste constituent un revirement Ă
la mission primaire quâils ne peuvent ignorer »340.
Cette derniĂšre considĂ©ration sur lâerreur de droit est particuliĂšrement intĂ©ressante puisque
le tribunal considĂšre que le militaire, par sa fonction mĂȘme, ne peut ignorer sa mission de
protĂ©ger la population. Lâon peut Ă©galement noter quâen ce qui concerne la lĂ©gitime dĂ©fense,
la charge de la preuve repose sur les militaires qui prétendent avoir été attaqués par la
population civile.
Lâarticle 31 du Statut de Rome est souvent invoquĂ© dans plusieurs des affaires Ă©tudiĂ©es,
notamment par la défense des prévenus et ce pour des motifs sans rapport avec la définition
quâil donne des motifs dâexonĂ©ration.
Dans le cas de Bongi, la dĂ©fense a invoquĂ© lâexonĂ©ration de responsabilitĂ© pĂ©nale sur base de
lâĂ©tat dâivresse dans lequel se trouvait le principal prĂ©venu au moment des faits. AprĂšs avoir
relevĂ© « que le prĂ©venu avait bu et avait enivrĂ© les militaires chargĂ©s par lui de lâexĂ©cution des Ă©lĂšves »,
la Cour a judicieusement conclu « quâil sâagit de lâivresse volontaire qui ne peut ĂȘtre invoquĂ©e comme
cause de non imputabilitĂ© ; Que dĂšs lors ce moyen est inopĂ©rant , dans la mesure oĂč le prĂ©venu BBM sâĂ©tait
enivrĂ© volontairement et avait enivrĂ© ses militaires pour avoir le courage dâexĂ©cuter la sale besogne »341.
Toujours dans le cadre de la mĂȘme affaire, le TMG de lâIturi a eu Ă se prononcer sur un cas oĂč
le prĂ©venu a invoquĂ© lâordre dâun supĂ©rieur hiĂ©rarchique pour tenter de justifier le meurtre de
cinq victimes civiles. Ă juste titre, le tribunal a rejetĂ© cet argument sur la base de lâarticle 28
de la Constitution et en se rĂ©fĂ©rant Ă la jurisprudence militaire belge : « attendu que lâillĂ©galitĂ©
de lâordre quâaurait donnĂ© le Major Faustin KAKULE nâaurait pu ĂȘtre douteuse et le prĂ©venu [âŠ] aurait dĂ»
refuser de lâexĂ©cuter si rĂ©ellement un tel ordre avait Ă©tĂ© donnĂ© »342.
La dĂ©fense dâun des principaux prĂ©venus poursuivis dans lâaffaire des Mutins de Mbandaka
a tentĂ© dâĂ©tablir lâincapacitĂ© de son client Ă commettre un acte de viol en raison de son
impuissance. A ce sujet, le tribunal a relevĂ© « que sâagissant de lâimpuissance temporaire, le statut
de Rome de la Cour PĂ©nale Internationale Ă son article 31 retient la maladie comme un des motifs
dâexonĂ©ration de la responsabilitĂ© pĂ©nale »343. Il semblerait que le tribunal sâest engagĂ© sur une
340 Ibid., p. 36.341 CM Province Orientale, Affaire Bongi, op.cit, p. 24-25.342 TMG de lâIturi, Affaire Bongi, op.cit., p. 22.343 TMG de Mbandaka, Affaire Mutins de Mbandaka, op.cit., p. 31.
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
interprĂ©tation erronĂ©e de lâarticle 31, qui exonĂšre une personne de sa responsabilitĂ© pĂ©nale si
elle souffrait « dâune maladie (âŠ) qui la privait de la facultĂ© de comprendre le caractĂšre dĂ©lictueux ou la
nature de son comportement »344. Lâimpuissance sexuelle ne correspond pas le moins du monde Ă
cette dĂ©finition et fort heureusement, cet argument de la dĂ©fense nâa finalement pas Ă©tĂ© pris
en compte par les juges.
En ce qui concerne lâamnistie, la Cour Militaire de la Province Orientale dans lâaffaire Kahwa
a invoquĂ© la loi dâamnistie du 19 dĂ©cembre 2005 et le dĂ©cret-loi N° 003/001 du 15 avril 2003,
considĂ©rant que le juge de premiĂšre instance aurait dĂ» soulever dâoffice cette exception. Dans
cette dĂ©cision et sur fondement de la loi dâamnistie, la CM annule donc la dĂ©cision du TMG
de lâIturi condamnant en premiĂšre instance le chef de milice Kahwa pour lâinfraction de
mouvement insurrectionnel et celle de dĂ©tention dâarmes de guerre. Cependant, la CM nâa fort
heureusement pas retenu lâamnistie pour les crimes contre lâhumanitĂ© et les crimes de guerre.
De surcroßt, la CM a jugé que la saisine du premier juge par le MinistÚre public sur chefs de
crimes de guerre et crimes contre lâhumanitĂ© Ă©tait irrĂ©guliĂšre pour questions de procĂ©dure345
tout en soulignant Ă lâintention de lâAuditorat « que les crimes de guerre et les crimes contre lâhumanitĂ©
sont imprescriptibles et peuvent Ă tout moment ĂȘtre poursuivis par le ministĂšre public »346 .
Un mandat dâarrĂȘt a Ă©tĂ© Ă©mis le 1er mars 2008 contre Kahwa par lâAuditeur GĂ©nĂ©ral et
lâAuditeur militaire de Bunia pour crimes contre lâhumanitĂ©, crimes de guerre, meurtre,
attaques, et coups et blessures aggravĂ©s pour dâautres faits mis Ă sa charge. Par ailleurs, un
recours en annulation devant la Haute Cour Militaire a Ă©tĂ© initiĂ© par lâAuditeur supĂ©rieur de
Kisangani, au motif que la loi dâamnistie ne peut sâappliquer aux infractions de mouvement
insurrectionnel et Ă lâinfraction de dĂ©tention illĂ©gale dâarmes de guerre, puisque les faits
auraient été commis postérieurement à la période couverte par ladite loi (20 août 1996- 30
juin 2003). La Haute Cour Militaire a fait droit Ă la requĂȘte de lâAuditeur supĂ©rieur dans
un arrĂȘt du 9 septembre 2008, qui annule la dĂ©cision de la Cour Militaire de Kisangani et
renvoie lâaffaire devant la mĂȘme juridiction autrement composĂ©e.
En conclusion, en matiĂšre de motifs dâexonĂ©ration de la responsabilitĂ© pĂ©nale, il serait
opportun que les juges se réfÚrent au Statut de Rome, plus complet que le droit congolais.
Vérifier que les conditions pour établir une exonération de responsabilité sont réunies et
vĂ©rifier si en lâespĂšce le prĂ©venu peut sâen prĂ©valoir, constituent les Ă©tapes qui ne peuvent
ĂȘtre occultĂ©es par les juges. De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, il ne doit jamais ĂȘtre perdu de vue que les
crimes de guerre et les crimes contre lâhumanitĂ© sont imprescriptibles et non amnistiables.
344 345 DâaprĂšs la CM, « Le ministĂšre public nâa jamais portĂ© Ă la connaissance du prĂ©venu (âŠ) le mandat dâarrĂȘt » et « le prĂ©venu Kahwa nâa jamais Ă©tĂ© entendu par le ministĂšre public sur les prĂ©ventions de crime de guerre, crimes contre lâhumanitĂ©, assassinat et coups et blessures aggravĂ©s mis Ă sa charge » ; CM Province Orientale, Affaire Kahwa, op.cit, p. 10 et pg.15.346 Ibid., p. 11.
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
2.3. Les circonstances attĂ©nuantes (causes dâexcuse) ou aggravantes
Pour rappel, les circonstances dans le cadre desquelles une infraction à la loi pénale a été
commise, sont de nature Ă influer tant sur la gravitĂ© de lâinfraction que sur la culpabilitĂ©
morale de son auteur. Ces circonstances peuvent donc avoir pour consĂ©quence dâaggraver ou
dâattĂ©nuer la gravitĂ© de lâinfraction.
Les circonstances atténuantes sont des conditions ou des éléments de fait qui ne peuvent
pas servir dâexcuse ou de justification dâun comportement criminel, mais qui permettent
au juge dâabaisser le taux de la peine lĂ©galement encourue par le dĂ©linquant sur fondement
de lâĂ©quitĂ© ou de lâindulgence. A lâinverse, les circonstances aggravantes sont des Ă©lĂ©ments
de fait divers liés aux conditions dans lesquelles une infraction a été commise, ou aux
particularitĂ©s concernant lâauteur ou la victime dâune conduite dĂ©lictueuse, et qui ont pour
effet dâalourdir la peine prĂ©vue par la loi. En pratique, les circonstances attĂ©nuantes ou
aggravantes sont prises en compte au moment de la fixation de la peine et le juge doit les
prĂ©ciser sâil dĂ©cide de retenir telles circonstances.
2.3.1. Le Statut de Rome et la jurisprudence des TPI
Selon lâarticle 78.1 du Statut de Rome, « Lorsquâelle fixe la peine, la Cour tient compte, conformĂ©ment
au rÚglement de procédure et de preuve, de considérations telles que la gravité du crime et la situation
personnelle du condamné ».
Au regard de la jurisprudence du TPIR, le motif le plus fréquemment invoqué pour accorder le
bĂ©nĂ©fice de circonstances attĂ©nuantes reste la collaboration avec la justice (sous forme dâaveux
et de tĂ©moignages) en ayant aidĂ© la justice, facilitĂ© les enquĂȘtes et accĂ©lĂ©rĂ© les procĂ©dures347. Le
fait dâavoir sauvĂ© certaines victimes dâautres crimes348, le repentir (ou les remords exprimĂ©s)
envers les victimes349, lâĂ©tat de santĂ© dĂ©faillant350 et lâabsence dâantĂ©cĂ©dents351 ont Ă©tĂ© reconnus
comme autant de circonstances atténuantes par le TPIR. Il est important de souligner que
les chambres du tribunal ont souvent considéré que des circonstances aggravantes (telles
que lâampleur du crime) annihilaient le bĂ©nĂ©fice des circonstances attĂ©nuantes352. Lâon peut
Ă©galement noter que lâarticle 6.4 du Statut du TPIR prĂ©voit que le fait pour un accusĂ© dâavoir
agi sur ordre dâun supĂ©rieur hiĂ©rarchique ou dâun gouvernement ne lâexonĂšre pas de sa
responsabilitĂ© pĂ©nale mais peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme un motif de diminution de la peine.
347 Voir notamment TPIR, Procureur c/ Kambanda, Ch. 1ére inst, 4 septembre 1998, (ICTR-97-23), §§ 36-37, 56-58, 61-62 ; Procureur c/ Kayishema et Ruzindana, op.cit, §§ 19-23 ; Procureur c/ Ruggiu, Ch. 1ére inst, 1er juin 2000, (ICTR-97-32), §§ 53-80.348 TPIR, Procureur c/ Niyitegeka, Ch. 1ére inst, 16 mai 2003, (ICTR-96-14), §§ 495-498.349 TPIR, Procureur c/ Kayishema et Ruzindana, op. cit. ; Procureur c/ Musema, op.cit, §§ 1005-1008.350 TPIR, Procureur c/ Ntakirutimana et Ntakirutimana, Ch.1ére inst, 21 février 2003, (ICTR 96-10 ; ICTR 96-17), §§ 908-909.351 TPIR, Procureur c/ Ruggiu, Ch. 1ére inst, 1er juin 2000, op. cit.352 Voir notamment TPIR, Procureur c/ Kambanda, op. cit et Procureur c/ Musema, op. cit.
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
Le TPIY distingue deux catĂ©gories de circonstances attĂ©nuantes dans lâaffaire Erdemovic :
celles qui sont « contemporaines Ă lâaccomplissement du fait criminel » (lâĂ©tat dâincapacitĂ© mentale,
la nécessité dans laquelle se serait trouvé Drazen Erdemovic, la contrainte, son niveau dans
la hiérarchie militaire), et celles qui sont « postérieures à la commission des faits » (les remords,
la coopération avec le Bureau du Procureur)353.
2.3.2. Le droit pénal militaire
Lâarticle 255 du Code judiciaire militaire congolais prĂ©voit que « chaque circonstance aggravante ;
chaque cause dâexcuse invoquĂ©e fait lâobjet dâune question distincte » Ă ĂȘtre abordĂ©e par les juges. De
plus, lâarticle 261 §1 du mĂȘme Code confirme que « si le prĂ©venu est dĂ©clarĂ© coupable, le prĂ©sident
[du tribunal] doit poser la question de savoir sâil existe des circonstances attĂ©nuantes ». En rĂ©alitĂ©, tant le
Code judiciaire militaire que le Code pĂ©nal militaire354 ne dĂ©crit, ni ne fournit, dâexemples ou
dâinformations complĂ©mentaires sur la nature des circonstances qui peuvent ĂȘtre dĂ©clarĂ©es
atténuantes. Le tribunal est seul maßtre en la matiÚre.
2.3.3. La jurisprudence militaire congolaise
Dans lâaffaire dâAnkoro, « le procureur militaire avait demandĂ© Ă la Cour de tenir compte des larges
circonstances attĂ©nuantes Ă lâĂ©gard de ceux qui seraient reconnus coupables dans tous les cas »355.
Lâauditeur recherchait donc la collaboration avec la justice dans le cas dâespĂšce. La Cour
sâest quant Ă elle montrĂ©e trĂšs clĂ©mente envers les condamnĂ©s. Pour lâun dâentre eux, alors
que lâinfraction de meurtre Ă©tait Ă©tablie, et que celles de crime de guerre et de crime contre
lâhumanitĂ© avaient Ă©tĂ© Ă©cartĂ©es de maniĂšre douteuse, elle a considĂ©rĂ© quâ« il peut bĂ©nĂ©ficier
de circonstances atténuantes à raison de sa qualité de délinquant primaire, de son jeune ùge, de son
inexpĂ©rience professionnelle et de bons services quâil pourra rendre Ă lâarmĂ©e »356. La Cour a donc pris
en considération un événement futur, autre que la réinsertion du condamné, pour diminuer
la peine. Pour un autre condamnĂ©, elle a relevĂ© les mĂȘmes circonstances ainsi que la
« récupération de tous ces biens » par les victimes des pillages.
Pour deux des prévenus auxquels il reconnaßt le bénéfice des circonstances atténuantes en
raison de leur jeune Ăąge dans lâaffaire de Songo Mboyo, le tribunal dĂ©cide que les « circonstances
aggravantes qui entourent la commission des crimes par les deux prĂ©venus [âŠ] lâemportent largement
sur les circonstances atténuantes qui plaident en leur faveur »357. Cependant, le jugement ne donne
353 TPIY, Procureur c/Erdemovic, Ch. 1Úre inst, 29 novembre 1996 (IT-96-22), §354 Les articles 35 et 38 du Code pénal militaire invoquent au titre de la décision sur la peine, la possibilité de prendre en compte des circonstances atténuantes et de réduire, si elles sont admises, la peine infligée. 355 ACIDH, « ProcÚs de la Cour militaire du Katanga sur les crimes commis à Ankoro », op.cit., p. 20.356 Ibid., p. 59.357 TMG de Mbandaka, Affaire Mutins de Mbandaka, op.cit, p. 37.
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
aucune indication permettant de déterminer quelles circonstances le tribunal a considéré
comme aggravantes.
Dans lâaffaire Bongi, alors que le principal prĂ©venu a Ă©tĂ© condamnĂ© pour crimes de guerre
pour atteinte Ă la vie et Ă lâintĂ©gritĂ© corporelle, la Cour militaire a accordĂ© Ă ce prĂ©venu le
bĂ©nĂ©fice de circonstances attĂ©nuantes « -du fait quâil est dĂ©linquant primaire ; -du fait quâil est pĂšre
de famille nombreuse ; - du fait de son inexpérience dans le commandement »358.
Dans lâaffaire Bavi, les juges ont reconnu lâexistence de circonstances attĂ©nuantes Ă un
capitaine poursuivi pour sâĂȘtre abstenu volontairement de dĂ©noncer lâordre reçu de son
commandant de déterrer et de dissimuler les corps des victimes des crimes (faits punis par
lâart. 189 du CPM). Les motifs retenus par le tribunal sont « la dĂ©linquance primaire et lâaveu
actif », alors mĂȘme que les aveux Ă©taient partiels puisque intervenus au cours de lâinstruction
de lâaffaire359.
En appel, la Cour reconnaĂźt Ă la quasi totalitĂ© des co-prĂ©venus (Ă lâexception de leur
commandant) le bénéfice de circonstances atténuantes. Le motif principal de cette
« clémence » est la reconnaissance des faits par les co-prévenus, une forme de « repentir
actif bien que tardif » mais néanmoins considéré comme une « collaboration avec la justice »360.
Dans le dispositif du jugement, la « pression psychologique » est également invoquée comme
circonstance atténuante pour chacun des co-prévenus361. Ce dernier argument aurait plutÎt
dĂ» ĂȘtre invoquĂ© comme une cause de justification, sâil rĂ©pondait aux critĂšres dâune telle
cause.
Par consĂ©quent, lâon constate au vu des dĂ©cisions analysĂ©es que les circonstances
aggravantes ne sont jamais mentionnées par les juges, alors que les circonstances
atténuantes sont retenues de maniÚre parfois « légÚre » pour des crimes aussi graves que
des crimes internationaux. En effet, si lâon peut admettre lâaccord par les juges du bĂ©nĂ©fice
de circonstances atténuantes aux prévenus en raison de leur collaboration avec la justice
(en vue de faire avancer des enquĂȘtes souvent difficiles) ou Ă la rĂ©paration des dommages
causĂ©s aux victimes, lâon sâĂ©tonnera de voir admise la situation familiale du condamnĂ© ou
son inexpérience du commandement comme circonstance atténuante suite à de tels crimes.
Quoi quâil en soit, il est important que les juges veillent Ă toujours mettre en balance les
circonstances attĂ©nuantes quâils envisagent de reconnaĂźtre avec la gravitĂ© des crimes, et,
dans les cas des crimes contre lâhumanitĂ© ou des crimes de guerre, Ă ĂȘtre attentifs Ă ne pas
transformer cet outil pĂ©nal en mĂ©canisme permettant une certaine forme dâimpunitĂ©.
358 CM Province Orientale, Affaire Bongi, op.cit, p. 24 et 30.359 TMG de lâIturi, Affaire Bavi, op.cit, p. 43 et 52-53.360 CM de la Province Orientale, Affaire Bavi, op.cit, p. 29 361 Ibid., p. 36-38.
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
CHAPITRE 3 LA RESPONSABILITĂ CIVILE DE LâETAT
De par la nature massive des crimes internationaux, lâEtat joue souvent un rĂŽle important
dans la commission des crimes contre lâhumanitĂ© et des crimes de guerre.
Lâapplication de la politique dâun Etat (ou dâune organisation) est dâailleurs un des Ă©lĂ©ments
requis par le Statut de Rome pour considĂ©rer quâil y a bien eu planification dâune attaque
systĂ©matique en matiĂšre de crime contre lâhumanitĂ©. En outre, des individus poursuivis
pour crimes contre lâhumanitĂ© ou crimes de guerre sont frĂ©quemment des agents ou des
reprĂ©sentants de lâEtat ou des personnes ayant agi en son nom.
3.1. Selon le Statut de Rome, les normes internationales, et le droit congolais
3.1.1. Le Statut de Rome et les normes internationales
Lâarticle 25 du Statut de Rome Ă©nonce clairement que la Cour est compĂ©tente Ă lâĂ©gard des
personnes physiques. Le Statut rejette ainsi implicitement la responsabilité des personnes
morales, y compris les Etats362.
Lâarticle 25 alinĂ©a 4 du Statut Ă©nonce Ă©galement quâ« aucune disposition du prĂ©sent Statut relative
Ă la responsabilitĂ© pĂ©nale des individus nâaffecte la responsabilitĂ© des Etats en droit international ». Il est
toutefois important de souligner que les incriminations relatives aux personnes physiques
se différencient radicalement des comportements qui peuvent engager la responsabilité
internationale dâun Etat ; il en est de mĂȘme si lâindividu agit en tant quâagent de lâEtat.
« Lâaspect pĂ©nal nâexiste pas dans la mise en Ćuvre de la responsabilitĂ© de lâEtat »363. Par ailleurs, lâEtat
ne pourra pas contester sa responsabilité internationale en invoquant les poursuites ou les
condamnations contre les auteurs dâun crime.
Ă la lecture de certaines dĂ©cisions, il semble Ă©galement important dâinsister sur le fait
que le Statut ne conditionne en aucun cas la responsabilitĂ© de lâEtat (civile en lâespĂšce) Ă
lâĂ©tablissement de la responsabilitĂ© pĂ©nale du chef hiĂ©rarchique des auteurs des crimes.
Lâarticle 75 du Statut traite de la rĂ©paration en faveur des victimes. Il ne dit pas quâun Etat
362 P. currat, Les crimes contre lâhumanitĂ© dans le Statut de la Cour PĂ©nale Internationale, op.cit, p. 589.363 Ibid., p. 599.
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peut ĂȘtre condamnĂ© Ă rĂ©parer les dommages causĂ©s par ses agents mais il prĂ©cise que
« les dispositions du prĂ©sent article sâentendent sans prĂ©judice des droits que le droit interne ou le droit
international reconnaissent aux victimes364 ». Cette disposition permet de dĂ©duire quâune victime
de violation du droit international humanitaire pourrait demander réparation à un Etat365.
La Cour europĂ©enne des droits de lâhomme sâest prononcĂ©e Ă ce sujet dans lâaffaire Akdivar
et consorts c. Turquie, en Ă©nonçant quâil existe une obligation lĂ©gale pour un Etat qui viole la
Convention europĂ©enne des droits de lâhomme de mettre fin Ă cette violation et de rĂ©parer
les conséquences de celle-ci366.
Comme lâa soulignĂ© le professeur Eric David, « Les victimes de violations du droit des conflits
armĂ©s pourraient parfaitement en demander directement rĂ©paration Ă lâEtat responsable, Ă condition,
bien entendu quâil existe des recours internes efficaces qui leur soient ouverts »367.
3.1.2. La législation congolaise : le Code civil
Lâarticle 258 livre III du Code civil congolais, pierre angulaire du principe de la responsabilitĂ©
civile, dispose que « tout fait quelconque qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute
duquel il est arrivé à le réparer »
ParallĂšlement, lâarticle 260 du mĂȘme Code Ă©tablit le principe de la responsabilitĂ© des maĂźtres
et commettants sur les actes de leurs préposés : « On est responsable non seulement du dommage
que lâon cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causĂ© par le fait des personnes dont on doit
rĂ©pondre, ou des choses que lâon a sous sa garde. »
Quatre conditions sont exigĂ©es pour lâapplication de cet article Ă un cas dâespĂšce:
1. lâexistence dâun lien de commettant Ă prĂ©posĂ© (il y a lien de commettant Ă prĂ©posĂ©
lorsquâune personne a autoritĂ© sur une autre, et que cette derniĂšre est le subordonnĂ© et
agit selon les ordres ou instructions de la premiĂšre);
2. le dommage doit avoir été causé par la faute du préposé ;
3. le dommage doit ĂȘtre survenu dans lâexercice des fonctions auxquelles le prĂ©posĂ© Ă©tait
employé au moment des faits ;
4. le dommage doit ĂȘtre causĂ© Ă un tiers.
Câest en Ă©tablissant dâabord la responsabilitĂ© civile des auteurs directs des infractions que
les juridictions pĂ©nales sont en mesure dâĂ©tablir celle de lâEtat et, le cas Ă©chĂ©ant, condamner
les auteurs directs ainsi que lâEtat solidairement Ă rĂ©paration. Le plus souvent elle se fait
par paiement de dommages et intĂ©rĂȘts aux victimes. Une condamnation est prononcĂ©e
364 Article 75.6 du Statut de Rome.365 J.M. henckaerts et L. dosWald-beck, Customary International Humanitarian Law, Volume I: Rules, op. cit., p. 546.366 CEDH, Akdivar et consorts c. Turquie.367 E. david, op. cit., § 4.28, p. 571.
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in solidum, lorsque chacune des Parties peut se voir réclamer une fraction ou la totalité du
montant de la rĂ©paration. Ce type de condamnation est Ă©videmment recommandĂ© lorsquâun
agent ou un prĂ©posĂ© dâun Etat ou dâune organisation qui a Ă©tĂ© condamnĂ© Ă rĂ©parer ne pourra
supporter cette charge, contrairement Ă son commettant (lâEtat ou lâorganisation) qui lui a
les moyens dâassumer368.
3.2. La jurisprudence des Cours et tribunaux militaires
Le plus souvent, la responsabilitĂ© de lâEtat congolais est invoquĂ©e en vue de le voir
condamner au paiement de dommages et intĂ©rĂȘts dus aux victimes ou Ă leurs ayant
droits. Les juges invoquent dans la grande majoritĂ© des cas lâarticle 260, alinĂ©a 3, du
Code civil pour motiver leur décision. Ce raisonnement, selon la doctrine congolaise et
la jurisprudence rendue en matiĂšre civile, se fonde sur le fait que lâEtat congolais est le
commettant puisquâemployeur des personnes condamnĂ©es Ă travers son administration
et ses institutions publiques (lâarmĂ©e ou la Police Nationale) et lorsque le service public
quâil est censĂ© dĂ©livrer nâa pas, ou mal, ou tardivement, fonctionnĂ©369.
La responsabilitĂ© de lâEtat congolais a Ă©tĂ© reconnue par la Cour militaire du Katanga dans
lâaffaire dâAnkoro, sur base des articles 258 et 260 du Code civil :
« Certains militaires de la 95Ăšme Brigade dans lâaccomplissement de leur mission traditionnelle
dâassurer la sĂ©curitĂ© des personnes et de leurs biens, incendiĂšrent des maisons dâhabitation et de
priĂšre ; tuĂšrent des personnes non engagĂ©es dans les hostilitĂ©s et en blessĂšrent dâautres ; Que ces
militaires sont des prĂ©posĂ©s de lâEtat congolais, travaillant Ă temps plein Ă son nom et pour son
compte »370.
La Cour rappelle à juste titre la mission de protection que doivent assumer les forces armées
Ă lâĂ©gard de la population. Plus intĂ©ressant encore, la Cour considĂšre que les milices qui
ont combattu au cĂŽtĂ© des forces rĂ©guliĂšres doivent Ă©galement ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme
« prĂ©posĂ©s » de lâEtat congolais, engageant aussi sa responsabilitĂ© :
« Attendu que les combattants Maï-Maï qui se trouvaient à Ankoro au moment des faits, constituent
une entitĂ© formĂ©e par lâEtat congolais qui les avait dotĂ©s en armes et munitions de guerre et qui les
utilisaient ; QuâĂ ce titre, ils doivent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme Ă©tant des prĂ©posĂ©s de lâEtat congolais
qui bénéficiait de leurs services ; Attendu que les réfugiés rwandais Hutu, comme les combattants
Maï-Maï, formaient aussi une entité armée appuyant les FAC dans leurs actions contre les forces
368 Une obligation est dite solidaire, lorsquâil existe un lien entre tous les dĂ©biteurs ou tous les crĂ©anciers ; lien en vertu duquel les actes accomplis par lâun au sein du rapport dâobligation sont opposables aux autres.369 K. mbikayi, ResponsablitĂ© civile et socialisation des risques en droit zaĂŻrois, PUZ, Kinshasa, 1974, p.152. Se rĂ©fĂ©rer Ă©galement Ă lâarrĂȘt de la Cour SuprĂȘme de justice, RPP 137, 11 octobre 2002 in B.A. CSJ Kin 2004, p.200. 370 CM du Katanga, Affaire Ankoro, op.cit. et ACIDH, « ProcĂšs de la Cour militaire du Katanga sur les crimes commis Ă Ankoro », op.cit., p. 63.
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rebelles du RCD et par consĂ©quent sont considĂ©rĂ©s Ă©galement comme Ă©tant des prĂ©posĂ©s de lâEtat
congolais »371.
La dotation en armes et munitions, tout comme lâappui aux miliciens, est donc perçu comme
autant dâĂ©lĂ©ments de preuve attestant du contrĂŽle que lâEtat congolais aurait dĂ» exercer sur
les milices. En lâespĂšce, la Cour condamne lâEtat seul au paiement dâune indemnisation aux
Parties civiles.
Dans lâaffaire Kalonga, le TMG de Kindu, aprĂšs Ă©numĂ©ration des conditions exigĂ©es par
lâarticle 260 du Code civil, conclu « que la responsabilitĂ© de lâEtat congolais fut totalement engagĂ©e
en tant que commettant et lâunitĂ© propriĂ©taire des armes pour faire terreur Ă la population civile »372. Le
tribunal ne motive en droit et en fait que sommairement la condamnation in solidum de lâEtat
et des auteurs. On remarque toutefois que lâEtat est tenu responsable de crimes commis
par des miliciens (MaĂŻ-MaĂŻ), sans quâaucun lien entre eux et leur « commettant » ne soit
formellement Ă©tabli.
Egalement de maniĂšre laconique, le TMG de Mbandaka a conclu dans lâaffaire des Mutins
de Mbandaka « que la responsabilitĂ© de lâEtat congolais fondĂ©e sur les articles 258 et 260 CCL III
demeure engagée au motif que les prévenus étant tous militaires, sont ses préposés. En effet, les militaires
travaillant Ă temps plein Ă son nom et pour son compte »373. Le tribunal condamne lâEtat, en qualitĂ©
de commettant, Ă payer des dommages et intĂ©rĂȘts Ă chaque Partie civile. En revanche, il ne
condamne pas les prévenus à un quelconque dédommagement374. En appel, la Cour militaire
corrige le jugement de premiÚre instance en prononçant une condamnation à réparation in
solidum375.
Comme il a déjà été mentionné, dans le jugement de Songo Mboyo, la RDC soutenait que sa
responsabilité civile était subordonnée « à celle du Capitaine R considéré comme chef hiérarchique
et ce en vertu de lâarticle 28 du Statut de Rome de la Cour PĂ©nale Internationale qui dispose que le Chef
militaire [âŠ] est pĂ©nalement responsable des crimes commis par des forces placĂ©es sous son commandement
et son contrĂŽle effectif »376. Le tribunal a rejetĂ© cette position en rappelant que « lâarticle 28 du
Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale, faisant allusion à la responsabilité pénale du supérieur
hiérarchique ne dispose pas que les poursuites engagées contre les éléments sous contrÎle sont subordonnées
Ă celles de lâautoritĂ© hiĂ©rarchique »377. Statuant sur les rĂ©parations civiles, le tribunal condamne
lâEtat congolais en sa qualitĂ© de commettant Ă payer des dommages et intĂ©rĂȘts Ă chaque
Partie civile (câest-Ă -dire aux victimes de viol, Ă un ayant-droit dâune victime dĂ©cĂ©dĂ©e et aux
victimes de pillage). Les juges considĂšrent donc que lâEtat est responsable en sa qualitĂ© de
commettant des militaires qui ont commis les crimes. Et lĂ encore, il ne condamne pas les
371 Ibid., p. 63.372 TMG de Kindu, Affaire Kalonga, 26 octobre 2005, RP 011/05, p. 7.373 TMG de Mbandaka, Affaire Mutins de Mbandaka, p. 41.374 Ibid., p. 44.375 CM de lâEquateur, Affaire Mutins de Mbandaka, op.cit., p. 21.376 TMG de Mbandaka, Affaire Songo Mboyo, op.cit, p. 5.377 Ibid., p. 6.
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
auteurs au paiement des dommages et intĂ©rĂȘts378.
En appel, les conseils des Parties civiles demandent que les prévenus soient condamnés in
solidum avec la RDC au paiement des dommages et intĂ©rĂȘts ;379 la RDC demande lâannulation
du jugement dans ses dispositions relatives aux dommages et intĂ©rĂȘts « en ce quâil condamne
la République Démocratique du Congo seule au paiement de ceux-ci », et requiert également une
condamnation des prévenus au paiement in solidum avec leur civilement responsable380.
Le raisonnement développé par la Cour militaire pour justifier de la responsabilité de la RDC
mĂ©rite que lâon sây attarde :
« Lâaction civile rĂ©sultant dâune infraction peut Ă©galement ĂȘtre dirigĂ©e contre les personnes
responsables en vertu de lâarticle 260 du Code Civil Congolais livre III aux termes duquel âon est
responsable non seulement du dommage que lâon cause par son propre fait, mais encore de celui qui
est causĂ© par le fait des personnes dont on doit rĂ©pondre ou des choses que lâon a sous sa garde »381.
La Cour cite alors lâintĂ©ressante jurisprudence militaire et la doctrine congolaise qui fondent
son raisonnement.
Elle relĂšve tout dâabord que la mauvaise tenue des services publics suffit Ă engager la
responsabilitĂ© de lâEtat sans que la faute des agents soit requise, et mĂȘme quâil existe une
présomption de faute dans le choix et la surveillance des agents en cas de défaillance :
« Cette responsabilitĂ© dĂ©coule de la prĂ©somption de faute que commet lâadministration ou lâEtat
dans le choix et la surveillance de ses agents. Pour que cette faute se forme, il nâest pas nĂ©cessaire
que les agents soient en faute, il suffit de relever une mauvaise tenue générale du service public dans
son ensemble, dâĂ©tablir sa mauvaise organisation ou son fonctionnement dĂ©fectueux ; ces derniĂšres
notions Ă©tant elles-mĂȘmes apprĂ©ciĂ©es objectivement par rĂ©fĂ©rence Ă ce que lâon doit attendre dâun
service public moderne, de son fonctionnement normal (Haute Cour militaire, 5 octobre 2004). »382
Elle souligne la responsabilitĂ© de lâEtat pour les actes de ses agents :
« BĂ©nĂ©ficiaire de lâactivitĂ© accomplie pour son compte par ses agents, il nâest que logique et de principe
dâĂ©quitĂ© Ă©lĂ©mentaire que lâadministration publique soit appelĂ©e Ă rĂ©parer le mal rĂ©sultant de service
dont elle tire profit en tant que maĂźtre (KABANGE NTABALA, âResponsabilitĂ© de lâAdministration
Publique des services publics dĂ©centralisĂ©s du fait des actes de leurs prĂ©posĂ©s ou organesâ in RJZ, Jan-
AoĂ»t 1976, N° 142, p. 16) [âŠ] La Cour note Ă©galement que conformĂ©ment Ă la thĂ©orie de lâorgane et
de prĂ©posĂ©, lorsquâun organe de lâEtat agit, câest lâEtat lui-mĂȘme qui agit et par consĂ©quent lorsquâun
agent commet une faute dans lâexercice de ses fonctions, cette faute engage tout lâEtat (KALONGO
378 Ibid., p. 38.379 CM de lâEquateur, Affaire Songo Mboyo, op.cit, p. 13.380 Ibid, pp. 13-14.381 Ibid., p. 42.382 Ibid., p. 43.
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MBIKAYI, Responsabilité civile et socialisation des risques en Droit Zaïrois, P.U.Z. Kin 1974, p.
158) »383.
La Cour rappelle Ă©galement les responsabilitĂ©s quâa lâEtat dâassurer la sĂ©curitĂ© de ses citoyens
et le rĂŽle particulier des militaires:
« la Cour note que la sĂ©curitĂ© de la population et de leur bien rentre dans les prĂ©rogatives de lâEtat
en tant que puissance publique et celui-ci doit y veiller constamment [âŠ] La Cour note enfin que les
militaires dans lâexercice de leurs fonctions doivent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme un organe de lâEtat (1Ăšre
Inst LâShi 15 juin 1966, RJC, 1966, N° 8, p. 259) dont la mission primordiale est dâassurer la sĂ©curitĂ©
des personnes et de leurs biens [âŠ] Il a Ă©tĂ© jugĂ© que la responsabilitĂ© de lâEtat est engagĂ©e dans le
cas de lâassassinat dâun concitoyen comme dans tous les autres cas dâagression et dâatteintes aux
personnes et aux biens dans lesquelles non seulement des militaires sont impliquĂ©s mais aussi lâEtat
du fait dâavoir manquĂ© Ă sa mission de sĂ©curisation des particuliers (Haute Cour Militaire, 5 octobre
2004, p. 175) »384.
Elle vĂ©rifie enfin lâapplication de ces principes au fait de la cause et condamne lâEtat et les
auteurs in solidum :
« La Cour constate que les militaires des Forces Armées de la République Démocratique du Congo
basés à Songo Mboyo ont du fait du fonctionnement défectueux du 9Úme Bataillon dont ils relÚvent,
manqué à leur premier devoir de sécuriser la population et leurs biens ; Pour la Cour, la responsabilité
de lâEtat est engagĂ©e et lâaction des parties civiles est, Ă bon droit, dirigĂ©e contre lui ; En consĂ©quence,
la Cour militaire condamne les prĂ©venus [âŠ] in solidum avec la RĂ©publique DĂ©mocratique du Congo,
civilement responsable »385.
Dans lâaffaire Bongi, le TMG de lâIturi Ă©tablit dâabord la responsabilitĂ© individuelle des
prĂ©venus386. AprĂšs un rappel des conditions dâapplication de lâarticle 260 alinĂ©a 3, il prĂ©cise
que mĂȘme si le commettant (en lâoccurrence lâEtat) a donnĂ© une consigne de ne pas commettre
de crimes et que celle-ci nâest pas respectĂ©e, il reste responsable des actes criminels de ses
agents (ici, les militaires) :
« La jurisprudence dĂ©cide quâil suffit que la faute ait Ă©tĂ© commise au cours du service par le prĂ©posĂ©,
mĂȘme si celui-ci a passĂ© outre Ă une dĂ©fense du commettant (Trib. District Haut LOMAMI, 20 mai
1948, RCJB, 1949, p. 67) laquelle dĂ©fense, en lâespĂšce, est la consigne gĂ©nĂ©rale connue de tous les
militaires des FARDC que les personnes qui ne participent pas directement aux hostilités (civils,
prisonniers de guerre, etc.) ne doivent pas ĂȘtre tuĂ©es »387.
AprĂšs avoir dĂ©clarĂ© que les quatre conditions de lâarticle 260 du Code civil sont rĂ©unies (mais
383 Ibid., p. 43.384 Ibid.,p. 43-44.385 Ibid., pp. 43-44.386 TMG de lâIturi, Affaire Bongi, op.cit., p. 16.387 Ibid., p. 17.
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nâen citant en rĂ©alitĂ© que trois), le tribunal conclut que la responsabilitĂ© de la RDC, en sa
qualité de commettant, est « totalement engagée » et la condamne in solidum avec les prévenus
au paiement de dommages et intĂ©rĂȘts. Lâon note toutefois que les Ă©lĂ©ments qui permettent
aux juges de considérer que la responsabilité est établie sont peu détaillés et non pertinents
en ce qui concerne les Ă©lĂ©ments de preuve de lâappartenance Ă lâarmĂ©e des prĂ©venus ainsi que
ceux relatifs Ă la commission des meurtres.
En appel de cette décision, la Cour militaire confirme la condamnation in solidum du
prévenu et de la RDC. Elle fonde sa décision sur « la présomption de faute que peut commettre
lâadministration ou lâĂ©tat dans le choix et dans la surveillance de ses agents »388. La Cour invoque
également la doctrine sur la responsabilité des services publics en droit zaïrois :
« Le bĂ©nĂ©ficiaire de lâactivitĂ© accomplie pour son compte par ses agents, il nâest que logique et de
principe dâĂ©quitĂ© Ă©lĂ©mentaire que lâEtat soit appelĂ© Ă rĂ©parer le mal rĂ©sultant du service dont il tire
profit en tant que maĂźtre [âŠ] le dĂ©veloppement des services publics dont la gestion a entraĂźnĂ© de
nombreux dommages professionnels ainsi que divers prĂ©judices aux particuliers a fait quâaujourdâhui,
tous les actes de lâEtat, sans distinction, donnent lieu Ă la responsabilitĂ© civile de celui-ci [âŠ] ; lâEtat
[âŠ] doit rĂ©pondre des dommages causĂ©s par ses agents dans lâexercice de leur fonction, non pas parce
quâil a pu commettre quelque faute [âŠ] mais parce quâil a lâobligation de garantir la sĂ©curitĂ© des
individus contre les actes dommageables de ceux qui exercent une activité en son nom et pour son
compte »389.
La Cour prĂ©cise Ă©galement Ă deux reprises que « lâabus de la fonction nâest pas un obstacle Ă la
responsabilitĂ© du maĂźtre »390. Cependant, câest surtout le fait que lâEtat congolais ait « manquĂ©
à sa mission de sécurisation des particuliers »391 qui convainc la Cour que la responsabilité de
la RDC est engagĂ©e « dans le cas de lâassassinat de cinq Ă©lĂšves de Tchekele par les militaires de la
troisiĂšme compagnie sur ordre du prĂ©venu BMB ; Quâil en est de mĂȘme des autres actes dâatteinte aux
biens »392.
Le TMG de lâIturi confirme sa position dans lâaffaire Bavi en se rĂ©fĂ©rant Ă la mĂȘme
jurisprudence que dans le jugement de Bongi393. Les juges vérifient si les faits de la cause
rĂ©pondent aux quatre conditions de lâarticle 260, tout en nâen citant Ă nouveau que trois. Le
tribunal conclut là encore que la responsabilité de la RDC est engagée et la condamne in
solidum avec les prĂ©venus au paiement de dommages et intĂ©rĂȘts. Lâon notera exactement les
mĂȘmes imprĂ©cisions que dans lâaffaire Bongi. En outre, il est intĂ©ressant de souligner que le
TMG a précisé que par tiers, on entend généralement toute personne autre que le commettant
388 CM Province Orientale, Affaire Bongi, op.cit, p. 27389 Ibid., p. 28. La Cour cite N. kabanGe, « ResponsabilitĂ© de lâadministration publique des services publics dĂ©centralisĂ©s du fait des actes de leurs prĂ©posĂ©s ou organes », Revue juridique du ZaĂŻre, janvier - aoĂ»t 1976 nu-mĂ©ros 1 et 2 page 16 ; KALONGO, ResponsabilitĂ© civile et socialisation des risques en droit ZaĂŻrois, op.cit., pp. 147, 158 et 163.390 Ibid., p. 28, §§ 6 et 8.391 Ibid., p. 29.392 Ibid.393 TMG de lâIturi, Affaire Bavi, op.cit., p. 47.
![Page 103: Etude de jurisprudence - ASF](https://reader036.vdocuments.mx/reader036/viewer/2022062502/62afc4be27bbae64720be3ce/html5/thumbnails/103.jpg)
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ou le prĂ©posĂ© et que les « autres prĂ©posĂ©s » (câest-Ă -dire les autres militaires) peuvent aussi ĂȘtre
considĂ©rĂ©s comme des tiers sâils sont victimes des crimes394.
Sur ces aspects, la décision du TMG est entiÚrement confirmée en appel par la Cour Militaire
de la Province Orientale395.
La Cour militaire du Katanga a condamnĂ© lâEtat congolais in solidum avec les officiers
responsables de la mort des dĂ©tenus de Mitwaba au paiement de dommages et intĂ©rĂȘts aux
victimes. Sa dĂ©cision se fonde sur lâarticle 260 du Code civil :
« Attendu que les prĂ©venus furent effectivement les prĂ©posĂ©s de lâEtat congolais par le contrat
dâengagement professionnel qui les liait Ă ce dernier ; Que les prĂ©venus agirent dans lâexercice des
fonctions leur confiĂ©es par lâEtat ; (âŠ) Quâils agirent en outre en ces diffĂ©rentes qualitĂ©s Ă lâĂ©gard des
95 dĂ©tenus ; Que les prĂ©venus agissaient au nom et pour le compte de lâEtat qui les employait »396.
Lâon note la plus grande attention quâa accordĂ©e la Cour Ă Ă©tablir le lien de prĂ©posĂ© Ă
commettant. La RDC tenta de contester sa responsabilitĂ© civile en avançant quâelle ne peut
rĂ©pondre « des faits des prĂ©venus qui ont abusĂ© de leur pouvoir »397, mais la Cour nâa pas suivi cet
argument, et ce malheureusement sans y répondre.
Dans son jugement rendu dans lâaffaire des Mutins de Bunia, le TMG de lâIturi commence
par Ă©tablir la responsabilitĂ© civile des prĂ©venus sur la base de lâarticle 258 du Code civil398.
Il Ă©numĂšre les conditions de lâarticle 260, alinĂ©a 3, du Code civil sur la responsabilitĂ© des
maßtres et commettants sur leurs préposés:
« Quâen effet, quatre conditions sont exigĂ©es pour lâapplication de cet article, Ă savoir : lâexistence
dâun lien de commettant Ă prĂ©posĂ©, la preuve que le dommage a Ă©tĂ© causĂ© par la faute et la survenance
du dommage dans lâexercice des fonctions auxquelles le prĂ©posĂ© a Ă©tĂ© employĂ© en dernier lieu, le
dommage doit ĂȘtre causĂ© Ă un tiers »399.
394 Ibid., p. 47.395 CM de la Province Orientale, Affaire Bavi, op.cit., p. 34-35.396 CM du Katanga, Affaire Mitwaba, op.cit, p. 10.397 Ibid., p. 10.398 TMG de lâIturi, Affaire Mutins de Bunia,op.cit, p. 27.399 Lâexpression « en dernier lieu » ne se rapporte sans doute pas Ă la fonction mais introduit plutĂŽt la qua-triĂšme condition, Ibid., p. 27.
![Page 104: Etude de jurisprudence - ASF](https://reader036.vdocuments.mx/reader036/viewer/2022062502/62afc4be27bbae64720be3ce/html5/thumbnails/104.jpg)
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Le tribunal vérifie ensuite si ces conditions sont applicables aux faits de la cause :
« De lâexistence du lien de commettant Ă prĂ©posĂ© :
1. Il y a lien du commettant Ă prĂ©posĂ© lorsquâune personne a autoritĂ© sur lâautre qui est son
subordonnĂ© et agit selon les ordres ou instructions de la premiĂšre ; Quâen lâespĂšce ce lien
existe entre lâEtat Congolais et les prĂ©venus qui sont des militaires engagĂ©s sous le service
et au service de lâEtat congolais ;
2. Il faut que la victime prouve que le dommage a été causé par la faute du préposé ;
Quâen lâespĂšce tous les dommages retenus sont la consĂ©quence directe du comportement
délinquant des prévenus ;
3. Il faut que le dommage soit causĂ© Ă un tiers ; Quâen lâespĂšce toutes les Parties civiles ne
sont ni militaires ni du nombre des pillards ;
4. Il faut enfin que le prĂ©posĂ© ou le domestique ait causĂ© le dommage dans lâexercice de ses
fonctions dans lesquelles il est employé »400.
Cependant, câest Ă nouveau la prĂ©somption de faute de lâadministration dans le choix
et la surveillance de ses agents qui fonde de maniÚre déterminante la responsabilité de
lâEtat :
« Que toutefois, analysant le fondement de la responsabilitĂ© civile de lâEtat dans son arrĂȘt
N ° RP 001/2004, la Haute Cour militaire note que cette responsabilité découle plutÎt de la
prĂ©somption de faute que peut commettre lâadministration ou lâEtat dans le choix et dans
la surveillance de ses agents dont, Ă titre illustratif, le retard de fonctionnement du service
public ; Quâen lâespĂšce, lâEtat devrait au moins intervenir Ă temps pour empĂȘcher aux prĂ©venus,
de surcroßt ses préposés, de commettre leurs forfaits ; Que eu égard de ce qui précÚde, la
responsabilité civile du commettant, à savoir la République Démocratique du Congo, par son
armée (les FARDC) interposée, demeure totalement engagée »401.
Le tribunal condamne la RDC, in solidum, avec les prévenus402.
Bien quâil ne sâagisse pas dâune affaire en matiĂšre de crime international, la dĂ©cision rendue
par la Cour militaire du Katanga dans lâaffaire de la tante de Kabila mĂ©rite de faire ici lâobjet
de quelques observations. Pour condamner la RDC in solidum avec lâauteur du crime, Ă 36
millions de dollars de dommages et intĂ©rĂȘts, la Cour considĂšre que la responsabilitĂ© de lâEtat
dĂ©coule de la prĂ©somption de faute dans le choix et la surveillance des agents et quâil suffit
pour que la faute de « service public » se réalise « de relever une mauvaise tenue générale du service
public dans son ensemble, dâĂ©tablir sa mauvaise organisation ou son fonctionnement dĂ©fectueux »403. La
Cour observe Ă©galement que « la sĂ©curitĂ© des individus est la raison de lâorganisation de sociĂ©tĂ©s et que
lâEtat doit y veiller constamment »404. LâĂ©lĂ©ment dĂ©terminant de la responsabilitĂ© de lâEtat est le
400 Ibid., pp. 27-28.401 Ibid.,p. 28.402 Ibid., p. 37.403 CM du Katanga, 3 août 2005, RP 05/2005, p. 20.404 Ibid., p. 20.
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
fait que lâadministration « nâa pas pris des dispositions pour mettre toutes les armes des ex-FAP sous
le contrĂŽle et la gestion des FARDC »405. La Cour sous-entendant ici, sans le dire, que lâarme avec
laquelle le meurtre a été commis provenait de ces stocks.
En conclusion, lâon rappellera quâil convient en premier lieu dâĂ©tablir la responsabilitĂ©
individuelle des auteurs des crimes avant de notifier toutes les conditions dâapplication de
lâarticle 260 alinĂ©a 3 du Code civil ; Ă savoir lâexistence dâun lien de commettant Ă prĂ©posĂ©,
la preuve que le dommage a été causé par la faute du préposé, la preuve de la survenance
du dommage dans lâexercice des fonctions auxquelles le prĂ©posĂ© Ă©tait employĂ©, et que le
dommage doit ĂȘtre causĂ© Ă un tiers. VĂ©rifier lâapplication de ces conditions au fait de la
cause constitue là encore une étape essentielle à ne pas négliger.
Il appartient aux juges de détailler les éléments qui permettent de considérer que la
responsabilitĂ© est Ă©tablie et de vĂ©rifier que lâEtat a ad minima tentĂ© dâintervenir Ă temps
pour empĂȘcher ses prĂ©posĂ©s de commettre leurs forfaits.
Les juges peuvent Ă©galement saisir lâoccasion de rappeler les responsabilitĂ©s quâa lâEtat
dâassurer la bonne tenue ou le bon fonctionnement des services publics, et ce sans que
la faute des agents soit requise, et en rappelant la doctrine selon laquelle il peut exister
une présomption de faute dans le choix et la surveillance des agents en cas de défaillance.
Souligner la mission de lâEtat dâassurer la sĂ©curitĂ© de ses citoyens et de les protĂ©ger des
forces armées et contre les actes dommageables de ceux qui exercent une activité en
son nom et pour son compte sont autant dâĂ©lĂ©ments qui doivent ĂȘtre prĂ©sentĂ©s dans les
décisions.
Il est Ă©galement nĂ©cessaire pour les juges de considĂ©rer lâEtat comme responsable des actes
criminels de ses agents, mĂȘme sâil a donnĂ© une consigne de ne pas commettre de crimes et
que celle-ci nâest pas respectĂ©e. De plus, les milices soutenues par lâEtat ont un statut de
« préposés » engageant responsabilité de ce premier ; en développant cet argument, il est
important que les juges prennent soin de prĂ©ciser les Ă©lĂ©ments qui permettent dâĂ©tablir le
lien entre la milice et lâEtat.
Il ne serait pas pertinent de conditionner la responsabilitĂ© de lâEtat Ă lâĂ©tablissement de la
responsabilitĂ© du chef hiĂ©rarchique. Enfin, il est nĂ©cessaire, comme les juges lâont dĂ©jĂ fait
Ă maintes reprises, de continuer Ă condamner lâEtat in solidum avec les auteurs au paiement
de dommages et intĂ©rĂȘts aux parties civiles.
405 Ibid., p. 21
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS GĂNĂR ALES
La lutte contre lâimpunitĂ© passe en premier lieu par la prise en charge nationale du
contentieux des crimes internationaux. La justice internationale, telle quâinstituĂ©e par la
Cour pĂ©nale internationale, nâintervient quâen complĂ©ment, lorsque lâEtat ne veut pas ou ne
peut pas sâengager vers la rĂ©pression de tels crimes. En appliquant directement le Statut de
Rome de la Cour pénale internationale, les tribunaux congolais ont entériné ce principe et
ont encouragé la réforme au niveau national de la répression des crimes internationaux.
Cette derniĂšre a permis de combler les lacunes et imprĂ©cisions dâun lĂ©gislateur qui tarde Ă
adopter une loi de mise en Ćuvre du Statut de Rome, ratifiĂ© depuis plus de six ans.
Toute salutaire quâelle soit, cette avancĂ©e notable ne doit pas masquer les carences relevĂ©es
par lâanalyse des dĂ©cisions de justice, lorsquâil sâagit dâappliquer aux faits de lâespĂšce des
notions complexes du droit international pĂ©nal. Au sens dâASF, le plus grand Ă©cueil relatif
Ă la jurisprudence des tribunaux congolais concerne la faiblesse en termes de motivation
juridique des jugements. Alors que lâarticle 21 de la Constitution impose que « tout jugement
est Ă©crit et motivĂ© », les juges ne sâattachent pas Ă systĂ©matiquement rappeler les Ă©lĂ©ments
constitutifs des crimes ou les Ă©tapes essentielles Ă la qualification juridique et omettent le
plus souvent dâidentifier les Ă©lĂ©ments de preuve qui ont fondĂ© leur dĂ©cision.
En rĂ©alitĂ©, lâapplication directe du Statut de Rome par les juridictions congolaises est un
premier pas mais elle ne peut se suffire Ă elle-mĂȘme. Pour satisfaire pleinement au principe
de complĂ©mentaritĂ©, une loi de mise en Ćuvre de ce Statut se doit dâĂȘtre adoptĂ©e. Cette loi
constitue un outil adĂ©quat afin de rendre effectif le Statut et contribuer ainsi Ă lâĂ©mergence
dâune justice pĂ©nale cohĂ©rente en matiĂšre de crimes de guerre, crimes contre lâhumanitĂ©, et
crimes de génocide.
Une loi de mise en Ćuvre du Statut de Rome permettrait ainsi:
Dâharmoniser les dispositions du droit pĂ©nal gĂ©nĂ©ral congolais et la procĂ©dure pĂ©nale
congolaise sur le modĂšle des dispositions pertinentes du Statut de Rome et autres
textes connexes, afin dâeffacer les distorsions et ambigĂŒitĂ©s du droit interne. Lâon
peut, Ă titre dâillustration, citer lâarticle 165 du Code pĂ©nal militaire qui entretient la
confusion entre les crimes contre lâhumanitĂ© et les crimes de guerre en dĂ©finissant les
premiers comme « des violations graves du droit international humanitaire commises contre
toutes populations civiles avant ou pendant la guerre », alors mĂȘme que les violations graves
du droit international humanitaire sont constitutives de crimes de guerre selon le
Statut de Rome. Lâon peut Ă©galement souligner que les incriminations dâenrĂŽlement,
de recrutement, de conscription, et dâutilisation dâenfants de moins de 15 ans dans les
forces armées, ne sont pas spécifiquement prévues par le droit interne ; dans la seule
![Page 107: Etude de jurisprudence - ASF](https://reader036.vdocuments.mx/reader036/viewer/2022062502/62afc4be27bbae64720be3ce/html5/thumbnails/107.jpg)
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
affaire devant les juridictions congolaises qui avait trait à cette matiÚre, le prévenu
fut condamnĂ© pour enlĂšvement par ruse et dĂ©tention illĂ©gale dâune personne406. Enfin
lorsquâil sâagit de mettre en cause la responsabilitĂ© du supĂ©rieur hiĂ©rarchique, le
droit congolais, contrairement au Statut de Rome, prévoit que le chef militaire
sera poursuivi pour crime de guerre seulement Ă la condition quâun subordonnĂ©
soit poursuivi, et ce uniquement en tant que co-auteur ou complice, et non en tant
quâauteur principal.
De garantir le respect des instruments juridiques internationaux relatifs aux droits
de lâhomme et aux garanties dâun procĂšs Ă©quitable, notamment en transfĂ©rant la
compétence de juger des crimes internationaux aux juridictions de droit commun.
En dehors du fait quâĂ diffĂ©rents niveaux, le commandement militaire sur sa propre
initiative et/ou sur celle des autorités politiques influe sur le fonctionnement de la
justice militaire au gré des enjeux politiques et de la présence de juges assesseurs qui
disposent dâune voix dĂ©libĂ©rative alors quâils nâont pas les compĂ©tences juridiques
requises en matiÚre de crimes internationaux, les rÚgles de procédure devant les
juridictions militaires sont soumises aux principes de la cĂ©lĂ©ritĂ© et de lâexemplaritĂ©.
Ces rĂšgles ne garantissent pas toujours une bonne application des droits des
justiciables, et spécifiquement du droit à un procÚs équitable.
De mettre en place un systÚme cohérent de protection des victimes de crimes
internationaux, qui prévoit notamment des garanties de sécurité physique
(anonymat, procĂ©dure de levĂ©e de copie des piĂšces, possibilitĂ© de dĂ©placementâŠ) et
des facilitĂ©s procĂ©durales telles que lâexemption de paiement de frais de justice, la
simplification des procĂ©dures dâexĂ©cution des dĂ©cisions judiciaires, et une garantie
contre lâorganisation de lâinsolvabilitĂ© de lâauteur prĂ©sumĂ© des crimes avant le rendu
de la décision.
Lâadoption de cette loi si primordiale et tant attendue ne rĂ©glera malheureusement pas toutes
les problématiques liées à la répression des crimes internationaux en RDC. Car se posent
également des questions de volonté politique et de capacité des acteurs judiciaires à prendre
en charge un contentieux complexe de crimes sâĂ©tendant sur plus de deux dĂ©cennies, sur
un territoire immense, et ayant été commis par des personnes appartenant à des groupes
armĂ©s nombreux qui ont depuis lors Ă©tĂ© pour certains intĂ©grĂ©s Ă lâappareil Ă©tatique.
Cette analyse de la situation est confortée par les faits. Il est en effet difficile de sous-estimer
la dimension politique et sensible de ce type de contentieux au vu du faible nombre de
procédures ouvertes en la matiÚre et des dossiers qui en 2007-2008 se sont clÎturés sans
porter condamnation pour crimes internationaux. De fortes pressions sur les victimes
pour quâelles retirent leur plainte, une immixtion de lâExĂ©cutif, des trafics dâinfluence, une
absence de poursuites contre des autorités militaires de rang élevé, et nombreuses évasions
406 TMG de Bukavu, Affaire Biyoyo,17mars2006etconfirmationenappelparlaCourMilitairele12janvier2007.
![Page 108: Etude de jurisprudence - ASF](https://reader036.vdocuments.mx/reader036/viewer/2022062502/62afc4be27bbae64720be3ce/html5/thumbnails/108.jpg)
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
ont ainsi Ă©tĂ© observĂ©es. Par exemple, dans lâaffaire dite de « Mitwaba » le major Ekembe,
Ă qui il Ă©tait reprochĂ© dâavoir emprisonnĂ© dans des conditions inhumaines 95 personnes
dans trois petites cellules tout en les privant de nourriture, a été simplement poursuivi pour
violations des droits garantis aux particuliers et condamné à 15 mois de servitude pénale
pour « non assistance en personne en danger ».
En outre, si les magistrats militaires et prochainement civils du siĂšge et du parquet ont un
rÎle prépondérant à jouer dans la poursuite des crimes internationaux commis en RDC, peu
dâentre eux bĂ©nĂ©ficient dâun niveau de formation suffisant. Le constat est le mĂȘme en ce qui
concerne les inspecteurs et officiers de police judiciaire en matiĂšre de techniques dâenquĂȘte.
Il est donc nécessaire de prévoir leur formation sur cette matiÚre complexe qui oblige tous les
intervenants judiciaires Ă maĂźtriser des concepts qui ne sont que peu connus des systĂšmes
nationaux. Au-delĂ des formations de magistrats, il convient aussi dâoctroyer au secteur
judiciaire des moyens financiers, humains et logistiques Ă la hauteur de leur mission. A cet
égard, la part budgétaire allouée au secteur de la justice congolaise est malheureusement
trop restreinte pour relever les dĂ©fis dâune justice en lutte contre lâimpunitĂ©. Ainsi, en 2007
seulement 0,75 % des dĂ©penses publiques furent allouĂ©es au fonctionnement de lâappareil
judiciaire407 et le budget prĂ©visionnel pour la justice en 2009 sâĂ©lĂšverait Ă 0,6% du Budget
total. De plus, lâeffectif du personnel judiciaire est clairement insuffisant pour couvrir toute
lâĂ©tendue des crimes et du territoire ; cette faiblesse a une incidence sur le traitement des
dossiers. Il suffit dâune rĂ©cusation ou dâun prĂ©venu plus gradĂ© que le chef de juridiction pour
que la procédure en pùtisse, comme il a été constaté dans le cadre du dossier Alunda Kapopo
devant lâauditorat supĂ©rieur de Bukavu, oĂč Kapopo avait le grade de colonel full alors que
le 1er prĂ©sident de la Cour Militaire et lâauditeur supĂ©rieur avaient le grade de lieutenant
colonel.
Sâil est essentiel de garder Ă lâesprit que le processus de lutte contre lâimpunitĂ© est encore jeune
et ne peut de ce fait évoluer de maniÚre linéaire et rapide, toutefois Avocats Sans FrontiÚres
juge utile, parallĂšle aux suggestions et impressions Ă©mises quant Ă lâapplication du Statut
de Rome par les juridictions congolaises, de proposer les recommandations dâordre gĂ©nĂ©ral
suivantes :
407 Ce budget constitue une faible augmentation par rapport au 0.6% du budget en 2005 et 2006. Ces chiffres ont Ă©tĂ© collectĂ©s par le « Rapport de lâexpert indĂ©pendant sur la situation des droits de lâhomme en RĂ©publique dĂ©mocratique du Congo », A/HRC/7/25, 29 fĂ©vrier 2008, §27. A titre indicatif, en gĂ©nĂ©ral, le budget de la justice sâĂ©chelonne dans la plupart des pays entre 2 et 6 %.
![Page 109: Etude de jurisprudence - ASF](https://reader036.vdocuments.mx/reader036/viewer/2022062502/62afc4be27bbae64720be3ce/html5/thumbnails/109.jpg)
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
Recommandations
Aux autorités nationales et parlementaires :
ïżœ De mettre Ă lâagenda et voter, Ă lâoccasion de la prochaine session parlementaire,
la proposition de loi de mise en Ćuvre du Statut de Rome, vitale Ă lâapplication
cohérente et effective du principe de complémentarité par les juridictions
nationales.
ïżœ Dâallouer un budget consĂ©quent au systĂšme judiciaire afin que les acteurs
judiciaires disposent des ressources nécessaires au traitement du contentieux
des crimes internationaux.
ïżœ Dâaffecter de nouveaux magistrats tant civils que militaires Ă lâintĂ©rieur du pays
et au sein des juridictions qui en ont le plus besoin. Le manque de magistrats que
lâon peut actuellement constater et qui influe sur le traitement efficace des dossiers
de crimes internationaux serait par conséquent comblé par le recrutement de
nouveaux professionnels ; les effectifs de magistrats supplémentaires feraient
lâobjet dâune rĂ©partition gĂ©ographique Ă©quilibrĂ©e et Ă©quitable.
A la communauté internationale :
ïżœ De soutenir la RDC en lâencourageant Ă adopter, dans les plus brefs dĂ©lais, la loi
de mise en Ćuvre du Statut, Ă transfĂ©rer le contentieux des crimes internationaux
aux juridictions civiles, et Ă allouer les ressources et fournir aux juges la formation
nécessaires au traitement de ce contentieux.
ïżœ De fournir une assistance quant Ă la rĂ©alisation du travail de la MONUC, visant Ă
dresser un Ă©tat des lieux des violations massives commises (crimes de guerre et
crimes contre lâhumanitĂ©) de 1993 Ă 2003.
![Page 110: Etude de jurisprudence - ASF](https://reader036.vdocuments.mx/reader036/viewer/2022062502/62afc4be27bbae64720be3ce/html5/thumbnails/110.jpg)
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
REMERCIEMENTS
Cette Ă©tude est le rĂ©sultat de la collaboration entre plusieurs membres de lâĂ©quipe dâAvocats
Sans FrontiĂšres et un consultant externe. LâĂ©tude a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e par Renaud Galand, ancien
consultant et Myriam Khaldi, analyste thĂ©matique Ă la mission dâAvocats Sans FrontiĂšres
en RĂ©publique DĂ©mocratique du Congo, qui lâa rĂ©visĂ©e et mise Ă jour. Flora Mbuyu Anjelani
et Papy Ndondoboni Nsankoy, respectivement lâancienne et lâactuel coordinateur de projet
Ă la mission dâAvocats Sans FrontiĂšres en RDC, ont fourni une assistance dans le processus
de rédaction, alors que Martien Schotsmans, ancien chef du département thématique, a
contribuĂ© Ă la conception et au dĂ©veloppement initial de lâĂ©tude.
Dadimos Haile, chef du programme de la justice internationale et droits de lâhomme et
Chantal Van Cutsem, Desk Officer pour la RDC, ont relu lâĂ©tude et fourni des orientations
et des donnĂ©es prĂ©cieuses. Sylviane Puertas, du dĂ©partement des finances, a fourni dâutiles
commentaires rédactionnels. Géraldine De Vries, stagiaire juridique dans le programme
justice internationale et droits de lâhomme, a apportĂ© une aide prĂ©cieuse dans la relecture et
la mise en forme de la version finale de lâĂ©tude. ChloĂ© Lermuzeaux, Junior Communications
Officer, a contribuĂ© Ă la prĂ©paration de la version de lâĂ©tude destinĂ©e Ă la publication.
Avocats Sans FrontiÚres tient à exprimer sa gratitude à USAID pour son appréciable soutien
financier ainsi quâĂ toutes les personnes et les institutions qui ont contribuĂ© Ă la rĂ©alisation
de cette Ă©tude. Toutefois, le contenu de lâĂ©tude nâengage quâAvocats Sans FrontiĂšres.
![Page 111: Etude de jurisprudence - ASF](https://reader036.vdocuments.mx/reader036/viewer/2022062502/62afc4be27bbae64720be3ce/html5/thumbnails/111.jpg)
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
ANNEXE 1 PRĂSENTATION DES AFFAIRES ĂTUDIĂES (PAR ORDRE ALPHABĂTIQUE)
![Page 112: Etude de jurisprudence - ASF](https://reader036.vdocuments.mx/reader036/viewer/2022062502/62afc4be27bbae64720be3ce/html5/thumbnails/112.jpg)
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
AFFAIRE ANKORO
Faits :Entre le 10 et 22 novembre 2002, les militaires de la 95Ăšme brigade des FARDC ont
dĂ©clenchĂ© une attaque contre la population civile dâAnkoro ; causant la mort de
plus de 60 personnes, lâincendie et la destruction de plus de 4000 maisons, et le
pillage de plus de 170 maisons et bĂątiments publics.
Instance judiciaire et parties ïżœ Cour Militaire du Katanga
ïżœ MinistĂšre Public et 55 Parties civiles contre 27 prĂ©venus militaires (prĂ©venu
principal : le Lieutenant Colonel Emile TWABANGU)
ProcĂ©dure : ïżœ 16 dĂ©cembre 2002 : institution dâune commission dâenquĂȘte conduite par les
Ministres de lâintĂ©rieur, des droits humains et de la dĂ©fense. A lâissue de lâenquĂȘte,
23 militaires sont arrĂȘtĂ©s et mis Ă la disposition du Parquet prĂšs de Lubumbashi.
ïżœ 20 dĂ©cembre 2004 : dĂ©cision portant 6 condamnations Ă 20 mois de prison pour
pillage, 1 condamnation Ă 20 mois de prison pour meurtre et 2 condamnations
Ă 18 mois de prison pour recel dâobjet. Comme tous les condamnĂ©s avaient dĂ©jĂ
passé plus de deux ans en prison au titre de la détention préventive, ils ont tous
été libérés aprÚs le verdict. La Cour a en outre prononcé 13 acquittements.
ïżœ Le ratio Ă©tabli pour le paiement de dommages et intĂ©rĂȘt a Ă©tĂ© Ă©tabli selon ce qui
suit : 5.000$ par décÚs, 2.000$ par personne qui a un membre amputé, 50$ par
personne légÚrement blessée, 100$ par maison incendiée.
![Page 113: Etude de jurisprudence - ASF](https://reader036.vdocuments.mx/reader036/viewer/2022062502/62afc4be27bbae64720be3ce/html5/thumbnails/113.jpg)
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
AFFAIRE BIYOYO
Faits :Jean-Pierre Karhanga Biyoyo est initiateur du mouvement insurrectionnel
dénommé FSP (Front social pour le ProgrÚs), acteur de la déstabilisation de la
province du Sud Kivu. Les 5 militaires arrĂȘtĂ©s sont soupçonnĂ©s de dĂ©sertion des
rangs de lâarmĂ©e nationale, dâorganisation dâun mouvement insurrectionnel, de
recrutement dâadhĂ©rents et combattants Ă Uvira dans deux pays Ă©trangers (Rwanda
et Burundi), dâenlĂšvement, arrestations et dĂ©tentions arbitraires de mineurs (avec
la collaboration du prĂ©venu civil), de recrutement dâenfants soldats, et dâenrĂŽlement
dans les troupes combattantes étrangÚres (pour tous les prévenus). Tous ces faits
se sont déroulés entre juin 2004 et juillet 2005.
Instance judiciaire et parties ïżœ 1er degrĂ© : TMG de Bukavu et en Appel : Cour Militaire de Bukavu
ïżœ MinistĂšre public contre 6 prĂ©venus (5 militaires et un enseignant). Pas de Parties
civiles
ProcĂ©dure : ïżœ 17 mars 2006 : Condamnation des six prĂ©venus Ă des peines allant de la peine de
mort pour BIYOYO, à 5 ans de servitude pénale pour trois autres prévenus et à 2
ans de servitude pénale pour le seul prévenu civil.
ïżœ 12 janvier 2007 : arrĂȘt de la Cour militaire de Bukavu qui confirme la dĂ©cision du
premier degré.
ïżœ AprĂšs avoir Ă©tĂ© capturĂ©, Biyoyo sâest Ă©vadĂ© et sâest rĂ©fugiĂ© au Rwanda avant dâĂȘtre
capturĂ© Ă nouveau en octobre 2005 et de pouvoir sâĂ©vader une deuxiĂšme fois le 3
juin 2006.
![Page 114: Etude de jurisprudence - ASF](https://reader036.vdocuments.mx/reader036/viewer/2022062502/62afc4be27bbae64720be3ce/html5/thumbnails/114.jpg)
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
AFFAIRE BLAISE BONGI
Faits :Blaise Bongi Massaba, Capitaine et Commandant dâune compagnie au sein de la
4Ăšre Brigade intĂ©grĂ©e des FARDC est accusĂ© dâavoir pillĂ© des biens de la population
civile (une moto, une motopompe, deux panneaux solaires, une radio et deux
baffles) du village Tshekele en Ituri, le 20 octobre 2005, pendant les affrontements
entre les FARDC et les miliciens du FRPI. 5 personnes, toutes élÚves, avaient été
réquisitionnées pour transporter le butin du pillage puis exécutées dans le village
de Bussinga.
Instance judiciaire et parties ïżœ 1er degrĂ© : TMG de Bunia et Appel : Cour Militaire de Kisangani
ïżœ MinistĂšre public et 4 Parties civiles contre le Capitaine Bongi.
ProcĂ©dure : ïżœ 24 mars 2006 : Condamnation Ă la prison Ă perpĂ©tuitĂ© pour crimes de guerre.
Et condamnation in solidum avec lâEtat congolais au paiement de 75.000$ pour
chaque victime.
ïżœ 04 novembre 2006 : arrĂȘt en appel qui rĂ©duit dâun cĂŽtĂ© la peine du Capitaine
Bongi Ă 20 ans de prison et augmente dâautre part les dommages et intĂ©rĂȘts Ă
hauteur de 265.000$ ; toujours in solidum avec lâEtat congolais.
ïżœ Le Capitaine Bongi sâest Ă©vadĂ© depuis mars 2007 de la prison de Bunia
ïżœ Le jugement a Ă©tĂ© signifiĂ© pour paiement des dommages et intĂ©rĂȘts au
commandement le 7 juin 2008. LâitĂ©ratif commandement a Ă©tĂ© pris le 16
septembre 2008.
![Page 115: Etude de jurisprudence - ASF](https://reader036.vdocuments.mx/reader036/viewer/2022062502/62afc4be27bbae64720be3ce/html5/thumbnails/115.jpg)
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
AFFAIRE GĂDĂON
Faits :Entre octobre 2003 et le 12 mai 2006, jour de sa reddition, Gédéon contrÎlait une
partie du Katanga. Pendant ces années, il commandait un groupe important de
Maï-Maï (environ 2.000 combattants), réfractaires au brassage et qui ont détruit
un vaste espace autour de Mitwaba, sa ville natale. Les enquĂȘtes menĂ©es par les
ONG accusent GĂ©dĂ©on et ses troupes dâavoir assassinĂ© la femme du Directeur du
Parc Upemba, dâavoir enrĂŽlĂ© et utilisĂ© des enfants dans ses troupes combattantes,
de cannibalisme, dâutilisation dâarmes Ă feu, de crĂ©ation de mouvement
insurrectionnel, de pillages et destruction ainsi que de viols en masse dans tous
les territoires dont ses troupes avaient le contrĂŽle.
Instance judiciaire et Parties : ïżœ 1er degrĂ© : TMG de Kipushi
ïżœ MinistĂšre public contre 24 prĂ©venus : Commandant KYUNGU MUTANGA
Gédéon, sa femme, son frÚre ainé, deux de ses enfants, les agents de sa garde
rapprochée et consorts
ProcĂ©dure : ïżœ En dĂ©tention depuis le 19 mai 2006 sur dĂ©cision de lâAuditorat SupĂ©rieur
ïżœ Le procĂšs Ă dĂ©butĂ© le 07.08.2007
ïżœ Le 6 mars 2009 GĂ©dĂ©on est condamnĂ© par le TMG Ă la peine de mort pour «crimes
de guerre, crimes contre lâhumanitĂ©, mouvement insurrectionnel et terrorisme» ;
par la mĂȘme dĂ©cision, LâEtat congolais a Ă©tĂ© condamnĂ© Ă payer une compensation
à 75 familles de victimes pour avoir fourni un soutien financier et armé aux
milices MaĂŻ-MaĂŻ.
![Page 116: Etude de jurisprudence - ASF](https://reader036.vdocuments.mx/reader036/viewer/2022062502/62afc4be27bbae64720be3ce/html5/thumbnails/116.jpg)
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AFFAIRE GETY/BAVI
Faits :Au mois dâoctobre 2006, un charnier contenant plus dâune trentaine des corps
dâhommes, de femmes, et dâenfants a Ă©tĂ© dĂ©couvert dans les collines de Gety et de
Bavi (60 Kms de Bunia). Le massacre a été imputé aux membres de la 1Úre Brigade
intégrée des FARDC. Certaines des victimes auraient été torturées, violées avant
dâĂȘtre tuĂ©es et dâautres auraient Ă©tĂ© enterrĂ©es vivantes. Les faits se seraient dĂ©roulĂ©s
entre août et septembre 2006.
Instance judiciaire et Parties ïżœ 1er degrĂ© : TMG de Bunia et Appel : Cour Militaire de Kisangani
ïżœ MinistĂšre public et 19 Parties civiles contre 15 militaires des FARDC (dont 4
capitaines et 4 prévenus jugés par contumace). Prévenu principal : Capitaine
Mulesa Mulombo (alias Bozize)
ProcĂ©dure : ïżœ 19 fĂ©vrier 2007 : condamnation de 13 des 15 prĂ©venus Ă la servitude pĂ©nale
à perpétuité pour crimes de guerre. Le capitaine qui est passé aux aveux a été
condamné à 180 jours de prison ; tandis que le dernier prévenu a été acquitté. Au
total, les dommages et intĂ©rĂȘts sâĂ©lĂšvent Ă 315.000$.
ïżœ 9 condamnĂ©s ont interjetĂ© appel immĂ©diatement aprĂšs le prononcĂ© du verdict.
ïżœ 28 juillet 2007 : arrĂȘt qui confirme la dĂ©cision du 1er degrĂ© en ce qui concerne la dĂ©tention Ă perpĂ©tuitĂ© pour le prĂ©venu principal Bozize. Les condamnations des autres appelants ont toutes Ă©tĂ© rĂ©duites Ă 15 ans et 10 ans pour circonstances attĂ©nuantes liĂ©es Ă la pression psychologique et Ă leur collaboration avec la justice. La somme globale dâallocation des dommages-intĂ©rĂȘts est passĂ©e de 315.000$ Ă 481.000$. ïżœ Signification au commandement depuis le 07 juin 2008, suivi dâun itĂ©ratif
commandement du 16 septembre 2008 ïżœ Le Capitaine Mulesa aurait diligentĂ© un pourvoi en cassation contre lâarrĂȘt
de la Cour Militaire de Kisangani.
![Page 117: Etude de jurisprudence - ASF](https://reader036.vdocuments.mx/reader036/viewer/2022062502/62afc4be27bbae64720be3ce/html5/thumbnails/117.jpg)
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
AFFAIRE KAHWA
Faits :Il est reprochĂ© Ă KAHWA dâavoir crĂ©Ă© en 2002 le mouvement insurrectionnel du
« Parti pour lâunitĂ© et la sauvegarde de lâintĂ©gritĂ© du Congo », dâavoir illĂ©galement dĂ©tenu
des armes de guerre, avec lesquelles il aurait commis des crimes de guerre et des
crimes contre lâhumanitĂ©, notamment lors de lâattaque de la localitĂ© de Zumbe. Il a
Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© le 09/04/05 par les autoritĂ©s congolaises et la MONUC.
Instance judiciaire et Parties ïżœ 1er degrĂ© : TMG de lâIturi et en Appel : Cour Militaire de Kisangani
ïżœ MinistĂšre public et 13 Parties civiles contre le prĂ©venu Kahwa
ïżœ Recours en annulation: Haute Cour Militaire (HCM)
ProcĂ©dure : ïżœ 02 aoĂ»t 2006 : Condamnation Ă 20 ans de prison pour toutes les prĂ©ventions
mises Ă sa charge et dommages intĂ©rĂȘts Ă payer sâĂ©levant Ă 500.500$.
ïżœ Le prĂ©venu a interjetĂ© appel principal et les parties civiles ont interjetĂ© appel
incident durant lâinstance dâappel.
ïżœ 28 juillet 2007 : Acquittement par la Cour Militaire de Kisangani, au motif que
le prĂ©venu a bĂ©nĂ©ficiĂ© dâune amnistie pour toutes les charges exceptĂ©es celles de
crimes de guerre et de crimes contre lâhumanitĂ©. Pour celles-ci, le juge dâappel a
considéré que le premier juge avait été irréguliÚrement saisi, annulant de ce fait
le premier jugement.
ïżœ Recours en annulation initiĂ© par lâauditeur supĂ©rieur de Kisangani, devant la
Haute Cour Militaire.
ïżœ 9 septembre 2008 : arrĂȘt qui annule la dĂ©cision de la Cour Militaire de Kisangani
et renvoie la cause devant la mĂȘme juridiction autrement composĂ©e.
ïżœ 1er mars 2008 : un mandat dâarrĂȘt a Ă©tĂ© Ă©mis contre Kahwa par lâAuditeur GĂ©nĂ©ral
et lâAuditeur militaire de Bunia pour crimes contre lâhumanitĂ©, crimes de guerre,
meurtre, attaques et coups et blessures aggravés en ce qui concerne des faits
différents de ceux pour lesquels il a été acquitté. En date du 2 septembre 2008, la
HCM a confirmé son maintien en détention.
![Page 118: Etude de jurisprudence - ASF](https://reader036.vdocuments.mx/reader036/viewer/2022062502/62afc4be27bbae64720be3ce/html5/thumbnails/118.jpg)
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
AFFAIRE KALONGA KATAMASI
Faits :En 2004, les prĂ©venus (des miliciens MaĂŻ-MaĂŻ) ont enlevĂ©, dans le village de Kimanga au Maniema 10 femmes et les ont abusĂ©es sexuellement dans la forĂȘt. Une des victimes fĂ»t contrainte de rester pendant 3 mois en tant que maĂźtresse forcĂ©e du prĂ©venu principal.
Instance judiciaire et parties ïżœ TMG de Kindu
ïżœ MinistĂšre public et 3 Parties civiles c ontre Kalonga KATAMISI, ALIMASI (en
fuite) et consorts (non autrement identifiés)
ProcĂ©dure : ïżœ 26 octobre 2005 : Condamnation Ă la peine de mort et Ă payer solidairement avec
lâEtat congolais 20.000$ de dommages et intĂ©rĂȘts aux victimes pour crime contre
lâhumanitĂ© Ă lâencontre de Kalonga Katamasi, Alimasi et consorts.
![Page 119: Etude de jurisprudence - ASF](https://reader036.vdocuments.mx/reader036/viewer/2022062502/62afc4be27bbae64720be3ce/html5/thumbnails/119.jpg)
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
AFFAIRE KILWA
Faits :Le 18 octobre 2004, plus dâune centaine de personnes sont tuĂ©es dans le village
minier de Kilwa lors dâune contre-offensive de la part des FARDC contre le groupe
rebelle MRLK qui avait pris le village quelques jours auparavant (assez mal équipé
et mal organisĂ© selon MONUC). Il apparaĂźt quâun bon nombre des victimes ont Ă©tĂ©
exĂ©cutĂ©es arbitrairement et que le village a Ă©tĂ© pillĂ© aussi bien pendant lâattaque
quâaprĂšs la fuite dâun grand nombre dâhabitants. La compagnie miniĂšre Anvil
Mining aurait fourni une aide logistique aux FARDC au moment de lâattaque : des
véhicules auraient servi à transporter des victimes à exécuter, des biens pillés et des
cadavres. Des engins de terrassement de la société auraient également été utilisés
pour enterrer des corps.
Instance judiciaire et Parties : ïżœ 1er degrĂ© : Cour Militaire du Katanga Ă Lubumbashi et en Appel : Haute Cour
Militaire de Katanga
ïżœ 1er degrĂ© : MinistĂšre public et 144 Parties civiles contre les accusĂ©s le Colonel
Ilunga, 8 autres militaires, lâentreprise Anvil Mining et 3 de ses agents (Pierre
Mercier, DG de la filiale congolaise, Peter Van Niekerk, ancien chef de la sécurité
et Cédric, ancien responsable de la sécurité)
ïżœ Appel : MinistĂšre public et 1 Partie civile contre le Colonel Ilunga et le capitaine
Sadiaka.
ProcĂ©dure : ïżœ 12 dĂ©cembre 2006 : ouverture du procĂšs. Sur les 9 prĂ©venus militaires, 7 ont
comparu, 2 Ă©tant en fuite. 3 anciens agents dâAnvil Mining absents la plupart du
temps étaient représentés par leurs avocats.
ïżœ 28 juin 2007 : ArrĂȘt de la Cour Militaire qui condamne le colonel Ilunga Ademar et
le capitaine Sadiaka à la prison à perpétuité pour meurtre. Toutes les préventions
pour crimes de guerre ont été abandonnées. Le sous-lieutenant Kasongo Kayembe
est condamné à 5 ans de servitude pénale principale pour arrestation arbitraire,
le sous-lieutenant Ilunga Kashila à un an de servitude pénale avec paiement de 30
000 francs dâamende. Les autres prĂ©venus sont acquittĂ©s.
ïżœ Le MinistĂšre public, les 2 condamnĂ©s Ă perpĂ©tuitĂ© ainsi que la partie civile ont
formé appel contre la décision. Le procÚs en appel à commencé le 7 décembre 2007.
ïżœ 30 octobre 2008 : la Haute Cour Militaire a confirmĂ© les condamnations Ă lâĂ©gard
du Colonel Ademar et capitaine Sadiaka, mais a allégé les sanctions en les faisant
bénéficier de larges circonstances atténuantes, de telle sorte les peines ont été
réduites de la servitude pénale à perpétuité à 5 ans de prison. Quant aux 5 parties
civiles, pour 4 dâentre elles, les appels ont Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©s irrecevables, tandis que la
5Ăšme demande dâappel sâest vue dĂ©clarĂ© recevable mais non fondĂ©.
![Page 120: Etude de jurisprudence - ASF](https://reader036.vdocuments.mx/reader036/viewer/2022062502/62afc4be27bbae64720be3ce/html5/thumbnails/120.jpg)
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
AFFAIRE MILOBS
Faits :Deux militaires-observateurs de la MONUC (un malawite et un jordanien) sont
assassinĂ©s en mai 2003 Ă Mungwalu (Bunia). Selon lâinstruction menĂ©e, ce double
meurtre aurait été commis du fait de la suspicion des membres du FNI (Front
Nationaliste et IntĂ©griste) Ă lâĂ©gard de la MONUC, soupçonnĂ©e dâĂȘtre du cotĂ© de
lâUPC.
Instance judiciaire et Parties ïżœ 1er degrĂ© : TMG de lâIturi et en Appel : Cour Militaire de Kisangani
ïżœ Le MinistĂšre public contre sept miliciens membres du FNI, dont un Ă©vadĂ© de la
prison centrale de Bunia (Kwisha)
ProcĂ©dure : ïżœ 19 fĂ©vrier 2007 : DĂ©cision de condamnation de 4 miliciens (dont un par dĂ©faut)
à la prison à perpétuité, un à 20 ans et un autre à 10 ans de prison. Le dernier
prévenu est acquitté.
ïżœ Tous les condamnĂ©s prĂ©sents ont interjetĂ© appel de la dĂ©cision.
ïżœ La Cour Militaire de Kisangani siĂ©geant en foraine Ă Bunia a rejetĂ© lâappel de 3
dâentre eux pour cause de dĂ©lai lĂ©gal dĂ©passĂ©.
ïżœ LâarrĂȘt en appel a confirmĂ© le jugement en premier degrĂ©.
ïżœ 12 novembre 2007 : le TMG de Bunia confirme sur opposition la sentence de
la réclusion à perpétuité qui avait été rendue par défaut contre AGENONGAA
Ufoyuru alias Kwisha ; évadé le 12/01/07 et capturé le 06/10/07.
![Page 121: Etude de jurisprudence - ASF](https://reader036.vdocuments.mx/reader036/viewer/2022062502/62afc4be27bbae64720be3ce/html5/thumbnails/121.jpg)
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
AFFAIRE MITWABA
Faits :Dans le cadre dâattaques rĂ©ciproques entre les FARDC et les MaĂŻ-MaĂŻ en mars-avril
2005, des militaires de la 63Úme brigade FARDC ont emprisonné et torturé 95 civils
prĂ©tendus MaĂŻ-MaĂŻ. 17 dâ entre eux nâont pas survĂ©cu.
Instance judiciaire et Parties ïżœ Cour Militaire de Lubumbashi
ïżœ Le MinistĂšre public et 14 Parties civiles (+ 1 rejetĂ©e) contre 4 militaires des FARDC
dont le Major Ekembe et le Lieutenant Baseme (par contumace).
ProcĂ©dure : ïżœ Le procĂšs sâest ouvert dĂšs le 21 mars 2007. Les quatre prĂ©venus Ă©taient au
dĂ©part poursuivis pour violations des droits garantis aux particuliers, alors que les Parties civiles demandaient, par lâintermĂ©diaire de leurs avocats la requalification des faits en crimes de guerre. ïżœ 25 avril 2007 : Condamnation pour non assistance Ă personne en danger
des prĂ©venus Ă 15 mois de servitude pĂ©nale et au paiement in solidum avec lâEtat de 10.000$ de dommages et intĂ©rĂȘts au profit de chaque victime. Par contumace, elle a condamnĂ© Baseme Ă 10 ans de prison.
![Page 122: Etude de jurisprudence - ASF](https://reader036.vdocuments.mx/reader036/viewer/2022062502/62afc4be27bbae64720be3ce/html5/thumbnails/122.jpg)
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
AFFAIRE MUTINS DE BUNIA
Faits :Dans la nuit du jeudi 11 janvier 2007, plusieurs dizaines dâĂ©lĂ©ments de la 1Ăšre brigade
intĂ©grĂ©e des FARDC se sont mutinĂ©s, en tirant Ă lâarme automatique et au lance-
roquette. Ils réclamaient le paiement de leur prime promise par le gouvernement
pour lâannĂ©e 2006 et Ă©valuĂ©e Ă 50$. Lors du soulĂšvement, 7 femmes ont Ă©tĂ© violĂ©es,
un policier griÚvement blessé ainsi que plusieurs boutiques et maisons du Quartier
Bankoko pillées.
Instance judiciaire et Parties ïżœ 1er degrĂ© : TMG de lâIturi et en Appel : Cour Militaire de Kisangani
ïżœ MinistĂšre public et 54 parties civiles contre 17 prĂ©venus (dont 2 par contumace).
ProcĂ©dure : ïżœ 18 juin 2007 : Condamnation de tous les prĂ©venus pour « pillages, dissipations de
munitions de guerre et violation de consigne ». Trois dâentre eux ont Ă©tĂ© condamnĂ©s Ă
20 ans de prison et les autres Ă 10 ans. LâEtat et les militaires ont solidairement Ă©tĂ©
condamnĂ©s Ă verser 98.200$ de dommages et intĂ©rĂȘts aux victimes.
ïżœ Appel interjetĂ© par les condamnĂ©s et par 7 Parties civiles qui considĂ©raient le
montant des dommages et intĂ©rĂȘts allouĂ©s insuffisant. En attente de la fixation
de lâaffaire en appel.
ïżœ 23 aoĂ»t 2008 : arrĂȘt en appel qui confirme les condamnations de premier degrĂ©
mais allĂšge les peines entre 3 ans et 6 ans. Les Dommages et intĂ©rĂȘts des parties
civiles sont majorés de 50%.
![Page 123: Etude de jurisprudence - ASF](https://reader036.vdocuments.mx/reader036/viewer/2022062502/62afc4be27bbae64720be3ce/html5/thumbnails/123.jpg)
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AFFAIRE MUTINS DE MBANDAKA
Faits :Le 30 juin 2005, date de la fin de la transition, lâordre Ă©tait donnĂ© Ă tous les militaires
de la province de lâEquateur de rester dans les casernes. Un dâeux, sous-lieutenant
appartenant au contingent du MLC, avait refusĂ© dâobtempĂ©rer Ă cet ordre, est
sorti la nuit et a été retrouvé mort tÎt le matin. Sa mort a servi de prétexte à ses
camarades (entre 3.000 et 4.000 hommes) pour se mutiner et piller une partie de
la ville entre le 3 et le 5 juillet. Ils ont cassĂ© le magasin dâarmes et se sont dĂ©versĂ©s
dans les rues de la ville, pillant tout sur leur passage, tuant 6 personnes, violant 46
autres, torturant, etc. et ce dans un rayon dâenviron 10 km, avant dâĂȘtre freinĂ©s par
des loyalistes locaux et des renforts dĂ©pĂȘchĂ©s de Kinshasa.
Instance judiciaire et Parties ïżœ 1er degrĂ© : TMG de Mbandaka et en Appel : Cour Militaire de Mbandaka
ïżœ 1er degrĂ© : Le MinistĂšre public et 163 parties civiles c/ 62 prĂ©venus dont 2 Ă©vadĂ©s,
1 décédé, 3 hospitalisés. Principal prévenu : Sous-lieutenant MOHINDO
MAMBUSA. En Appel : MinistÚre public contre Appel interjeté par 10 condamnés
et 25 parties civiles.
ProcĂ©dure : ïżœ 12 janvier 2006 : Jugement avant dire droit
ïżœ 20 juin 2006 : DĂ©cision portant condamnation Ă la servitude pĂ©nale Ă perpĂ©tuitĂ©
de 9 accusĂ©s pour crimes contre lâhumanitĂ©. 1 militaire fut condamnĂ© Ă 20 ans
de servitude pénale et deux autres à 5 ans. 29 accusés ont été condamnés à des
peines comprises entre 12 et 24 mois. 15 prévenus ont formellement été acquittés.
LâEtat a Ă©tĂ© solidairement condamnĂ© avec les accusĂ©s Ă payer Ă titre de dommages
et intĂ©rĂȘts de 500 Ă 15.000 USD aux familles des victimes dĂ©cĂ©dĂ©es, aux victimes
de pillage et de viol ainsi quâaux victimes blessĂ©es.
ïżœ Appel interjetĂ© par 10 condamnĂ©s et 25 parties civiles.
ïżœ 15 juin 2007 : arrĂȘt en appel qui confirme 8 condamnations dont seulement 3
pour « crime contre lâhumanitĂ© » et 2 autres ont Ă©tĂ© acquittĂ©s. Quant aux prĂ©tentions
des Parties civiles, la Cour a reconduit les dommages-intĂ©rĂȘts prononcĂ©s au
premier degré. Elle a aussi agréé 7 nouvelles victimes, à qui elle a accordé des
dommages-intĂ©rĂȘts. Au total et en dĂ©finitive lâEtat congolais devra payer la
somme de 126.000 $.
ïżœ LâarrĂȘt a Ă©tĂ© signifiĂ© Ă lâEtat congolais par le truchement du Gouverneur de la
province de lâEquateur le 19 dĂ©cembre 2007. Il sâen est suivi la signification de
lâitĂ©ratif commandement en date du 17 mars 2008
![Page 124: Etude de jurisprudence - ASF](https://reader036.vdocuments.mx/reader036/viewer/2022062502/62afc4be27bbae64720be3ce/html5/thumbnails/124.jpg)
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
AFFAIRE SONGO MBOYO
Faits :Le 21 décembre 2003, des militaires du 9Úme bataillon FARDC, basés dans les
localités de Songo Mboyo réclamÚrent leurs soldes, détournées selon eux par leur
hiérarchie. Ils se révoltent en prenant la population civile locale pour cible. Deux
séries des viols massifs ont été commis à cette occasion ; y compris sur les femmes
de certains officiers supĂ©rieurs de lâarmĂ©e.
Instance judiciaire et Parties ïżœ 1er degrĂ© : TMG de Mbandaka et en Appel : Cour Militaire de lâEquateur
ïżœ 1er degrĂ© : le MinistĂšre public et 35 parties civiles c/ 12 militaires (dont les plus
gradés sont les Lieutenants-colonels Eliwo Ngoy et Bokila Lolemi). En Appel : le
MinistÚre public et 43 parties civiles contre 7 prévenus dont le Colonel Bokila
Lolemi
ProcĂ©dure : ïżœ 07 mars 2006 : Jugement avant-dire droit
ïżœ 12 avril 2006 : condamnation de 7 des 12 prĂ©venus Ă la servitude pĂ©nale Ă perpĂ©tuitĂ©
pour crimes contre lâhumanitĂ© et autres infractions Ă caractĂšre militaire. Les 5
autres prévenus ont été acquittés.
ïżœ Appel interjetĂ© par les 7 militaires condamnĂ©s, les Parties civiles, le MinistĂšre
public et la RDC
ïżœ 7 juin 2006 : arrĂȘt en appel qui confirme la dĂ©cision intervenue au premier degrĂ©
pour 6 prévenus et acquitte le dernier. Il a été alloué à 43 Parties civiles une
somme totale de 165.317$ en guise des dommages et intĂ©rĂȘts, somme qui doit
ĂȘtre payĂ©e solidairement par les condamnĂ©s et lâEtat congolais1.
ïżœ Les condamnĂ©s avaient amorcĂ© une procĂ©dure de pourvoi en cassation mais Ă
dĂ©faut dâavoir pu obtenir la dĂ©signation dâun avocat prĂšs la Cour SuprĂȘme de
Justice ; la phase dâexĂ©cution de la dĂ©cision a Ă©tĂ© dĂ©clenchĂ©e408.
408 Les juges ont adoptĂ© le ratio suivant : 10.000 $ pour la famille dâune femme dĂ©cĂ©dĂ©e Ă la suite des sĂ©vices et du viol, 5.000 $ Ă chacune des autres victimes du viol. Les familles, dont les maisons avaient Ă©tĂ© pillĂ©es ont eu entre 200 et 500 $ de dommages et intĂ©rĂȘts.
![Page 125: Etude de jurisprudence - ASF](https://reader036.vdocuments.mx/reader036/viewer/2022062502/62afc4be27bbae64720be3ce/html5/thumbnails/125.jpg)
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
ANNEXE 2 CONSTITUTIONS DE LA RDC (EXTR AITS)
![Page 126: Etude de jurisprudence - ASF](https://reader036.vdocuments.mx/reader036/viewer/2022062502/62afc4be27bbae64720be3ce/html5/thumbnails/126.jpg)
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
Acte Constitutionnel de la transition (1994)
TITRE VI : DES TRAITES ET ACCORDS INTERNATIONAUX
Article 110 :
Le Gouvernement nĂ©gocie les traitĂ©s et accords internationaux sous lâautoritĂ© du PrĂ©sident
de la RĂ©publique. AprĂšs autorisation du Haut Conseil de la RĂ©publique - Parlement de
Transition, le PrĂ©sident de la RĂ©publique ratifie les traitĂ©sâŠ
Article 111 :
Les traités de paix, les traités de commerce, les traités et accords relatifs aux organisations
internationales et aux rĂšglements des conflits internationaux, ceux qui engagent 1es finances
publiques, ceux qui modifient les dispositions lĂ©gislatives, ceux qui sont relatifs Ă lâĂ©tat des
personnes, ceux qui comportent Ă©change ou adjonction de territoire, ne peuvent ĂȘtre ratifiĂ©s
ou approuvĂ©s quâen vertu dâune loiâŠ.
Article 112 :
Les traités et accords internationaux régu1iÚrement ratifiés ou approuvés ont, dés leur
publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve pour chaque Traité ou
accord, de son application par lâautre partie.
DĂ©cret-loi de la RDC 28 mai 1997
Article I
Ce dĂ©cret-loi restera en vigueur jusquâĂ lâadoption de la Constitution par lâassemblĂ©e
constituante. Lâorganisation et lâexercice du pouvoir relĂšvent du chef de lâEtat.
Article III
Les institutions de la République sont le président de la République, le gouvernement et les
cours et tribunaux.
Article V
Le président de la République exerce le pouvoir législatif par décrets-lois délibérés en conseil
des ministres.
Il est le chef de lâexĂ©cutif et le chef des Forces armĂ©es.
Il exerce ses pouvoirs par voie de décrets.
Il a le droit de battre monnaie et dâĂ©mettre du papier-monnaie en exĂ©cution de la loi.
![Page 127: Etude de jurisprudence - ASF](https://reader036.vdocuments.mx/reader036/viewer/2022062502/62afc4be27bbae64720be3ce/html5/thumbnails/127.jpg)
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
Article VIII
Le gouvernement conduit la politique de la Nation telle que définie par le président de la
RĂ©publique.
Il exĂ©cute les lois de la RĂ©publique et les dĂ©crets du chef de lâEtat.
Il nĂ©gocie les accords internationaux sous lâautoritĂ© du chef de lâEtat.
Il dispose de lâadministration et des Forces armĂ©es.
Article XIII
Sâils ne sont pas contraires aux dispositions du prĂ©sent dĂ©cret-loi constitutionnel, les textes
législatifs et réglementaires existants à la date de sa promulgation restent en vigueur
jusquâau moment de leur abrogation.
Article XIV
Toutes les dispositions constitutionnelles légales et réglementaires antérieures au présent
décret-loi constitutionnel sont abrogées.
DĂ©cret- Loi 1998
Article III modifié :
Les institutions de la RĂ©publique sont :
le Président de la République
lâassemblĂ©e Constituante et LĂ©gislative
Article V :
[Le Président de la République] exerce le pouvoir réglementaire par voie de décret.
Il assure la promulgation des lois de la République démocratique du Congo votées par
lâAssemblĂ©e Constituante et lĂ©gislative.
Article VIII
LâAssemblĂ©e Constituante et LĂ©gislative est chargĂ©e notamment de : [âŠ]
Exercer le pouvoir législatif pendant la période de transition.
![Page 128: Etude de jurisprudence - ASF](https://reader036.vdocuments.mx/reader036/viewer/2022062502/62afc4be27bbae64720be3ce/html5/thumbnails/128.jpg)
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
Constitution de la transition de la République démocratique du Congo (2003)
Article 191:
Le Président de la République ratifie ou approuve les traités et accords internationaux.
Le Gouvernement conclut les accords internationaux non soumis Ă ratification aprĂšs
dĂ©libĂ©ration en Conseil des Ministres. Il en informe lâAssemblĂ©e nationale.
Article 192:
Les traités de paix, les traités de commerce, les traités et accords relatifs aux organisations
internationales et au rĂšglement des conflits internationaux, ceux qui engagent les finances
publiques, ceux qui modifient les dispositions lĂ©gislatives, ceux qui sont relatifs Ă lâĂ©tat des
personnes, ceux qui comportent Ă©change et adjonction de territoire ne peuvent ĂȘtre ratifiĂ©s
ou approuvĂ©s quâen vertu dâune loi.
Nulle cession, nul Ă©change, nulle adjonction de territoire nâest valable sans lâaccord des
populations intéressées, consultées par voie de référendum.
Article 193:
Les traités et accords internationaux réguliÚrement conclus ont, dÚs leur publication,
une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve pour chaque Traité ou accord, de son
application par lâautre partie.
Article 194:
Si la Cour suprĂȘme de justice, consultĂ©e par le Gouvernement, lâAssemblĂ©e nationale ou
le SĂ©nat, dĂ©clare quâun TraitĂ© ou accord international comporte une clause contraire Ă la
prĂ©sente Constitution, la ratification ou lâapprobation ne peut intervenir quâaprĂšs la rĂ©vision
de la Constitution.
![Page 129: Etude de jurisprudence - ASF](https://reader036.vdocuments.mx/reader036/viewer/2022062502/62afc4be27bbae64720be3ce/html5/thumbnails/129.jpg)
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
Constitution de la République démocratique du Congo (février 2006)
Article 213 :
Le Président de la République négocie et ratifie les traités et accords internationaux.
Le Gouvernement conclut les accords internationaux non soumis Ă ratification aprĂšs
dĂ©libĂ©ration en Conseil des ministres. Il en informe lâAssemblĂ©e nationale et le SĂ©nat.
Article 214 :
Les traités de paix, les traités de commerce, les traités et accords relatifs aux organisations
internationales et au rĂšglement des conflits internationaux, ceux qui engagent les finances
publiques, ceux qui modifient les dispositions lĂ©gislatives, ceux qui sont relatifs Ă lâĂ©tat des
personnes, ceux qui comportent Ă©change et adjonction de territoire ne peuvent ĂȘtre ratifiĂ©s
ou approuvĂ©s quâen vertu dâune loi.
Nulle cession, nul Ă©change, nulle adjonction de territoire nâest valable sans lâaccord du
peuple congolais consulté par voie de référendum.
Article 215 :
Les traités et accords internationaux réguliÚrement conclus ont, dÚs leur publication,
une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve pour chaque Traité ou accord, de son
application par lâautre partie.
Article 216 :
Si la Cour constitutionnelle consultée par le Président de la République, par le Premier
ministre, le PrĂ©sident de lâAssemblĂ©e nationale ou le PrĂ©sident du SĂ©nat, par un dixiĂšme des
dĂ©putĂ©s ou un dixiĂšme des sĂ©nateurs, dĂ©clare quâun TraitĂ© ou accord international comporte
une clause contraire Ă la Constitution, la ratification ou lâapprobation ne peut intervenir
quâaprĂšs la rĂ©vision de la Constitution.
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
ANNEXE 3 STATUT DE ROME (EXTR AITS)
Article 7 CRIMES CONTRE LâHUMANITĂ
1. Aux fins du prĂ©sent Statut, on entend par crime contre lâhumanitĂ© lâun quelconque des
actes ci-aprĂšs lorsquâil est commis dans le cadre dâune attaque gĂ©nĂ©ralisĂ©e ou systĂ©matique
lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque :
a) Meurtre ;
b) Extermination ;
c) RĂ©duction en esclavage ;
d) Déportation ou transfert forcé de population ;
e) Emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique en violation des
dispositions fondamentales du droit international ;
f ) Torture ;
g) Viol, esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse forcée, stérilisation forcée ou
toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable ;
h) PersĂ©cution de tout groupe ou de toute collectivitĂ© identifiable pour des motifs dâordre
politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste au sens du paragraphe
3, ou en fonction dâautres critĂšres universellement reconnus comme inadmissibles en
droit international, en corrélation avec tout acte visé dans le présent paragraphe ou tout
crime relevant de la compétence de la Cour ;
i) Disparitions forcées de personnes ;
j) Crime dâapartheid ;
k) Autres actes inhumains de caractĂšre analogue causant intentionnellement de grandes
souffrances ou des atteintes graves Ă lâintĂ©gritĂ© physique ou Ă la santĂ© physique ou
mentale.
2. Aux fins du paragraphe 1 :
a) Par « attaque lancée contre une population civile », on entend le comportement qui
consiste en la commission multiple dâactes visĂ©s au paragraphe 1 Ă lâencontre dâune
population civile quelconque, en application ou dans la poursuite de la politique dâun
Ătat ou dâune organisation ayant pour but une telle attaque ;
b) Par « extermination », on entend notamment le fait dâimposer intentionnellement
des conditions de vie, telles que la privation dâaccĂšs Ă la nourriture et aux mĂ©dicaments,
calculĂ©es pour entraĂźner la destruction dâune partie de la population ;
c) Par « rĂ©duction en esclavage », on entend le fait dâexercer sur une personne lâun
quelconque ou lâensemble des pouvoirs liĂ©s au droit de propriĂ©tĂ©, y compris dans le cadre
de la traite des ĂȘtre humains, en particulier des femmes et des enfants ;
d) Par « déportation ou transfert forcé de population », on entend le fait de déplacer de
force des personnes, en les expulsant ou par dâautres moyens coercitifs, de la rĂ©gion oĂč
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
elles se trouvent légalement, sans motifs admis en droit international ;
e) Par « torture », on entend le fait dâinfliger intentionnellement une douleur ou des
souffrances aiguës, physiques ou mentales, à une personne se trouvant sous sa garde ou
sous son contrĂŽle ; lâacception de ce terme ne sâĂ©tend pas Ă la douleur ou aux souffrances
résultant uniquement de sanctions légales, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées
par elles ;
f ) Par « grossesse forcĂ©e », on entend la dĂ©tention illĂ©gale dâune femme mise enceinte
de force, dans lâintention de modifier la composition ethnique dâune population ou de
commettre dâautres violations graves du droit international. Cette dĂ©finition ne peut en
aucune maniĂšre sâinterprĂ©ter comme ayant une incidence sur les lois nationales relatives
Ă la grossesse ;
g) Par « persécution », on entend le déni intentionnel et grave de droits fondamentaux
en violation du droit international, pour des motifs liĂ©s Ă lâidentitĂ© du groupe ou de la
collectivitĂ© qui en fait lâobjet ;
h) Par « crime dâapartheid », on entend des actes inhumains analogues Ă ceux que vise
le paragraphe 1, commis dans le cadre dâun rĂ©gime institutionnalisĂ© dâoppression
systĂ©matique et de domination dâun groupe racial sur tout autre groupe racial ou tous
autres groupes raciaux et dans lâintention de maintenir ce rĂ©gime ;
i) Par « disparitions forcĂ©es de personnes », on entend les cas oĂč des personnes sont
arrĂȘtĂ©es, dĂ©tenues ou enlevĂ©es par un Ătat ou une organisation politique ou avec
lâautorisation, lâappui ou lâassentiment de cet Ătat ou de cette organisation, qui refuse
ensuite dâadmettre que ces personnes sont privĂ©es de libertĂ© ou de rĂ©vĂ©ler le sort qui
leur est rĂ©servĂ© ou lâendroit oĂč elles se trouvent, dans lâintention de les soustraire Ă la
protection de la loi pendant une période prolongée.
3. Aux fins du prĂ©sent Statut, le terme « sexe » sâentend de lâun et lâautre sexes, masculin et
fĂ©minin, suivant le contexte de la sociĂ©tĂ©. Il nâimplique aucun autre sens.
Article 8 CRIMES DE GUERRE
1. La Cour a compĂ©tence Ă lâĂ©gard des crimes de guerre, en particulier lorsque ces crimes
sâinscrivent dans le cadre dâun plan ou dâune politique ou lorsquâils font partie dâune sĂ©rie de
crimes analogues commis sur une grande Ă©chelle.
2. Aux fins du Statut, on entend par « crimes de guerre » :
a) Les infractions graves aux Conventions de GenĂšve du 12 aoĂ»t 1949, Ă savoir lâun quelconque
des actes ci-aprĂšs lorsquâils visent des personnes ou des biens protĂ©gĂ©s par les dispositions
des Conventions de GenĂšve :
i) Lâhomicide intentionnel ;
ii) La torture ou les traitements inhumains, y compris les expériences biologiques ;
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
iii) Le fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou de porter gravement
atteinte Ă lâintĂ©gritĂ© physique ou Ă la santĂ© ;
iv) La destruction et lâappropriation de biens, non justifiĂ©es par des nĂ©cessitĂ©s militaires
et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire ;
v) Le fait de contraindre un prisonnier de guerre ou une personne protégée à servir dans
les forces dâune puissance ennemie ;
vi) Le fait de priver intentionnellement un prisonnier de guerre ou toute autre personne
protĂ©gĂ©e de son droit dâĂȘtre jugĂ© rĂ©guliĂšrement et impartialement ;
vii) La déportation ou le transfert illégal ou la détention illégale ;
viii) La prise dâotages ;
b) Les autres violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits armés
internationaux dans le cadre Ă©tabli du droit international, Ă savoir, lâun quelconque des actes
ci-aprĂšs :
i) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile en tant
que telle ou contre des civils qui ne participent pas directement part aux hostilités ;
ii) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre des biens de caractĂšre civil,
câest-Ă -dire des biens qui ne sont pas des objectifs militaires ;
iii) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre le personnel, les installations,
le matĂ©riel, les unitĂ©s ou les vĂ©hicules employĂ©s dans le cadre dâune mission dâaide
humanitaire ou de maintien de la paix conformément à la Charte des Nations Unies,
pour autant quâils aient droit Ă la protection que le droit international des conflits armĂ©s
garantit aux civils et aux biens de caractĂšre civil ;
iv) Le fait de diriger intentionnellement une attaque en sachant quâelle causera
incidemment des pertes en vies humaines dans la population civile, des blessures aux
personnes civiles, des dommages aux biens de caractĂšre civil ou des dommages Ă©tendus,
durables et graves Ă lâenvironnement naturel qui seraient manifestement excessifs par
rapport Ă lâensemble de lâavantage militaire concret et direct attendu ;
v) Le fait dâattaquer ou de bombarder, par quelque moyen que ce soit, des villes, villages,
habitations ou bùtiments qui ne sont pas défendus et qui ne sont pas des objectifs
militaires ;
vi) Le fait de tuer ou de blesser un combattant qui, ayant dĂ©posĂ© les armes ou nâayant plus
de moyens de se dĂ©fendre, sâest rendu Ă discrĂ©tion ;
vii) Le fait dâutiliser indĂ»ment le pavillon parlementaire, le drapeau ou les insignes
militaires et lâuniforme de lâennemi ou de lâOrganisation des Nations Unies, ainsi que les
signes distinctifs prévus par les Conventions de GenÚve, et, ce faisant, de causer la perte
de vies humaines ou des blessures graves ;
viii) Le transfert, direct ou indirect, par une puissance occupante dâune partie de sa
population civile, dans le territoire quâelle occupe, ou la dĂ©portation ou le transfert Ă
lâintĂ©rieur ou hors du territoire occupĂ© de la totalitĂ© ou dâune partie de la population de
ce territoire ;
ix) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre des bĂątiments consacrĂ©s Ă
la religion, Ă lâenseignement, Ă lâart, Ă la science ou Ă lâaction caritative, des monuments
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
historiques, des hĂŽpitaux et des lieux oĂč des malades ou des blessĂ©s sont rassemblĂ©s, Ă
condition quâils ne soient pas des objectifs militaires ;
x) Le fait de soumettre des personnes dâune partie adverse tombĂ©es en son pouvoir Ă des
mutilations ou Ă des expĂ©riences mĂ©dicales ou scientifiques quelles quâelles soient qui ne
sont ni motivées par un traitement médical, dentaire ou hospitalier, ni effectuées dans
lâintĂ©rĂȘt de ces personnes, et qui entraĂźnent la mort de celles-ci ou mettent sĂ©rieusement
en danger leur santé ;
xi) Le fait de tuer ou de blesser par traĂźtrise des individus appartenant Ă la nation ou Ă
lâarmĂ©e ennemie ;
xii) Le fait de dĂ©clarer quâil ne sera pas fait de quartier ;
xiii) Le fait de dĂ©truire ou de saisir les biens de lâennemi, sauf dans les cas oĂč ces
destructions ou saisies seraient impérieusement commandées par les nécessités de la
guerre ;
xiv) Le fait de déclarer éteints, suspendus ou non recevables en justice les droits et actions
des nationaux de la partie adverse ;
xv) Le fait pour un belligérant de contraindre les nationaux de la partie adverse à prendre
part aux opĂ©rations de guerre dirigĂ©es contre leur pays, mĂȘme sâils Ă©taient au service de
ce belligérant avant le commencement de la guerre ;
xvi) Le pillage dâune ville ou dâune localitĂ©, mĂȘme prise dâassaut ;
xvii) Le fait dâemployer du poison ou des armes empoisonnĂ©es ;
xviii) Le fait dâemployer des gaz asphyxiants, toxiques ou similaires, ainsi que tous
liquides, matiÚres ou procédés analogues ;
xix) Le fait dâutiliser des balles qui sâĂ©panouissent ou sâaplatissent facilement dans le
corps humain, telles que des balles dont lâenveloppe dure ne recouvre pas entiĂšrement le
centre ou est percĂ©e dâentailles ;
xx) Le fait dâemployer les armes, projectiles, matiĂšres et mĂ©thodes de guerre de nature Ă
causer des maux superflus ou des souffrances inutiles ou Ă frapper sans discrimination
en violation du droit international des conflits armés, à condition que ces armes,
projectiles, matiĂšres et mĂ©thodes de guerre fassent lâobjet dâune interdiction gĂ©nĂ©rale et
quâils soient inscrits dans une annexe au prĂ©sent Statut, par voie dâamendement adoptĂ©
selon les dispositions des articles 121 et 123 ;
xxi) Les atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements humiliants et
dégradants ;
xxii) Le viol, lâesclavage sexuel, la prostitution forcĂ©e, la grossesse forcĂ©e, telle que
dĂ©finie Ă lâarticle 7, paragraphe 2, alinĂ©a f ), la stĂ©rilisation forcĂ©e ou toute autre forme de
violence sexuelle constituant une infraction grave aux Conventions de GenĂšve ;
xxiii) Le fait dâutiliser la prĂ©sence dâun civil ou dâune autre personne protĂ©gĂ©e pour Ă©viter
que certains points, zones ou forces militaires ne soient la cible dâopĂ©rations militaires ;
xxiv) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre les bùtiments, le matériel,
les unités et les moyens de transport sanitaires, et le personnel utilisant, conformément
au droit international, les signes distinctifs prévus par les Conventions de GenÚve ;
xxv) Le fait dâaffamer dĂ©libĂ©rĂ©ment des civils comme mĂ©thode de guerre, en les privant
de biens indispensables Ă leur survie, y compris en empĂȘchant intentionnellement lâenvoi
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
des secours prévus par les Conventions de GenÚve ;
xxvi) Le fait de procĂ©der Ă la conscription ou Ă lâenrĂŽlement dâenfants de moins de 15 ans
dans les forces armées nationales ou de les faire participer activement à des hostilités ;
c) En cas de conflit armé ne présentant pas un caractÚre international, les violations graves
de lâarticle 3 commun aux quatre Conventions de GenĂšve du 12 aoĂ»t 1949, Ă savoir lâun
quelconque des actes ci-aprĂšs commis Ă lâencontre de personnes qui ne participent pas
directement aux hostilités, y compris les membres de forces armées qui ont déposé les
armes et les personnes qui ont été mises hors de combat par maladie, blessure, détention ou
par toute autre cause :
i) Les atteintes Ă la vie et Ă lâintĂ©gritĂ© corporelle, notamment le meurtre sous toutes ses
formes, les mutilations, les traitements cruels et la torture ;
ii) Les atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements humiliants et
dégradants ;
iii) Les prises dâotages ;
iv) Les condamnations prononcées et les exécutions effectuées sans un jugement
préalable, rendu par un tribunal réguliÚrement constitué, assorti des garanties judiciaires
généralement reconnues comme indispensables ;
d) LâalinĂ©a c) du paragraphe 2 sâapplique aux conflits armĂ©s ne prĂ©sentant pas un caractĂšre
international et ne sâapplique donc pas aux situations de troubles et tensions internes telles
que les émeutes, les actes isolés et sporadiques de violence ou les actes de nature similaire ;
e) Les autres violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits armés ne
prĂ©sentant pas un caractĂšre international, dans le cadre Ă©tabli du droit international, Ă
savoir lâun quelconque des actes ci-aprĂšs :
i) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile en tant que
telle ou contre des personnes civiles qui ne participent pas directement aux hostilités ;
ii) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre les bùtiments, le matériel, les
unités et les moyens de transport sanitaires, et le personnel utilisant, conformément au
droit international, les signes distinctifs des Conventions de GenĂšve ;
iii) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre le personnel, les installations,
le matĂ©riel, les unitĂ©s ou les vĂ©hicules employĂ©s dans le cadre dâune mission dâaide
humanitaire ou de maintien de la paix conformément à la Charte des Nations Unies,
pour autant quâils aient droit Ă la protection que le droit international des conflits armĂ©s
garantit aux civils et aux biens de caractĂšre civil ;
iv) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre des bĂątiments consacrĂ©s Ă
la religion, Ă lâenseignement, Ă lâart, Ă la science ou Ă lâaction caritative, des monuments
historiques, des hĂŽpitaux et des lieux oĂč des malades et des blessĂ©s sont rassemblĂ©s,
pour autant que ces bĂątiments ne soient pas des objectifs militaires ;
v) Le pillage dâune ville ou dâune localitĂ©, mĂȘme prise dâassaut ;
vi) Le viol, lâesclavage sexuel, la prostitution forcĂ©e, la grossesse forcĂ©e, telle que dĂ©finie Ă
![Page 135: Etude de jurisprudence - ASF](https://reader036.vdocuments.mx/reader036/viewer/2022062502/62afc4be27bbae64720be3ce/html5/thumbnails/135.jpg)
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
lâarticle 7, paragraphe 2, alinĂ©a f ), la stĂ©rilisation forcĂ©e, ou toute autre forme de violence
sexuelle constituant une violation grave de lâarticle 3 commun aux quatre Conventions
de GenĂšve ;
vii) Le fait de procĂ©der Ă la conscription ou Ă lâenrĂŽlement dâenfants de moins de 15 ans
dans les forces armées ou dans des groupes armés ou de les faire participer activement
à des hostilités ;
viii) Le fait dâordonner le dĂ©placement de la population civile pour des raisons ayant trait
au conflit, sauf dans les cas oĂč la sĂ©curitĂ© des civils ou des impĂ©ratifs militaires lâexigent ;
ix) Le fait de tuer ou de blesser par traĂźtrise un adversaire combattant ;
x) Le fait de dĂ©clarer quâil ne sera pas fait de quartier ;
xi) Le fait de soumettre des personnes dâune autre partie au conflit tombĂ©es en son
pouvoir à des mutilations ou à des expériences médicales ou scientifiques quelles
quâelles soient qui ne sont ni motivĂ©es par un traitement mĂ©dical, dentaire ou hospitalier,
ni effectuĂ©es dans lâintĂ©rĂȘt de ces personnes, et qui entraĂźnent la mort de celles-ci ou
mettent sérieusement en danger leur santé ;
xii) Le fait de dĂ©truire ou de saisir les biens dâun adversaire, sauf si ces destructions ou
saisies sont impérieusement commandées par les nécessités du conflit ;
f ) LâalinĂ©a e) du paragraphe 2 sâapplique aux conflits armĂ©s ne prĂ©sentant pas un caractĂšre
international et ne sâapplique donc pas aux situations de troubles et tensions internes telles
que les émeutes, les actes isolés et sporadiques de violence ou les actes de nature similaire.
Il sâapplique aux conflits armĂ©s qui opposent de maniĂšre prolongĂ©e sur le territoire dâun Ătat
les autoritĂ©s du gouvernement de cet Ătat et des groupes armĂ©s organisĂ©s ou des groupes
armés organisés entre eux.
3. Rien dans le paragraphe 2, alinĂ©as c) et e), nâaffecte la responsabilitĂ© dâun gouvernement de
maintenir ou rĂ©tablir lâordre public dans lâĂtat ou de dĂ©fendre lâunitĂ© et lâintĂ©gritĂ© territoriale
de lâĂtat par tous les moyens lĂ©gitimes.
![Page 136: Etude de jurisprudence - ASF](https://reader036.vdocuments.mx/reader036/viewer/2022062502/62afc4be27bbae64720be3ce/html5/thumbnails/136.jpg)
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a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
Article 30 ĂLĂMENT PSYCHOLOGIQUE
1. Sauf disposition contraire, nul nâest pĂ©nalement responsable et ne peut ĂȘtre puni Ă raison
dâun crime relevant de la compĂ©tence de la Cour que si lâĂ©lĂ©ment matĂ©riel du crime est
commis avec intention et connaissance.
2. Il y a intention au sens du présent article lorsque :
a) Relativement Ă un comportement, une personne entend adopter ce comportement ;
b) Relativement à une conséquence, une personne entend causer cette conséquence ou
est consciente que celle-ci adviendra dans le cours normal des événements.
3. Il y a connaissance, au sens du prĂ©sent article, lorsquâune personne est consciente quâune
circonstance existe ou quâune consĂ©quence adviendra dans le cours normal des Ă©vĂ©nements.
« ConnaĂźtre » et « en connaissance de cause » sâinterprĂštent en consĂ©quence.
Article 31 MOTIFS DâEXONĂRATION DE LA RESPONSABILITĂ PĂNALE
1. Outre les autres motifs dâexonĂ©ration de la responsabilitĂ© pĂ©nale prĂ©vus par le prĂ©sent
Statut, une personne nâest pas responsable pĂ©nalement si, au moment du comportement en
cause :
a) Elle souffrait dâune maladie ou dâune dĂ©ficience mentale qui la privait de la facultĂ© de
comprendre le caractÚre délictueux ou la nature de son comportement, ou de maßtriser
celui-ci pour le conformer aux exigences de la loi ;
b) Elle Ă©tait dans un Ă©tat dâintoxication qui la privait de la facultĂ© de comprendre le
caractÚre délictueux ou la nature de son comportement, ou de maßtriser celui-ci pour le
conformer aux exigences de la loi, Ă moins quâelle ne se soit volontairement intoxiquĂ©e
dans des circonstances telles quâelle savait que, du fait de son intoxication, elle risquait
dâadopter un comportement constituant un crime relevant de la compĂ©tence de la Cour,
ou quâelle nâait tenu aucun compte de ce risque ;
c) Elle a agi raisonnablement pour se défendre, pour défendre autrui ou, dans le cas des
crimes de guerre, pour dĂ©fendre des biens essentiels Ă sa survie ou Ă celle dâautrui ou
essentiels Ă lâaccomplissement dâune mission militaire, contre un recours imminent et
illicite Ă la force, dâune maniĂšre proportionnĂ©e Ă lâampleur du danger quâelle courait ou
que couraient lâautre personne ou les biens protĂ©gĂ©s. Le fait quâune personne ait participĂ©
à une opération défensive menée par des forces armées ne constitue pas en soi un motif
dâexonĂ©ration de la responsabilitĂ© pĂ©nale au titre du prĂ©sent alinĂ©a ;
d) Le comportement dont il est allĂ©guĂ© quâil constitue un crime relevant de la compĂ©tence
de la Cour a Ă©tĂ© adoptĂ© sous la contrainte rĂ©sultant dâune menace de mort imminente
ou dâune atteinte grave, continue ou imminente Ă sa propre intĂ©gritĂ© physique ou Ă celle
![Page 137: Etude de jurisprudence - ASF](https://reader036.vdocuments.mx/reader036/viewer/2022062502/62afc4be27bbae64720be3ce/html5/thumbnails/137.jpg)
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
dâautrui, et si elle a agi par nĂ©cessitĂ© et de façon raisonnable pour Ă©carter cette menace,
Ă condition quâelle nâait pas eu lâintention de causer un dommage plus grand que celui
quâelle cherchait Ă Ă©viter. Cette menace peut ĂȘtre :
i) Soit exercĂ©e par dâautres personnes ;
ii) Soit constituĂ©e par dâautres circonstances indĂ©pendantes de sa volontĂ©.
2. La Cour se prononce sur la question de savoir si les motifs dâexonĂ©ration de la responsabilitĂ©
pénale prévus dans le présent Statut sont applicables au cas dont elle est saisie.
3. Lors du procĂšs, la Cour peut prendre en considĂ©ration un motif dâexonĂ©ration autre que
ceux qui sont prĂ©vus au paragraphe 1, si ce motif dĂ©coule du droit applicable indiquĂ© Ă
lâarticle 21. La procĂ©dure dâexamen de ce motif dâexonĂ©ration est fixĂ©e dans le RĂšglement de
procédure et de preuve.
Article 32 ERREUR DE FAIT OU ERREUR DE DROIT
1. Une erreur de fait nâest un motif dâexonĂ©ration de la responsabilitĂ© pĂ©nale que si elle fait
disparaĂźtre lâĂ©lĂ©ment psychologique du crime.
2. Une erreur de droit portant sur la question de savoir si un comportement donné constitue
un crime relevant de la compĂ©tence de la Cour nâest pas un motif dâexonĂ©ration de la
responsabilitĂ© pĂ©nale. Toutefois, une erreur de droit peut ĂȘtre un motif dâexonĂ©ration de
la responsabilitĂ© pĂ©nale si elle fait disparaĂźtre lâĂ©lĂ©ment psychologique du crime ou si elle
relĂšve de lâarticle 33.
Article 33 ORDRE HIĂRARCHIQUE ET ORDRE DE LA LOI
1. Le fait quâun crime relevant de la compĂ©tence de la Cour a Ă©tĂ© commis sur ordre dâun
gouvernement ou dâun supĂ©rieur, militaire ou civil, nâexonĂšre pas la personne qui lâa commis
de sa responsabilité pénale, à moins que :
a) Cette personne nâait eu lâobligation lĂ©gale dâobĂ©ir aux ordres du gouvernement ou du
supérieur en question ;
b) Cette personne nâait pas su que lâordre Ă©tait illĂ©gal ; et
c) Lâordre nâait pas Ă©tĂ© manifestement illĂ©gal.
2. Aux fins du prĂ©sent article, lâordre de commettre un gĂ©nocide ou un crime contre
lâhumanitĂ© est manifestement illĂ©gal.
![Page 138: Etude de jurisprudence - ASF](https://reader036.vdocuments.mx/reader036/viewer/2022062502/62afc4be27bbae64720be3ce/html5/thumbnails/138.jpg)
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ANNEXE 4 TABLEAU RĂCAPITULATIF DES RECOMMANDATIONS RELATIVES Ă LâAPPLICATION DU STATUT DE ROME PAR LES JURIDICTIONS CONGOLAISES
Sont ici prĂ©sentĂ©s les Ă©lĂ©ments quâil serait utile de voir figurer dans les dispositifs des
jugements. Au vu des remarques formulées précédemment, il apparaßt que la premiÚre
faiblesse des dĂ©cisions rendues sur base de lâapplication du Statut de Rome concerne le
manque de précisions dans les motivations des jugements. En effet, si la Constitution
prĂ©voit que « tout jugement doit ĂȘtre Ă©crit et motivĂ© », en lâespĂšce trop peu de dĂ©cisions
exposent avec clarté les éléments de droit pertinents, les éléments de preuve qui ont été
retenus, et lâapplication des concepts juridiques aux faits du cas dâespĂšce.
En rĂ©sumĂ©, ASF tient donc souligner lâimportance primordiale pour les magistrats de
sâattacher Ă faire apparaĂźtre dans leurs jugements les Ă©lĂ©ments ci-aprĂšs mentionnĂ©s, et
Ă adopter un comportement juridique conforme aux dispositions du Statut de la Cour
pénale internationale.
![Page 139: Etude de jurisprudence - ASF](https://reader036.vdocuments.mx/reader036/viewer/2022062502/62afc4be27bbae64720be3ce/html5/thumbnails/139.jpg)
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140
a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
141
Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
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140
a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s
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Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
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142
a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
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![Page 143: Etude de jurisprudence - ASF](https://reader036.vdocuments.mx/reader036/viewer/2022062502/62afc4be27bbae64720be3ce/html5/thumbnails/143.jpg)
142
a vo c at s s ans f r o n t i Ăš r e s Ă©tude de jurisprudence | lâapplication du statut de rome de la cour pĂ©nale internationale par les juridictions de la rĂ©publique dĂ©mocratique du congo
143
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