etude cinétique de l'action de la trypsine sur la β-lactoglobuline native ou dénaturée par...

16
72 BIOCHIMICAET BIOPHYSICAACTA VOL. 22 (1956) ETUDE CINI~TIQUE DE L'ACTION DE LA TRYPSINE SUR LA fl-LACTOGLOBULINE NATIVE OU D]~NATUR]~E PAR LA CHALEUR par FRAN(~OISE LABEYRIE Laboratoire de Biologie physicochimique de la Facult~ des Sciences, Institut de Biologie physicochimique, Paris (France) INTRODUCTION La comparaison des hydrolyses enzymatiques d'une m~me prot~ine sons sa forme native et sous une forme d~natur~e a fait l'objet de nombreux travaux. Elle semble en effet un moyen d'aborder l'6tude de la structure des prot6ines d'une part, et le m6canisme de la d6naturation d'autre part. On a observ6 qu'apr~s d6naturation, les prot6ines sont g6n6ralement hydrolys6es avec une vitesse plus grande 1,*, 3, avec un coefficient de temp6rature plus faible*; les agents d6naturants augmentent la vitesse d'hydrolyse des prot6ines natives 4, 5, alors que certains sels diminuent k la fois les vitesses de d6naturation par la chaleur de certaines prot6ines, et leur vitesse d'hydrolyse e, 7. Un certain nombre de ces exp6riences ont conduit LINDERSTROM-LANG et ses coUaborateurs k supposer que l'attaque des liaisons peptidiques par les prot6ases ne se ferait que sur une forme d6natur6e des prot6ines; cette forme d6natur6e r6sultant d'un 6quilibre r6versible avec la forme native*, ou d'une attaque pr61iminaire de la prot6ase agissant comme d6naturase s. L'hypoth~se de la d6naturation pr6alable se heurte ~ un certain nombre de ditticult6s: elle implique en effet dans le premier cas l'existence d'un 6quilibre du type N ~ Den absence d'agents d6naturants et k la temp6rature ordinaire. Dans le deuxi~me cas, il faut admettre, si la d6naturation est ant6rieure k l'attaque des liaisons peptidiques, que la prot6ase peut couper autre chose que ces liaisons peptidi- ques, c'est-~-dire des liaisons hydrog~ne responsables du caract~re compact de la prot6ine native. On a aussi pens68 que la d6naturation peut "accompagner" l'attaque des lisisons peptidiques, la rupture des liaisons secondaires n'6tant alors qu'une cons6quence de celle des liaisons peptidiques. Jusqu'k pr6sent aucune 6tude cin6tique complete n'a 6t6 faite sur l'hydrolyse d'une m6me prot6ine avant et apr~s d6naturation. C'est pourquoi nous nous sommes propos6 d'6tudier la prot6olyse, par la trypsine, de la lactoglobuline native et de la lactoglobuline d6natur6e par la chaleur. Celle-ci a 6t6 pr6par6e sous deux formes diff6rentes "s" et "/" (selon les techniques d6crites par BRIGGS ET HULLg), qui different beaucoup quant ~ la dur6e du traitement de d6naturation (IO minutes ~ ioo ° pour "s", IO minutes ~. IOO ° puis 4 heures ~ 60 ° pour "/"). Ces pr6parations sont presque homog~nes ~. l'61ectrophor~se; leur mobilit6 61ectrophor6tique et leur poids mol6culaire ne sont pas identiques. Bibliographie p. 86]87.

Upload: francoise-labeyrie

Post on 21-Oct-2016

213 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

72 BIOCHIMICA ET BIOPHYSICA ACTA VOL. 22 (1956)

E T U D E C I N I ~ T I Q U E D E L ' A C T I O N D E LA T R Y P S I N E S U R LA

f l - L A C T O G L O B U L I N E N A T I V E OU D]~NATUR]~E P A R LA C H A L E U R

par

FRAN(~OISE LABEYRIE

Laboratoire de Biologie physicochimique de la Facult~ des Sciences, Institut de Biologie physicochimique, Paris (France)

INTRODUCTION

La comparaison des hydrolyses enzymatiques d'une m~me prot~ine sons sa forme native et sous une forme d~natur~e a fait l 'objet de nombreux travaux. Elle semble en effet un moyen d'aborder l '6tude de la structure des prot6ines d'une part, et le m6canisme de la d6naturation d 'autre part.

On a observ6 qu'apr~s d6naturation, les prot6ines sont g6n6ralement hydrolys6es avec une vitesse plus grande 1,*, 3, avec un coefficient de temp6rature plus faible*; les agents d6naturants augmentent la vitesse d'hydrolyse des prot6ines natives 4, 5, alors que certains sels diminuent k la fois les vitesses de d6naturation par la chaleur de certaines prot6ines, et leur vitesse d'hydrolyse e, 7.

Un certain nombre de ces exp6riences ont conduit LINDERSTROM-LANG et ses coUaborateurs k supposer que l 'a t taque des liaisons peptidiques par les prot6ases ne se ferait que sur une forme d6natur6e des prot6ines; cette forme d6natur6e r6sultant d'un 6quilibre r6versible avec la forme native*, ou d'une at taque pr61iminaire de la prot6ase agissant comme d6naturase s.

L'hypoth~se de la d6naturation pr6alable se heurte ~ un certain nombre de ditticult6s: elle implique en effet dans le premier cas l 'existence d'un 6quilibre du type N ~ D e n absence d 'agents d6naturants et k la temp6rature ordinaire. Dans le deuxi~me cas, il faut admettre, si la d6naturation est ant6rieure k l 'a t taque des liaisons peptidiques, que la prot6ase peut couper autre chose que ces liaisons peptidi- ques, c'est-~-dire des liaisons hydrog~ne responsables du caract~re compact de la prot6ine native. On a aussi pens68 que la d6naturation peut "accompagner" l 'at taque des lisisons peptidiques, la rupture des liaisons secondaires n '6tant alors qu'une cons6quence de celle des liaisons peptidiques.

Jusqu'k pr6sent aucune 6tude cin6tique complete n 'a 6t6 faite sur l 'hydrolyse d'une m6me prot6ine avant et apr~s d6naturation. C'est pourquoi nous nous sommes propos6 d'6tudier la prot6olyse, par la trypsine, de la lactoglobuline native et de la lactoglobuline d6natur6e par la chaleur. Celle-ci a 6t6 pr6par6e sous deux formes diff6rentes "s" et " / " (selon les techniques d6crites par BRIGGS ET HULLg), qui different beaucoup quant ~ la dur6e du t rai tement de d6naturation (IO minutes ~ ioo ° pour "s", IO minutes ~. IOO ° puis 4 heures ~ 60 ° pour "/"). Ces pr6parations sont presque homog~nes ~. l'61ectrophor~se; leur mobilit6 61ectrophor6tique et leur poids mol6culaire ne sont pas identiques.

Bibliographie p. 86]87.

VOL. 22 (I956) ACTION DE LA TRYPSINE SUR LA fl-LACTOGLOBULINE 73

Nous 6tudions les variations de la vitesse initiale de prot6olyse avec la temp6ra- ture, puis avec les concentrations de lactoglobuline, ~ plusieurs temp6ratures comprises entre 2o et 45 ° C, pour chacune des formes native et d6natur6es "s" et " /" de laetoglobuline. Le milieu est g6n6ralement du chlorure de sodium o.I N; quelques d6terminations sont faites clans un milieu borate M/2o et M/Io pour examiner l'influence de cet ion.

Les r6sultats seront donn6s en appliquant la th6orie des r6actions enzymatiques 1°

, - ~ E S ~ & _ > E + p ; comme a un processus simple. On admet donc le schema: E + S

le premier processus correspond k la formation r6versible d'un complexe interm6diaire entre l 'enzyme E et le substrat S, le deuxi~me ~ la d6composition irr6versible de ce complexe pour donner les produits P de transformation du substrat, en lib6rant l'enzyme, k 1, k~ et k, sont les constantes de vitesse des trois r6actions de formation, dissociation et d6composition du complexe interm6diaire.

On d6terminera par l'une des repr6sentations graphiques classiques, pour chacun des trois substrats, les constantes de Michaelis et de vitesse de d6composition du complexe enzyme-substrat, soient Km et k,. K~, ou constante de Michaelis, est ~gale d'apr~s BRIGGS et HALDANE 11 ~ (k 1 + k~)/k 1 dans le cas g~n6ral et se simplifie en k~/k~ ou constante de dissociation de la r6action d'6quilibre, lorsque k~ est petit par rapport k k~.

Les grandeurs thermodynamiques, variation d'6nergie libre, d'entropie et d'enthalpie, correspondant au processus d'activation r6versible du complexe inter- m6diaire selon la th6orie des vitesses absolues de r6action (AF*, AS*, AH*) s'obtien- dront k partir des valeurs de k~ et de ses variations avec la temp6rature.

Ces constantes seront d'abord consid6r6es comme des constantes apparentes, c'est-k-dire que nous ne ferons, a priori, aucune hypoth~se sur la Signification des grandeurs d6termin6es. Les r6sultats seront ensuite discut6s en tenant compte des caract~ristique des r6actions de prot6olyse. On essaiera de voir s'ils sont compatibles avec l'hypothbse de la d6naturation pr6alable ou avec l'id6e d'une attaque directe de la prot6ine native.

MATI~RIEL ET MI~THODES

La r6action de prot6olyse s'effectue en a jou tan t ~ une solution de lactoglobuline nat ivo ou d6natur6e amen6e A p H 8.o et ~, la temp6ra ture d6sir6e, un faible volume d 'une solution de t rypsine en milieu HC1 dilu6, Les concentrat ions finales en lactoglobuline et en t rypsine var ient respective- men t dans les limites s = i A 3 o mg/ml et e = 5 ~, I5O /~g/ml selon les exp6riences. On mesure en fonction du t emps le nombre des liaisons peptidiques d6truites de mani~re ~. d6terminer la vitesse initiale v de la r6action (exprim6e en liaisons peptidiques par minute et par ml de solution). Pour pouvoir comparer les r6sultats des diverses exp6riences, nous donnons les valeurs de vie, c'est-~-dire de cette vitesse initiale divis6e par la concentrat ion d 'enzyme (en/~g]ml). Nous sommes gdn6ralement plac6s dans des conditions cfl les vitesses de r~action sont proport ionnelles ~ e; nous avons choisi en effet de faibles concentrat ions d 'enzyme de mani~re que la r~action 6volue lin6airement en fonction du t emps pendant le cours des d6terminations, ainsi la pr6cision sur la vitesse initiale est tr~s bonne.

Au cours d 'une s6rie d'exp~riences (variation de la vitesse avec la concentrat ion en lacto- globuline, variat ion de la vitesse avec la temp6rature , etc.), toutes les solutions de lactoglobuline sont pr6par~es par dilution d 'une mSme solution m~re, gard~e quelques heures ~. la t empera tu re de la piece, ~ p H 5.o. Les r6sultats sont ind6pendants du m o m e n t oh a 6t~ faite cette dilution. Les 6chantillons de t rypsine sont prdlev~s aussi sur une m~me solution m~re, gard6e ~. la t empera tu re de la piece, en solution HC1 IO -3 N; dans ces condit ions la t ryps ine ne subit aucune inact ivat ion pendan t la dur~e de l 'exp~rience (4 a 3 heures).

Bibliographie p. 86[87.

74 F. LABEYRIE VOL ~ (I956)

I. Lactoglobuline native

La fl-Iactogl0buline a ~t6 pr6par6e selon une modif icat ion TM de la m6 thode de Pa lmer* . La suspens ion cristal l ine dans l ' eau distilMe, une ou deux lois recristallis6e, est gard6e en glaei~re apr~s add i t ion d ' u n e gou t t e de tolUene; elle es t utitis6e dans les deux mois qul su ivent . Les solut ions de lacto- globul ine na t ive ou " N " s en t fai tes pa r d issolu t ion des c r i s t aux d6can t6 s , dans NaC1 o.I N pu i s dialys6s cen t r e le m 6 m e mil ieu p e n d a n t la nu i t en t ube de ce l lgphane ~ froid. Elles s e n t t ou jou r s uti l is6es pour les exp6riences moins de 48 heures apr~s la d issolut ion des c r i s t aux ; leurs con- cen t ra t ions s en t calcul~es g par t i r des densi t~s op t iques mesur6es au spec t ropho tom~t re de Beckman , ~ 280 m/z en p r e n a n t c o m m e coefficient I / e = Cmg.ml-1/D1 cm, la va leur 13 1.o 4 que nous avons contr616e pa r dosage d ' azo te Kje ldah l (N = 15.6 %14). Les so lu t ions s en t amen6es la concen t ra t ion voulue et gard6es A la t e m p 6 r a t u r e de la piece 2 ou 3 heures a v a n t les exp6riences. Nous avons m o n t r 6 d ' a u t r e pa r t 15 que cet te prot6ine, dans nos condi t ions exp6r imenta les , se compor t e pour la t ryps ine c o m m e un s u b s t r a t homog~ne.

2. Lactoglobuline d~natur~e Les solu t ions de lac toglobul ine d6na tur6e pa r la chaleur, " s " et "]" , on t 6t6 pr6par6es selon les indica t ions de BRIGGS ET HULL 9. Des' so lu t ions 5 m g / m l en prot6ine nat ive , dialys6es une nu i t cen t re un t a m p o n p h o s p h a t e p H 7.0, de force ionique o.I, s e n t d6na tur6es pa r l ' une des t echn iques su ivan t e s :

Forme " s " . La so lu t ion es t d6gaz6e sous vide p e n d a n t que lques heures ; des f rac t ions de 20 ml s en t plac6es dans u n e f i o l e en ver re mince s u r m o n t 6 e d ' u n r~fr ig6rant h air; on plonge la fiole dans u n bac c o n t e n a n t une g rande quan t i t 6 d ' eau ~ l '~bull i t ion en a g i t a n t pour a m e n e r r a p i d e m e n t la t e m p 6 r a t u r e au vois inage de IOO ° C. Au b o u t de io minu te s , on refroidi t b rusque - meri t en p longean t la fiole, avec agi ta t ion , dans un m61ange ~au-g lace ; apr~s fi l trat ion, une par t ie du m61ange des dif[6rentes f rac t ions ainsi t ra i t~es es t pra ter6 pou r ana lyse r l 'homog~n6i t6 ~lectro- phor6 t ique des so lu t ions ; lo res te est dialys6 cen t r e NaC1 o. i N une nu i t en c h a m b r e froide avec agi ta t ion . Le p H e s t alors ~gal ~ 7.0. Les so lu t ions s en t a b s o l u m e n t l impides ; leurs concen t ra t ions c o m m e celles des solut ions " / " opalescentes on t 6t6 mesur6es pa r dosage d ' azo te (N = 15.6 %14). Elles s e n t dilu6es ~ la va l eu r vou lue et 6tudi~es dans la journ6e.

Forme " ] " : La solut ion de lactoglobul ine en t a m p o n p h o s p h a t e p H 7.0 de force ionique o. i , non d6gaz6e, de concen t r a t ion 5 ou IO mg/ml , est ptac~e dans une a m p o u l e que l 'on scelle /t la press ion ordinaire; cet te a m p o u l e est plong6e io m i n u t e s dans u n ba in d ' eau bouil tante, refroidie

o °, pu is por t6e 4 heures ~ 6o °. On fai t u n pr61~vement pour le contr61e 61ectrophor~tique d 'homog6n6i t6 ; le reste es t dialys6 cen t r e NaC1 o. i N.

L 'homog6n~i t~ des so lu t ions " s " d ' u n e pa r t et "]" d ' a u t r e pa r t ainsi pr6par~es a t ou jou r s 6t6 t rouv6e sup6rieure ~ 90 %.

Un essai de p r6para t ion de la solut ion " s " pa r chauffage en ampou le scell6e donne une propor- t ion n o t a b l e m e n t p lus g rande du c o m p o s a n t "["; il en est de m ~ m e lorsque la solut ion n ' e s t pas b ien d~gaz6e; il es t probable que la t r a n s f o r m a t i o n de " s " en " / " m e t en jeu une oxyda t i on des groupes SH lib6r6s dans le processus pr imai re de d6na tu ra t ion .

3. Trypsine La t ryps ine (Wor th ing ton , env i ron 5o % MgSO~, une fois cristallis6e) est d i ssoute h la concen t ra t ion de Io m g / m l dans HC1 o.oi N, dialys6e cen t re ce m ~ m e milieu, s tock6e ~ 2 ° C et util is6e dans un d61ai qui n 'exc~de pas 15 jours ; les concen t r a t ions s en t calcul6es A par t i r des mesu res de densi t6 op t ique au spec t ropho tom~t re , ~ 280 m/~, sur des solut ions d ' env i ron 0. 5 m g / m l ; le coefficient I ] e = Cmg.ml-1/D1 cm a 6t6 pris 6gal ~ 0.62 (d6termina t ion fai te pa r P. JOLIET par microdosage d!azote Kje tdah l avec N = 16 %). Cet te va leur es t compr ise dans les l imi tes des r6su l t a t s indiqu6s pa r diff6rents au teurs , qu i s ' dche lonnen t de o.561s ~ o.731L On dilue q u a n t i t a t i v e m e n t des 6chant i l lons pr61ev6s sur ce t te solut ion s tock ~ la concen t ra t ion finale d6sir~e de mani~re que la concen t r a t i on finale en HC1 soit io -~ N. C 'es t ~ par t i r de cet te nouvel le solut ion que s en t pr61ev6s

la mic rop ipe t t e ~ s t r ic t ion les 6chant i l lons de t ryps ine qui s e n t a jout6s A la lactoglobuline.

4. Solutions salines T a m p o n bora te M / i o : s o l u t i o n M / i o en acide borique, M / i o en ch lorure de sod ium, amen6e p H 8.0 pa r add i t ion de soude N. T a m p o n bora te M/2o : solut ion pr6c6dente dilu6e avec une m~nle quan t i t 6 d ' eau distill6e, le p H 6 t a n t r6ajus t6 ~ 8.0. T a m p o n phospha te , p H 7, force ionique o. d 'apr~s GREEN18: p h o s p h a t e m o n o p o t a s s i q u e o.o225 M, p h o s p h a t e d isodique 0.0275 2~I, p H contr616 ~ l '61ectrode d 'hydrog~ne . Tou te s les so lu t ions s e n t fai tes avec de l ' eau bidistill6e dans du verre Pyrex .

Les p r6para t ions de f l- lactoglobufine m ' o n t 6t6 g randemel l t facilit6es grace ~ l 'a ide de MM. F~VRIER, MOCQUOT et VERGg, du Centre Zoo techn ique de Jouy-en - Josas , qui m ' o n t donn6 la possibil i t6 d ' avo i r du lair tr~s f r a l chemen t t r a i t et 6cr6n16.

Bibliographie t9. 86]87.

VOL. 2 2 (1956) ACTION DE LA TRYPSINE SUR LA ~-LACTOGLOBULINE 75

5. Titrage des liaisons peptidiques ddtruites La m6 thode g6n6ra lement uti l is6e es t celle propos6e pa r WALEY ET WATSON 1~ pour 6tudier l ' hydro- lyso de la polylysine, Elle consis te 5. mesu re r la quan t i t 6 de N a O H o.I N ~ a jou te r (avec une micro-ser ingue "Agla" ) pour m a i n t e n i r le p H c o n s t a n t A la va leur de 8.0. Nous- avons constat62° que le h o m b r e des g roupes a - amin6s dos6s dans ces condi t ions es t iden t ique ~ celui des g roupes ca rboxy l iques t i t r6s en mil ieu 70% ac~tonique 5. p H 4.5 pa r la m6 thode de LINDERSTROM-LANG ~1. C o m m e JACOBSEN a m o n t r 6 que le po in t final de ce t i t rage es t s toech iom6tr ique zz, nous a d m e t t r o n s que le h o m b r e des g roupes t i t r6s dans ces condi t ions es t 6gal au n o m b r e de l iaisons pep t id iques d6trui tes .

Cet te m 6 t h o d e po t en t i om6 t r i que convien t pour suivre les prot6olyses en milieu peu t a m p o n n 6 , NaC1 M]io ou bo ra t e M[2o. Quelques exp6riences en milieu bora te M/2o et M/Io on t 6t6 fai tes pa r la m6 thode de LINDERSTROM-LANG. Les d6tails t echn iques on t 6t6 donn6s d ' a u t r e pa r t z, 1% 2o.

R~SULTATS

Nous utilisons les symboles K . w, K~ s e t Kml pour repr6senter les constantes de Michaelis exp6rimentales concernant l 'hydrolyse par la trypsine des trois substrats: lactoglobuline native " N " , lactoglobuline d6natur6e "s" et lactoglobuline d6natur6e "/" . De m~me nous utiliserons les symboles k, ev, k,s, k, i pour repr6senter les trois constantes de d6composition des complexes enzyme-substrat.

Avec la repr6sentation graphique de EAI)IE 2~ que nous avons utilis6e [vie [(v/e.s)~, si les vitesses v de r6action sont proportionnelles aux concentrations e d'enzyme, la pente mesure la constante de Michaelis K m, tandis que l'ordonn6e ~t l'origine est 6gale k k 2, constante de vitesse de d6composition du complexe enzyme- substrat. La vitesse pour une concentration en substrat s est donn6e par l'ordonn6e de l'intersection' de la droite repr6sentative avec une droite de pente s passant par l'origine.

i . Stabilit~ des solutions

On n'observe pas de variation de la vitesse d'hydrolyse en pr6sence de trypsine, des solutions de lactoglobuline native laiss6es plus ou moins longtemps en milieu 16g~re- ment alcalin; ainsi, trois 6chantillons d'une solution (en milieu NaC1 o.I N amen6e ~t pH 8.0, ~ 35 °, par addition de NaOH o.I N et gard6e k la m6me temp6rature en flacon bouch6) pr61ev6s IO, 60 et 27o minutes apr~s l 'ajustage du pH, ont des vitesses d'hydrolyse idemiques (1.51-1.51-1.51-lO -7 LP/min/ml). Cet exemple donne une id6e de la reproductibilit6 qu'il est possible d 'obtenir pour les vitesses de prot6olyse par la m6thode potentiom6trique au cours d'une m~me exp6rience.

Dans toutes les autres exp6riences, les pH ont ~t6 amen6s 5. 8.o environ 5 minutes apr~s la stabilisation de la temp6rature, et IO minutes avant l 'addition de la trypsine. Lorsque les concentrations en trypsine varient entre o et 50 t~g/ml, les vitesses de r6action sont proportionnelles ~ ces concentrations; quelques exp6riences (~ 35 ° C) semblent indiquer que pour des concentrations en trypsine de 15o/zg/ml, la proportion- nalit6 n'est plus r6alis6e.

2. Influence des sels

Dans la z6ne de concentrations en NaC1 utilis6e, la vitesse d'hydrolyse n'est pas sensible ~ la force ionique des solutions; ainsi deux solutions de lactoglobuline native (7 mg/ml) s 'hydrolysent avec la m~me vitesse pour des concentrations o.I et 0.05 N de NaC1. La pr6sence de phosphate en solution dilu6e (NaC1 o.I N, tampon phosphate

Bibliographie p. 86]87.

76 F. LABEYRIE VOL. 9.9. (1956)

d isodique-monopotass ique M/Ioo, p H 8.o) ne modifie pas la vi tesse ni la cons tante de Michaelis.

Les ions bora te ont une influence assez part iculi~re. YoN 24 a t rouv6 & p H 7.0 darts un t a m p o n bora te M / 5 une 6nergie d ' a c t i v a t i o n (28,ooo cal/mol.) ano rma lemen t 61ev6e p a r r appor t celle t rouv6e en t a m p o n phosphate . D ' a u t r e pa r t , elle a observ6 qu'& p H 7 6galement, un t a m p o n bora te (acide bor ique M/5, NaC1 M/Io, b o r a x M/2oo) se compor te comme un inh ib i t eu r du t ype non comp6t i t i f

25°C mais n ' a aucune act ion 35 °. Comme le degr6 d ' i nh ib i t i on var ie avec le subs t r a t prot6ique, a insi que l ' on t montr6 que lquesex- p6riences avec la cas6ine, elle est amen6e k penser que les ions bora te agissent en se f ixant sur le subs t ra t et que cet te f ixat ion se fai t avec un g rand coefficient de temp6rature . Nous avons fa i t quelques exp6riences qui mon t r en t qu 'k p H 8.0, k 35 ° C, la vi tesse de prot6olyse est plus grande en t ampon bora te M/2o qu 'en

v/e 8x10 -9

"T

:3.

o. • ; 4

-7 t -

E 2 & J

o

BorQte MI20

<.o N/,0

~ Borate M/IO

0.4 0.8 1.2 1.6 × 10 -g v /es LP.min -1. mg -1 par' jJg-ml "1

F i g . i . I n f l u e n c e d u b o r a t e s u r l a vitesse d e p r o t 6 o l y s e et la constante de Michaelis de la lactoglobuline native (pH 8, 35 °, e = 2o ffg/ml. Repr6sentation graphique d'EADIE: Km donn6 par la pente des droites repr6sentatives, k 2 par l'ordonn6e & l'origine. Vitesses mesur6es par la m6thode potentiom6trique (O, × ), par la m6thode de LINDERSTROM-LANG (O), exprim6es en liaisons peptidiques d6truites par

minute par ml de solution.

&

x10 -7 ,3~4o8 6 z/

~-~ x~/×.o ~ 27°8 ~ , , . o

-J 2

2 0 ° 7 I

1 2 3 4 5 6 7 t minutes

Fig. 2. Cin6t ique de la prot6olyse de la Iactoglobul ine nat ive ~, plusieurs temp6ratures. (s = 5 rag/rot; e = 45 f fg/ml ; solutions en NaCI o.I N amen6es & pH 8.0 par addition de NaOH o.I N & raison de 20, 21, 22 /d/ml pour zo°7, 27°8,

34°8 respectivement).

Bibliographie p. 86/87.

t I de la r6act ion de prot6olyse de la lac toglobul ine na t ive pa r la t ryps ine ~ diff6rentes temp6ra- tures. Les r6sul ta ts port6s sous la forme log10 v en fonct ion de I/T (degr6 Kelv in -1) donnen t une dro i te (Fig. 5). L '6nergie d ' a c t i v a t i o n exp6r imenta le /~v est 6gale au p rodu i t de la pen te pa r 2.3 × 2 cal/mol. Le Tab leau I indique les r6sul ta ts de cinq d6 te rmina t ions fai tes avec des solutions et pr6para- t ions diff6rentes de lac toglobu- l ine; les valeurs exp6rimen- tales ne var ien t pas avec les

NaC1 M / I o ; la cons tan te de Michaelis (Fig. I) semble 16g6rement modifi6e; le t ampon bora te M/io inhibe for tement la r6act ion de prot6olyse. Cette quest ion demande des inves t iga t ions suppl6mentai res .

3. Variation des vitesses d'hydrolyse avecla tempdrature. Energies d'activation L a Fig. 2 mont re l '6volut ion

I

VOL. ~9. (1956) ACTION DE LA TRYPSINE SUR LA ~-LACTOGLOBULINE 77

concentrations en trypsine; leur moyenne est t% = 18,6oo 4- 5oo cal/mol.

T A B L E A U I

ENERGIE D'ACTIVATION DE PROT~OLYSE ~ p H 8.0

Lactoglobuline ¢~ 5 mg/,"l Milieu salin e ttg/ml i~v ¢alJmol. I* v moyen cal/,"ol.

N a t i v e NaC1 o.I N 3 ° 19,ooo N a t i v e NaC1 o.I N 3 ° 18,5oo N a t i v e Bora te o.o 5 N 3 ° 19,6oo N a t i v e Bora te o,o5 N 16o 18,ooo N a t i v e NaC1 o.I N 16o 18,ooo D6naturde "s'" NaC1 o.I N 2o 13,8oo D6natur6e " s " NaC1 o. i N 20 14,7oo D6na tur6e " ] " NaC1 o . i N 20 14,2oo Ddna tur6e " / " NaC1 o. i N 20 14,2oo

18,6oo

14,2oo

14,2oo

Les 6nergies d'activation exp6rimentales correspondant k la prot6olyse des deux formes "s" et "/" de lactoglobuline d6natur6e par la chaleur (Tableau I) sont plus faibles que la pr6c6dente et toutes deux 6gales ~ 14,2oo 4- 500 cal/mol.

Comme on l'a souvent soulign6, cette 6nergie d'activation exp6rimentale est une fonction complexe des 6nergies d'activation des trois r6actions de formation, dissocia- tion et d6composition du complexe enzyme-substrat ; on peut calculer, en particulier par la formule qu'a donn6e r6cemment GIBSON as, l'6nergie d'activation correspondant

la seule r6action de d6composition du complexe enzyme-substrat, soit ~k, si l'on

connait ~ , s/K," et d(lOgl0 K,") d(1/T) . Pour la lactoglobuline native, comme on le verra

ci-dessous, la constante de Michaelis, quand la temp6rature diminue, pr6sente une 16g6re augmentation, tr6s faiblement sup6rieure aux erreurs exp6rimentales; ~k, est donc peut-~tre 16g~rement sup6rieur k ~v; l'6cart calcul6 par la formule de GIBSON avec les valeurs s/K,, ~ 1. 7 et 2.3 R d (log10 K,")/d(I/T) = + 30o0 cal/mol., est donc au maximum de IOOO cal/mol. Pour la lactoglobuline d6natur6e par la chaleur (Tableau I), ~v est pratiquement 6gal k ~k, : la correction due ~t une faible variation 6ventuelle de K," s o u K,~/avec la temp6rature, variation qui n'a pu 6tre raise en 6vidence k cause de l'impr6cision des mesures, est n6gligeable du fait que la concentra- tion du substrat utilis6e pour les d6terminations d'6nergie d'activation est assez grande par rapport k la constante de Michaelis (s/K," = 5).

4. Variation des vilesses d'hydrolyse avec les concentrations en substrats nati] "N" et d~natur~s '%" et "f"

La Fig. 3 montre comment se placent k 45°C les droites obtenues en portant les r6sultats exp6rimentaux selon la repr6sentation graphique d' EADIE pour les trois formes "N" , "s" et "]" de la lactoglobuline.

Les vitesses d'hydrolyse des deux formes d6natur6es "s" et "/" , pour une m~me concentration de substrat, sont notablement diff6rentes; la plus grande est celle de la forme "s" qui, pourtant, a subi le chauffage le moins prolong6. Ce r6sultat s'explique probablement par l'6tat d'oxydation diff6rent des groupes sulfhydryle sur "s" et "]"; GOR1NI ET AUDRAIN as ont montr6 en effet que la vitesse d'hydrolyse par la trypsine de la s6rumalbumine d6natur6e, est plus faible lorsque les groupes SH ont 6t6 oxyd6s par l'eau oxyg6n6e et plus forte lorsqu'ils ont 6t6 r6duits par la cyst6ine.

B i b l i o g r a p h i e p . 8 6 / 8 7 .

6

78 F. LABEYRIE VOL. 22 (1956)

"7

:3.

D-

A la temperature de 45 °, la vitesse d'hydrolyse de la lactoglobuline native est toujours plus faible que celle de la forme " " s , mais elle n'est plus faible que celle de la forme "[" que pour des concentrations inf6rieures ~ 4 mg/ml. Les constantes de Michaelis expri- m6es en mg/ml sont identiques pour les formes "s" et "/"; elles sont trois fois plus faibles que K~ N; la valeur de k s / e s t sensiblement plus faible que celles de k s ~ et k~ N.

Fig . 3. E t u d e de la p r o t 6 o l y s e des f o r m e s : n a t i v e "N" e t d 6 n a t u r 6 e s p a r l a c h a l e u r " s " e t " / " de la l a c t o g l o b u l i n e (pH 8.0, NaC1 o . I N , 45 ° , e = 16 /~g/ml p o u r N, e = 8 f fg /ml p o u r " s " , e = 20 # g / m l p o u r *']"). R e p r 6 s e n t a t i o n g r a p h i q u e d 'EADIE.

v/e 20x10 -9

E

o•,,,,,I ,,,,o

5 1 10 1 15 LP. rain- .m 9 - par" ~g .m [ -1

\ 20 ×10- v/e

v/e 16 x 10 -9

0 8x10_9 1 2

35 °

4

0 0.5

1.6 x 10 -9

E

0.8

4'5°

3 x 10 -9

1.0 1.5 × 10-9

21 °

0.1 I ! 0.3 x 1 0 - es LP. rain -1 • m g -1 pa r iJ 9 . m I -

F ig . 4. E t u d e de la p r o t 6 o l y s e de l a l a c t o g l o b u l i n e n a t i v e ~ d i f l 6 r en t e s t e m p 6 r a t u r e s ( pH 8.0, NaC1 o2I N, e = 15 f f g / m l A 4 5 ° , e = 3 0 / t g / m l ~ . 3 5 % e = 17o # g / m l ~ 21°). R e p r 6 s e n t a t i o n g r a p h i q a e

d 'EADIE.

Bibliographie p. 86[87.

l 'erreur exp6rimentale (environ I 5 ~ o )

sur la moyenne de plusieurs d6termi- nations faites avec des solutions et pr6- parations diff6rentes de lactoglobuline. On trouve la mSme valeur de K,, n 20 ° lorsque les concentrations d 'enzyme sont 30 et 16o/~g/ml.

La chaleur apparente de formation du complexe enzyme-substrat AH, soit 2.3 R d(logloK, ,) /d(I /T ) calcul~e d'apr~s cette variation de K,, avec la temp6ra- t u r e e n prenant les valeurs 3 mg/ml 45 ° et 4.5 mg/ml k 2o °, est 6gale ~ + 3000 cal/degr6. Cette valeur ne corres- pond vraiment ~ la chaleur de la r6ac- tion E + S ~ ES que si K m s'assimile

k~/k 1 dans le cas off k s est petit par rapport ~ k~. I1 est assez probable que cette condition est r6alis6e; nous dis- cuterons ce point ult6rieurement.

Lorsque le substrat de la trypsine est l 'une des formes "s" ou " / " de la lactoglobuline d6natur6e, nous n 'avons pu faire varier les concentrations que

5. Influence de la temperature sur les constantes de Michaelis

La Fig. 4 montre les courbes d'EADIE pour plusieurs temp6ratures de prot~olyse de la lactoglobuline native. Les droites obtenues sont sensiblement parall~les; toutefois, comme le montre le Tableau II, les valeurs de K m N ~ 20° sont syst6matiquement plus 61ev6es qu'~ 30 ° et 45 °. Cette difference n'est pas beaucoup plus grande que

VOL. 2 2 (I956) ACTION DE LA TRYPSINE SUR LA ~-LACTOGLOBULINE 7 9

d a n s u n e f a ib l e 6che l le (o.8 £ 5 m g / m l ) . L a p r 6 c i s i o n su r l a d ~ t e r m i n a t i o n des c o n -

s t a n t e s de M i c h a e l i s es t d o n c b e a u c o u p m o i n s b o n n e ; d ' a u t a n t m o i n s q u e les v a l e u r s

des c o n c e n t r a t i o n s 6 tud i6es n ' e n c a d r e n t p a s ceUe de la c o n s t a n t e de Michae l i s .

Le T a b l e a u I I d o n n e l ' e n s e m b l e des v a l e u r s de Km e t de k 2 p o u r " N " , "s" e t

"/", b, d i f f6 r en t e s t e m p e r a t u r e s . O n v o i t q u e les c o n s t a n t e s K, ,~ e t K , , f n e v a r i e n t

p a s s e n s i b l e m e n t a v e c la t e m p 6 r a t u r e .

TABLEAU II

D]~TERMINATION DES CONSTANTES DE MICHAELIS EN ~&Cl o.I N, p H 8.0

¢ e 1o 9 • k2 K m

Constante de Constante de Tempdrature Concentrations vitesse en en degrds C d' en~yme en L P . m i n - l .ral - t M i c h a d i s en

# g / m l p a r # g / m l d'enz, mg /ml

K m moyen

en mg /ml en mole]litre

Lactoglobuline nat ive "N"

45 15 17 3 15 19 3 3 15 2o 4 15 I6 3 ,

35 3 ° 7.4 3 3 3 ° 7 .2 3

20 16o I-3 4 16o 1.2 4.5 4.5 16o 1-25 5**

30 3.5 4

Lactoglobuline 44 7 I9 0.70 d6natur6e par 5.5 19.6 0.90 0.8 la chaleur "s'" 35 5.5 9-5 0.85

Lactoglobuline 44 I4 14 1.2 d6natur6e par 14 13.3 0.95 la chaleur "1" 35 io 6.0 o.8

20 17 et 5 ° I.O o.5"** 0.9 50 1.5 0.9

14. 7 38 o.8 1. 4

8- lO -5 (PM = 38,000)

2 - lO - 5 ( P M = 3 8 , 0 o 0 )

4.3" lO-6 (PM = 187,ooo )

2. 4. io -5 (PM = 38,ooo) i . lO -6 (PM = 820,000)

* R~sultat identique pour les trois essais suivants: I. Solution amen6e g, pH 8 et 35 °, 5 minutes avan t l 'addit ion de trypsine. 2. Idem, 3 heures avan t l 'addition de trypsine. 3. Solution contenant du tampon phosphate M/ioo.

** Trypsine purifi6e par pr6cipitation de la fraction inactive en milieu NaC1 M ~t pH 2.0. * * * Solution de lactoglobuline chauff~e 6 heures au lieu de 4 heures A 6o °.

6. Comparaison des constantes de vitesse k 2

O n a p o r t 6 su r u n m ~ m e g r a p h i q u e (Fig. 5) les v a r i a t i o n s de log10 k z a v e c l ' i n v e r s e

de la t e m p 6 r a t u r e abso lue , p o u r les t r o i s s u b s t r a t s , k2 es t ca lcu l6 k p a r t i r de la v i t e s s e

vie p o u r u n e c o n c e n t r a t i o n s de s u b s t r a t p a r la f o r m u l e k2 =- (v/e) × (K,, + s)/s a v e c les v a l e u r s K m = 3 m g / m l p o u r " N " e t K m = 0. 9 m g / m l p o u r "s" et " f ' . O n a

n6glig6 la fa ib le v a r i a t i o n a v e c la t e m p 6 r a t u r e obse rv6e su r les v a l e u r s de Km. S u r

c e t t e f igure, n ' o n t 6t6 p o r t 6 s que les r 6 s u l t a t s o b t e n u s d a n s u n e z6ne o h les v i t e s s e s

de r 6 a c t i o n s s e n t p r o p o r t i o n n e l l e s a u x c o n c e n t r a t i o n s d ' e n z y m e (e i n f 6 r i e u r e

50 t~g/ml). O n c o n s t a t e q u ' a u x t e m p 6 r a t u r e s i n f 6 r i eu r e s k 30 ° e n v i r o n , la p lu s f a i b l e de s

c o n s t a n t e s de v i t e s s e c o r r e s p o n d ~ la f o r m e n a t i v e de la l a c t o g l o b u l i n e . C o m m e

celle-ci c ro i t p lus r a p i d e m e n t q u e les a u t r e s a v e c la t e m p 6 r a t u r e , el le d e v i e n t

Bibliographie p. 86/87.

80 F. LABEYRIE VOL. 22 (I956)

sup6rieure ~ k~l au-dessus de 30 °, puis si l 'extrapolation est justifi6e, elle devient sup6rieure ~ k S s vers 6o °.

Les vitesses ont fit6 expri- m6es jusqu'ici en liaisons pepti- cliques d~truites par unit6 de temps. Pour la lactoglobuline native, dans les conditions exp~- rimentales utilis6es, on a montrO 5 que la vitesse ainsi mesur6e est effectivement proportionnelle k la vitesse de disparition de la pro- trine, 20 liaisons peptidiques 6tant titr6es lorsqu'une mol6cule de lactoglobuline est d6truite. Pour les formes d6natur6es, cette exp6rience n'a pas 6t6 faite, mais on a constat6 qu'en fin de prot6o- lyse, le m~me nombre de liaisons

0.8

0.4

0

IOgto k 2

3.1 3.2 3.3 3.4 x10" T (degr'~s Kelvin) -1

Fig. 5, D~terminat ion des 6nergies d 'act ivat ion /~ par t i r de la repr6sentat ion graphique d 'Arrhenius

(volt texte),

peptidiques sont titr~es pour un mSme poids de substrat "N", "s" ou "/". La comparaison des vitesses ainsi exprim6es est donc bien celle des processus lents d'attaque de la prot6ine. Dans le paragraphe suivant, les vitesses seront exprim6es en mole de prot6ine d6truite, en appliquant le m6me coefficient de proportionnalit6 pour les trois formes de lactoglobuline.

7. Comparaison des variations d'dnergie libre, d'enthalpie et d'entropie d'activation des complexes intermddiaires

A partir des valeurs de k s d'une part, et de l'6nergie d'activation t% d'autre part, on peut en appliquant la th6orie des vitesses absolues de r6action 27 calculer les varia-

T A B L E A U I I I

Substrat: lactoglobuline Native Ddnaturde par la ehaleur

Forme "N . . . . s . . . . 1"

k S. io 9 LP. rain -1. m1-1 7.3 Io 5-9 par /~g, m1-1

k% sec -1 * 0 . 1 5 0 . 2 0 O , I 2

zJF*sso cal. tool 1 2. 3 R T loglo h°2 ** R T [ N h 19'4°° 19 '2°° 19'5°°

/*k t c a l ' m ° l - l * * * /*k2 = #v + Km d(lOgl0 Kin) s + K m ~< 2"3R × d( i /T) 18,6oo 14,2oo 14,2oo

AH* cal 'mo1-1 t A k ~ - - R T 18,ooo 13,6oo 13,6oo AS* ca l .mol X.degr6-1 I ]T ( A F * - - A H * ) - - 4.5 - - 18 - - 19

* k°z repr6sente la vitesse ~ 35 ° C exprim6e en mole de subs t ra t d6truit par seconde pour une concentrat ion molaire d 'enzyme (PM = 24,ooo ). I1 est calcuM pour les trois formes en a d m e t t a n t que la rup tu re de 2o liaisons pept idiques correspond ~ l ' a t t aque de 38,ooo g de subs t r a t prot6ique (soit une mol6cule g ramme de lactoglobuline native).

* * R : constante des gaz soit 2 cal/mol.; N : hombre d 'Avogadro ; h: cons tante de Planck. RTI,Nh ~ 35 ° = 6.46" IO TM.

/zkl: dnergie d 'act ivat ion de la r6action de d6composition du comptexe enzyme-subst ra t . /~v: ~nergie d 'act ivat ion exp6rimentale correspondant au processus global (GmsoN~5).

Bibliograp hie p. 86]87.

VOL. 22 (1956) ACTION DE LA TRYPSINE SUR LA fl-LACTOGLOBULINE 8 I

tions d'6nergie libre z~F*, d'entropie AS* et d'enthalpie AH*, correspondant au passage du complexe ES k sa forme activ6e ES* suppos6e en 6quilibre r6versible avec la premiere. Ces valeurs sont donn6es dans le Tableau I I I ainsi que les formules qui ont servi k les calculer.

On voit que la variation d'6nergie libre est k peu pros la mSme, que le substrat soit "N", "s" ou "/", mais la valeur relative des deux termes AH* et TAS* varie assez consid6rablement: quand le substrat est la lactoglobuline native, le premier terine est le plus important, ta diminution d'entropie n 'appor tant qu'une faible contribution

l 'augmentation d'6nergie libre. Avec l'une quelconque des formes d6natur&s, au contraire, TAS* compte pour un tiers dans la variation d'6nergie libre.

DISCUSSION

Parmi les r6sultats pr&6dents, quelques-uns peuvent &re compar6s avec ceux acquis par d 'autres auteurs sur des syst~mes analogues. Ainsi la valeur 0.8. lO -4 M de la constante de Michaelis d'hydrolyse de la lactoglobuline native par la trypsine

pH 8.o, est du mSme ordre de grandeur que les valeurs correspondant k l 'hydrolyse par le m6me enzyme d'autres substrats:

Trypsine diisopropylphosphoryMc Trypsine di6thylphosphoryl6e Polylysine (polym~re 19) Polylysine (polym~re 23o ) Benzoyl-L-arginine m&hyles ter Benzoyl-L-argininamide Inhibi teurs prot6iques

3" IO -4 M 38 3" 10--4 M *s

4.8. lO -4 M 19 2. lO -4 M 19

0.8. IO - I M 30 21. IO -~ M so

I " I o - l ° M 31

Le fait que la constante de Michaelis varie pen ou pas avec la temp6rature a d6j~ 6t6 observ6 dans les r6actions de prot6olyse ; ainsi les chaleurs de r6action apparente, calcul6es en assimilant les constantes de Michaelis aux constantes de dissociation du complexe enzyme-substrat, sont de l 'ordre de + 3000 cal/mol, pour l 'hydrolyse d'esters ou de dipeptides par la pepsine 8.,

Comme la constante de Michaelis, 6gale d'apr~s HALDANE ~ (k' 1 + k~)/kl, ne varie pratiquement pas lorsque k 2 varie d'un facteur voisin de IO, il semble logique de penser que k s est tr~s petit par rapport ~ k~ et que la constante de Michaelis s'identifie r6ellement avec la constante de dissociation k~/kl. Cependant, il peut 6videmment s 'introduile des compensations, en particulier si les deux constantes de vitesse k 1 et k s ont exactement les mSmes coefficients de temp6rature.

On peut comparer 6galement les valeurs t rouv&s pour les 6nergies d 'activation concernant l 'hydrolyse par la trypsine de la lactoglobuline native et d6natur6e, soit 18,6oo et 14,2oo cal/mol, respectivement, avec celles publi6es pr&6demment. La premiere est 6quivalente k celle que YON 24 a d6termin6e en tampon phosphate pH 7, soit i9,ooo cal/mol. ; mais elle diff~re beaucoup de la valeur qu'on peut calculer d'apr~s les donn&s de LINDERSTROM-LANG ET LEVI s en milieu NH4C1-NH 3, soit environ 6,IOO cal/mol, dans la mSme r6gion de temp6rature. Dans ces exp6riences la composition du milieu 6tait maintenue constante aux diff6rentes temp6ratures; quoiqu'il soit th6oriquement juste d'op6rer de la sorte, le pH du milieu ammoniacal varie alors assez consid&ablement (0.25 unit6 par IO ° as). Dans nos exp6riences d6crites en milieu salin non tamponn6, nous avons pris soin de garder le pH constant aux diff6rentes temp6ratures. Cependant la variation de composition du milieu

Bibliographie p. 86/87.

82 F. LABEYRIE VOL. 22 (1956)

(quantit6 de soude ajout6e pour amener 5. pH 8.0) est trop peu importante pour jeter un doute sur la signification des valeurs obtenues. I1 reste donc ~ expliquer la cause de cette 6norme divergence.

La diff6rence entre les 6nergies d 'activation de prot6olyse de la lactoglobuline native et de la lactoglobuline d~natur~e par la chaleur, a d6j{~ 6t6 observ~e par L1NDERSTR0~t-LANG, HOTCHKISS ET JOHANSEN 2, qui ont trouv6 des Qlo (V4o°/V3o°) respectivement 6gaux k 3.3 et 1. 9, soient les valeurs de 24,0o0 et 13,ooo cal/mol. pour les 6nergies d'activation en tampon phosphate (la trypsine utilis6e 6tait un 6chantillon commercial non purifi6).

Nous allons examiner maintenant comment peuvent s 'interpr6ter les r6sultats de l'6tude cin6tique en tenant compte des faits connus sur le m6canisme des r6actions de prot6olyse :

Les analyses d'hydrolysats au moyen des m6thodes d'61ectrophor~se et d'ultra- centrifugation ont montr6 que, tr~s souvent, on ne peut d6celer dans ces hydrolysats de produits dont les propri6t6s sont interm6diaires entre celles du substrat prot6ique initial et celle des petits produits de d6gradation. Les premieres exp6riences sur ce sujet ont 6t~ faites par SVEDBERG ET ERIKSSON34; CHRISTENSEN en a donn~ rdcemment une revue d6taill6e 5. LINDERSTROM-LANG s a expliqu6 cette absence de produits interm6diaires par la lenteur relative du processus situ6 au d6but de la s6rie de r~actions successives qui aboutissent k la d6gradation totale de la mol6cule prot6ique. Avant ce processus lent, ne se produit aucun changement notable ni du poids mold- culaire, ni de la charge, ni de la forme de la mol6cule prot6ique. I1 semble donc juste de penser qu'il correspond k l 'a t taque de la premiere ou de l'une des premieres liaisons peptidiques sur la mol6cule prot6ique. Les d6terminations cin6tiques et ~nerg~tiques se rapporteront toutes ~ ce processus lent.

En ce qui concerne l 'hydrolyse de la lactoglobuline native par la trypsine, nous avons pu montrer 15 que jusqu'~ un degr6 d'hydrolyse de 8o % on peut observer dans les hydrolysats une fraction dont la constante de s6dimentation et la mobilit6 6lectro- phor6tique 5. deux pH diff6rents situ6s de part et d 'autre du point iso61ectrique (4.5 et 8.5) sont constamment identiques ~ celles de la lactoglobuline native, dans les limites de la pr6cision des observations. La concentration de cette fraction d6croit proportionnellement au nombre de liaisons peptidiques d6truites; vingt liaisons peptidiques sont titr6es environ par mol6cule de lactoglobuline disparue pendant cette p6riode.

Nous allons chercher quelle est la signification des diverses constantes apparentes que nous avons d6termin6es. Pour cela nous allons consid~rer s6par6ment les deux m6canismes hypoth6tiques suivants: d6naturation pr6a lable- -a t taque directe de la mol6cule prot6ique native.

(a) Hypoth~se de la d6naturation pr6alable : Selon l 'hypoth~se de LINDERSTROM- LANG, HOTCHKISS ET JOHANSEN 2, la prot6ase attaque seulement une forme d6natur6e D, en 6quilibre r6versible avec la forme native N,

N ~ D

D + E ~' " D E ~*_~ E + p

t avec Kd ----- k'/k et K m D --~ (k2 + k~)/kx. On a montr63~ sans faire aucune hypoth6se restrictive sur les grandeurs relatives

Bibliographie p. 86/87.

VOL. 22 (1956) ACTION DE LA TRYPSINE SUR LA ~-LACTOGLOBULINE 8 3

des diff6rentes constantes de vitesse, que si les vitesses de disparition de la forme N sont proportionnelles aux concentrations d'enzyme, elles varient en fonction des concentrations en substrat total s = (N) + (D) selon la relation

k2e s v ~ K , D (Ka + ~) + s

On peut en d6duire que si le sch6ma est correct, la prot6olyse apparente de la forme native ob6ira ~ la loi des r6actions enzymatiques mais les constantes d6termin6es exp6rimentalement (k2 N; Km 31 ; ttk, lq) auront les significations suivantes par rapport aux constantes de la r6action de prot6olyse du substrat d6natur6 D (soit ks D, Km D, t~k, D): (a) k2N : k~D; (b) /~ ,u : / * k , D; (c) Km~ : KinD (K~ + I).

La constante apparente de Michaelis devrait donc avoir un fort coefficient de temp6rature, comme on en trouve g6n6ralement pour les 6quilibres de d6naturation en absence d 'agents d6naturants. Or nous avons vu que la constante de Michaelis d 'hydrolyse de la lactoglobuline native, d6termin6e dans une zone de concentrations en trypsine oh ves t proportionnel k e, ne varie pas sensiblement avec la temp6rature. Ce fait seul est suffisant pour rendre fort peu probable le sch6ma consid6r6. D'autre part, l'6nergie d'activation/~k, est diff6rente pour les formes " N " d'une part, "s" et " / " de l 'autre. I1 est 6vident que ces formes d6natur6es irr~versiblement n 'ont pas n6cessairement le m~me comportement que la forme D hypoth6tique sugg6r6e par LINDERSTROM-LANG, mais il faut souligner que les diff6rences observ6es entre les 6nergies d 'activation pour la lactoglobuline native et pour la lactoglobuline d6natttr6e, ne sont pas en faveur de l 'hypoth~se d'un 6quilibre N ~ D, mais sont un argument contre cette hypoth~se, si l 'on assimile la forme D aux formes "s" ou "/" .

Le sch6ma consid6r6, propos6 il y a longtemps d6j~, a 6t6 du reste abandonn6 sous cette forme par LINDERSTROM-LANG et le groupe de Carlsberg qui en sugg~rent maintenant un autre, beaucoup plus complexe, sur la base d'exp6riences nouvelles r6sum6es et discut6es r6cemment par CHRISTENSEN 5. Ce dernier sch6ma fait intervenir d 'abord un 6quilibre entre deux formes de lactoglobuline, l 'une insensible, l 'autre sensible k l 'action d6naturante de l'ur6e ou de la trypsine agissant comme d6naturase; la forme ainsi d6natur6e est ensuite coup6e par la prot6ase.

I1 est tr6s difficile, sur la base d'exp6riences comme celles du pr6sent travail, d 'apporter des arguments pour ou contre ce deuxi6me m6canisme.

(b) Hypoth6se de l 'at taque directe: On peut consid6rer que sur une mol6cule de prot6ine native ou d6natur6e, il y a un certain nombre de liaisons peptidiques attaquables ind*pendamment par la trypsine. L'affinit6 de la trypsine pour ces diff6rentes liaisons peptidiques n'est pas la m~me. A chacune d'entre elles correspond une valeur de K: constante de dissociation intrins~que du complexe qu'elle peut faire avec la trypsine. Nous appellerons "liaisons peptidiques sensibles" celles qui sont coup6es le plus rapidement, c'est-~t-dire celles auxquelles correspondent les plus grandes valeurs du rapport k~/K. Nous admettrons que celles-ci sont 6quivalentes. Une fois coup6e l 'une de ces liaisons, on suppose que la prot6ine devient instable et se d6grade avec une grande vitesse.

S'il y a N liaisons peptidiques sensibles pour une mol6cule de prot6ine, pour une concentration (S) exprim6e en mole du substrat prot6ique ,la concentration en liaisons peptidiques sensibles est N × (S); on a: K,~ ---- (E)(S)/(ES) et K = N × (E)(S)/(ES). Donc la constante exp6rimentale de Michaelis, obtenue en exprimant les concentra-

Bibliographie p. 86/87.

84 F. LABEYRIE VOL. 29. (1956)

tions en mole de prot6ine, est 6gale k K/N. Sur la mol6cule prot6ique d6natur6e, il peut y avoir un nombre diff6rent N ' de liaisons peptidiques sensibles, enfin les constantes de dissociation intrins~que peuvent 8tre modifi6es; on aura K~ ~ K ' /N ' .

On pourra donc interpr6ter une diff6rence dans les constantes de Michaelis exp6rimentales des formes native et d6natur6es selon deux possibilit6s ex t remes- - so i t comme une diff6rence du nombre des liaisons sensibles sans modification appreciable des constantes d'affinit6 intr ins~que--soit comme une diff6rence de l'affinit6 de la trypsine pour ces liaisons sensibles, sans modification appr6ciable de leur nombre. Pour discuter cette question, notons d'abord que le processus de d6naturation de la lactoglobuline est suivi par un processus secondaire d'agr6gation, de sorte que le poids mol6culaire des formes d6natur6es est 18o,ooo pour la forme "s" et 870,000 ou plus pour la forme ,,/,,9, alors qu'il n 'est que de 35,000 pour la prot6ine native. On ne sait rien sur l'influence que peut avoir cette polym6risation. Si l 'unit6 de substrat est la liaison peptidique sensible, et si la polym6risation ne change pas le nombre de ces liaisons pour un m6me poids de prot6ine, on devrait s 'attendre ~ trouver la m~me constante de dissociation exprim6e en poids par volume pour diff6rents 6tats d'agr6gation. Si au contraire, l'unit6 de substrat est la mol6cule ou plut6t la micelle, la constante de dissociation apparente, exprim6e en mol6cule-gramme par volume, variera comme l'inverse du poids mol6culaire. En comparant les constantes de Michaelis trouv6es pour ces deux formes d6natur6es, on a vu qu'elles sont 6gales ]orsqu'on les exprime en mole (Tableau II) ; l 'agr6gation ne modifierait donc pas le hombre des liaisons sensibles pour un mSme poids de prot6ine.

Si maintenant nous comparons les constantes de Michaelis de prot6olyse de la lactoglobuline et des formes d6natur6es de cette prot6ine en exprimant ces constantes en poids par volume (respectivement 6gales k 3 et I mg/ml) on voit que la diff6rence observ6e est faible. La d6naturation a amen6 un changement dans la structure de la chaine prot6ique au voisinage de la liaison peptidique, comme l'indique la modification de l'6nergie d'activation, ce changement entralne sans doute une modification de l'affinit6; la premiere possibilit6, k savoir que la d6naturation ne modifie pas sensible- ment le nombre des liaisons sensibles est donc la plus probable. Ceci s'explique facilement si, comme l'ont montr6 WALEY ET WATSON TM pour la polylysine, le nombre des liaisons sensibles capables de se combiner ind6pendamment ~ la trypsine, est ~gal au nombre des extr~mit6s des chaines polypeptidiques; en effet d'apr~s PORTER ~s, pour la lactoglobuline, ce nombre rapport6 k un mSme poids de protfine, n'est pas modifi6 par la d6naturation.

Les valeurs trouv6es pour AH*, 6gales ~ 13,ooo et k 18,ooo cal/mol., paraissent trop faibles pour ~tre compatibles avec l 'hypoth~se de l'explosion de la mol~cule prot6ique par rupture simultan6e de plusieurs liaisons peptidiques, ou avec l 'hypoth~se d'une dfnaturation met tant en jeu la coupure simultan6e d'un grand nombre de liaisons hydrog~ne, ces deux processus 6tant les processus limitants la vitesse globale.

On peut concevoir que la variation de AS* et AH* n6cessaire pour activer une liaison peptidique dans une chaine polypeptidique est celle observ6e avec la lacto- globuline d6natur6e, soit AS* - ~ - - 1 8 cal/degr6 et AH* = 13,8oo cal/mol. Dans la mol6cule native, pour pouvoir activer cette liaison peptidique, il faudrait couper simultan6ment d 'autres liaisons secondaires; la chaleur de r6action et le nombre de degr6s de libert6 de mouvement acquis seraient donc plus 61ev6s. L'6nergie et la variation d'entropie raises en jeu par la coupure de ces liaisons secondaires seraient

Bibliographie p. 86[8 7.

VOL. 22 (I956) ACTION DE LA TRYPSINE SUR LA fl-LACTOGLOBULINE 85

donn6es par la diff6rence des valeurs correpondantes pour l 'hydrolyse d'une liaison peptidique port6e respectivement par une mol6cule native ou par une mol6cule d6natur6e, soit environ : A H ---- 4,500 cal/mol. ; A S = + 14 cal]degr6.

SCHELLMAN 87 a calcul6 pour la rupture d'une liaison hydrog~ne k l'int6rieur d'une chalne polypeptidique, k part ir de d6terminations exp6rimentales sur la dilution de l'ur6e, des valeurs de A H = 15oo cal/mol. ; A S = + 4 cal/degr6, valeurs plus fortes que celles sugg6r6es pr6c6demment par KAUZMAN as.

Trois liaisons hydrog~ne environ seraient donc coup6es au cours de l 'activation de la liaison peptidique. Selon la configuration h61icoidale des prot6ines propos6e par PAULING, COREY ET BRANSON 39, quatre liaisons hydrog6ne maintiennent les deux parties de la chaine r6unies par une liaison peptidique (que ce soit l'h61ice

3.7 r6sidus par tour, ou l'h61ice k 5.1 r6sidus par tour). La valeur exp6rimentale est donc tout k fait coh6rente avec ce sch6ma. I1 serait indispensable de faire d 'autres d6terminations exp6rimentales de A S * et A H * concernant la prot6olyse d'une chalne polypeptidique d6natur6e et de les comparer avec celles que nous avons faites pour la lactoglobuline d6natur6e. On ne connait actuellement que les donn6es de BUTLER 40 concernant l 'hydrolyse par la trypsine, du benzoyl-L-argininamide et de la sturine qui sont respectivement: A S * = - - 4 - 7 et - - 6 cal/degr6; A H * = 16,9oo et 11,8oo cal/mol. I1 faut rappeler que les interpr6tations de donn6es 6nerg6tiques ainsi calcul6es sont sujettes k caution puisqu'elles refl~tent les changements globaux du syst6me et non pas seulement les changements de structure sp6cifique d 'activation du comolexe ES.

CONCLUSIONS

L'@tude cin@tique de la prot6olyse de la lactoglobuline native et d6natur6e a apport6 un certain nombre de donn6es num6riques sur les constantes cin6tiques et 6nerg6tiques caract6ristiques de ces r6actions.

L'interpr6tation de ces donn6es, et surtout des diff6rences observ6es avec l 'un ou l 'autre de ces substrats peut se faire de fa~on simple en admet tant que l 'un et l 'autre sont attaqu6es directement par la trypsine sans faire intervenir un stade initial de d6naturation de la mol6cule native. Elle conduit ~ une image de l 'a t taque d'une liaison peptidique sur une mol6cule prot6ique native tout k fait conforme aux id6es actuelles sur la structure des chaines polypeptidiques selon la configuration h61ico~dale de Pauling. Approximativement trois des quatre liaisons hydrog~ne qui maintiennent les deux parties d'une chalne h61icoidale situ6es de part et d 'autre d'une liaison peptidique, seraient rompues au cours de l 'act ivation de cette liaison peptidique. Cette activation peut 6tre sch6matis6e comme un 6tirement par exemple qui aboutit h la rupture de la liaison 41.

Que les agents comme l'ur6e ou au contraire les ions Ca ++ ou Mn++ qui agissen± comme sensibilisateurs ou stabilisateurs dans la d6naturation, agissent de la m~me fa~on dans la prot6olyse d'une prot6ine native, semble donc normal, m6me sans admettre qu'une d6naturation pr6c~de l 'a t taque des liaisons peptidiques.

Les r6sultats exp6rimentaux, s'ils semblent 61iminer la possibilit6 que la r6action ob6it au sch6ma simple propos6 par le groupe de Carlsberg en 1938, ne peuvent toutefois pas permettre d'6carter totalement l'id6e que la rupture des liaisons hydrog~ne est ant6rieure h celle des liaisons peptidiques selon le sch6ma de LINDER- STRUM-LANG.

Bibliographie p. 86]87.

86 1~. LABEYRIE VOL. 22 (1956)

REMERCIEMENTS

Je suis reconnaissante ~ M. le Professeur RENI~ WURMSER d'avoir constamment suivi ces recherches avec int6r~t, et d 'y avoir apport~ ses conseils et suggestions.

Je tiens ~ remercier Mr. GORDON JOHANSEN dent les critiques m'ont fit6 utiles pour la r6daction du pr6sent travail.

Rt~SUMI~

On a compar6, A plus ieurs t e m p 6 r a t u r e s comprises en t r e 2o et 45 ° C, les cous t an t e s de Michaelis et les vi tesses m a x i m a , dans la r6act ion d ' hyd ro l y se pa r la t ryps ine de lac toglobul ine na t i ve et de deux fo rmes "s" et " [ " de lac toglobul ine d6na tur~e pa r la ehaleur . On a cons ta t6 que pour le s u b s t r a t natif , Km 2v es t 6gal ~, o.8. IO - t M et ne var ie pas sens ib l emen t avec la t emp6ra tu re . Pou r l ' une et l ' au t r e des formes d6natur6es, la c o n s t a n t e de Michaelis (calcul6e en p r e n a n t c o m m e poids mol6culaire celui de la forme nat ive) , es t t rois fois p lus faible que la pr6c~dente et p ra t ique- m e n t i nd6pendan t e de la t emp6ra tu re .

Les va leurs re la t ives des cons t an t e s h 2 de vi tesse de d6composi t ion des complexes enzyme- s u b s t r a t c h a n g e n t avec la t e m p e r a t u r e ; en effet, les ~nergies d ' a c f iva t i on s e n t r e s p e c t i v e m e n t 18,6oo cal /mol , pour l ' hydro lyse de la lactoglobul ine na t i ve et 14,2oo cal/mol, pou r celle des formes d6natur6es . A par t i r de ces donn6es, on a calcul6 les var ia t ions d ' en t rop ie e t d ' en tha lp i e d ' a c t i va t i on (selon la th6orie des v i tesses absolues) qui s e n t r e spec t i vemen t ~S* = - - 4.5 cal/degr6, zJH* = + 18,ooo cal/mol, pour le s u b s t r a t natif , dS* = - - 1 8 cal/degr~ et zffH* = + 13,6oo cal/mol, pou r les s u b s t r a t s d6natur6s . On e x a m i n e et on d iscute les in te rp r6 ta t ions qui p e u v e n t 8tre donndes A ces r6sul ta ts , 6 t a n t donn6 la complexi td d ' u n e r6act ion de protdolyse. Ceux-ci s emb len t en f aveu r de l ' idde que le processus l imi t an t la v i tesse globale cor respond ~ la coupure s imul tan6e , sur la protdine nat ive , d ' u n e liaison pep t id ique et de trois & q u a t r e des q u a t r e l ia isons hydrog~ne qui m a i n t i e n n e n t les deux par t ies de la chatne h61ico[dale si tu6es de pa r t et d ' a u t r e de cet te liaison pept id ique , selon le s ch6ma de Pau l ing et Corey.

S U M M A R Y

The m e c h a n i s m c o n s t a n t s and t he m a x i m u m ra tes of reac t ion h a v e been compared a t va r ious t e m p e r a t u r e s be tween 20 and 45 ° C for the reac t ion compr i s ing t h e hydro lys i s of na t i ve lacto- globul in b y t ryps in . The compar i sons have also been m a d e for two o ther fo rms of lac toglobul in ("s" a n d "[") d e n a t u r e d by heat . I t was found t h a t for t he na t ive subs t ra te , K m ~ is equal to 0.8. lO -4 M and does no t v a r y apprec iab ly wi th the t empera tu re . However , for t h e two d e n a t u r e d forms, t h e Michaelis c o n s t a n t (calculated wi th the molecular weight of t he na t ive form) is t h ree t imes as smal l as t h a t for t he na t ive form, and in addi t ion is prac t ica l ly i n d e p e n d e n t of t e m p e r a t u r e .

The re la t ive va lues for t h e ra te c o n s t a n t of the decompos i t ion of the e n z y m e - s u b s t r a t e complex change wi th t he t empe ra t u r e . The energies of ac t iva t ion are respec t ive ly 18,6oo cal /mol . for t he hydro lys i s of na t i ve lac toglobul in a n d 14,2oo cal /mol , for t h a t of t he d e n a t u r e d forms.

Us ing these data , t he var ia t ion of en t ropy and e n t h a l p y of ac t iva t ion were ca lcula ted according to t he abso lu te ra te t heo ry and t he va lues found were respec t ive ly AS* = - - 4 . 5 cal/ degree a n d AH* = + 18,ooo cal/mol, for the na t i ve subs t ra te , AS* = - - 1 8 cal /degree and AH* = + 13,6oo cal/mol, for t he dena t u r ed subs t ra t e s . T h e in t e rp re t a t ions which one can give to these resu l t s t ak ing into cons idera t ion t he complex i ty of proteoly t ic react ions, are discussed. The resu l t s appear to f avour t he idea t h a t t he l imi t ing process of t h e overal l ra te cor responds in t he na t ive p ro te in to a s i m u l t a n e o u s b reak ing of a pep t ide l inkage and of th ree ou t of four h y d r o g e n bonds . These four h y d r o g e n bonds, s i tua ted on bo th sides of t he C O - N H bond, un i te t he uppe r pa r t of t he helix wi th t he lower one.

B I B L I O G R A P H I E

1 F. HAOROWITZ, M. TUNCA, F. SCHWERIN ET V. G6KSU, J . Biol. Chem., 157 (1945) 621. a K . LINDERSTROM-LANG, R. D. HOTCHKISS ET a . JOHANSEN, Nature, 142 (1938) 996. s K. LINDERSTROM-LANG E T C . F. JACOBSEN, Compt. rend. tray. lab. Carlsberg, Sdr. ehim..

24 (1941) i . 4 M. L. ANSON ETA. E. MIRSKY, J. Gen. Physiol., 17 (1933) 399. 5 L. K. CHRISTENSEN, Compt. rend. tray. lab. Carlsberg, Sdr. chim., 28 (1952) 37. e L. GORINI ET F. FELIX, Biochim. Biophys. Acta, IO (1953) 128. 7 L. GORINI, F. FELIX ET C. FROMAGEOT, Biochim. Biophys. Acta, 12 (1953) 283. s K. LINDERSTROM-LANG, Cold Spring Harbor Symposia Quant. Biol., 14 (195 o) 117. g D. R. BRIGGS ET R. HULL, J. Am. Chem. Soc., 67 (1945) 2oo 7.

10 V. HENRI, Lois g~ndrales de l'action des diastases, Th~se, Paris , 19o 3.

VOL. 2 9. (1956) ACTION DE LA TRYPSINE SUR LA ~-LACTOGLOBULINE 8 7

n j . B. S. HALDANE, Enzymes, Longmans-Green & Co., London, 193o. lZ R. CECIL ETA. G. OGSTON, Biochem. J., 44 (1949) 33. 13 B. D. POLLS, H. W. SCHMUKLER, J. H. CUSTER ET T. L. McMEEKIN, J. Am. Chem. Soc., 72

(195 ° ) 4965. 14 A. C. CHIBNALL, 1VL W. REES ET E. F. WILLIAMS, Biochem. J., 37 (1943) 354. 15 F. LABEYRIE ET S. DE M[ENDE, Bull. Soc. chim. biol., sous presse. 16 j . H. NORTHROP, M. KUNITZ ET R. M. HERRIOTT, Crystalline Enzymes, Columbia Universi ty

Press, New York, 1948 . 17 F. H. UBER ET A. D. MCLAREN, J. Biol. Chem., 141 (1941) 231. is A. A. GREEN, J. Am. Chem. Soc., 55 (1933) 2331. 19 S. G. WALEY ET J. WATSON, Biochem. J., 55 (1953) 328. 20 F. LABEYRIE, Bull. soc. chim. biol., sous presse. 31 K . LINDERSTROM-LANG, Compt. rend. tray. lab. Carlsberg, 17 No. 4 (1927). 33 C. F. JACOBSEN, Compt. rend. tray. lab. Carlsberg, Sdr. chim, 26 No. 18 (1947-49). 38 G. S. EADIE, Science, 116 (1952) 688. 34 j . YON, J. chim. phys., 52 (1955) 413 . 35 K. D. GIBSON, Biochim. Biophys. Acta, IO (1953) 221. 3e L. GORINI ET L. AUDRAIN, Biochim. Biophys. Acta, 19 (1956) 289. 2? H. EYRING ET A. E. STEARN, Chem. Revs., 24 (1939) 253. 38 L. GORINI ET F. FELIX, Biochim. Biophys. Acta, I I (1953) 535. 39 G. W. SCHWERT ET M. A. EISENBERG, J. Biol. Chem., 179 (1949) 665. 30 K. M. HARMON ETC. NIEMANN, J. Biol. Chem., 178 (1949) 743. Zl N. M. GREEN, J. Biol. Chem., 2o 5 (1953) 535. a3 E. J. CASEY ET K. J. LAIDLER, J. Am. Chemm. Soc., 56 (1934) 409 • 33 j . YON, J. chim. phys., 52 (1955) 452.

T. SVEDBERG ET I. B. ERIKSSON, J. Am. Che. Soc., 72 (195 o) 2159. 85 F. LABEYRIE, J. chim. phys., 53 (1956) 164. 8e R. R. PORTER, Biochim. Biophys. Acta, 2 (1948) lO5. 37 j . A. SCHELLMAN, Compt. rend. tray. lab. Carlsberg, S~r. chim., 29 (1955) 222. 38 W. KAUZMAN, clans W. D. MCELROY ET B. GLASS, The Mechanism o /Enzyme Action, The Johns

Hopkins Press, Baltimore, 1954, p. 7 TM 33 L. PAULING, R. B. COREY ET H. R. BRANSON, Proc. Natl. Acad. Sci. U.S., 37 (1951) 2°5. 4o j . A. V.'BUTLER, J. Am. Chem. Soc., 63 (1941) 2971. 41 H. EYEING, R. LUMR¥ ET J. D. SPIKES, dans W. D. MCELROY ET n . GLASS, The Mechanism o[

Enzyme Action, The Johns Hopkins Press, Balt imore 1954, p. 123.

Re~u le I5 f6vrier 1956

PHARMACOLOGICALLY-ACTIVE P O L Y P E P T I D E F O R M E D FROM

BLOOD G LOBULIN BY A CYSTEINE-ACTIVATED PROTEASE

FROM CLOSTRIDIUM H1STOLYTICUM

by

J. L. PRADO*, R. MONIER, E L I N E S. PRADO** AND C. F R O M A G E O T

Laboratoire de Chimie biologique de la Facult~ des Sciences, Paris (France)

A number of proteolytic enzymes of animal origin liberate pharmacologically-active polypeptides from the plasma globulin fraction that precipitates between 0.30 and 0.40 ammonium sulfate saturation 1. No bacterial protease has ever been studied in this respect. One of the proteolytic enzymes secreted in large amounts by Clostridium histolyticum has now been tested. This enzyme resembles trypsin in its specificity *.

* Rockefeller Foundat ion Research Fellow. Pe rmanen t address, Laborator ios de Farmacologia e Bioquimica, Escola Paulista de Medicina, Sao Paulo, Brazil.

** Fellowship from Conselho Nacional de Pesquisas, Brazil.

Re/erences p. 95.