et les guerres dans faucheuse - goliards.fr · le triomphe de la mort cette toile de pieter bruegel...

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LE TRIOMPHE DE LA MORT Cette toile de Pieter Bruegel l’Ancien témoigne de la marque profonde laissée par les épidémies et les guerres dans la conscience des Européens. Vers 1562, Musée du Prado, Madrid. LA GRANDE FAUCHEUSE PESTE NOIRE JULIEN THÉRY PROFESSEUR À L’UNIVERSITÉ DE MONTPELLIER EN 1348, LA PESTE NOIRE VENUE D’ORIENT SE PROPAGE À TOUTE ALLURE EN EUROPE, TUANT PRÈS DE LA MOITIÉ DE LA POPULATION. CETTE VIOLENTE MALADIE ET SON RETOUR RÉGULIER MARQUÈRENT DURABLEMENT LES MENTALITÉS. © ORONOZ / ALBUM

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le triomphe de la mortCette toile de Pieter Bruegel l’Ancien témoigne de la marque profonde laissée par les épidémies et les guerres dans la conscience des Européens. Vers 1562, Musée du Prado, Madrid. la grande

faucheuse

PEstE noirE

JuliEn théryProfEssEur à l’uniVErsité dE montPElliEr

en 1348, la peste noire venue d’orient se propage

à toute allure en europe, tuant près de la moitié

de la population. cette violente maladie et son retour

régulier marquèrent durablement les mentalités.

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RÉPUBLIQUE DE VENISE

DANEMARK

TURCS OTTOMANSDUCHÉ D’ATHÈNES

G o l f ed e

G a s c o g n e

Me rB a l t i q u e

Me r Ca s p i e n n e

M E RD U

N O R D

Mer Noire

M E R M É D I T E R R A N É E

S A I N T E M P I R E

Lorsque la peste frappa le port sicilien de Messine en septembre 1347, il y avait près de six siècles qu’elle ne s’était plus manifestée en Europe occiden-tale. La lèpre, endémique depuis le

xie siècle, était en voie d’extinction. Des flam-bées d’épidémies très meurtrières, de nature mal identifiée, avaient toujours, de loin en loin, décimé les populations les moins bien nourries, mais ces épisodes restaient brefs et localisés. La grande « peste noire » de 1348-1352 allait, elle, sévir dans l’ensemble de la chrétienté avec une intensité inouïe : « Bien la tierce partie du monde mourut », selon le célèbre chroniqueur Jean Froissart. Encore s’agit-il d’une estimation basse. D’après les recherches, près de la moitié de la population européenne semble avoir été anéantie en moins de quatre ans – soit près de 25 millions de victimes. Le bilan pourrait avoir été aussi catastrophique ou pire encore dans les régions d’Asie où la pandémie avait commencé, dans les années 1330, avant de gagner l’Occident. Pour autant qu’on sache, aucune hécatombe n’eut jamais des proportions

comparables dans l’histoire des hommes – sauf, peut-être, parmi les habitants des Amériques à la suite de la conquête européenne.

Galopante, foudroyante, cataclysmique : telle fut la contagion à partir du moment où elle atteignit Marseille et Gênes en novembre 1347. Sa diffusion suivait les grandes routes d’échanges. Par voie maritime, avant tout, car les puces transportées par les rats, lesquels affectionnaient les navires, étaient le prin-cipal vecteur de la peste. C’était déjà sur des bateaux en provenance de Constantinople que la maladie était arrivée en Sicile. De Marseille, elle traversa la Provence, le long de la vallée du Rhône, et gagna aussi le Languedoc : Lyon d’un côté, Toulouse de l’autre furent atteints en avril 1348. Côté italien, Pise avait été tou-chédès janvier et Florence en mars. En mai, la Catalogne était frappée à partir de Barcelone. À l’été 1348, des foyers se déclarèrent dans les ports de l’Atlantique, à partir desquels l’épidémie se répandit en Aquitaine, en Normandie et en Angleterre. Bordeaux et Rouen étaient atteints en juin-juillet. Ralentie par la saison froide, la

contagion reprit de plus belle au printemps suivant. Avant la fin 1349, les actuels Pays-Bas, l’Allemagne occidentale, le Danemark, l’Écosse et l’Irlande subissaient le fléau. En 1350, c’était au tour de la Suède et de la Bohême. L’épidémie continua encore à travers le monde slave. En 1352, elle gagna la Russie.

Pestes bubonique et pulmonaireLa maladie pouvait prendre deux formes. La peste bubonique, forme primaire, faisait apparaître de gros ganglions à l’aine et à l’aisselle ; elle se manifestait aussi par des plaques noirâtres autour des piqûres de puces qui la provoquaient. En climat humide, auprès de sujets affaiblis, elle se changeait en peste pulmonaire (ou septicé-mique), sans bubons, transmise directement d’homme à homme via les particules de salive en suspension. Cette forme secondaire était plus épouvantable encore que la première : le taux de mortalité était proche de 100 %, contre 60 à 90 % pour la peste bubonique. Or c’est la version pulmonaire qui fut majori-taire en 1348-1352. Les famines et les guerres

Une propagation foudroyante en Europe

depuis les ports, la terrible épidémie provenant d’asie s’est étendue à toute l’europe en peu de temps, favorisée par des conditions sanitaires déplorables, une mauvaise alimentation et des connaissances médicales rudimentaires.

les rats sortis d’un navire. le miroir historial, xve siècle, musée condé, chantilly.

1351-1353 la peste continue son voyage mortel jusqu’à

l’est de l’allemagne et au reste de la pologne. elle

atteint moscou et les régions alentour.

1346 les mongols assiègent les génois à caffa (ukraine). la peste s’introduit dans la ville d’où elle se propagera jusqu’à la méditerranée.

1347 l’épidémie arrive à

constantinople, puis gagne le péloponnèse

et la sicile. de messine, elle passe à gênes et se

propage jusqu’à marseille.

allégorie de la peste. détail du speculum historiale (« le

miroir historial») de vincent de beauvais. xve siècle, musée condé, chantilly.

1348 la peste gagne

rapidement les balkans, l’italie et la France,

ainsi que le nord de la péninsule ibérique et le

sud de l’angleterre.

l‘ange et saint roch, protecteur de la peste, xvie siècle, musée de l’ermitage, saint-pétersbourg.

1348-1349 l’épidémie touche les troupes, en pleine guerre de cent ans, les amenant à négocier une trêve en raison de la forte mortalité.

1349 les actuels pays-bas,

l’allemagne occidentale, le danemark, le centre

de l’angleterre, l’écosse et l’irlande succombent

à l’épidémie.1350 la peste atteint le reste de l’allemagne, la scandinavie, une partie de la pologne et l’europe centrale, notamment la bohème.

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les origines de l’épidémieselon l’auteur arabe ibn al-Wardi, (mort en 1348) la peste pourrait provenir du « pays de l’obscurité », le khanat de la Horde d’or, qui se situait sur le territoire de l’actuel ouzbékistan.

la peste en europe de l’estla ville de prague (dont on voit ici le pont charles) était la capitale du royaume de bohême, où l’épidémie serait arrivée par la bavière.

© rainer mirau / age FotostocK

récurrentes avaient fragilisé les populations d’Occident depuis plusieurs décennies. Ces deux premiers « cavaliers de l’Apocalypse », comme on prit bientôt coutume de les appeler, avaient ainsi préparé la venue du troisième.

« Très vite, de vingt hommes, il n’en restait pas deux vivants », dit un chroniqueur pari-sien. « Les vivants pouvaient à peine suffire à enterrer les morts », raconte un autre. Partout où elle passe, en l’espace de trois à six mois, l’épidémie laisse des quartiers et des villages quasi déserts. Un registre soigneusement tenu par le curé de Givry, près de Chalon-sur-Saône, constitue l’une des rares sources comptables : en moins de quatre mois, de juillet à novembre 1348, 615 habitants sont morts (sur environ 1 500), soit à peu près autant qu’au cours des vingt années précédentes. Les historiens estiment que la peste emporta de 25 à 30 % des Londoniens, 50 % des habitants de Magdebourg ou d’Albi, 53 % des Savoyards, 58 % des Suédois, 60 % des Florentins, 70 % des habitants de Brême… Quelques rares villes ou régions, au contraire, furent partiellement ou totalement épargnées,

pour des raisons qui demeurent mal comprises. Ce fut le cas par exemple de Milan ou, plus au nord, du Hainaut, du Brabant et du Limbourg.

De nombreux récits décrivent la violence et l’horreur du fléau. Les pestiférés meurent dans les trois à quatre jours qui suivent les premiers symptômes ; ceux qui osent s’approcher d’eux – parents, médecins ou religieuses pour les soigner, prêtres pour l’extrême-onction, ou notaires pour les testaments – les suivent presque tous dans la tombe à brève échéance.

Les juifs pointés du doigt Les solidarités sont brisées, la vie sociale désor-ganisée. Les belligérants de la guerre de Cent Ans, qui a commencé dix ans plus tôt, sont même contraints de conclure des trêves. Certains abandonnent leurs maisons citadines pour aller camper en forêt dans l’espoir d’échapper au mal. La médecine est impuissante, et le restera jusqu’à la découverte du bacille par Alexandre Yersin en 1894. On se limite à éviter les malades et, bientôt, à brûler leurs vêtements – car les fripiers, en revendant les effets laissés par les

morts, ont contribué à répandre la contagion par les puces. Les plus riches s’en tirent moins mal que les autres, car ils sont mieux alimentés et peuvent plus facilement s’éloigner des foyers d’infection. On a pu calculer par exemple que, dans le port allemand de Lübeck, les proprié-taires de biens immobiliers ont connu un taux de mortalité de « seulement » 25 % en 1350, soit nettement moins que la moyenne…

Où pouvait-on trouver les causes d’un tel désastre, en l’absence de toute explication scientifique ? Certains savants évoquent une conjonction malheureuse des planètes. Des rumeurs d’empoisonnement des puits courent parmi les populations affolées et l’on accuse

tous les historiens et épidémiologistes n’acceptent pas l’idée selon laquelle la maladie qui a frappé l’europe au milieu du xive siècle fut la peste bubonique, transmise par les puces. d’autres hypothèses ont été avancées.

Les remises en question de la peste bubonique

LeS CRitiqueS les plus sévères se basent sur le fait que le déve-loppement du bacille exige des températures élevées et des degrés importants d’humidité, conditions qui ne sont pas fré-quentes dans les régions les plus au nord de l’europe. le développement des colonies de rats et la présence de puces en quantité suffisante dans des pays comme l’angleterre ne semblent pas non plus habi-tuels. certains doutent que la peste bubonique ait pu se transmettre avec une telle rapidité et atteindre de si forts

taux de morbidité (proportion de personnes malades) et de mortalité. certaines descrip-tions de la maladie (prolifération d’éruptions, charbons et abcès sur tout le corps) ne semblent pas concorder avec les manifes-tations habituelles de la peste bubonique (une seule tumeur). certains ont évoqué la pos-sibilité d’une épidémie d’an-thrax pulmonaire (g. twigg), combinée à une pathologie liée à l’ingestion de viande infec-tée (n. F. cantor). d’autres ont même évoqué le virus ébola (s. scott et ch. duncan).

la peste achève une victime. codex stiny. bibliothèque universitaire de prague.

Les riches s’en tirent moins mal que les autres, car ils sont mieux alimentés et voyagent plus facilement.©

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l’art macabrepeinture extraite d’un manuscrit réalisé en 1492, conservé à la lambeth palace library de londres. l’art macabre se développe aux xive et xve siècles, à une époque où la maladie et la mort déciment les populations.

© bridgeman / index

en particulier les juifs... dont on prétend aussi qu’ils sont mystérieusement épargnés par la maladie. L’épidémie est surtout vue comme l’expression de la colère de Dieu. Or les juifs sont réputés avoir tué le Christ. Ils sont donc des boucs émissaires tout désignés. Dès l’apparition de la peste en Catalogne, beaucoup sont mas-sacrés par des émeutiers à Barcelone, Lérida et Gérone. Le 14 février 1349, 2 000 juifs sont tués à Strasbourg et tous les autres doivent quitter la ville. Les pogroms sont aussi nombreux en Allemagne et dans toute l’Europe centrale.

La mort, thème obsessionnelL’angoisse collective suscite le développement du mouvement des Flagellants. Ces laïcs défilent en se fouettant jusqu’au sang pour expier les péchés du monde et obtenir la miséricorde divine. Fauteurs de désordres, ils sont bien-tôt excommuniés par le pape. On implore la protection de saint Sébastien, dont le martyre sous les flèches est emblématique des souf-frances infligées par la maladie. Saint Roch, un Montpelliérain qui aurait survécu après

avoir soigné des pestiférés en Italie, devient par la suite l’intercesseur le plus populaire. Les sensibilités religieuses, tout comme l’art, prennent pour longtemps une tonalité sombre et doloriste. La pratique des messes pour les morts connaît une croissance exponentielle. On en commande des centaines pour soi et ses parents défunts, lorsque l’on peut les payer. La figure de Job, que l’Ancien Testament montre abandonné par Dieu à ses souffrances, prend une place de premier plan dans la spiritualité. Le triomphe de la mort sur les hommes de toutes conditions, tout comme la danse macabre qui les réunit à l’état de squelettes en sinistres faran-doles, deviennent des thèmes obsessionnels de la peinture et de la sculpture. Chose nouvelle, on représente la putréfaction des corps, par exemple avec les gisants décharnés que les puissants font sculpter sur leurs tombeaux.

Une fois l’épidémie passée, les survivants eurent à faire face à de nouveaux problèmes économiques, en particulier à la pénurie de main-d’œuvre. Tous les chroniqueurs s’accordent à dire que la natalité connut un regain extra ordinaire

dans les années qui suivirent la catastrophe. Mais, dès 1361, le fléau était de retour. Deux à trois années durant, il extermina une grande partie des enfants nés après la première crise. La « peste noire » de 1348-1352 fut certes, de loin, la plus dévastatrice, mais avec elle s’inaugura un cycle régulier : presque partout, jusqu’à la fin du Moyen Âge, la maladie revint tous les dix ans environ, en flambées plus localisées quoique toujours très meurtrières. Par la suite et jusqu’au xviiie siècle, elle réapparut encore régulièrement, mais à intervalles plus longs. En France, la dernière grande poussée eut lieu en Provence de 1720 à 1722. D’autres régions, en Europe centrale notamment, furent encore frap-pées jusqu’à la première moitié du xixe siècle.

mike baillie, professeur de paléoécologie de l’université de belfast, a publié en 2006 New Light on The Black Death : The Cosmic Connection, ouvrage dans lequel il apporte une nouvelle interprétation de la peste qui a frappé l’europe.

Tombée du ciel ou sortie de terre ?

BAiLLie A déteCté une variation très marquée des cernes de croissance des arbres qui coïn-ciderait avec les épidémies de peste des vie, viiie et xive siècles. il a aussi constaté la présence inhabituelle de concentrations d’ammonium dans des carottes glacières du groenland. la terre n’en produisant pas naturel-lement, cette présence s’ex-plique par la pénétration dans l’atmosphère d’aérolithes dont les impacts peuvent produire des mouvements sismiques. les chroniques relatant les atrocités de la peste noire font

état de nombreux phénomènes cosmiques qui terrorisèrent les contemporains (pluies et boules de feu, comètes, explosions aériennes) et d’une activité sismique et volcanique inha-bituelle. elles évoquent aussi une étrange corruption de l’air (fumée nauséabonde, pour-riture ambiante, atmosphère vénéneuse). certains ont même émis l’idée que l’ammonium libéré par les corps cosmiques, ou peut-être le cyanure et les gaz toxiques émanant de la terre, furent responsables de la mort de ces millions de personnes.

eSSAiSUne Ville devant la peste. Orvieto et la peste noire de 1348 Élisabeth Carpentier, De Boeck, 1993.Les Hommes et la peste en France et dans les pays européens et méditerranéens Jean-Noël Biraben, 2 vol., Mouton, 1975-1976.

Pour en savoir plus

la peste est envoyée du ciel comme châtiment divin. lucas cranach. 1518. musée des beaux-arts, budapest.

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des jouissances terrestres à la damnation céleste

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4 La mort, sous les traits d’un horrible génie volant armé d’une faux, apparaît dans la partie centrale de la fresque et domine la scène. La détérioration de la peinture (datée de 1340) laisse à peine entrevoir cette figure fondamentale de la composition, qui survole son royaume macabre : celui des défunts.

5 Des anges et des démons se livrent une guerre impitoyable pour les âmes des défunts, représentées sous les traits d’enfants sortant de la bouche des morts. Il s’agit du moment terrible évoqué dans le Dies irae : « Un libre écrit sera produit/dans lequel tout sera contenu/d’après quoi le monde sera jugé. »

6 Des jeunes gens des deux sexes parlent dans un jardin, sous des arbres feuillus, dans ce qui doit être une représentation de l’amour courtois. La mort, très proche du groupe, menace l’allégresse et la jouissance des plaisirs matériels même si ces jeunes ne se rendent pas compte de sa présence.

1 Plusieurs ermites, près d’un petit temple qui se dresse dans un paysage escarpé (symbole de l’éloignement du monde), vaquent à leurs occupations : l’un d’entre eux trait une chèvre, un autre lit assis, un autre encore prie... Leur indifférence devant la mort traduit une confiance sereine dans le salut éternel comme fruit de la piété et de la dévotion.

2 Un roi et ses chevaliers, qui mènent une existence insouciante, partent chasser et tombent sur trois morts à divers stades de décomposition (le souverain se bouche le nez à cause de l’odeur de la putréfaction). La rencontre est un rappel du caractère éphémère de la vie et des plaisirs terrestres.

3 Les défunts sont entassés en un seul monticule, tous mélangés, soulignant ainsi le caractère égalitaire de la mort : face à elle, ils sont tous égaux. Pontifes, rois, princes, paysans ou bourgeois, aucune différence, un essaim de démons volants s’abat sur eux afin de s’emparer des âmes des pécheurs.

La fresque Le Triomphe de la mort aurait été peinte peu avant l’épidémie, par Buonamico Buffalmacco, au Campo Santo de Pise. L’œuvre était prémonitoire.