esquisse sur l'habitat guerzé

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International African Institute Esquisse sur l'Habitat Guerzé Author(s): Thanos Mengrelis Source: Africa: Journal of the International African Institute, Vol. 33, No. 1 (Jan., 1963), pp. 45-53 Published by: Cambridge University Press on behalf of the International African Institute Stable URL: http://www.jstor.org/stable/1157796 . Accessed: 17/06/2014 07:16 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Cambridge University Press and International African Institute are collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Africa: Journal of the International African Institute. http://www.jstor.org This content downloaded from 195.34.79.15 on Tue, 17 Jun 2014 07:16:33 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

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Page 1: Esquisse sur l'Habitat Guerzé

International African Institute

Esquisse sur l'Habitat GuerzéAuthor(s): Thanos MengrelisSource: Africa: Journal of the International African Institute, Vol. 33, No. 1 (Jan., 1963), pp.45-53Published by: Cambridge University Press on behalf of the International African InstituteStable URL: http://www.jstor.org/stable/1157796 .

Accessed: 17/06/2014 07:16

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ESQUISSE SUR L'HABITAT GUERZE THANOS MENGRELIS

EMPLACEMENT ET MILIEU

ES villages guerze (kpelle), et ceux des groupes ethniques apparentes de la region -forestiere de la Guinee, sont generalement batis sur une hauteur, a proximite

d'un point d'eau, mais jamais dans un bas-fond aupres d'un ruisseau. Ils sont situes a l'oree d'une foret ou au milieu d'une clairiere. Le village est souvent entoure par une ceinture d'elements de foret secondaire. Cette zone est respectee pour proteger les habitations des tornades violentes. Elle est indispensable pour la pratique des coutumes d'initiation et des sacrifices, et, tres probablement, dans le passe, elle etait utilisee a des fins defensives, ce rideau de foret dense etant favorable aux guerillas. Souvent l'endroit choisi est l'emplacement d'anciens champs de culture abandonnes. Ainsi, les habitants ont l'avantage d'occuper un terrain epuise et en meme temps defriche.

La qualite de la terre ne joue pas, nous semble-t-il, un role predominant sur le choix de l'emplacement, quoique l'on puisse dire qu'un village commence par un

champ de culture. Le cultivateur installe sa famille, groupe son clan et forme une petite agglomeration - premier noyau de ce futur village. Le sol est uniformement pauvre, une fois vide de l'humus de la foret detruite. Il est rougeatre par la presence d'elements ferrugineux. Les sols tropicaux sont acides, pauvres en humus et menaces par l'erosion et la lateritisation.

La terre arable des bas-fonds est non seulement minime, mais peu recherchee. Le Service de l'Agriculture de N'Zerekore parvint a obtenir a Niekole, grace a des travaux de drainage, une soixantaine d'hectares de terre arable, avec une couche de quatre-vingt centimetres d'humus. Mais l'Administration eut la surprise de voir au debut les habitants refuser categoriquement de cultiver cette terre fertile. Ils crai- gnaient, parait-il, s'ils cultivaient dans les bas-fonds, de se voir interdire la culture sur brulis, qui est la culture de base. Ils pretendaient par ailleurs que la culture dans les

marecages est une culture facile, qui sied aux femmes, alors que la culture par de- frichement de la foret est celle du male par excellence; ils refusent donc de cultiver dans les bas-fonds pour ne pas etre traites de femmes. Une raison plus valable de ce refus serait vraisemblablement l'insalubrite des bas-fonds. Aussi, les habitants de la region forestiere recourent-ils au pire systeme; ils abattent les arbres, defrichent le terrain et y mettent le feu pendant la saison seche. Apres avoir nettoye le terrain, a l'aide d'une petite houe (kale), ils sement le riz de montagne (monoun-giye), principal produit du pays. Par suite des incendies repetes, la jachere forestiere n'existe plus, surtout sur les terrains en forte pente, et la foret se transforme peu a peu en savane. L'apparition, sur les espaces defriches, de grandes herbes a rhizomes facilite, pendant la saison seche, la destruction de la foret par le feu.I Dans un laps de cinquante ans, les Europeens ont vu disparaitre une foret plus ou moins compacte, qui s'etendait

I 'Les observations faites a ce propos par Mr. quent en effet a une region oh la saison sche est

Aug. Chevalier sur les forets de la C6te d'Ivoire assez courte (trois a quatre mois) et ou la foret est [Revue de Botanique appliquee et d'Agriculture tropicale, dense et humide (foret ombrophile; rain-forest). Si 1937, p. 467] sont d'un grand interet; elles s'appli- l'homme abattait un pan de foret sans mettre le feu,

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ESQUISSE SUR L'HABITAT GUERZIE

sur une distance de trois cent kilometres, entre Kankan et Boola. Et la foret dense de la region forestiere, qui faisait suite a celle de la Cote d'Ivoire, est transformee en une foret clairsemee.

Au fur et a mesure que la penetration Malinke-Konianke se dessine et se concretise, la destruction de la foret par les feux de brousse s'accomplit impitoyablement. I1 ne suffit pas a ces nomades-envahisseurs de pousser les gens de la foret et de les refouler vers le sud; ils s'appliquent, comme dans la region de Beyla, a detruire systematique- ment tout ilot de foret.

Grace a la protection administrative de la foret par de vastes reserves, une partie de la vegetation africaine primitive a ete sauvegardee du feu, de la hache et du coupe- coupe.

A l'oree de la foret, il y a le palmier a huile (tow-woulou)2 qui fait son apparition naturellement, des que la foret dense est detruite. Ainsi, le palmier a huile apparait comme un temoin indiscutable de la nature secondaire d'une foret. I1 donne les

regimes des noix de palme (tow), d'ou l'on extrait l'huile rouge (woulo) qui, avec le riz, constitue le fond de l'alimentation autochtone. Les noix, debarrassees de leur

pulpe, sont posees sur une pierre et cassees une a une par les femmes et les enfants, a l'aide d'un caillou, sous la veranda des cases, afin de recuperer les amandes de

palmistes (towlou-kow). De ces amandes on extrait une graisse (towlou-woulo) comestible et combustible - pour alimenter leurs petites lampes. A l'aide de cette graisse, ils

preparent aussi le savon noir en boule et les femmes l'utilisent comme cosmetique pour assouplir et lustrer les cheveux, comme font les Soudanaises avec le beurre de karite. Mais la majeure partie des palmistes est exportee.

Les seuls arbres que les habitants plantent a cote de leur village, dans la foret

degagee, sont les kolatiers (towole-woulou). Ces arbres, quasi sacres, donnent des fruits a croquer, rouges ou blancs, amers et rafraichissants, riches en complexe cafeinique. La noix de kola (towole) est le fruit de luxe par excellence, qui joue un grand role dans la vie sociale du pays; il est une source de richesse, recherche jusque dans les zones saheliennes.

Le cafeier a fait son apparition apres la conquete frangaise. II aurait ete introduit

par les missionnaires dans le cercle de Kissidougou. Le sol et le climat lui sont favorables. Et si les plantations de cafeiers n'ont pas pris un grand essor, c'est parce que le prix du cafe etait relativement bas.3

le mal ne serait pas grand; une foret secondaire aurait t6t fait de remplacer la foret primaire. Mais dans les clairi6res incendiees pratiquees dans la foret ombrophile s'installent des graminees " pan- tropicales" qui ne poussaient pas dans la region avant la destruction de la foret: Imperata cylindrica, Sorghum guineense, Pennisetum purpureum, Hyparrhenia diplandra, Chasmopodiumcaudatum, Andropogon tectorum. Ces herbes sont completement dess&chees a la fin de chaque saison seche et elles brulent tous les ans, empechant la reprise des arbres et faisant le terrain de plus en plus favorable aux graminees.' Pierre Gourou, Les Pays tropicaux. Paris: Presses Univer- sitaires de France, 1948, p. 49.

2 'En Afrique occidentale ont ete instituees a partir de 1928 de nombreuses reserves forestieres,

de protection et de production. Le decret du 5 Juillet 1944 a cr6e la Reserve nalurelle integrale des Monts Nimba, qui comporte 17.130 hectares de ce massif, englobant une vegetation extremement riche: foret vierge, forets secondaires, prairie mon- tagnarde a orophytes, foret d'altitude a Parinari, formations rupicoles.' R. Schnell, La Foret Dense. Paris: Paul Lechevalier, 95 I, p. 124.

2 Elaeis guineensis. 3 En 1949 le prix du cafe Robusta etait a N'Zere-

kore de 30 a 40 francs le kilo. Au debut de 1950, il etait 80 francs et a la fin de l'ann6e Ioo francs. En 1953 la campagne du caf6 a variee de I00 a I25 francs. En 1960 le prix du cafe a ete fix6 a IIo francs et en 1961 a IOO francs.

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ESQUISSE SUR L'HABITAT GUERZI4

Dans un champ fatigue, les autochtones plantent les produits de soudure: manioc, mais, mil, igname, patate, taro, haricot du kissi. Un terrain epuise doit etre abandonne pendant une decennie pour la regeneration. Et ainsi, la hache, le coupe-coupe, le feu devorant detruisent la foret et les champs s'eloignent du village.

Le cercle de N'Zerekore a environ 9.000 km.2 et I62.000 habitants, soit 18 au km.2 (Au recensement de I962: 260.000 habitants.)

La region peut exporter en moyenne: 1.700 tonnes de riz, 6.ooo tonnes de pal- mistes, 50 tonnes d'huile de palme, 785 tonnes de kola, 500 tonnes de cafe. Les habitants consomment environ i.800 tonnes de riz, I.450 tonnes d'huile de palme et 150 tonnes de noix de kola.I

Le choix de l'emplacement d'un village est influence par les grandes lignes de communication. Les gros villages de la region de N'Zerekore sont situes sur les routes qui menent au Liberia, en C6te d'Ivoire, a Macenta et a Beyla.

Nous avons signale dans des notes precedentes le deplacement des villages dans le cercle de Beyla.z Nous n'avons pas observe le meme phenomene dans le cercle de N'Zerekore, mais nous n'excluons pas, dans un proche avenir, ce deplacement vers les grandes routes carrossables.

I1 n'y a pas beaucoup de villages situes sur des sites defensifs. Fait exception le canton de Ounah ou plusieurs villages sont situes sur les hauteurs. On peut citer aussi Thuo, village du canton de Manon, ou pendant la revolte, le 29 aout 1911, fut mortellement blesse le capitaine Hecquet. I1 est bati sur une montagne ou mene un sentier unique.

Les habitants des villages batis au pied d'une montagne, en temps de guerre, cherchaient refuge sur les hauteurs. Exemple: Karana. D'ailleurs, N'Zomea, createur de ce village, habitait sur la montagne. La piste y donnant acces passait par Yalenzou.

I Tableau comparatif de cinq annees consecutives

En tonnes

Produits 1948 1949 19 0 I91I I9j2

Palmistes . . . . 5.ooo 6.500 7.50oo 6.600 6.400 Riz . . . . . 950 950 825 3.000 3.500 Huile de palme .. . 680 700 950 8oo 1.500 Kola . . . .. 600 2oo 250 600 935 Cafe . . . . . 200 150 370 400,5 500

Commercialisation des produits en 19j2

(En francs de l'Ouest africain)

Exportation Consommation Cours rProduits Kgs. locale:Kgs. Totaux: Kgs. C.F.A. Valeur en C.F.A.

Palmistes . . . . 6 6.400 6.400.000 11,25 72.000.000 Riz . . . . . .700.000 .800oo.ooo000 3.500oo000 20 70.000.000 Huile de palme .. . 50.000 1.450.000 1.500.000 45,50 68.250.000 Kola . 785.000 150.000 935.000 45 42.075.000 Caf . . . . . 500.000 500.000 00oo 50.000.000

9.435.000 3.400.000 12.835.ooo 302.325.000

2 Thanos Mengrelis, Grenier Foula du cercle de Beyla. Dakar: Notes Africaines, n? 44, Oct. 1949, p. I 8.

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ESQUISSE SUR L'IABITAT GUERZE

Les habitants des autres villages batissaient pour se defendre, tout autour des agglomerations, une enceinte en bankoT (higni) en guise de murailles. On voit encore

aujourd'hui les vestiges de ces fortifications a Keremanzou, Kpai, Kpaya, Konya, villages situes pres de Koule. Pendant la conquete de la region forestiere, ces tatas proteges par des sanies et des fosses ont joue un role redoutable. Le lieutenant Gui-

gnard, le vainqueur de la place fortifiee de Pale, a trouve la mort au siege de Bousse- dou, le ier avril 1907. Les tatas de Pale, Maboussou, Pampara, Gobahoeta, Dendano, ont ete demolis au cours de cette annee heroique.

Le devin etait toujours consulte pour la fondation d'un village. Si les signes divina- toires etaient favorables pour l'emplacement propose, il designait les sacrifices a faire.

Les noms donnes aux villages du cercle de N'Zerekore peuvent etre classes comme suit: ceux qui designent les noms des fondateurs et qui ont comme suffixe ta (en guerze et kono ' village ') et pa (en mano ' village '); ceux qui designent la position du village par rapport a un cours d'eau, une hauteur ou une foret; noms descriptifs en rapport avec la nature du terrain et la flore de la contree; ceux qui designent une

caracteristique impressionnante du lieu ou les noms des habitants, d'apres leur inter- dit; ceux qui ont des sens varies et ceux qui sont plus ou moins indechiffrables.

LA CONSTRUCTION DE LA CASE

De meme que la construction des ponts de lianes rappelle par sa conception celle des ponts metalliques suspendus, la construction des cases en banko renforce de roseaux et de branchages rappelle celle des batiments en beton arme.

La forme classique de la case (pee) est ronde, avec une etroite veranda circulaire, couverte d'une toiture conique en paille, comme un chapeau de paysan chinois ou soudanais. Grace a cette forme arrondie, la case et sa toiture ne donnent pas prise aux tornades violentes qui precedent la saison des pluies.

Pour construire une case, les Guerze plantent au milieu du terrain un piquet et ils tracent, a l'aide d'une ficelle attachee - qui se termine a une petite houe (kale), ou a quelque chose de pointu en guise de compas - un cercle plus ou moins parfait.

Sur ce trace, ils enfoncent, l'un a cote de l'autre, a une distance de dix centimetres environ, les troncs des arbustes lolo,z en laissant une ou deux ouvertures pour les

portes. Les cases n'ayant pas de fenetres, ils ne laissent pas d'autre espace vide. Ces

pieux sont attaches horizontalement entre une double ceinture de roseaux (tolan)3 - interieur et exterieur - a l'aide des fibres de liane (laba). Cette armature est remplie interieurement et exterieurement de mortier en pise (ppolojoghd ou polobagha).

Avant la toiture on construit le plafond (gban). Pour faire la charpente, ils plantent au milieu de la case, comme poteau, le tronc d'un arbre droit, de preference le para- solier (wuyein),4 a la hauteur ou ils veulent fixer le sommet du toit. Parfois, si la case a couvrir est petite, ils font la toiture par terre et une fois terminee, ils la posent sur le mur circulaire de la case. Des que la toiture est terminee, ils enlevent, presque toujours, le poteau du milieu.

Les gens de la Foret ont l'habitude de couvrir leurs cases avec trois sortes de

' En mande 'argile'; sorte de pise. 2 Harungana madagascariensis, Hypericacees.

3 Amomum citraium, Zingiberacdes. 4 Musanga smithi, Moracees.

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i. Le tressage de l'armature des murs.

2. La confection du plafond.

3. La confection de la ceinture de la toiture qui abrite la veranda.

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4. Application du mortier (avant la pose de la toiture)

5. La demolition d'une vieille toiture. En guise de porte, un ecran tresse

6. Changement de la paille d'une toiture. En profil un morceau de bois taille en echelle

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ESQUISSE SUR L'HABITAT GUERZE

paille: la tres fine (pipila), la fine (de) et la grosse (kean). La paille est recoltee a une certaine distance du village et, attachee en bottes coniques, transportee, comme toute chose, sur la tete. Les feuilles de palmiers a raphia sont aussi utilisees comme couver- ture des cases. Pour les hangars et les constructions provisoires, ils utilisent aussi les feuilles de palmiers a huile. La toiture terminee, ils coupent la paille qui deborde la partie inferieure- une bande assez large- pour que la couche de la paille soit epaisse. Ils soutiennent la paille avec un morceau de bois qu'ils tiennent d'une main et de l'autre ils tranchent a l'aide d'un coupe-coupe.

La case achevee, ils allument en son milieu un beau feu, qu'ils alimentent nuit et jour avec du bois mort, jusqu'a son assechement complet. La nuit, un bout de tronc d'arbre, qui se consume lentement, facilite l'entretien du feu.

Ils blanchissent la case au kaolin a l'aide d'un pinceau confectionne avec des fibres de raphia attachees au bout d'un baton.

Entre temps, ils procedent a la fixation d'un battant a la porte qui donne sur la route. Parfois, une deuxieme porte donne sur la cour. Les portes etaient les seules ouvertures pratiquees, les fenetres, comme nous avons dit, etant inconnues dans le passe. Ils font les portes, de preference, avec le bele-kpelin; cet arbre a, a la base du tronc, des saillies regulieres comme des contreforts en forme d'ailes. Ils les decoupent et en font les portes massives de leurs cases (kpon). Ils taillent seulement les deux extremites en forme de gonds et les ajustent en haut et en bas dans les cavites du cadre de la porte qui peut consister en haut d'un morceau de bois et en bas d'une pierre enfoncee dans la terre. Parfois, au lieu des portes, ils suspendent de simples ecrans faits en tressant la partie externe des rachis du palmier a raphia. Pour les rendre plus resistants, ils les enduisent de bouse de vache (pele-lale-nye-nye).

La reparation de la toiture des cases se fait a la fin de la saison seche, a l'approche des premieres pluies. Tous les trois ans environ, ils changent completement la paille du toit.

En principe une case vetuste ne se repare pas. Ils la laissent tomber en ruines, l'abandonnent et elle s'ecroule d'elle-meme. C'est plus simple de construire une case neuve, sur un emplacement voisin, que de reparer la vieille, minee souvent par le fleau africain, les termites.

Les villages guerze sont relativement propres et bien desherbes par crainte des reptiles. Le terrain autour des habitations est defriche et nu; les cases, qui ne se trouvent pas sur la peripherie du village, ne sont pas entourees de jardins. Par contre, aux champs, ils plantent autour de leurs habitations des tubercules et des legumes avec lesquels ils preparent leurs sauces. Les cases aussi sont bien tenues.

Des fonctionnaires, des militaires retraitds, des commerSants et des chefs de can- ton' ont commence, dans les centres, a construire des habitations rectangulaires a l'europeenne en parpaings de terre avec un peu de ciment pour le dallage et couvertes de toles galvanisees.

L'essor qu'a pris la construction des batiments amorphes couverts en toles est tel qu'on peut dire que l'Afrique Noire vit avec intensite son age de la tole ondulee.

x Cet article a ete ecrit bien avant la proclamation les ordres directs d'un Commandant de la Region de l'Independance- 2 Octobre I958. Aujourd'hui administrative qui correspond au titre de Com- les chefs de canton ont ete remplaces par des mandant de Cercle avant l'Independance. chefs de postes administratifs, fonctionnaires, sous

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ESQUISSE SUR L'HABITAT GUERZI

FORME ET COMPOSITION DU VILLAGE

La forme des villages ne peut pas etre determinee. Le village (ta) prend plut6t la forme du plateau ou terrain sur lequel il est bati. Parfois, il est allonge tout au long d'un sentier ou d'une route. Les cases sont construites au petit bonheur, dans un ordre serre; leurs toitures se touchent presque et des passages tres etroits serpentent entre les cases. Quelques sentiers plus larges traversent, parfois, le village.

Un village se compose de plusieurs ' carres' (kwdli: cour) sous l'autorite d'un chef, aujourd'hui remplace par un comite. Un 'carr ' consiste en un groupe de cases d'une grande famille, qui a le meme interdit (tegha). C'est pour cette raison

qu'ils mentionnent toujours le nom de famille pour designer le' carre ', par exemple: Monekweli. Une pierre ou un tas de pierres designent l'emplacement du 'carre' d'un chef de famille important. Si, faute de place, il y a des membres de cette famille

qui habitent a l'autre bout du village, leur concession est rattachee a ce ' carre ' et

designee comme tel. Dans un ' carre', il y a plusieurs petites families avec des concessions independantes. Une telle concession comprend:

i? La case du chef de famille ou d'un adulte marie. 2? La case des femmes (neno-pele ou pele-bolo): sorte de gynecee oiu les femmes

vivent en groupe de deux a six et meme, parfois, jusqu'a vingt. Elles sont principale- ment des co-epouses, mais des parentes ou des enfants peuvent habiter ces cases. Les hommes ne cohabitent pas avec les femmes. C'est au milieu des ces cases que les femmes font leur cuisine par temps de pluies. Pendant la saison seche, qui dure environ trois mois, elles font leur cuisine en plein air en bordure de la foret. Les cuisines-cases n'existent pas.

3? La case des celibataires qui vivent ensemble (la-kwea-pele). Souvent, derriere les cases, il y a une petite cour (koumoun-zou) ou les femmes pilent

et vannent leur riz et deposent leurs mortiers, pilons et tout ce qui est volumineux et encombrant.

Un enclos reduit sert de lieu de toilette (wa-kweli). Les habitants creusent un puits perdu qu'ils remplissent de cailloux; ils se lavent au-dessus et ainsi l'eau s'infiltre et se perd dans la terre. Ou bien ils font une estrade avec les rachis du palmier a raphia, haute de quarante centimetres environ, cloturee, et ils se lavent, comme d'habitude, accroupis.

Les latrines n'existent pas: la foret est un lieu d'aisance par excellence. Les enfants font leurs besoins sur le tas d'ordures du village.

Les puits sont aussi inexistants. Les femmes et les enfants puisent l'eau a une source ou dans un ruisseau, lesquels se trouvent a proximite du village. Comme tout

objet, le recipient plein d'eau - calebasse, seau, cuvette, bassine - est porte sur la tete. Les femmes lavent leurs habits et leur vaisselle au marigot, ou elles se lavent elles-memes. Des puisatiers, soudanais ou malinkes, qui ont surtout travaille dans les mines d'or de Siguiri et ailleurs, parcourent le pays et creusent actuellement des puits dans les grands centres, tel celui de N'Zerekore.

Dans un village, il n'y a pas de cimetiere. Ils enterrent leurs morts au bord d'une route ou d'un sentier. Mais ils les groupent quand meme par families. Au cours d'un sacrifice, ils enfouissent souvent des noix de kola et ainsi par la suite des kolatiers

designent l'emplacement des tombes. Les hautes personnalites sont enterrees dans la

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ESQUISSE SUR L'HABITAT GUERZI 51

foret, dans des endroits determines, ou on procede periodiquement a des sacrifices

importants. Les chefs, dont la mort n'est pas annoncee, afin de garder leur decas secret, sont enterres en cachette, de preference dans des endroits marecageux pour mieux dissimuler les tombes et les proteger aussi du viol des profanateurs.

Les greniers (mdnoun-gele) ne se trouvent pas au village, mais dans les champs de culture. Quand les champs ne sont pas eloignes du village, les cultivateurs rentrent le soir chez eux. Ils ont juste dans les champs leurs greniers sur pilotis, sous lesquels ils se reposent, s'abritent de la chaleur et des intemperies et ils y font leur cuisine.

Dans le cas contraire, les champs prennent l'importance d'un hameau. Tout en

ayant leurs cases au village, ou ils ne se rendent que le jour du marche et les jours feries, les cultivateurs habitent aux champs dans de vraies cases. Et ainsi, ils menent une double vie, celle des champs et celle du village. A ces champs eloignes sont

gardes, a l'abri des regards curieux, les infirmes, les lepreux, les incurables et les fous. Les fous agites non seulement sont enfermes dans des cases, mais leur pied est passe, a la hauteur de la cheville, dans un trou, creuse au milieu d'un billot. On immobilise le pied en retrecissant le trou a l'aide de clous, de telle fagon qu'il ne puisse pas se liberer. Dans le temps passe, c'est ainsi qu'ils gardaient en captivite certains de leurs

prisonniers. Les habitants elevent des petits moutons et des chevres du pays qui vivent en

liberte, dans le village et aux alentours, en encombrant toutes les routes carrossables. Leur volaille vit aussi en liberte. Le soir elle s'abrite dans les arbres et dans des poulail- lers en terre battue (loy-konan), ou sous les verandas des cases. Quand une poule a des

poussins, on l'enferme souvent le soir, avec ses petits, dans une cage (te-konan) pyramidale que l'on suspend sous la veranda. C'est dans ces sortes de cages qu'ils transportent leurs volailles, de village en village, ou au champ, pour qu'elles passent la journee sous leur surveillance, a picorer.

Les notables du village font un hangar (kele), pres de leur ' carre ', ou ils se reposent, discutent et reglent des palabres (meni-bo-kele).

Chaque village a sa tribune de palabres (kw?ni-kalan) qui est une Pnyx en miniature. Les places pour s'asseoir sont disposees en rond. Une grande pierre, posee par terre, sert de siege et une autre debout, enfoncee dans la terre, sert de dossier. Elles sont toutes polies par le long frottement des personnes qui se sont assises pour discuter leurs affaires communes. Un kweni-kalan est parfois situe sur la tombe d'un ancetre et ainsi son esprit preside aux deliberations.

La forge (kweli-kele) se trouve toujours a 1'ecart, a l'entree du village, quelque peu eloignee des autres cases et isolee plus ou moins, tres probablement pour la securite en cas d'incendie. Elle a la forme d'une case ordinaire mais ouverte tout autour. Les

forgerons forment une caste a part. La concession du chef de village n'occupe pas un emplacement special; elle est

semblable aux autres, mais evidemment plus importante. Le 'carre' du chef de canton comprend, outre des cases rondes, des paillotes rectangulaires.

Les grands chefs, d'une ancienne lignee, ont en plus 'la case cloture '. Dans ces cases sont censes vivre les chefs morts mais dont le deces n'avait pas ete annonce. Ils disent que ' le chef est malade ' ou ' qu'il a mal au pied '. On confie la surveillance de la case et de la cloture a une vieille femme qui est censee preparer le riz du chef. C'est dans cette case qu'on conserve ses souvenirs-fetiches et surtout une petite

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ESQUISSE SUR L'HABITAT GUERZI

enclume, embleme des chefs, qu'on lui met dans la main au moment de sa mort. Cette enclume representera desormais le chef. On la garde, avec les autres fetiches, dans un van. C'est sur cette enclume et ces fetiches que des sacrifices sont pratiques periodiquement, dans l'enceinte de la cloture. Un chef, dans ses grands deplacements, emmene en secret avec lui cette enclume, qui personnifie en somme son ancetre, afin d'etre sous sa protection et avoir la possibilite de lui offrir des sacrifices a tout moment

critique. On peut definir un sacrifice comme une priere, qui, pour etre agreee, est

accompagnee d'une offrande adressee au souvenir-fetiche du defunt ou d'un ancetre. Le chef decede est enterre, d'apres un rituel, en secret. Ces enterrements des chefs etaient, parait-il, accompagnes de sacrifices humains. Un captif et une femme prefere du chef etaient enterres avec lui pour le servir dans l'au-dela. Le chef mort, on l'habillait de ses plus beaux habits et on l'asseyait dans un endroit secret de la foret. On convoquait ses femmes pour ' saluer leur mari qui devait partir pour un long voyage '. Et la, on leur posait la question:' Laquelle d'entre vous veut accompagner son mari pour ce long voyage? ' La femme qui repondait par l'affirmative devait etre designee pour ce sacrifice. Actuellement meme, en souvenir de cette coutume, comme cela s'est passe a Gouecke pour le deces du chef de canton Bamo, ils posent cette question. /&videmment, la femme qui repond par l'affirmative n'est pas immolee. Dans ces clotures sacrees (koumoun-nyon) personne ne peut entrer, sauf les membres de la famille au temps des sacrifices. Et dans la case qui se trouve au milieu de cet enclos n'entrent que quelques personnes agees, initiees aux secrets de la famille. Pour mettre quelqu'un dans la cloture (mettre ses fetiches) et pour demolir la cloture

(annoncer la mort du chef) il faut toujours la permission du chef de canton de Tonale, Gade, de descendance royale de la famille de 'yegben '. Dans la region, apres la famille

royale du canton de Karagoua (kono), du cercle de Beyla, c'est celle de Gade qui represente l'ancienne lignee. Les membres de la famille royale de Karagoua portent les scarifications du visage en relief et ceux de Gade en creux. Cette cloture donc est demolie, apres le consentement de Gade, quand la mort du chef est annoncee publique- ment. Cette annonce est suivie d'une grande ceremonie couteuse en denrees, en betes immolees et en coups de fusil. Une dizaine, une vingtaine meme parfois, de bceufs sont offerts aux manes des ancetres. Peut-etre est-ce la raison d'ajournements dans les annonces de ces morts. A Gouecke, par exemple, il y a plus de dix chefs qui sont decedes, mais dont la mort n'est pas encore annoncee; ils sont consideres comme malades et retires dans la 'cloture'.

Dans un village il y a souvent l'endroit fetiche - d'habitude un arbre, une source ou un rocher - ou se font les sacrifices de la communaute. L'entree de la foret sacree (kpangan), qui est dissimulee derriere un rideau en palmes, ainsi que le campe- ment (louwa) de sortie des inities, se trouvent a proximite du village. Mais le campe- ment meme de l'initiation est situe dans la foret, a quelques kilometres.

Surmmary AN ACCOUNT OF GUERZ]~ VILLAGES

GUERZE (Kpelle) villages are generally built on high ground near water, often surrounded by forest which is used for initiation and other ceremonies. A village often begins with a farm plot: the farmer and his family form a small settlement which eventually grows into

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ESQUISSE SUR L'HABITAT GUERZI

a village. The soil is everywhere poor, but the people have not been anxious to cultivate the improved land provided by the N'Zerekore Service d'Agriculture, fearing that they might be prevented from practising their traditional type of cultivation by slashing and burning, for farming in the valleys is regarded as easy and therefore women's work. After having cut down and burned trees and undergrowth they prepare the ground with a small hoe and sow the staple crop of upland rice. Manioc, maize, millet, sweet potatoes, &c., are also grown. Part of the produce of oil-palms, kola, and coffee is exported. With increasing destruction of the forest, forest reserves have been created by the Administration.

The building of huts, which are generally round with conical thatched roofs, is described and illustrated. A village is made up of several quarters, each under the authority of a chief. A quarter consists of a group of huts of an extended family, the quarter being known by the name of the family. Each quarter contains a number of domestic families with their own living accommodation, consisting of the hut of the head of the family, and the women's hut, where a number of women-usually co-wives-live together. Female relatives or children may also live here. There is also a hut for unmarried men. The dwelling of the village chief resembles the other huts, but important chiefs have in addition a special hut looked after by an old woman in which a chief is shut up when he dies, for the death is not announced-it is given out that he is ill. In this hut are kept the chief's fetishes, especially the small anvil, emblem of chiefship and personification of the ancestors, which is put into his hands at the moment of his death. The announcement of the death of a chief of the royal lineage is followed by a costly ceremony with the sacrifice of a number of cattle to the ancestors.

The Tswana, by I. SCHAPERA. Pp. 77, map

ETHNOGRAPHIC SURVEY OF AFRICA

Edited by DARYLL FORDE

In response to numerous requests the following sections of the Ethno-

graphic Survey have now been reprinted:

The Ibo and Ibibio-Speaking Peoples of South-Eastern Nigeria, by DARYLL

FORDE and G. I. JONES. Pp. 80, map 7s. 6d. net

The Yoruba-Speaking Peoples of South-Western Nigeria, by DARYLL FORDE.

Pp. 102, map 8s. 6d. net

The Tiv of Central Nigeria, by LAURA and PAUL BOHANNAN.

Pp. Ioo, map 9s. 6d. net

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9s. 6d. net

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