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Pour la parution du troisième numéro du journal académique de l’éducation à l’égalité filles-garçons lancé par Cathy Patinet l’année dernière, la date du 25 novembre a été retenue car elle constitue, avec le 8 mars et le 17 mai, un des trois temps forts de l’année pour la mobilisation contre les discrimi- nations et pour l’égalité entre les sexes et les sexualités. C’est en 1999 que l’ONU a officiellement fixé au 25 novembre la journée internationale pour l’élimina- tion de la violence à l’égard des femmes. Des manifestations avaient déjà lieu ce jour-là contre les violences sexistes en hommage à Patria, Minerva et María Tereza Mirabal, trois sœurs et opposantes politiques de la République Dominicaine, assassinées le 25 novembre 1960 sur ordre du régime en place. En France, depuis 2010, le 25 novembre a été institué « journée nationale de sensibilisation aux violences faites aux femmes » et l’école a son rôle à jouer dans ce domaine comme le rappelle la Convention interministérielle pour l’égalité entre les filles et les garçons, les hommes et les femmes dans le système éducatif (2013-2018) puisqu’il s’agit notamment de « mieux connaître et prévenir les situations liées aux comportements et violences à caractère sexiste et sexuel ». Les filles et les jeunes filles qui fréquentent nos établissements scolaires peuvent être victimes de violences aux formes multiples : insultes, harcèlement, cybersexisme ou encore mariages forcés, violences sexuelles qui dépassent le cadre de l’école. Ce numéro propose donc quelques res- sources pour conduire des actions de sensibilisation et présente une association partenaire, le Centre d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles (CIDFF), pouvant intervenir en concertation avec les personnels éducatifs. Celles et ceux qui travaillent avec les jeunes savent que les actions ponctuelles ne suffisent pas : c’est au quotidien et par l’éducation que se construit le respect mutuel. Ce journal présente donc, comme dans chaque numéro, des actions menées dans les établissements. Deux d’entre elles ont la particularité d’avoir mobilisé plusieurs collègues de différentes disci- plines et un grand nombre d’élèves. La troisième offre un espace de parole et de réflexion à des collégiens et collégiennes en leur permettant de s’exprimer sur des sujets tels que le sexisme. Toutes ces actions touchant à divers domaines ont un point commun : elles ont pour but d’impliquer les élèves et de les rendre acteurs et actrices d’une égalité filles-gar- çons qui n’a rien d’une évidence. Bonne lecture ! Laurence Ducousso-Lacaze, chargée de mission égalité filles-garçons rectorat d’Amiens [email protected] Filles et garçons à l’école : elles et ils font l’égalité N°3 – Novembre 2017 Editorial N’hésitez pas à diffuser largement ce journal en l’envoyant ou en l’imprimant.

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Page 1: elles et ils font l’égalité - Académie d'Amiens...violences aux formes multiples : insultes, harcèlement, cybersexisme ou encore mariages forcés, violences sexuelles qui dépassent

Pour la parution du troisième numéro du journal académique de l’éducation à l’égalité filles-garçons lancé par Cathy Patinet l’année dernière, la date du 25 novembre a été retenue car elle constitue, avec le 8 mars et le 17 mai, un des trois temps forts de l’année pour la mobilisation contre les discrimi-nations et pour l’égalité entre les sexes et les sexualités. C’est en 1999 que l’ONU a officiellement fixé au 25 novembre la journée internationale pour l’élimina-tion de la violence à l’égard des femmes. Des manifestations avaient déjà lieu ce jour-là contre les violences sexistes en hommage à Patria, Minerva et María Tereza Mirabal, trois sœurs et opposantes politiques de la République Dominicaine, assassinées le 25 novembre 1960 sur ordre du régime en place.En France, depuis 2010, le 25 novembre a été institué « journée nationale de sensibilisation aux violences faites aux femmes » et l’école a son rôle à jouer dans ce domaine comme le rappelle la Convention interministérielle pour l’égalité entre les filles et les garçons, les hommes et les femmes dans le système éducatif (2013-2018) puisqu’il s’agit notamment de « mieux connaître et prévenir les situations liées aux comportements et violences à caractère sexiste et sexuel ».Les filles et les jeunes filles qui fréquentent nos établissements scolaires peuvent être victimes de violences aux formes multiples : insultes, harcèlement, cybersexisme ou encore mariages forcés, violences sexuelles qui dépassent le cadre de l’école. Ce numéro propose donc quelques res-sources pour conduire des actions de sensibilisation et présente une association partenaire, le Centre d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles (CIDFF), pouvant intervenir en concertation avec les personnels éducatifs.Celles et ceux qui travaillent avec les jeunes savent que les actions ponctuelles ne suffisent pas : c’est au quotidien et par l’éducation que se construit le respect mutuel. Ce journal présente donc, comme dans chaque numéro, des actions menées dans les établissements. Deux d’entre elles ont la particularité d’avoir mobilisé plusieurs collègues de différentes disci-plines et un grand nombre d’élèves. La troisième offre un espace de parole et de réflexion à des collégiens et collégiennes en leur permettant de s’exprimer sur des sujets tels que le sexisme. Toutes ces actions touchant à divers domaines ont un point commun : elles ont pour but d’impliquer les élèves et de les rendre acteurs et actrices d’une égalité filles-gar-çons qui n’a rien d’une évidence.

Bonne lecture !

Laurence Ducousso-Lacaze,chargée de mission égalité filles-garçons rectorat d’Amiens

[email protected]

Filles et garçonsà l’école : elles et ils font l’égalité

N°3 – Novembre 2017

Editorial

N’hésitez pas à diffuser largement ce journal en l’envoyant ou en l’imprimant.

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RessourcesDans le cadre d’un travail spécifique de sensibilisation aux violences faites aux filles et aux femmes, voici une sélection de ressources qui permettent d’analyser une situation et proposent des outils.

Comportements sexistes et violences sexuelles : il s’agit d’un guide d’intervention en milieu scolaire qui présente un état des lieux, des définitions et rappelle le cadre juridique en ce qui concerne le sexisme, les violences à caractère sexuel (« toutes les situations où une personne cherche à imposer à autrui un comportement sexuel réduisant l’autre à l’état d’objet »), la prostitution, les mariages forcés et les mutilations sexuelles féminines. Cette publication donne des pistes pour prévenir, repérer et agir. http://eduscol.education.fr/cid47994/reperes-ressources-pour-prevention-traitement-des-violences-sexuelles.html

Non au harcèlement : le site propose entre autres des ressources au sujet du cyberharcèlement. Il l’envisage notamment comme une forme de violence de couple qui peut se mettre en place très tôt, dès l’adolescence. Cette violence prend différentes formes :

contrôler le comportement, la façon d’être et de s’habiller de la partenaire dans une relation de domination

obliger sa partenaire à des relations sexuelles ou à des comportements à caractère sexuel non dé-sirés

se venger en cas de rupture non désirée.http://www.nonauharcelement.education.gouv.fr/que-faire/faire-face-au-cyberharcelement/

Par ailleurs, le prix « Non au harcèlement » s’adresse aux élèves d’école, de collège et de lycée, il permet de les sensibiliser et de les mobiliser grâce à la réalisation d’une affiche ou d’un clip vidéo. Deux prix spéciaux sont attribués au sujet du harcèlement sexiste et sexuel.http://eduscol.education.fr/cid72752/prix-mobilisons-nous-contre-le-harcelement.html

Un site dédié à la lutte contre le cybersexisme : lancé le 17 octobre 2017 par le Centre Hubertine Auclert, il s’agit du premier site ressources de ce genre. Le cybersexisme est l’ensemble des comportements et propos sexistes diffusés sur internet, les réseaux sociaux ou via SMS/MMS. Ils reposent sur des stéréotypes, sur des injonctions concernant la sexualité, la manière de s’habiller, l’apparence physique ou le comportement.Ce site propose :

le décryptage des cyberviolences sexistes et sexuelles : de quoi parle-t-on ? Pourquoi cela touche-t-il davantage les filles et certains garçons ?...

des conseils pour savoir réagir en tant que victime ou témoin : que faire ? Que dit la loi ? Comment signaler du contenu sexiste en ligne ? Qui contacter ?...

plus de 75 ressources utiles pour mener des actions de prévention : flyers, affiches, vidéos...

https://www.stop-cybersexisme.com/

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Nous avons demandé à Christine, salariée au Centre d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles de l’Oise, de nous parler de cette associa-tion, partenaire de l’Education nationale, notamment dans la lutte contre les violences sexistes.

« Pouvez-vous nous présenter rapidement le CIDFF ? »Le CIDFF de l’Oise est une association départementale, dotée d’un agrément donné par l’Etat pour œuvrer pour l’égalité entre les femmes et les hommes et permettre l’accès aux droits des femmes et des familles. Le CIDFF Oise fait partie de la Fédération nationale des CIDFF, composée de 106 CIDFF en France. Les CIDFF sont inscrits dans le Code de l’action sociale et des familles. Dans l’Oise, l’équipe se compose de 7 salariées et ses actions, suivis indivi-dualisés ou interventions collectives, portent sur plusieurs thèmes : les différents domaines des droits, l’évolution des droits des femmes, la prévention des violences (souvent les violences au sein des couples), l’égalité, les rapports filles-garçons, la vie affective et amoureuse, la mixité dans l’emploi, l’élargissement des choix professionnels …

« Vous intervenez dans les établissements scolaires pour faire de la

prévention : comment se déroulent les séances ? »Nous intervenons à la demande des établissements scolaires, auprès de collégiens le plus souvent, mais aussi beaucoup en lycées, notamment lycées professionnels. Parfois en primaire. Nous intervenons en général auprès de toutes les classes d’un même niveau. Les thèmes les plus fréquents sont la prévention des violences sexistes, l’égalité, les rapports filles-garçons et la vie affective et amoureuse. Les interventions se font en binôme avec sou-vent une juriste. Nous utilisons différents outils pédagogiques adaptés à l’âge des élèves et aux thèmes à aborder : saynètes, cartes, jeux de rôles, … afin que les séances soient très interactives et incitent les jeunes à s’exprimer. Ce sont des séances souvent assez animées, avec une bonne participation des élèves. En effet, les thèmes abordés les touchent beaucoup et ils apprécient ce temps de paroles libres, sans jugement.

« Quels constats ces interventions vous conduisent-elles à faire ? »Qu’il y a encore beaucoup à faire ! Même si les mentalités évoluent, notamment sur le partage des tâches ou l’ac-cès aux métiers, les stéréotypes ont la vie dure, et restent très ancrés dans les têtes, aussi bien chez les filles que chez les garçons. Par exemple, on a remarqué que dans certains collèges et lycées, les filles ne se mettent plus ou très rarement en jupe. Et quand on interroge ces jeunes filles sur les motifs, la plupart du temps, elles nous disent que la raison est qu’elles ont peur d’être mal regardées, mal considérées, mal jugées, voire même insultées. On a même déjà entendu des propos visant à légitimer les agressions si la fille est en jupe ! On a vraiment l’impression d’une régression parfois. Cependant, quand on commence à discuter avec ces jeunes, de l’impact des insultes, du harcè-lement, du respect de soi et des autres, … quand on les incite à réfléchir, à s’exprimer, on voit clairement que les choses ne sont pas figées non plus, qu’ils peuvent évoluer dans leurs réflexions, et voir les choses sous un autre angle, ce qui est très positif ! On voit aussi que dans une classe, tout le monde ne pense pas la même chose, notamment ceux qui s’expriment le moins. Il faut donc se garder de généraliser. Le constat que l’on fait également est que l’on voit la différence avec les élèves auprès desquels des interventions ont déjà eu lieu auparavant sur différents sujets, dès la 6ème ou la 5ème, voire dès le CM2. On sent que certains sujets ont déjà été abordés et travaillés. Les notions d’égalité entre les sexes, de respect, de citoyenneté, sont des notions familières, voire évidentes pour certains. En conclusion, il nous parait nécessaire d’intervenir dès le plus jeune âge. Dès la grande section de maternelle. On peut discuter, échanger, et amener les enfants à réfléchir sur de nombreux sujets, qui de ce fait, seront pleinement intégrés au collège, au lycée et à l’âge adulte.

Un Partenaire : le CIDFF

« On voit la différence avec les élèves auprès desquels des interventions ont déjà eu lieu auparavant sur diffé-rents sujets, dès la 6ème ou la 5ème, voire dès le CM2. »

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Eduquer à l’égalité filles-garçons : un projet transversal au collège Jules VallèsJulie Assouad - professeure de français et coordinatrice du projet égalité au collège Jules Vallès – Saint-Leu d’Esserent

Durant l’année 2016-2017, certains collègues de l’équipe enseignante, appuyés par la direction et la vie scolaire, ont fait le choix de construire un large projet sur l’égalité filles-garçons au sein du collège Jules Vallès à Saint-Leu d’Esserent dans l’Oise. Ce projet transdisciplinaire s’inscrivait dans la mise en place des EPI, dispositif apparu avec la Réforme du collège.

Les disciplines mobilisées Cette question évidente de l’égalité mais encore si problématique pour de nombreux adultes (et par conséquent de nombreux enfants) fut envisagée dans différentes matières à travers des modalités variées.Ainsi, en français, après l’étude de textes variés, de BD, de films traitant de cette question, les élèves ont imaginé des saynètes de théâtre et des poèmes. Le travail d’écriture achevé, les adolescents ont mis en scène leurs productions écrites devant les classes de 6ème, 5ème et 4ème. Ce vaste travail d’écriture a été compilé dans un recueil qui permettra aux élèves de garder trace de toutes ces réflexions liées à la lutte contre les clichés sexistes.De même en histoire-géographie, les élèves se sont documentés sur de grandes figures féminines de l’Histoire et ont réalisé des exposés qui habillent les murs des classes. Dans le prolongement de cette action, les adolescents ont sélectionné des paroles marquantes de femmes et les ont inscrites sur de grandes fresques qui font vivre le collège de ces valeurs d’égalité et de liberté. Nous sommes tous très attachés au fait que la parole bien que passée, doit rester vivante. C’est à nous enseignants de la faire vibrer !Enfin, en EPS, le collègue des deux classes concernées a organisé des tournois de football mixte pour mettre fin aux stéréotypes liés au sport.

Des partenaires sollicitésLe projet fut complété par l’analyse d’une exposition sur la place des Femmes dans l’Histoire prêtée par l’As-sociation Femmes Solidaires et le journal Clara Magazine avec qui nous avons travaillé conjointement. Enfin, les collégiens ont pu bénéficier d’une rencontre avec l’association Femmes Ingénieurs qui est interve-nue toute une matinée afin de faire reculer les représentations liées à la place des femmes dans le monde scientifique (la question de l’égalité touchant évidemment aussi celle de l’orientation très souvent assujettie à des stéréotypes sexistes).L’année fut par conséquent très riche et nourrie d’interrogations multiples.

Des résistances persistantesToutefois, notre collège brassant des élèves aux origines et aux parcours multiples, la question de l’égalité hommes-femmes n’est pas une évidence pour tous. Ainsi, si elle semble aller de soi pour certains, elle fait en-core débat pour d’autres. En effet, nous avons dû affronter les jugements parfois abrupts de certains élèves qui proclamaient haut et fort : « De toute façon, Madame, votre projet, il nous intéresse pas ! »Les clichés ont encore malheureusement de beaux jours devant eux…Seul un travail patient et obstiné des enseignants, associations, politiques pourra faire bouger les représentations.

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Des salles de classe renommées au collège des Bourgognes Mathilde Marguerit - professeure d’histoire - géographieEMC et référente à l’égalité filles-garçons au collège des Bourgognes - Chantilly

En juin dernier, alors que les derniers jours d’école s’écoulaient, une certaine agitation a animé quelques salles et couloirs du collège des Bourgognes. Les délégués de classes et quelques élèves volontaires avaient pour mission de plastifier des affiches de format A3, affiches élaborées par toutes les classes de l’établissement. Sur ces affiches étaient inscrites les biographies de Joséphine Baker, Marc Bloch, Marie Curie, Léonidas, Germaine Tillion et bien d’autres illustres personnages. Ces affiches ont été accrochées à des grilles au milieu du hall d’en-trée. Les élèves ont ensuite exposé à leurs camarades, amenés par des professeurs volontaires, pourquoi ils avaient réparti les affiches de cette manière et leur ont expliqué les grandes lignes de la vie de certains personnages. Un jeu de ques-tions-réponses a même été conçu par quelques élèves.

Un projet au long cours - L’histoire a commencé plus d’un an auparavant, quand, dans le cadre d’un CESC (comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté), Mme Patinet, professeure d’EPS et moi-même (Mme Marguerit, professeure d’histoire-géographie) avons lancé l’idée de renommer les salles de classe. Nous souhaitions par cette action redonner la même visibilité aux femmes et aux hommes dans tous les domaines. Mais au-delà de cette visibilité, permettre aux élèves de se référer à des modèles autant féminins que masculins. Une façon de dire que les sciences, l’histoire, l’art, la littérature, le sport, etc… n’ont pas de sexe ! Une façon de combattre leurs nombreuses représentations stéréotypées. Cette réflexion résultait d’un long travail sur la question de l’égalité filles-garçons au collège : cinq participations réussies au concours des Olympes de la parole de 2011 à 2016, animation d’émissions spéciales sur l’égalité filles-garçons dans le cadre du club radio, actions avec des partenaires extérieurs.Durant un an, les enseignant.e.s ont donc mené un travail avec leurs élèves. Que ce soit sous la forme d’exposés oraux, écrits, de recherches personnelles, en utilisant les ressources du CDI, d’internet, la salle informatique, les élèves ont été mis à contribution pour ce travail biographique.

Des élèves sensibilisés - La majorité des élèves s’est pliée avec enthousiasme au projet. Dans cer-taines classes, un vote a eu lieu pour savoir quel personnage « conserver ». Des débats ont animé les échanges. Au moment de la présentation temporaire des affiches au milieu du hall, beaucoup d’élèves sont restés à lire les panneaux et à discuter de tel ou tel personnage. Il était agréable d’entendre des élèves constater combien il avait été difficile pour telle ou telle figure féminine de défendre ses idées et de les imposer. D’autres ont pu voir que les femmes ont pu étendre leurs droits au fil des siècles. Alors que je me trouvais à côté des affiches, un jeune est venu me dire « Madame, c’est vous, la salle Germaine Tillion ! ». J’ai souri. Ce garçon avait, en tenant ces propos, associé en une seule entité une salle de classe, une résistante de premier plan durant la guerre et son professeure d’Histoire. Je me suis dit que si après tout, grâce à cela, il avait identifié un personnage célèbre et la discipline concernée, l’Histoire, on avait fait un petit pas.

Et la suite ? - Ce travail doit-il être renouvelé chaque année ? En effet, en attribuant de manière définitive le nom d’une personne à une salle, on ne pousse pas les jeunes à chercher d’autres figures. D’autre part, une ques-tion purement technique se pose : le collège étant la propriété du département, il faut l’autorisation du conseil départemental pour accrocher des inscriptions pérennes sur les portes ! La réussite d’un tel projet dépend évidemment de l’énergie et de la volonté des équipes (Direction, enseignants, vie scolaire, etc…). Nous avons conscience qu’il ne s’agit que d’une étape pour éduquer à l’égalité.

c’est vous, la salle Germaine Tillion ! Madame !

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Phil’oser un atelier philo au collègede la Vallée du MatzAnne-Laure Devos - référente égalité filles-garçons et professeure documen-taliste au collège de la Vallée du Matz de Ressons-sur-Matz

Cet atelier philo est né d’une envie de donner la parole aux élèves sur ce qu’ils vivent au quotidien à travers des notions qu’ils ont parfois du mal à définir.

Le projetL’atelier était animé au CDI du collège en collaboration avec une collègue de lettres, Mme El Haddouchi, et moi-même pro-fesseure documentaliste. La CPE a, à plusieurs reprises, mani-festé son envie de participer également. Un groupe d’élèves s’est constitué sur la base du volontariat et se retrouvait un midi par semaine pour échanger à l’oral sur un thème précis. Il s’agit d’un moment dans la semaine où le groupe réfléchit, se questionne et débat autour de notions.À tour de rôle, chacun peut participer (ou non) et débattre du thème choisi. Il n’y a pas de jugement, ni de bonne ou mauvaise réponse. Les adultes s’effacent et ne sont là que pour redistribuer la parole ou recentrer le débat. Ils prennent en note la discussion et en font un compte rendu publié sur l’ENT, voire dans le journal du collège.Les objectifs sont divers : s’exprimer à l’oral et savoir écouter l’autre, réfléchir et organiser ses idées, exprimer son point de vue en argumentant ses propos, se forger un esprit critique.Les compétences travaillées sont : l’organisation de la pensée, l’argumentation, le vivre ensemble, l’écoute, la réflexion. Le club philo s’est construit en lien avec le projet d’établissement, le CESC et le parcours citoyen. Il favorise l’épanouissement et le bien-être des élèves.

Un espace pour la parole Le thème est donné en début d’atelier par un adulte ou choisi par un élève. Les élèves, en cercle, échangent sur ce thème. Seule contrainte donnée : se respecter et écouter chacun des arguments sans s’interrompre. Lorsque les élèves ne savent pas trop quoi dire sur un thème, le débat est relancé par des ques-tions posées par l’adulte et préparées à l’avance. Les élèves, avides de partager leur vécu, ont tendance parfois à s’égarer et à raconter trop en détails ce qu’ils vivent à la maison. Nous évitons que chacun rentre trop dans l’intime.

Certains élèves apprécient le fait de pouvoir exprimer leurs idées en petit groupe, ce qui les change du groupe classe. Le club a attiré des enfants qui vivaient un mal-être et qui avaient besoin de s’exprimer. Beaucoup de grands timides se sont révélés dans ces conversations, plus bavards, ils ont pris confiance en eux. 18 thématiques ont été abordées l’an-née dernière. Chacun s’est rendu compte que des thèmes se liaient entre eux discussion après discussion.

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La question du sexismeLa thématique du sexisme a été abordée en lien avec la Journée internationale des droits des femmes du 8 mars 2017. Il y avait au CDI, durant cette période, une exposition sur les femmes dans l’Histoire, ce qui a permis de donner du relief à la discussion. À travers cette thématique, les élèves ont abordé la politique, l’actualité avec les élections aux États-Unis, la publicité, les médias, le sport, l’orientation, les métiers et l’Histoire.Chaque thématique abordée durant l’année est contextualisée et permet aux élèves de faire des liens avec l’actualité et ce qu’ils étudient en cours.

Un atelier apprécié par les élèvesLe groupe se compose d’une douzaine d’élèves allant de la 6ème à la 3ème. Leur nombre varie à chaque rencontre, réunissant des habitués et des curieux attirés par leurs camarades.Lilou (3e) : « Je n’ai pensé que du bien de ce club. Ce club m’a beaucoup aidé. Dans ce groupe, on n’est pas jugé et ça c’est génial. »Quentin (3e) : « J’apprends des nouvelles choses. On échange avec des personnes avec qui on n’aurait pas forcément parlé. »Dorian (6e) « J’ai appris beaucoup de choses. On débat sur plein de thématiques. »Camille (4e) « On a testé pour la première fois, on aime bien, on reviendra. »Léa (5e) : « Depuis que je suis à l’atelier, je n’ai plus peur de parler avec les autres. C’est bien, ça nous per-met d’être moins timides, de rire ensemble parfois et de mieux se comprendre. »

L’atelier est reconduit cette année avec quelques modifications. Les élèves devront débattre à l’aide d’un bâton de parole à se passer. Celui-ci prendra la forme d’un dictaphone afin de rendre compte des ateliers sous format audio.

Des ouvrages pour préparer les rencontres et questionner les élèves : Michaud Yves, Philo 100% Ado, Bayard jeunesse, 2012 Lenoir Frédéric, Philosopher et méditer avec les enfants, Albin Michel, 2016 Labbé Brigitte / Puech, Michel, Les garçons et les filles, « les goûters philo »,

Milan poche junior, 2005

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Rédaction : Laurence Ducousso-Lacaze, chargée de mission égalité filles-garçons rectorat d’AmiensConception - Mise en page : Jérôme Debuigny, service communication du rectorat de l’académie d’Amiens

Grâce notamment aux travaux de Nicole Mosconi, professeure en sciences de l’éducation, et aux études menées par le Centre Hubertine Auclert, nous savons que les manuels scolaires contribuent à véhiculer des stéréotypes sexistes, que ce soit par la place accordée respectivement aux femmes et aux hommes, par le choix des illustrations ou des commentaires. Deux manuels se sont récemment distingués.

Un manuel de SVT 4ème :un seul (Magnard), parmi les huit nouveaux manuels de SVT 4ème, propose, pour la première fois, une repré-sentation complète de l’appareil génital féminin incluant le clitoris. Jusqu’à présent, celui-ci était tout simple-ment oublié ou présenté de façon tronquée. L’enjeu est bien d’offrir un outil pour la connaissance du corps féminin qui pourra être utilisé en séance d’éducation à la sexualité et permettra également d’évoquer les mutilations sexuelles féminines qui font partie des violences faites aux femmes.

Le site https://www.svt-egalite.fr met en ligne des ressources pour les enseignants et les enseignantes de SVT souhaitant adopter une démarche pédagogique plus égalitaire dans le cadre des programmes de collège et de lycée.

Un manuel de CE2 « Questionner le monde » :l’écriture dite « inclusive » est utilisée dans cet ouvrage (Hatier) puisque les titres adoptent simultanément le féminin et le masculin (par exemple : les agriculteur.rice.s). Cette initiative a été saluée par le Haut Conseil à l’Egalité entre les Femmes et les Hommes car elle correspond à ce qu’il préconise en matière de communication non sexiste mais elle a également été vivement critiquée. Au-delà de la polémique, il est toujours intéressant de faire réfléchir les élèves sur la langue et de leur montrer que les règles qui la régissent sont des normes fixées à un moment donné comme le rappelle Eliane Viennot, professeure de littérature française de la Renaissance, dans Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin ! (éditions iXe). Ainsi, jusqu’au XVIIe siècle, l’accord en genre et en nombre se faisait selon la règle de proximité et tous les noms de métiers avaient un féminin si des femmes les pratiquaient. Il est à noter que la plupart des documents émanant de l’ONISEP emploient les noms de professions au féminin et au masculin afin de favoriser des choix plus larges et moins stéréotypés au moment de l’orientation.

Des activités à mener avec les élèves : Analyser des manuels scolaires : le Centre Hubertine Auclert propose sur

son site une grille pour étudier les représentations des femmes et des hommes.https://www.centre-hubertine-auclert.fr/sites/default/files/fichiers/vigie-grille-2014-web-0.pdf

Animer un débat : Pour ou contre la féminisation des noms ?

Pour la préparation de ce débat, des documents peuvent être proposés : un extrait de Femme, j’écris ton nom… Guide d’aide à la féminisation des noms de métiers, titres, grades et fonctions publié par la Documentation française en 1999 et un extrait d’un texte sur le même sujet publié par l’Académie française. Les documents sont disponibles sur les sites internet.

Du nouveau du côté des manuels

scolaires