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ECHOS

2

Les articles signés en ga gent la seu le res pon sa bi li té de leur auteur

Edi teur res pon sa ble: Sara Capelluto151 Av. Stiénon,1090 Bruxel les

Périodique trimestriel d’in for ma tion de la Fé dé ra tion des Amis de la Morale Laï que

151 Av. Stiénon1090 Bruxel lesTél: 024769283Fax: 024769435E - m a i l : [email protected]

Maquette et mise en pageDaniel Leclercq, Béa tri ce Szapu

Morale Laïque est uniquementdisponible par abonnement4 numérosBelgique: 7,44 €Etranger: 9,91 €CEDIL: 068-2030844-79

Avec l’appui du Mi nis tè re de la Com mu nau té Fran çai se

Abonnements et Secrétariat de rédactionMyriam Goossens

Rédactrice en chefSara CapellutoComité de ré dac tionJosé Béclard, Chris tian Du Pré, Maryane Fon du, Jean-Ma rie So-brie, Roger ThirionOnt col la bo ré à ce nu mé ro

Sommaire Dossier Rubriques

2 Humeur

3 Editorial

EDITORIAL

3

ErratumLa chaleur estivale a causé quelques ravages dans le dernier numéro de Morale Laïque...

Ainsi, p3, l’éditorial de Roger Thirion mentionnait un certain Régis Deray. Il s’agissait bien évidemment en réalité de Régis Debray.

L’article de Christian Dupré, “La femme dans la civilistaion cathare occitane” (p8), s’est vu amputer par l’inquisition informatique de toutes ses notes de bas de page. Les voici donc, plus ou moins replacée dans leur contexte.

P8, en parlant de religion cathare, il faut remarquer que le terme « cathare » a été utilisé, à côté d’autres termes (« albigeois », « patarin », « bogomile » ou tout simplement « hérétique »…) par les ennemis, catholiques, de cette religion. Les adeptes de celle-ci se nommaient simplement « chrétiens ».P9, quand l’on utilise l’expression français du nord, il faut garder à l’esprit que jusqu’au milieu du XIIIe siècle, où le comté de Toulouse fut rattaché à la couronne de France, après la destruction impitoyable de toute la civilisa-tion occitane, Français et Occitans étaient deux peuples bien distincts. Aujourd’hui encore, en « pays cathare », on appelle quelquefois « Français » les habitants du Nord de la France.P9, le consolament est un baptême par imposition des mains (comme dans le christianisme primitif) transmis par les Parfaites et les Parfaits dans deux cas : pour l’ordination de nouveaux Parfaits ou de nouvelles Parfaites ou comme « extrême onction » au moment de la mort, assurant ainsi au défunt des chances d’obtenir son Salut.P9, il faut noter que “Parfaits” et “Parfaites” ne sont pas des termes utilisés par les adeptes de la religion « ca-thare » : ceux-ci les appellent plus simplement « Bon Homme » et « Bonne Femme ».P9, le péché n’a pas la même signifi cation que celle des chrétiens majoritaires, la notion de péché en tant que conséquence du péché originel est étrangère à la religion cathare, puisque la corruption des âmes est un phénomène extérieur à la création divine.P10, le melhorament consistait en une salutation respectueuse que les croyants adressaient aux Parfaits et Parfaites dès qu’ils les rencontraient, suivie d’une demande de bénédiction afi n de les « conduire à une bonne fi n ».

Enfi n, l’oubli d’un intetitre page 14 dans l’article “Femmes et société musulmane” pourrait entraîner dans le chef du lecteur une confusion entre femme berbère et femme touarègue. Or, si la femme touarègue est berbère, toutes les berbères ne sont pas touarègues. Dont acte.

La rédaction de Morale Laïque et le Conseil d’Administration de la FAML vous souhaitent

une bonne et heureuse année 2003

Guy Bolle, Marianne Defay, André Liénard, Jean-Luc Robert

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ECHOS

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Les articles signés en ga gent la seu le res pon sa bi li té de leur auteur

Edi teur res pon sa ble: Sara Capelluto151 Av. Stiénon,1090 Bruxel les

Périodique trimestriel d’in for ma tion de la Fé dé ra tion des Amis de la Morale Laï que

151 Av. Stiénon1090 Bruxel lesTél: 024769283Fax: 024769435E - m a i l : [email protected]

Maquette et mise en pageDaniel Leclercq, Béa tri ce Szapu

Morale Laïque est uniquementdisponible par abonnement4 numérosBelgique: 7,44 €Etranger: 9,91 €CEDIL: 068-2030844-79

Avec l’appui du Mi nis tè re de la Com mu nau té Fran çai se

Abonnements et Secrétariat de rédactionMyriam Goossens

Rédactrice en chefSara CapellutoComité de ré dac tionJosé Béclard, Chris tian Du Pré, Maryane Fon du, Jean-Ma rie So-brie, Roger ThirionOnt col la bo ré à ce nu mé ro

Sommaire Dossier Rubriques

2 Humeur

3 Editorial

EDITORIAL

3

Ce que le Conseil central laïque (Unie Vrijzinnige Verennigingen et CAL) appelle la loi sur la reconnaissance de la laïcité est votée (celle qui concrétise l’article 181§2 de la Constitution). Une séance académique solennelle doit,

le 22 octobre 2002, en souligner la portée historique. La FAML, partie prenante de tous les combats laïques, depuis la fi n des années soixante en sera. Elle en sera, logique avec elle-même, fi dèle à l’inspiration de ses fondateurs en 1969, deux mois avant la mise en place du CAL lui-même.

La proximité des dates de fondation des deux mouvements s’explique largement par le contexte de l’époque: la néces-sité urgente d’une relance de la laïcité organisée, alors même que nos relais politiques traditionnels - sans renier explicitement la nécessité de la laïcisation de la société - n’en faisaient plus à l’évidence une priorité. Il s’agissait donc, d’une part, d’assurer au cours de morale non confessionnelle les moyens de sa défense et de sa promotion, d’autre part de doter l’ensemble des mouvements laïques d’un centre de coordination en vue d’une action plus ef-fi cace et plus visible.

A l’occasion du trentième anniversaire de notre Fédération, l’auteur de cette note éditoriale proposait ici même une « petite contribution à l’histoire du cours de morale » et se risquait à émettre cette hypothèse que l’instauration obli-gatoire, inscrite dans la loi (du Pacte scolaire) du cours de morale (et des cours de religion dont le temporel du culte est reconnu) était à la base de deux cultures laïques parallèles au sein de notre mouvance: l’une encore très présente au sein de la Ligue de l’enseignement et de la CGSP qui y voyaient une défaite historique, l’autre qui sans nier cela appréciait une avancée objective, elle aussi: les cours de religion certes donnés dans des bastions laïques ! Le cours de morale enfi n donné dans de fausses écoles offi cielles !

Force nous était cependant de rendre le lecteur sensible à ce fait que ce vieux (ou ce jeune) cours de morale allait largement contribuer à reconstruire à la périphérie des établissements offi ciels, et en appui « logistique » aux maî-tres et aux professeurs, le mouvement laïque lui-même. En veut-on quelques exemples: La Pensée et les Hommes (1961), La Famille heureuse (1962), les Fêtes de la Jeunesse Laïque (1964), la Fondation pour l’assistance morale laïque aux détenus (1964). De fait entre le développement du cours et la restructuration du Mouvement laïque, allait s’instaurer un riche et complexe courant d’échanges et d’infl uences réciproques. Et le choix d’une stratégie: celle d’œuvrer en même temps à la laïcisation de droit et de fait de la société, au sein de laquelle la libre pensée exigeait sa reconnaissance. Exiger de l’Etat son impartialité et sa justice distributive. Ce que stipulent enfi n et l’article 181 §2 et la loi qui le met en œuvre.

Une conquête ? Oui, assurément.

Que nos détracteurs – spécialistes de l’utopie à l’envers, comme nous l’avons déjà écrit – allant jusqu’aux sarcasmes et à l’insulte (n’est-ce pas, généreux amis de « Bruxelles Laïque Echos » ?) se rassurent: la FAML, elle, les laisse à leur arrogante singularité. Et affi rme que si la laïcité des institutions s’est effectivement approfondie dans ce pays, si la libre pensée n’est plus confi dentielle ni marginale, mais toujours dérangeante et heureusement critique, ce n’est pas certainement pas leur œuvre, mais la nôtre, tous ensemble.

Roger Thirion

Une conquête ?

17 Europalia Bulgarie

18 Le quinzième colloque de la laïcité

20 Livres

23 La Hulotte

Débat4 Plaidoyer pour la publicité

7 Las Vegas ou Moscou ?

9 La guerre du voile n’aura pas lieu

12 La Fédération Humaniste Européenne

14 Que fl otte notre drapeau

16 Quelques défnitions de la morale

Laïcité

Echos

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« Ce luxe d’affi ches, d’annonces et de moyens de publication que l’on nomme peut-être in-justement charlatanisme. »

BalzacCésar Birotteau

Depuis qu’elle existe, et sans dis-continuer à travers tout le 20ième

siècle jusqu’aujourd’hui, la publicité suscite en même temps le mépris des esprits éclairés et une forme étrange de peur ou de fascination pour des pouvoirs qu’elle n’a sans doute pas.

Les premières attestations du sens contemporain du mot publicité, on les retrouve bien évidemment chez Balzac. Balzac et Emile de Girardin ont vécu ensemble vers 1835 les toutes premières heures de la publi-cité : l’insertion dans les colonnes de La Presse des fameuses « annonces payées ». Et, tant dans « César Birot-teau » que dans »Les Illusions Per-dues » Balzac met en scène avec brio les rapports qu’entretiennent, depuis leur apparition simultanée, la société marchande, les médias et la publicité d’une part et le pouvoir politique et économique d’autre part.

L’extraordinaire est qu’après Balzac-- qui pourtant avait vu clair laissant la publicité à la place mineure qu’elle occupe – on a vu petit à petit cette dernière se charger dans l’imaginaire collectif d’un pouvoir exorbitant et oc-culte: elle créerait de faux besoins et des comportements nouveaux; elle serait le point de départ et la cause de la société de consommation; elle s’introduirait insidieusement dans l’esprit des gens pour les dévoyer d’eux-mêmes et, suçant littéralement leur être profond, elle les précipiterait tout vides dans l’enfer du « paraître-aussi-riche-que-son-voisin».

Même le très sérieux Robert refl ète cette conception, quand il défi nit la pu-blicité comme : « Le fait, l’art d’exer-cer une action psychologique sur le public à des fi ns commerciales.»

Une « action psychologique », diable, diable, il y a certainement là de quoi s’inquiéter sérieusement: hypnose, inconscient, lavage de cerveau et possession… L’action « psychologi-que » porte de lourdes connotations. Sûrement qu’elle est à la fois puis-sante et mystérieuse, hors contrôle, quasiment magique.

Soyons sérieux.

Et disons tout d’abord, qu’il n’y a pas « la publicité », mais des publicités, comme « la littérature » n’est jamais que la somme des œuvres concrè-tes, qu’elles aient pour but de nous divertir ou de décrire expériences scientifiques et protocoles médi-caux. Les publicités innombrables qui nous amusent ou nous agressent n’ont rien de mystérieux. Il s’agit juste de l’action toute simple du bateleur de marché qui hausse la voix pour attirer l’attention des matrones, puis s’ingénie à les faire sourire pour leur vendre plus facilement poireaux et salades. Personne ne songerait à accuser le bonhomme de tenter de s’emparer de l’esprit de ses clientes, de les faire agir contre leur gré, de les dévoyer…

La publicité est l’écume – vivante, criarde, insupportable ou char-

Plaidoyer pour la publicité…

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mante… – produite par le mode de développement dans lequel notre civilisation s’est installée. Elle n’en est aucunement une cause ou un moteur.

Ce qui ne veut pas dire que la publicité n’a pas d’effet. Bien sûr, qu’elle fait vendre. Il est aujourd’hui impensable de commercialiser en grand sans publicité un produit de consommation courante ou un bien d’équipement standard.

Mais le succès du produit dépendra infi niment moins des campagnes de publicité que de ses qualités « ob-jectives » : prix, positionnement, dis-tribution et qualités fondamentales d’usage.

Les glaces au goût agréable se vendent mieux que les médiocres, fi gurez-vous, et les bics qui écrivent bien, aussi.

Il est vrai qu’entre des produits aux qualités équivalentes, aux circuits de distribution identiques, le « marke-teur » (c’est-à-dire le marchand) cher-chera à créer, au besoin au moyen de qualités extérieures « plaquées », une différenciation positive en faveur de son produit : bics et cassettes sco-laires décorées à l’effi gie de tel ou tel groupe de chanteurs, par exemple, ou d’une marque très connue d’équi-pement sportif, ou d’une marque de jeans… Et, à coups d’une publicité bien ciblée, ledit marchand parvien-dra à imposer chaque année à des mères exaspérées l’achat – plus cher – d’objets scolaires qu’elles jugent hi-deux, mais qui sont exigés par leurs écoliers.

Et cela nous choque. Parce que l’en-seignement est gratuit, qu’il devrait être un lieu d’intégration sociale, qu’il devrait apprendre aux enfants à juger les choses et les gens sur la base de leur valeur intrinsèque, et que la société marchande s’est débrouillée pour ré-introduire, même là, cette dimension du « paraître-plus-ou-au-moins-aussi-riche-que-son-voisin » qui empoisonne la vie de tant de gens.

Serait-ce donc que le Grand Robert avait raison ? Non, bien sûr. Parce qu’il est impossible de pas voir deux choses:

1) La publicité n’est que la part fi nale du mécanisme. La plus visible, cer-tes, puisqu’elle est là pour être vue.

La plus indispensable, peut-être, puisqu’il faut faire désirer ces objets hideux. Mais elle n’est nullement responsable du choix du décor des cassettes et des bics.

2) Tout se passe comme si, en ac-cusant violemment la publicité, en refusant de voir qu’elle pourrait tout aussi bien nous faire désirer des cho-ses belles et bonnes, nous refusions l’insupportable vérité : le monde créé par les Lumières, celui qui nous a donné l’instruction obligatoire et nous a conduits sur la Lune n’est plus en rien régi par les valeurs que l’école s’efforce encore d’entretenir.

On sent le malaise. On se sent de plus en plus mal à l’aise. Mais la remise en question est trop lourde… on refuse de voir la blessure et l’on s’invente un démon extérieur: ce sera donc la pub !

Et pourtant.

La publicité ment … honnêtement !

Le discours publicitaire, que les en-fants dès 3 ou 4 ans reconnaissent parfaitement, est sans doute l’une des formes de discours les plus honnêtes qui soient.

Tout le monde sait qui parle : le fabri-cant-vendeur.

Tout le monde sait dans quel but : faire désirer l’objet.

Tout le monde sait à qui : le destina-taire de la pub est le plus souvent présent dans le message

A partir de ce moment-là, tout le monde sait parfaitement que l’image qui nous sera donnée de l’objet ne sera pas totalement vraie. La publi-cité ment. Tout le monde le sait. Et tout le monde sait comment et pourquoi elle ment. Et ce fai-sant, elle est un

outil formidable pour apprendre aux enfants et aux hommes à se méfi er des discours : « Qui parle ? A qui s’adresse-t-il ? Dans quel but ? »

Quand on a appris à évaluer les arguments avancés par un discours à l’aune de ces trois questions élé-mentaires, on est infi niment mieux armé contre les propagandes de toutes sortes. Et l’on peut certes se défendre contre la publicité !

La publicité est modeste

Elle crie, elle s’affi che, elle interrompt nos fi lms préférés, elles ponctue les informations les plus importantes, elle s’infi ltre partout et se répète jusqu’à nous rendre fous : elle est insuppor-table.

Mais elle suscite malgré tout très souvent un sourire amusé. Et, dans l’ensemble, les jeunes gens sont publiphiles. Peut-être avant tout parce que la pub garde un caractère ludique, parce que malgré toute sa vulgarité elle conserve une élégance suprème : celle de ne pas se prendre au sérieux.

« Ne dites pas à ma mère que je fais de la publicité. Elle me croit pianiste

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dans un bordel » ecrivait Jacques Séguéla comme titre de son premier livre.

« La publicité est l’art d’arrêter l’intel-ligence humaine suffi samment long-temps pour lui soutirer de l’argent. » la défi nissait en souriant Stephen Lea-cock, publicitaire américain (1924).

Les sommes dépensées en campa-gnes médias sont parfois très impor-tantes. Certains publicitaires, comme les frères Saatchi en Angleterre ont amassé des fortune considérables.

Mais ces fortunes restent privées, les slogans restent presque tous anonymes, les publicitaires font cor-rectement leur métier : ils s’effacent en souriant derrière les produits qu’ils défendent.

Comparons ceci avec la prétention généralisée des autres artisans culturels d’aujourd’hui : le moindre chanteur de variétés, l’acteur le moins connu de feuilleton télévisé obscur se dit pénétré de la grandeur de son « art ». Il rêve depuis toujours de faire ce métier. Il y a consacré sa vie. Il mourrait s‘il devait y renoncer. Et les journaux se remplissent des états d’âme, des confessions, et des ébats

de ces « artistes » qui, pour la plupart, ne méritent même pas le beau nom d’artisans.

La publicité joue avec les mots, les idées, les sentiments de l’air du temps comme le faisait Trenet. Avec talent et modestie.

La publicité dit la vérité

« Elle ment, elle ment, tout le monde le sait, et plus elle ment plus elle dit la vérité »

Michel Gheude, in La Publicité dit la vérité, Ed. Quorum, 1997.

Les histoires un peu bêbêtes parfois que nous raconte la pub ne sont pas seulement celles de nos vies quoti-diennes. Derrières leur naïveté, ce sont les mythes de toujours qu’elles mettent en scène pour nous vanter une lessive, les initiations oubliées qu’elles miment pour convaincre les ados de manger du yaourt, ou les grandes peurs ancestrales qu’elles font revivre à propos d’une horrible tache de sang menstruel…Ce n’est pas une voiture qu’achète l’homme d’aujourd’hui, mais « un contact facile » ou « une émotion forte »… En choisissant la bonne

paire de chaussures, pourquoi se refuser de rêver en même temps « un trekking dans les gorges du Gard sur le chemin qu’empruntaient les Ro-mains il y a plus de deux mille ans ». Et cetera, et cetera.

Savez-vous ce qu’il y a de commun entre Peter Pan et la Jetta de Volk-swagen ? Ceci : ils ont l’un et l’autre le pouvoir extraordinaire de se détacher de leur ombre. La Jetta vire plus vite que son ombre. Et c’est l’immortalité joyeuse de Peter Pan qui surgit der-rière le cliché : en se séparant de son ombre, donc de son double, il gagne pour toujours la légèreté de l’enfance et vole dans les étoiles. En Jetta, se-rons-nous immortels ?

Lire la publicité comme le fait Mi-chel Gheude est un régal. A s’offrir d’urgence, sans modération. En remerciant la publicité d’être là pour l’inspirer.

Marianne Defay

... elle n’en n’est pas toujours pour autant aune oeuvre d’art...(Photo: DL)

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Les partisans de la publicité lui attribuent le côté pimpant, joyeux

de nos villes comparé à l’aspect lu-gubre des capitales communistes. La publicité est certes préférable à la propagande mais qu’il vaille mieux voir partout «Enjoy Coca-Cola» que des portraits démesurés du chef de l’Etat ne signifi e pas qu’il faille être dupe ou résigné. Le Nevada doit à Las Vegas d’être celui des Etats amé-ricains où les indicateurs sociaux (dé-linquance, drogue, criminalité, etc...) sont les plus mauvais. Les plus belles villes ne sont d’ailleurs pas celles qui sont défi gurées par les néons et les affi ches publicitaires. Encore ne faut-il pas s’illusionner: les palais de Venise, de Bruges, les édifi ces de la grand-place de Bruxelles, sont oeuvres de commande de commerçants plus soucieux de prestige que d’art.

Le piège de l’artisanTravaillent certainement dans les agences de publicité des gens créa-tifs qui aiment dessiner ou tourner des fi lms. On les devine tout entiers pris par leur tâche comme un chimiste qui met au point un gaz de combat et fi nit par oublier qu’il s’agit d’une arme particulièrement atroce. La meilleure publicité n’est pas la plus esthétisante ou la plus digne mais celle qui fera le plus vendre, fût-elle vulgaire ou racoleuse.

Rien ne dit que le publiciste achète les marques dont il fait la promotion. Il n’est donc pas convaincu par ses

propres arguments. Le mot «argu-ments» ne convient pas. Ce n’est pas à la raison que s’adressent les publicistes mais au coeur, au ventre ou au bas-ventre selon la règle des 3 B: un bébé, une belle, une bête. Le détachement du publiciste peut aller jusqu’au cynisme: le 21 juillet 2002, sur Europe I, entre 15 et 16 heures, Jacques Segala ne cachait pas qu’en 1981, il avait été l’auteur des affi ches des 3 principaux candidats aux pré-sidentielles, Mitterand, Chirac et Giscard d’Estaing. En Belgique aussi, la même agence aurait fait la propa-gande des socialistes et des libéraux. Le publiciste vote-t-il pour le candidat dont il tente de convaincre les autres de lui accorder leurs suffrages? Pour qui Segala a-t-il voté?

La publicité, utile ou futile ?Utile au producteur? «Bien souvent... le coût de la publicité dépasse le mon-tant des recettes supplémentaires qu’elle procure...(elle) a uniquement pour effet de modifi er la répartition des achats...sans avoir d’infl uence sur le volume total des ventes,..., son intérêt est sans doute capital pour chacun des fabricants...mais il est nul pour l’ensemble des fabricants...et, à fortiori, pour la société globale.» (1)Utile au consommateur? «La publicité paraît être un facteur de cherté» (2) Les voitures notamment coûteraient des milliers de francs de moins sans les campagnes publicitaires. Le con-sommateur paye donc la publicité qui l’a incité à acheter.

Las Vegas ou Moscou ?

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LAICITE

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Ce n’est qu’au publiciste que la publicité est utile. Comme l’agent immobilier qui affirme au vendeur et à l’acheteur qu’ils n’auraient pu réaliser meilleure affaire, «à l’an-nonceur, le publiciste dira ... que la publicité permet de vendre plus cher tandis qu’il affi rmera au public qu’elle rend possible (une) diminution des prix.»(3)

Effi cace, la publicité ?Auprès des enfants certainement et il n’est pas normal que les émissions qui leur sont destinées et devant lesquelles ils sont souvent laissés seuls soient entrelardées de spots publicitaires qu’ils connaissent vite par coeur.

Les adultes se défendent en zappant ou d’une autre manière. Des em-ployés d’une compagnie distributrice d’eau qui s’étaient demandé pourquoi il y avait de temps en temps une forte hausse de la consommation compri-rent le jour où ils emmenèrent sur leur lieu de travail un téléviseur pour suivre une rencontre de football. A la mi-temps, ils allèrent aux toilettes et constatèrent que des milliers de per-sonnes en avaient fait autant, pendant donc les annonces publicitaire.

Qui resterait au cinéma si les publici-tés passaient non avant mais après le fi lm? Même les pro-publicité s’esqui-veraient. Le fait qu’on paye une entrée plus de deux cents francs devrait nous éviter ce «bourrage de crâne»..

Il suffi t d’être à l’étranger et de voir des publicités qu’on ne connaît pas pour se rendre compte de leur inanité. Il suffi t de montrer à des étudiants du secondaire une cassette pour qu’ils éclatent de rire devant d’anciennes publicités. Sorties de leur pays, sor-ties de leur époque, elles étalent leur bêtise.

Que des publicités soient bien faites comme certains fi lms de propagande nazie, voilà qui les rend encore plus dangereuses surtout quand elles vantent des produits inutiles ou nui-sibles.

Envahissante en tous cas ! « ... (une) centaine de messages ... chaque jour ...» (4) La publicité est partout.

Sur les ondes. Elle nous est épargnée sur les radios d’Etat (RTB ou France-inter) mais pourquoi ces mêmes ins-tituts l’ont-ils depuis quelques années laissé envahir leurs programmes de télévision? Seule chez nous, la chaîne

culturelle franco-allemande Arte fait exception. D’autres pays ont mieux défendu leur service public comme l’Angleterre et son exemplaire BBC. La Flandre qu’on dit chrétienne et droitière résiste mieux aussi aux si-rènes de la publicité que la Wallonie qui aime se croire progressiste et de gauche. Il semble d’ailleurs que plus une chaîne recoure à la publicité et plus ses programmes soient médio-cres. Ce ne sont pas les recettes publicitaires qui permettent d’amélio-rer la qualité des programmes mais la médiocrité de ceux-ci qui assure d’importantes rentrées publicitaires. La déception est grande aussi de voir un comédien qu’on apprécie se compromettre, on n’ose dire «se prostituer», dans une publicité pour une marque de café ou de spaghetti. Dès lors qu’il paye une redevance assez élevée, le téléspectateur est en droit d’exiger que les chaînes publiques ne le gavent pas de spots. Il existe bien des chaînes qu’on ne capte qu’en payant un abonnement: les programmes y commencent à l’heure et ne sont pas interrompus par des annonces publicitaires.

Dans la presse écrite. Le tiers des pa-ges du Vif l’Express vante les mérites de l’un ou l’autre produit, souvent de luxe. Il est assez facile d’échapper à ce matraquage en tournant les pa-ges alors que devant sa télévision, on doit attendre. Les journaux les plus infl uents ne sacrifi ent guère à la publicité: le Monde n’en fait que peu, le Canard enchaîné, l’hebdomadaire le plus craint en France, n’en fait pas du tout et n’est pas non plus inféodé à un parti politique.

Dans nos boîtes à lettres, combien de kilos de papier chaque année? Certaines publicités sont imprimées sur du papier glacé et recourent à la photographie en couleurs. Quelques rares citoyens mettent maintenant un avis «pas de publicité».

Dans les transports en commun, sur les fl ancs et à l’intérieur des bus et des trams, jusque dans les rues, c’est-à-dire dans l’espace public et souvent en anglais. Les affi ches sont dispo-sées là où les automobilistes doivent s’arrêter. La technique permet mainte-nant qu’elles se succèdent et l’on sait que l’oeil est attiré par le mouvement. Impossible aux feux rouges de zapper ou de tourner la page.

Dans les stades et halls sportifs. Les commerçants locaux qui sont solli-cités par des clubs amateurs pour mettre leur publicité reconnaissent en privé que c’est à contre-coeur qu’ils acceptent par peur de perdre

des clients. En sport professionnel, l’hypocrisie atteint des sommets. Nul ne prétendra que les sporrtifs doivent encourager la consommation de ta-bac et d’alcool. Comment expliquer alors que le championnat de football en Belgique soit la Ligue Jupiler, que le Grand Prix de F1 de Spa pourrait disparaître parce que la loi interdit la publicité pour le tabac et que les ciga-rettiers comptent parmi ses principaux sponsors? Un de nos «décideurs» eut alors cette phrase: «sans le tabac et l’alcool, pas de sport professionnel possible.»

Et pourtant...La publicité est parfois souhaitable. Qu’un autocariste inscrive sur les flancs de ses cars les renseigne-ments le concernant, qu’un boulanger qui s’installe se fasse connaître, quoi de plus légitime? Qu’un propriétaire de cinéma intègre à une séance des extraits des prochains films, les spectateurs seraient déçus qu’il ne le fasse pas. Publicité prend ici tout son sens: rendre public, faire connaî-tre au public.

Ce sont les excès qui sont condam-nables et quelques psychologues et sociologues se sont déshonorés en aidant les publicistes à mieux nous manipuler. Est-ce par ailleurs le rôle des écoles d’ouvrir des options «pu-blicité» pudiquement baptisées «arts appliqués» ou autrement? A ce petit jeu, les écoles catholiques ne sont pas en reste. Jésus, reviens chasser les marchands du temple.

Entre propagande et publicité, les citoyens-consommateurs pourraient s’écrier: «Nous voulons bien de la nation mais pas du nationalisme,..., de la communauté mais pas du com-munisme; nous ne demandons qu’à acquérir la liberté économique mais nous voudrions bien garder la liberté de penser.» (..)

Ni Moscou ni Las Vegas! Bruges, Venise ou Prague mais en toute lucidité.

Jean-Marie Sobrie

(1) (2) Encyclopédie Universalis, volume 15, Paris 1985, p.428. (3) ibidem, p426.(4) Armand Dayan, La Publicité, Que sais-je?, n°274, Paris 1998, p11.(5) Jean Grenier, Essai sur l’esprit d’orthodoxie, nrf idées, n°134, p.163.

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Le jeudi 19 septembre 2002, le Gouvernement de la Communauté

française a renvoyé sine die le dos-sier relatif au port du voile islamique à l’école.

« Le Soir » du 20 septembre souli-gnait, non sans raison, que l’ordre du jour du Conseil des ministres était pourtant « singulièrement ouvert »: « port de signes distinctifs à conno-tation religieuse, idéologique ou philo-sophique en milieu scolaire: état de la question ». C’était, en effet, non sans pertinence, replacer la problématique du foulard (ou voile) islamique dans le contexte plus général de l’ensemble des signes extérieurs d’appartenance au sein de l’école publique. En vain, cependant.

Si le Centre pour l’égalité des chances suivait Hasquin (autorisation balisée), le Conseil d’Etat s’était, lui, déclaré incompétent. Et Pierre Hazette main-tenait son point de vue (interdiction). Il apparaît, par ailleurs, qu’au PS un principe de prudence, par rapport à un « dossier mal engagé, en un moment mal choisi » (Le Soir du 20 septem-bre) ait prévalu, et que chez ECOLO l’on ne soit pas allé beaucoup plus loin que de souhaiter une position de « tolérance »... Après une réunion houleuse, paraît-il, mais « enrichis-sante », le seul accord obtenu fut de reconnaître que l’affaire méritait d’être approfondie, et pour ce faire d’être ajournée sine die... II n’y aura ni circulaire, ni nouveauté législative: ce qui veut dire que chaque pouvoir

organisateur continuera, par la voie de son règlement d’ordre intérieur, à autoriser ou non le port du voile au sein de l’établissement.

Une vieille affaire pourtantL’affaire du voile a éclaté dans l’Hexa-gone, durant l’année scolaire 88-89 et eut une première et rapide « ré-plique » en Belgique durant l’année scolaire suivante, dès la rentrée.

L’AML-Molenbeek suivit de très près les événements, puisque aussi bien la « réplique » éclata dans la paisible petite école secondaire de la com-mune: l’Institut technique Edmond Machtens, un établissement impec-cablement tenu et qui pouvait être fi er de son travail pédagogique et social. L’auteur de cet article a sous les yeux la « note de travail » que la « Commis-sion libre examen » de l’association avait établie à ce propos à l’intention des Autorités communales, scolaires, laïques.

Le règlement d’ordre intérieur était clair: tout couvre-chef était interdit à l’intérieur de l’école, ainsi que tout signe ostentatoire d’appartenance philosophique, religieuse, politique. Règlement remis en cause, depuis le début de l’année scolaire par une étudiante récemment inscrite en Ter-minale... bientôt suivie par plusieurs dizaines de jeunes fi lles, appuyées par la Mosquée du Cinquantenaire. Résultats: cours déstabilisés, agi-

La guerre du voile n’aura pas lieu

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tation intérieure et extérieure des milieux intégristes d’une part, des fascistes du Front national d’autre part. Toute l’année scolaire sera ainsi affectée par une agitation quasi permanente - porteuse aussi de re-vendications de plus en plus transpa-rentes et insupportables, remettant en cause les cours de gymnastique, de natation, de sciences. La directrice fi t face avec courage, ainsi qu’une bonne part du personnel qui reçurent l’appui de l’AML et de la section locale de la CGSP-Enseignement.

Ces deux instances mirent à la dis-position du pouvoir organisateur et de l’école en diffi culté des personna-lités d’origine marocaine, ouvertes et éclairées, proches de leur sensibilité, qui s’efforcèrent d’ouvrir un dialogue constructif avec les adolescentes. Ironie de certaines évolutions: l’ITEM a disparu depuis quelques années, sacrifi é sur l’autel des fusions onke-linxiennes. Il forme aujourd’hui une des entités de l’Athénée royal «Serge Creuz», celui-là même que Pierre Hazette visitait le 21 janvier 2002...Au terme de sa visite, il déclarait au « Soir »: « Personnellement, je pense qu’on ira vers l’interdiction du port du voile ». Le lecteur aura compris que la résistance laïque de l’ITEM avait cédé au cours de la fusion.

La neutralité positiveAu sein des idées forces que nous mettions en avant dans notre « note de travail » se trouvait déjà celle de la « neutralité positive »: cette laïcité à la belge (dont le Centre « Pierre Bayle » a étudié récemment la « lon-gue marche »). Ses textes fonda-teurs? les circulaires Larock, Janne, la Résolution sur la neutralité de la Commission du Pacte scolaire, du 8 mai 1963: objectivité scientifi que des exposés, recherche de la vérité.

« Le maître ne doit pas se croire contraint en raison de sa neutralité de passer sous silence ou négliger les problèmes qui touchent à la vie inté-rieure de l’homme, à ses convictions politiques ou philosophiques, à ses croyances », condamnation du pro-sélytisme, philosophique, religieux ou politique, mais aussi ENGAGEMENT: « L’école neutre, dans un climat positif fonde son enseignement sur l’accep-tation de la diversité reconnue des idées (...) l’ouverture d’esprit à la plu-ralité des valeurs (...) à la tolérance, à l’édifi cation d’un monde meilleur (...) elle prône « le sens de la solidarité humaine, le désir de justice sociale, le refus des excès totalitaires, le respect de la liberté, l’attachement à l’idéal dé-mocratique ». Nous rappelions aussi que cette même Résolution défi nissait

également le contenu philosophique du cours de « morale non confession-nelle » et autorisait le titulaire- comme celui d’un cours de religion- à s’EN-GAGER, « à exprimer avec mesure sa propre conviction et les fondements de celle-ci ».

En 1989, l’espace pédagogique et phi-losophique de l’école neutre, redes-siné en 1963, avait déjà eu le temps de se concrétiser, de se transformer progressivement en fait culturel.

D’une part un espace objectivement laïc ( au sens institutionnel du terme, « républicain » dirions-nous) fondé sur l’objectivité scientifi que, sans tabou, sans censure, pluraliste, susceptible de « neutraliser » toute passion par-tisane, identitaire, sectaire, avec- et c’est sa particularité- en son sein des cours « engagés », mais dont les titu-laires sont invités à « construire leur enseignement positivement en évitant la critique des positions exprimées dans l’autre cours ».

Mais d’autres modifi cations culturelles devaient, à nos yeux, être également prises en compte: le Mouvement ly-céen, né des événements de Mai 68 (et qui, en Belgique, devait culminer dans le mouvement de protestation contre VDB, au début des années 70) ainsi que le syndicalisme étu-

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diant, lesquels, à des degrés divers, avaient conquis de libertés au sein de l’espace scolaire.

Nous souhaitions que celles-ci aussi redessinent le cadre pédagogique et le pluralisme au sein de l’Institut secondaire. Et ce jusqu’à considérer que le port discret, non ostentatoire d’un signe d’appartenance était en-visageable, tout comme l’adhésion claire à des objectifs humanitaires (comme Amnesty) ou politiques au sens noble (comme ceux de la Ligue des Droits de l’homme) ou antiracistes (c’était l’époque du port du badge: « Touche pas à mon pote »)

Le décret de 1994: ses avan-cés, ses limites, son douteux pédagogismeIl est l’œuvre du Parlement de la Com-munauté française. S’il reprend pour l’essentiel les idées forces de la Réso-lution, il développe considérablement l’engagement de l’école dans un sens « neutraliste » pourrait-on dire, en in-tégrant explicitement dans sa doctrine la défense et la promotion des droits de l’Homme et de l’Enfant. Mais il va plus loin: prenant en compte, comme

nous le faisions à l’occasion des inci-dents de l’ITEM, l’évolution culturelle post-68 des écoles secondaires, il accorde aux adolescents le droit de « s’exprimer librement sur toute ques-tion d’intérêt scolaire ou relative aux droits de l’homme ».

Si le tabou de la politique est ainsi défi nitivement pulvérisé, le législateur n’en ignore pas pour autant le risque pratique, puisque cette accession à une manière de citoyenneté lycéenne doit s’exprimer dans le « respect du règlement d’ordre intérieur des écoles ».Il ajoute: « La liberté de manifester sa religion ou ses convic-tions et la liberté d’association et de réunion sont soumises aux mêmes conditions ».

Le lecteur aura compris que le risque- évident- des dérives en ces matières est donc à assumer par les directions d’école et leurs équipes! Cédant au pédagogisme fort dans l’air du temps (les mouvements de 90 avaient laissé des souvenirs), le Décret précise: il (le titulaire) veille à ce que sous son autorité ne se développe ni le prosé-lytisme religieux ou philosophique ni le militantisme politique organisé par ou pour les élèves.

Une position laïque ?Dans une motion interne au Mouve-ment laïque, la FAML face à la prise de position du CAL s’alignant ni plus ni moins sur le projet Hasquin d’une autorisation balisée du port du voile a regretté que cette instance n’ait pas jugé opportun de consulter au préala-ble des directions et des enseignants laïques sur la faisabilité de ses pro-clamations faciles et confortables, abstraites et solennelles:

« La liberté doit primer sur l’interdit » se contentant de préciser - marque de son hésitation? - que ces signes (ex-térieurs d’appartenance) ne peuvent constituer « dans un contexte déter-miné un instrument de prosélytisme, de discrimination ou précisément de manifestation d’un refus de pluralité de la société et de non-respect d’un patrimoine commun partagé par l’ensemble des citoyens » procla-mant ainsi une chose et tolérant de manière aventuriste (peut-on sérieu-sement ignorer l’histoire récente: Val-Duchesse, les grèves de 90, de 96, le désarroi des profs, l’anomie de beau-coup de lycéens, bref le réel de nos écoles secondaires ?) son contraire:

à savoir l’ouverture de nos écoles au communautarisme identitaire dont plus personne n’ignore qu’il est la source évidente du fanatisme et de la violence.

Oui: c est effectivement l’espace commun de l’école publique trans-cendant les appartenances et les différences qu’il s’agit de défendre et de promouvoir. Le Bureau de la FAML le soulignait encore dans un commu-niqué de presse, le 22 mai dernier qui s’insurgeait en ordre principal contre le coup de force médiatique de Hasquin et de Nollet concernant les « ateliers philosophiques » (une stratégie visant à terme la disparition des « cours philosophiques » grâce à une astuce institutionnelle) et qui fut impeccablement et effi cacement relayé par la presse et « Le Soir » en particulier sous la plume de Christian Laporte: « Les Amis de la morale laï-que mettent en garde les défenseurs de l’école publique: par ces mesures l’on rabotera les budgets, mais on tuera aussi le pluralisme qui faisait sa richesse, puisque, à terme, les cours de morale et de religion seraient aussi remplacés par des cours de philo. Au passage, ils décochent un trait en direction du gouvernement franco-phone qui met à mal la neutralité de l’enseignement offi ciel en annonçant une certaine tolérance pour le voile islamique. »

Le 17 juin, le Conseil d’administration de la FAML reprenait à son compte à l’unanimité la position du Bureau, d’autant plus qu’entre-temps le CAL s’était contenté - dans le galimatias rapporté plus haut - de s’aligner sur la proposition Hasquin.

Dans un communiqué de presse, il allait jusqu’à lancer cette fois un « appel solennel à toutes les forces vives de la laïcité militante, de ter-rain, à tous les mandataires publics attachés à la neutralité de notre en-seignement pour qu’ils inversent -tant qu’il en est temps- une politique qui sous couvert de modernité ruine une conquête historique de la laïcité des institutions. »

Roger Thirion

Les photos illustrant cet article proviennet du livre “Bruxelles multiculturelle” coédité par Bruxelles Laïque, Labor et Espace de libertés

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La Fédération Humaniste Européenne (FHE)

La FHE regroupe de nombreuses associations laïques réparties

dans la plupart des pays européens dont plusieurs d’Europe centrale. Toutes développent des actions dans de nombreux domaines de la vie as-sociative allant de la coopération au développement à l’organisation de cérémonies civiles, en passant par la représentation des “ non-croyants ” et la défense de la laïcité de la société.

La FHE bénéficie du statut d’association internationale de droit belge. Son siège social et son se-crétariat sont situés à Bruxelles. Les deux langues de travail sont l’anglais et le français.

La FHE est gérée par un Conseil d’administration dont les membres sont élus pour un terme de trois ans par l’assemblée générale constituée des associations membres. Sa com-position est reprise sur le site web de la fédération.

Les grandes orientations reposent tout d’abord sur les moyens de faire pénétrer davantage dans les diverses institutions européennes les principes de laïcité et d’humanisme qui sont les garants de la cohabitation har-monieuse de populations de cultures différentes.

Le deuxième important volet de l’action consiste à aider les as-sociations laïques d’Europe à leur participation au développement de la construction européenne.

A titre d’exemple, la «Charte des Droits fondamentaux» a retenu toute notre attention.

La FHE (en collaboration avec le Conseil central laïque de Belgique) a fait part de sa position au Présidium chargé de la rédaction du projet de Charte, mais également auprès des associations membres en attirant leur attention sur des aspects stratégiques du point de vue de la laïcité. La FHE est intervenue au cours de plusieurs auditions publiques durant la prépa-ration de la Charte des droits fonda-mentaux.La FHE s’est montrée particulière-ment attentive à plusieurs aspects de l’évolution de l’Union européenne dont les questions liées à la citoyen-neté et à la non discrimination entre les personnes. Elle a développé des prises de position humanistes et laïques sur des questions comme les Droits de l’Homme, l’éthique, la coopération au développement, les libertés, les principes démocratiques, la citoyenneté ou encore la séparation des Eglises et de l’Etat.

Ces documents sont disponibles sur le site internet de la FHE: www.humanism.be

La FHE est l’interlocuteur humaniste auprès de la Cellule des Conseill-ers politiques auprès du président de la Commission européenne. Elle est régulièrement invitée au Comité d’experts de la Commission européenne dans les matières de

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bioéthique. La FHE est attentive aux travaux du Conseil de l’Europe, par-ticulièrement en ce qui concerne les Droits de l’Homme et les questions de bioéthique..

Plusieurs groupes de travail con-stitués soit par des associations membres soit auprès du secrétariat général préparent les prises de posi-tion humanistes sur de nombreuses questions: les Droits de l’Homme, l’éthique, la coopération au développement, les libertés, les principes démocratiques, la citoyenneté ou encore la séparation des Églises et de l’État.

La Fédération Humaniste Européenne a publié un mémorandum à la prési-dence de l’Union européenne qui concerne notamment les relations Églises- UE, et la future Constitution de l’UE.

On a appris par la presse la posi-tion de la commission des évêques européens (Comece) qui revendique d’inscrire dans le préambule d’un fu-tur traité constitutionnel la référence à dieu et à la transcendance. Il faut rappeler leur tentative avortée de faire inscrire la référence à «l’héritage re-ligieux» dans le préambule de la charte européenne des droits fon-damentaux

La FHE est intervenue auprès de la Convention «Pour l’avenir de l’Europe» pour refuser l’exigence de mentionner dieu et la transcendance dans la future constitution européenne

et signaler que les églises ne sont pas des représentants des citoyens, au contraire de ce que revendique la Comece.

L’affaire n’est pas passée inaperçue puisque l’agence Europe en fait men-tion dans un communiqué de presse qui précise:

La Fédération humaniste européenne demande à la Convention d’éviter toute discrimination entre les convic-tions religieuses et philosophiques. Elle s’oppose à toute référence, dans le texte du futur traité constitutionnel, à dieu ou à la tradition religieuse du continent. Rappeler un héritage religieux pour fonder l’Europe, c’est oublier que les religions ont été et sont encore un facteur de divisions des populations, vecteurs d’intolérance au nom d’une vérité que chacune se dit seule à détenir, souligne la FHE en se référant aux guerres de religion.

En séance plénière de la Conven-tion, au Parlement européen le 25 juin 2002, le rapporteur de ce groupe s’est donc trouvé contraint de men-tionner explicitement la position de la FHE et son rapport ne reprend pas les exigences des évêques catholiques.

On le constate, la défense des princi-pes de la laïcité est plus que jamais indispensable au niveau de l’UE et la création de la FHE a bien répondu à ce besoin

Georges C. LiénardSecrétaire général

FHECampus de la Plaine ULB, CP 237Avenue Arnaud Fraiteur, B-1050 Bruxelles Tél: +32 (0) 26 27 68 90. Fax: 32 (0) 26 27 68 01email: [email protected] web: www.humanism.be

Page d’accueil du site de la FHE

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Que fl otte notre drapeau !

Tout laïque, Membre d’A.M.L., re-connaît aisément notre emblème,

mais il est très peu connu au dehors de nos sections. Si les étendards nationaux et syndicaux sont très re-connaissables car brandis en maintes circonstances, notre fl ambeau est en-core souvent ignoré.

Il ne fl otte pas, ou très rarement, à Bruxelles sur nos deux bâtiments ex-clusivement laïques que sont le CAL à la plaine universitaire et sur la ré-gionale de Bruxelles. Sa symbolique humaniste et progressiste est mécon-nue parfois même par nos amis.

Quand on fait remarquer la discrétion de son apparition sur les bâtiments de nos institutions, il est répondu qu’on ne voit pas cet affi chage laïque d’un très bon œil. La cause en serait la perte éventuelle de quelques inscrip-tions à l’U.L.B ou à la V.U.B.

Il me semble que dans ce qui devrait être le temple du libre examen, il serait souhaitable qu’à l’inscription le candidat soit informé de ce principe fondamental aux études et aussi quant aux valeurs de tolérance, de liberté et de solidarité que défend notre symbole laïque.

Si le fait de laisser fl otter notre dra-peau sur notre bâtiment dérange un récipiendaire, je pense sincèrement que ce dernier devrait renoncer à recevoir un quelconque certifi cat de nos Universités Libres non confes-sionnelles.A la Régionale, c’est la pollution et les

vents violents qui causent problèmes et dépenses Enfi n partout, notre refus du prosélytisme nous inviterait à cette discrétion.

Notre drapeau n’est pas souvent présent dans les manifestations publiques qui défendent cependant certaines de nos valeurs.

S’il était en nombre la dernière fois lors de l’opposition à la montée de l’extrême droite en Autriche, il a été souvent absent ailleurs en d’autres circonstances.

Il va de soi que notre drapeau ne peut soutenir toutes les causes et qu’une réfl exion certaine doit être à la base de la participation laïque à des manifestations par trop politisées par la « particratie » ou syndicalisme sectoriel..

L’individualisme de nos partisans refuse le grégarisme autant que l’anonymat de la foule. Cependant, la participation à certaines démonstra-tions de masse contre l’exclusion, la lenteur de la Justice, pour les droits des femmes, pour le vote des citoy-ens dits « hors communauté », pour l’euthanasie, etc.… ne trahirait pas nos idéaux..

On rétorquera que l’on ne peut mobi-liser chaque fois tout le monde et pour tout, c’est très exact.

Je rappelle que la visualisation de la présence laïque dans la cité est une priorité exprimée par les associa-

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tions locales de Bruxelles Capitale. Que d’aucuns, ailleurs, doivent avoir la même soif de visibilité.

Notre symbole est, lui, uniformément unique. Il représente cependant toutes les diversités de notre mouvement.

Je me demande alors si notre drapeau ne devrait pas être personnalisé par une inscription mentionnant le nom de l’association, sous le flambeau rassembleur. Cela éviterait d’y asso-cier ceux qui trouveraient sa présence inopportune et voudraient garder leur indépendance..

Ainsi chaque section, association locale, pourrait, sous la responsa-bilité des Administrateurs locaux, être représentée là où elle le sou-haiterait. La distinction de la section indiquée sur notre drapeau emblème, n’entraînerait pas l’adhésion incondi-tionnelle de tous.

Dans les manifestations, les sympa-thisants sauraient où se regrouper sans devoir se joindre à d’autres groupements dans lesquels ils ne se reconnaissent pas toujours entière-ment.

Je sais également que jamais on ne verra des sections bruxelloises en-tières manifester en province, ni les provinciaux à Bruxelles, s’il ne s’agit pas d’une mobilisation nationale et préparée de longue date.

Cependant, je suis parfois frustré de ne pouvoir me joindre à certaines manifestations, car souvent je ne saurais derrière quel emblème défi ler aucune section laïque n’étant signalée par ce qui devrait être le signe visible de sa présence et de sa caution.

N’a-t-on pas entendu certains met-tre en cause l’emploi du fl ambeau comme emblème ? La réflexion est-elle démesurée par rapport au problème ?

Il y a certes d’autres priorités, mais il me semble que la Laïcité aurait peut-être à se montrer plus souvent dans la cité

Les communautés d’origine étrangère ne manquent pas, elles, d’agiter leurs couleurs, ne fût-ce que lors d’une vic-toire sportive. Les communautés re-ligieuses en font autant lors de leurs sorties pieuses ou folkloriques alors que nous restons timorés de crainte de déranger.

Notre drapeau est comme les autres un symbole, un signe de reconnais-sance et de rassemblement.

Il n’a jamais été levé, lui, contre au-cun humain, mais bien pour servir les combats pour plus de liberté et de dignité. Il n’y aucune honte à le faire fl otter, au contraire.

Nous n’avons pas à le cacher mais à le faire connaître et à le brandir partout où nous sommes et cela au bénéfi ce de toute notre différence.

Guy Bolle

Le seul fl ambeau visible sur les bâtiments qui abritent Bruxelles Laïque...Photo DL

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Toute la moralité de nos actions est dans le jugement que nous en portons nous-mêmes. S’il est vrai que le

bien soit bien, il doit l’être au fond de nos coeurs comme dans nos oeuvres et le premier prix de la justice est de sentir qu’on la pratique. Si la bonté morale est conforme à notre nature, l’homme ne saurait être sain d’esprit ni bien constitué qu’autant qu’il est bon. Si elle ne l’est pas et que l’homme soit méchant naturellement, il ne peut cesser de l’être sans se corrompre et la bonté n’est en lui qu’un vice contre nature. Fait pour nuire à ses semblables comme le loup pour égorger sa proie, un homme humain serait un animal aussi dépravé qu’un loup pitoyable et la vertu seule nous laisserait des remords. (...)

Il est donc au fond de nos âmes un principe inné de justice et de vertu sur lequel, malgré nos propres maxi-mes, nous jugeons nos actions et celles d’autrui comme bonnes ou mauvaises et c’est à ce principe que je donne le nom de conscience.(...)

Les actes de la conscience ne sont pas des jugements mais des sentiments; quoique toutes nos idées nous viennent du dehors, les sentiments qui les apprécient sont au dedans de nous et c’est par eux seuls que nous connaissons la convenance ou disconvenance qui existe entre nous et les choses que nous devons rechercher ou fuir.

Exister, pour nous, c’est sentir; notre sensibilité est in-contestablement antérieure à notre intelligence et nous avons eu des sentiments avant des idées....Connaître le bien, ce n’est pas l’aimer; l’homme n’en a pas la connais-sance innée mais sitôt que sa raison le lui fait connaître, sa conscience le porte à l’aimer; c’est ce sentiment qui est inné.

Je ne crois donc pas, mon ami, qu’il soit impossible d’expliquer par des conséquences de notre nature le principe immédiat de la conscience indépendant de la raison même et quand cela serait impossible, encore ne serait-il pas nécessaire car puisque ceux qui nient ce principe admis et reconnu par tout le genre humain ne prouvent point qu’il n’existe pas mais se contentent de l’affi rmer, quand nous affi rmons qu’il existe, nous som-mes tout aussi bien fondés qu’eux et nous avons de plus le témoignage intérieur et la voix de la conscience qui dépose pour elle-même. Si les premières lueurs du jugement nous éblouissent et confondent d’abord les objets à nos regards, attendons que nos faibles yeux se rouvrent, se raffermissent et bientôt nous reverrons ces mêmes objets aux lumières de la raison tels que nous les montrait d’abord la nature ou plutôt, soyons plus simples et moins vains; bornons-nous aux premiers sentiments que nous trouvons en nous-mêmes puisque c’est toujours à eux que l’étude nous ramène quand elle ne nous a point égarés.(....)

Conscience, conscience! instinct divin, immortelle et céleste voix, guide assuré d’un être ignorant et borné mais intelligent et libre, juge infaillible du bien et du mal qui rends l’homme semblable à Dieu, c’est toi qui fais l’excellence de sa nature et la moralité de ses actions; sans toi; sans toi, je ne sens rien en moi qui m’élève au dessus des bêtes que le triste privilège de m’égarer d’erreurs en erreurs à l’aide d’un entendement sans règle et d’une raison sans principe.

JJ Rousseau, Emile, La Pléiade, tome IV, 1969, p595 à 601.

Rousseau: le coeur avant la raison

Quelques défi nitions de la morale (1)

Je viens de lire ces mots dans une déclamation en quatorze volumes, intitulée Histoire du Bas-Empire: « Les chrétiens avaient une morale

mais les païens n’en avaient point.»

Ah! monsieur Le Beau, auteur de ces quatorze volumes, où avez-vous pris cette sottise? Eh! qu’est-ce donc que la morale de Socrate, de Zaleucus, de Charondas, de Cicéron, d’Epictète, de Marc-Antonin?Il n’y a qu’une morale, monsieur Le Beau, comme il n’y a qu’une géométrie. Mais, me dira-t-on, la plus grande partie des hommes ignore la géométrie. Oui; mais dès qu’on s’y applique un peu, tout le monde est d’accord. Les agriculteurs, les manoeuvres, les artistes n’ont point fait de cours de morale; ils n’ont lu ni de Finibus de Cicéron ni les Ethiques d’Aristote mais sitôt qu’ils réfl échissent, ils sont sans le savoir les disciples de cicéron: le teinturier indien, le berger tartare et le matelot d’Angleterre connaissent le juste et l’injuste. Confucius n’a point inventé un système de morale comme on bâtit un système de physique. Il l’a trouvé dans le coeur de tous les hommes.

Cette morale était dans le coeur du préteur Festus quand les Juifs le pressèrent de faire mourir Paul qui avait amené des étrangers dans leur temple. «Sachez, leur dit-il, que jamais les Romains ne condamnent personne sans l’entendre.»

Si les Juifs manquaient de morale ou manquaient à la morale, les Romains la connaissaient et lui rendaient gloire.

La morale n’est point dans la superstition, elle n’est point dans les cérémonies, elle n’a rien de commun avec les dogmes. On ne peut trop répéter que tous les dogmes sont différents et que la morale est la même chez tous les hommes qui font usage de leur raison. La morale vient donc de Dieu comme la lumière. Nos superstitions ne sont que ténèbres. Lecteur, réfl échissez: étendez cette vérité; tirez vos conséquences.

Voltaire, Dictionnaire philosophique Garnier-Flammarion n°28, Paris

Voltaire: la raison avant le coeur

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Jusqu’au 5 janvier 2003, le Palais des Beaux Arts de Bruxelles nous montre une exposition de très haut

niveau, un Europalia comme on n’en avait plus vu depuis longtemps. Entre Occident et Orient, cet empire qui s’est étendu du 7e millénaire avant J.C. jusqu’au IVe siècle de notre ère, des Carpathes à l’Asie Mineure, connut une civilisation riche, sophistiquée, raffi née tant économique-ment que socialement et culturellement.

L’exposition qui tente de retracer la vie menée par les Thraces durant un millénaire, regorge de splendides œuvres venues essentiellement de mobilier funéraire d’or et d’argent émanant de fouilles récentes dans ces tumili que l’on aperçoit partout dans le paysage bulgare dont certains sont classés patrimoine mondial protégé par l’UNESCO. Avec une maîtrise incomparable de simplicité et de raffi nement, des objets en terre cuite, or et argent, des bronzes, verres, armes et cuirasses illustrent la vie quotidienne des Thraces mais aussi des Grecs qui y in-stallèrent leurs colonies et des Romains qui l’intégrèrent à leur empire attirés par la multitude de minerais, bois, blé, bétails et esclaves transitant par ces régions.

Peuple mythique qui vit la naissance d’Arès, dieu de la guerre et d’Orphée, père de la musique, les Thraces n’avaient pas d’écriture propre : toutes les informations que nous avons proviennent de la tradition historio-graphique, philosophique, mythologique et littéraire des anciens Grecs et de certains poètes romains comme Ovide, Auguste ou Virgile.

De souche indo-européenne, ce peuple multiethnique de chasseurs et d’éleveurs était belliqueux, brave et farouche : ses soldats étaient reconnus parmi les meil-leurs de la Méditerranée. Colonisée au VIIe siècle par les Grecs, la Thrace fut conquise vers 513/512 par les Perses. Athénienne en 470/460 malgré une partie restée indépendante sous la dynastie des Odrysses, elle passera sous la domination romaine entre 168 et 133 av J.C. Tour à tour ottomane, slave, bulgare elle sera divisée entre Bulgarie, Grèce et Turquie au traité de Constantinople en 1913. La partie attribuée à la Bulgarie fut perdue et reprise, reperdue et défi nitivement retrouvée en 1974 au traité de Paris.

Pays de légendes, ‘la Thrace est le Pays des choses tues, pensées ou devinées’… à voir absolument toutes affaires cessantes ces ors qui lancent leurs mille feux… ‘est du grand Art !

Sara Capelluto

L’or des Thraces

Phalère (applique, élément d’une armure) du Trésor de Letnitza, Ar-gent et dorure, diam. 5cm, moitié du 4ème siècle avant J.C, musée d’Histoire de Lovech

Coupe du Trésor de Kazichene (Sofi a), or, H. 14,5 cm, diam. 24 cm, poids 1050 g, 7ème siècle avant J.C., musée National d’Histoire de Sofi a

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De fait, c’est du succès, dans les années quatre-vingts, des conférences-débats coorganisées par les AML de

Bruxelles-Ouest (entre autres celle d’Albert Jacquard, à Ganshoren celle de Jacques Testart, à Molenbeek) qu’est née l’idée de leur donner une audience plus large: d’en faire le « Colloque de la laïcité bruxelloise ».

L’aventure commença en 1988, à l’initiative du professeur Charles Susanne, et ce fut l’année suivante, un immense succès. Le sujet des travaux de la journée, dans les locaux de la VUB, campus de la plaine: l’euthanasie, et le soir, en « grande conférence », Léon Schwartzenberg (lequel allait sympathiser fortement avec les organisateurs au point de participer des années durant aux travaux du colloque bruxellois)

L’élan était donné , la formule trouvée: rassembler les bonnes volontés AML, mais aussi la Ligue de l’enseignement, la FAML, le CEDIL, Bruxelles Laïque, consacrer un numéro de Morale Laïque à l’événement, publier les actes du colloque dans la Pensée et les Hom-mes, choisir le « directeur scientifi que » du colloque dans le corps professoral de l’ULB.

Que de problèmes « sociétaux », comme on dit, abordés par le « colloque »: l’immigration, la crise de l’enseignement, la bioéthique, les exclusions, les ma-nipulations médiatiques, les religions et la violence, l’environnement. la mondialisation, et quelques autres ! Que de souvenirs ! Haroun Tazieff qui se trompe de sujet ! Gisèle Halimi qui refuse de traiter celui du jour pour parler de la guerre du Golfe, le Karreveld bourré à telle enseigne que celles et ceux qui ne trouvent pas de place -même debout- n’étaient pas loin de l’émeute: nous avions Jacques Gaillot à notre tribune...

Des déconvenues aussi bien sûr: inhérentes aux modifi -cations culturelles du public et du mouvement associatif lui-même.

Cela dit, le « colloque » reste une réussite intellectuelle avec des moyens matériels modestes, mais sagement gérés, et, à l’évidence des ressources humaines trop limitées (le militantisme, l’esprit de suite ne sont guère des habitudes culturelles répandues dans notre « mou-vance »).

Il reste cependant un moment rare et précieux de libre examen sans complaisance, authentique, radical, néces-saire.

Sa quinzième édition, sous la direction scientifi que du professeur Jacques Nagels promet d’être rigoureuse, équilibrée et passionnante sur le thème:

Privatisations ou solidarité Les services publics en sursis ?

Approches fonctionnelle et historique de la question, sa confrontation avec la problématique de la mondialisation, la vision de la Commission européenne, l’exemple positif de l’ONSS, un secteur public au niveau fédéral (Copernic) et en Communauté française, sont au programme.

Et qui sait ? Le soir, Philippe Moureaux, l’hôte généreux du colloque depuis de nombreuses années en discutera avec Daniel Ducarme…

Le 15 mars 2003, au KARREVELD, 3 Avenue Jean de la Hoese, à Molenbeek.

A ne manquer sous aucun prétexte : un grand cru se prépare !

Roger Thirion

Le quinzième colloque de la laïcité

Le programme du colloque est donné sous réserveRenseignements: 02/502.98.58.

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Matinée

Histoire et fonction du service public en Belgique

Introduction générale J. Nagels 9 : 30Histoire et dérives potentielles A. Morelli

ULB10 : 00

Fonctions du service public: intérêt général versus intérêt privé

J. MattijsCoordonnateur DESMAP / ULB

10 : 30

Discussion 11 : 00Pause-café 11 : 15

Secteur public et mondialisation

L’action publique face à la mondialisation R. LauferHEC - Paris

11 : 30

Vision de la Commission européenne sur la privatisation O. PilleyFonctionnaire à la Commission

12 : 00

Discussion 12 : 30Déjeuner 13 : 00

Après-midi

Quelque cas

Un secteur non-marchand performant: l’ONSS P. Van Der VorstAdministrateur général de l’ONSS

Prof ULB

14 : 00

Mercantilisation de l’enseignement et de la culture G. de Sélys 14 : 30La poste en Belgique A. Drumaux

Administrateur de la PosteProf ULB

15 : 00

Discussion 15 : 30Pause-café 16 : 00

La réforme du secteur public

Copernic Un membre du cabinet Vanden Bosche 16 : 30Réforme administrative de la Communauté française A. Lenaerts

INEMAP / ULB17 : 00

Discussion 17 : 30

Soirée

Grand débat entre Daniel Ducarme (MR) et Philippe Moureaux (PS) 20 : 00

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Lorsque, dans le cadre d’un confl it armé, une

puissance belligérante oc-cupe un pays vaincu, elle y trouve généralement des gens disposés, pour différentes motivations, à collaborer avec elle. Mais qu’elle vienne à son tour à être vaincue et ces « col-laborateurs », considérés comme traîtres par leurs compatriotes, seront jugés et condamnés sans que personne y trouve à redire.

C’est ce qui s’est passé à l’issue du dernier confl it

mondial dans tous les pays qui furent occupés par l’un ou l’autre des états fi nalement vaincus. Tous, sauf la Belgique, en tout cas pour sa partie fl amande. Si le collaborateur wallon fut généralement associé à une « crapule », beau-coup, en Flandre, considérèrent qu’il ne devait pas en aller de même pour la majorité des fl amands coupables de mêmes faits mais qui n’avaient, eux, agi que par pur idéalisme, et qui furent durement condamnés par un État belge qu’ils ne reconnaissaient pas et qui n’avait jamais cessé de les brimer. Bref, ces « traîtres » ne l’étaient pas à l’égard de la Flandre et il convenait de le reconnaître en les amnistiant.

Plus d’un demi-siècle s’est écoulé depuis, les acteurs deviennent vieux, s’ils n’ont pas déjà disparu, et pour-tant, cette revendication n’a jamais cessé d’être portée par le mouvement fl amand et d’empoisonner les rela-tions entre les deux communautés. C’est comme si on ne devait jamais pouvoir en terminer avec cette histoire: la Seconde Guerre mondiale n’en fi nit pas de rebondir en Belgique ! Dans les livres, à la télévision, au Parlement : la collaboration et la répression soulèvent toujours et en-core débats, crispations, oppositions. Côté francophone, on oppose l’image d’une Flandre collaboratrice à celle d’une Wallonie résistante. En face, c’est la répression qui est mise en exergue : celle dont ont été victimes de mal-heureux idéalistes durement sanctionnés par un pouvoir francophone qui, pour s’être toujours refusé à entendre leurs revendications légitimes, les avait en quelque sorte poussés dans les bras d’un occupant leur prêtant une oreille plus attentive.

On n’est pas loin de la caricature ! Aussi était-il temps de livrer au public francophone un dossier d’ensemble qui tente de faire le point sur les faits du passé, mais aussi sur leur interprétation et leur réception, car l’image opère souvent avec plus d’effi cacité que la réalité. C’est ce que fait ce livre qui, sous la direction de José Gotovitch et Chantal Kesteloot, dresse, en neuf chapitres rédigés par des historiens parmi les meilleurs spécialistes, Flamands,

Wallons, Bruxellois, un tableau -exhaustif et objectif- de ce que furent la collaboration et la répression en Belgique. Collaboration francophone, collaboration en Flandre, répression en Wallonie et en Flandre, collaboration économique (la doctrine Galopin du « moindre mal » !), la perception de la collaboration fl amande en Wallonie et à Bruxelles, l’amnistie … sont les principaux thèmes abordés et autant d’occasions, pour la plupart, de tordre le cou à bien des clichés, de quoi nourrir une réfl exion raisonnée, passionnante, mais non passionnée. Et aussi de mettre en évidence cet élément d’espoir que constitue, en Flandre, l’émergence d’une nouvelle attitude à l’égard de la collaboration et de la répression, telle qu’elle s’exprime au sein du groupe Voorwaarts, et qui permet d’affi rmer que certaines pages sont aujourd’hui tournées : la question de l’amnistie, telle qu’elle a pu, longtemps, empoisonner le débat politique, semble ap-partenir défi nitivement au passé. Et s’il n’y a pas encore eu de consensus au sein de la classe politique fl amande pour condamner la collaboration, au moins la question fait-elle aujourd’hui l’objet d’un débat serein auquel les auteurs de ce livre, tous historiens, ont voulu apporter leur contribution scientifi que mais aussi citoyenne.

José Béclard

Ont contribué à cet ouvrage écrit par des chercheurs appartenant aux deux communautés linguistiques sous la direction de José GOTOVITCH, directeur du CEGES et professeur à l’ULB, et de Chantal KESTELOOT, docteur en histoire de L’ULB, chercheuse au CEGES et collaboratrice scientifi que à l’ULB : Francis BALACE, titulaire de la chaire d’Histoire contemporaine à l’Université de Liège, Marnix BEYEN, chargé de recher-ches au Fonds de la Recherche scientifi que (FWO-Vlaanderen), associé au département d’Histoire de la KUL, Alain Colignon, licencié-agrégé de l’Université de Liège et chercheur au CEGES, Bruno DE WEVER, chargé de cours à l’unité d’histoire contemporaine de l’Université de Gand, Jaap KRUITHOF, professeur émérite de l’Université de Gand et actuellement professeur de Sociologie de musique au Conservatoire royal d’Anvers, Dirk LUYTEN, chercheur au CEGES il a étudié l’histoire et le droit social à la VUB, Frans-Jos VERDOODT, docteur en Philosophie et Lettres (histoire contemporaine, directeur de l’ADVN (Archief- Documentatie- en Onderzoekscentrum, Anvers).

Collaboration, répressionUn passé qui résiste

sous la direction de José Gotovitch et Chantal Kesteloot

Editions Labor / Collection La Noria

La bible dévoilée

Sciences et religions n’ont pas toujours fait

bon ménage et ce n’est pas un euphémisme que de l’affi rmer. Le sort réservé par l’Eglise catholique à des savants comme Vésale, Copernic et bien d’autres encore est révéla-teur à cet égard.

Un nouvel affrontement avec le monde chrétien vi-ent d’être déclenché. Les résultats de recherches en matière d’archéologie met-tent, en effet, à mal un des fondements du christian-

isme, à savoir la Bible.

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Pour paraphraser Prévert, le jour

vient de se lever sur la campagne électorale de Belgique… Déjà le doux gazouillis des ministrables vient charmer nos oreilles ! C’est le moment où jamais de lire ce livre pour tout citoyen soucieux de comprendre ce qu’est la dure vie de ministre en Belgique !

Fort d’une expérience de trois années comme directeur de cabinet, l’auteur tente d’ouvrir la

« boîte noire » pour mettre à nu les mécanismes de la conquête du pouvoir, les stratégies de carrière, la diver-sité des réseaux d’infl uence, les rapports de force entre ministres, les méandres de la décision, les blessures de l’orgueil, les frustrations, toutes réalités observées de l’intérieur, décrites sans complaisance.

Alain Eraly a voulu avant tout faire œuvre de sociologue et son ouvrage n’est en rien un récit personnel, même s’il est inspiré par des expériences vécues. Il ne traite pas du monde politique en général mais essentiellement du pouvoir ministériel. Pour cela, il a également recueilli le témoignage d’une soixantaine d’acteurs politiques afi n de dresser un portrait sans fard, mais non sans empathie, de ce pouvoir qui enchaîne les ministres. Il analyse les contraintes qui pèsent sur eux, qui façonnent leur mode de vie et même leur personnalité, démontrant au passage qu’il s’agit avant tout d’une histoire d’amour et qu’un ac-teur politique n’a d’autre choix que de chercher à se faire a.i.m.e.r. ! Chaque lettre de ce mot –qui revient comme un fi l conducteur tout au long de l’exposé- correspondant en effet à une ressource stratégique visant à accumuler et contrôler les ressources du pouvoir politique :

A pour ressources d’Adhésion interneI pour ressources InterpersonnellesM pour ressources MédiatiquesE pour ressources d’Enracinement localR pour ressources de Représentation. L’objectif annoncé de l’auteur était de s’interroger sur l’exercice du pouvoir en Belgique, dans un univers d’institutions complexes, de réseaux d’interdépendance mouvants, d’entrelacements d’intérêt et de surveillance médiatique. Les divers tableaux qu’il trace de cette réalité politique n’incitent peut-être guère à l’optimisme, et sans doute eût-il fallu souligner plus nettement l’enthousiasme

Le pouvoir enchaîné Être ministre en Belgique

Alain Eraly

Editions Labor / Collection La Noria

La discipline précitée se réfère non seulement aux sources écrites qui, de préférence, doivent se recouper mais aussi au travail sur le terrain. Le recours à des microscopes de plus en plus perfectionnés et à des analyses chimiquesdonne des résultats étonnants.

On sait, grâce à l’utilisation du carbone 14, dater avec une précision certes relative, des pierres, des tessons de verre, des fragments de tissus. . La technique précitée permit notamment de démasquer l’imposture du suaire de Turin.

L’analyse des éléments contenus dans les différentes couches de sol aide à localiser, par exemple, le site d’une bataille et de la situer dans le temps. Le fait d’y trouver quantité de particules de bois brûlé, de fer, de bronze. peut s’avérer déterminant.

Dans leur ouvrage « La Bible dévoilée » édité par Ba-yard, Israël Finkelstein qui dirige l’Institut d’archéologie de l’université de Tel-Aviv et Neil Asher Silberman, directeur historique au Ename Center for Public Archaeology and Héritage égrainent les aberrations historiques contenues dans la Bible et elles ne manquent pas.Limitons-nous aux exemples les plus parlants. Une ana-lyse de la chronologie biblique permet de situer le départ de la tribu d’Abraham pour Canaan aux alentours de 2100 ans av. J.C. or l’archéologie prouve qu’aucun mou-vement subit et massif de population ne s’est produit à cette époque. L’histoire de ce même patriarche est pleine de chameaux, par troupeaux entiers. Il est cependant dé-montré que cet animal ne commença à être couramment employé que plus d’un millénaire plus tard.

L’histoire de l’exode d’Egypte sous le commandement de Moïse ne résiste pas non plus aux analyses approfondies. Aucune trace de passage d’une population importante àtravers le Sinaï. On a, en revanche, retrouvé tout un ré-seau de forteresses égyptiennes toutes distantes l’une de l’autre d’un jour de marche. Impossible militairement parlant pour le peuple du même Moïse d’emprunter une telle voie. Dans le même registre, la ville de Jéricho lo-calisée avec certitude n’a jamais été protégée par des remparts.

Jérusalem ne bénéfi ciait pas du rayonnement que nous décrit la Bible. Les fouilles les plus poussées n’ont pas permis de retrouver les vestiges d’un temple antérieur à celui d’Hérode.

Arrêtons là le massacre. Deux questions méritent dès lors d’être posées. Quand cet ouvrage a-t-il été écrit ? L’essentiel l’a été sous le règne du roi Josias (7ème siècle av. J.C.) afi n de servir de fondement idéologique à des ambitions politiques et à des réformes religieuses particulières.

Pourquoi ne pas avoir dénoncé cela plus tôt ? Tout simple-ment parce que les découvertes ont été trop longtemps analysées à la lumière des récits bibliques. Autrement dit, l’archéologie au service de la religion.

L’inversion de la démarche changera encore beaucoupd’idées reçues.

Jean-Luc Robert

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LA HULOTTE

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Ces livres choisis pour un large public visent plus par-ticulièrement ceux qui souhaitent se former, les ensei-gnants qui pourront les utiliser dans leur métier. 2002 voit déjà en circulation :

‘Graines suspectes : Les aliments transgéniques, une menace pour les moins nantis‘ du généticien des plantes et militant associatif Robert Ali Brac de la Perrière et du journaliste Franck Seuret.

‘Le commerce de la faim: La sécurité alimentaire sacrifi ée à l’autel du libre échange‘ du spécialiste britannique en question d’environnement et des sujets concernant le développement du tiers monde John Madeley.‘Mondialisation fi nancière et terrorisme : La donne a-t-elle changé depuis le 11 septembre ?‘ par René Passet, pro-fesseur d’économie à l’Université Paris VII, et le journaliste Jean Liberman.

‘Encore un siècle américain ? Les Etats Unis et le monde au XXIe siècle’ par Nicholas Guyatt qui prépare actuelle-ment un doctorat en histoire à l’Université américane de Princeton.

Pour 2003, on nous annonce un ouvrage sur ‘l’eau dans le monde’ à l’initiative de la Tunisie, ‘la propriété intellectuelle’ qui viendra d’un auteur indien et ‘la violence humaine’ promue par la Suisse. Une collection, une expérience à suivre !

S.C.

et le talent des acteurs, leur passion de la chose publique, leur désir sincère de changer la vie, l’énergie folle qu’ils déploient. Mais c’est en tout cas leur dignité d’acteur que ce livre cherche à leur rendre, c’est-à-dire aussi bien leurs vraies dimensions : la précarité de leur pou-voir, l’impuissance qu’ils cherchent à dissimuler sous la grandeur des desseins, la dureté de leur vie, et parfois leur médiocrité, leur petitesse ou leur vanité.

Avec une conclusion en demi teinte : « Reconnaître la précarité du pouvoir politique, c’est renoncer une fois pour toutes à la logique du bouc émissaire comme au lyrisme des grands desseins, et c’est peut-être faire route vers une démocratie plus réaliste et plus réfl exive. Pour l’heure, il n’est pas sûr qu’on ait pris cette direction. ».

José Béclard

Alain Eraly est actuellement directeur de l’Institut de Sociologie de l’Université libre de Bruxelles. Professeur de sociologie et de gestion, spécialiste de management public, il a publié des ouvrages portant sur la sociologie des organisations et la communication. Pendant trois années, il a assumé la fonction de directeur de cabinet à la Région bruxelloise.

Cette collection qui regroupe douze éditeurs francoph-ones indépendants sis en Belgique, Bénin, Camer-

oun, Canada, Côte d’Ivoire, France, Guinée, Mali, Maroc, Suisse et Tunisie, s’essaye à une expérience pionnière de commerce équitable rassemblant des essais sur les différents défi s liés à la mondialisation : commerce inter-national, ressource naturelles, défi s climatiques, rapports Nord-Sud, identités culturelles...

Si les titres d’auteurs originaires du monde entier sont choisis, lus et relus à l’unanimité par les douze éditeurs, ils sont traduits et mis en page au Canada et imprimés en une seule édition en Tunisie avant d’être distribués simultanément dans les différents pays concernés à des prix d’édition et de vente estimés au prorata du pouvoir d’achat des lecteurs de ces contrées. Dans un premier temps quatre titres paraîtront chaque année dans le cadre d’Enjeux Planète avec un tirage global par titre de 10.000 exemplaires. Ils existeront aussi en langue anglaise dans la série ‘Global Issue’ mais, au Brésil, les éditions Vozes se propose de les publier en portugais. Certains titres sont aussi en cours de traduction en arabe, chinois, espagnol, japonais, et différentes langues européennes pour initier une collection mondiale qui ne sera pas due à la concen-tration fi nancière qui frappe le monde de l’édition mais à un véritable partenariat international solidaire.

Enjeux Planète :Une collection mondiale pour une

autre mondialisation

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De tout temps, les gouvernants, même tout-puissants, même absolus, et à fortiori ceux des pays démocra-

tiques, ont cru devoir justifi er leurs actes infâmes par des motifs éthiques. Ce fut le cas pour les conquêtes, les massacres, pour toutes les sanglantes injustices dont l’histoire est prodigue. C’est encore le cas aujourd’hui.

Mais il existe, entre le présent et le passé, une différence. Dans le temps, les raisons, toutes scandaleuses qu’elles puissent nous apparaître, étaient souvent invoquées avec une parfaite sincérité et elles étaient acceptées comme telles par la conscience générale. Il en fut ainsi de l’extermination des « païens », des « Sarrasins » et autres « hérétiques », lors des croisades ; de l’autodafé des « sorcières » ou de l’évangélisation forcée des peu-ples colonisés. Chacun était persuadé que ces actes contribuaient à servir le seul et vrai Dieu. Tout au plus, arriva-t-il parfois que de rares individus protestent contre la rigueur des moyens utilisés.

Il n’en est plus de même aujourd’hui. A moins de naïveté impénitente, qui croit encore aux justifi cations avancées pour mettre à feu et à sang l’Irak, la Serbie, l’Afghanistan, victimes de bombardements humanitaires, au nom soi-disant de la défense des droits de l’homme et des valeurs démocratiques, alors que, simultanément, la commun-auté internationale a laissé se perpétrer le génocide de près d’un million d’êtres humains au Rwanda ? Chaque citoyen, conscient et un tant soit peu informé, sait que, de nos jours, le seul motif des exactions des puissants contre les faibles est le service d’un autre dieu, tout aussi exigeant : le Profi t. Ce qui détermine le destin des états, c’est le seul intérêt économique que représentent les ressources que sont le pétrole, le gaz naturel, les matières premières, jugées vitales pour les économies des pays du Nord .

Aussi me paraît-il indécent que notre classe politique nous prenne pour des imbéciles en voulant nous per-suader que la fourniture de mitrailleuses au Népal est un acte hautement moral en vue de porter secours à une « jeune démocratie » en péril. Qu’il me soit permis d’imaginer le discours que nos dirigeants devraient tenir s’ils avaient le courage d’assumer leur machiavélisme.

La Belgique, ou plus précisément, la Wallonie, est un excellent fabricant d’armes légères. Nos fusils-mitrail-leurs, notamment, se sont acquis, dans presque toutes les armées du monde, une fl atteuse réputation d’effi cacité meurtrière. Nos mitrailleuses aussi, semble-t-il. Si l’on fabrique des armes, ce n’est pas pour servir à orner la panoplie de quelques collectionneurs acharnés. Il faut donc les vendre à des états. Et quelle est l’occasion rêvée où un pays risque de devenir un excellent client ? C’est, bien sûr, quand il doit faire face à une guerre: son besoin d’armement se trouve soudain accru dans des proportions inespérées. Le Népal est dans ce cas. Il ap-précie nos mitrailleuses et il en a un besoin urgent pour exterminer la guérilla maoïste. Vendons-les lui !

Mais, disent certains nostalgiques des droits de l’homme, le Népal n’est pas un état démocratique ! Le roi y a mis

le Parlement et le gouvernement en congé illimité et les élections y ont été ajournées sine die; on y pratique des arrestations arbitraires, des exécutions sommaires, la torture; le niveau de vie y est très bas ; l’analphabétisme y sévit à plus de soixante-dix pour-cents… ; et ces dé-plorables conditions ont entraîné la révolte d’une partie non négligeable de la population : une guérilla maoïste qui compte plus de 40 000 combattants y est soutenue par deux millions de sympathisants.

Certes, tout cela est vrai. Mais devons-nous pour autant négliger un marché aussi prometteur ? Si nous refusons de fournir aux maîtres actuels du Népal, nos concurrents s’en chargeront ! Et puis enfi n, quel est ce scrupule soudain ? Qui a trouvé à redire au fait que depuis une bonne décennie, le plus gros client de la F.N. soit l’Arabie Saoudite, cette vieille théocratie médiévale où on lapide à mort les femmes adultères ? Foin d’état d’âme, pardi ! Soyons donc pragmatiques et mettons-nous une fois pour toutes dans la tête ce précepte: la poudre à canon n’a pas d’odeur. Quiconque fabrique des armes les vend à qui veut les acheter.

Voilà le discours que j’aurais préféré entendre pour justifi er l’injustifi able. A tout prendre, le cynisme est préférable à la forfaiture morale.

La Hulotte

Des bombardements humanitaires aux mitrailleuses démocratiques...

« L’homme n’est ni ange ni bête ; et le malheur est que qui veut faire l’ange, fait la bête »

(Blaise Pascal, Pensées)

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